Le financement participatif n’est plus, dans l’édition ludique, une nouveauté mais je continue à me poser pas mal de questions sur l’impact de Kickstarter, et aujourd’hui de son concurrent Gamefound, sur le marché du jeu. Côté plus, cela permet la sortie de jeux très ambitieux, ou de rééditions, comme aujourd’hui avec The Artemis Odyssey et Mystère à l’Abbaye, qui n’auraient sans doute pas vu le jour sans cette possibilité. Cela a permis l’apparition de tout un écosystème de petits studios d’édition, les italiens de Mojito Games en sont un, qui n’auraient pas pu financer de tels projets par les procédés plus classiques. J’achète d’ailleurs beaucoup de jeux sur Kickstarter, un peu moins sur Gamefound. Côté moins, cela encourage les jeux surproduits, plein d’extensions et de matériel inutile à une époque où l’on devrait plutôt chercher la sobriété. Cela ne profite guère aux tout petits jeux, qui sont de plus en plus mon centre d’intérêt, et contribue à ce que le milieu des joueurs reste un milieu d’initiés. Surtout, même avec l’invention récentes des pledges groupés pour les revendeurs, cela marginalise les boutiques spécialisées, un peu comme Amazon et les liseuses tuent lentement les librairies.
Pour les auteurs, c’est compliqué. Je n’aime pas le travail de promotion supplémentaire sur les réseaux sociaux que nous devons faire, ou que nous sentons obligés de faire, lorsque l’un de nos jeux arrive sur Kickstarter ou Gamefound, mais je suis content lorsque cela permet la sortie d’un jeu qui n’aurait sans doute pas été publié autrement, et c’est le cas de cette nouvelle édition. Et puis, il y a le problème du calcul des droits d’auteur sur les jeux en financement participatif. Si l’on accepte un pourcentage un peu plus faible du CA éditeur parce que le jeu sera vendu directement, on se retrouve lésé lorsque, après le lancement initial, il est retiré pour une vente en boutique. Et les contrats avec plusieurs taux selon le mode de distribution deviennent vite des usines à gaz. Ou alors, on base les contrats sur le prix boutique, mais on tombe alors dans d’autres problèmes….
Je ne sais même plus ce qu’il y a à ce sujet dans le contrat de Mystère à l’Abbaye, il faudrait que j’aille vérifier, mais je suis très heureux de voir arriver cette nouvelle version de ce qui fut l’une de mes premières collaborations avec mon ami Serge Laget. Il est malheureusement mort avant d’avoir pu voir les boites de cette troisième édition, ni d’ailleurs celles de The Artemis Odyssey ou celles de Castel (et je commence à me demander si ce dernier va vraiment sortir).
La troisième édition de Mystère à l’Abbaye est publiée par un petit éditeur italien, Mojito Studios, qui s’est fait une spécialité des rééditions un peu luxueuses de jeux des années 2000. Avant de signer, Serge et moi avon d’ailleurs demandé l’avis de Bruno Cathala et Ludovic Maublanc, auteurs de Cléopatre et les Architectes, qui nous ont dit que tout s’était très bien passé pour eux et que l’on pouvait y aller. Tout s’est aussi très bien passé pour nous.
Pour ceux qui ne le connaissent pas, Mystère à l’Abbaye est t un jeu de déduction familial d’un format très classique, hommage tout à la fois au Cluedo, pour les mécanismes, et au Nom de la Rose, pour l’histoire, même si le jeu prend bien des libertés avec ces deux sources d’inspiration. Un moine est mort, et ses collègues, les joueurs, enquêtent pour trouver l’assassin. Des cartes permettent d’innocenter certains occupants de l’abbaye, les livres de la bibliothèque donnent accès à des indices, et les rumeurs circulent à la sortie de la messe. Quand on en sait trop, il faut parfois faire vœu de silence. Vous trouverez plus de détails dans l’article que j’avais consacré, en 2012, à la deuxième édition.
Les changements sont peu nombreux pour cette nouvelle édition, for joliment illustrée par Naïïade. Par souci de simplification, nous avons retiré du jeu de base la Crypte, que peu de joueurs utilisaient, mais elle revient sous la forme d’une mini-extension avec le kickstarter, tout comme quelques nouvelles cartes sorties pour moitié de notre imagination ou de celle de l’éditeur, pour moitié des forums assez actifs consacrés à ce sujet. Les Templiers de l’édition Days of Wonder, dont on se demandait un peu ce qu’ils faisaient là, sont enfin redevenus des Dominicains comme dans la toute première édition, chez Multisim. Comme pour Cléopatre, l’édition devrait être assez luxueuse, tout ça. Elle est prévue pour l’instant en Anglais, Italien et Espagnol, mais il y aura probablement, peut-être plus tard, des boîtes en français. Je trouverais rigolo de faire une version en latin, mais je ne suis pas certain qu’il y ait un marché pour cela, et mon latin un peu rouillé n’est pas assez bon pour prendre en charge la traduction.
Mystère à l’Abbaye Un jeu de Serge Laget et Bruno Faidutti Illustré par Naïïade 3 tà 6 joueurs – 60 minutes Publié par Mojito Studios Prévu pour 2024 Boardgamegeek
Boardgames Crowdfunding is nothing new any more, but I am still wondering what will be the lasting effects of Kickstarter, and now its competitor Gamefound, on the boardgame market and business. On the bright side, it makes possible the publishing of ambitious projects, or of new editions of older games sur as, for example, The Artemis Odyssey and Mystery of the Abbey, which would probably not have been possible without it. It made possible the emergence of a bunch of new small publishers such as the Italian Mojito Games, which would not have found the funds to start their business otherwise. I buy many such games on Kickstarter, and a few ones on Gamefound. On the dark side, it favors big and often overproduced games, filled with unnecessary expansions and showy components, in a time where we should focus on sobriety. It’s not made for smaller and lighter games, on which I am focusing on now. It makes boardgames an even more geeky and insiders’ world. Most of all, even when some campaigns now have shop grouped pledges, it marginalized the friendly local game shops, a bit like Amazon and tablet are slowly killing bookshops.
On the designer’s side, things are also ambiguous. I don’t like the extra work of promoting a new Kickstarter or Gamefound campaign on social networks, but I am happy when, like with this new edition of Mystery of the Abbey, it makes possible something which would probably never have happened otherwise. The royalty rate is also an issue. If we accept a smaller rate based on turnover because the game will be sold directly, we end up wronged if, after the initial crowdfunded print run, a new one one is made for standard shops. On the other hand, contracts with different rates depending on the distribution network soon become Rube-Goldberg machines. And it’s another story if based on MSRP.
I don’t remember what we decided for Mystery of the Abbey, I should check, but I am very happy to see that one of my first codesigns with my late friend Serge Laget is back. Serge unfortunately died too soon to see the copies of this next edition, as well as those of the Artemis Odyssey or of the new Castle – if the latter is finally published, which is far from certain.
The new edition of Mystery of the Abbey is published by a small Italian publisher, Mojito Studios, who specializes in luxuous remakes of classic games from the 2000s. Before signing with them, Serge and I asked Bruno Cathala and Ludovic Maublanc, the desiners of Cleopatra and the Society of Architects, for advide. They told us everything went well for them, so we followed. We were right, everything went well for us as well.
Mystère à l’Abbaye is a family-style deduction game, inspired by Clue / Cluedo for its mechanisms, and by Umerto Eco’s Name of the Rose for its background story, but it takes liberties with both its sources. A monk has been killed, and its colleagues, the players, investigate the murder. Cards help to exculpate some of the Abbey monks, the library books give hints, and rumours fly around after the mass. When someone knows too much, it might be better to make a vow of silence. More about it in the blogpost I wrote in 2012 for the second edition.
There has been very few changes for this new version, with gorgeous art by Naïïade. For the sake of Simplicity, the Crypta, which few players really used, has been removed, but it’s back as an optional expansion with the Kickstarter, together with a dozen of extra cards, half o which come from the various internet forum discussions about the game. The Templars of the Days of Wonder version, who had no reason to be there, are back as Dominicans, like in the very first French edition, and it makes more sense. The components should be as gorgeous as those in Mojito Studio’s last offering, Cleopatra and the Society of Architects. So far, only English, Italian and Spanish language copies are scheduled, but there will probably be a French version, may be a few months later. I would love to see a Latin version of the game, but I’m not sure there’s a market for it, and my rusty Latin is not good enough to do the translation.
Mystery of the Abbey A game by Serge Laget et Bruno Faidutti Art par Naïïade 3 to 6 players – 60 minutes Published by Mojito Studios Scheduled for 2024 Boardgamegeek
En octobre 2022, j’ai été invité à participer à une rencontre d’auteurs et d’éditeurs de jeu à Puszczykowo, en Pologne, dont j’ai parlé un peu dans un autre post. J’y ai donné une conférence, inspirée par quelques déconvenues récentes, sur les bienfaits qu’apportent, mais aussi les problèmes que posent, les modifications d’un jeu par l’éditeur. Cet article en est une version rédigée, un peu développée, et mise à jour puisque plusieurs des jeux dont je parlais sont depuis arrivés en boutique, ou sont maintenant, en juin 2023, en train d’arriver.
Les romanciers assurent volontiers, en plaisantant à demi, qu’éditeurs et directeurs de collection sont des écrivains frustrés. Il n’en va pas très différemment dans le monde du jeu. Cela rend les discussions sur les détails d’un jeu à la fois intéressantes, parce que techniques, et difficiles, parce qu’empreintes de jalousie. Cela fait surtout de la phase de « développement » d’un jeu, un euphémisme pour « modifications apportées après que le contrat a été signé », la partie la plus mentalement épuisante et moralement difficile de la création, au point que je sois parfois tenté de laisser tomber.
Bien sûr, comme tous les auteurs de jeux, je ne présente à des éditeurs que des prototypes longuement testés et qui me semblent prêts à être publiés, après éventuellement l’ajout de quelques jolis dessins. Il reste néanmoins parfaitement normal que celui qui publie le jeu veuille faire quelques modifications. La nature et l’ampleur de ces bricolages devraient néanmoins être discutées à l’avance, ce qui est rarement le cas, voire précisées dans le contrat, ce qui n’est jamais le cas. Les désaccords entre auteur et éditeur sur le « développement » du jeu sont bien plus fréquents que ceux portant sur des questions financières, mais nos contrats ne parlent le plus souvent que d’argent, et parfois de temps. Malheureusement, lorsqu’un désaccord survient à propos d’un point qui n’est pas discuté dans le contrat, l’éditeur, qui il est vrai est seul à risquer son argent, se retrouve en position de force et peut faire un peu ce qu’il veut.
L’organisation du développement (j’arrête les guillemets) du jeu après que le contrat a été signé est d’abord une question pratique. Les désaccords entre auteur et éditeur sont une question morale, et pourraient même devenir une question légale, bien que je ne connaisse pas (encore?) d’exemple qui ait fini devant les tribunaux. Je signale néanmoins que le droit est, en la matière, assez différent d’un pays à l’autre. En droit français, les droits d’auteur moraux et patrimoniaux sont distincts, et seul le droit patrimonial est cédé à l’éditeur, qui ne peut donc théoriquement pas modifier substantiellement une création, et donc s’agissant d’un jeu en modifier la règle, sans l’accord explicite de son auteur originel. Cette distinction n’existe pas dans de nombreux pays, et notamment aux États-Unis.
L’important n’est cependant pas la loi. C’est l’auteur, l’éditeur, les personnes, leurs relations, et bien sûr le jeu. Si je tiens le plus souvent à ce que mes jeux soient publiés avec les règles précises que j’ai imaginées et rédigées, il m’est arrivé dans quelques cas, après en avoir discuté, de laisser délibérément le champ libre à l’éditeur – mais cela dépend du jeu, du moment, de l’éditeur. Chaque cas est particulier, et chaque cas doit être discuté à l’avance.
Je connais bien sûr quelques créateurs qui ont eu des problèmes avec le calcul ou le paiement de leurs droits d’auteur, mais je n’en connais pas un seul qui n’ait une histoire un peu absurde à raconter sur les modifications de dernière minute apportées à un jeu par un éditeur, sur les règles bidouillées à la va vite, ou, et c’est un autre problème dont j’ai déjà parlé en détail dans un autre article, sur les traductions faites avec les pieds. Les désaccords financiers, en outre, peuvent toujours se régler, quitte à ce que ce soit avec un peu de retard, quitte à ce que soit, ce qui est heureusement rarissime et ne m’est jamais arrivé, après intervention de la justice. Les problèmes éditoriaux ne peuvent pas être réparés, un jeu n’ayant quasiment jamais aujourd’hui de seconde chance.
Si cet article parle presque exclusivement de mon expérience personnelle, c’est parce que je ne suis pas sûr que mes collègues auteurs souhaitent que je rapporte ce qui a pu leur arriver, même si beaucoup m’en ont parlé. En outre, si discuter de ces problèmes est difficile pour un auteur déjà bien installé comme moi, j’imagine que c’est plus compliqué encore pour de jeunes créateurs ayant une moindre expérience du petit monde ludique, et pesant moins lourd face à un éditeur. Je vais donc dans la suite de cet article m’adresser directement à l’auteur, même si mon propos est un peu aussi destiné aux éditeurs, souvent trop sûrs d’eux en matière de « développement ».
Rentrer dans les cases
Donc, vous êtes auteur de jeu néophyte, vous avez présenté votre projet de jeu à un éditeur, qui le trouve intéressant mais….
Le thème ne rentre pas dans sa gamme Le thème est trop proche de celui d’un autre de ses jeux C’est trop long C’est trop court C’est trop agressif Cela manque d’interaction C’est trop simple C’est trop compliqué Il faudrait que cela tourne à deux joueurs – j’ai sans cesse ce problème, car très peu de mes prototypes sont conçus pour deux joueurs.
Pour le thème, cela dépend du jeu. Il est souvent facile de le changer, mais c’est aussi parfois impossible ou absurde. Pour tout le reste, rien n’est inconcevable tant que c’est fait avec soin, sans se presser, et par l’auteur ou du moins avec sa participation. Les écrivains ont le même problème. Le manuscrit de mon livre sur les licornes était 2,4 fois trop long, mais c’est moi qui ai fait les coupes.
Le thème (enfin, l’univers)
Note : certains critiques ludiques font une distinction, empruntée à la critique littéraire, entre le thème et l’univers. Le thème serait la nature de l’intrigue (coopération, enquête…) et l’univers le contexte du récit (médiéval fantastique, exploration spatiale…). Si cette distinction est intéressante pour parler de roman ou de théâtre, elle ne fait pas toujours sens dans les jeux de société, ou ce que les littérateurs appellent « thème » est plus ou moins intégré aux mécanismes. J’emploie donc ici le mot thème dans son sens ludique usuel, et certains lui préfèreront univers.
Parfois, un éditeur est séduit par un jeu qu’il a essayé, mais pense que le thème n’est pas vendeur, ou ne convient pas à sa gamme. C’est le problème le plus fréquent, et en général le plus aisé à résoudre – un changement est possible, ou ne l’est pas. Ne s’engageant pas à publier un jeu tant qu’ils ne sont pas fixés sur son thème, la plupart des éditeurs vont discuter d’un nouvel univers avec l’auteur, ou au moins annoncer clairement qu’ils comptent en trouver un, avant de signer le contrat d’édition. Deux ou trois fois pourtant, il m’est arrivé de voir un éditeur aborder le changement de thème après la signature, comme s’il était évident que cela ne poserait aucun problème. Ils ont toujours cependant, ce qui est la moindre des choses, discuté du nouvel univers avec moi.
Quant à savoir si ce changement est techniquement possible ou non, cela dépend bien sûr du jeu. Beaucoup sont fondamentalement abstraits. Si le thème n’est rien de plus qu’un vague contexte exotique ou historique permettant de donner un nom au jeu et à ses éléments, en changer ne devrait poser aucun problème. Je ne me souviens plus du thème originel d’Attila, mais je suis certain qu’il n’y était pas question de barbares dont les chevaux piétinent l’herbe. L’un de mes prototypes ne s’appelle Chasseurs de vampires que parce que les pions que j’ai utilisé pour faire mon prototype représentent des vampires et des types avec un chapeau 1900. Je ne sais plus si le changement de thème de Mascarade, passé d’Alice au pays des merveilles au carnaval de Venise, est intervenu avant ou après la signature du contrat avec Repos Prod. Pigeons, un jeu dans lequel des vieilles dames donnaient des miettes de pain aux oiseaux, est devenu Chawaï, un jeu de chats polynésiens attrapant des poissons, et c’est toujours le même jeu.
À l’inverse, certains jeux sont tout entiers construits autour d’un univers, rendant le plus souvent ce changement impossible. C’est bien sûr le cas des jeux de simulation, y compris les wargames. Dans d’autres jeux de société moins ambitieux, c’est souvent le signe que ce sont de bons jeux, des jeux qui racontent une histoire. Parmi mes propres créations, je pense à Trollfest ou Mystère à l’abbaye. On peut pourtant parfois avoir des surprises, puisque je ne pensais pas que le jeu que Bruno Cathala et moi avions imaginé, dans lequel une araignée géante tentait de capturer des hobbits, pourrait avec quelques ajustements devenir un jeu où des chasseurs essaient d’attraper des bébés Raptors.
La plupart des jeux, ou en tout cas de mes jeux, se situent quelque part entre ces deux extrêmes. C’est bien sûr là que les choses se compliquent. Souvent, le changement proposé par l’éditeur donne au jeu une nouvelle dimension que l’auteur n’avait pas imaginé, et sur laquelle il peut rebondir. C’est ce qui est arrivé pour Isla Dorada. Le prototype que j’avais présenté à Funforge avait un thème passablement ennuyeux et peu original, une caravane de marchands dans l’Europe médiévale. Je savais que ce n’était pas terrible, mais je n’avais rien trouvé d’autre. C’est Philippe Nourah, à Funforge, qui a eu l’idée de raconter l’histoire d’un groupe d’explorateurs perdus sur une ile déserte, ce qui est quand même plus sexy. Le changement a été décidé rapidement, me laissant le temps de retravailler le jeu pour l’adapter au nouveau thème, introduisant de nouveaux éléments comme un dirigeable, des pandas tueurs et des guerres tribales. Ce n’est pourtant qu’une fois le jeu publié que j’ai réalisé qu’il y manquait un cliché essentiel des îles tropicales, le volcan. Si un jour ce jeu connait une nouvelle version, je me débrouillerai pour l’ajouter. Je suis aussi très satisfait du thème de Tonari. Mon prototype, comme le jeu d’Alex Randolph qui l’a inspiré, était purement abstrait. Je savais qu’il avait besoin d’un univers pour prendre toute sa dimension, mais n’en avait pas trouvé de satisfaisant. L’idée du bateau de pêche pris dans la tempête vient de l’éditeur, IDW games – qui a malheureusement quitté le monde du jeu de société peu après la sortie de ce joli jeu qui cherche aujourd’hui un nouvel éditeur. Même s’il fut fait avec mon accord, le changement du thème de ce qui est devenu Dreadful Circus, a été plutôt raté. Dans le prototype, comme dans le jeu qui sortira en 2023, les joueurs étaient des nains sous la montagne amassant pièces d’or, gemmes et objets magiques. Cela collait parfaitement aux mécanismes du jeu, mais n’était guère plus original que les marchands médiévaux d’Isla Dorada. Je n’ai donc pas été très surpris que l’équipe de Portal décide de changer le thème, et j’étais très content qu’ils en aient trouvé un. Malheureusement, le nouvel univers manque de cohérence, on ne voit pas très bien quelle histoire le jeu raconte. Je ne sais pas bien dans quelle mesure cela est dû au thème lui-même, ou au fait qu’il a été mis en place rapidement, quelques mois avant la publication, sans aucun feedback sur les mécanismes du jeu.
Le premier problème, et souvent la première victime, d’un changement d’univers est la cohérence thématique. Mes jeux ne sont pas des simulations, mais le thème d’origine peut néanmoins avoir influencé les mécanismes de bien des manières. J’essaie par exemple toujours d’introduire de petites règles thématiques, ainsi que des clins d’œil dans les noms et les effets des cartes et autres éléments du jeu. Tout cela est perdu lorsque le jeu change d’univers de référence, et doit être remplacé par de nouvelles astuces, de nouveaux gags, de nouveaux clins d’œil, quitte à changer quelques règles. Souvent, je retire carrément un élément de jeu qui ne fait pas sens dans le nouveau monde. Malheureusement, cette étape essentielle de “retour vers le prototype” est souvent négligée, voire ignorée, l’éditeur se contentant, sans grand souci de logique, de donner aux éléments du jeu de nouveaux noms inspirés par le nouveau référentiel. Si le thème d’un jeu édité semble plaqué, et c’est souvent le cas, c’est parce que le thème a en effet été plaqué, vite et mal, plus souvent par l’éditeur que par l’auteur. Introduire dans le jeu ces nouveaux clin d’œil, ces nouvelles petites règles, comme Anja Wrede et moi l’avons fait lorsque notre jeu des brebis perdues est devenu Le petit poucet demande un peu de temps, et une bonne connaissance des équilibres du jeu. C’est pourquoi cela doit être fait par, ou au moins avec, l’auteur.
Règles et mécanismes
Et là, les choses se compliquent encore, entraînant désaccords et parfois rancœur. Lorsqu’ils ne sont pas des auteurs frustrés, les petits éditeurs, et plus encore les développeurs professionnels qui œuvrent chez les gros éditeurs, sont d’anciens auteurs. Ils résistent rarement à la tentation de mettre leur grain de sel, d’ajouter de nouvelles règles, de nouvelles cartes, et de bricoler les équilibres du jeu. Ils connaissent les jeux et les joueurs aussi bien voire mieux que vous, ils savent lire et écrire des règles, ils peuvent apporter un regard extérieur et critique nécessaire, mais aussi vaste que soit leur culture ludique, ils n’en savent pas autant que vous sur votre jeu, votre création. Ils peuvent aider à terminer un jeu encore un peu brouillon, ils peuvent donner des conseils utiles, mais vous ne devez pas les laisser vous mettre sur la touche. Les meilleurs développeurs n’essaient d’ailleurs pas de réécrire les règles, et se contentent de guider l’auteur en lui indiquant dans quelle direction travailler.
Bruno Cathala et moi avons eu une expérience un peu étrange avec Raptor. Après que nous avions – enfin, que Bruno avait car c’est lui qui a fait le plus gros du travail – transformé notre jeu de hobbits et d’araignées en jeu de dinosaures et de scientifiques, nous avons trouvé un éditeur intéressé, Matagot. Les premiers mois de travail sur le jeu ont été assez pénibles, l’éditeur apportant aux règles des modifications qui n’avaient pas vraiment de sens. Tous ces changements rendaient le jeu plus complexe, moins thématique, et souvent nous renvoyaient à d’anciennes versions du jeu, d’anciennes règles que nous avions éliminées car elles ne fonctionnaient pas bien. Fort heureusement, si l’éditeur était sans doute un auteur frustré, il était intelligent et, après quelques mois de perdus, a réalisé qu’il faisait fausse route et nous a rendu la main pour, essentiellement, revenir à notre version d’origine. D’autres sont plus têtus, ou ne pensent même pas à consulter l’auteur.
Bien sûr, comme en ce qui concerne le thème, il arrive que l’éditeur / développeur ait d’excellentes idées. Plusieurs des nouveaux personnages de Mascarade, ou de la grande boite de Citadelles, sont des idées des équipes de Repos Prod et de Z-Man. Ne vous braquez pas contre l’équipe éditoriale, n’ignorez pas ses suggestions, mais – sauf exception, j’y reviendrai – ne la laissez pas non plus s’approprier votre création. Testez chaque nouvelle règle, chaque nouvelle carte, pas après pas, une par une.
Rien n’est plus frustrant que de ne pas avoir de nouvelles d’un éditeur pendant des mois, puis de recevoir soudain un lien vers des pdfs déjà quasiment maquettés, de nouvelles règles et de nouvelles cartes, avec une centaine de modifications par rapport à la version précédente. L’auteur, celui dont le nom va figurer sur la boîte, découvre alors, trop tard, que le “développement” s’est fait sans lui, que ce n’est pas son jeu qui va être publié. C’est ce qui m’est arrivé avec Dreadful Circus, et c’est la raison pour laquelle je suis passé à côté de certaines des modifications les plus problématiques. Fort heureusement, après une discussion avec mes amis de Portal où nous avons tous reconnu nos erreurs, nous nous sommes entendus pour que je récupère mes droits. Le jeu que j’avais imaginé, sans doute la création dont je suis le plus fier, avec ses règles, ses équilibres et son thème, sortira cette année chez Trick or Treat Games sous le nom de Treasure of the Dwarves.
Cela se passe bien mieux lorsque l’on accepte de lâcher un peu son bébé à l’avance, après en avoir discuté. J’aurais sans doute préféré que Oink games, le sympathique éditeur japonais de petits jeux dans de toutes petites boîtes, publie le jeu de décompte des étoiles dans le ciel que je lui avais proposé. J’ai néanmoins été très content lorsque Jun Sasaki m’a dit que cela lui avait donné une idée pour un autre jeu, assez différent, utilisant le même mécanisme central. J’ai vu son jeu, j’y ai joué en ligne avec lui et son équipe, et j’ai accepté qu’il soit publié. Mon nom vient cependant en second sur la boite après celui de Jun. Il était originellement entendu que je pourrais continuer à chercher un éditeur pour mon jeu originel, mais j’ai abandonné cette idée après quelques parties de la version finale de Whale to Look. Contrairement à ce qu’il s’était passé pour Dreadful Circus, Whale to Look est en effet meilleur, plus léger et plus dynamique, que mon Constellations.
Vampire the Masquerade – Vendetta est passé par trois phases de design successives, ce qui en fait un bon exemple de la manière dont un éditeur peut efficacement gérer le développement du jeu. Lorsque Charlie Cleveland, designer de jeux videos, entreprit de concevoir un jeu de société sur le thème des vampires, Il décida prudemment de demander l’aide d’un auteur de jeu de société plus expérimenté. J’ai eu la chance qu’il me choisisse. Partant de son premier prototype, nous avons ensemble réalisé une deuxième version du jeu, plus fluide, et qui nous a paru suffisamment différente pour que nos deux noms figurent sur le prototype – j’étais un peu le développeur. Nous avons ensuite trouvé un éditeur, Horrible games, qui décida de situer l’action dans l’univers de la Mascarade – toujours des vampires, certes, mais des vampires un peu spéciaux, avec leur monde, leur culture. Cet univers était familier aussi bien à Charlie qu’à Lorenzo et Hjalmar, de Horrible Games, mais je n’en connaissais à peu près rien. Pour travailler avec eux à cette phase finale du développement, il aurait fallu que je passe d’abord des mois à me documenter, essentiellement en lisant des livrets de jeu de rôles. Je choisis alors de me mettre en retrait, mais l’auteur originel, Charlie, était toujours là et fit même le voyage jusqu’à Milan pour quelques sessions intensives de tests et de développement. Charlie, Lorenzo et Hjalmar ont fait, tous ensemble, un excellent boulot.
Remakes et rééditions
Étant un vieil auteur de jeu, j’ai maintenant dans mon « catalogue » de nombreux jeux qui ne sont plus édités, et dont quelques uns ont connu deux ou trois versions différentes. Si vous êtes un éditeur éventuellement intéressé, voici un post récent avec une liste de titres disponibles.
Serge Laget et moi avions, il y a quelques années, décidé de reprendre de fond en comble Ad Astra pour en faire une version plus dynamique, qui sort ces jours-ci chez un éditeur américain, Great Gamers Guild. Là encore, nous avons fait le plus gros du développement, l’éditeur testant quelques versions successives et nous envoyant de temps à autre ses remarques et suggestions. Serge n’étant pas très à l’aise en anglais, c’est moi qui ai écrit les règles, mais en discutant de chaque point avec lui. L’équipe de the Great Gamers Guild a ensuite reformulé quelques passages, mais toujours après en avoir discuté avec nous. Cela s’est malheureusement moins bien passé avec l’éditeur de la « localisation » française.
Le plus souvent cependant, et en particulier lorsque c’est l’éditeur qui m’a contacté pour faire une nouvelle version d’un jeu que j’ai un peu perdu de vue, voire dont j’ai oublié les règles, je n’ai pas de plaisir ou d’intérêt particulier à m’y replonger. Je trouve cela à la fois plus difficile et moins excitant que d’essayer de faire quelque chose de vraiment nouveau. Qu’elle ait eu du succès ou non, si « ma version » originelle du jeu a été publiée, j’e n’ai guère de problèmes à laisser un autre, le plus souvent un éditeur, la retravailler à sa guise. Ayant déjà fait ce que je pouvais faire d’une idée, je suis même curieux de voir ce que d’autres pourront en tirer.
Grail Cup, qui arrive ces jours-ci chez Matagot, est un bon exemple de cette démarche un peu plus distancée. Il s’inspire d’un jeu plus ancien, Lost Temple, paru il y a une quinzaine d’années, qui reprenait déjà le système de choix de personnage de Citadelles, mais dans un jeu de course. Lost Temple ne s’était d’abord pas trop mal vendu, mais les ventes avaient vite décliné et j’avais récupéré les droits. Me penchant à nouveau dessus, il m’a semblé que je pouvais le dynamiser en supprimant les gemmes, qui étaient un peu la monnaie du jeu. J’ai donc fait un nouveau prototype. Matagot s’y est intéressé, mais à condition de pouvoir changer le thème. Nous avons discuté ensemble de quelques idées, pour nous entendre sur les chevaliers de la table ronde et la quête du Graal. Lost Temple existait déjà, il me restait quelques exemplaires d’auteur, et j’étais déjà pas mal pris par d’autres projets, certains d’ailleurs chez Matagot. Nous avons donc convenu ensemble que ce serait l’équipe de l’éditeur qui s’occuperait de cette nouvelle version. De temps en temps, ils me montraient leur dernière version pour que je puisse la tester, la valider, et parfois y glisser mon grain de sel, mais l’initiative, les orientations, le gros du travail ne sont pas de moi. Le résultat est sans doute meilleur que ce que j’aurais pu faire.
J’ai récemment placé pas moins de cinq jeux chez un nouvel éditeur très sympathique, Trick or Treat studios. Trois d’entre eux, Trollfest, Treasure of the Dwarves et un troisième dont je ne peux pas encore parler, sont de nouvelles créations, que l’éditeur ne m’a guère demandé de modifier. Halloween Party est une nouvelle édition de Toc Toc Toc!, un petit jeu de cartes paru il y a plus de dix ans. Gwenaël Bouquin et moi, les deux auteurs d’origine, avons travaillé ensemble avec l’équipe de Trick or Treat pour revoir un peu les effets des cartes.
Le dernier jeu, qui lui aussi n’a pas encore été annoncé, est aussi une nouvelle version d’un petit jeu assez ancien. L’éditeur souhaitait changer le thème, ce qui impliquait de revoir tous les effets des cartes pour construire des decks cohérents avec le nouvel univers, et j’ai dit clairement que ce travail ne m’intéressait pas vraiment. C’est donc l’éditeur qui développe tout cela en interne, tandis que je me contente de regarder de temps à autre où ils en sont et de tester un peu les decks pour vérifier qu’ils ne sont pas trop déséquilibrés. Le boulot n’est pas encore terminé.
Les règles, écriture et réécriture
Un jeu, au fond, ce n’est qu’une règle, et c’est donc la règle que vous devez relire avec soin pour vérifier qu’une modification n’y a pas été apportée sans que vous soyez au courant. Cela peut arriver même dans les jeux les plus simples. Je me souviens de la toute première édition de Diamant, dans laquelle l’éditeur avait sans prévenir personne supprimé la règle selon laquelle, lorsque deux cartes danger identiques sont piochées, l’une d’entre elles et retirée du jeu. Lorsque je repérai, au dernier moment, cette curieuse « correction », l’explication de l’éditeur fut qu’il ne voyait pas de problème à enlever une petite règle sans importance qui ne faisait que compliquer le jeu. C’est certes une petite règle de rien du tout, mais elle est essentielle car elle augmente les enjeux et diminue les risques au fur et à mesure de la partie, rendant possible des come-backs inattendus, ce qu’il n’avait pas réalisé. Si je n’avais pas fait attention, si je n’avais pas insisté pour que ce « petit détail » soit réintroduit dans les règles, le jeu serait paru sans et n’aurait peut-être pas rencontré le succès qu’il a eu.
J’insiste désormais systématiquement pour rédiger moi-même le premier jet des règles destinées à figurer dans la boîte, l’éditeur passant derrière mais ne faisant de corrections qu’avec mon accord. Tous les auteurs ne procèdent pas ainsi. Certains n’aiment pas rédiger des règles ou savent qu’ils ne sont pas très bons dans cet exercice. Du moins leur faut-il s’assurer qu’elles sont rédigées en bon anglais, ou en bon français, ce qui est loin d’être toujours le cas. Cette rédaction doit aussi être entamée suffisamment à l’avance pour permettre plusieurs allers-retours afin de faire toutes les corrections et reformulations nécessaires. Trop souvent, ce travail pourtant essentiel, est fait dans l’urgence, dans la semaine qui précède l’envoi à l’imprimeur.
Curieusement, ce sont surtout les éditeurs français qui ont tendance à passer des semaines, voire des mois, à soigner la maquette d’un jeu, à en retravailler les illustrations avec soin, puis à écrire les règles avec les pieds dans dans les derniers jours, avant de laisser, quand ils y pensent, une dizaine d’heures à l’auteur pour la relecture et les corrections. Les éditeurs anglo-saxons semblent mieux comprendre l’importance de la clarté et de l’élégance du texte, et c’est l’une des raisons pour lesquelles, dans les boites de jeu, les règles en anglais sont presque toujours bien meilleures que celles en français.
Il y a un temps pour tout
Auteurs et éditeurs de jeux n’ont pas la même temporalité. Je comprends très bien les problèmes de gamme et de programmation de sorties des éditeurs. Je n’en suis pas moins énervé, voire désespéré, lorsque après avoir attendu un ou deux ans sans la moindre nouvelle après la signature d’un contrat d’édition, je reçois soudain un email me disant « le jeu sort dans six mois, et d’ici là il faut changer le thème, ajouter une variante pour deux joueurs et une variante coopérative, diminuer le nombre de cartes pour baisser le coût de production, et remplacer tout le texte des cartes par des icônes pour que le jeu soit plus facile à localiser « à l’international » ». Peu importe alors que l’éditeur vous demande de faire les changements ou pense pouvoir les faire lui-même, le résultat sera toujours le même, un désastre éditorial. Le prototype de l’auteur est le résultat de mois, parfois d’années de réglages, de bricolage et de tests. Il est toujours possible d’en faire plus, mais les nouveaux changements doivent être faits avec le même soin, et testés prudemment, l’un après l’autre, à leur rythme. Trop d’éditeurs sous-estiment le temps nécessaire pour cela, ou surestiment aussi bien l’auteur originel que leurs développeurs.
Les idées de dernière minute peuvent être excellentes, mais on n’en est jamais certain. Méfiez vous des vôtres, et plus encore de celles de l’éditeur, qui ne connaît pas le jeu aussi bien.
Tout faire soi-même
Alors, bien sûr, il reste la possibilité de tout faire soi-même, d’être l’auteur, l’éditeur et parfois aussi l’illustrateur. C’est le choix qu’a fait, par exemple, Luis Bruêh, auteur notamment de l’excellent Night Parare of a Hundred Yokais. J’apprécie son stytle de jeu comme son style graphique, et j’aimerais que tous mes jeux soient illustrés avec le même humour et aussi soigneusement édités. C’est bien sûr la meilleure façon, comme auteur, d’obtenir très exactement ce que l’on souhaite, mais je n’y ai jamais pensé très sérieusement.
La première raison est que, comme je l’ai expliqué plus haut, si les éditeurs ont parfois de mauvaises idées, ils en ont plus souvent de bonnes. Je râle pour quelques déceptions, mais si je faisais le compte, je trouverais sans doute un plus grand nombre de mes jeux auxquels le développement éditorial a vraiment ajouté quelque chose.
La seconde raison est que l’édition, c’est un métier, que je ne pense pas être capable de maîtriser. Il faut discuter illustration, maquette, imprimerie, fabrication, distribution, toute une série de domaines dont je crains qu’ils ne me passionnent pas, et pour lesquels je suis à peu près certain de ne pas être compétent. Je ne sais pas dessiner, et Kickstarter ne règle plus ou moins que le problème de la distribution. D’ailleurs, pour une success story comme celle de Luis Bruêh, que je citais plus haut, on compte de nombreux échecs, des auteurs inconnus et parfois ruinés, qui se sont lancés sans trop savoir où ils allaient, persuadés à tort qu’en concevant un jeu, ils avaient fait le plus gros du boulot. Ils n’avaient fait que le plus amusant.
Quarante ans déjà….
Les quelques mauvaises expériences que j’ai eu récemment montrent bien que la manière dont un jeu peut être « développé » (je reprends les guillemets pour la conclusion) devrait être l’un des premiers points discutés entre auteur et éditeur. Ce n’est presque jamais le cas. Les problèmes autour du jeu lui même, de son thème ou de ses règles, sont bien plus fréquents que les désaccords financiers entre auteur et éditeur, mais nos contrats consacrent de longues pages au calcul des droits d’auteur et pas une phrase au « développement » du jeu. Je ne connais pas d’exemple de désaccord éditorial qui se soit terminé devant les tribunaux, mais c’est peut-être justement parce que les contrats ne disent rien. Il n’est peut-être pas nécessaire de tout formaliser par écrit, mais auteur et éditeur devraient discuter de ce sujet clairement et systématiquement avant de se lancer dans un processus d’édition.
Cela fait maintenant quarante ans que je conçois des jeux et discute avec des éditeurs. Ce qui était un hobby un peu intello est devenu un marché et un business. La quasi totalité des auteurs et des éditeurs sont encore des joueurs, des passionnés, mais ils ont dû, comme moi, devenir aussi un peu des professionnels. Au moment de donner la dernière touche à un jeu, de faire les derniers petits réglages, de rédiger le texte définitif des règles, de choisir un illustrateur, chacun se sent responsable de tout. Peut-être parce que je ne suis pas très sensible aux images, je ne me mêle pas trop du choix des artistes qui illustrent mes jeux; j’apprécie que l’on me demande mon avis, mais je laisse l’éditeur décider. Pour tout le reste, pour tout ce qui concerne le jeu lui même, et notamment la rédaction des règles, les choses sont de plus en plus difficiles. Être ouvert à la discussion, c’est être capable de changer d‘avis, mais c’est aussi savoir défendre son point de vue.
Les éditeurs connaissent le marché mieux que vous, et mieux que moi. Ils savent ce qui se vend et ce qui ne se vend pas. Ils savent ce qui rentre dans leur gamme et ce qui n’y rentre pas. Ils risquent leur argent dans la publication d’un jeu, quand je n’y dépense guère que du temps. Face à des auteurs, jeunes et vieux, de plus en plus nombreux, ce sont eux qui font leur marché. Tout cela les met en position de force et fait qu’il est difficile à un auteur de refuser des modifications lorsqu’il pense qu’elles peuvent affaiblir le jeu. D’un autre côté, le nom de l’auteur figure désormais sur toutes les boites de jeu, comme c’était depuis longtemps le cas sur les couvertures des livres. L’auteur de jeu est bien devenu un « auteur », presqu’un écrivain. Ce n’était pas le cas dans les années quatre-vingt-dix, où on le considérait comme une sorte d’inventeur, de bricoleur – ce qu’il est un peu aussi, c’est vrai. Mais ce nom sur la boite, parfois aux côtés de celui de l’illustrateur et toujours au dessus de celui de l’éditeur, il signifie que l’auteur est responsable du jeu, de ce qui est dans la boite. Si je suis responsable, même solidairement, je dois être impliqué jusqu’au bout.
In october 2022, I was invited to a game designers and publishers meeting in Puszczykowo, in Poland. I already told about it in an earlier blogpost, here. I gave a speech, largely inspired by a few recent bad experiences, about the benefits, but also the problems encountered when a publisher wants to “develop”, that is to change, a game. This article is a streamlined and updated version of this speech – updated because several of the games I used as examples, and on which I was working then are hitting the shelves just now, in June 2023.
Any novelist would tell you, half jokingly, that most literary editors and publishers are frustrated writers. The same is true in the boardgame industry. It makes discussing the details of a game with the publisher both interesting, because of the technicity, and challenging, because hampered by jealousy. The « development » of a boardgame, development being an euphemism for « rule changes made after the publishing contract has been signed » is the most mentally and morally exhausting part of boardgame design – to the point I am sometimes tempted to give it up.
Of course, like every other boardgame designer, I only show to publishers well tested prototypes which, I think, are finalized and nearly ready for publication after the addition of some art. It is perfectly understandable, however, that the publisher might want to implement some changes. The nature and possible extent of these changes should be discussed in advance, which is rarely the case. May be they should even be specified in the contract, which is never the case. Design and development issues between designer and publisher are much more frequent than money issues, but most game publishing contracts deal almost exclusively with royalty rates and publication deadlines. Unfortunately, when there’s a disagreement about something which is not dealt with in the contract, the publisher is in a position of strength – meaning they can do more or less what they want.
How to organize the game development after a publishing contract has been signed is a practical issue. How to deal with disagreements between the designer and the publisher about a game is also a moral issue, and could become a legal one, though I don’t know (yet?) of a single case of game development issue which ended before a court. I’d like to stress, however, that the law on these issues is very different depending on the country. In French law, there is a patrimonial author’s right which is sold via the publishing contract, and a moral author’s right which cannot be sold and implies that, no matter what’s in the contract and how many subcontracors there are, a cultural work cannot be substantially modified without the agreement of its author. As far as I know, there’s no such distinction in US law.
What is important however is not the law, it is the designer, the publisher, their relations, and of course the game. While I wanted most of my games to be published with the exact rules I had devised, and usually managed to do it, there are some designs for which I was ready to give the publisher free rein, and even a few cases where I asked for it.It all depends on the people, the game, the timing – every case is different, but every case must be discussed beforehand.
I know very few designers who ever had troubles with the calculation or the payment of their royalties. I don’t think I know a single one who doesn’t have an absurd story to tell about how a publisher modified, or wanted to modify, one of his designs. We also all experienced clumsy rules rewriting, or but that’s another topic which I already discussed in an article last year, terrible rules translation. Furthermore, money issues can always be solved, even if late, even if with help from a court, something which is luckily extremely rare and never happened to me. Editorial issues, on the other hand, cannot be corrected. What’s done is done and games almost never get a second chance.
I will write here almost exclusively from my experience, because that’s what I know best, but also because I’m not sure fellow designers would like me to make public stories I’ve heard from them. If discussing this issues is still very difficult for a well established designer like me, I imagine it must be even harder to young publishers with no or little experience in the boardgame business, and therefore no strong standing when facing a publisher.Of course, even though I formally address designers, this article is also, in a way, intended to be read by publishers.
The game “must fit”
So, you’ve shown your prototype to a publisher and they find your game interesting but…
The theme doesn’t fit with their line The theme is too much like another of their games It’s too long It’s too short It lacks interaction It’s too aggressive It’s too simple It’s too complex It should accommodate two players – this happens to me all the time, because my first prototypes usually don’t.
Theme issues depends on the game. Sometimes the setting can be changed, sometimes not. Changes in the game systems should always be conceivable, as long as they’re not excessive. It must be done carefully, with no hurry, and if not by the original designer at least with them. It happens to writers as well, who often have to shorten their text, or rewrite some parts of it. My unicorn book was 2.4 too long for my publisher, I accepted it, but I did the cuts.
The theme – OK, the setting, if you prefer
Note : As is now usual in the gaming world, I use indifferently the terms « theme » and « setting » to describe the universe in which the game action is taking place. I know perfectly well that some critics make a difference, taken from literary theory, with the theme being the plot underlaying the game action (cooperation, whodunnit…) and the setting the universe in which it takes place (medieval fantasy, science fiction…). While this distinction is interesting when discussing novels or theater plays, it doesn’t always make sense with boardgames. What literary critics call « theme » is, in most games, inherent with the mechanisms.
A very common situation is when a publisher enjoys playing a game, but thinks the setting won’t sell or won’t fit their line. A change in theme is the most frequent publisher request, and usually the easiest one to deal with – it’s possible, or it isn’t. Since they don’t plan to publish a game before knowing what its setting will be, most publishers will discuss it with the designer before signing the publishing contract, or at least make clear that they want to look for a new theme. Two or three times however, I have signed a contract with a publisher who didn’t specify beforehand that they wanted to change the theme of a game, because they didn’t really think it could be an issue. At least they always discussed the new setting with me afterwards.
Of course, whether a change is possible or not depends on the game. Many games are, at their heart, abstract. If the setting doesn’t go further than giving a vaguely historical or exotic name to the game and its pieces, changing it should never be a problem. I don’t remember what was the original theme, if any, of Attila, but I know it wasn’t barbarians swamping grass. I have a prototype named Vampire Hunters only because the pieces I used in the prototype are vampire shaped, and which could have hundreds of other themes. I don’t even remember if the change of theme in Mascarade, from Alice in Wonderland to Venice Carnival, happened before or after I signed the publishing contract with Repos production. Miaui was about old ladies giving bread crumbs to pigeons, the publisher made it about Polynesian cats catching fishes, but this doesn’t affect the gameplay.
Conversely, some games are built around their theme, making a change of setting clearly impossible. This is obviously the case with simulation games, including wargames, but that’s also true of many other lighter games. Among my own designs, that’s the case with Mystery of the Abbey or Trollfest, and if often means these are good games, games that tell a story. There may be surprises, though – I never imagined that the Hobbits vs giant spider that Bruno Cathala and I had designed could, with minor rules changes, become a game about Raptors and hunters scientists.
Most games, or at least most of my designs, are in between, and that’s where things can get tricky.
Often, the change initiated by the publisher is for the better. A good example of this was Isla Dorada. The original prototype I had shown to Funforge had the most boring setting one can imagine – medieval merchants in central Europe. I knew it was bland but had vainly been looking for another meaningful and consistent setting. The idea of making it the exploration of an island, which is undoubtedly more sexy, came from the publisher, Philippe Nourah. The change was implemented soon enough to let us about one year to introduce new and fun thematic elements such as airship, killer pandas and tribe wars. Only after the game was published did I realize that we forgot to add an essential exotic island cliché, the volcano – if there’s a new edition someday, I’ll manage to bring one in. Another nice story is that of Tonari. My prototype, like the simpler Alex Randolph’s game which inspired it, was purely abstract, and I knew it needed a more or less meaningful setting. The idea of a fishing boat, which fits perfectly, came from the publisher, IDW games (who unfortunately left the boardgame business since, so this fun little game is looking for a new publisher). Even when I had agreed with it when proposed by the publisher, the theme change in Dreadful Circus was a miss. The prototype, like the upcoming new version of the game, was about dwarves collecting coins, gems and magical treasures. It fitted perfectly well with the game mechanisms, but it was only slightly more original than German medieval merchants. I was not really surprised when Portal asked to change it, and I was happy they had found an idea. The problem is that the new universe doesn’t really make sense when playing, and the game never feels like the unfolding of a story. It’s hard to say if it’s because of the setting itself, or because it was implemented in a hurry, a few months before publication, without any real feedback to the game elements.
My designs are not simulations, but the original universe can nevertheless inform the game mechanisms in many ways. I usually try to give hints to the setting, either with minor thematic rules, or with jokes linking card names and their game effects. These small rules, these lights puns, are obviously lost when there’s a change of theme and should be replaced with other ones, even if it means changing a few rules. When a given rule doesn’t make sense in the new setting, it’s often better to just remove it. Most times, this necessary feedback from the new theme into the game rules and cards is forgotten. The publisher takes the card, pieces and effects from the prototype and just gives them more or less random new names inspired by the new setting, names which don’t always make sense. If the theme of so many games feels « pasted on », it usually is because it has indeed been hurriedly and carelessly pasted on. Bringing new small thematic rules, small thematic puns into the game, like Anja Wrede and I did when our Lost Sheep game became Lost in the Woods, needs some time, and an intricate knowledge of the game balance. That’s why it should be done by, or at least with, the original designer.
The mechanisms – that is, the rules
That’s where things can get tricky, and this can lead to disagreements and even bitterness. The few publishers who are not frustrated designers are former game designers. Both can’t resist jumping in, adding new rules, new cards, reworking the game balance. Big publishers even hire in-house “game developers”, who are something like glorified professional frustrated game designers. These people have a vast game culture, lots of experience with reading and writing rules, they know the games and the gamers better than you do. The problem is that despite their larger game culture, they don’t know your specific game as well as you do. They can help finalizing a game that is still a bit rough, they can give you valuable advice, but you should not let them put you aside. The best developers are those who don’t try to rewrite the game rules but rather guide the designer and tell them in what direction they should work.
Bruno Cathala and I had a strange and mixed experience with Raptor. After we – well, mostly Bruno – had changed the setting of our Hobbits/Spider game to Raptors/Scientists, we found a publisher for it, Matagot. The first months of development were painful, the publisher trying to make changes to the game that didn’t really make sense, like replacing fire on the different spaces with barbed wire between the spaces. It made the game more complex, less thematic, and in some ways it was sending it back to earlier versions we knew didn’t work. Luckily, if the publisher was a frustrated designer, it was an intelligent one who realized this didn’t work. We mostly went back to our original version, but after a few months lost.Other publishers are more stubborn, or don’t even think of discussing the changes with the designer.
Of course, just like with theme, the publisher or developer can have really good ideas. Some of the characters in Mascarade, or in the new version of Citadels, are in-house additions made by the people at Repos prod and Z-Man. As a designer, you should not block developers, you should not ignore them, but you should not let them get loose. Keep control of your game, be sure to check every new card, every new rule – and that’s why they must be implemented one by one.
Nothing is most frustrating than getting no news from a publisher and then suddenly finding out that the development has been made and more or less playtested without you, when receiving a link to a new set of rules and cards with hundreds of changes from your last version. That’s what happened with Dreadful Circus and is the reason why I missed some of the most critical and problematic changes.I had long discussions with Ignacy and the team at Portal, we all admitted our errors, and we decided that I will get my rights on the game back. My original game, probably the design I’m most proud of, will be published at the end of 2023 by Trick or Treat Games as Treasure of the Dwarves, with its original setting, its original rules and its original balance. It’s defintely not the same game as Dreadful Circus.
It might be OK, and even go very smoothly, when everything has been discussed from the beginning. I would have preferred Oink games, the small Japanese publisher of small games in very small boxes, to publish my original game about counting stars in the sky, Constellations. I was nevertheless happy when Jun Sasaki told me it had given him an idea for something a bit different, using one of the core mechanisms of my game. I saw his game about tourists going whale watching, Whale to look, played it online with their team, and agreed to have it published. My name, however, is second after Jun’s one on the box. We originally agreed that I would still be allowed to look for a oublisher for my original game, though I gave up this idea after a few plays of the final version of Whale to Look, which, unlike what happened with Dreadful Circus, is indeed better and more fun than my Constellations.
Vampire the Masquerade – Vendetta, which had three successive design phases, is a good example of how publisher development can be dealt with efficiently. When Charlie Cleveland, who was already a successful video game designer, decided to give a try at a Vampire themed boardgame, he prudently chose to ask an old boardgame designer for collaboration, and he chose me. We started from his original prototype and together designed a second version, more fluid and different enough to deserve both our names on the prototype box – in a way, I was the developper there. Then we found a publisher, Horrible Games, who decided to move the game into the Masquerade universe. It’s still a vampire settiong, but a very specific and sophisticated one. Charlie, Lorenzo and Hjalmar of Horrible games were all familiar with it, I wasn’t. Working on this with them would have implied spending months reading sourcebooks to get acquainted with this universe, and I didn’t have the time for it. This is why, for mostly technical reasons, I decided to step aside from this last development phase, but the original designer, Charlie, stayed in and even made the trip from San Francisco to Milan for a few intensive playtest and development sessions. They made a fantastic job.
New versions of older designs
Being an old game designer, I now have a “catalog” with many out of print games, and even a few ones which have had two or three successive editions. By the way, if you’re a publisher interested in republishing some of my older stuff, here’s a recent blogpost with a list of available titles.
A few years ago, Serge Laget and I have decided to work on a more dynamic version of Ad Astra. This new version ought to be published soon by Great Gamers Guild. Like for a brand new game, Serge and I made most of the development. The publisher was just testing successive iterations and emailing us remarks and advice, of which we made good use.Similarly, I wrote a first draft of the rules, which were rewritten here and there by the Great Gamers Guild, but always after discussion with us.Unfortunately, it didn’t went as smoothly with the publisher of the French version.
Most times however, and especially when the idea of a new edition of an out of print game comes from the publisher, I am not that much intellectually interested in reworking my older designs. It’s never as exciting as making something really new. When « my » original version of a game has already been published, no matter whether it has been successful or not, I have no problem with giving a publisher free rein on a new version. What I could do with this game has been done, I’m now curious to see what others can do out of it.
A good example is Grail Cupwhich is hitting the shelves just now, published by Matagot. It is a reworking of an older game, Lost Temple, published ten or fifteen years ago. Lost Temple was itself a different take on the Citadels character system. It sold relatively well, but the success didn’t last and the publisher discntinued it. I took it back, made a streamlined version without the gem/money element, and showed it to a few publishers. Matagot was interested, but they also wanted a different settoing, to emphasize that it’s not the same game. We discussed it together and ended with a fun idea, Knights of camelot racing for the Grail castle. Lost Temple was already here, I still had a few author copies on my shelves, I was working on other projects at the time, so we decided together that their development team will handle the changes. Everey few months, they showed me their last version of the prototype so that I can playtest it and, sometimes, jump in with a few small ideas. I’m really happy with the result, which is probably better than what I could have done.
Similarly, I recently signed for five games, no less, with a new publisher, Trick or Treat Studios. Three of them were brand new designs, Trollfest, Treasure of the Dwarves and a third one which has not been announced yet; the publisher didn’t ask for any major change to their rules. The two other ones are new versions of older card games. Knock Knock! Has just been republished as Halloween Party. The development was a real collaborative work, the two designers, Gwenaël Bouquin and I, working together with the publisher on the fine tuning of some card effects.
The last one, a card game which has not been announced yet, is also a new version of an older design which already had several iterations. Trick or Treat wanted to change the setting, and the new theme meant that we have to design new cards and decks embedded in this new universe. I made clear from the beginning that I was not very interested in working this, and I let them do the development. I check from time to time what they are doing, I playtest new cards deck to make sure everything works. It’s still a work in progress.
Writing and rewriting rules
In the end, a game is just a set of rules. That’s why, until the very end, the designer should check every version of the rules to make sure no unexpected and unwelcome change has been made. Theoretically, no change should be made that was not discussed with you before, but, well, it happens. It even happens in the lightest and simplest games. When checking the final rules for the very first edition of Diamant, I suddenly realized the rule stating that when two identical danger cards are revealed, one of them is removed from the game, was missing. This had not been discussed before with the publisher. I emailed the publisher, whose answer was that this was just a very minor rule which was removed for the sake of simplicity. It is indeed a small rule, but it is essential because it changes the odds, making advancing slightly less hazardous when the game moves on, and therefore making dramatic comebacks more likely. If I had not noticed this, if I had not insisted on bringing back this trivial rule, the game would have been published without, and would probably have been less successful.
I now insist on writing the first draft of the final ruleset, which then comes back and forth between publisher and designer for corrections and, here or there, rewriting. Most game authors don’t work like this, because they don’t like rules writing or because they know they’re not very good at it. At least, you must make sure the rules are clear, grammatically correct, and that there is enough time for corrections and serious proof-reading. Too often, this is made hurriedly, sometimes in the week before the game goes to the printer. No wonder so many game rules are ambiguous and badly written.
Some publishers (mostly French ones, I don’t know why) spend months reworking the art and graphic design of a game, before writing clumsy rules in the last wekk and letting a day or two to the designer for prof-reading and correction. US publishers seem to be more aware of the importance of a clear and elegant writing. That’s one of the many reasons why the English rules of a game are almost always better than the French ones.
There’s a time for everything
Game designers and game publishers have different time frames. I can understand why, I can sympathize with publishers’ schedule issue. I nevertheless feel both overwhelmed and frustrated when I sign a publishing contract, wait one or two years with little or no news, and then suddenly receive an email saying « we plan to publish the game six months from now and, in the meantime we would like to change the setting, add a two player and a cooperative variant, remove a few cards and replace all the text with icons to make it language independent ». No matter whether the publisher asks you to do the changes or assumes it can work on it in-house, this is a recipe for editorial disaster The designer’s prototype is usually the result of months, if not years, of playtesting and fine tuning. Changes can always be made afterwards, but they must be made with the same care, one after the other, with enough playtesting and feedback in between. Many publishers underestimate the time needed to implement these changes, or overestimate both their developers’ and the original designer’s ability to do it.
Last minute ideas can be great, but you are never sure. Be wary of your own ones, and be even more wary of those from developers who don’t know the game as well as you do.
All by oneself ?
Of course there’s always the temptation to do all by oneself, to be at the same time designer, publisher and sometimes even illustrator. This is the choice made, for example, by Luis Brueh, who designed, among others, the recent and excellent Night Parade of a Hundred Yokais. I like his design style, and I would like all my games to be so well illustrated and produced. This might look like the best way to get exactly the game one wants. I never really seriously considered it, for two reasons.
The first reason is that, as I explained before, while publishers sometimes have bad ideas, they more often have good ones. I can grumble here for a few disappointments, but if I were to reckon all lmy published games, there are probably many more which were realy improved by the publisher’s “development”.
The second reason is that publishing is a different job, and one I don’t think I can master. I don’t feel like discussing graphic design, printing, production and distribution, and I’m quite sure I would be very bad at it. I’m terrible at drawing, and Kickstarter partially solves only one other issue, distribution. For one relatively successful story like that of Luis Bruêh, there are many unknown and sometimes ruined designers, who went all-in, confident that by designing a game, they had made the hardest part of the job.They had not.
What has changed in 40 years….
I’ve had a few bad experiences recently. How a game will be « developed » should be clear from the beginning, and it almost never is. Between publishers and designers, issues with game development are far more frequent than issues about money, when our contracts sometimes have more than ten pages about how to reckon royalties and not a single sentence about the development and finalization of the game. It might make little sense to write it down if no one is willing to go to court about it, but at least it should be clearly and openly discussed by designer and publisher before signing a contract.
I’ve been designing games and dealing with publishers for forty years now. There has been lots of changes in what went from a tiny hobby to a mass market. Most designers and publishers are still enthusiast gamers, but they also had to become more professional. When it comes to finalizing a game, making last adjustments to the rules, choosing an artist, writing the final ruleset, everyone feels more and more responsible and wants to check everything. May be because I’m not that good at art, I don’t try to mess with the publisher’s choice of illustration, even when I prefer to be informed and sometimes give my opinion. But on all other publishing issues, on everything that deals with the game itself, discussions have become more tense. I’m open to discussion, but if I’m not convinced, I try to hold my ground, and I think more designers should try to hold theirs.
Publishers know the market better than I do, and better than you do. They know what sells and what doesn’t. They know what can fit in their line and what cannot. Contrary to game designers, they spend their own money in publishing a game. All this places them in a stronger position and can make difficult for a boardgame designer, especially a wannabe one, to resist a change they are afraid might weaken the game. On the other hand, the designer’s name is now on the game box like the novelist’s name is on a book cover. A game designer is now recognized as an « author », almost a writer ; this was not the case in the nineties, when he was seen as a kind of « inventor ». This also means the designer / author is accountable for what is in the box, the game, its setting, its mechanisms, its rules. If I’m accountable, I need to be incharge, or at least involved.
Halloween Party est une nouvelle version d’un jeu de cartes déjà assez ancien, conçu avec Gwenaël Bouquin, et originellement publié il y a une quinzaine d’années sous le nom de Toc Toc Toc ! Les quelques modifications apportées aux règles à l’occasion de cette nouvelle édition visent à rendre le jeu plus varié, plus tendu et plus équilibré.
Le principe est tout simple. Chaque joueur a une main de cartes et, à son tour, pose une carte personnage face cachée devant un autre joueur en disant « toc toc toc ! ». Le joueur devant lequel est posé la carte doit alors choisir entre ouvrir la porte, et laisser le personnage entrer, rejoignant ainsi sa petite fête de Halloween, ou refuser d’ouvrir, auquel cas le personnage s’en va chez le joueur qui avait d’abord joué la carte. Bien sûr, si la plupart des convives sont bienvenus, et certains, comme les musiciens, particulièrement appréciés, d’autres doivent être évités avec soin, comme les ivrognes ou le terrible chevaliers ans tête. La pioche étant face visible, chacun finit par savoir plus ou moins quelles cartes les autres joueurs ont en main, et l’on peut essayer de deviner ce qu’ils nous proposent. C’est donc un jeu de bluff tout simple, accessible aux plus jeunes mais assez fourbe pour séduire les joueurs avertis
Lorsque la sympathique équipe américaine de Trick or Treat m’a contacté, à la recherche de jeux de société dont le thème pourrait leur convenir, c’est bien sûr ce jeu qui m’est d’abord naturellement venu à l’esprit. Je ne suis pas le seul à avoir fait le même raisonnement puisque Emerson Matsuuchi leur a proposé son Tricks and Treats, dans lequel les joueurs sont des enfants rivaux allant de maison en maison, essayant de récupérer les meilleurs bonbons. Je n’ ai pas encore joué à Trick and Treats, mais je suis à peu près certains que c’est aussi le genre de petit jeu de bluff que mes amis et moi apprécierons.
Halloween Party Un jeu de Gwenaël Bouquin and Bruno Faidutti Illustré par Drew Rausch 3 à 5 joueurs – 20 minutes Publié par Trick or Treat Studios Boardgamegeek
Halloween Party is a new and version of an older game, Knock Knock!, designed with Gwenaël Bouquin and originally published more or less fifteen years ago. There has been a few changes in the rules, mostly for more tension, more variability and a better balance.
The idea is extremely simple. Each player has a small hand of cards and, on their turn, plays a face-down character card in front of another player, saying “knock, knock!”. The player in front of whom the card was played can either open the door, and let the character enter their Halloween party, or keep the door closed, in which case the character moves to the party of the player who initially played the card. Of course, while most guests are welcome, and a few ones like the musicians sought-after, other ones, like drunkards or the harrowing headless horseman, should better be avoided. The drawing deck being face-up, every player ends up having some idea of the cards in other players’ hands, and can therefore try to make an informed guess of who is knocking at the door. This makes for a simple bluffing game, which can be played with kids but still has enough subtlety for old poker players.
When the team at Trick or Treat Studios, wanting to start a fittingly themed boardgame line, contacted me, this one immediately jumped to my mind. I was not the only one thinking this way, since Emerson Matsuuchi proposed his Tricks and Treats, in which players are rival kids going from house to house, trying to get the best candies. I’ve not played Trick and Treats yet, but it also looks like the kind of light bluffing game me and my friends are likely to enjoy playing.
Halloween Party A game by Gwenaël Bouquin and Bruno Faidutti Art by Drew Rausch 3 to 5 players – 20 minutes Published by Trick or Treat Studios Boardgamegeek
Ad Astra, conçu avec Serge Laget et publié en 2009 par un éditeur disparu peu après, n’a pas vraiment eu sa chance. D’abord passé inaperçu, ce jeu n’est qu’ensuite devenu un succès d’estime, dont les rares boites se revendaient assez cher – je le sais, j’ai dû m’en procurer une ou deux quand j’ai voulu en recycler le matériel pour travailler avec Serge sur une nouvelle version. Du coup, nous sommes très contents qu’un autre éditeur, Grand Gamers Guild, ait décidé de lui donner une deuxième chance sous une nouvelle étiquette, The Artemis Odyssey, qui en fait un peu la suite de l’excellent The Artemis Project de Daryl Chow et Daniel Rocchi – et tant pis si la référence mythologique devient un peu bizarre quand il n’est plus question de coloniser la lune mais d’explorer des planètes plus lointainse.
Pour ceux qui connaissaient la première édition, Ad Astra, disons que The Artemis Odyssey est un jeu plus dynamique, notamment grâce à des tours plus brefs et des déplacements plus rapides, avec un matériel moins sombre et donc plus lisible. Il se joue désormais de 1 à 5 joueurs, et même par équipe à 6 ou 8.
Pour ceux, les plus nombreux sans doute, qui ne connaissaient pas Ad Astra, ou ne le connaissaient que de nom, voici donc une petite présentation de The Artemis Odyssey:
La toute première partie du tout premier prototype, il y a longtemps.
Cela fait bien longtemps que je n’ai pas ressorti ma vieille boite des Colons de Catan, mais dans les années 2000, lorsque Serge et moi avons commencé à réfléchir à ce qui allait devenir Ad Astra, puis The Artemis Odyssey, c’était encore un grand classique que nous pratiquions à l’occasion. Le système de production et d’exploitation des ressources de notre jeu est emprunté à Catan, mais nous avons voulu faire un jeu qui ne soit pas dépendant, comme l’est celui de Klaus Teuber, des jets de dés et de la géographie. Situer l’action dans l’espace nous a permis d’éliminer les situations de blocage assez fréquentes sur le continent catanien, et de donner du coup aux joueurs de plus larges choix stratégiques. Rendre la production de ressources dépendante des choix des joueurs permet d’éliminer la plus grande part du hasard, le fait que ces choix soient faits avec des cartes jouées faces cachés introduisant en revanche un peu de bluff et de psychologie, évitant de ce fait que cela ne devienne trop calculatoire. Tout cela fait de The Artemis Odyssey une sorte de Catan peut-être un peu plus complexe, mais surtout moins scripté, plus varié, plus tactique, plus dynamique – et dans l’espace, mais je ne suis pas sûr que cela change grand chose.
Financé via Kickstarter fin 2021, The Artemis Odyssey arrivera en boutique à l’été 2023. L’éditeur de la version française ayant refusé de me laisser faire la traduction, comme je le raconte dans un autre post, je conseille plutôt l’achat de l’édition originale, en anglais. Voici d’ailleurs la traduction des règles et cartes que j’avais réalisée et dont l’éditeur n’a pas voulu.
The Artemis Odyssey Un jeu de Serge Laget et Bruno Faidutti Illustré par Cristian Romero 1 à 5 joueurs – 45 minutes Publié par Grand Gamers Guild Boardgamegeek
Ad Astra was designed with Serge Laget and published in 2009 by a publisher who went out of business soon afterwards. The game went first unnoticed, and later became much sought after, to the point that the few available copies sold at a high price – I know it firsthand, since I had to buy one or two in order to recycle their components in the new version Serge and I were working on. We are therefore really happy that a new publisher, Grand Gamers Guild, decided to give it a second chance under a new name, The Artemis Odyssey. Our game has indeed become a kind of follow-up to The Artemis Project, a great « worker placement » game by Daryl Chow and Daniel Rocchi – and never mind if the mythologiocal reference becomes a bit strange when the game is no more about colonizing the moon but about exploring far away planets.
If you’ve already played Ad Astra, you only need to know that The Artemis Odyssey is more dynamic, mostly due to shorter game rounds and faster movement. It has a brighter color palette and therefore more readable components. The game now plays from 1 to 5, and there’s even team rules for 6 or 8.
An unfortunate accident during the playtests of the new version.
If you’re not familiar with Ad Astra, or only by name, here’s a short description of The Artemis Odyssey.
I’ve not opened my old copy of Settlers of Catan for years but in the early 2000, when Serge and I started to think of what would become Ad Astra, and then The Artemis Odyssey, it was a classic that we regularly played. We really liked the resource production and development system from Klaus Teuber’s game but wanted to make something less dependent on dice rolls and geography. Moving the action into deep space prevents the blockade situations which are my main issue with Catan.Having resource production decided by the players makes the game less random, and having cards played face down brings a bit of bluff and psychology, and prevents the system from becoming a brain burner. The Artemis Odyssey might be slightly more complex than Catan, but it is mostly less scripted, more varied, more tactical, more dynamic – and in space, but I’m not sure it matters that much.
The Artemis Odyssey was financed on Kickstarter in late 2021, and will be in store in the summer of 2023.
The Artemis Odyssey A game by Serge Laget et Bruno Faidutti Art par Cristian Romero 1 to 5 players – 45 minutes Published by Grand Gamers Guild Boardgamegeek
Grrrre games venant d’annoncer une version française de The Artemis Odyssey, je voudrais encourager les joueurs à attendre plutôt la version originale en anglais, qui devrait être publiée aux États-Unis par the Great Gamers Guild, plus ou moins à la même date.
The Artemis Odyssey reprend largement les mécanismes de Ad Astra, un jeu de gestion et d’expansion conçu il y a longtemps déjà avec mon ami Serge Laget. Nous avions signé il y a cinq ou six and déjà un contrat pour cette nouvelle version avec un éditeur américain. Tout s’est parfaitement bien passé avec The Great Gamers Guild, qui a développé le jeu en étroite collaboration avec Serge et moi. Les règles du jeu publié aux États-Unis sont, à quelques corrections mineures près, celle que j’ai rédigées.
J’ai été un peu surpris d’apprendre que Grrrre games, un éditeur que j’avais bloqué sur les réseaux sociaux suite à des propos d’assez mauvais goût, allait s’occuper de la « localisation » de ce jeu. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, j’ai aussitôt, comme je le fais habituellement, traduit les règles en français. Après que Serge avait validé ma traduction, je l’ai transmise à Grrrre games. J’ai été très surpris de recevoir une réponse dans laquelle Florian Grenier, de Grrrre games, annonçait qu’il ne souhaitait pas utiliser cette traduction et m’envoyait la sienne, visiblement faite à la hache et à la va-vite. On y trouvait tout ce qui manquait à la mienne, mot à mot, anglicismes, lourdeurs, fautes de grammaire et de syntaxe, redondances, adverbes et même phrases inutiles.
J’ai tenté de raisonner M. Grenier, et nous avons même eu une brève conversation téléphonique. Je lui ai demandé, s’il ne voulait pas utiliser ma traduction des règles, de retirer au moins mon nom des règles françaises, ce qu’il a également refusé. J’ai raccroché lorsqu’il m’a expliqué que son contrat n’étant pas avec les auteurs mais avec l’éditeur américain, je n’étais pas concerné et il pouvait faire ce qu’il voulait.
Serge, qui avait de meilleures relations avec M. Grenier, pensait encore pouvoir arranger les choses. Il a essayé quelques temps, puis sa santé a commencé à se dégrader et il n’a plus vraiment pu s’en occuper.
Je n’ai plus aucune relation avec M. Grenier, et ne souhaite pas en avoir. J’imagine que les règles de la version française de The Artemis Odyssey ont été quelque peu relues et corrigées depuis la version ridicule et incompréhensible qu’il m’avait envoyée, mais ne les ayant pas vues, je ne peux en être certain. Quand bien même elles seraient claires et en bon français, il n’est pas normal que je n’aie pas pu rédiger la version française d’un texte dont j’avais assez largement écrit l’original anglais.
Je traiterai donc l’édition française de The Artemis Odyssey comme M. Grenier traite les auteurs de jeux, surtout lorsqu’ils sont vieux, par le mépris. Je ne répondrai pas aux éventuelles questions de règles la concernant, je ne dédicacerai pas les boîtes françaises, et j’invite les joueurs à se procurer plutôt l’édition américaine. En cas de besoin, voici la traduction des règles et des cartes que j’avais réalisée et dont l’éditeur n’a pas voulu.
Grrrre games has just announced that they will soon publish a French version of The Artemis Odyssey. I urge French speaking players to rather get the US edition, which ought to be published more or less at the same time in the US by The Great Gamers Guild.
The Artemis Odyssey is based on an older expansion and development game designed with my late friend Serge Laget. Five or six years ago, we had signed a contract for this new edition with an American publisher, The Great Gamers Guild. They did a great job developing the game in collaboration with Serge and me. The rules in the English language edition are, with some minor corrections, the ones I had written.
I was surprised to learn that Grrrre Games, a publisher I had blocked on social networks after a few posts of really bad taste, was in charge of the French language localization. I nevertheless decided to make the best of it and, as I always do, I translated the rules in French. After Serge had proofread my rules, I sent it to Grrrre games. I was extremely surprised by the answer by Florian Grenier, the boss of Grrrre games. He wrote that he didn’t plan to use my translation, and was sending another one, obviously hastily written. His translation had all that mine was missing – anglicisms, ponderousness, grammar and syntax errors, redundancies and pointless adverbs.
I tried to reason with Mr Grenier, and we even had a short phone conversation. I hung up when he explained that his contract was not with the designers but with the US publisher, and that he therefore could do as he wished.
Serge, having better relations with Mr Grenier, still hoped to fix things. He tried for a while, but then his health started to deteriorate and he gave up.
I have no more relations with Mr Grenier, and I don’t want to. I guess the rules in the French version of The Artemis Odyssey have been proofread and improved since the ridiculous and catastrophic version I have read. Even if they are now well written, it is no correct that I have not been allowed to write the French version of an English text I had, for the most part, written.
I will therefore deal with the French edition of The Artemis Odyssey as Mr Grenier deals with game designers, especially old ones – I will from now on ignore it. I won’t answer rules questions about it, I won’t sign copies of the game in French, and I urge players to rather get the English language version.
Citadelles est, de tous mes jeux, celui qui se vend le mieux. Je le sais, mon banquier le sait, et surtout les éditeurs le savent qui, régulièrement, me demandent si je n’aurais pas dans un coin « un autre Citadelles ». Ce n’est pas toujours ce que j’ai le plus envie de faire mais, de temps en temps, je m’y essaie.
Aux Pierres du Dragon et, surtout, L’Ambition des Rois, sont des tentatives de recréer les mêmes sensations qu’à Citadelles à l’aide de mécanismes différents. À deux joueurs, je pense d’ailleurs que l’Ambition des Rois est un bien meilleur jeu.
J’ai aussi tenté d’exploiter le système de choix des personnages qui est au cœur de Citadelles à des bases différentes. Mes essais sur des jeux de majorité, ou de votes, n’ont pas été suffisamment convaincants pour que je les montre à des éditeurs. Lost Temple et, aujourd’hui, Grail Cup qui en est le successeur, utilisent ce principe dans un jeu de course.
Dans Lost Temple, paru il y a une dizaine d’années, les joueurs étaient des aventuriers quelque part en Orient, à la recherche d’un – devinez – Temple Perdu. Dans Grail Cup, ce sont les chevaliers de la Table Ronde cherchant à atteindre le château du Graal, avec l’aide de leurs amis l’Enchanteresse, l’Écuyer, Merlin, la Forgeronne, le Dragonnier, la Princesse, le Prêtre, la Fée et la Licorne. Ces alliés sont choisis exactement comme les personnages de Citadelles, et permettent d’avancer plus rapidement, de s’informer des possibles pièges, de s’y préparer, de changer sa place dans la course avec un autre personnage… Le jeu est plus léger, plus rapide, mais aussi méchant que Citadelles, tout en entourloupes et en queues de dragon.
Pour ceux qui ont joué à Lost Temple, la principale différence, outre bien sûr le changement de thème, est la disparition des gemmes, qui étaient une sorte de monnaie, afin de recentrer l’intérêt du jeu et l’attention des joueurs sur la position dans la course. Le jeu en devient ainsi plus rapide, plus tactique, plus fluide.
J’ai toujours beaucoup apprécié la ligne claire et l’humour subtil de John Kovalic, et je suis vraiment très heureux qu’il ait accepté d’illustrer l’une de mes créations. Ses personnages légers et colorés rendent très bien l’esprit de Grail Cup – c’est un peu Citadelles, mais c’est moins sérieux.
Grail Cup devrait arriver dans les boutiques françaises le 16 juin 2023.
Playtesting in a parisian boardgame café.
GrailCup Un jeu de Bruno Faidutti Illustré par JohnKovalic 3 à 8 joueurs – 30 minutes Publié par Matagot Boardgamegeek
Of all my games, Citadels is the one that sells best. I know it, my banker knows it, and, of course, the publishers know it. Regularly, they ask if I can show them “anorher Citadels”. It’s not always what I’m the most excited about, but, from time to time, I give it a try.
Fist of Dragonstones and, even more, Greedy Kingdoms try to recreate the same game sensations using different mechanisms. As a two player game, Greedy Kingdoms is, in my opinion, much better than Citadels.
I also tried to recycle the character selection system which is the heart of Citadels into other game systems. My attempts with voting or majority games were not convincing enough to be shown to publishers. Lost Temple, and its reimplementation Grail Cup, use it in a race game.
In Lost Temple, which was published ten years ago, players were adventurers in the Far East looking for, you got it, a lost temple. In Grail Cup, they are now the Knights of the Round Table racing to reach the Grail castle, with a little help from their friends the Enchantress, the Squire, Merlin, the Smith, the Dragonrider, the Princess, the Priest, the Fairy and the Unicorn. These allies are chosen exactly like the characters in Citadels and allow the knight to move faster, to look for possible traps, to get weapons, to swap place in another knight, etc… The game is light and fast paced. It’s less mean than Citadels, but there’s still room for a few nasty magic tricks.
If you’ve played Lost Temple, the main difference after the change in setting is the removal of gems, which were a kind of money used to pay for movement. The position on the track is now almost the only thing to take into account during the game. It makes the game faster, more tactical and more fluid.
I’ve always liked John Kovalic’s subtle humor and bright, simple art. I am really happy that he accepted to illustrate one of my creations. His light and colored characters are perfectly true to the spirit of Grail Cup – it’s lighter and faster than Citadels, but equally mean.
Si j’en crois l’équipe du Domaine Saint-Georges, cela fait maintenant trente ans qu’ils nous accueillent, presque tous les ans, à Etourvy. Les rencontres ludopathiques, qui multiplient la population du village par un peu plus de deux, sont devenues un « acteur de l’économie locale». Nous n’étions qu’une trentaine 1993, essentiellement des amis gravitant autour de Casus Belli et de Ludodélire. Certains sont partis, certains ne jouent plus, certains sont morts, j’ai perdu de vue quelques uns, et, à part moi bien sûr, je pense que la seule personne à avoir été présente à tous les épisodes est Hervé. Nous étions cent quatre-vingt du 17 au 21 mai 2023, et même avec les quatorze nouvelles places que l’on nous promet dans Etourvy l’an prochain, il me semble difficile d’aller au delà. Oui, je sais, cela fait vingt ans que je dis cela.
Lorsque, une quinzaine de jours avant les rencontres ludopathiques, j’ai regardé les premières prévisions météo qui nous annonçaient la pluie et la froidure, j’ai pris peur. À Etourvy, Virginie et Marie-Claire ont également commencé à se faire du souci et à étudier des solutions permettant d’abriter tout le monde, et de faire manger près de deux-cent personnes dans des lieux dimensionnés au mieux pour une centaine. Nous avons finalement eu, comme l’an dernier, un très beau temps, mais il n’en ira pas toujours ainsi et je m’inquiète déjà pour l’an prochain. L’an dernier, après le Covid, les visiteurs étrangers étaient restés rares, et mes annonces bilingues lors des repas s’apparentaient à un acte de foi. Cette année, les joueurs d’Amérique, d’Europe de l’Est et même d’Asie étaient de retour – même si j’ai l’impression que Yohan Goh passe la moitié de sa vie en Europe. Ayant toujours été partisan du cosmopolitisme, je m’en réjouis. Les enfants aussi étaient revenus nombreux, ce qui contribue beaucoup à l’ambiance.
Organisation
Je n’ai presque pas eu de désistements de dernière minute cette année et, du coup, les comptes, de toute façon très approximatifs, devrait être légèrement excédentaires, pour, je crois, la deuxième fois en trente ans. Les rencontres ludopathiques fonctionnent de plus en plus en roue libre et me demandent plutôt moins de boulot qu’il y a une dizaine d’années. Je gère donc le budget global, l’hébergement, je prépare le transport des jeux, je surveille un peu tout ce qu’il se passe dans la semaine, mais l’aide de la petite équipe qui arrive avec moi en début de semaine, et notamment de Camille, allège considérablement le travail d’intendance. Cela serait quand même plus facile pour nous et pour l’équipe du domaine si tout le monde faisait plus attention à ne pas laisser traîner ses gobelets, à ne pas les utiliser comme poubelles, etc…
Je prépare toujours quelques jeux en extérieur, cette année Two Rooms and a Boom, Twister géant, et le traditionnel Brouhaha, mais d’autres organisent également des événements conséquents. Absent l’an dernier, Laurent Escoffier était de retour avec ses jeux d’extérieur un peu bizarres, mettant en scène chaines, aimantset mètres pliants, et bien sûr le toujours aussi bluffant Walking Mind.
Franck s’occupe toujours du tournoi de poker, et cette année Théo avait soigneusement préparé un tournoi de Challengers. Sébastien étant absent, c’est Ghislain qui a rejoint Isabelle pour faire jouer la murder party Le tour de monde en 80 jours, tandis que Mathias et Zephiriel faisaient jouer Papers, un petit GN loufoque sur les coachs, la culture d’entreprise, la ludification et toutes ces conneries. Jamais à court d’idées l’Equipe ludique avait préparé Tous en Scène, un jeu hilarant de reconstitution de films avec les moyens du bord. Profitant de ce que nous étions au vert et qu’il ne faisait pas trop chaud, certains ont organisé des balades à pied autour du village, Maud pour ceux qui courent assez vite, Charles pour ceux qui préfèrent la marche tranquille suivie d’un bon verre de vin.
L’orque et la baleine
J’étais un peu déçu à mon arrivée de constater que le colis d’Oink Games, contenant mes exemplaires d’auteur de Whale to Look, sorti le week-end précédent pour le Tokyo Game Market, n’était pas parvenu à temps à Etourvy. Le plaisir n’en a été que plus grand de le voir arriver vendredi après-midi. Je me suis précipité sur mes premières boites, aussi mignonnes que sur les photos, et ai immédiatement envoyé quelques touristes observer les orques noires et les baleines blanches.
Jun Sasaki et l’équipe de Oink Games ayant énormément retravaillé mon concept original, dans des directions parfois inattendues. Je n’avais jusque là joué à une version presque finale de ce jeu qu’une seule fois, en ligne, dans des conditions qui n’étaient pas optimales. Les quelques inquiétudes que j’avais sur les nouvelles règles ont cependant été rapidement balayées par mes parties à Etourvy – le jeu est finalement bien meilleur que celui que je leur avais initialement proposé, et je renonce donc à développer de mon côté mon jeu d’observation des étoiles dans le ciel. Il va falloir que je réécrive en ce sens mon article sur Whale to Look.
Sacré Graal
Grail Cup n’arrivera en boutique qu’à l’automne, mais Arnaud Charpentier avait apporté une boite de préproduction, à laquelle ne manquait que le dé, très aisément remplaçable par un dé classique. J’ai de la chance en ce moment avec les illustrations car, dans un style bien différent, Grail Cup est aussi mignon que Whale to Look. Je me suis beaucoup amusé à rechercher les nombreux œufs de Pâques – c’est comme cela que l’on dit en anglais – dissimulés sur le plateau par John Kovalic, et me suis même reconnu dans l’un d’entre eux. J’ai lancé quelques parties, rapides et pleines de rebondissements.
J’avais aussi apporté quelques prototypes, et ceux qui m’ont semblé les mieux reçus ont été la Salade de Fruits et les Voleurs de Poules, on verra s’il en sort quelque chose.
Que de jeux
J’ai cette année profité des rencontres ludopathiques pour faire une partie de mon déménagement. Une quarantaine de cartons qui avaient quitté la rue de Belleville le lundi sont en effet rentrés le dimanche à quelques centaines de mètres, rue de la Villette. J’ai beau apporter chaque année à Etourvy environ un millier de jeux, je suis toujours étonné, passant entre les groupes, de voir la plupart des joueurs attablés devant des prototypes inconnus ou des jeux dont je suis à peu près certain qu’ils ne proviennent pas de ma collection.
À en croire aussi bien mes impressions que les nombreuses photos des participants, le jeu le plus populaire de ces cinq jours a été Mind Up, retour amusant puisque c’est à Etourvy que, l’an dernier, l’équipe de Catch Up Games avait découvert ce petit jeu de cartes d’aspect très kniziesque, présenté par son auteur Maxime Rambourg. Parmi les autres petits jeux très pratiqués, citons Focus, d’Antonin Boccara et Romaric Galonnier, Cat in the Box de Muneyuki Yokouchi, The Number de Hisashi Hayashi, Mantis de Ken Gruhl et Jeremy Posner et bien sûr Whale to Look de Jun Sasaki et Bruno Faidutti.
Dans des boites un peu plus grosses, mais pas trop complexes pour autant, le loufoque Hand to Hand Wombat, judicieusement traduit en français par Branle Bas de Combat, a remporté un grand succès d’estime, tout comme, dans un genre plus sage, les jeux coopératifs Kites, de Kevin Hamano, Kuzooka de Leo Colovini et DorfRomantik de Michael Palm et Lukas Zach. Ce dernier est tellement moche que tout le mponde y a joué mais personne n’a osé en prendre une photo.
Parmi les jeux d’ambiance et de vocabulaire, on a comme l’an dernier beaucoup joué à Krazy Wordz, de Dirk Baumann, Thomas Odenhoven et Matthias Schmitt, mais aussi au curieux Hunch! de Nomas Kurnia, quelque part entre Codenames et Decrypto, et au prototype final de Sides apporté par l’équipe de Captain Games.
Côté gros jeux, on a bien sûr encore joué à Dune Imperium de Paul Dennen, mais aussi à The Quest for Eldorado de Reiner Knizia deux jeux qui ne sont pas vraiment des nouveautés même si l’un a connu quelques extensions et l’autre une nouvelle édition magnifiquement illustré par Vincent Dutrait. À l’exception notable de Planet Unknown de Ryan Lambert et Adam Rehberg, qui a d’ailleurs et très mal rangé dans la boîte par ceux qui ont fait la dernière partie, les très grosses nouveautés ont fait des flops.
Le retour du jeu de rôles
Le grand retour du jeu de rôles, dont on parle beaucoup depuis quelques mois, semble avoir touché Etourvy. Lors des tous premiers épisodes, dans les années quatre-vingt dix, beaucoup des participants étaient des amis de GN, et il n’était pas rare de voir quelques parties de jeu de rôles sur table. J’ai d’ailleurs découvert une partie des villages du coin lors d’un GN loufoque où des mafieux mexicains qui avaient trouvé un moyen de produire de la coke à partir du colza cherchaient à accaparer la récolte locale, mais se heurtaient à des extraterrestres dont le vaisseau en panne fonctionnait à l’huile de colza, et à de gentils vampires qui souhaitaient produire à partir de cette céréale décidément multitâche un élixir leur permettant de décrocher du sang.
Depuis quelques années, Sébastien et Isabelle organisent à Etourvy de petites murder parties. Cette année, Isabelle et Ghislain ont fait jouer le tour du monde en 80 jours, tandis que Mathias et Zephiriel organisaient Papers. Le jeu cinématographique de l’équipe ludique, et même d’une certaine manière Two Rooms and a Boom ou des jeux narratifs comme Alice is Missing, relèvent aussi un peu du jeu de rôles. Et, pour la première fois depuis longtemps, plusieurs éditeurs avaient apporté des livres de jeux de rôles, parfois volumineux et ambitieux, pour la table de prix. Je ne vais pas me remettre au jeu sur table, mais cela me donne envie de refaire un ou deux GNs – si j’arrive à caser ça dans mon emploi du temps.
Voilà. Comme de plus en plus de gens organisent des trucs pendant les ludopathiques, j’en ai certainement raté ou oublié quelques uns. Merci à tous les participants, merci à tous les organisateurs de jeux petits et grands, merci à tous ceux qui m’ont donné un coup de main prévu ou improvisé, merci à l’équipe du domaine Saint-Georges, merci à Météo France de qui j’attends le même soutien en 2024, et à l’année prochaine.
Thirty years
I didn’t keep a precise track but, if I am to believe the team at the domaine Saint-Georges, they have been accommodating the ludopathic gathering almost every year since 1993. When we are here, the population of Etourvy is multiplied by a bit ore than 2, and we are now a part of the local economy. We were only thirty in 1993, mostly friends working with Casus Belli or Ludodélire. Some have quit gaming, some have left, some have died, I’ve lost trace of a few ones, and I think the only other person who has been here from the beginning is Hervé. We were 180 in 2023, May 17 to 21, and, even with the fourteen new beds which should be available in the village next year, I don’t think this number can grow more. Yes, I know, I’m saying this for 20 years now.
When, two weeks before the event, I started looking at the weather forecast, predicting cold and rain, I was seriously concerned. In Etourvy, Virginie and Marie-Claire also started worrying and tried to find ways to shelter everyone and to have nearly 200 people eating in a place designed for 100 at most. In the end, we had a really nice weather, but I’m already anxious for next year.
Last year, after the Covid years, few foreigners were back. This year, players from America, from Eastern Europe and even from Asia were back – even when it seems like Yohan Goh is now spending half of his time traveling in Europe. Anyway, I’m always been in favor of cosmopolitanism, so let’s enjoy it. Children were back as well, which makes for a nice change from most professional gaming conventions.
Organization
I had very few last minute cancellations this year, which means that the (very rough) numbers are balanced, or may be even slightly positive, for, if I remember well, the second time in thirty years.
I take care of the numbers, the accommodation, I pack and bring the games, I check everything during the week, but I could probably not do it any more without the help from the small advance team which arrives with me on Monday – especially Camille. It would nevertheless be much easier for everyone if people were more careful not to let empty glasses, when it’s not empty glasses used as table trash cans, everywhere…
I always prepare one or two big simple outdoor games, to bring everyone together, this year Two Rooms and a Boom, Giant Twister and the traditional Brouhaha. Laurent Escoffier had been missed last year, he was back with strange outdoor games using chains, magnets and folding rule, as well as a new competitive version of the Walking Mind.
Franck held, as always, the poker tournament, while Théo took care of Challengers. Sébastien was not here this year, so Ghislain replaced him to organize the Around the Earth in 80 Days murder party, while Mathias and Zephiriel held Papers, a light zany larp about coaching, business culture, ludification and all that crap. L’equipe Ludique held Everyone on Stage, a crazy game about reenacting movies with the limited means availabe. The weather being cooler than last year, Maud held a running tour of the nearby countryside, while Charles organized a walking and wine drinking tour for those – the vast majority – who don’t even try follow Maud.
The white whale and the orca
When arriving in Etourvy, I was slightly disappointed to find out that the parcel from Oink games with my author copies of Whale to Look, which had been premiered the week before at the Tokyo game market, didn’t make it in time. I was even more delighted when it arrived on Friday afternoon. I immediately seized the first box and sent a few tourists whale watching.
Jun Sasaki and the Oink team have largely developed my original concept, in directions I didn’t expect. I had only played a near final version of their game once, online, in far from optimal conditions. I was wary of some of the changes they had made to the game, but my reservations about the new rules disappeared after a few games in Etourvy. Their game is indeed better than what I had originally submitted, and I am therefore giving up the idea of developing on my side my tile game about watching stars. I should, one of these days, rewrite my article about Whale to look to make this clear.
Holy Grail !
Grail Cup will only hit the stores next fall, but Arnaud Charpentier had brought a preproduction copy, missing only the special die which we easily replaced with a standard one. I am really lucky with game art these days. Grail Cup is as cute as Whale to Look, though in a completely different style en boutique. I had great fun looking for the many Easter eggs disseminated by John Kovalic on the board, and I even found myself in one. I played a few games, fast and eventful.
I had also brought a few recent prototypes. The best received were Chicken Thieves and Fruit Salad, we’ll see if something comes out of it.
So many games
This year, I took advantage of the ludopathic gathering to move some of my games, who left my old flat rue de Belleville and came back to my new one, rue de la Villette. Every year, I bring about 1.000 games to Etourvy, and I’m always surprised to see most attendees playing either unknown prototypes or games which I am sure d’ont belong to my collection.
According to both my feeling and the many pictures I have seen, the most played game during this five days was Mind Up. It’s a fun come back since the prototype of this very kniziesque card game was shown by its designer, Maxime Rambourg to its publisher, Catch’Up, last year in Etourvy. Other much played small box games were Antonin Boccara & Romaric Galonnier’s Focus, Muneyuki Yokouchi’s Cat in the Box, Hisashi Hayashi’s The Number, Ken Gruhl & Jeremy Posner’s Mantis and, of course, Whale to Look, starting from Friday afternoon.
Among bigger boxes, but not necessarily more serious games, the hits were the zany and noisy Hand to Hand Wombat, for which a few advanced rules were designed, as well as the more serious cooperative games Kites, by Kevin Hamano, Kuzooka by Leo Colovini and DorfRomantik by Michael Palm and Lukas Zach. The latter is so ugly that, though nearly everyone played it, no one took a single picture of it.
Among party and vocabulary games, the most played were, like last year, Krazy Wordz, by Dirk Baumann, Thomas Odenhoven and Matthias Schmitt, but also two brand new games, Nomas Kurnia’s Hunch!, a strange game feeling a bit like a mix of Decrypto and Codenames, and the prototypes of Sidesbrought by the Captain Games’ team.
The most played boardgames wwere Paul Dennen’s Dune Imperium and Reiner Knizia’s Quest for El Dorado. None of them is new, but there has been a few recent expansions for Dune and a new edition of Quest for El Dorado gorgeously illustrated by Vincent Dutrait. Except for Ryan Lambert & Adam Rehberg’s Planet Unknown, which, by the way, was carelessly placed back in the box by its last players, most new big box heavy games flopped.
Back to role playing games ?
The unexpected comeback of tabletop rpg which has been much discussed these last months also affected Etourvy. In the very first Etourvy gatherings, in the mid nineties, many of the attendees were LARP friends, and there was the occasional tabletop rpg session. I even first discovered the nearby villages during a zany LARP in which the Mexican mafia, having discovered a way to produce cocaine from rapeseed, was trying to corner the local rape market, but was facing aliens whose stranded spaceship was running on rapeseed oil and vampires who were using to produce an elixir helping them to get off blood.
For a few years now, Sébastien and Isabelle have been holding small murder parties in Etourvy. This year, Ghislain and Isabelle organized Around the earth in 80 days, while Mathias and Zephiriel held Papers. L’Equipe ludique’s movie making game, Two Rooms and Boom, and even in a way narrative boardgames such as Alice is Missing, also have something to do with role playing. Also, for the first time I think, several publishers had brought role playing books, and sometimes heavy and ambitious ones, for the prize table. I probably won’t go back to tabletop rpg, but it makes me want to play more larps, if I can fit them in my schedule.
That’s it. Since more and more people are organizing stuff during the ludopathic gathering, I certainly missed one or two notable events. Anyway, thanks to al the attendees, thanks to all those who organized small and big games, thanks to all those who helped me in managing the even, thanks to the team at the Domaine Saint-Georges, and thanks to MeteoFrance, I hope they will be as efficient next year. See you next year.
Portraits de joueurs par Antoine Bauza – Gamers’ portraits by Antoine Bauza
Mes photos – My pictures
Photos de Dylan et Tanya – Dylan’s and Tanya’s pictures
Photos d’Isa – Isa’s pictures
Photos de l’Equipe Ludique – Equipe Ludique’s pictures
Photos de Maeva – Maeva’s pictures
Photos de Marie G. et Martin Vidberg – Marie G. & Martin Vidberg’s pictures
Photos de Maud – Maud’s pictures
Photos de Régis – Regis’ pictures
Photos de Seb – Seb’s pictures
Photos de Sandra – Sandra’s pictures
Photos d‘un peu tout le monde – Various pictures from various gamers
J’aime beaucoup les petits jeux de l’éditeur japonais Oink Games, mes préférés étant sans doute leurs trois grands succès, A Fake Artist Goes to New York, Deep Sea Adventure et Insider, mais aussi d’autres dont on parle moins, Durian, Mr Face, In a Grove ou Kobayakawa. J’aime aussi leur format, des petites boites bien remplies à l’esthétique minimaliste. Lors de mes voyages au Japon, à l’époque où j’étais un peu tout le temps au Japon, j’ai en outre eu l’occasion de croiser Jun Sasaki, créateur de la boite et auteur de la plupart des jeux, et l’ai trouvé fort sympathique.
Le format, les jeux, l’éditeur, cela faisait trois bonnes raisons pour essayer de temps à autre de caser un jeu chez l’éditeur tokyoïte. J’en ai même conçu un spécialement pour leurs petites boites, Maracas, qui a fini chez Blue Orange. Ne désespérant jamais, j’ai, fin 2022, encore envoyé les règles d’un petit jeu mêlant mémoire, estimation et prise de risque, qui n’avait pas encore de thème. Jun et son équipe l’on essayé, l’ont trouvé un peu trop exigeant et méchant pour leur public familial, mais Jun m’a demandé s’il pouvait essayer de le retravailler. À partir de la mécanique principale, les cartes cachées regardées à tour de rôle par les différents joueurs et les paris sur la valeur d’un groupe de cartes, il a imaginé très rapidement quelque chose de plus léger, et trouvé un thème amusant, l’observation des baleines et des orques. Le développement du jeu, que je n’ai regardé que d’assez loin, s’est donc fait très rapidement, au Japon.
J’aime beaucoup le titre anglais, Whale to Look, que certains Américains auraient sans doute trouvé raciste s’il n’avait été imaginé par un japonais. Le matériel, comme toujours chez Oink et comme vous pouvez le voir sur les photos, est extrêmement mignon.
Dans Whale to Look, les joueurs emmènent des touristes observer les baleines et les orques, mais il faut viser juste pour apercevoir les animaux. La baleine est toujours dans le coin où il y a le plus de poissons, la grande orque dans celui où il y en a le moins, et chacun à son tour, avant d’envoyer un bateau, peut regarder l’une des cartes qui constituent la mer et voir le nombre de poissons qui y figurent.
Whale to Look est un jeu de déduction, mais pas un pur jeu de logique. Si chacun dispose d’informations objectives, les cartes qu’il a vues, on ne peut gagner qu’en interprétant aussi correctement les actions des autres joueurs, et il peut parfois avoir un peu de bluff. Les jeux de ce type sont assez peu nombreux. les deux qui me viennent à l’esprit, deux jeux que j’apprécuie beaucoup, sont Cursed Court, de Andrew Hanson, et Divinare, de Brett J. Gilbert. Si vous aimez vraiment l’un de ces deux jeux, vous pouvez acheter Whale to Look les yeux fermés.
Whale to Look, en japonais la baleine blanche et la grande orque, est publié pour l’instant dans une édition bilingue français-japonais. J’ignore quand et comment le jeu sera distribué en Europe ou en Amérique, mais vous pouvez commander le jeu sur le site de l’éditeur. Vous pouvez même y acheter une peluche réversible, baleine blanche d’un côté, orque de l’autre…
Whale to Look – クジラオルカ Un jeu de Jun Sasaki et Bruno Faidutti 2 à 5 joueurs – 30 minutes Publié par Oink Games Boardgamegeek
I really like the line of small games by Japanese publisher Oink games. My favorite ones are their three big hits, A Fake Artist Goes to New York, Deep Sea Adventure and Insider, but also lesser known ones, Durian, Mr Face, In a Grove or Kobayakawa. I also like the format, small boxes filled to the brim and a deliberately minimalistic aesthetic. While traveling in Japan, which I used to do a lot, I had the chance to meet Jun Sasaki, the founder of the company and designer of most of its games, and it is a really nice guy
The format, the games, the publisher, I had three good reasons to regularly try to have one my own small designs published by Oink. I even designed one specifically for their small rectangular boxes, Maracas, which in the end was published by Blue Orange. In late 2022, I sent them the rules and files for a small game, a mix of memory, estimation and risk taking. It was still an abstract game, I had not found a suitable theme. Jun and his team played it, found it too unforgiving, too much of a brain burner, for their line of light party and family games, but Jun asked me if he could try to rework it. Starting anew from the core system, hidden cards which players look at on turn before betting on the value of a group of cards, he designed something much lighter, and found a cute and suitable setting, ships carrying tourists to look at white whales and orcas. The development was very fast and made entirely in house in Tokyo, while I only vaguely looked at it from afar.
I especially like the English title of the game, Whale to look, a pun which Americans would probably have thought racist if it had not been devised by a Japanese! The components, as always with Oink, are incredibly cute, as you can see on the pictures.
The players in Whale to Look own ships and carry tourists whale watching. Most looked after are the big white whale and the big orca. The white whale is always in the place with the most fishes around, the orca in the place with the fewest ones. Every round, before sending their ship somewhere, players can secretly look at one of the sea cards and see the fishes on it.
Whale to Look is a deduction game, but not a purely logical one. Every one has some infos, the cards they have seen, but one cannot win without also reading into the opponents moves, which means there is sometimes a bit of bluffing. There are few games like this, and the only two ones which I can think of now are Andrew Hanson’s Cursed Court and Brett J. Gilbert’s Divinare. If you like one of these games, you are sure to enjoy playing Whale to Look.
Whale to Look, in Japanese The white whale and the orca,is published so far in a blingual Japanese-English version. I have no idea if and when it will be available in the West, but you can order it from the publisher’s website. They even sell a reversible plushy, whale one one side, orca on the other.
Whale to Look – クジラオルカ A game by Jun Sasaki and Bruno Faidutti 2 to 5 players – 30 minutes Published par Oink Games (2023) Boardgamegeek
À quelques joueurs d’intervalle, deux interviews que j’ai récemment donné à des podcasts dludiques francophones ont été publiées sur le web. Les deux sont assez longues, et sont plus consacrées aux généralités sur le jeu qu’à la promotion de mes sorties récentes, d’ailleurs peu nombreuses.
Il y a quelques mois de cela, lors d’un passage à Nancy, dans les locaux de Iello, Laurène m’a interviewé pour son podcast “À quoi tu triches?”. J’y parle du jeu en général, de son histoire, de mon histoire et des jeux que j’aime bien.
La seconde interview a été enregistrée le dernier jour du festival des jeux de Cannes, et j’y discute avec Polgara et le Pionfesseur. On y est moins dans l’histoire, et plus de philosophie ou de sociologie du jeu. Ceci dit, c’était la fin du salon, j’étais fatigué, et je ne trouve pas toujours mes mots.
Il y a encore vingt ans, les thèmes les plus systématiquement exploités dans les jeux de société, les univers par défaut de la plupart des auteurs, moi le premier, provenaient de la littérature ou de l’histoire. La première apportait notamment les le fantastique, la science-fiction et l’enquête policière, la seconde les guerres, le développement économique et la colonisation. Aucun de ces thèmes n’a vraiment disparu, mais ils semblent de plus en plus, surtout sur les boites de jeux publiées en Europe et aux Etats-Unis, remplacés par des mondes moins marqués par l’homme, plus vierges, plus naturels – les fleurs, les arbres, les animaux et toutes ces sortes de choses. Entamée depuis une petite dizaine d’années, cette tendance s’est clairement accélérée depuis la fin de la crise sanitaire. Sans y être aucunement hostile, j’ai avec cette évolution quelques difficultés, tant ces thèmes ne me viennent pas… naturellement.
Les fleurs, les arbres et les oiseaux
Les jeux dans lesquels on plante des arbres, on cultive un modeste jardin, on protège les rongeurs ou les oiseaux, on gère une horde de loups ou un troupeau de bisons, sont à la mode. Il y a une trentaine d’années, de tels thèmes n’étaient guère abordés que dans des jeux très simples, destinés aux enfants. Ils sont aujourd’hui fréquents et appréciés dans des jeux pour adultes relativement complexes, comme les créations d’Elizabeth Hargrave, surtout connue comme l’auteur de Wingspan, qui s’en est fait une spécialité. De jeunes éditeurs, comme le français Palladis, semblent aussi vouloir se spécialiser sur ce « créneau porteur »
Si l’on peut encore considérer Wingspan comme un jeu familial, poids moyen, Woodcraft, de Ross Arnold et Vladimir Suchy, est d’un niveau de complexité qui le destine clairement à des joueurs expérimentés, les mêmes qui passent des heures sur de grands jeux de conquête ou de gestion. Il ya bien eu quelques précureurs, et je pense par exemple à Agricola, de Uwe Rosenberg, paru en 2007 et devenu depuis un classique, mais ils étaient des exceptions. D’ailleurs, lorsqu’est paru Agricola, certains d’abord cru, ou fait mine de croire, à un jeu de stratégie sur la conquête romaine de la Bretagne. Si Uwe Rosenberg a continué à faire des jeux sur le thème de l’agriculture, qui semble particulièrement l’intéresser, il a fallu du temps avant que d’autres auteurs ne suivent son exemple.
La couleur verte, dont on disait dans les années quatre-vingt qu’elle ne faisait jamais vendre, est aujourd’hui omniprésente sur les boites de jeu. J’ai cherché un peu sur le web francophone et anglophone des analyses un peu critiques sur cette tendance au “naturalisme ludique”, et n’ai pas trouvé grand-chose.
L’explication la plus souvent avancée, qui ne me semble pas suffisante, est que cette mode serait à l’initiative d’éditeurs recherchant des thèmes originaux, moins controversés, plus consensuels et plus intergénérationnels. Si les arbres et les animaux étaient en effet originaux, du moins pour des jeux qui ne sont pas destinés exclusivement aux enfants, il y a une dizaine d’années, ils ne le sont plus du tout aujourd’hui. Si la guerre, la conquête coloniale ou les enquêtes policières ne sont effectivement pas des thèmes très consensuels, l’argument ne vaut pas nécessairement pour le fantastique et la science-fiction. Ces derniers n’étaient peut-être pas intergénérationnels il y a quarante ans, mais ils le sont sans aucun doute aujourd’hui.
Les joueurs passionnés sont statistiquement plutôt des hommes, et certains éditeurs pensent peut-être que des univers naturels attireront un public féminin. Je suis personnellement assez dubitatif sur l’idée que les femmes seraient, plus que les hommes, intéressées par les plantes et les animaux – par les chats, les fleurs et les petits oiseaux peut-être, et encore, même de cela je ne suis pas certain.
Plus qu’une recherche de consensus, c’est sans doute le besoin de réconfort face à l’angoisse contemporaine qui explique ce repli de l’imaginaire ludique sur une nature plus ou moins fantasmée. Entre la pandémie de Covid, le grand retour de la guerre en Europe, les dérives irrationnelles de la politique américaine, la misère et la pollution dans les rues, le réchauffement climatique auquel on ne peut plus faire semblant de ne pas croire, les principaux marchés du jeu de société sont, comme d’autres, touchés par une anxiété devant un avenir devenu plus inquiétant qu’excitant. En littérature, en musique, dans le monde du jeu aussi, les produits qui continuent à se vendre correctement sont les classiques, ceux que l’on a connu dans notre jeunesse, ceux qui nous donnent l’illusion que le monde ne change pas tant que cela. Mes jeux les plus anciens, Citadelles ou Diamant, se maintiennent mais mes nouvelles créations passent plus ou moins inaperçues, et il en va de même pour presque tous les auteurs. La nature, un thème éminemment rassurant, universel et intemporel, est alors pour les joueurs une autre manière de tenter de se rassurer, et les éditeurs ne font que répondre à la demande. Pour les auteurs, il y a sans doute un peu des deux.
On peut voir cela de façon plus positive et politique, se réjouir comme si jouer à planter des arbres, c’était déjà planter des arbres, voire sauver la planète. On peut sourire de la naïveté de cette confusion entre le jeu et le réel, on peut aussi s’en inquiéter. D’une part parce que, en prenant le jeu trop au sérieux, on lui ôte sa vanité, son inutilité, c’est à dire l’essence même du jeu, d’autre part parce qu’il est toujours dangereux de se bercer d’illusions. Jouer à des jeux gentils, généreux et écolos ne nous rendra pas plus gentils, généreux et écolos que jouer à des jeux méchants, généralement ceux que je préfère, ne nous a rendu méchants ou que jouer à des jeux idiots, ce qui détend quand même pas mal, ne nous a rendu idiots. On ne sauve pas plus la planète en jouant à sauver la planète que l’on ne fait la guerre en jouant à faire la guerre.
Il y a une dizaine d’années, je me moquais dans l’article qui reste le plus lu sur ce blog, Postcolonial Catan, de l’imagerie coloniale qui sous-tend les Colons de Catane et d’autres jeux de développement. Les jeux où l’on accumule des ressources pour construire des trucs qui produiront des ressources permettant de fabriquer des machins sont toujours là, mais ils prennent un tour écolo, un peu volontariste. On n’y cherche de moins en moins à bâtir des abbayes ou exploiter un continent vierge, et de plus en plus à cultiver son jardin, même si ce jardin peut rester assez exotique, comme le montrent les images ci-dessus.
L’ambition, ou la prétention, peut même aller jusqu’à reconstruire, à réparer une planète abimée. Je viens de lire les règles des Tribus du vent de Joachim Thôme, et je suis à peu près certain que le thème original du jeu était bien différent, que l’on y bâtissait des villages d’elfes ou de nains ou des châteaux médiévaux, et que c’est l’éditeur qui, pour être au goût du jour, a déplacé l’action dans un monde post-apocalyptique ou l’on construit des villages écolos.
Les esprits de la forêt
Le médiéval fantastique et la science-fiction avaient quand même un grand avantage pour les auteurs, celui de permettre à peu près n’importe quoi en termes de mécanismes. Tout effet bizarre pouvant se justifier par la magie ou la technologie du futur, le concepteur du jeu peut librement se concentrer sur l’intérêt tactique, sur les interactions entre joueurs, sans se soucier du réalisme. Avec les arbres, qui ont plus de racines que nous, et les animaux, dont les prouesses technologiques sont moindres que les nôtres, rien de tel n’est possible…. sauf à introduire là aussi une bonne dose de magie.
Du coup, on a vu fleurir dans les boites de jeu les esprits des animaux, des arbres et des sources, dotés de pouvoirs magiques. Parfois, ce sont les elfes de l’heroic fantasy, amis des arbres, qui deviennent les agents de la nature, ou les nains et gnomes qui sortent de leurs cavernes et se découvrent la main verte. Parfois ces esprits sont plus exotiques, souvent japonisants – le discours naturaliste est parfaitement compatible avec l’orientalisme. On reste dans le fantastique, mais un fantastique à la sauce verte qui permet d’avoir un thème écolo tout en évitant les risques de confusion entre le jeu et le réel – sauf à croire vraiment aux esprits de la forêt. L’un de mes jeux préférés en ce moment, Parade of a Hundred Yokais, appartient à cette catégorie – même si l’on s’y tape un peu dessus quand même pour être le premier à bâtir un joli tori.
Histoire et nature
On peut mettre en scène la nature, les arbres et les animaux, sans nécessairement renoncer à l’histoire. Si les pandas sont sans doute les animaux sauvages les plus représentés sur les boites de jeux, les dinosaures et les mammouths suivent d’assez près. Dans des jeux récents comme Paleo de Peter Rustemeyer, ou Endless Winter de Stan Kordonskiy, les joueurs contrôlent des tribus préhistoriques face à une nature sauvage certes hostile, mais qui n’a pas perdu d’avance et dont elles font encore un peu partie. Les illustrateurs ne s’y trompent pas, qui dessinent volontiers sur les boites et les cartes des hommes coiffés de cornes ou de bois, sortes de druides ou de shamans prêts à invoquer les esprits des forêts et des montagnes.
La nature végétale et surtout animale est aussi de plus en plus présente, en arrière plan, dans les jeux mettent en scène découverte et exploration. Les explorateurs portent toujours leur casque colonial, mais ils font de moins en moins face à des indigènes armés de sarbacanes, et de plus en plus aux bêtes sauvages armées de crocs et de griffes, quand ce n’est pas aux esprits sylvestres locaux armés de leurs pouvoirs magiques. Dans une réalité où la nature semble une chose du passé, il peut être paradoxalement rassurant de jouer à des jeux où elle semble encore plus forte que nous.
Le zoo de Noé
Les jeux sur les animaux ne sont pas nouveaux. Quand on veut mettre le plus grand nombre possible d’animaux dans le même jeu, on se retrouve inévitablement soit à gérer un zoo, soit à bâtir l’arche de Noé.
L’Arche de Noé est le récit biblique qui a servi de prétexte au plus grand nombre de jeux de société. C’est sans doute un peu parce que l’épisode est perçu au moins autant comme un conte pour enfants que comme un dogme religieux, un peu aussi parce que l’idée de constituer des couples, puis de ranger des figurines d’animaux ou des cartes dans un espace limité, se prête assez bien à la création ludique. Beaucoup de ces jeux, mais pas tous, sont destinés aux plus jeunes. Mécaniquement, rassembler des animaux pour les enfermer dans un zoo n’est pas bien différent, et les jeux sur ce thème sont aussi depuis longtemps assez nombreux. Zooloretto, de Michael Schacht, a bien mérité son Spiel des Jahres.
Le problème bien sûr est qu’enfermer des animaux, c’est mal, tandis que les sauver de la noyade, c’est bien. Du coup, il est assez amusant de voir aujourd’hui un jeu de gestion de zoo, clairement destiné à un public de passionnés adultes, se cacher discrètement sous le titre Ark Nova, sans doute le résultat d’un intense brainstorming chez l’éditeur. Cela suggère une sorte de nouvelle arche permettant, peut-être, de sauver tout ce beau monde du réchauffement climatique, quand il ne s’agit, comme d’habitude, que de gérer un zoo, activité dans laquelle l’argent reste le nerf de la guerre. De même, il y a toujours des jeux dans lesquels on se déplace sur une carte d’Afrique pour trouver des animaux, mais cela fait déjà une vingtaine d’années qu’on ne les y chasse plus. Aujourd’hui, on ne les capture même pas, on se contente de les observer, osant à peine les prendre en photo.
Tant que nous parlons d’Arche de Noé, je viens de voir passer l’annonce d’un nouveau jeu, The Flood, dans lequel…. chacun bâtit son arche ! L’éditeur très chrétien semble ne pas vouloir trop insister sur ce qu’il pense être un bug vaguement hérétique ; il aurait à l’inverse dû construire toute la promotion du jeu sur ce point plutôt amusant. Je regrette de ne pas y avoir pensé plus tôt, mais je peux encore faire un jeu où chaque joueur contrôle un groupe de hobbits et cherche à être le premier à plonger son anneau unique dans le gouffre de la montage du destin.
Végétarianisme et mignonnitude
Mes compétences en botanique étant assez limitées, je suis bien incapable de vous dire quelles espèces d’arbre apparaissent le plus souvent sur les boites de jeu, et je doute que l’exercice soit très révélateur. Pour les animaux sauvages, en revanche, je me débrouille à peu près, et le résultat est plus intéressant. Le lion, le roi des animaux, est bien sûr fortement représenté, mais le cerf, tout ausi noble et fier mais herbivore – j’ai failli écrire végétarien – est sans doute plus fréquent, illustrant la volonté de montrer une nature pacifique, voire aseptisée. La grande vedette des boites de jeu est d’ailleurs le panda, véritable animal bobo, mignon comme tout et mangeant du bambou.
Anthropomorphisme
Le panda est aussi assez présent dans une toute autre famille de jeux, ceux mettant en scène des animaux anthropomorphes. Les vraies vedettes sont cependant là plutôt les chats et les renards, réputés malins et individualistes, ou à l’inverse les rongeurs, plus grégaires.
Les animaux anthropomorphes, auxquels sont attribuées des caractéristiques sociales, psychologiques et même parfois physiques de l’homme sont présents depuis bien longtemps dans les contes et donc dans les jeux pour enfants. On les rencontre aussi dans des textes qui ne sont pas exclusivement destinés aux plus jeunes, comme les fables, et dans les récits mythologiques. La littérature sur ce sujet est abondante, ce n’est pas le cœur de ma réflexion ici, je n’entrerai donc pas dans les détails. Leur présence insistante dans des jeux destinés aux adultes est plus récente, et peut être analysée un peu différemment.
Lorsqu’ils sont seuls de leur espèce, avec souvent une bonne bouille de peluche, ces animaux sont là pour transporter les joueurs dans l’univers des fables et des contes, ou simplement les ramener à leur enfance, deux moyens encore de se rassurer dans un monde un peu angoissant – même s’il faut se méfier des discours selon lesquels les joueurs seraient de « grands enfants ».
Lorsque le jeu met en scène des espèces animales entières, souvent en guerre, les choses deviennent plus complexes et parfois – pas toujours – ambiguës. Les peuples de la fantasy médiévalisante, nains, elfes, orques et autres gobelins, tout comme les étranges races extra-terrestres, ont souvent été utilisés comme un moyen de neutraliser, dans des jeux de combat ou de conquête, ce que pouvait avoir de problématique la mise en scène de conflits entre peuples, ethnies ou nations, dans une démarche qui relève paradoxalement à la fois de l’essentialisation et de l’euphémisation. Une prise de conscience très partielle de cela nous vaut aujourd’hui des débats un peu ridicules sur les clichés dans Donjons et Dragons. Le racisme envers les orques et les elfes noirs n’est pas un problème sérieux ; le fait que, dans nos univers imaginaires, les groupes sociaux, nationaux ou ethniques soient systématiquement essentialisés est en revanche sinon un problème, du moins un sujet qui mériterait une étude historique un peu fouillée.
L’essentialisme est plus net encore lorsque l’on remplace les peuples par des espèces animales. Des personnages à tête de lion, d’aigle, de castor ou de chat sont en effet aussi un moyen, en apparence plus léger, d’éviter de représenter tantôt des européens, des asiatiques et des africains, tantôt des russes, des américains et des chinois. Mon Chawaii, très joliment illustré par Paul Mafayon, en est un bon exemple, même si un seul groupe est représenté et si les chats mangent vraiment du poisson.
Bruno Cathala et moi réfléchissions il y a quelques jours à une nouvelle version de Mission Planète Rouge. Nous étions d’accord pour abandonner l’univers Steampunk des deux premières éditions, qui n’était d’ailleurs pas celui de notre prototype initial. Nous avons d’abord pensé à un univers de type Guerre Froide contemporaine, mettant en scène une rivalité entre les grandes puissances d’aujourd’hui, Russie, USA, Europe, Chine. Nous n’avions cependant pas envie de traiter ce thème sérieusement, et il semblait difficile de le faire avec humour. On va sans doute plutôt s’orienter vers Jeff Bezos contre Elon Musk, mais chats et chiens auraient aussi pu faire l’affaire en apportant un peu plus de légèreté.
Les animaux anthropomorphes ne sont pas toujours un succédané mignon ou paresseux d’humains. Ils peuvent être introduits de manière positive, avec humour, intelligence et recul critique, comme dans Root, de Cole Wehrle, un jeu complexe et ambitieux dont le contexte s’inspire des réalités géopolitiques actuelles. L’usage des animaux permet là un discours politique discret, qui aurait sans doute eu plus de mal à passer dans un contexte géopolitique et réaliste. Chacun aurait eu, selon ses allégeances, tel ou tel détail à reprocher aux auteurs. Et puis, et c’est sans doute l’essentiel, c’est quand même plus amusant.
Bien sûr, on peut aussi tout avoir, la science-fiction ou la fantasy et l’anthropomorphisme, pour mettre deux couches d’objectivation, ou juste pour s’amuser, ou juste parce que l’illustrateur avait envie de dessiner un chat ou un lion. Je viens même de recevoir un jeu avec des dragons anthropomorphes et très mignons, Flamecraft, de Manny Vega.
Remakes
Pour m’amuser, j’ai cherché des jeux dont, à l’occasion d’une réédition, les personnages ou groupes humains sont devenus des animaux. J’en ai trouvé quelques-uns, assez intéressants – dont un à moi, je l’avais presque oublié, Democrazy devenu Animocrazy. Si vous en connaissez d’autres, signalez-le moi, cela m’amuse. Air, Land and Sea, un jeu de cartes aux illustrations très réalistes dans l’univers de la seconde guerre mondiale, est ainsi devenu, sans aucun changement de règles, Critters at War, un jeu tout aussi martial mais auquel couleurs et bestioles apportent une certaine légèreté. Dans Hibachi, remake de Safranito, les cuisiniers japonais sont des chats, des renards et des singes. Dans le nouveau Libertalia, les pirates sont devenus des signes, des lions, des renards, des chevaux, sans que l’on sache trop pourquoi. Plus subtilement, My Little Scythe est une version légèrement simplifiée de Scythe, où l’univers du cartoon se substitue au monde post-apocalyptique de ce gros jeu de stratégie, Des pommes remplacent les habituelles étoiles comme symbole de points de victoire. Le jeu est cependant à peine plus simple que l’original, et son look enfantin doit être pris au second degré. La transformation de Quo Vadis en Zoo Vadis, sans que la référence à la Rome antique ne soit complètement expurgée, est expliquée et justifiée par l’éditeur dans un très intéressant article sur le Boardgamegeek.
Cela arrive même à des jeux abstraits, comme Splits devenu Battle Sheep, mais il est vrai que les jeux abstraits au thème animalier ne sont pas une nouveauté. Hive a une vingtaine d’années, le jeu de la jungle quelques centaines, le Bagh Chal et le jeu du Renard et des Poules quelques milliers.
L’inverse est beaucoup plus rare, puisque je n’en ai trouvé qu’un seul exemple, le mignon petit jeu de cartes japonais Kittys, que j’apprécie beaucoup. Dans l’édition française, les chats deviennent des gangsters, et le jeu perd soudain tout son charme.
Les représentations des fables sont intéressantes. Dans les premières éditions du classique de David Parlett, Le Lièvre et la Tortue, les deux protagonistes étaient représentés de manière réaliste. dans les versions plus récentes, tout comme dans un autre jeu inspiré de la même fable, ils deviennent anthropomorphes.
Alors, que penser de tous ces jeux verts, spirituels et animaux ? Même si, personnellement, je fais encore très bien avec, sans doute un effet de génération, je comprends que nombre d’auteurs, de joueurs et d’éditeurs plus jeunes en aient assez de la fantasy, de l’histoire et de la science-fiction et cherchent autre chose, plus au goût du jour. J’aime bien les chiens et les chats, je n’ai rien contre les esprits de la forêt, mais je regrette un peu qu’ils aient plutôt moins d’humour que les nains et les dragons, et fassent bien plus rarement preuve d’autodérision.
J’ai quand même trouvé un jeu où on tuait des arbres, et c’est un très bon jeu.
Twenty years ago, the most popular settings for boardgames, the default theme of most designers, myself included, and of most publishers, were borrowed from literature and history. From the former, we were using medieval fantasy, science-fiction and whodunit, from the latter wars, economic development and colonization. These settings didn’t disappear but, on the square game boxes recently published in Europe and in the USA, they are more and more often replaced by themes inspired not by men but by nature – flowers, trees, animals and all that stuff. The trend is at least ten years old, but it has grown stronger lastly, may be due to the end of the Covid crisis. I’ve nothing against these new settings but, unfortunately, they don’t come to me very… naturally.
Flowers, trees, birds
Games about planting trees, about arranging a small garden, about protecting bears, rodents or birds, about managing a tribe of wolves or a herd of bisons, are more and more frequent. Thirty years ago, such settings were almost only used for simple games aimed at young children and families. They are now common in relatively complex adult games, such as those by Elizabeth Hargrave, the designer, among others, of the recent hit Wingspan, who specializes in animals settings.New publishers such as the French Palladis are also trying to settle in that promising niche market.
Wingspan can stuill be considered a midweight game, but Ross Arnold and Vladimir Suchy’s Woodcraft, is an extremely complex game targeted at dedicated gamers, the same who play long conquest or management games.
There has been a few precursors, like Uwe Rosenberg’s Agricola, published, in 2007, but they were exceptions. When first hearing about it then, a few gamers even thought it must be a war game about the Roman conquest of Britain.Uwe Rosenberg kept on designing games about ariculture, but he was nearly the only for a some time before it became fashionable.
I remember hearing in the eighties that green covers didn’t sell, they are today everywhere.I browsed the French and English language web looking for analysis of this naturalist trend in boardgames, and was surprised to find very little, as if it were uninteresting or obvious.
The most common explanation is that this green fashion started with publishers looking for original, less controversial, more consensual and more intergenerational settings. I’m not entirely convinced. If trees and animals as an adult game setting were original ten years ago, they are not anymore and the trend still goes on. If war, colonial conquest or whodunits can be controversial themes, it’s not necessarily the case with fantasy or science-fiction. Furthermore, while these two last settings might not have been intergenerational in the nineties, they certainly are today.A majority of boardgameplayers are men, and some publishers might think that nature-themed boardgames will lure more women into the hobby, even I am personally skeptical about the theory that women are more interested in plants and animals than men. By cats, birds and animals, may be, but even of that I am not sure.
More than the search for consensus, this retreat of gaming into a more or less fantasized natural world is probably due to a crave for reassurance in a harrowing modern world. Between the covid pandemic, the comeback of trench warfare in Europe, the irrationality of US politics, the global warming which it is more and more difficult to ignore, people have reasons to worry. The boardgame market is certainly not the only one affected. In literature, in music, in games, good old classics, which give the illusion that the world doesn’t change, keep selling while most novelties flop. My Citadels and Incan Gold also keep selling while most of my recent games went unnoticed. Nature, the most reassuring, universal and timeless setting, or so we hope, is another way to look for reassurance. Gamers feel it, publishers follow, designers do one or the other.
Of course, there’s a more positive way to see this. One can feel proud and enthusiastic playing at planting trees, as if it were almost planting real trees, and could help saving the planet. This confusion between game and reality can look cute, naïve and harmless, but it is problematic, for two reasons. It is worrying because taking games too seriously deprives them of their vanity, their pointlessness, which is the very essence of gaming. It is also dangerous because the idea that games have effects on reality is a delusion, at a time when real action is needed. Playing cute, generous and green games won’t make us more cute, generous and green, no more than playing mean games, my favorite ones, makes us mean or playing stupid games, which can be fun, makes us stupid. We didn’t wage war when playing war games, we won’t save the earth with playing at saving it.
Ten years ago, on what is still my most visited blogpost, Postcolonial Catan, I was mocking the colonial imagery underlying Settlers of Catan and other development games. Games in which players gather and accumulate resources to build structures that will produce more resources to build further structures, and so on, are still there but they now have a more green and more voluntarist feel. It’s no more about building churches or settling a new continent, it is about cultivating one’s garden, even when this garden can still be quite exotic as you can see from the box covers above.
It can be much more ambitious, or pretentious, when players engage in replanting and repairing a spoiled planet. I just read the rules of Joachim Thôme’s Tribes of the Wind, and I am quite confident that the original prototype setting was different. It was probably about dwarves or elven villages, or may be medieval castles, before the publisher moved the action onto a post-apocalyptic world where players build strange green settlements.
Forest spirits
Trees have even more roots than we do, animals have even less technology than we do, so nothing like this is possible in nature settings… unless we unleash again the power of magic. That’s why there are so many games with forest, animal or spring spirits. Sometimes the good old fantasy elves become these nature agents, sometimes dwarves and gnomes leave their caverns and find out they have a green thumb, most times it’s just fairies. In other cases, these spirits are more exotic, often Japanese – naturalism is entirely compatible with orientalism. We’re back into fantasy, but it’s now a green nature fantasy, with no risk of confusion between game an reality – unless, of course, you really believe in fairies. One of my favorite recent games, Parade of a Hundred Yokais, belongs to this new genre, even when there is some fighting to be the first spirit to build a nice Tori.
Medieval fantasy and science-fiction have a great advantage for game designers : we can do more or less what we want with game systems and mechanisms. Since any effect can be justified by powerful magic or strange alien technology, the game designer can freely focus on tactics and player interaction, without any care for realism.
History and nature
Of course, a clever designert can fit nature and history together. Pandas are probably the most frequent wild animals on game boxes, but dinosaur and mammoths are not far behind. In recent games like Peter Rustemeyer’s Paleo, or Stan Kordonskiy’s Endless Winter, players control tribes of men facing nature, meaning cold winter and fierce beasts. This nature is wild and hostile, but it has not lost the fight yet, and men are still somewhat part of it.Illustrators got it and often draw tribesmen wearing horns or antlers, making them look like druids or shamans ready to invoke nature spirits.
The same is true, to a lesser extent, of many games about discovery and exploration. Explorators still wear their colonial helmet, but they are less and less facing savages armed with blowpipes and more and more wild animals armed wit claws and fangs, if not forest spirits and their magic. Living in a world where nature feels like a thing of the past, it can feel paradoxically reassuring to play a game where it seems it can still overcome us.
Noah’s zoo
Games with a variety of animals are nothing new. When a designer tries to pack as many and as diverse animals as possible in a single game box, it always ends in managing a zoo or filling an ark.
Noah’s Ark is the one and only biblical episode frequently used as a boardgame setting. It is in part because it has become a children story more than a religious dogma, in part because making pairs of animals already sounds like a card game and cramming them in a limited space already sounds like a boardgame. Not all of these games are aimed at children. Mechanically, gathering animals in a zoo is not very different, and zoo themed games have also been popular for quite long. Michael Schacht’s Zooloretto deserved its Spiel des Jahres.
Of course, there’s a difference. Locking up animals in cages is bad, saving them from drowning is good. This is why a heavy zoo management game, clearly aimed at adult gamers, has been called Ark Nova and very superficially disguised as a Noah’s Ark game, probably after an intense brainstorming at the publisher. The name suggests something like saving animals from global warming and rising waters when it is just about managing a zoo, and, of course, about money.Similarly, there are still games whose board is a map of Africa, but for about twenty years now, players are no more hunting animals. Now they are not even capturing them anymore, they just want to look at them, not always even daring to take pictures.
While we are at Noah’s Ark, I just saw an announcement for a new big box boardgame, called The Flood, in which… every player builds their own ark ! The very christian publisher tries to downplay what it probably thinks is bordering on heresy, it should have done the opposite and insisted on this funny and almost surrealistic point. I regret I didn’t think of it before – may be I’ll try to do a game in which every player controls a company of hobbits and tries to be the first one to throw their one ring into the cracks of Doom.
Vegetarianism and cuteness
My knowledge of botanics being extremely limited, I am unable to tell what varities of trees are the most often represented on game boxes, but I doubt it would reveal anything worth commenting. I’m a little better with wild animals, and the result is interesting. The lion, king of animals, is often there, but there seem to be even more stags and deers – an animal as proud as the lion but herbivorous – I nearly wrote vegetarian. The nature represented is indeed usually peaceful, almost bowdlerized. The true star of boardgame cover art is, unsurprisingly, the panda, the ultimate hipster animal, cute and eating bamboo.
Anthropomorphism
There are also a few pandas in games featuring anthropomorphic animals, but the real stars here are rather cats and foxes, the archetypal individualistic and competitive animals, or conversely gregarious rodents.
Anthropomorphic animals have social, psychological and sometimes even physical human characteristics. For centuries, they appear in bedtime stories and therefore in children games. They have also long been a staple of fables, which don’t target only kids, and star in numerous myths. The literature on this topic, which is not the core of my subject here, is abundant. The fact that these humanised animals are more and more present in adult hobby games nevertheless deserves some analysis.
When there’s only one animal of every specie, usually with a cute plushy face, these animals are here to lure the players into the world of fable and stories, or even to remind them of their childhood – even though there’s much to say against the naïve idea that gamers are just grown-up kids.
Things can get more complex, and sometimes ambiguous, when the game features whole species, often at war with each other. Fantasy races such as dwarves, elves, orcs and goblins, as well as strange aliens from outer-space, have often been used to bowdlerize, in war or conquest games, the staging of competition between nations, countries or races, leading paradoxically both to an euphemization and an essentialization of these conflicts. There has been recently some understanding of this, but it has so far led mostly to vain and surrealistic debates about racial prejudices in AD&D. The real and serious issue is not racism against orcs and dark elves, it is that, in our fantasy worlds, social, national or ethnic groups are systematically essentialized. We’re still waiting for some serious historical analysis of this bizarre trend.
Of course, the essentialization is even clearer when these groups become animal species.Humanoid characters with lion, eagle, beaver or cat features are often just a lighter way to represent Europeans, Asians and Africans (in ancient settings), or Americans, Russians and Chinese (in modern settings). Even when there’s only one ethnic group represented, and when cats really enjoy eating fish, my Miaui, gorgeously illustrated by Paul Mafayon, is a good example of this.
A few days ago, Bruno Cathala and I were discussing a possible new edition Mission Red Planet. We agree on getting rid of the Steampunk setting, which was absent from our prototype. We first thought of cold war style universe, a rivalry between world powers, Russia, USA? Europe, China, but we didn’t want to deal with this seriously, and it was difficult to make it really lightly. We’re now thinking of a big corporation setting, Jeff Bezos vs Elon Musk. Cats and dogs could also do the trick, in a much lighter way.
Anthropomorphic animals are not always a cute or lazy substitute for individual humans or for social groups. They can be used in a positive, conscious, humorous and self-distant context. The best example is Cole Wehrle’s Root, a complex and ambitious game inspired by contemporary geopolitical issues. The use of animal species allows for a lighter, even discreet, political discourse, which would have been harder to sustain in a realistic geopolitical setting. It also makes more difficult to criticize this or that point, depending on one’s political allegiances. And, most of all, it’s cute and fun.
Of course, it’s possible to get the best of both worlds, science-fiction or fantasy and anthropomorphism, to superpose two layers of objectivation, or just because it’s even more fun, or just because the artist wants to draw a big cat. I even recently bought a game with anthropomorphic dragons, Manny Vega’s Flamecraft.
Remakes
I fooled around on the Boardgamegeek looking for games in which, for a new edition, humans were replaced by anthropomorphic animals. I found a few interesting ones, including one of mine, Democrazy, changed in Animocrazy in the new Chinese version. I’m curious of others, so please email me if you know more. Air, Land and Sea, a card game with very realistic art about the 2nd world war, has become the much lighter looking Critters at War, without a single change in the rules. Hibachi is a remake of Safranito; the cooks moved from India to Japan and have become cats, foxes and monkeys. In the new Libertalia, pirates are lions, horses, foxes, monkeys, but no one really knows why. Things are more subtle and conscious in My Little Scythe, a new version of Scythe, in a which the action moves from a post-apocalyptic Europe to a cartoony world. Apples replace starts as victory points, but the game is only slightly simpler than the original one, and it’s childish look must not be taken at face value.How Quo Vadis became Zoo Vadis, without completely removing the Roman Senate reference is explained and justified by the publisher in a very interesting diary on the boardgamegeek.
This even happens to abstract games, like Splits which became Battle Sheep, but to be fair, abstract hames with an animal setting are nothing new. Hive is more than twenty years old, The Jungle game is more than a hundred years old, Bagh Chal and Fox and Geese more than a thousand.
The opposite is exceptional, and I’ve found only one occurence. The cute cats from Kittys, a clever japanese card game, have become standard gangsters in the French, and probably in the US edition. It’s a shame since it deprives the game of most of its charm.
Games inpired by fables are also interesting. In the first editions of David Parlett’s Hare and Tortoise, the two protagonists were drawn realistically. In the most recent versions of the game, as well as in Gary Kim’s game based on the same story, they are anthopomorphised and the race looks like human sport..
So, what should we think about all these green, spiritual, natural and animal games. I’m not yet bored of the good old fantasy, history or science-fiction settings, but I understand publishers and designers looking for something more actual. I personally like both cats and dogs, I’ve nothing against forest spirits, but I regret that they tend to have less humor than dwarves and dragons, and to be largely immune from self-mockery.
It was hard to find a game about killing trees, but it’s a good one.