Ad Astra, conçu avec Serge Laget et publié en 2009 par un éditeur disparu peu après, n’a pas vraiment eu sa chance. D’abord passé inaperçu, ce jeu n’est qu’ensuite devenu un succès d’estime, dont les rares boites se revendaient assez cher – je le sais, j’ai dû m’en procurer une ou deux quand j’ai voulu en recycler le matériel pour travailler avec Serge sur une nouvelle version. Du coup, nous sommes très contents qu’un autre éditeur, Grand Gamers Guild, ait décidé de lui donner une deuxième chance sous une nouvelle étiquette, The Artemis Odyssey, qui en fait un peu la suite de l’excellent The Artemis Project de Daryl Chow et Daniel Rocchi – et tant pis si la référence mythologique devient un peu bizarre quand il n’est plus question de coloniser la lune mais d’explorer des planètes plus lointainse.
Pour ceux qui connaissaient la première édition, Ad Astra, disons que The Artemis Odyssey est un jeu plus dynamique, notamment grâce à des tours plus brefs et des déplacements plus rapides, avec un matériel moins sombre et donc plus lisible. Il se joue désormais de 1 à 5 joueurs, et même par équipe à 6 ou 8.
Pour ceux, les plus nombreux sans doute, qui ne connaissaient pas Ad Astra, ou ne le connaissaient que de nom, voici donc une petite présentation de The Artemis Odyssey:
La toute première partie du tout premier prototype, il y a longtemps.
Cela fait bien longtemps que je n’ai pas ressorti ma vieille boite des Colons de Catan, mais dans les années 2000, lorsque Serge et moi avons commencé à réfléchir à ce qui allait devenir Ad Astra, puis The Artemis Odyssey, c’était encore un grand classique que nous pratiquions à l’occasion. Le système de production et d’exploitation des ressources de notre jeu est emprunté à Catan, mais nous avons voulu faire un jeu qui ne soit pas dépendant, comme l’est celui de Klaus Teuber, des jets de dés et de la géographie. Situer l’action dans l’espace nous a permis d’éliminer les situations de blocage assez fréquentes sur le continent catanien, et de donner du coup aux joueurs de plus larges choix stratégiques. Rendre la production de ressources dépendante des choix des joueurs permet d’éliminer la plus grande part du hasard, le fait que ces choix soient faits avec des cartes jouées faces cachés introduisant en revanche un peu de bluff et de psychologie, évitant de ce fait que cela ne devienne trop calculatoire. Tout cela fait de The Artemis Odyssey une sorte de Catan peut-être un peu plus complexe, mais surtout moins scripté, plus varié, plus tactique, plus dynamique – et dans l’espace, mais je ne suis pas sûr que cela change grand chose.
Financé via Kickstarter fin 2021, The Artemis Odyssey arrivera en boutique à l’été 2023. L’éditeur de la version française ayant refusé de me laisser faire la traduction, comme je le raconte dans un autre post, je conseille plutôt l’achat de l’édition originale, en anglais. Voici d’ailleurs la traduction des règles et cartes que j’avais réalisée et dont l’éditeur n’a pas voulu.
The Artemis Odyssey Un jeu de Serge Laget et Bruno Faidutti Illustré par Cristian Romero 1 à 5 joueurs – 45 minutes Publié par Grand Gamers Guild Boardgamegeek
Ad Astra was designed with Serge Laget and published in 2009 by a publisher who went out of business soon afterwards. The game went first unnoticed, and later became much sought after, to the point that the few available copies sold at a high price – I know it firsthand, since I had to buy one or two in order to recycle their components in the new version Serge and I were working on. We are therefore really happy that a new publisher, Grand Gamers Guild, decided to give it a second chance under a new name, The Artemis Odyssey. Our game has indeed become a kind of follow-up to The Artemis Project, a great « worker placement » game by Daryl Chow and Daniel Rocchi – and never mind if the mythologiocal reference becomes a bit strange when the game is no more about colonizing the moon but about exploring far away planets.
If you’ve already played Ad Astra, you only need to know that The Artemis Odyssey is more dynamic, mostly due to shorter game rounds and faster movement. It has a brighter color palette and therefore more readable components. The game now plays from 1 to 5, and there’s even team rules for 6 or 8.
An unfortunate accident during the playtests of the new version.
If you’re not familiar with Ad Astra, or only by name, here’s a short description of The Artemis Odyssey.
I’ve not opened my old copy of Settlers of Catan for years but in the early 2000, when Serge and I started to think of what would become Ad Astra, and then The Artemis Odyssey, it was a classic that we regularly played. We really liked the resource production and development system from Klaus Teuber’s game but wanted to make something less dependent on dice rolls and geography. Moving the action into deep space prevents the blockade situations which are my main issue with Catan.Having resource production decided by the players makes the game less random, and having cards played face down brings a bit of bluff and psychology, and prevents the system from becoming a brain burner. The Artemis Odyssey might be slightly more complex than Catan, but it is mostly less scripted, more varied, more tactical, more dynamic – and in space, but I’m not sure it matters that much.
The Artemis Odyssey was financed on Kickstarter in late 2021, and will be in store in the summer of 2023.
The Artemis Odyssey A game by Serge Laget et Bruno Faidutti Art par Cristian Romero 1 to 5 players – 45 minutes Published by Grand Gamers Guild Boardgamegeek
Grrrre games venant d’annoncer une version française de The Artemis Odyssey, je voudrais encourager les joueurs à attendre plutôt la version originale en anglais, qui devrait être publiée aux États-Unis par the Great Gamers Guild, plus ou moins à la même date.
The Artemis Odyssey reprend largement les mécanismes de Ad Astra, un jeu de gestion et d’expansion conçu il y a longtemps déjà avec mon ami Serge Laget. Nous avions signé il y a cinq ou six and déjà un contrat pour cette nouvelle version avec un éditeur américain. Tout s’est parfaitement bien passé avec The Great Gamers Guild, qui a développé le jeu en étroite collaboration avec Serge et moi. Les règles du jeu publié aux États-Unis sont, à quelques corrections mineures près, celle que j’ai rédigées.
J’ai été un peu surpris d’apprendre que Grrrre games, un éditeur que j’avais bloqué sur les réseaux sociaux suite à des propos d’assez mauvais goût, allait s’occuper de la « localisation » de ce jeu. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, j’ai aussitôt, comme je le fais habituellement, traduit les règles en français. Après que Serge avait validé ma traduction, je l’ai transmise à Grrrre games. J’ai été très surpris de recevoir une réponse dans laquelle Florian Grenier, de Grrrre games, annonçait qu’il ne souhaitait pas utiliser cette traduction et m’envoyait la sienne, visiblement faite à la hache et à la va-vite. On y trouvait tout ce qui manquait à la mienne, mot à mot, anglicismes, lourdeurs, fautes de grammaire et de syntaxe, redondances, adverbes et même phrases inutiles.
J’ai tenté de raisonner M. Grenier, et nous avons même eu une brève conversation téléphonique. Je lui ai demandé, s’il ne voulait pas utiliser ma traduction des règles, de retirer au moins mon nom des règles françaises, ce qu’il a également refusé. J’ai raccroché lorsqu’il m’a expliqué que son contrat n’étant pas avec les auteurs mais avec l’éditeur américain, je n’étais pas concerné et il pouvait faire ce qu’il voulait.
Serge, qui avait de meilleures relations avec M. Grenier, pensait encore pouvoir arranger les choses. Il a essayé quelques temps, puis sa santé a commencé à se dégrader et il n’a plus vraiment pu s’en occuper.
Je n’ai plus aucune relation avec M. Grenier, et ne souhaite pas en avoir. J’imagine que les règles de la version française de The Artemis Odyssey ont été quelque peu relues et corrigées depuis la version ridicule et incompréhensible qu’il m’avait envoyée, mais ne les ayant pas vues, je ne peux en être certain. Quand bien même elles seraient claires et en bon français, il n’est pas normal que je n’aie pas pu rédiger la version française d’un texte dont j’avais assez largement écrit l’original anglais.
Je traiterai donc l’édition française de The Artemis Odyssey comme M. Grenier traite les auteurs de jeux, surtout lorsqu’ils sont vieux, par le mépris. Je ne répondrai pas aux éventuelles questions de règles la concernant, je ne dédicacerai pas les boîtes françaises, et j’invite les joueurs à se procurer plutôt l’édition américaine. En cas de besoin, voici la traduction des règles et des cartes que j’avais réalisée et dont l’éditeur n’a pas voulu.
Grrrre games has just announced that they will soon publish a French version of The Artemis Odyssey. I urge French speaking players to rather get the US edition, which ought to be published more or less at the same time in the US by The Great Gamers Guild.
The Artemis Odyssey is based on an older expansion and development game designed with my late friend Serge Laget. Five or six years ago, we had signed a contract for this new edition with an American publisher, The Great Gamers Guild. They did a great job developing the game in collaboration with Serge and me. The rules in the English language edition are, with some minor corrections, the ones I had written.
I was surprised to learn that Grrrre Games, a publisher I had blocked on social networks after a few posts of really bad taste, was in charge of the French language localization. I nevertheless decided to make the best of it and, as I always do, I translated the rules in French. After Serge had proofread my rules, I sent it to Grrrre games. I was extremely surprised by the answer by Florian Grenier, the boss of Grrrre games. He wrote that he didn’t plan to use my translation, and was sending another one, obviously hastily written. His translation had all that mine was missing – anglicisms, ponderousness, grammar and syntax errors, redundancies and pointless adverbs.
I tried to reason with Mr Grenier, and we even had a short phone conversation. I hung up when he explained that his contract was not with the designers but with the US publisher, and that he therefore could do as he wished.
Serge, having better relations with Mr Grenier, still hoped to fix things. He tried for a while, but then his health started to deteriorate and he gave up.
I have no more relations with Mr Grenier, and I don’t want to. I guess the rules in the French version of The Artemis Odyssey have been proofread and improved since the ridiculous and catastrophic version I have read. Even if they are now well written, it is no correct that I have not been allowed to write the French version of an English text I had, for the most part, written.
I will therefore deal with the French edition of The Artemis Odyssey as Mr Grenier deals with game designers, especially old ones – I will from now on ignore it. I won’t answer rules questions about it, I won’t sign copies of the game in French, and I urge players to rather get the English language version.
Citadelles est, de tous mes jeux, celui qui se vend le mieux. Je le sais, mon banquier le sait, et surtout les éditeurs le savent qui, régulièrement, me demandent si je n’aurais pas dans un coin « un autre Citadelles ». Ce n’est pas toujours ce que j’ai le plus envie de faire mais, de temps en temps, je m’y essaie.
Aux Pierres du Dragon et, surtout, L’Ambition des Rois, sont des tentatives de recréer les mêmes sensations qu’à Citadelles à l’aide de mécanismes différents. À deux joueurs, je pense d’ailleurs que l’Ambition des Rois est un bien meilleur jeu.
J’ai aussi tenté d’exploiter le système de choix des personnages qui est au cœur de Citadelles à des bases différentes. Mes essais sur des jeux de majorité, ou de votes, n’ont pas été suffisamment convaincants pour que je les montre à des éditeurs. Lost Temple et, aujourd’hui, Grail Cup qui en est le successeur, utilisent ce principe dans un jeu de course.
Dans Lost Temple, paru il y a une dizaine d’années, les joueurs étaient des aventuriers quelque part en Orient, à la recherche d’un – devinez – Temple Perdu. Dans Grail Cup, ce sont les chevaliers de la Table Ronde cherchant à atteindre le château du Graal, avec l’aide de leurs amis l’Enchanteresse, l’Écuyer, Merlin, la Forgeronne, le Dragonnier, la Princesse, le Prêtre, la Fée et la Licorne. Ces alliés sont choisis exactement comme les personnages de Citadelles, et permettent d’avancer plus rapidement, de s’informer des possibles pièges, de s’y préparer, de changer sa place dans la course avec un autre personnage… Le jeu est plus léger, plus rapide, mais aussi méchant que Citadelles, tout en entourloupes et en queues de dragon.
Pour ceux qui ont joué à Lost Temple, la principale différence, outre bien sûr le changement de thème, est la disparition des gemmes, qui étaient une sorte de monnaie, afin de recentrer l’intérêt du jeu et l’attention des joueurs sur la position dans la course. Le jeu en devient ainsi plus rapide, plus tactique, plus fluide.
J’ai toujours beaucoup apprécié la ligne claire et l’humour subtil de John Kovalic, et je suis vraiment très heureux qu’il ait accepté d’illustrer l’une de mes créations. Ses personnages légers et colorés rendent très bien l’esprit de Grail Cup – c’est un peu Citadelles, mais c’est moins sérieux.
Grail Cup devrait arriver dans les boutiques françaises le 16 juin 2023.
Playtesting in a parisian boardgame café.
GrailCup Un jeu de Bruno Faidutti Illustré par JohnKovalic 3 à 8 joueurs – 30 minutes Publié par Matagot Boardgamegeek
Of all my games, Citadels is the one that sells best. I know it, my banker knows it, and, of course, the publishers know it. Regularly, they ask if I can show them “anorher Citadels”. It’s not always what I’m the most excited about, but, from time to time, I give it a try.
Fist of Dragonstones and, even more, Greedy Kingdoms try to recreate the same game sensations using different mechanisms. As a two player game, Greedy Kingdoms is, in my opinion, much better than Citadels.
I also tried to recycle the character selection system which is the heart of Citadels into other game systems. My attempts with voting or majority games were not convincing enough to be shown to publishers. Lost Temple, and its reimplementation Grail Cup, use it in a race game.
In Lost Temple, which was published ten years ago, players were adventurers in the Far East looking for, you got it, a lost temple. In Grail Cup, they are now the Knights of the Round Table racing to reach the Grail castle, with a little help from their friends the Enchantress, the Squire, Merlin, the Smith, the Dragonrider, the Princess, the Priest, the Fairy and the Unicorn. These allies are chosen exactly like the characters in Citadels and allow the knight to move faster, to look for possible traps, to get weapons, to swap place in another knight, etc… The game is light and fast paced. It’s less mean than Citadels, but there’s still room for a few nasty magic tricks.
If you’ve played Lost Temple, the main difference after the change in setting is the removal of gems, which were a kind of money used to pay for movement. The position on the track is now almost the only thing to take into account during the game. It makes the game faster, more tactical and more fluid.
I’ve always liked John Kovalic’s subtle humor and bright, simple art. I am really happy that he accepted to illustrate one of my creations. His light and colored characters are perfectly true to the spirit of Grail Cup – it’s lighter and faster than Citadels, but equally mean.
Si j’en crois l’équipe du Domaine Saint-Georges, cela fait maintenant trente ans qu’ils nous accueillent, presque tous les ans, à Etourvy. Les rencontres ludopathiques, qui multiplient la population du village par un peu plus de deux, sont devenues un « acteur de l’économie locale». Nous n’étions qu’une trentaine 1993, essentiellement des amis gravitant autour de Casus Belli et de Ludodélire. Certains sont partis, certains ne jouent plus, certains sont morts, j’ai perdu de vue quelques uns, et, à part moi bien sûr, je pense que la seule personne à avoir été présente à tous les épisodes est Hervé. Nous étions cent quatre-vingt du 17 au 21 mai 2023, et même avec les quatorze nouvelles places que l’on nous promet dans Etourvy l’an prochain, il me semble difficile d’aller au delà. Oui, je sais, cela fait vingt ans que je dis cela.
Lorsque, une quinzaine de jours avant les rencontres ludopathiques, j’ai regardé les premières prévisions météo qui nous annonçaient la pluie et la froidure, j’ai pris peur. À Etourvy, Virginie et Marie-Claire ont également commencé à se faire du souci et à étudier des solutions permettant d’abriter tout le monde, et de faire manger près de deux-cent personnes dans des lieux dimensionnés au mieux pour une centaine. Nous avons finalement eu, comme l’an dernier, un très beau temps, mais il n’en ira pas toujours ainsi et je m’inquiète déjà pour l’an prochain. L’an dernier, après le Covid, les visiteurs étrangers étaient restés rares, et mes annonces bilingues lors des repas s’apparentaient à un acte de foi. Cette année, les joueurs d’Amérique, d’Europe de l’Est et même d’Asie étaient de retour – même si j’ai l’impression que Yohan Goh passe la moitié de sa vie en Europe. Ayant toujours été partisan du cosmopolitisme, je m’en réjouis. Les enfants aussi étaient revenus nombreux, ce qui contribue beaucoup à l’ambiance.
Organisation
Je n’ai presque pas eu de désistements de dernière minute cette année et, du coup, les comptes, de toute façon très approximatifs, devrait être légèrement excédentaires, pour, je crois, la deuxième fois en trente ans. Les rencontres ludopathiques fonctionnent de plus en plus en roue libre et me demandent plutôt moins de boulot qu’il y a une dizaine d’années. Je gère donc le budget global, l’hébergement, je prépare le transport des jeux, je surveille un peu tout ce qu’il se passe dans la semaine, mais l’aide de la petite équipe qui arrive avec moi en début de semaine, et notamment de Camille, allège considérablement le travail d’intendance. Cela serait quand même plus facile pour nous et pour l’équipe du domaine si tout le monde faisait plus attention à ne pas laisser traîner ses gobelets, à ne pas les utiliser comme poubelles, etc…
Je prépare toujours quelques jeux en extérieur, cette année Two Rooms and a Boom, Twister géant, et le traditionnel Brouhaha, mais d’autres organisent également des événements conséquents. Absent l’an dernier, Laurent Escoffier était de retour avec ses jeux d’extérieur un peu bizarres, mettant en scène chaines, aimantset mètres pliants, et bien sûr le toujours aussi bluffant Walking Mind.
Franck s’occupe toujours du tournoi de poker, et cette année Théo avait soigneusement préparé un tournoi de Challengers. Sébastien étant absent, c’est Ghislain qui a rejoint Isabelle pour faire jouer la murder party Le tour de monde en 80 jours, tandis que Mathias et Zephiriel faisaient jouer Papers, un petit GN loufoque sur les coachs, la culture d’entreprise, la ludification et toutes ces conneries. Jamais à court d’idées l’Equipe ludique avait préparé Tous en Scène, un jeu hilarant de reconstitution de films avec les moyens du bord. Profitant de ce que nous étions au vert et qu’il ne faisait pas trop chaud, certains ont organisé des balades à pied autour du village, Maud pour ceux qui courent assez vite, Charles pour ceux qui préfèrent la marche tranquille suivie d’un bon verre de vin.
L’orque et la baleine
J’étais un peu déçu à mon arrivée de constater que le colis d’Oink Games, contenant mes exemplaires d’auteur de Whale to Look, sorti le week-end précédent pour le Tokyo Game Market, n’était pas parvenu à temps à Etourvy. Le plaisir n’en a été que plus grand de le voir arriver vendredi après-midi. Je me suis précipité sur mes premières boites, aussi mignonnes que sur les photos, et ai immédiatement envoyé quelques touristes observer les orques noires et les baleines blanches.
Jun Sasaki et l’équipe de Oink Games ayant énormément retravaillé mon concept original, dans des directions parfois inattendues. Je n’avais jusque là joué à une version presque finale de ce jeu qu’une seule fois, en ligne, dans des conditions qui n’étaient pas optimales. Les quelques inquiétudes que j’avais sur les nouvelles règles ont cependant été rapidement balayées par mes parties à Etourvy – le jeu est finalement bien meilleur que celui que je leur avais initialement proposé, et je renonce donc à développer de mon côté mon jeu d’observation des étoiles dans le ciel. Il va falloir que je réécrive en ce sens mon article sur Whale to Look.
Sacré Graal
Grail Cup n’arrivera en boutique qu’à l’automne, mais Arnaud Charpentier avait apporté une boite de préproduction, à laquelle ne manquait que le dé, très aisément remplaçable par un dé classique. J’ai de la chance en ce moment avec les illustrations car, dans un style bien différent, Grail Cup est aussi mignon que Whale to Look. Je me suis beaucoup amusé à rechercher les nombreux œufs de Pâques – c’est comme cela que l’on dit en anglais – dissimulés sur le plateau par John Kovalic, et me suis même reconnu dans l’un d’entre eux. J’ai lancé quelques parties, rapides et pleines de rebondissements.
J’avais aussi apporté quelques prototypes, et ceux qui m’ont semblé les mieux reçus ont été la Salade de Fruits et les Voleurs de Poules, on verra s’il en sort quelque chose.
Que de jeux
J’ai cette année profité des rencontres ludopathiques pour faire une partie de mon déménagement. Une quarantaine de cartons qui avaient quitté la rue de Belleville le lundi sont en effet rentrés le dimanche à quelques centaines de mètres, rue de la Villette. J’ai beau apporter chaque année à Etourvy environ un millier de jeux, je suis toujours étonné, passant entre les groupes, de voir la plupart des joueurs attablés devant des prototypes inconnus ou des jeux dont je suis à peu près certain qu’ils ne proviennent pas de ma collection.
À en croire aussi bien mes impressions que les nombreuses photos des participants, le jeu le plus populaire de ces cinq jours a été Mind Up, retour amusant puisque c’est à Etourvy que, l’an dernier, l’équipe de Catch Up Games avait découvert ce petit jeu de cartes d’aspect très kniziesque, présenté par son auteur Maxime Rambourg. Parmi les autres petits jeux très pratiqués, citons Focus, d’Antonin Boccara et Romaric Galonnier, Cat in the Box de Muneyuki Yokouchi, The Number de Hisashi Hayashi, Mantis de Ken Gruhl et Jeremy Posner et bien sûr Whale to Look de Jun Sasaki et Bruno Faidutti.
Dans des boites un peu plus grosses, mais pas trop complexes pour autant, le loufoque Hand to Hand Wombat, judicieusement traduit en français par Branle Bas de Combat, a remporté un grand succès d’estime, tout comme, dans un genre plus sage, les jeux coopératifs Kites, de Kevin Hamano, Kuzooka de Leo Colovini et DorfRomantik de Michael Palm et Lukas Zach. Ce dernier est tellement moche que tout le mponde y a joué mais personne n’a osé en prendre une photo.
Parmi les jeux d’ambiance et de vocabulaire, on a comme l’an dernier beaucoup joué à Krazy Wordz, de Dirk Baumann, Thomas Odenhoven et Matthias Schmitt, mais aussi au curieux Hunch! de Nomas Kurnia, quelque part entre Codenames et Decrypto, et au prototype final de Sides apporté par l’équipe de Captain Games.
Côté gros jeux, on a bien sûr encore joué à Dune Imperium de Paul Dennen, mais aussi à The Quest for Eldorado de Reiner Knizia deux jeux qui ne sont pas vraiment des nouveautés même si l’un a connu quelques extensions et l’autre une nouvelle édition magnifiquement illustré par Vincent Dutrait. À l’exception notable de Planet Unknown de Ryan Lambert et Adam Rehberg, qui a d’ailleurs et très mal rangé dans la boîte par ceux qui ont fait la dernière partie, les très grosses nouveautés ont fait des flops.
Le retour du jeu de rôles
Le grand retour du jeu de rôles, dont on parle beaucoup depuis quelques mois, semble avoir touché Etourvy. Lors des tous premiers épisodes, dans les années quatre-vingt dix, beaucoup des participants étaient des amis de GN, et il n’était pas rare de voir quelques parties de jeu de rôles sur table. J’ai d’ailleurs découvert une partie des villages du coin lors d’un GN loufoque où des mafieux mexicains qui avaient trouvé un moyen de produire de la coke à partir du colza cherchaient à accaparer la récolte locale, mais se heurtaient à des extraterrestres dont le vaisseau en panne fonctionnait à l’huile de colza, et à de gentils vampires qui souhaitaient produire à partir de cette céréale décidément multitâche un élixir leur permettant de décrocher du sang.
Depuis quelques années, Sébastien et Isabelle organisent à Etourvy de petites murder parties. Cette année, Isabelle et Ghislain ont fait jouer le tour du monde en 80 jours, tandis que Mathias et Zephiriel organisaient Papers. Le jeu cinématographique de l’équipe ludique, et même d’une certaine manière Two Rooms and a Boom ou des jeux narratifs comme Alice is Missing, relèvent aussi un peu du jeu de rôles. Et, pour la première fois depuis longtemps, plusieurs éditeurs avaient apporté des livres de jeux de rôles, parfois volumineux et ambitieux, pour la table de prix. Je ne vais pas me remettre au jeu sur table, mais cela me donne envie de refaire un ou deux GNs – si j’arrive à caser ça dans mon emploi du temps.
Voilà. Comme de plus en plus de gens organisent des trucs pendant les ludopathiques, j’en ai certainement raté ou oublié quelques uns. Merci à tous les participants, merci à tous les organisateurs de jeux petits et grands, merci à tous ceux qui m’ont donné un coup de main prévu ou improvisé, merci à l’équipe du domaine Saint-Georges, merci à Météo France de qui j’attends le même soutien en 2024, et à l’année prochaine.
Thirty years
I didn’t keep a precise track but, if I am to believe the team at the domaine Saint-Georges, they have been accommodating the ludopathic gathering almost every year since 1993. When we are here, the population of Etourvy is multiplied by a bit ore than 2, and we are now a part of the local economy. We were only thirty in 1993, mostly friends working with Casus Belli or Ludodélire. Some have quit gaming, some have left, some have died, I’ve lost trace of a few ones, and I think the only other person who has been here from the beginning is Hervé. We were 180 in 2023, May 17 to 21, and, even with the fourteen new beds which should be available in the village next year, I don’t think this number can grow more. Yes, I know, I’m saying this for 20 years now.
When, two weeks before the event, I started looking at the weather forecast, predicting cold and rain, I was seriously concerned. In Etourvy, Virginie and Marie-Claire also started worrying and tried to find ways to shelter everyone and to have nearly 200 people eating in a place designed for 100 at most. In the end, we had a really nice weather, but I’m already anxious for next year.
Last year, after the Covid years, few foreigners were back. This year, players from America, from Eastern Europe and even from Asia were back – even when it seems like Yohan Goh is now spending half of his time traveling in Europe. Anyway, I’m always been in favor of cosmopolitanism, so let’s enjoy it. Children were back as well, which makes for a nice change from most professional gaming conventions.
Organization
I had very few last minute cancellations this year, which means that the (very rough) numbers are balanced, or may be even slightly positive, for, if I remember well, the second time in thirty years.
I take care of the numbers, the accommodation, I pack and bring the games, I check everything during the week, but I could probably not do it any more without the help from the small advance team which arrives with me on Monday – especially Camille. It would nevertheless be much easier for everyone if people were more careful not to let empty glasses, when it’s not empty glasses used as table trash cans, everywhere…
I always prepare one or two big simple outdoor games, to bring everyone together, this year Two Rooms and a Boom, Giant Twister and the traditional Brouhaha. Laurent Escoffier had been missed last year, he was back with strange outdoor games using chains, magnets and folding rule, as well as a new competitive version of the Walking Mind.
Franck held, as always, the poker tournament, while Théo took care of Challengers. Sébastien was not here this year, so Ghislain replaced him to organize the Around the Earth in 80 Days murder party, while Mathias and Zephiriel held Papers, a light zany larp about coaching, business culture, ludification and all that crap. L’equipe Ludique held Everyone on Stage, a crazy game about reenacting movies with the limited means availabe. The weather being cooler than last year, Maud held a running tour of the nearby countryside, while Charles organized a walking and wine drinking tour for those – the vast majority – who don’t even try follow Maud.
The white whale and the orca
When arriving in Etourvy, I was slightly disappointed to find out that the parcel from Oink games with my author copies of Whale to Look, which had been premiered the week before at the Tokyo game market, didn’t make it in time. I was even more delighted when it arrived on Friday afternoon. I immediately seized the first box and sent a few tourists whale watching.
Jun Sasaki and the Oink team have largely developed my original concept, in directions I didn’t expect. I had only played a near final version of their game once, online, in far from optimal conditions. I was wary of some of the changes they had made to the game, but my reservations about the new rules disappeared after a few games in Etourvy. Their game is indeed better than what I had originally submitted, and I am therefore giving up the idea of developing on my side my tile game about watching stars. I should, one of these days, rewrite my article about Whale to look to make this clear.
Holy Grail !
Grail Cup will only hit the stores next fall, but Arnaud Charpentier had brought a preproduction copy, missing only the special die which we easily replaced with a standard one. I am really lucky with game art these days. Grail Cup is as cute as Whale to Look, though in a completely different style en boutique. I had great fun looking for the many Easter eggs disseminated by John Kovalic on the board, and I even found myself in one. I played a few games, fast and eventful.
I had also brought a few recent prototypes. The best received were Chicken Thieves and Fruit Salad, we’ll see if something comes out of it.
So many games
This year, I took advantage of the ludopathic gathering to move some of my games, who left my old flat rue de Belleville and came back to my new one, rue de la Villette. Every year, I bring about 1.000 games to Etourvy, and I’m always surprised to see most attendees playing either unknown prototypes or games which I am sure d’ont belong to my collection.
According to both my feeling and the many pictures I have seen, the most played game during this five days was Mind Up. It’s a fun come back since the prototype of this very kniziesque card game was shown by its designer, Maxime Rambourg to its publisher, Catch’Up, last year in Etourvy. Other much played small box games were Antonin Boccara & Romaric Galonnier’s Focus, Muneyuki Yokouchi’s Cat in the Box, Hisashi Hayashi’s The Number, Ken Gruhl & Jeremy Posner’s Mantis and, of course, Whale to Look, starting from Friday afternoon.
Among bigger boxes, but not necessarily more serious games, the hits were the zany and noisy Hand to Hand Wombat, for which a few advanced rules were designed, as well as the more serious cooperative games Kites, by Kevin Hamano, Kuzooka by Leo Colovini and DorfRomantik by Michael Palm and Lukas Zach. The latter is so ugly that, though nearly everyone played it, no one took a single picture of it.
Among party and vocabulary games, the most played were, like last year, Krazy Wordz, by Dirk Baumann, Thomas Odenhoven and Matthias Schmitt, but also two brand new games, Nomas Kurnia’s Hunch!, a strange game feeling a bit like a mix of Decrypto and Codenames, and the prototypes of Sidesbrought by the Captain Games’ team.
The most played boardgames wwere Paul Dennen’s Dune Imperium and Reiner Knizia’s Quest for El Dorado. None of them is new, but there has been a few recent expansions for Dune and a new edition of Quest for El Dorado gorgeously illustrated by Vincent Dutrait. Except for Ryan Lambert & Adam Rehberg’s Planet Unknown, which, by the way, was carelessly placed back in the box by its last players, most new big box heavy games flopped.
Back to role playing games ?
The unexpected comeback of tabletop rpg which has been much discussed these last months also affected Etourvy. In the very first Etourvy gatherings, in the mid nineties, many of the attendees were LARP friends, and there was the occasional tabletop rpg session. I even first discovered the nearby villages during a zany LARP in which the Mexican mafia, having discovered a way to produce cocaine from rapeseed, was trying to corner the local rape market, but was facing aliens whose stranded spaceship was running on rapeseed oil and vampires who were using to produce an elixir helping them to get off blood.
For a few years now, Sébastien and Isabelle have been holding small murder parties in Etourvy. This year, Ghislain and Isabelle organized Around the earth in 80 days, while Mathias and Zephiriel held Papers. L’Equipe ludique’s movie making game, Two Rooms and Boom, and even in a way narrative boardgames such as Alice is Missing, also have something to do with role playing. Also, for the first time I think, several publishers had brought role playing books, and sometimes heavy and ambitious ones, for the prize table. I probably won’t go back to tabletop rpg, but it makes me want to play more larps, if I can fit them in my schedule.
That’s it. Since more and more people are organizing stuff during the ludopathic gathering, I certainly missed one or two notable events. Anyway, thanks to al the attendees, thanks to all those who organized small and big games, thanks to all those who helped me in managing the even, thanks to the team at the Domaine Saint-Georges, and thanks to MeteoFrance, I hope they will be as efficient next year. See you next year.
Portraits de joueurs par Antoine Bauza – Gamers’ portraits by Antoine Bauza
Mes photos – My pictures
Photos de Dylan et Tanya – Dylan’s and Tanya’s pictures
Photos d’Isa – Isa’s pictures
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Photos d‘un peu tout le monde – Various pictures from various gamers
J’aime beaucoup les petits jeux de l’éditeur japonais Oink Games, mes préférés étant sans doute leurs trois grands succès, A Fake Artist Goes to New York, Deep Sea Adventure et Insider, mais aussi d’autres dont on parle moins, Durian, Mr Face, In a Grove ou Kobayakawa. J’aime aussi leur format, des petites boites bien remplies à l’esthétique minimaliste. Lors de mes voyages au Japon, à l’époque où j’étais un peu tout le temps au Japon, j’ai en outre eu l’occasion de croiser Jun Sasaki, créateur de la boite et auteur de la plupart des jeux, et l’ai trouvé fort sympathique.
Le format, les jeux, l’éditeur, cela faisait trois bonnes raisons pour essayer de temps à autre de caser un jeu chez l’éditeur tokyoïte. J’en ai même conçu un spécialement pour leurs petites boites, Maracas, qui a fini chez Blue Orange. Ne désespérant jamais, j’ai, fin 2022, encore envoyé les règles d’un petit jeu mêlant mémoire, estimation et prise de risque, qui n’avait pas encore de thème. Jun et son équipe l’on essayé, l’ont trouvé un peu trop exigeant et méchant pour leur public familial, mais Jun m’a demandé s’il pouvait essayer de le retravailler. À partir de la mécanique principale, les cartes cachées regardées à tour de rôle par les différents joueurs et les paris sur la valeur d’un groupe de cartes, il a imaginé très rapidement quelque chose de plus léger, et trouvé un thème amusant, l’observation des baleines et des orques. Le développement du jeu, que je n’ai regardé que d’assez loin, s’est donc fait très rapidement, au Japon.
J’aime beaucoup le titre anglais, Whale to Look, que certains Américains auraient sans doute trouvé raciste s’il n’avait été imaginé par un japonais. Le matériel, comme toujours chez Oink et comme vous pouvez le voir sur les photos, est extrêmement mignon.
Dans Whale to Look, les joueurs emmènent des touristes observer les baleines et les orques, mais il faut viser juste pour apercevoir les animaux. La baleine est toujours dans le coin où il y a le plus de poissons, la grande orque dans celui où il y en a le moins, et chacun à son tour, avant d’envoyer un bateau, peut regarder l’une des cartes qui constituent la mer et voir le nombre de poissons qui y figurent.
Whale to Look est un jeu de déduction, mais pas un pur jeu de logique. Si chacun dispose d’informations objectives, les cartes qu’il a vues, on ne peut gagner qu’en interprétant aussi correctement les actions des autres joueurs, et il peut parfois avoir un peu de bluff. Les jeux de ce type sont assez peu nombreux. les deux qui me viennent à l’esprit, deux jeux que j’apprécuie beaucoup, sont Cursed Court, de Andrew Hanson, et Divinare, de Brett J. Gilbert. Si vous aimez vraiment l’un de ces deux jeux, vous pouvez acheter Whale to Look les yeux fermés.
Whale to Look, en japonais la baleine blanche et la grande orque, est publié pour l’instant dans une édition bilingue français-japonais. J’ignore quand et comment le jeu sera distribué en Europe ou en Amérique, mais vous pouvez commander le jeu sur le site de l’éditeur. Vous pouvez même y acheter une peluche réversible, baleine blanche d’un côté, orque de l’autre…
Whale to Look – クジラオルカ Un jeu de Jun Sasaki et Bruno Faidutti 2 à 5 joueurs – 30 minutes Publié par Oink Games Boardgamegeek
I really like the line of small games by Japanese publisher Oink games. My favorite ones are their three big hits, A Fake Artist Goes to New York, Deep Sea Adventure and Insider, but also lesser known ones, Durian, Mr Face, In a Grove or Kobayakawa. I also like the format, small boxes filled to the brim and a deliberately minimalistic aesthetic. While traveling in Japan, which I used to do a lot, I had the chance to meet Jun Sasaki, the founder of the company and designer of most of its games, and it is a really nice guy
The format, the games, the publisher, I had three good reasons to regularly try to have one my own small designs published by Oink. I even designed one specifically for their small rectangular boxes, Maracas, which in the end was published by Blue Orange. In late 2022, I sent them the rules and files for a small game, a mix of memory, estimation and risk taking. It was still an abstract game, I had not found a suitable theme. Jun and his team played it, found it too unforgiving, too much of a brain burner, for their line of light party and family games, but Jun asked me if he could try to rework it. Starting anew from the core system, hidden cards which players look at on turn before betting on the value of a group of cards, he designed something much lighter, and found a cute and suitable setting, ships carrying tourists to look at white whales and orcas. The development was very fast and made entirely in house in Tokyo, while I only vaguely looked at it from afar.
I especially like the English title of the game, Whale to look, a pun which Americans would probably have thought racist if it had not been devised by a Japanese! The components, as always with Oink, are incredibly cute, as you can see on the pictures.
The players in Whale to Look own ships and carry tourists whale watching. Most looked after are the big white whale and the big orca. The white whale is always in the place with the most fishes around, the orca in the place with the fewest ones. Every round, before sending their ship somewhere, players can secretly look at one of the sea cards and see the fishes on it.
Whale to Look is a deduction game, but not a purely logical one. Every one has some infos, the cards they have seen, but one cannot win without also reading into the opponents moves, which means there is sometimes a bit of bluffing. There are few games like this, and the only two ones which I can think of now are Andrew Hanson’s Cursed Court and Brett J. Gilbert’s Divinare. If you like one of these games, you are sure to enjoy playing Whale to Look.
Whale to Look, in Japanese The white whale and the orca,is published so far in a blingual Japanese-English version. I have no idea if and when it will be available in the West, but you can order it from the publisher’s website. They even sell a reversible plushy, whale one one side, orca on the other.
Whale to Look – クジラオルカ A game by Jun Sasaki and Bruno Faidutti 2 to 5 players – 30 minutes Published par Oink Games (2023) Boardgamegeek
À quelques joueurs d’intervalle, deux interviews que j’ai récemment donné à des podcasts dludiques francophones ont été publiées sur le web. Les deux sont assez longues, et sont plus consacrées aux généralités sur le jeu qu’à la promotion de mes sorties récentes, d’ailleurs peu nombreuses.
Il y a quelques mois de cela, lors d’un passage à Nancy, dans les locaux de Iello, Laurène m’a interviewé pour son podcast “À quoi tu triches?”. J’y parle du jeu en général, de son histoire, de mon histoire et des jeux que j’aime bien.
La seconde interview a été enregistrée le dernier jour du festival des jeux de Cannes, et j’y discute avec Polgara et le Pionfesseur. On y est moins dans l’histoire, et plus de philosophie ou de sociologie du jeu. Ceci dit, c’était la fin du salon, j’étais fatigué, et je ne trouve pas toujours mes mots.
Il y a encore vingt ans, les thèmes les plus systématiquement exploités dans les jeux de société, les univers par défaut de la plupart des auteurs, moi le premier, provenaient de la littérature ou de l’histoire. La première apportait notamment les le fantastique, la science-fiction et l’enquête policière, la seconde les guerres, le développement économique et la colonisation. Aucun de ces thèmes n’a vraiment disparu, mais ils semblent de plus en plus, surtout sur les boites de jeux publiées en Europe et aux Etats-Unis, remplacés par des mondes moins marqués par l’homme, plus vierges, plus naturels – les fleurs, les arbres, les animaux et toutes ces sortes de choses. Entamée depuis une petite dizaine d’années, cette tendance s’est clairement accélérée depuis la fin de la crise sanitaire. Sans y être aucunement hostile, j’ai avec cette évolution quelques difficultés, tant ces thèmes ne me viennent pas… naturellement.
Les fleurs, les arbres et les oiseaux
Les jeux dans lesquels on plante des arbres, on cultive un modeste jardin, on protège les rongeurs ou les oiseaux, on gère une horde de loups ou un troupeau de bisons, sont à la mode. Il y a une trentaine d’années, de tels thèmes n’étaient guère abordés que dans des jeux très simples, destinés aux enfants. Ils sont aujourd’hui fréquents et appréciés dans des jeux pour adultes relativement complexes, comme les créations d’Elizabeth Hargrave, surtout connue comme l’auteur de Wingspan, qui s’en est fait une spécialité. De jeunes éditeurs, comme le français Palladis, semblent aussi vouloir se spécialiser sur ce « créneau porteur »
Si l’on peut encore considérer Wingspan comme un jeu familial, poids moyen, Woodcraft, de Ross Arnold et Vladimir Suchy, est d’un niveau de complexité qui le destine clairement à des joueurs expérimentés, les mêmes qui passent des heures sur de grands jeux de conquête ou de gestion. Il ya bien eu quelques précureurs, et je pense par exemple à Agricola, de Uwe Rosenberg, paru en 2007 et devenu depuis un classique, mais ils étaient des exceptions. D’ailleurs, lorsqu’est paru Agricola, certains d’abord cru, ou fait mine de croire, à un jeu de stratégie sur la conquête romaine de la Bretagne. Si Uwe Rosenberg a continué à faire des jeux sur le thème de l’agriculture, qui semble particulièrement l’intéresser, il a fallu du temps avant que d’autres auteurs ne suivent son exemple.
La couleur verte, dont on disait dans les années quatre-vingt qu’elle ne faisait jamais vendre, est aujourd’hui omniprésente sur les boites de jeu. J’ai cherché un peu sur le web francophone et anglophone des analyses un peu critiques sur cette tendance au “naturalisme ludique”, et n’ai pas trouvé grand-chose.
L’explication la plus souvent avancée, qui ne me semble pas suffisante, est que cette mode serait à l’initiative d’éditeurs recherchant des thèmes originaux, moins controversés, plus consensuels et plus intergénérationnels. Si les arbres et les animaux étaient en effet originaux, du moins pour des jeux qui ne sont pas destinés exclusivement aux enfants, il y a une dizaine d’années, ils ne le sont plus du tout aujourd’hui. Si la guerre, la conquête coloniale ou les enquêtes policières ne sont effectivement pas des thèmes très consensuels, l’argument ne vaut pas nécessairement pour le fantastique et la science-fiction. Ces derniers n’étaient peut-être pas intergénérationnels il y a quarante ans, mais ils le sont sans aucun doute aujourd’hui.
Les joueurs passionnés sont statistiquement plutôt des hommes, et certains éditeurs pensent peut-être que des univers naturels attireront un public féminin. Je suis personnellement assez dubitatif sur l’idée que les femmes seraient, plus que les hommes, intéressées par les plantes et les animaux – par les chats, les fleurs et les petits oiseaux peut-être, et encore, même de cela je ne suis pas certain.
Plus qu’une recherche de consensus, c’est sans doute le besoin de réconfort face à l’angoisse contemporaine qui explique ce repli de l’imaginaire ludique sur une nature plus ou moins fantasmée. Entre la pandémie de Covid, le grand retour de la guerre en Europe, les dérives irrationnelles de la politique américaine, la misère et la pollution dans les rues, le réchauffement climatique auquel on ne peut plus faire semblant de ne pas croire, les principaux marchés du jeu de société sont, comme d’autres, touchés par une anxiété devant un avenir devenu plus inquiétant qu’excitant. En littérature, en musique, dans le monde du jeu aussi, les produits qui continuent à se vendre correctement sont les classiques, ceux que l’on a connu dans notre jeunesse, ceux qui nous donnent l’illusion que le monde ne change pas tant que cela. Mes jeux les plus anciens, Citadelles ou Diamant, se maintiennent mais mes nouvelles créations passent plus ou moins inaperçues, et il en va de même pour presque tous les auteurs. La nature, un thème éminemment rassurant, universel et intemporel, est alors pour les joueurs une autre manière de tenter de se rassurer, et les éditeurs ne font que répondre à la demande. Pour les auteurs, il y a sans doute un peu des deux.
On peut voir cela de façon plus positive et politique, se réjouir comme si jouer à planter des arbres, c’était déjà planter des arbres, voire sauver la planète. On peut sourire de la naïveté de cette confusion entre le jeu et le réel, on peut aussi s’en inquiéter. D’une part parce que, en prenant le jeu trop au sérieux, on lui ôte sa vanité, son inutilité, c’est à dire l’essence même du jeu, d’autre part parce qu’il est toujours dangereux de se bercer d’illusions. Jouer à des jeux gentils, généreux et écolos ne nous rendra pas plus gentils, généreux et écolos que jouer à des jeux méchants, généralement ceux que je préfère, ne nous a rendu méchants ou que jouer à des jeux idiots, ce qui détend quand même pas mal, ne nous a rendu idiots. On ne sauve pas plus la planète en jouant à sauver la planète que l’on ne fait la guerre en jouant à faire la guerre.
Il y a une dizaine d’années, je me moquais dans l’article qui reste le plus lu sur ce blog, Postcolonial Catan, de l’imagerie coloniale qui sous-tend les Colons de Catane et d’autres jeux de développement. Les jeux où l’on accumule des ressources pour construire des trucs qui produiront des ressources permettant de fabriquer des machins sont toujours là, mais ils prennent un tour écolo, un peu volontariste. On n’y cherche de moins en moins à bâtir des abbayes ou exploiter un continent vierge, et de plus en plus à cultiver son jardin, même si ce jardin peut rester assez exotique, comme le montrent les images ci-dessus.
L’ambition, ou la prétention, peut même aller jusqu’à reconstruire, à réparer une planète abimée. Je viens de lire les règles des Tribus du vent de Joachim Thôme, et je suis à peu près certain que le thème original du jeu était bien différent, que l’on y bâtissait des villages d’elfes ou de nains ou des châteaux médiévaux, et que c’est l’éditeur qui, pour être au goût du jour, a déplacé l’action dans un monde post-apocalyptique ou l’on construit des villages écolos.
Les esprits de la forêt
Le médiéval fantastique et la science-fiction avaient quand même un grand avantage pour les auteurs, celui de permettre à peu près n’importe quoi en termes de mécanismes. Tout effet bizarre pouvant se justifier par la magie ou la technologie du futur, le concepteur du jeu peut librement se concentrer sur l’intérêt tactique, sur les interactions entre joueurs, sans se soucier du réalisme. Avec les arbres, qui ont plus de racines que nous, et les animaux, dont les prouesses technologiques sont moindres que les nôtres, rien de tel n’est possible…. sauf à introduire là aussi une bonne dose de magie.
Du coup, on a vu fleurir dans les boites de jeu les esprits des animaux, des arbres et des sources, dotés de pouvoirs magiques. Parfois, ce sont les elfes de l’heroic fantasy, amis des arbres, qui deviennent les agents de la nature, ou les nains et gnomes qui sortent de leurs cavernes et se découvrent la main verte. Parfois ces esprits sont plus exotiques, souvent japonisants – le discours naturaliste est parfaitement compatible avec l’orientalisme. On reste dans le fantastique, mais un fantastique à la sauce verte qui permet d’avoir un thème écolo tout en évitant les risques de confusion entre le jeu et le réel – sauf à croire vraiment aux esprits de la forêt. L’un de mes jeux préférés en ce moment, Parade of a Hundred Yokais, appartient à cette catégorie – même si l’on s’y tape un peu dessus quand même pour être le premier à bâtir un joli tori.
Histoire et nature
On peut mettre en scène la nature, les arbres et les animaux, sans nécessairement renoncer à l’histoire. Si les pandas sont sans doute les animaux sauvages les plus représentés sur les boites de jeux, les dinosaures et les mammouths suivent d’assez près. Dans des jeux récents comme Paleo de Peter Rustemeyer, ou Endless Winter de Stan Kordonskiy, les joueurs contrôlent des tribus préhistoriques face à une nature sauvage certes hostile, mais qui n’a pas perdu d’avance et dont elles font encore un peu partie. Les illustrateurs ne s’y trompent pas, qui dessinent volontiers sur les boites et les cartes des hommes coiffés de cornes ou de bois, sortes de druides ou de shamans prêts à invoquer les esprits des forêts et des montagnes.
La nature végétale et surtout animale est aussi de plus en plus présente, en arrière plan, dans les jeux mettent en scène découverte et exploration. Les explorateurs portent toujours leur casque colonial, mais ils font de moins en moins face à des indigènes armés de sarbacanes, et de plus en plus aux bêtes sauvages armées de crocs et de griffes, quand ce n’est pas aux esprits sylvestres locaux armés de leurs pouvoirs magiques. Dans une réalité où la nature semble une chose du passé, il peut être paradoxalement rassurant de jouer à des jeux où elle semble encore plus forte que nous.
Le zoo de Noé
Les jeux sur les animaux ne sont pas nouveaux. Quand on veut mettre le plus grand nombre possible d’animaux dans le même jeu, on se retrouve inévitablement soit à gérer un zoo, soit à bâtir l’arche de Noé.
L’Arche de Noé est le récit biblique qui a servi de prétexte au plus grand nombre de jeux de société. C’est sans doute un peu parce que l’épisode est perçu au moins autant comme un conte pour enfants que comme un dogme religieux, un peu aussi parce que l’idée de constituer des couples, puis de ranger des figurines d’animaux ou des cartes dans un espace limité, se prête assez bien à la création ludique. Beaucoup de ces jeux, mais pas tous, sont destinés aux plus jeunes. Mécaniquement, rassembler des animaux pour les enfermer dans un zoo n’est pas bien différent, et les jeux sur ce thème sont aussi depuis longtemps assez nombreux. Zooloretto, de Michael Schacht, a bien mérité son Spiel des Jahres.
Le problème bien sûr est qu’enfermer des animaux, c’est mal, tandis que les sauver de la noyade, c’est bien. Du coup, il est assez amusant de voir aujourd’hui un jeu de gestion de zoo, clairement destiné à un public de passionnés adultes, se cacher discrètement sous le titre Ark Nova, sans doute le résultat d’un intense brainstorming chez l’éditeur. Cela suggère une sorte de nouvelle arche permettant, peut-être, de sauver tout ce beau monde du réchauffement climatique, quand il ne s’agit, comme d’habitude, que de gérer un zoo, activité dans laquelle l’argent reste le nerf de la guerre. De même, il y a toujours des jeux dans lesquels on se déplace sur une carte d’Afrique pour trouver des animaux, mais cela fait déjà une vingtaine d’années qu’on ne les y chasse plus. Aujourd’hui, on ne les capture même pas, on se contente de les observer, osant à peine les prendre en photo.
Tant que nous parlons d’Arche de Noé, je viens de voir passer l’annonce d’un nouveau jeu, The Flood, dans lequel…. chacun bâtit son arche ! L’éditeur très chrétien semble ne pas vouloir trop insister sur ce qu’il pense être un bug vaguement hérétique ; il aurait à l’inverse dû construire toute la promotion du jeu sur ce point plutôt amusant. Je regrette de ne pas y avoir pensé plus tôt, mais je peux encore faire un jeu où chaque joueur contrôle un groupe de hobbits et cherche à être le premier à plonger son anneau unique dans le gouffre de la montage du destin.
Végétarianisme et mignonnitude
Mes compétences en botanique étant assez limitées, je suis bien incapable de vous dire quelles espèces d’arbre apparaissent le plus souvent sur les boites de jeu, et je doute que l’exercice soit très révélateur. Pour les animaux sauvages, en revanche, je me débrouille à peu près, et le résultat est plus intéressant. Le lion, le roi des animaux, est bien sûr fortement représenté, mais le cerf, tout ausi noble et fier mais herbivore – j’ai failli écrire végétarien – est sans doute plus fréquent, illustrant la volonté de montrer une nature pacifique, voire aseptisée. La grande vedette des boites de jeu est d’ailleurs le panda, véritable animal bobo, mignon comme tout et mangeant du bambou.
Anthropomorphisme
Le panda est aussi assez présent dans une toute autre famille de jeux, ceux mettant en scène des animaux anthropomorphes. Les vraies vedettes sont cependant là plutôt les chats et les renards, réputés malins et individualistes, ou à l’inverse les rongeurs, plus grégaires.
Les animaux anthropomorphes, auxquels sont attribuées des caractéristiques sociales, psychologiques et même parfois physiques de l’homme sont présents depuis bien longtemps dans les contes et donc dans les jeux pour enfants. On les rencontre aussi dans des textes qui ne sont pas exclusivement destinés aux plus jeunes, comme les fables, et dans les récits mythologiques. La littérature sur ce sujet est abondante, ce n’est pas le cœur de ma réflexion ici, je n’entrerai donc pas dans les détails. Leur présence insistante dans des jeux destinés aux adultes est plus récente, et peut être analysée un peu différemment.
Lorsqu’ils sont seuls de leur espèce, avec souvent une bonne bouille de peluche, ces animaux sont là pour transporter les joueurs dans l’univers des fables et des contes, ou simplement les ramener à leur enfance, deux moyens encore de se rassurer dans un monde un peu angoissant – même s’il faut se méfier des discours selon lesquels les joueurs seraient de « grands enfants ».
Lorsque le jeu met en scène des espèces animales entières, souvent en guerre, les choses deviennent plus complexes et parfois – pas toujours – ambiguës. Les peuples de la fantasy médiévalisante, nains, elfes, orques et autres gobelins, tout comme les étranges races extra-terrestres, ont souvent été utilisés comme un moyen de neutraliser, dans des jeux de combat ou de conquête, ce que pouvait avoir de problématique la mise en scène de conflits entre peuples, ethnies ou nations, dans une démarche qui relève paradoxalement à la fois de l’essentialisation et de l’euphémisation. Une prise de conscience très partielle de cela nous vaut aujourd’hui des débats un peu ridicules sur les clichés dans Donjons et Dragons. Le racisme envers les orques et les elfes noirs n’est pas un problème sérieux ; le fait que, dans nos univers imaginaires, les groupes sociaux, nationaux ou ethniques soient systématiquement essentialisés est en revanche sinon un problème, du moins un sujet qui mériterait une étude historique un peu fouillée.
L’essentialisme est plus net encore lorsque l’on remplace les peuples par des espèces animales. Des personnages à tête de lion, d’aigle, de castor ou de chat sont en effet aussi un moyen, en apparence plus léger, d’éviter de représenter tantôt des européens, des asiatiques et des africains, tantôt des russes, des américains et des chinois. Mon Chawaii, très joliment illustré par Paul Mafayon, en est un bon exemple, même si un seul groupe est représenté et si les chats mangent vraiment du poisson.
Bruno Cathala et moi réfléchissions il y a quelques jours à une nouvelle version de Mission Planète Rouge. Nous étions d’accord pour abandonner l’univers Steampunk des deux premières éditions, qui n’était d’ailleurs pas celui de notre prototype initial. Nous avons d’abord pensé à un univers de type Guerre Froide contemporaine, mettant en scène une rivalité entre les grandes puissances d’aujourd’hui, Russie, USA, Europe, Chine. Nous n’avions cependant pas envie de traiter ce thème sérieusement, et il semblait difficile de le faire avec humour. On va sans doute plutôt s’orienter vers Jeff Bezos contre Elon Musk, mais chats et chiens auraient aussi pu faire l’affaire en apportant un peu plus de légèreté.
Les animaux anthropomorphes ne sont pas toujours un succédané mignon ou paresseux d’humains. Ils peuvent être introduits de manière positive, avec humour, intelligence et recul critique, comme dans Root, de Cole Wehrle, un jeu complexe et ambitieux dont le contexte s’inspire des réalités géopolitiques actuelles. L’usage des animaux permet là un discours politique discret, qui aurait sans doute eu plus de mal à passer dans un contexte géopolitique et réaliste. Chacun aurait eu, selon ses allégeances, tel ou tel détail à reprocher aux auteurs. Et puis, et c’est sans doute l’essentiel, c’est quand même plus amusant.
Bien sûr, on peut aussi tout avoir, la science-fiction ou la fantasy et l’anthropomorphisme, pour mettre deux couches d’objectivation, ou juste pour s’amuser, ou juste parce que l’illustrateur avait envie de dessiner un chat ou un lion. Je viens même de recevoir un jeu avec des dragons anthropomorphes et très mignons, Flamecraft, de Manny Vega.
Remakes
Pour m’amuser, j’ai cherché des jeux dont, à l’occasion d’une réédition, les personnages ou groupes humains sont devenus des animaux. J’en ai trouvé quelques-uns, assez intéressants – dont un à moi, je l’avais presque oublié, Democrazy devenu Animocrazy. Si vous en connaissez d’autres, signalez-le moi, cela m’amuse. Air, Land and Sea, un jeu de cartes aux illustrations très réalistes dans l’univers de la seconde guerre mondiale, est ainsi devenu, sans aucun changement de règles, Critters at War, un jeu tout aussi martial mais auquel couleurs et bestioles apportent une certaine légèreté. Dans Hibachi, remake de Safranito, les cuisiniers japonais sont des chats, des renards et des singes. Dans le nouveau Libertalia, les pirates sont devenus des signes, des lions, des renards, des chevaux, sans que l’on sache trop pourquoi. Plus subtilement, My Little Scythe est une version légèrement simplifiée de Scythe, où l’univers du cartoon se substitue au monde post-apocalyptique de ce gros jeu de stratégie, Des pommes remplacent les habituelles étoiles comme symbole de points de victoire. Le jeu est cependant à peine plus simple que l’original, et son look enfantin doit être pris au second degré. La transformation de Quo Vadis en Zoo Vadis, sans que la référence à la Rome antique ne soit complètement expurgée, est expliquée et justifiée par l’éditeur dans un très intéressant article sur le Boardgamegeek.
Cela arrive même à des jeux abstraits, comme Splits devenu Battle Sheep, mais il est vrai que les jeux abstraits au thème animalier ne sont pas une nouveauté. Hive a une vingtaine d’années, le jeu de la jungle quelques centaines, le Bagh Chal et le jeu du Renard et des Poules quelques milliers.
L’inverse est beaucoup plus rare, puisque je n’en ai trouvé qu’un seul exemple, le mignon petit jeu de cartes japonais Kittys, que j’apprécie beaucoup. Dans l’édition française, les chats deviennent des gangsters, et le jeu perd soudain tout son charme.
Les représentations des fables sont intéressantes. Dans les premières éditions du classique de David Parlett, Le Lièvre et la Tortue, les deux protagonistes étaient représentés de manière réaliste. dans les versions plus récentes, tout comme dans un autre jeu inspiré de la même fable, ils deviennent anthropomorphes.
Alors, que penser de tous ces jeux verts, spirituels et animaux ? Même si, personnellement, je fais encore très bien avec, sans doute un effet de génération, je comprends que nombre d’auteurs, de joueurs et d’éditeurs plus jeunes en aient assez de la fantasy, de l’histoire et de la science-fiction et cherchent autre chose, plus au goût du jour. J’aime bien les chiens et les chats, je n’ai rien contre les esprits de la forêt, mais je regrette un peu qu’ils aient plutôt moins d’humour que les nains et les dragons, et fassent bien plus rarement preuve d’autodérision.
J’ai quand même trouvé un jeu où on tuait des arbres, et c’est un très bon jeu.
Twenty years ago, the most popular settings for boardgames, the default theme of most designers, myself included, and of most publishers, were borrowed from literature and history. From the former, we were using medieval fantasy, science-fiction and whodunit, from the latter wars, economic development and colonization. These settings didn’t disappear but, on the square game boxes recently published in Europe and in the USA, they are more and more often replaced by themes inspired not by men but by nature – flowers, trees, animals and all that stuff. The trend is at least ten years old, but it has grown stronger lastly, may be due to the end of the Covid crisis. I’ve nothing against these new settings but, unfortunately, they don’t come to me very… naturally.
Flowers, trees, birds
Games about planting trees, about arranging a small garden, about protecting bears, rodents or birds, about managing a tribe of wolves or a herd of bisons, are more and more frequent. Thirty years ago, such settings were almost only used for simple games aimed at young children and families. They are now common in relatively complex adult games, such as those by Elizabeth Hargrave, the designer, among others, of the recent hit Wingspan, who specializes in animals settings.New publishers such as the French Palladis are also trying to settle in that promising niche market.
Wingspan can stuill be considered a midweight game, but Ross Arnold and Vladimir Suchy’s Woodcraft, is an extremely complex game targeted at dedicated gamers, the same who play long conquest or management games.
There has been a few precursors, like Uwe Rosenberg’s Agricola, published, in 2007, but they were exceptions. When first hearing about it then, a few gamers even thought it must be a war game about the Roman conquest of Britain.Uwe Rosenberg kept on designing games about ariculture, but he was nearly the only for a some time before it became fashionable.
I remember hearing in the eighties that green covers didn’t sell, they are today everywhere.I browsed the French and English language web looking for analysis of this naturalist trend in boardgames, and was surprised to find very little, as if it were uninteresting or obvious.
The most common explanation is that this green fashion started with publishers looking for original, less controversial, more consensual and more intergenerational settings. I’m not entirely convinced. If trees and animals as an adult game setting were original ten years ago, they are not anymore and the trend still goes on. If war, colonial conquest or whodunits can be controversial themes, it’s not necessarily the case with fantasy or science-fiction. Furthermore, while these two last settings might not have been intergenerational in the nineties, they certainly are today.A majority of boardgameplayers are men, and some publishers might think that nature-themed boardgames will lure more women into the hobby, even I am personally skeptical about the theory that women are more interested in plants and animals than men. By cats, birds and animals, may be, but even of that I am not sure.
More than the search for consensus, this retreat of gaming into a more or less fantasized natural world is probably due to a crave for reassurance in a harrowing modern world. Between the covid pandemic, the comeback of trench warfare in Europe, the irrationality of US politics, the global warming which it is more and more difficult to ignore, people have reasons to worry. The boardgame market is certainly not the only one affected. In literature, in music, in games, good old classics, which give the illusion that the world doesn’t change, keep selling while most novelties flop. My Citadels and Incan Gold also keep selling while most of my recent games went unnoticed. Nature, the most reassuring, universal and timeless setting, or so we hope, is another way to look for reassurance. Gamers feel it, publishers follow, designers do one or the other.
Of course, there’s a more positive way to see this. One can feel proud and enthusiastic playing at planting trees, as if it were almost planting real trees, and could help saving the planet. This confusion between game and reality can look cute, naïve and harmless, but it is problematic, for two reasons. It is worrying because taking games too seriously deprives them of their vanity, their pointlessness, which is the very essence of gaming. It is also dangerous because the idea that games have effects on reality is a delusion, at a time when real action is needed. Playing cute, generous and green games won’t make us more cute, generous and green, no more than playing mean games, my favorite ones, makes us mean or playing stupid games, which can be fun, makes us stupid. We didn’t wage war when playing war games, we won’t save the earth with playing at saving it.
Ten years ago, on what is still my most visited blogpost, Postcolonial Catan, I was mocking the colonial imagery underlying Settlers of Catan and other development games. Games in which players gather and accumulate resources to build structures that will produce more resources to build further structures, and so on, are still there but they now have a more green and more voluntarist feel. It’s no more about building churches or settling a new continent, it is about cultivating one’s garden, even when this garden can still be quite exotic as you can see from the box covers above.
It can be much more ambitious, or pretentious, when players engage in replanting and repairing a spoiled planet. I just read the rules of Joachim Thôme’s Tribes of the Wind, and I am quite confident that the original prototype setting was different. It was probably about dwarves or elven villages, or may be medieval castles, before the publisher moved the action onto a post-apocalyptic world where players build strange green settlements.
Forest spirits
Trees have even more roots than we do, animals have even less technology than we do, so nothing like this is possible in nature settings… unless we unleash again the power of magic. That’s why there are so many games with forest, animal or spring spirits. Sometimes the good old fantasy elves become these nature agents, sometimes dwarves and gnomes leave their caverns and find out they have a green thumb, most times it’s just fairies. In other cases, these spirits are more exotic, often Japanese – naturalism is entirely compatible with orientalism. We’re back into fantasy, but it’s now a green nature fantasy, with no risk of confusion between game an reality – unless, of course, you really believe in fairies. One of my favorite recent games, Parade of a Hundred Yokais, belongs to this new genre, even when there is some fighting to be the first spirit to build a nice Tori.
Medieval fantasy and science-fiction have a great advantage for game designers : we can do more or less what we want with game systems and mechanisms. Since any effect can be justified by powerful magic or strange alien technology, the game designer can freely focus on tactics and player interaction, without any care for realism.
History and nature
Of course, a clever designert can fit nature and history together. Pandas are probably the most frequent wild animals on game boxes, but dinosaur and mammoths are not far behind. In recent games like Peter Rustemeyer’s Paleo, or Stan Kordonskiy’s Endless Winter, players control tribes of men facing nature, meaning cold winter and fierce beasts. This nature is wild and hostile, but it has not lost the fight yet, and men are still somewhat part of it.Illustrators got it and often draw tribesmen wearing horns or antlers, making them look like druids or shamans ready to invoke nature spirits.
The same is true, to a lesser extent, of many games about discovery and exploration. Explorators still wear their colonial helmet, but they are less and less facing savages armed with blowpipes and more and more wild animals armed wit claws and fangs, if not forest spirits and their magic. Living in a world where nature feels like a thing of the past, it can feel paradoxically reassuring to play a game where it seems it can still overcome us.
Noah’s zoo
Games with a variety of animals are nothing new. When a designer tries to pack as many and as diverse animals as possible in a single game box, it always ends in managing a zoo or filling an ark.
Noah’s Ark is the one and only biblical episode frequently used as a boardgame setting. It is in part because it has become a children story more than a religious dogma, in part because making pairs of animals already sounds like a card game and cramming them in a limited space already sounds like a boardgame. Not all of these games are aimed at children. Mechanically, gathering animals in a zoo is not very different, and zoo themed games have also been popular for quite long. Michael Schacht’s Zooloretto deserved its Spiel des Jahres.
Of course, there’s a difference. Locking up animals in cages is bad, saving them from drowning is good. This is why a heavy zoo management game, clearly aimed at adult gamers, has been called Ark Nova and very superficially disguised as a Noah’s Ark game, probably after an intense brainstorming at the publisher. The name suggests something like saving animals from global warming and rising waters when it is just about managing a zoo, and, of course, about money.Similarly, there are still games whose board is a map of Africa, but for about twenty years now, players are no more hunting animals. Now they are not even capturing them anymore, they just want to look at them, not always even daring to take pictures.
While we are at Noah’s Ark, I just saw an announcement for a new big box boardgame, called The Flood, in which… every player builds their own ark ! The very christian publisher tries to downplay what it probably thinks is bordering on heresy, it should have done the opposite and insisted on this funny and almost surrealistic point. I regret I didn’t think of it before – may be I’ll try to do a game in which every player controls a company of hobbits and tries to be the first one to throw their one ring into the cracks of Doom.
Vegetarianism and cuteness
My knowledge of botanics being extremely limited, I am unable to tell what varities of trees are the most often represented on game boxes, but I doubt it would reveal anything worth commenting. I’m a little better with wild animals, and the result is interesting. The lion, king of animals, is often there, but there seem to be even more stags and deers – an animal as proud as the lion but herbivorous – I nearly wrote vegetarian. The nature represented is indeed usually peaceful, almost bowdlerized. The true star of boardgame cover art is, unsurprisingly, the panda, the ultimate hipster animal, cute and eating bamboo.
Anthropomorphism
There are also a few pandas in games featuring anthropomorphic animals, but the real stars here are rather cats and foxes, the archetypal individualistic and competitive animals, or conversely gregarious rodents.
Anthropomorphic animals have social, psychological and sometimes even physical human characteristics. For centuries, they appear in bedtime stories and therefore in children games. They have also long been a staple of fables, which don’t target only kids, and star in numerous myths. The literature on this topic, which is not the core of my subject here, is abundant. The fact that these humanised animals are more and more present in adult hobby games nevertheless deserves some analysis.
When there’s only one animal of every specie, usually with a cute plushy face, these animals are here to lure the players into the world of fable and stories, or even to remind them of their childhood – even though there’s much to say against the naïve idea that gamers are just grown-up kids.
Things can get more complex, and sometimes ambiguous, when the game features whole species, often at war with each other. Fantasy races such as dwarves, elves, orcs and goblins, as well as strange aliens from outer-space, have often been used to bowdlerize, in war or conquest games, the staging of competition between nations, countries or races, leading paradoxically both to an euphemization and an essentialization of these conflicts. There has been recently some understanding of this, but it has so far led mostly to vain and surrealistic debates about racial prejudices in AD&D. The real and serious issue is not racism against orcs and dark elves, it is that, in our fantasy worlds, social, national or ethnic groups are systematically essentialized. We’re still waiting for some serious historical analysis of this bizarre trend.
Of course, the essentialization is even clearer when these groups become animal species.Humanoid characters with lion, eagle, beaver or cat features are often just a lighter way to represent Europeans, Asians and Africans (in ancient settings), or Americans, Russians and Chinese (in modern settings). Even when there’s only one ethnic group represented, and when cats really enjoy eating fish, my Miaui, gorgeously illustrated by Paul Mafayon, is a good example of this.
A few days ago, Bruno Cathala and I were discussing a possible new edition Mission Red Planet. We agree on getting rid of the Steampunk setting, which was absent from our prototype. We first thought of cold war style universe, a rivalry between world powers, Russia, USA? Europe, China, but we didn’t want to deal with this seriously, and it was difficult to make it really lightly. We’re now thinking of a big corporation setting, Jeff Bezos vs Elon Musk. Cats and dogs could also do the trick, in a much lighter way.
Anthropomorphic animals are not always a cute or lazy substitute for individual humans or for social groups. They can be used in a positive, conscious, humorous and self-distant context. The best example is Cole Wehrle’s Root, a complex and ambitious game inspired by contemporary geopolitical issues. The use of animal species allows for a lighter, even discreet, political discourse, which would have been harder to sustain in a realistic geopolitical setting. It also makes more difficult to criticize this or that point, depending on one’s political allegiances. And, most of all, it’s cute and fun.
Of course, it’s possible to get the best of both worlds, science-fiction or fantasy and anthropomorphism, to superpose two layers of objectivation, or just because it’s even more fun, or just because the artist wants to draw a big cat. I even recently bought a game with anthropomorphic dragons, Manny Vega’s Flamecraft.
Remakes
I fooled around on the Boardgamegeek looking for games in which, for a new edition, humans were replaced by anthropomorphic animals. I found a few interesting ones, including one of mine, Democrazy, changed in Animocrazy in the new Chinese version. I’m curious of others, so please email me if you know more. Air, Land and Sea, a card game with very realistic art about the 2nd world war, has become the much lighter looking Critters at War, without a single change in the rules. Hibachi is a remake of Safranito; the cooks moved from India to Japan and have become cats, foxes and monkeys. In the new Libertalia, pirates are lions, horses, foxes, monkeys, but no one really knows why. Things are more subtle and conscious in My Little Scythe, a new version of Scythe, in a which the action moves from a post-apocalyptic Europe to a cartoony world. Apples replace starts as victory points, but the game is only slightly simpler than the original one, and it’s childish look must not be taken at face value.How Quo Vadis became Zoo Vadis, without completely removing the Roman Senate reference is explained and justified by the publisher in a very interesting diary on the boardgamegeek.
This even happens to abstract games, like Splits which became Battle Sheep, but to be fair, abstract hames with an animal setting are nothing new. Hive is more than twenty years old, The Jungle game is more than a hundred years old, Bagh Chal and Fox and Geese more than a thousand.
The opposite is exceptional, and I’ve found only one occurence. The cute cats from Kittys, a clever japanese card game, have become standard gangsters in the French, and probably in the US edition. It’s a shame since it deprives the game of most of its charm.
Games inpired by fables are also interesting. In the first editions of David Parlett’s Hare and Tortoise, the two protagonists were drawn realistically. In the most recent versions of the game, as well as in Gary Kim’s game based on the same story, they are anthopomorphised and the race looks like human sport..
So, what should we think about all these green, spiritual, natural and animal games. I’m not yet bored of the good old fantasy, history or science-fiction settings, but I understand publishers and designers looking for something more actual. I personally like both cats and dogs, I’ve nothing against forest spirits, but I regret that they tend to have less humor than dwarves and dragons, and to be largely immune from self-mockery.
It was hard to find a game about killing trees, but it’s a good one.
J’ai connu Serge Laget dans les années quatre-vingt, à Lyon. Son premier jeu, Le Gang des Traction, conçu avec Alain Munoz, venait de sortir, tout comme mon premier jeu, Baston, conçu avec Pierre Cléquin. Pendant près de quarante ans, nous nous sommes assez régulièrement retrouvés pour travailler ensemble, d’abord pour Castel, puis pour Mystère à l’Abbaye, puis pour Ad Astra, Kheops et Argo. J’étais monté à Paris peu après qu’il était decendu dans le Sud, et nous voyions moins depuis quelques années. Nous continuions à nous voir lors de rencontres ludiques en tous genres, et à discuter par mail des projets de réédition en route pour Mystère à l’Abbaye, Ad Astra et Castel, mais je ne savais même pas qu’il était sérieusement malade. J’ignorais qu’il était sérieusement malade, et sa mort a été une surprise. Serge était gentil, attentif et discret. Ne sachant pas trop quoi dire de plus, je poste juste quelques photos où on le voit jouer à pas mal de jeux. Il y a ses prototypes, ceux des amis et quelques jeux publiés – surtout des trucs assez costauds, on ne se refait pas.
I first met Serge Laget in the eighties, in Lyon. His first game, Le Gang des raction, designed with Alain Munos, was just out. So was also my first published design, Baston, designed with the late Pierre Cléquin. For almost forty years, we occasionally worked together, first on Castle, then on Mystery of the Abbey, then on Ad Astra, Kheops and Argo. I moved to Paris soon after he moved near Avignon, and we didn’t meet that often these last years. We were still meeting at gatherings and game fairs, and discussing via email about the new editions in the pipe for Mystery of the Abbey, Ad Astra and Castle. I did not know he was that seriously ill, and his death was a surprise.
Serge was a nice guy, mindful, attentive and discreet. I’ve little more to sau, so I will just ost a few pictures where he plays boardgames. He plays his prototypes, friends’ prototypes and some published games – mostly heavy stuff, each to his own.
Un éditeur que je ne nommerai pas m’a récemment raconté une histoire amusante au sujet d’un auteur que je ne nommerai pas non plus, au catalogue de jeux bien plus fourni que le mien. Lorsque cet auteur présente ses prototypes aux éditeurs, il refuse de préciser lesquels sont des créations nouvelles et lesquels des jeux anciens, déjà publiés, dont les les droits lui sont revenus. On peut juger cela un peu mesquin, mais on peut aussi y voir une certaine logique, un souci de s’assurer que chaque jeu est bien jugé pour lui-même, indépendamment des circonstances.
Mon catalogue plus modeste ne me permet pas de jouer à ce petit jeu. Je ne cherche pas nécessairement à faire rééditer toutes mes créations de ces quarante dernières années. Certaines ont mal vieilli et décevraient même ceux qui en ont un bon souvenir, mais d’autres, me semble-t-il, mériteraient une nouvelle vie, parfois avec un nouveau thème, parfois avec des règles mises au goût du jour, souvent avec de nouvelles illustrations.
D’excellents jeux ont pu manquer une première occasion et en saisir une deuxième. La première édition de Diamant, chez Schmidt, ne fut pas un grand succès, mais le jeu ressorti ensuite chez deux éditeurs différents, Iello en Europe et Gryphon games dans le reste du monde, est depuis devenu un classique dont les ventes ne baissent pas. Les deuxièmes éditions de Mystère à l’Abbaye et Mission: Planète Rouge se sont, elles aussi, mieux vendues que les premières.
Voici donc, à l’attention des éditeurs qui passent sur ce blog, quelques-unes de mes plus ou moins anciennes créations qu’il ne me semblerait pas idiot de rééditer. Si vous voulez en discuter plus avant, envoyez-moi un mail à faidutti@gmail.com – avec le nom du jeu dans le sujet, cela simplifie la gestion de mon courrier, merci !
Tonari est une adaptation d’un vieux jeu abstrait d’Alex Randolph, Veleno. Ma version n’est pas bien vieille, puisqu’elle a été publiée en 2019. L’édition en était très réussie, et le jeu a été bien reçu, mais il est mort-né lorsque son éditeur, IDW Games, a peu après décidé d’arrêter complètement les jeux de société.
C’est un peu la même histoire qui est arrivée à Kamasutra, un jeu d’ambiance un peu loufoque qui avait pas mal fait parler de lui à sa sortie, mais n’a jamais été très bien distribué et ne s’est vraiment bien vendu qu’au Japon. Vice Games n’existe plus, et j’aimerais bien que ce jeu revienne, toujours avec les mignonnes illustrations de David Cochard.
Junggle est un ensemble de petits jeux de cartes conçus avec mon amie Anja Wrede, tous basés sur le principe de l’éléphant qui fait peur au lion qui fait peur au tigre, etc, jusqu’à la petite souris qui fait peur à l’éléphant. Si ce jeu retrouve un éditeur, Anja est volontaire pour faire elle-même les illustrations.
De tous les petits jeux de cartes que j’ai créés, Waka Tanka reste sans doute mon préféré. Je suis convaincu que, avec un autre thème – peut-être les sorcières – cette variation amusante sur le bon vieux principe du jeu du menteur pourrait connaître un grand succès, et je regrette vraiment qu’elle soit passée inaperçue. Une nouvelle édition est prévue en Amérique du Sud, mais les droits pour le reste du monde sont disponibles.
La première édition d’ Attila a peut-être pâti d’un look un peu trop enfantin pour ce qui est, au fond, un petit jeu de stratégie abstrait, rapide et pas trop prise de tête. Je verrais bien une édition plus sobre, avec des cavaliers d’échecs comme pions.
Le Collier de la Reine et Mission: Planète Rouge, conçus avec Bruno Cathala, ont tous deux rencontré un certain succès. Ils ont connu chacun deux éditions différentes, mais ne sont plus disponibles aujourd’hui. De temps à autre, des éditeurs nous ont parlé vaguement de nouvelles versions, mais rien n’a encore été fait.
Isla Dorada était sans doute l’un de mes projets les plus ambitieux. Il a eu bon accueil critique mais est passé relativement inaperçu à sa sortie. Ce n’est que quelques années plus tard qu’il a commencé à être remarqué. Il se revend aujourd’hui très cher sur les sites de vente en ligne, ce qui est plutôt bon signe.
Double Agent conçu avec Ludovic Maublanc. C’est un petit jeu de double guessing pour deux joueurs, de la même famille que les excellents Schotten Totten ou Hanamikoji. Si ces jeux se vendent bien, le nôtre doit pouvoir se vendre aussi !
Pony Express, conçu avec Antoine Bauza, est un curieux mais très rigolo mélange de jeu de parcours, jeu de bluff et jeu d’adresse. Les dés de Poker Dice y servent en effet à avancer, à jouer au poker, et à tirer sur les indiens et les cow boys adverses.
Bongo est un petit jeu de dés sans le moindre hasard, puisqu’il ne s’agit que d’observation et de rapidité pour déduire des dés qui viennent d’être lancés quel animal a été vu dans la savane. Il a connu plusieurs éditions en Allemagne, et en Pologne, jamais en France ou aux Etats-Unis.
Silk Road, conçu avec Ted Cheatham est paru en 2006. Je reste assez fier de ce petit jeu de commerce, d’enchères et de programmation, assez méchant, publié dans une boite trop grande et sans doute un peu tristounette. Il faudrait remettre un peu les mécanismes au goût du jour, mais la base est bonne et, si quelqu’un est intéressé, je suis prêt à me pencher à nouveau dessus.
China Moon est le plus ancien des jeux cités ici, puisqu’il est paru en 1996, mais je trouve qu’il n’a pas mal vieilli. C’est un petit jeu de course familial mais taquin, dont je suis sûr qu’il surprendrait encore aujourd’hui.
Si le jeu auquel vous pensiez n’est pas dans cette liste, c’est sans doute parce qu’une nouvelle édition est déjà dans les tuyaux, peut-être chez un éditeur étranger qui serait intéressé pour travailler avec vous sur une localisation. Il y a des projets en cours, plus ou moins certains, plus ou moins avancés, pour Castel, l’Or des Dragons, Toc Toc Toc, Formula E, Lost Temple et Mystère à l’Abbaye, certains avec des éditeurs exotiques – c’est à dire ni francophones, ni anglophones – qui peuvent être intéressés par des propositions de localisations. Parlez m’en, et je vous mettrai en contact avec eux.
A publisher whom I shall not name recently told me a fun story about a famous game designer, whom I shall not name either, with a much larger catalog than mine. When this designer presents prototypes to publishers, he declines to say which ones are brand new designs and which ones are older games whose publishing rights reverted to him. It might sound a bit petty, but there’s a sound logic there, a will to have every game judged in itself, no matter the circumstances.
My catalog is too limited to play such a little game, but I sometimes wish I could. I don’t want all my older and out of print designs to be republished. Some didn’t age well and would disappoint even the players who remember them fondly. Others, though, might deserve a second chance, or a second life, for some with a new setting, or with updated rules, or just with new art.
Contrary to the general opinion, boardgames can sometimes be more successful in their second incarnation than in the first one. The first edition of Diamant, by Schmidt, didn’t sell that well and was soon discontinued; when the game was republished later, by Iello in Europe and by Gryphon games in the rest of the world, it became a hit whose sales are still very strong. To a lesser extent, the second editions of Mystery of the Abbey and Mission: Red Planet also sold much better than the first ones.
Here comes, for any interested publisher who happens to read this blog, a list of out of print games, some only a few years old, some much older, which I think would deserve a new edition. If you want to discuss one of them, just email me at faidutti@gmail.com – with the name of the game in the subject field, it really helps me with managing my emails !
Tonari is a reworking of an older abstract design by Alex Randolph, Veleno. My version is not that old, since it was published only in 2019. The edition looked really nice, and was well received, but the game was dead in the water since its publisher, IDW, decided very soon afterwards to quit the boardgame market.
A similar story happened to Kamasutra, a zany and provocative party game which was much discussed when it came out, but was never really well distributed and whose only solid sales have been in Japan. The publisher, Vice Games, doesn’t exist any more, and I really would like to see it back in shops, with the cute original art by David Cochard.
Junggle is a set of several light card games designed with my friend Anja Wrede, using the same deck and based on the same idea, the elephant frightens the lion, the lion frightens the tiger, etc, but of course the small mouse frightens the elephant. If we find a new publisher, Anja can make the art.
Waka Tanka is still my favorite of all the light card games I have designed. I am convinced that with a different theme, this clever variation on the old Nosey Neighbor principle can be a hit. A new edition is scheduled in South America, but the rights for the rest of the world are available.
Attila ’s first edition might have suffered from its childish look, which didn’t fit this fast, light abstract strategy game. A new edition should probably have a more sober look, with chess knights as pawns.
Queen’s Necklace and Mission: Red Planet, both designed with Bruno Cathala, have been relatively successful. Both have already had two different versions, but are now out of print. From time to time, publishers suggest they could be interested in redoing them, but nothing has happened yet.
Isla Dorada was probably my most ambitious game design. It got good reviews and ratings, but went nevertheless under radar when it was published. I am regularly asked if I still have extra copies for sale – I don’t – and it sells at very expensive prices on online shops. A good sign.
Double Agent, designed with Ludovic Maublanc, is a simple but tricky two player double guessing game, in the same style as Schotten Totten or Hanamikoji. These games sell, so this one can.
Pony Express, designed with avec Antoine Bauza, is a tongue in cheek mix of racing game, bluffing game and dexterity game. Poker dice are indeed used to move, to play poker, and to shoot Indians and opponent cowboys.Believe me, it’s fun.
Bongo is a light and simple dice game, but a dice game with no luck. It’s all about observation, deduction and fast reaction to guess what animal has been spotted in the savannah. It has had several editions in Germany and Poland, but none in France or the US.
Silk Road, designed with Ted Cheatham, was published in 2006. I’m still proud of this simple and relatively aggressive game of trade, bidding and programming. It was published in a large empty box, with bland graphics, and went totally unnoticed. The mechanisms certainly need some updating, but if someone is interested, I’m ready to work on it.
China Moon, originally published in 1996, is the oldest game in this list, but I think it aged well. It’s light and fast paced racing game, with lots of opportunities to block and hinder opponents. I’m sure it would still feel original today.
If the game you were thinking of is not in this list, it might be because a new edition is already in the pipe, may be by a foreign publisher who would be interested in a localization offer. There are such projects, in various states of advancement and certainty, for Castle, Dragons’ Gold, Knock Knock!, Formula E, Lost Temple and Mystery of the Abbey, some of them with exotic publishers who might be interested in localization proposals. Just email me, and I’ll put you in contact.
Ces dernières semaines, l’un des sujets les plus discutés dans le cadre de mes deux métiers, l’enseignement et le jeu, a été l’émergence, certes attendue mais plus précoce et plus rapide que prévue, des intelligences artificielles. S’ils peuvent encore plus ou moins repérer les devoirs rédigés par ChatGPT, les profs devinent que cela ne va pas durer et qu’il va falloir adapter d’abord nos procédés d’évaluation pour contrer les tricheurs, et assez rapidement le contenu des enseignements pour le rendre plus utile dans un monde ou les capacités de synthèse et de réflexion des machines sont en passe de dépasser les nôtres – en gros, moins de maths, de langues, de littérature et d’économie, et plus de bricolage, de mécanique, de cuisine et de couture. Côté jeu, ce sont surtout les illustrateurs qui s’inquiètent de perdre leur boulot, remplacés par Midjourney et ses potes, mais je pense que les auteurs de jeux comme moi devraient aussi commencer à se poser des questions. Ce blog étant plus destiné aux joueurs qu’à mes élèves et collègues enseignants, c’est de l’impact des IAs sur le monde du jeu, et des réactions possibles, que je vais surtout discuter ici.
L’arrivée brutale sur le web – enfin, sur Discord – de Midjourney, il y a un peu plus d’un mois, a suscité, dans l’ordre, la curiosité, la surprise, l’émerveillement puis l’inquiétude et, parfois, la révolte. Pour analyser correctement les impacts possibles d’une telle technologie, il faut certes certes être un peu sociologue et historien, ce que je suis, mais surtout spécialiste du cerveau de l’homme et de celui des ordinateurs, domaines où je suis totalement incompétent. Malgré ou à cause de cette double incompétence, il me semble pourtant que les commentaires lus ici et là proviennent soit d’artistes qui ne réalisent pas vraiment ce que font les ordinateurs, voire le disqualifient par principe, soit de geeks qui ne voient que la performance technique de ces logiciels, effectivement impressionante, en ignorant plus ou moins délibérément les dimensions sociales et humaines.
Sci Fi boardgame cover, by Midjourney
Tout le monde, donc tous les auteurs de jeu, tous les illustrateurs, tous les éditeurs, a fait joujou avec Midjourney, parfois aussi avec Stable Diffusion. Ces outils sont d’une puissance effrayante, du moins pour qui parvient à les apprivoiser car je semble être assez mauvais à ce petit jeu, qui demande peut-être un apprentissage pour lequel je ne suis guère motivé. Les éditeurs se sont pris à rêver de jeux aux illustrations vite faites et quasi-gratuites, les auteurs à de jolis prototypes et les dessinateurs ont commencé à cauchemarder. L’inquiétude est particulièrement forte chez les illustrateurs de jeux car l’un des principaux arguments imaginés par les artistes qui veulent se rassurer est que les images artificielles seraient destinées à rester sans âme, sans émotion, sans intention. Ces caractéristiques essentielles dans bien des domaines n’ont en effet jamais été exigées dans le jeu de société, où l’art ne cherche qu’à être illustratif.
Je crains malheureusement que même cet argument soit un peu vain, et que tous les artistes graphiques soient à relativement court terme menacés, pour beaucoup dans leur métier, pour tous dans la manière dont ils l’exercent. La question est en effet moins de savoir jusqu’où l’ordinateur peut imiter l’humain, que de savoir dans quelle mesure nous fonctionnons différemment des intelligences artificielles, nous sommes capables de faire des choses qui leur resteront étrangères. Comme je l’ai dit, je ne suis spécialiste ni du cerveau humain, ni du raisonnement des machines, mais je ne suis pas sûr que la différence soit si grande et que les émotions les plus subtiles restent longtemps hors de portée des logiciels de dessin – quiconque a regardé un coucher de soleil sur une plage sait qu’il n’est nul besoin de ressentir une émotion pour la transmettre. Côté texte, ChatGTP commence à faire de l’humour, même s’il manque encore de subtilité dans ce domaine.
Quoi qu’il en soit, même si les illustrateurs de jeux ne sont sans doute pas les seuls menacés, ils sont parmi les premiers sur la liste. La réaction néo-luddiste à laquelle on assiste sur les réseaux sociaux, les artistes demandant aux éditeurs de les rejoindre dans un refus d’avoir recours à des IAs « malhonnêtes » parce qu’elles travailleraient à partir d’une base de données d’œuvres existantes et pour beaucoup juridiquement protégées, me semble mal fondée, vaine, et sans doute contreproductive. Mal fondée parce que, du moins pour la plupart d’entre eux, les artistes humains ne fonctionnent pas différemment, s’inspirant de tout ce qu’ils ont vu, voire étudié, et ne font pas toujours plus original que les IAs. Vaine parce que si, à qualité équivalente, l’art artificiel est moins cher que l’art humain, il finira nécessairement par emporter la plus grande part du marché, les créateurs humains ne jouant plus qu’un rôle marginal, comme cela a été le cas dans le textile. Les artistes, j’en connais aussi, qui s’interrogent sur leur future complémentarité avec l’ordinateur, ou sur les marchés de niche qui resteront protégés, auront plus de chances de s’en sortir. Si les tisserands ont quasiment disparu, les traducteurs sont toujours là, certes moins nombreux qu’il y a quinze ans, et travaillent avec les machines car personne ne paie plus cher pour avoir une traduction authentique intégralement faite à la main. Et ne me dites pas que la traduction est une tâche purement technique, elle est bien souvent aussi littéraire que la simple écriture.
L’arrivée de Midjourney et ChatGPT m’a pris, comme tout le monde ou presque, par surprise. Bien peu semblent avoir anticipé le pourtant inévitable progrès des IA, et leur capacité à faire des tâches créatives de plus en plus complexes. À ce rythme, je ne serais pas étonné que, d’ici quelques années, voire seulement quelques mois, Midjourney nous peigne des Picasso et des Rembrandt de bonne tenue, et ChatGPT écrive des inédits de Shakespeare et de Dostoievski parfaitement crédibles. Ces IA sont pour l’instant spécialisées, mais les prochaines générations seront polyvalentes, et donc capables de s’attaquer aux domaines des touche-à-tout créatifs que sont, par exemple, les auteurs de jeu. J’espère avoir tort, mais si je devais parier sur quand les IAs seront capables de concevoir entièrement un jeu de société qui soutienne la comparaison avec ceux des auteurs professionnels comme moi, je dirais, au doigt mouillé, d’ici 1 ou 2 ans. Les machines seront aussi bientôt capables d’écrire un article comme celui-ci, plus fouillé, avec plus de références et moins de fautes de frappe.
Nous avons longtemps cru le travail artistique et intellectuel protégé d’un progrès technique qui n’aurait affecté que les tâches manuelles et répétitives. Dans le futur rêvé de mon enfance, celui des trente glorieuses, les robots construisaient les bâtiments, travaillaient en usine à la chaîne, s’occupaient parfois du nettoyage, mais il ne serait venu à l’idée de personne qu’ils peindraient bientôt des tableaux et écriraient des poèmes. C’est l’inverse qui se produit, et comme ce que l’on ne sait pas ou mal automatiser est aussi ce qui reste le plus cher, nous pourrions aller vers un monde où les plombiers, les livreurs et les femmes de ménage seront mieux payés que les artistes et les ingénieurs – ou à tout le moins aussi bien, ce qui ne serait pas nécessairement un mal. Malheureusement, la logique du capitalisme fait que l’alignement a plus de chances de se faire vers le bas. Il va falloir s’adapter – avec mes deux mains gauches, je suis mal barré.
En contrepoint à ces inquiétudes, on croise parfois aussi sur les réseaux sociaux, en particulier dans les milieux geeks, une vision plus optimiste de l’avenir que nous préparent les machines. Les intelligences artificielles seront peut-être capables de résoudre les problèmes écologiques et sociaux générés par l’intelligence, et surtout la connerie, humaine, mais ces problèmes ont peu à voir avec l’art. Si les robots s’occupent du travail manuel, et les ordinateurs du travail intellectuel, cela nous laisserait aussi plus de temps pour le sexe, la drogue, le rock’n roll et les jeux de société. Depuis Aristote impressionné par les progrès de l’agriculture antique, cette prédiction a déjà été faite quelques dizaines de fois, ce qui la rend peu crédible. Surtout, c’est négliger que les activités intellectuelles créatives, qu’il s’agisse de musique, de peinture, d’écriture ou de création de jeux, sont rarement vécues comme des travaux pénibles. La véritable peur des artistes n’est pas de perdre leurs droits d’auteur, c’est de perdre leur plaisir d’auteur. Si recourir aux machines pour échapper à des tâches pénibles est une bonne chose que nous semblons avoir plus de mal que prévu à faire, les voir prendre en charge les activités créatives en est une autre, plus problématique. Je n’irai pas plus loin ici sur les conséquences sociales de ces évolutions, qui dépendront grandement du contexte politique, lequel ne me semble pas nécessairement des plus favorables aux travailleurs.
J’espère un peu me tromper en estimant que les intelligences artificielles vont bientôt, au moins dans les domaines artistiques, produire des résultats aussi créatifs que ceux des artistes de chair et d’os, et indifférenciables de ces derniers. Quand bien même je me tromperais, je suis néanmoins convaincu que vouloir arrêter les IAs, ou se réfugier dans un petit monde où l’on ferait comme si elles n’existaient pas, est totalement vain – sans doute l’adjectif que j’ai le plus utilisé dans cet article – et ne bénéficiera donc à personne.
Comme tous les journalistes ayant récemment écrit sur les IAs, j’ai demandé son opinion à ChatGPT, mais contrairement à la plupart, j’ai choisi d’attendre d’avoir terminé de rédiger la mienne. Sa première réponse lorsque je lui demandé « quels seront les effets des IAs sur la création et l’illustration de jeux de société? » était centrée sur le contenu des jeux, point intéressant mais que je n’ai pas vraiment abordé dans mon article. Je je lui ai donc ensuite demandé « quels seront les effets des IAs sur le travail et l’emploi des auteurs et des illustrateurs de jeux de société ? ». Ses prévisions, que voici, sont plus mesurées que les miennes, ce qui est logique puisqu’elles sont fondées sur une sorte de moyenne des opinions exprimées jusqu’à la fin 2021 sur le sujet – mais l’ordinateur nous conseille quand même d’être formés et préparés !
Il est difficile de prédire exactement comment l’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) pourrait affecter le travail et l’emploi des auteurs et illustrateurs de jeux de société. Cependant, il est possible que l’IA puisse être utilisée pour automatiser certaines tâches de création de jeux de société, comme la génération de concepts de jeu ou la création d’illustrations de base. Cela pourrait entraîner une réduction de la demande de travailleurs humains pour ces tâches précises, mais il est important de noter que l’IA ne peut pas remplacer complètement l’ingéniosité et la créativité humaines. Il est possible que l’IA puisse également être utilisée pour améliorer le travail des auteurs et illustrateurs en leur fournissant des outils et des ressources pour faciliter leur travail. Par exemple, l’IA pourrait être utilisée pour générer des idées de jeux ou pour aider à la création de illustrations de haute qualité. Il est important de noter que, comme pour tous les domaines professionnels, l’utilisation de l’IA dans la création de jeux de société pourrait entraîner des changements dans les emplois et les carrières des auteurs et illustrateurs. Il est important de continuer à surveiller de près l’évolution de l’utilisation de l’IA dans ce domaine et de s’assurer que les travailleurs concernés sont formés et préparés à ces changements potentiels
These last weeks, one of the hottest discussion topics at my two jobs, teaching and game designing, has been the much faster than expected emergence of artificial intelligence. Teachers still can more or less spot the student assignments made with ChatGPT, but we know it won’t last. We will have first, and very fast, to adapt the way we evaluate the students performances to prevent cheating. Then we must think of a new curriculum which will be more useful in a world where machines’ synthesis and reflexion abilities outsmart ours – probably less maths, languages, literature and economics and more handiwork, mechanics, cooking and sewing. In the boardgaming business, illustrators are already afraid of losing their jobs to Midjourney and its pals, but I think boardgame designers like me should also start to consider the future differently. Since this blog is more often read by boardgamers than by my students and fellow teachers, I will mostly discuss below the possible effects of the new AIs on the boardgaming world, and our possible reactions.
The sudden arrival of Midjourney on the web – well, on Discord – , more or less a month ago, has generated first curiosity, then surprise, wonder, concern and, sometimes, revolt. To correctly analyze the possible effects of such a technology, one should of course be a bit of a historian and sociologist, which I am, but also a specialist in neuroscience and computer science, two domains in which I am largely incompetent. Despite, or because of, this double ineptitude, it seems to me that most of the comments I’ve read these last weeks come from artists who don’t really understand what computers are doing, or disqualify it on principle, or from geeks who see only the impressive technical performance and ignore, more or less deliberately, its human and social implications.
Fantasy family boardgame cover, by Midjourney
Everyone, including every boardgame designer, every boardgame illustrator, every boardgame publisher, has started toying with Midjourney, sometimes with Stable Diffusion. These tools are indeed impressively powerful, at least for those who easily learn how to use them, because I seem to be very bad at prompting and didn’t get anything really convincing. Anyway, publishers started to dream of nearly free and always delivered in time illustrations, designers of nice-looking prototypes, and illustrators got nightmares.
Game illustrators are among the most concerned because the main wishful thinking argument imagined by artists trying to reassure themselves is that artificial images are and will stay soulless, unable to convey intention or emotion. All this has never been required in boardgame art, which is usually purely illustrative. I’m afraid that even this argument is vain, and most graphic artists are threatened in a relatively short term, if not in their very job, at least in the way they do it. The question is not how far computers can imitate men, it is whether our brains work really differently from theirs, whether we will keep being able to do things that will stay alien to them. As I have said, I’m not a specialist of human or computer brains and reasoning, but I’m not sure differences are that deep, and I’m not sure conveying subtle emotions will long stay out of graphic AI’s range. Anyone who ever looked at a sunset on the beach knows that one doesn’t need to feel an emotion to convey it. ChatGPT, the text generating AI, is starting to show some humor, even if it’s not very subtle yet.
Anyway, even if boardgame illustrators are not the only one whose jobs are at stake, they are on the frontline. The reaction of most of my artist friends on social networks has been to ask publishers to restrain from using « dishonnest » AIs who use existing and often legally protected works in their database. This neo-luddism is ill-founded, vain and may be even counter-productive. It is ill founded because, for most of them, human artists don’t work very differently; they get their inspiration from existing art that they have seen and even sometimes studied, and never create in a cultural limbo. It is vain because, if artificial art is as good and cheaper than human one, it will inevitably get the biggest market share, as it happened despite Ludd in the textile industry. Other artists who are wondering about their future complementarity with AIs, or trying to find niche markets that will remain protected, have better odds of getting by. Weavers have almost disappeared, translators are still there, though fewer than fifteen years ago, and work with computers because no one is going to pay a higher price for an authentic hand made translation.
The emergence of Midjourney and ChatGPT took nearly everyone by surprise. We didn’t foresee the inevitable progress of AIs and, most of all, their ability to do ever more complex creative works. At this pace, I won’t be surprise if in a few years, if not a few months, Midjourney paints rather good Picassos and Rembrandts while ChatGPT writes perfectly credible Shakespeare plays and Dostoievsky novels. Online AIs are so far specialized, but the next generation will be more versatile and able to deal with the work of creative dabblers such as, for example, game designers. I hope I’m wrong, but my bet is that in one or two years such AIs will be able to design a complete boardgame as good as those created by a professional designer like me. Soon they will also be able to write an article like this one, with more references and examples, better spelling and better grammar.
We have long believed that artistic and intellectual jobs would never be threatened by technical progress and automatization, which could only replacing mundane manual tasks. In my youth, in the sixties, we were dreaming of a world in which robots would construct buildings, work at assembly lines, sometimes clean houses, but no one imagined they would someday draw paintings and write poetry. The reverse is happening, and since what we cannot have machines do for you is usually what’s well paid, we might be entering a world in which plumbers, delivery drivers and housemaids will be better paid than artists and engineers – or at least paid the same, not necessarily a bad thing. Unfortunately, due to the capitalist inner logic, downward changes are more likely than upward ones. Intellectuals will have to adapt; with two left hands, I’ve a feeling I’m not gonna make it.
Contrasting with these worries, one can also read here and there on social networks, especially from hardcore geeks, a more optimistic take on our future life with the machines. Artificial intelligences might be able to solve social and ecological problems created by human intelligences, and even more by human stupidity, but these have little to do with art and creation. If robots take care of manual labor and computers of intellectual tasks, this should leave us more time for sex, drugs, rock’n roll and boardgames. Since Aristotle, who was impressed by the technical progress in ancient agriculture, this prediction has been made several dozens of time, and there’s no reason to believe it will be more accurate this time. This also neglects a very important point : unlike most of the physical tasks executed by machines and robots, creative and intellectual activities are mostly pleasurable. The real issue for most artists is not author’s rights, it’s author’s fun. Having machines taking over mundane and painful tasks can be a good thing, but seems to be more difficult than we expected. Having them take over creative activities is another one, more problematic. I won’t go further about the social impact of these changes. It will strongly depend on the political context, which doesn’t seem to be very favorable to workers, even intellectual ones.
As I said above, I don’t know much about neuroscience or computer science. I might be wrong, and I hope I’m wrong, in thinking that artificial intelligence will soon do creative works as good as that of flesh and blood humans, and impossible to differentiate from it. Even if I’m wrong, however, I’m sure that trying to stop AIs, or to take refuge in a small world from which they are banned, won’t profit anyone.« Vain » is probably the adjective I’ve used the most frequently in this blogpost.
Like all the journalists who recently wrote about AIs, I have asked ChatGPT for its opinion. When asked « what will be the effects of AIs on the design and illustration of boardgames », its answer was mostly dealing with the content of games, an interesting point but not the one I have discussed here. I rewrote my question as « what will be the effects of AIs on the work and jobs of boardgame designers and illustrators? ». His predictions are less violent than mine, which didn’t surprise me since they are based on the average opinion on the issue expressed until the end of 2021. It nevertheless advises us to be « trained and prepared ».
It is difficult to predict exactly how the use of artificial intelligence (AI) will impact the work and jobs of board game designers and illustrators. However, it is possible that AI could be used to automate certain tasks related to board game creation, such as generating game concepts or creating basic illustrations. This could lead to a reduced demand for human workers for these specific tasks, but it is important to note that AI cannot completely replace human ingenuity and creativity. It is possible that AI could also be used to enhance the work of board game designers and illustrators by providing them with tools and resources to facilitate their work. For example, AI could be used to generate game ideas or help create high-quality illustrations. It is important to note that, as with all professions, the use of AI in board game creation may lead to changes in the jobs and careers of designers and illustrators. It is important to continue to closely monitor the evolution of AI in this field and ensure that affected workers are trained and prepared for these potential changes.