Etourvy 2024

Les rencontres ludopathiques, qui se tiennent chaque année, au mois de mai, à Etourvy, un charmant petit village de l’Aube, entre Chaource et Tonnerre, sont un peu ma convention ludique à moi, que j’organise et où j’invite les gens que j’ai envie de voir. Le succès tient à une formule peu à peu affinée depuis une trentaine d’années.

Les gens

Le public est composé pour plus de la moitié de professionnels du jeu de société, essentiellement des auteurs et éditeurs mais aussi quelques illustrateurs, et pour plus de la moitié aussi d’amis plus ou moins anciens et plus ou moins joueurs – cela fait plus de deux moitiés parce que les deux groupes se chevauchent pas mal, quarante ans dans le monde ludique m’ayant amené à m’y faire des amis.

Certains éditeurs, mécontents de ne pas être invités, m’ont reproché de faire du « copinage ». Je peux d’ores et déjà leur confirmer qu’ils ne seront jamais invités. Ces rencontres sont ma petite semaine ludique à moi, et j’y invite des gens que j’aime bien, que j’ai envie de voir ou suis curieux de mieux connaître. Il n’y a déjà pas assez de place pour les nombreux éditeurs et auteurs sympathiques, je ne vois pas pourquoi j’y ajouterai des antipathiques. Je sais que je trouverai aisément plus de 200 professionnels du jeu désireux de participer, mais je tiens à ce que la moitié environ des participants n’en soient pas, juste des amis qui apprécient ce moment, et dont certains – peu nombreux, c’est vrai – ne sont d’ailleurs même pas de gros joueurs. Et si le copinage consiste à essayer de rester et même de bosser avec des gens qu’on aime bien, c’est une pratique à laquelle je suis tout à fait favorable.

Cette année, à mon grand regret, les rencontres d’Etourvy étaient moins internationales qu’à l’habitude, l’immense majorité des participants étant français ou francophones. Par goût, mais aussi par principe, j’essaie habituellement de mélanger un peu plus, j’espère que j’aurai plus de succès l’an prochain, et qu’il y aura plus de tables de jeux parlant anglais ou quelque autre langue plus ou moins exotique.

Le lieu bucolique, à l’écart des grandes villes, permet une certaine décontraction et une déconnection qui fait du bien à tous, du moins lorsque le beau temps est au rendez-vous, ce qui était encore le cas cette année. Pour se rendre à Etourvy, au milieu de nulle part, il faut faire quelques efforts. Nous sommes accueillis par la sympathique équipe du domaine Saint-Georges, qui prépare les repas et héberge la moitié environ des 180 participants, les autres dormant dans des gites alentour. Cette année, les deux jours fériés consécutifs du 8 mai et de l’Ascension font que beaucoup sont restés sur toute la durée, du mercredi au dimanche.

Le succès et la décontraction des rencontres tiennent aussi à ce que j’y accepte ce qui est parfois mal vu dans les rencontres professionnelles autour du jeu – les enfants, les chiens et chats, le vin et la bière. On avait cette année deux chiens portant le même nom, Rocket (j’ai d’abord cru à Roquette, qui est quand même plus sympa), ce qui a entraîné quelques confusions… L’excellente bière à la tireuse était, comme chaque année désormais, brassée par Clémence de la brasserie Thibord, et complétée par les bières maison apportées de Suisse par Fabien Conus. On est aussi sur la frontière stratégique entre Champagne et Bourgogne.

Tout était calme, et la douzaine d’enfants se sentaient suffisamment à l’aise pour partir d’eux même en excursion à une dizaine de bornes à une heure du matin…. Il y a une certaine ironie à ce que cela nous effraie un peu à l’âge des portables et des GPS, alors que nous avons tous fait ça avant les portables et les GPS.

Lorsque les rencontres ont débuté, en 1993, nous n’étions qu’une vingtaine, des amis de GN et des joueurs gravitant de la petite équipe de Ludodélire, parmi lesquels Gérard Mathieu et Droopy, que j’ai eu beaucoup de plaisir à voir revenir cette année. J’ai cru en revanche assez longtemps que, pour la première fois depuis une douzaine d’années, le rencontres ludopathiques allaient devoir se dérouler sans Camille, habituellement préposée aux bières, à l’intendance et à l’engueulade de ceux qui ne rangent pas les jeux et ne nettoient pas les tables, mais retenue à Paris par la santé de son chat. Ce fut une excellente surprise de la voir finalement débarquer vendredi soir, au milieu du repas, quand je n’y croyais plus vraiment. Je pense que cela nous a fait beaucoup de bien à tous les deux.

Les jeux

Un autre petit regret de ces rencontres 2024 est d’avoir oublié quelques-uns des jeux idiots que je pensais faire jouer en extérieur après les repas. Mais, bon, si je les ai oubliés, c’est sans doute parce que l’ambiance était bonne et qu’ils ne semblaient pas nécessaires. Nous avons seulement joué au Brouhaha olympique, un grand succès comme on peut le voir sur les videos, et à un quizz photo par équipe remporté par l’équipe Alain Delon, alors que la structure des questions aurait dû plutôt favoriser David Bowie et Mick Jagger.

Il y a eu pas mal d’autres jeux et activités cryptoludiques, que je n’ai pas tous suivis, tournois de Set & Match, de Poker (remporté par Marie Giordana), de Pétanque et de Casse-Noisette – un jeu de Laurent Escoffier qui se joue avec des cailloux et des noisettes -, dégustations d’eaux, de vins et de bières. On voit aussi sur les photos des trucs avec des dés géants, des ficelles et des balles de toutes les couleurs, je ne sais pas ce que c’était. Le Walk and Wine, organisé par Charles Chevallier, est devenu incontournable, tout comme la balade sportive de Maud et la Murder Party préparée par Isabelle, Sébastien et Ghislain, et qui se déroulait cette fois-ci dans l’Amérique des années cinquante.

Ayant pris il y a trois mois ma retraite de l’éducation nationale, j’essaie de pratiquer mon activité d’auteur de jeux de façon un peu plus professionnelle, sans trop en faire néanmoins. J’avais donc préparé un petit dossier de présentation de mes prototypes, et suis parvenu à bloquer quelques créneaux pour en discuter avec des éditeurs. Mathilde est partie avec quelques boites, j’ai envoyé en rentrant des pdfs de jeux de cartes à d’autres, on verra bien où cela mène.

Pour la promotion de mes nouveautés, en revanche, le moins que l’on puisse dire est je n’ai pas été très professionnel, puisque j’avais simplement oublié de prendre, parmi le millier de jeux que j’avais apporté, quelques boites de Whale to Look – en fait, j’avais toute la gamme Oink, sauf celui-ci. Flavien Loisier, qui distribue le jeu outre-Manche, n’en avait pas pris non plus, certain que j’en aurais. Fort heureusement, Eliette et Jeremy Fraile, prévenu au dernier moment, ont apporté leur exemplaire récupéré en avant-première l’an dernier, ce qui a permis de faire quelques parties et quelques photos.

J’avais aussi quelques exemplaires mes jeux qui sortent dans les semaines ou les mois qui viennent. 6 Suspects, chez Matagot, même s’il ne sort que cet automne, est en effet imprimé depuis longtemps, et souvent présenté dans les conventions. Les toutes premières boites de Migo, arrivées de Chine par avion, ont été apportées par l’éditeur, Antoine de Ghost Dog Games, qui avait aussi un prototype presque final de mon petit jeu de fruits, auquel ne manquait que le titre pour lequel nous hésitons encore entre Fruit of the Doom, Fruit Salad et Fruit Cocktail – lequel préférez vous. Cédric s’était débrouillé pour débusquer dans les labyrinthes asmodéens le prototype éditeur d’Animots, co-créé avec Anja Wrede, qui devrait arriver en août.

Beaucoup d’autres jeux tout juste ou bientôt arrivés en boutique ont tourné assez régulièrement. Souvent, l’auteur ou l’éditeur poussait un peu à la roue, mais cela ne fonctionnait que s’il y avait aussi un bon buzz. Cela est vrai pour deux des trois principaux hits du Week-End, The Gang et Harmonies, mais le troisième, Surfosaurus Max s’est débrouillé tout seul, sans personne qui ait cherché particulièrement à le pousser.

Commençons par les plus nombreux et les plus joués, les petits jeux de cartes. Surfosaurus Max, de Ikhwan Kwon, et The Gang, de John Cooper, John Cooper (!) et Kory Heath, sont tous deux des variations originales sur le poker, la première semi-coopérative, la seconde totalement coopérative. Prey Another Day, de Matthew Dunstan et Brett Gilbert est peut-être la meilleure variation sur le principe de pierre, feuille, ciseaux, et deviendra sans doute un classique, mais tous les joueurs français ont regretté d’apprendre que les étonnantes illustrations des éditions allemande et américaine allaient être remplacées dans la version française. Le succès de Courtisans, de Romaric Galonnier et Antony Pérone, s’est confirmé, même si l’équipe de Catch Up n’avait pu en apporter qu’une boite – ils ont tout vendu.

Oussama Khelifati ne semblait pas très convaincu par le titre, Duck and Cover, choisi par l’équipe de Captain Games pour son petit jeu de cartes, moi je trouve le titre excellent, même s’il est vrai qu’il parlera surtout aux américains. Dékal, de Claude Clément, me fait penser qu’il faut que j’écrive un de ces jours un article expliquant aux éditeurs qu’ils devraient cesser de vouloir réinventer la boite, surtout quand le résultat semble conçu tout exprès pour que l’on perde des cartes. Tout comme Dékal, Flowers, de Paul-Henti Argiot, et Diciasette, de Munetoshi Harigaya, sont des jeux avec juste des chiffres sur des cartes que les joueurs ont eu l’air de beaucoup apprécier. Odin, de Yohan Goh, Hope S. Hwang, Gary Kim est un jeu de défausse, un genre à la mode. Je me réjouis que l’orientalisme des jeux européens soit de plus en plus compensé par l’occidentalisme des jeux asiatiques, même si dans ce cas là, je ne sais pas bien si le thème est une idée des auteurs ou de l’éditeur.

Parmi les petits jeux Oink, Cinq hommes sur un bateau, de Mashiu et Jun Sasaki, ainsi que Order Overload Cafe, de Jun Sasaki tout seul, étaient les plus appréciés – avec bien sûr Whale to Look. Manu Rozoy et Guillaume Montiage procédaient aux derniers réglages d’un prototype dont il va falloir que je parle sur ce site un de ces jours. Bruno Cathala et Antoine Bauza faisaient tourner la version Seigneur des Anneaux de Seven Wonders Duel, dont j’ai oublié le titre, et j’ai vu tourner un ou deux autres protos plus ou moins secrets dans l’univers de Tolkien. Le monde de Star Wars n’était pas en reste avec Bounty Hunters, de Frédéric Henry, qui semble simple et dynamique. Mantis, de Ken Gruhl et Jeremy Posner, n’était pas vraiment une nouveauté mais il était pour beaucoup une découverte et a été bien plus joué que l’an dernier.


J’ai moins de choses à dire, et de titres à citer, pour les plus grosses boîtes, avec des pions, des plateaux, tout ça. L’équipe de Harmonies avait bien préparé son coup, puisqu’il y avait là l’auteur, Johan Benvenuto, l’illustratrice, Maeva da Silva, et l’éditeur, Libellud, qui avait apporté un jeu géant avec de jolies figurines d’animaux. Harmonies, qui est un peu le jeu que Cascadia aurait dû être (je n’aime pas Cascadia) fut sans doute le jeu un peu consistant le plus joué de la semaine. Laurent Escoffier et Charles Chevallier expliquaient Loot, mais j’ai maintenant l’impression qu’ils font ça tous les ans. Vale of Eternity, de Eric Hong, et Captain Flip, de Paolo Mori et Remo Conzadori, tournaient pas mal aussi, même s’ils attiraient moins les photos que Balconia, de Paul Schulz. Quoi qu’il en soit, ces cinq jeux ne sont guère plus complexes que les jeux de cartes cités plus haut. Ils durent trente à quarante minutes, leurs boites et leurs prix restent modestes, et ils sont destinés à un public de joueurs occasionnels – ce que l’on appelle parfois un public familial, comme si tous les joueurs occasionnels étaient des familles.

En passant à côté d’une table occupée par un jeu assez impressionant, j’ai entendu un joueur annoncer “je lance un feu d’artifice qui me rapporte un point par chevalier noir” – il semble qu’il se soit agi d’un prototype de Théo Rivière Ghislain Masson.

Clairement, cette année à Etourvy, la tendance n’était pas aux gros jeux pour joueurs avec des centaines de cartes et de figurines, même si en fin de nuit quelques courageux s’attaquaient aux différentes itérations de Dune Imperium, et si quelques monstruosités dont j’ignore le nom apparaissent sur les photos. Parmi les nouveautés, le jeu le plus consistant qui m’ait semblé être beaucoup joué et discuté était Le Château Blanc, de Israel Cendrero et Sheila Santos – là, on revient à l’orientalisme classique, ou plutôt à l’exotisme puisque c’est un peu la suite de la Cathédrale Rouge, le suivant pourrait être la Voûte verte. On m’a aussi dit du bien d’Apiary. Ceci dit, les énormes boites envoyées par Awaken Realms ont été parmi les premières à partir de la table de prix.

La mode n’était pas non plus aux Roll & Write, qui semblent avoir disparu aussi vite qu’ils étaient arrivés. Les jeux d’enquête collaboratifs, à la manière de Perspectives, Suspects, Backstories ou Mysterium, dont l’auteur, Olexandre Nevskiy, présentait une variation plus sombre, étaient en revanche très nombreux. Je n’ai pas noté leurs noms, qui se ressemblent souvent un peu, et ne sais pas très bien ce qui était édité ou en cours d’édition et ce qui n’était que prototype d’auteur

Quelques excellents jeux dont personne ne parle sont joués chaque année à Etourvy, notamment Krazy Wordz, de Dirk Baumann, Thomas Odenhoven et Mathias Schmitt, qui mériterait décidément une réédition avec des cartes thèmes mieux choisies et des jetons type Scrabble, Mot pour Mot, de Jack Degnan, dont je ne crois plus non plus qu’il soit disponible, et le subtil jeu de paris Cursed Court. Cette année, j’ai vu avec plaisir ressortir des trucs plus vieux encore, Cosmic Encounter et Full Metal Planet, ce dernier présenté par l’un de ses auteurs.

On a beaucoup parlé depuis deux ans du retour du jeu de rôles sur table, à l’ancienne, avec dés et écran. Les ludopathiques, d’où le jeu de rôles avait disparu après les tous premiers épisodes, semblent confirmer cette tendance. Il y avait presque toujours au moins une table de rôlistes encapuchonnés dans un coin sombre. Manu avait commencé, les choses se sont accélérées avec l’arrivée de Camille vendredi. On oppose souvent les joueurs de jeux de société aux amateurs de jeux de rôles ou de jeux video, on a tort. Toutes les études confirment ce que l’on peut voir à Etourvy – ce sont majoritairement les mêmes.

Discussions

Bien sûr, on ne fait pas que jouer, on prend aussi le temps de discuter. Parmi les sujets de conversation, on a pas mal parlé d’Asmodée, avec des interprétations divergentes de ce qui est train de se passer, et ce y compris chez les gens qui bossent chez ou avec Asmodée. On a aussi causé du ralentissement récent des ventes et des difficultés actuelles de pas mal de petits éditeurs spécialisés dans les kickstarters et les jeux vendus au poids. Si tout le monde se réoriente vers les petits jeux de cartes, c’est sans doute bon pour les auteurs comme moi dont c’est la spécialité, mais cela signifie que ce segment de marché va aussi vite être encombré. On a parlé de la place croissante de l’Asie dans les ventes, l’édition et la création ludique, et de l’absence de différence notable entre les jeux de là bas et d’ici – s’il y avait peu d’étrangers à Etourvy cette année, jamais les éditeurs coréens et japonais ne m’avaient envoyé autant de jeux. On s’est plaint du vieillissement des joueurs, même s’il semble moins net en Europe qu’aux États-Unis. On a apprécié ou regretté, selon les cas, l’extinction des trolls et des dragons et l’invasion du monde ludique par les arbres et les gentils animaux. J’ai certainement manqué plein d’autres discussions intéressantes sur les petits et grands sujets du microcosme ludique.

On remettra ça l’an prochain… (et les autres photos sont tout en bas du post).



The ludopathic gathering takes place every year in May in Etourvy, a small village in the French countryside, between Chaource and Tonnerre. It is my own little game convention, where I invite the people I want to see. In thirty years, the formula has been slowly refined.  

The people

A little more than half of the attendees are boardgame professionals, mostly designers and publishers but also a few illustrators. A little more than half are friends of mine, old and new, dedicated and casual gamers alike. Yes, this makes for more than two halves since there is some overlap between the categories, having made a few friends in forty years in the gaming world.

A few publishers, angry at not being invited, have accused me of « cronyism ». I can confirm they will never be invited. This gathering is my own little game week, a private event where I invite people I like, people I want to play games with or to know better. There are not enough beds for all the many game designers and publishers I like, I see no reason to invite the ones I dislike. I would easily find 200 boardgame professionals willing to go, but I want to keep more or less half of the places for other people, friends I like among which a few ones are not even dedicated gamers. And if trying to stay and even work with people one like is cronyism, well, I’m all for it.

My big regret this year is that the gathering was less international than it used to be, most of the attendees being French or, at least, French speaking. By taste, but also on principle, I always try to mix people from everywhere. I hope I’ll be more successful at it next year, and there will be more tables speaking English or any other more or less exotic language.  

The bucolic venue, far from the big cities, allows for casualness and disconnection, at least when the weather is nice enough, which was the case this year. Some effort is required to join Etourvy, right in the middle of nowhere. The friendly team of the Domaine Saint Georges takes care of all meals and accomodates more or less half of the 180 attendees, the other ones sleeping in nearby villages. This year, due to two consecutive french public holidays, most people stayed four days, from Wednesday to Sunday.

The success and casualness of the ludopathic gathering is also due to it being kids friendly, dogs and cats friendly, beer and wine friendly, things which are sadly becoming rare in the boardgaming world. This year, we had two dogs of the same name, Rocket – I first thought it was Roquette, the french name for a slightly bitter salad, which would have been more fun – which brought some nice confusion. The tap beer now always come from the same local brewery, that of Clémence Thibord, with bottles also brought from Switzerland by Fabien Conus. Of course, we also are on the strategic border between Champagne, to the north, and Bourgogne, to the south.

Everything was calm, and the dozen kids felt safe and cool enough to leave for a twelve miles walk in the countryside at 1 am… There is some irony in finding this a bit frightening now when we used to do it when we were kids and had no cellphones or GPS.

We were only two dozen people for the first ludopathic gathering, in 1993. Most of them where either LARP friends or friends of the small Ludodelire team. Among the latter were Gérard Mathieu and Droopy, whom I was really happy to see coming back this year. Conversely,  I first thought that, for the first time in ten or twelve years, the gathering would take place without my friend Camille, who usually takes care of beer kegs and of giving hell to players who don’t put games back in their box or don’t tidy up their table, but who was blocked in Paris due to an ill cat. It was really good to see here arrive during dinner on Friday, when I didn’t really believe in it anymore. I think it was good for both of us.  

The games

I also regret that I forgot some of the stupid outside  games I wanted to hold after lunch or dinner. Anyway, I probably forgot about them because the overall mood was nice and they didn’t feel necessary. We only played olympic Brouhaha, which was a hit as you can see on the video, and a photo quizz game. The Alain Delon team won, when I thought the structure of the game should favor David Bowie and, to a lesser extent, Mick Jagger.

There were many other games and gamey activities organized by friends. There were Poker, Set & Match, Petanque and Nutcracker tournament – Nutcracker being a game devised for the occasion by Laurent Escoffier and played with rocks and nuts -, as well as wine, beer and even water tasting. There are strange games with giant dice, ropes and colored balls on the pictures, I don’t even know what they are. Like they did these last years, Isabelle, Sébastien and Ghislain organized a murder party whose action took place in the US in the fifties.

Since retiring, three months ago, from my day job as a teacher, I’m trying to do my job as a boardgame designer in a more professional way, though without overdoing it. It is the first year I print a small catalog of my available designs, and also the first year I manage to block a few time spots in Etourvy for meeting with publishers. Mathilde left with a few prototypes, I have sent a few card games pdfs to publishers after coming back, we’ll see if something comes out of it.

On the other hand, I was not very professional in promoting my last published games, since I had brought with me all my Oink games collection…. Save the one I co-designed with Jun Sasaki, Whale to Look. Flavien Loisier, who distributes Oink games in the UK, didn’t bring it either since he thought I would have several copies. Luckily, I could ask Eliette and Jeremy Fraile, who were joining us on Friday and had left with one of the advanced copies last year, to bring it so that I could have it played and take a few pictures.

There were also advance copies of several of my upcoming games. 6 Suspects, to be published by Matagot in October, is in fact already printed and regularly demoed at conventions. The first boxes of Migo, just arrived from China by airplane, were brought by the publisher, Antoine of Ghost Dog Games, who also had a publisher prototype of another small card game to be published in the same collection, whose name has not been decided yet – Fruit of the Doom, Fruit Salad, Fruit Cocktail – what do you prefer ? Cedric had managed to find, in the Asmodean labyrinths, the one preprod copy of Animots, a fun children game designed with Anja Wrede, which should hit the shelves in August.

Many other games just arrived or soon to arrive in the shops were intensively played. Publisher or designer might have been pushing one or the other, but it would not have worked without some good buzz. This was the case for two of the three big hits, The Gang and Harmonies, but the third one, Surfosaurus Max, managed to succeed by itself, without being specifically pushed by anyone.

Let’s start with the most numerous and the most played, the small card games. Surfosaurus Max, by Ikhwan Kwon and The Gang, by John Cooper, John Cooper (!) and Kory Heath are both original variations on poker, the first one half and the second fully cooperative. Prey Another Day, by Matthew Dunstan and Brett Gilbert, might be the best variation ever on Rock, Paper Scissors and will become a classic – but the French players all regret that the crazy art of the German and English version will be replaced in the French one. Courtisans, by Romaric Galonnier and Antony Pérone, is selling so well that the Catch Uo team could bring only one copy, having sold all the other ones but it was played intensively.

Oussama Khelifati didn’t look convinced by « Duck and Cover », the name chosen by Captain Games for his fast and clever card game ; I really like the pun in the title, but it’s true that few people will get it out of the US. Dekal, by Claude Clément, reminded me that I should one day write an article explaining to publishers that there’s no point in always reinventing the box, especially when the result seems to be designed specifically to help players lose cards. Like Dekal, Flowers, by Paul-Henri Argiot et Diciasette, by Munetoshi Harigaya, are games with just numbers of the cards. I don’t know how they play, but people were obviously enjoying them. Odin, by Yohan Goh, Hope S. Hwang and Gary Kim, is a shedding  game, a trending genre. I enjoy seeing the orientalism of western games more and more balanced by the occidentalism of eastern ones – though to be honest, in this case, I don’t know if the setting comes from the designers or the publisher.

Among the small Oink games, the most liked were Rafter Five, by Mashiu and Jun Sasaki, and Order Overload Café, by Jun Sasaki, and of course Whale to Look. Manu Rozoy and Guillaume Montiage were making the last adjustments to a game I will have to discuss in more details here one of these days. Bruno Cathala and Antoine Bauza were demoing the Lord of the Ring  version of Seven Wonders Duel, which was much praised and whose name I have forgotten, and I saw one or two other Tolkien games. The Star Wars universe was also present, mostly with Frédéric Henry’s Bounty Hunters, which seem to be both simple and deep. Mantis, by Ken Gruhl and Jeremy Posner, was already here last year, but seems to have been really discovered by most players this year, and it was a hit.

I have far fewer things to say, and titles to list, about bigger boxes with pawns, tokens, board and all that stuff. A few brand new games were played a lot. The team behind Harmonies had seriously prepared the event. The designer, Johan Benvenuto, the artist, Maeva da Silva and the publisher, Libellud, were all there, and had brought a giant game with cute animal figures. Harmonies, the game Cascadia should have been – I don’t like Cascadia – was probably the most played relatively long and serious game. Laurent Escoffier and Charles Chevallier were explaining Loot, but it feels a bit like they are doing this every year. Eric Hong’s Vale of Eternity, as well as Paolo Mori and Remo Conzadori’s Captain Flip were hits, even when they don’t look as nice on the photos as Paul Schulz’s Balconia. Anyway, while these five games are a bit more than light card games, they are not hardcore gamer’s stuff either. All these games last thirty or forty minutes, their boxes are not that big, and they are aimed at casual gamers (what many call families, but all casual gamers are not families).

Walking by a table occupied by an impressive boardgame, I heard a player say “My fireworks score one point for each black knight” – it looks like it was Theo Rivière Ghislain Masson prototype.

Clearly, the trend in Etourvy this year was not hardcore gamers games with hundreds of cards and miniatures, even when dedicated players tried all the various iterations of Dune Imperium, and when a few monstrosities I cannot name appear here and there on the pictures. Among the new stuff, the heaviest game which seemed to be played and discussed a lot was The White Castle by Israel Cendrero and Sheila Santos – we’re back to classic orientalism, or rather exoticism since it’s more or less a follow-up on The Red Cathedral, may be the next one will be the Green Vault. I also heard good things of Apiary. Big and intricate games have not lost all of their appeal, and the incredibly heavy boxes sent by Awaken Realms were still the first to be taken on the prize table.

Roll & Write seemed to have largely disappeared, almost as fast as they came in a few years ago. On the other hand, I saw many collaborative social deduction games, like Perspectives, Suspects, Back Stories or Mysterium, whose designer Oleksandr Nevskiy was demoing a much darker version. I didn’t write down the names of all these games, and don’t know what was already published, being published or just designer prototypes.

A few hidden gems are played every year at Etourvy, and they still appear on the pictures. There’s Krazy Wordz, a party word game by Dirk Baumann, Thomas Odenhoven et Mathias Schmitt, which deserves a better edition with nice themes and Scrabble like tokens, Word on the Street by Jack Degnan, another clever word game, and my favorite betting game, Cursed Court by Andrew Hanson. This year, I was thrilled to see even older stuff being played, especially Cosmic Encounter and Full Metal Planet, the latter explained by one of its designers.

These last two years, there has been much talk of a comeback of tabletop role playing games. Tabletop RPG had disappeared from Etourvy after the very first years, but it is now back. There was always a table of hooded RPGers in some dark corner. Manu started, and it accelerated after Camille arrived on Friday night. It is tempting to oppose players of good old boardgames to nerds playing video games and RPGs, but all market studies have shown it’s wrong – these are mostly the same people. 

Boardgame topics

Of course, we don’t spend all our time playing games. There were also many discussion about the state of the gaming business. There were very different analysis of what recently happened to Asmodee, including among people working at or with Asmodee. We talked about the recent slackening of sales, and the difficulties of several small publishers, especially those specialized in heavy boxes and kickstarters. If everyone moves to micro card games, it’s certainly good for designers like me, but it means this market will also soon become overcrowded.  We discussed the growing place of East Asia in the design, the publishing and the sales of boardgames, and the absence of significant differences between Asian and Western games – there were few foreigners in Etourvy this year, but Korean and Japanese publishers had sent many games. We regretted the aging demographic of gamers, even when it seems to be more noticeable in the US than elsewhere. Some praised and other lamented the extinction of trolls and dragons and the invasion of trees and animals. There were certainly other interesting discussion I missed about small and big boardgame related topics.

We’ll do it again next year…

Portraits de joueurs par Antoine Bauza
Gamers portraits by Antoine Bauza

Mes photos
My pictures

Photos de Dylan
Dylan’s pictures

Photos d’Eliette
Eliette’s pictures

Photos de Fred & Nath
Fred & Nath’s pictures

Photos de Laurène
Laurène’s pictures

Photos de Lia-Sabine
Lia-Sabine’s pictures

Photos de Marie Giordana
Marie Giordana’s Pictures

Photos de Maud
Maud’s pictures

Photos de Pénélope
Pénélope’s photos

Photos de Sandra
Sandra’s pictures

Photos de tous les autres
Pictures by everyone else

Etourvy 2023

Trente ans déjà

Si j’en crois l’équipe du Domaine Saint-Georges, cela fait maintenant trente ans qu’ils nous accueillent, presque tous les ans, à Etourvy. Les rencontres ludopathiques, qui multiplient la population du village par un peu plus de deux, sont devenues un « acteur de l’économie locale».
Nous n’étions qu’une trentaine 1993, essentiellement des amis gravitant autour de Casus Belli et de Ludodélire. Certains sont partis, certains ne jouent plus, certains sont morts, j’ai perdu de vue quelques uns, et, à part moi bien sûr, je pense que la seule personne à avoir été présente à tous les épisodes est Hervé. Nous étions cent quatre-vingt du 17 au 21 mai 2023, et même avec les quatorze nouvelles places que l’on nous promet dans Etourvy l’an prochain, il me semble difficile d’aller au delà. Oui, je sais, cela fait vingt ans que je dis cela.

Lorsque, une quinzaine de jours avant les rencontres ludopathiques, j’ai regardé les premières prévisions météo qui nous annonçaient la pluie et la froidure, j’ai pris peur. À Etourvy, Virginie et Marie-Claire ont également commencé à se faire du souci et à étudier des solutions permettant d’abriter tout le monde, et de faire manger près de deux-cent personnes dans des lieux dimensionnés au mieux pour une centaine. Nous avons finalement eu, comme l’an dernier, un très beau temps, mais il n’en ira pas toujours ainsi et je m’inquiète déjà pour l’an prochain.
L’an dernier, après le Covid, les visiteurs étrangers étaient restés rares, et mes annonces bilingues lors des repas s’apparentaient à un acte de foi. Cette année, les joueurs d’Amérique, d’Europe de l’Est et même d’Asie étaient de retour – même si j’ai l’impression que Yohan Goh passe la moitié de sa vie en Europe. Ayant toujours été partisan du cosmopolitisme, je m’en réjouis. Les enfants aussi étaient revenus nombreux, ce qui contribue beaucoup à l’ambiance.

Organisation 

Je n’ai presque pas eu de désistements de dernière minute cette année et, du coup, les comptes, de toute façon très approximatifs, devrait être légèrement excédentaires, pour, je crois, la deuxième fois en trente ans.
Les rencontres ludopathiques fonctionnent de plus en plus en roue libre et me demandent plutôt moins de boulot qu’il y a une dizaine d’années. Je gère donc le budget global, l’hébergement, je prépare le transport des jeux, je surveille un peu tout ce qu’il se passe dans la semaine, mais l’aide de la petite équipe qui arrive avec moi en début de semaine, et notamment de Camille, allège considérablement le travail d’intendance. Cela serait quand même plus facile pour nous et pour l’équipe du domaine si tout le monde faisait plus attention à ne pas laisser traîner ses gobelets, à ne pas les utiliser comme poubelles, etc…

Je prépare toujours quelques jeux en extérieur, cette année Two Rooms and a Boom, Twister géant, et le traditionnel Brouhaha, mais d’autres organisent également des événements conséquents. Absent l’an dernier, Laurent Escoffier était de retour avec ses jeux d’extérieur un peu bizarres, mettant en scène chaines, aimantset mètres pliants, et bien sûr le toujours aussi bluffant Walking Mind.

Franck s’occupe toujours du tournoi de poker, et cette année Théo avait soigneusement préparé un tournoi de Challengers. Sébastien étant absent, c’est Ghislain qui a rejoint Isabelle pour faire jouer la murder party Le tour de monde en 80 jours, tandis que Mathias et Zephiriel faisaient jouer Papers, un petit GN loufoque sur les coachs, la culture d’entreprise, la ludification et toutes ces conneries. Jamais à court d’idées l’Equipe ludique avait préparé Tous en Scène, un jeu hilarant de reconstitution de films avec les moyens du bord. Profitant de ce que nous étions au vert et qu’il ne faisait pas trop chaud, certains ont organisé des balades à pied autour du village, Maud pour ceux qui courent assez vite, Charles pour ceux qui préfèrent la marche tranquille suivie d’un bon verre de vin.

L’orque et la baleine

J’étais un peu déçu à mon arrivée de constater que le colis d’Oink Games, contenant mes exemplaires d’auteur de Whale to Looksorti le week-end précédent pour le Tokyo Game Market, n’était pas parvenu à temps à Etourvy. Le plaisir n’en a été que plus grand de le voir arriver vendredi après-midi. Je me suis précipité sur mes premières boites, aussi mignonnes que sur les photos, et ai immédiatement envoyé quelques touristes observer les orques noires et les baleines blanches. 

Jun Sasaki et l’équipe de Oink Games ayant énormément retravaillé mon concept original, dans des directions parfois inattendues. Je n’avais jusque là joué à une version presque finale de ce jeu qu’une seule fois, en ligne, dans des conditions qui n’étaient pas optimales. Les quelques inquiétudes que j’avais sur les nouvelles règles ont cependant été rapidement balayées par mes parties à Etourvy – le jeu est finalement bien meilleur que celui que je leur avais initialement proposé, et je renonce donc à développer de mon côté mon jeu d’observation des étoiles dans le ciel. Il va falloir que je réécrive en ce sens mon article sur Whale to Look.

Sacré Graal

Grail Cup n’arrivera en boutique qu’à l’automne, mais Arnaud Charpentier avait apporté une boite de préproduction, à laquelle ne manquait que le dé, très aisément remplaçable par un dé classique. J’ai de la chance en ce moment avec les illustrations car, dans un style bien différent, Grail Cup est aussi mignon que Whale to Look. Je me suis beaucoup amusé à rechercher les nombreux œufs de Pâques – c’est comme cela que l’on dit en anglais – dissimulés sur le plateau par John Kovalic, et me suis même reconnu dans l’un d’entre eux. J’ai lancé quelques parties, rapides et pleines de rebondissements.

J’avais aussi apporté quelques prototypes, et ceux qui m’ont semblé les mieux reçus ont été la Salade de Fruits et les Voleurs de Poules, on verra s’il en sort quelque chose.

Que de jeux 

J’ai cette année profité des rencontres ludopathiques pour faire une partie de mon déménagement. Une quarantaine de cartons qui avaient quitté la rue de Belleville le lundi sont en effet rentrés le dimanche à quelques centaines de mètres, rue de la Villette. J’ai beau apporter chaque année à Etourvy environ un millier de jeux, je suis toujours étonné, passant entre les groupes, de voir la plupart des joueurs attablés devant des prototypes inconnus ou des jeux dont je suis à peu près certain qu’ils ne proviennent pas de ma collection.

À en croire aussi bien mes impressions que les nombreuses photos des participants, le jeu le plus populaire de ces cinq jours a été Mind Up, retour amusant puisque c’est à Etourvy que, l’an dernier, l’équipe de Catch Up Games avait découvert ce petit jeu de cartes d’aspect très kniziesque, présenté par son auteur Maxime Rambourg. Parmi les autres petits jeux très pratiqués, citons Focus, d’Antonin Boccara et Romaric Galonnier, Cat in the Box de Muneyuki Yokouchi, The Number de Hisashi Hayashi, Mantis de Ken Gruhl et Jeremy Posner et bien sûr Whale to Look de Jun Sasaki et Bruno Faidutti.

Dans des boites un peu plus grosses, mais pas trop complexes pour autant, le loufoque Hand to Hand Wombat, judicieusement traduit en français par Branle Bas de Combat, a remporté un grand succès d’estime, tout comme, dans un genre plus sage, les jeux coopératifs Kites, de Kevin Hamano,  Kuzooka de Leo Colovini et DorfRomantik de Michael Palm et Lukas Zach. Ce dernier est tellement moche que tout le mponde y a joué mais personne n’a osé en prendre une photo.

Parmi les jeux d’ambiance et de vocabulaire, on a comme l’an dernier beaucoup joué à Krazy Wordz, de Dirk Baumann, Thomas Odenhoven et Matthias Schmitt, mais aussi au curieux Hunch! de Nomas Kurnia, quelque part entre Codenames et Decrypto, et au prototype final de Sides apporté par l’équipe de Captain Games.

Côté gros jeux, on a bien sûr encore joué à Dune Imperium de Paul Dennenmais aussi à The Quest for Eldorado de Reiner Knizia deux jeux qui ne sont pas vraiment des nouveautés même si l’un a connu quelques extensions et l’autre une nouvelle édition magnifiquement illustré par Vincent Dutrait. À l’exception notable de Planet Unknown de Ryan Lambert et Adam Rehberg, qui a d’ailleurs et très mal rangé dans la boîte par ceux qui ont fait la dernière partie, les très grosses nouveautés ont fait des flops.

Le retour du jeu de rôles

Le grand retour du jeu de rôles, dont on parle beaucoup depuis quelques mois, semble avoir touché Etourvy. Lors des tous premiers épisodes, dans les années quatre-vingt dix, beaucoup des participants étaient des amis de GN, et il n’était pas rare de voir quelques parties de jeu de rôles sur table. J’ai d’ailleurs découvert une partie des villages du coin lors d’un GN loufoque où des mafieux mexicains qui avaient trouvé un moyen de produire de la coke à partir du colza cherchaient à accaparer la récolte locale, mais se heurtaient à des extraterrestres dont le vaisseau en panne fonctionnait à l’huile de colza, et à de gentils vampires qui souhaitaient produire à partir de cette céréale décidément multitâche un élixir leur permettant de décrocher du sang.

Depuis quelques années, Sébastien et Isabelle organisent à Etourvy de petites murder parties. Cette année, Isabelle et Ghislain ont fait jouer le tour du monde en 80 jours, tandis que Mathias et Zephiriel organisaient Papers. Le jeu cinématographique de l’équipe ludique, et même d’une certaine manière Two Rooms and a Boom ou des jeux narratifs comme Alice is Missing, relèvent aussi un peu du jeu de rôles. Et, pour la première fois depuis longtemps, plusieurs éditeurs avaient apporté des livres de jeux de rôles, parfois volumineux et ambitieux, pour la table de prix. Je ne vais pas me remettre au jeu sur table, mais cela me donne envie de refaire un ou deux GNs – si j’arrive à caser ça dans mon emploi du temps.

Voilà. Comme de plus en plus de gens organisent des trucs pendant les ludopathiques, j’en ai certainement raté ou oublié quelques uns. Merci à tous les participants, merci à tous les organisateurs de jeux petits et grands, merci à tous ceux qui m’ont donné un coup de main prévu ou improvisé, merci à l’équipe du domaine Saint-Georges, merci à Météo France de qui j’attends le même soutien en 2024, et à l’année prochaine.



Thirty years

I didn’t keep a precise track but, if I am to believe the team at the domaine Saint-Georges, they have been accommodating the ludopathic gathering almost every year since 1993. When we are here, the population of Etourvy is multiplied by a bit ore than 2, and we are now a part of the local economy.  
We were only thirty in 1993, mostly friends working with Casus Belli or Ludodélire. Some have quit gaming, some have left, some have died, I’ve lost trace of a few ones, and I think the only other person who has been here from the beginning is Hervé. We were 180
in 2023, May 17 to 21, and, even with the fourteen new beds which should be available in the village next year, I don’t think this number can grow more. Yes, I know, I’m saying this for 20 years now.

When, two weeks before the event, I started looking at the weather forecast, predicting cold and rain, I was seriously concerned. In Etourvy, Virginie and Marie-Claire also started worrying and tried to find ways to shelter everyone and to have nearly 200 people eating in a place designed for 100 at most. In the end, we had a really nice weather, but I’m already anxious for next year. 


Last year, after the Covid years, few foreigners were back. This year, players from America, from Eastern Europe and even from Asia were back – even when it seems like Yohan Goh is now spending half of his time traveling in Europe. Anyway, I’m always been in favor of cosmopolitanism, so let’s enjoy it. Children were back as well, which makes for a nice change from most professional gaming conventions.

Organization

I had very few last minute cancellations this year, which means that the (very rough) numbers are balanced, or may be even slightly positive, for, if I remember well, the second time in thirty years. 

I take care of the numbers, the accommodation, I pack and bring the games, I check everything during the week, but I could probably not do it any more without the help from the small advance team which arrives with me on Monday – especially Camille. It would nevertheless be much easier for everyone if people were more careful not to let empty glasses, when it’s not empty glasses used as table trash cans, everywhere…

I always prepare one or two big simple outdoor games, to bring everyone together, this year Two Rooms and a Boom, Giant Twister and the traditional Brouhaha. Laurent Escoffier had been missed last year, he was back with strange outdoor games using chains, magnets and folding rule, as well as a new competitive version of the Walking Mind.

Franck held, as always, the poker tournament, while Théo took care of Challengers. Sébastien was not here this year, so Ghislain replaced him to organize the Around the Earth in 80 Days murder party, while Mathias and Zephiriel held Papers, a light zany larp about coaching, business culture, ludification and all that crap. L’equipe Ludique held Everyone on Stage, a crazy game about reenacting movies with the limited means availabe. The weather being cooler than last year, Maud held a running tour of the nearby countryside, while Charles organized a walking and wine drinking tour for those – the vast majority – who don’t even try follow Maud.

The white whale and the orca

When arriving in Etourvy, I was slightly disappointed to find out that the parcel from Oink games with my author copies of Whale to Look, which had been premiered the week before at the Tokyo game market, didn’t make it in time. I was even more delighted when it arrived on Friday afternoon. I immediately seized the first box and sent a few tourists whale watching.

Jun Sasaki and the Oink team have largely developed my original concept, in directions I didn’t expect. I had only played a near final version of their game once, online, in far from optimal conditions. I was wary of some of the changes they had made to the game, but my reservations about the new rules disappeared after a few games in Etourvy. Their game is indeed better than what I had originally submitted, and I am therefore giving up the idea of developing on my side my tile game about watching stars. I should, one of these days, rewrite my article about Whale to look to make this clear.

Holy Grail !

Grail Cup will only hit the stores next fall, but Arnaud Charpentier had brought a preproduction copy, missing only the special die which we easily replaced with a standard one. I am really lucky with game art these days. Grail Cup is as cute as Whale to Look, though in a completely different style en boutique. I had great fun looking for the many Easter eggs disseminated by John Kovalic on the board, and I even found myself in one. I played a few games, fast and eventful.

I had also brought a few recent prototypes. The best received were Chicken Thieves and Fruit Salad, we’ll see if something comes out of it.  

So many games 

This year, I took advantage of the ludopathic gathering to move some of my games, who left my old flat rue de Belleville and came back to my new one, rue de la Villette. Every year, I bring about 1.000 games to Etourvy, and I’m always surprised to see most attendees playing either unknown prototypes or games which I am sure d’ont belong to my collection.

According to both my feeling and the many pictures I have seen, the most played game during this five days was Mind Up. It’s a fun come back since the prototype of this very kniziesque card game was shown by its designer, Maxime Rambourg to its publisher, Catch’Up, last year in Etourvy. Other much played small box games were Antonin Boccara & Romaric Galonnier’s Focus,  Muneyuki Yokouchi’s Cat in the Box, Hisashi Hayashi’s The Number, Ken Gruhl & Jeremy Posner’s Mantis and, of course, Whale to Look, starting from Friday afternoon.

Among bigger boxes, but not necessarily more serious games, the hits were the zany and noisy Hand to Hand Wombat, for which a few advanced rules were designed, as well as the more serious cooperative games Kites, by Kevin Hamano, Kuzooka by Leo Colovini and DorfRomantik by Michael Palm and Lukas Zach. The latter is so ugly that, though nearly everyone played it, no one took a single picture of it.

Among party and vocabulary games, the most played were, like last year, Krazy Wordz, by Dirk Baumann, Thomas Odenhoven and Matthias Schmitt, but also two brand new games, Nomas Kurnia’s Hunch!, a strange game feeling a bit like a mix of Decrypto and Codenames, and the prototypes of Sides brought by the Captain Games’ team.

The most played boardgames wwere Paul Dennen’s Dune Imperium and Reiner Knizia’s Quest for El Dorado. None of them is new, but there has been a few recent expansions for Dune and a new edition of Quest for El Dorado gorgeously illustrated by Vincent Dutrait. Except for Ryan Lambert & Adam Rehberg’s Planet Unknown, which, by the way, was carelessly placed back in the box by its last players, most new big box heavy games flopped.

Back to role playing games ?

The unexpected comeback of tabletop rpg which has been much discussed these last months also affected Etourvy. In the very first Etourvy gatherings, in the mid nineties, many of the attendees were LARP friends, and there was the occasional tabletop rpg session. I even first discovered the nearby villages during a zany LARP in which the Mexican mafia, having discovered a way to produce cocaine from rapeseed, was trying to corner the local rape market, but was facing aliens whose stranded spaceship was running on rapeseed oil and vampires who were using to produce an elixir helping them to get off blood. 

For a few years now, Sébastien and Isabelle have been holding small murder parties in Etourvy. This year, Ghislain and Isabelle organized Around the earth in 80 days, while Mathias and Zephiriel held Papers. L’Equipe ludique’s movie making game, Two Rooms and Boom, and even in a way narrative boardgames such as Alice is Missing, also have something to do with role playing. Also, for the first time I think, several publishers had brought role playing books, and sometimes heavy and ambitious ones, for the prize table. I probably won’t go back to tabletop rpg, but it makes me want to play more larps, if I can fit them in my schedule.  

That’s it. Since more and more people are organizing stuff during the ludopathic gathering, I certainly missed one or two notable events. Anyway, thanks to al the attendees, thanks to all those who organized small and big games, thanks to all those who helped me in managing the even, thanks to the team at the Domaine Saint-Georges, and thanks to MeteoFrance, I hope they will be as efficient next year. See you next year.  

Portraits de joueurs par Antoine Bauza – Gamers’ portraits by Antoine Bauza

Mes photos – My pictures

Photos de Dylan et Tanya – Dylan’s and Tanya’s pictures

Photos d’Isa – Isa’s pictures

Photos de l’Equipe Ludique – Equipe Ludique’s pictures

Photos de Maeva – Maeva’s pictures

Photos de Marie G. et Martin Vidberg – Marie G. & Martin Vidberg’s pictures

Photos de Maud – Maud’s pictures

Photos de Régis – Regis’ pictures

Photos de Seb – Seb’s pictures

Photos de Sandra – Sandra’s pictures

Photos dun peu tout le monde – Various pictures from various gamers

Etourvy 1995

Un grand merci à Hervé qui a retrouvé dans un coin de son disque dur cette video du troisième épisode des rencontres ludopathiques, en 1995 où l’on voit quelques personnes que j’ai un peu perdues de vue – Nadine, Scarlett, Laure, Pierre, Anne (charmante avec son chapeau), Arno, Isabelle, Jean-Yves, Mireille, Sabine, Tristan, Nadine et quelques autres, et surtout Pierre qui nous manque beaucoup. Côté jeux, on voit Cambio, Ave Cesar, Il était une fois, Condottiere, Meurtre à l’Abbaye, Credo, Tribalance, Taboo, dictionnaire, Pusher, Intrigues à Venise, et quelques trucs que je ne reconnais même plus. Cela n’a pas tellement changé, mais j’avais plus de cheveuex. Et on fumait plus.

Many thanks to Hervé for this video of the third ludopathic gathering in Etourvy, in 1995, with a few friends I have not seen for years – Nadine, Scarlett, Laure, Pierre, Anne (really pretty with her hat), Arno, Jean-Yves, Isabelle, Mireille, Sabine, Tristan, Nadine and, most of all, Pierre whom I really miss. As for games, I’ve spotted The Pit, Ave Caesar, One upon a Time, Condottiere, Murder at the Abbey, Credo, Tribalance, Taboo, Dictionary, Pusher, Incognito and a few things I don’t really remember. It didn’t change that much – but I had more hair. And we were all smoking.

Un week-end de créateurs de jeux à Puszczykowo
A game designer week-end in Puszczykowo.

Je rentre d’un séjour de quatre jours en Pologne, à Puszczykowo, dans un charmant hôtel perdu dans les bois, dont l’ameublement date encore de l’époque communiste. Krzysztof Szafranski, Michal Gryn et l’équipe du collectif d’auteurs Pamper y organisaient une rencontre d’auteurs, certains édités et d’autres non, afin qu’ils puissent jouer et débattre de leurs prototypes entre eux, et les présenter à la petite dizaine d’éditeurs présents, des polonais surtout mais aussi quelques tchèques, baltes et autrichiens. J’étais le participant le plus exotique.

Ça va, ce n’était pas la saison des moustiques.

Le programme, assez chargé, alternait sessions de jeu et conférences en anglais. Anita Landgraf a, par exemple, présenté les avantages, réels pour les jeunes auteurs et peut-être aussi pour les plus vieux, à travailler avec un agent – et du coup je lui ai laissé un des mes prototypes, on verra bien. J’ai raté l’intervention d’Adam Kwapinski sur l’adaptation des jeux videos en jeux de société parce que j’étais tellement fatigué que je faisais la sieste. J’ai parlé des modifications que l’éditeur peut apporter à un jeu et des problèmes que cela pose souvent aux auteurs, sujet difficile dont je tirerai certainement un article un de ces jours. 

Quand Anita m’a demandé si j’avais déjà demandé que l’on retire mon nom d’un jeu.

Un conseil aux jeunes auteurs

J’avais dans ma valise quelques petits jeux de cartes sur lesquels je travaille en ce moment, et y jouer avec des auteurs, donc des testeurs assez techniques et critiques, a permis de leur apporter quelques améliorations. 

J’ai aussi bien sûr joué à pas mal d’autres prototypes. S’ils étaient pour le reste assez différents, il m’a semblé qu’ils avaient tous besoin d’une bonne coupe au rasoir d’Ockham. J’ai joué à un jeu qui était dans une grande boite, avec un plateau, une centaine de pions, des cartes surdimensionnées couvertes de texte décrivant des capacités spéciales, et qui serait sans doute bien meilleur sous la forme d’un petit jeu de cartes sans texte.

Des test sérieux, on boit de l’eau minérale et on prend des notes.

C’est un problème  fréquent dans les jeux d’auteur débutants, et je profite de l’occasion pour donner ce conseil : faites simple, allez droit au but. Si les tests de votre jeu révèlent un problème, une lourdeur, un déséquilibre, un problème de rythme, avant d’essayer de le résoudre en ajoutant un mécanisme, une carte, des pions, demandez-vous si vous ne pouvez pas plutôt en enlever. Un bon auteur écrit en évitant soigneusement les mots qui n’ajoutent rien au sens de ses phrases; un ingénieur n’embellit pas ses machines avec des pièces inutiles; un développeur prend bien soin d’effacer les lignes de code qui ne servent plus à rien. Un auteur de jeux doit de même éviter toutes les règles, tous les éléments qui n’ajoutent rien, ou pas grand chose, d’intéressant au déroulement de la partie.

Femmes, business et hobby ?

J’ai été assez surpris du petit nombre de femmes, une dizaine à peine sur la centaine d’auteurs présents, une proportion bien moindre que dans les grands salons comme Essen, Cannes ou la Gen Con. J’ai d’abord pensé que cela était dû à un décalage de quelques années entre l’Est et l’Ouest de l’Europe, avant de réaliser que le public d’un événement comparable n’aurait sans doute pas été très différent en France ou aux États-Unis. En effet, si les femmes sont de plus en plus nombreuses parmi les joueurs, si elles sont depuis assez longtemps très présentes chez les éditeurs, que ce soit dans les postes éditoriaux ou commerciaux, elles sont au moins aussi nombreuses que les hommes dans l’illustration de jeux, mais elles restent partout rares parmi les auteurs. Nous avons résumé cela lors d’une discussion avec Anita Landgraf en une formule un peu réductrice, il y a plus de femmes dans le business que dans le hobby, sans être vraiment capables de l’expliquer. 

Peandant que les français se mettent au Mollky finlandais, les polonais passent à la pétanque.

Petits et gros salons

Si je ne suis pas allé cette année à la Gen Con ou à Essen, c’est bien sûr d’abord pour des raisons techniques, le coût du transport et du séjour pour la Gen Con, les dates qui ne coïncident plus avec les vacances scolaires pour Essen. C’est peut-être aussi un peu parce que je suis fatigué de ces grands salons, qui, en tant qu’auteur, me semblent de plus en plus fatigants et de moins en moins utiles. Certes, on y croise beaucoup de monde, mais c’est très rapidement, dans le bruit, et plus pour boire quelques bières et raconter les potins du milieu ludique que pour jouer et parler jeux. Je préfère de plus en plus les rencontres moins nombreuses mais plus tranquilles et parfois plus inattendues que je peux faire sur de plus modestes réunions et conventions – à condition bien sûr de pouvoir quand même boire quelques bières.


I’m back from four days in Poland, at Puszczykowo, in a cute hotel lost in the woods, whose furniture probably had not been replaced since the communist era. Krzysztof Szafranski, Michal Gryn and the team at the Pamper game test group were organizing a meeting with about a hundred designers, some published and some not, where they could play and discuss their prototypes and show them to ten or so publishers, most of them polish but some czech, baltic or austrian. I was the most exotic attendee.

Luckily, it wasn’t mosquito season.

The busy schedule alternated playtest sessions with conferences in English. Anita Landgraf explained the advantages, for young but also for old designers, of working with an agent, and managed to convince me to let her one of my prototypes. I missed Ada Kwapinski’s talk about adapting video games into boardgames because I was so tired that I needed to have a nap. I talked about how the publishers often develop or modify a game, and of how the designers should deal with this. It’s a complex issue, and I’ll probably go back to my notes to write an article one of these days.

An advice to young boardgame designers

I had brought a few light card games on which I’m working at the moment. Playing them with other designers made for constructive and deconstructive criticism, and I come back with all of them somewhat improved. Of course, I also played other designers’ prototypes. They were all very different, but I felt they all needed a good Ockham razor’s beard trimming. I played a big box game, with a board, a hundred tokens, oversized cards covered with text which could have been a much better card game with no text at all.

It is a common issue with wannabe game designers prototypes. Here’s my advice : make everything as simple and straightforward as possible. If playtests reveal a problem with your game, be it clumsiness, unbalance, lack of rythm or depth, don’t try at once to solve it with adding elements, be they card, token or rule. Try first to remove stuff. It’s not always possible, but when it works, it’s always better.

A good writer avoid unnecessary words, words which don’t add anything to the meaning of sentences. An engineer doesn’t try to make machines look nicer with superfluous components. Good developers write short and fast code. Similarly, a good game designer must get rid of all rules or components which add little or nothing to the game flow. 

Serious playtesters, taking notes. This was a really interesting game.

Women, the business and the hobby ?

I was surprised by how few women were among the attendees, ten at most among a hundred designers, a proportion much lower than in big game fairs such as Essen, Cannes or Gen Con. I first thought this was due to a few years gap between Eastern and Western Europe, before realizing things might not have been very different in France or the US. There are more and more women among boardgamers ; there are many, since much longer, working with publishers, both in editorial and commercial jobs ; there is more or less the same proportion of men and women among boardgame illustrators ; there are still, however, very few women among boardgame designers. Discussing this with Anita Landgraf, we summed up in a nice formula, there are more women in the business than in the hobby but we could not explain it. 

Smaller and bigger events

The main reasons for which I didn’t go this year to Gen Con or Essen are extremely bland, the cost of transport and accomodation at Gen Con, the dates which don’t fit anymore with school holidays for Essen. It is also true, however, that I am less and less excited by these big events which, as a designer, I find more and more tiring and less and less useful. Yes, we can meet many people from the business, but all while runing from one hall to another, and often more to drink beer and exchange gossip than to play and discuss games. I probably enjoy more now smaller gatherings where people have more time to talk, where discussions are sometimes more unexpected, at least if I can still drink a few beers.  

The speakers and the two organizers, Krzysztof Szafranski (left) and Michal Gryn (right). I got a copy of a game by Michal, Space Craft, which looks clever and challenging.

Un week-end au chalet rouge
A week-end at the red cabin

Je reviens d’un bref week-end dans le chalet rouge de Martin et Aline Vidberg, à Amathay Vesigneux, en Franche Comté, c’est à dire au milieu de nulle part, dans un coin où il doit faire froid l’hiver. Aline était institutrice, Martin est dessinateur de presse, mais ils sont surtout tous deux passionnés de jeux de société et ont décidé, il y a quelques années de cela, de lancer Un monde de jeux, blog puis surtout chaîne YouTube consacrés aux jeux de société. Depuis un an, ils ont ouvert le Chalet rouge où ils hébergent quelques auteurs de passage comme moi et surtout les éditeurs qui passent présenter leurs nouveautés et les faire un peu tourner dans un petit public de spécialistes.

Je les aime bien et cela fait longtemps que j’avais envie d’y aller. Cela fait aussi longtemps qu’ils avaient envie de me recevoir, mais, peut-être parce que je me fais vieux et suis de moins en moins dans l’actualité ludique, ou parce qu’ils avaient peur que je dise des bêtises, aucun de mes éditeurs n’avait encore décidé de financer un passage avec moi au Chalet Rouge. On en a discuté à Etourvy au mois de mai et décidé que, bon, tant pis pour leur business model, je passerais quand même un jour ou l’autre durant l’été, quand il n’y a personne.
C’est donc fait, et je me suis tout à la fois reposé, mis au vert, et bien amusé à jouer et discuter.

Bien qu’elle ne soit pas disponible en français, on a tourné une petite video de présentation de ma dernière grosse nouveauté, Trollfest, conçue avec Camille Mathieu. Si elle pouvait donner à un éditeur français l’envie de faire venir ici non seulement ce jeu, mais aussi tout ou partie de la gamme de Trick or Treat games, ce serait très chouette. Si vous êtes intéressé, vous pouvez me demander leurs coordonnées.

Même s’il publie régulièrement des videos sur les sorties du moment, Martin aimerait échapper un peu au culte du neuf. Il m’avait donc aussi demandé de présenter un ou deux jeux plus anciens dont je pense qu’ils mériteraient une deuxième chance. J’ai choisi Waka Tanka, un jeu de bluff moins enfantin qu’il n’en a l’air, qui n’a pas connu de grand succès mais reste l’une de mes créations préférées, et dont j’espère qu’un éditeur voudra bien un jour lui donner une nouvelle chance – une nouvelle édition est prévue en Amérique du Sud, mais pas dans le reste du monde.

J’ai aussi présenté Venture Angels, petit jeu de bluff et d’enchères qui n’est disponible que dans une version bilingue coréen-anglais et dans une édition en persan, et dont j’aimerai bien aussi qu’il attire l’œil d’un éditeur de chez nous. Bref, j’avais plus les éditeurs que les joueurs en tête en faisant mon choix, mais j’espère que ces jeux seront bientôt disponibles en France.

Nous avons surtout tourné une plus longue vidéo, partant de mes souvenirs de dinosaure du jeu de société, puisque je dois être l’un des auteurs les plus vieux encore en activité. Elle s’est terminée en discussion à bâtons rompus sur un sujet auquel je m’intéresse beaucoup en ce moment, les soucis d’écriture et surtout de traduction des règles de jeu, un problème récurrent de l’édition française auquel je pense consacrer un prochain post sur ce blog.

Je ne sais pas trop quand toutes ces videos seront en ligne, j’espère que ça ne sera pas trop long. C’était en tout cas très agréable à enregistrer, avec des hôtes adorables. Même s’ils tournent des videos, et essaient avec difficulté d’en vivre, Martin et Aline m’ont confié que, comme moi, ils regrettaient un peu que l’écrit disparaisse du monde de la critique ludique. La video a bien sûr d’énormes avantages, la spontanéité, la possibilité de mettre en scène débats et discussions, l’image qui permet de montrer le matériel et le déroulement d’un jeu. L’écrit en a d’autres, l’argumentation construite, l’approfondissement, la précision du vocabulaire, la quantité d’informations que l’on peut faire passer en un temps limité, et surtout la possibilité de se relire et se corriger. On devrait pouvoir trouver de la place pour les deux.

Le chalet, car c’en est bien un, est plein de charme et surtout de jeux. La collection de Martin et Aline est certainement bien mieux rangée que la mienne.  Elle est sans doute aussi plus importante, du moins en ce qui concerne les jeux récents. Nous pouvions jouer à tout ou presque. J’ai donc fait jouer Trollfest, Venture Angels et Waka Tanka, ainsi qu’un prototype dont je ne peux pas vraiment parler.

Ils m’ont fait découvrir quelques jeux que je ne connaissais pas. J’ai beaucoup apprécié Blitzkrieg, de Paolo Mori, un petit jeu de guerre à deux joueurs, sans plateau géographique, aux mécanismes très originaux.  Ma découverte du Week End est incontestablement Le club des aventuriers, de Henrik Havighorst et Mathias Spaan, un jeu mignon et malin, à la Dixit, et pas seulement pour les enfants. La boîte ne paie pas de mine et dont personne n’a parlé, et je l’aurais certainement laissé passer si mes hôtes n’avaient pas insisté pour me le faire découvrir. J’en ai déjà commandé une boîte et je suis certain qu’il va devenir un grand classique de mes soirées jeux parisiennes.

Je me trouve rarement à la même table que d’autres amateurs de jeux de lettres, ils m’ont donc montré un petit jeu de cartes un peu déconcertant, Dictopia, de Yoann Brogol, avant que nous ne fassions une partie d’Enigma / Decipher, des auteurs de Cosmic Encounter, que j’apprécie toujours autant.

Les résultats du Spiel des Jahres, sans doute le prix ludique le plus renommé, sont tombés pendant le week-end. Nous avons donc joué à Cascadia, de Randy Flinn, avant de refaire un Akropolis pour s’assurer que, dans le même style, le jeu de Jules Messaud est quand même infiniment plus intéressant, plus cohérent, plus lisible et plus joli. Je regrette un peu que le très mignon Scout n’ai pas eu le prix – il manquait certes d’originalité, mais on ne peut pas dire que ses concurrents Top Ten et Cascadia en aient eu beaucoup non plus. Si j’étais resté un jour de plus, on m’aurait sans doute fait jouer à Living Forest.

Après ce bref week-end au vert et au frais, je suis de retour pour quelques jours à Paris sous la canicule. Avis à tous mes éditeurs : j’espère avoir bientôt d’autres occasions de passer chez Martin et Aline. Je suis certain que vous y serez, comme moi, agréablement dépaysés.

Et voici les videos enregistrées lors de mon passage :



I’m back from a short week-end in Amathay-Vesigneux, a small French village right in the middle of nowhere, in Franche Comté, near the Swiss border. It must be very cold in winter. Aline was a teacher, Martin is a press cartoonist, but they are also both boardgame enthusiasts. A few years ago, they started  Un monde de jeux, a French language boardgame blog, which soon became mostly a You Tube channel. A year ago, they opened Le chalet rouge – The red cabin – , a place where they host game designers like me and, most of all, publishers willing to show their new stuff and play it with a small group of dedicated reviewers.

I really like Martin and Aline, and I was willing to go there for some time. They also hoped for it but, may be because I’m getting old and less productive, or because they were afraid I might say some bad stuff, none of my publishers so far has been willing to pay for a trip there with me. So, we discussed it in Etourvy in May and decided that, never mind their business model, I will go there one or two days in summer, when there are fewer visitors.
It’s now done. I enjoyed my calm days in the countryside, and we had fun playing and discussing games.

Even though it’s not available in French yet, we shot a video presentation of my last big box game, Trollfest, designed with Camille Mathieu. Let’s hope it will convince some French publisher to carry it there, may be with other stuff from the line of its really nice new publisher, Trick or Treat games.

Martin regularly publishes video about the new games hitting the shelves, but he also would like to escape from the cult of the new. He asked me to present one or two older games which, in my opinion, deserved a second chance. I first chose Waka Tanka, a bluffing game which didn’t sell that well but is still one of my favorite designs. I hope a new publisher would be willing to give it another chance, probably with a different setting. A new edition is in the pipe, but only for South America.

I also showed Venture Angels, a bluffing and auction games of which they are only two versions, a Korean-English bilingual one and a Persian one. May be someone will want to bring it to the rest of the world. In short, I made my choice with publishers in mind, more than gamers. Let’s hope some of them will get interested by one or the other of these games.

We also shot a longer video which started about my history as one of the last dinosaurs of boardgaming – I’m probably one of the oldest still active boardgame designers. It ended with a casual on a subject I’m very interested at the moment, the issues with writing and translating rules, something French publishers have lasting problems with. I plan to write a long blogpost about it one of these days.

I’ve no idea when all these videos will be online, I hope it won’t be long. Recording them with nice and subtle hosts was a great fun. Even when they now mostly shoot videos, and try to make a living out of it, Martin and Aline told me that, like me, they are bit worried with the wane in written reviews and articles in the boardgaming world. Videos have obvious advantages. They are spontaneous, they can have real debates and discussions, they can use pictures of game elements and short reels of games in progress. Written text has advantages too. Written text too has advantages too. Reasoning is deeper and more consistent, vocabulary is more precise, it’s always possible to go back and correct a text, more information can be made accessible in a much shorter time. There should be room for both.

The chalet rouge is an authentic alpine cabin, full of charm and, of course, of games. Martin and Aline’s collection is much better organized than mine. It is also bigger, at least with recent games, and we could play almost anything.

I taught them Trollfest, Venture Angels, Waka Tanka, and a prototype I cannot tell about yet. They also showed a few games I didn’t know. I really enjoyed my play of Blitzkrieg, a two player mapless wargame by Paolo Mori. My discovery of the week-end was The club of adventurers, by Henrik Havighorst and Mathias Spaan, a cute and clever dixit-like party game, not only for kids. I had never heard of it before, and would certainly still ignore it if my hosts had not insisted in playing it with me. I’ve already ordered a copy and I’m confident it will become a staple of my Parisian game nights.

I rarely meet other word and letter games fans, so we had to play a few ones. They showed me a strange vocabulary game, Yoann Brogol’s Dictopia, and we then played Decipher, by the Cosmic Encounter team, which I always enjoy.

The german Spiel des Jahres is still the most important boardgame prize. It was announced while I was there, so we had to play a game of Randy Flinn’s Cascadia. It was followed by a game of Jules Messaud’s Akropolis to make sure that the latter is similar but much more interesting, consistent, nice looking and easy to play. I regret a bit that Kei Kajino’s Scout didn’t get the award. Yes, I know, it’s not very original, but Cascadia and Top Ten are not either. If I had stayed another day, we would certainly have played Living Forest.

After this refreshing week-end, I’m back in Paris, under the heat wave. Like my videos, this will be mostly aimed at publishers : I hope I’ll soon have other opportunities to visit Martin and Aline. It will be a pleasure for me, and for you.

Etourvy 2022

Simon, tu es repéré.

Ce retour à Étourvy après deux ans d’interruption a, je crois, fait beaucoup de bien à tous les participants. En tout cas, il m’a fait beaucoup de bien.

Derniers restes de la crise sanitaire ou tendance lourde et durable, sans doute un peu des deux, le public était bien plus franco-français que les années précédentes. Beaucoup d’habitués des quatre coins du monde ne sont pas venus cette année, ce que je regrette un peu – les polonais sont les seuls à s’être déplacés en force. Certains absents ont certes envoyé des jeux pour la table de prix, mais ce n’est pas la même chose ! Prendre l’avion, ce n’est pas bien et il va très vite falloir sérieusement se rationner, mais mélanger les gens, les langues, les cultures et les jeux, c’est bien et il est politiquement urgent de s’y remettre. Je ne sais pas bien comment on va concilier tout cela.

Et puis, il y avait ceux qui n’étaient pas là parce qu’ils ne sont plus là, Kristine et Jean-Marc, et cela fait un drôle d’effet.

On joue en bas

A quelque chose malheur est bon, j’ai pu inviter quelques nouveaux bien de chez nous, de vieux et de nouveaux amis, de jeunes auteurs qui montent comme Anthony Perone ou Oussama Khelifati, des éditeurs qui n’étaient jamais venus, comme Origames, et quelques critiques ou journalistes ludiques de chapelles plus ou moins rivales – j’avoue que je ne suis pas très bien. L’audience était donc moins cosmopolite que d’habitude, mais elle était plus jeune que lors des épisodes précédents, et du coup plus féminine car la nouvelle génération d’ “acteurs ludiques” est un peu moins masculine que la précédente.

L’apéro du vendredi

L’équipe du foyer rural d’Étourvy était aussi bien contente de nous revoir, au point de nous offrir à tous champagne et kir vendredi soir. Un immense merci à eux pour leur accueil et leur travail, et aussi à tous ceux qui m’ont aidé à organiser ce week-end. Camille d’abord, qui a géré la bière, les softs et les trucs à grignoter, mais aussi tous ceux qui sont arrivés sur place avec moi dès lundi et ont participé à la mise en place, Cyril, Vincent, Didier et Sébastien.

et en haut

Au fait, Camille est l’une des rares correctrices littéraires, peut-être la seule, à s’y connaître en jeux de société et jeux de rôles. Si vous êtes éditeur et avez besoin de faire relire des règles originales ou des traductions en français, n’hésitez pas à lui faire signe (vous pouvez me demander son mail).

Explication des règles avancées du téléphone arabe.

Merci aux organisateurs de tous les jeux et tournois, la Murder Party d’Isabelle et Sébastien, mais aussi le Two Room and a Boom, le tournoi de poker, le tournoi de Unmatched, le karaoké, les aventures de René, et tout ce que j’oublie. On a un peu regretté l’absence de Laurent Escoffier, personne n’étant aussi abon pour organiser des trucs en extérieur, mais on a quand même fait quelques jeux idiots, plus ou moins improvisés, dans la cour. Le grand nombre de boomers parmi le public d’Etourvy a permis de jouer à un quizz un peu original,  « mort, pas mort ». Les deux seuls personnages sur lesquels la majorité des joueurs s’est trompé sont Mikhail Gorbatchev et Henry Kissinger, tous deux encore vivants. Le traditionnel Brouhaha s’est joué cette année avec handicap, des écarteurs de lèvres, gadgets qui pourraient sans doute enrichir de très nombreux jeux de communication. Quant au turtle wushu, ses règles n’ont pas changé mais il est devenu un frog wushu, ce qui me semble plus logique – les grenouilles sautent mieux que les tortues.

Brouhaha

Si Scout, de Kei Kaijino, était le petit jeu de rien du tout le plus joué au début de ce long week-end de cinq jours, il a fini supplanté par Paquet de Chips, de Mathieu Aubert et Théo Rivière, qui est également ma découverte d’Étourvy. J’ai d’ailleurs appris que c’est lors d’un épisode précédent des rencontres ludopathiques que ce subtil jeu de paris avait été présenté à l’éditeur.

Paquet de chips

En poids moyens, Living Forest de Aske Christiansen et le très mignon Creature Comforts de Roberta Taylor ont semblé les plus appréciés.

Dune

Les gros jeux les plus pratiqués étaient clairement Dune Imperium, de Paul Dennen, que j’adore mais qui n’est plus vraiment une nouveauté, et le tout nouveau Ark Nova, de Matthias Wigge, dont je ne pense pas que ce soit ma came mais qui a eu un certain succès.

Chaque année, un jeu un peu ancien et un peu oublié est joué par tout le monde sans que l’on sache trop pourquoi. Cette année, c’était le génial Krazy Wordz de (plein d’auteurs avec des noms allemands) dont j’aimerais bien qu’il ressorte avec un matériel un peu plus convaincant.

Un autre jeu oublié…

Côté prototypes, Run, un jeu de zombies de Philippe Keyaerts auquel je n’ai pas eu l’occasion de jouer, semble avoir fait l’unanimité. Les gens d’Asmodee avaient aussi apporté Challengers, qui s’est avéré un très subtil jeu de deck building… mais qui a vraiment l’air sans grand intérêt quand on se contente d’expliquer les règles. J’espère donc qu’ils trouveront un truc pour le vendre !

J’ai été frappé, parmi les nouveautés comme parmi les prototypes, par le nombre de jeux utilisant le son. Sound Maker, Sound Box, le prototype de Tracks par Juan Rodriguez et Christian Rubiella… C’est peut-être la prochaine tendance du jeu de société.

Trollfest

Camille et moi venions de recevoir nos exemplaires de Trollfest, où l’on ne fait pas de son mais qui parle de musique. Je l’ai donc fait un peu tourner et il m’a semblé très apprécié. L’éditeur, le tout jeune Trick or Treat Games, m’avait aussi envoyé d’autres de ses nouveautés pour que je les présente aussi aux quelques éditeurs européens présents qui pourraient vouloir les « localiser », mais il semble que le colis se soit perdu en route… Je les ai au moins fait jouer à Trollfest.

J’ai réalisé un peu tard que les quatre boites de mon autre nouveauté, Vabanque, que j’avais apportées étaient toutes quatre sous cello, et que personne n’avait osé les prendre sur la table des prix pour les ouvrir. Du coup, cette autre nouveauté dont je suis assez fier et qui est superbement éditée n’a pas été jouée du week-end…. C’est un peu dommage. Mais, bon, Fabien Riffaud a pris l’une des boites sur la table des prix, y a joué avec ses enfants en rentrant, ils ont beaucoup aimé, et il m’a quand même envoyé une photo

La table de prix

À propos de la table des prix, certains des nouveaux n’avaient pas entendu les consignes demandant à ceux qui partaient avant samedi de ne pas prendre de grosse boite qui pourrait faire des jaloux. Les deux grosses boites de l’édition anniversaire des Aventuriers du Rail, ainsi que l’une des deux boites de Carnegie, n’étaient donc déjà plus là samedi matin. Ce n’est pas bien grave, mais je l’écris ici pour que tout le monde retienne la leçon pour l’an prochain.
Pour ma part, je suis parti avec Gutenberg, par curiosité, et Paquet de Chips, que j’adore.

Un grand merci à tous les éditeurs qui avaient apporté ou envoyé des jeux, d’Atlas Games à Z Man Games. Je ne vais pas me risquer à faire une liste complète, j’en oublierais !

De retour à Paris, en déballant mes cartons, je n’ai pas trouvé ma boite de Loco Momo, que d’autres doivent avoir emporté. En revanche, j’ai un Age of Civilization et des Gardiens de Havresac qui ne sont pas à moi.

Young fox listening to gamers.

Très pris par mon bouquin sur les licornes, et peut-être aussi un peu fatigué, je n’avais pas eu depuis longtemps d’idées vraiment originales pour de nouveaux jeux. Étourvy a dû débloquer un truc, car quelques-unes me sont venues sur le chemin du retour. Je vais essayer de ne pas les oublier et de me mettre au boulot….

(D’autres photos en bas de cette page)

Karaoke


Being back in Étourvy after a two years break was, I think, great for everyone. At least it was great for me.

Whether it was the remnants of the health crisis or a heavy and lasting trend, there were very few foreign attendees. Many of the regulars from all over the world did not join this year, and I regret it – at the Polish team from Portal came in force. Of course, a few ones still sent games for the prize table, but it’s not the same thing. Flying is bad and we will certainly very soon have to ration it, but it is also politically urgent to start again mixing people, languages, cultures and games. I’m not sure how we can reconcile these two urgent necessities.
Other regulars, Kristine and Jean-Marc, were not here because they are not here any more. Sad.

Long Shot

Every cloud has a silver lining, and I seized the opportunity to invite a few more French people, old and new friends, young promising game designers like Anthony Perone or Oussama Khelifati, pubishers who hade never been here before and I didn’t know that well, like Origames, as well as game reviewers or journalists from various more or less rival denominations. As a result, the public was more French than before, but also more feminine since the generation of gamers and game designers is less overly male than the former ones.

L’apéro du vendredi

The team at Etourvy was also happy to see us back, and even treated all of us with Champagne and Kir on Friday night. Many thanks to them for their hospitality and their hard work. Many thanks also to the small team which helped me organize this week-end, first of all Camille who took care of beer, soft drinks and snacks but also everyone who was here with me on Monday to prepare everything – Cyril, Vincent, Didier and Sebastien.

By the way, Camille, also codesigner of Trollfest, is one of the very few, may be even the only one, French literary proofreaders who knows everything about boardgames and role playing games. If you have French translations which need proof reading, just ask me and I’ll forward you to her.

Frog Wushu

Many thanks also to all those who organized various events, Isabelle and Sebastien’s Murder Party, The big Two Rooms and a Boom game, the Poker tournament, the Unmatched tournament, the Karaoke, the Adventures of René, and probably other stuff I forgot. We missed Laurent Escoffier, who’s the best at organizing strange massive outdoor games, but we still managed to play a few big games in the turf. The many boomers in the attendance played a  “Dead or not dead” quizz Hose results were impressive. The two only characters from the last century on which a majority of players were wrong were Henry Kissinger and Mikhail Gorbachev, both alive and well.

The traditional Brouhaha was played this year with a handicap, mouth openers – which, by the way, could improve many communication games. Turtle Wushu became Frog Wushu, which sounds more logical – Frogs are better jumpers than Turtles.

Scout

Kei Kaijino’s Scout was the most played light game at the beginning of this five days long week-end, but it was slowly outdone by Theo Rivière and Mathieu Aubert’s Bag of Chips, which is also my discovery of this years’s ludopathic gathering. I incidentally learned that this subtle betting game was first shown to the publisher a few years ago in Etourvy.

Ark Nova

The most played big games were clearly Paul Dennen’s Dune Imperium, which is not really new anymore, and Matthias Wigge’s Ark Nova. It doesn’t look like my kind of games, but it was a hit with hardcore gamers.

Among the many midweight new games, Aske Christiansen’s Living Forest, Roberta Taylor’s supercute Creature Comforts were probably the most played.

Pit !

Every year, an older and more or less forgotten game becomes a surprise hit, no one knows why. This year, it was Krazy Wordz (by a bunch of designers with German names), which I would love to see back with more convincing components. The people at Asmodee had brought Challengers, a light, simple and subtle deckbuilding game… which sounds very bland from just reading the rules. I hope they’ll find a way to convey how fun it can be.

I was surprised by the several recent games and prototypes making use of sounds – Sound Maker, Sound Box, the prototype of Tracks. May be it’s the next gaming craze.

A young fox came to visit us at night

Camille and I had just received our author copies of Trollfest, which doesn’t make use of sound but is about music, and it was also a hit. The publisher, Trick or Treat games, had also sent other of his new games to be played in Etourvy, so that I could show them to French or other European publishers interested in localizing them, but it looks like the parcel got lost somewhere. Well, I tried to have them, at least, play Trollfest.

Trollfest

I realized a bit too late that the four copies of my other new big box game, Vabanque, were all still wrapped and that no one had dared take one from the prize table and open it to play. My fault. As a result, this new and gorgeously published game, of which I am realy proud, was not played at all. Anyway, Fabien Riffaud took one of the copies from the prize table, played it with his kids when  back, they loved it and he sent me a picture…

Vabanque, a bit later….

Speaking of the prize table, some of the newbies didn’t hear me asking that leaving before saturday not to take any big box which could make late comers jealous. As a result, the two big Ticket to Ride anniversary editions and one of the two copies of Carnegie were gone by Saturday morning. Never mind, but I write it here so that everyone will remember of it next year.
I took Gutenber, by curiosity since I have not played it, and Bag of Chips, which I realy like.

Thanks to all th publishers, from Atalas Games to Z Man games, who had brought or sent games. I won’t risk making a full list, I’m sure I would forget some.

When opening my crates back in Paris, I didn’t find my copy of Loco Momo, someone must have left with it. On the other hand, I have a copy of Age of Civilization and another one of Les Gardiens de Havresac which don’t belong to me….

Photos by everyone, 2

Being very busy with my unicorns book, and may be also a bit tired of games, I had not had fresh gaming ideas for a while. Etourvy unblocked something, and I thought of a few things on the way back. Now, I’ll try not to forget them and to get back to work.

En résidence à Toulon
A residence in Toulon

L’association toulonnaise les yeux dans les jeux (ou les jeux dans les yeux, je ne sais plus très bien) organise chaque année une résidence d’auteur de jeu, sur le modèle de ce qui se fait depuis longtemps pour musiciens, peintres et écrivains. Deux auteurs sont invités une semaine, avec un programme suffisamment chargé pour les intéresser et suffisamment léger pour leur laisser l’occasion de se promener un peu, de causer et de débuter des projets communs. Cette année, j’étais donc associé à Romaric Gallonier, auteur de Argh, Les Trésors de Cibola ou, plus récemment, Magic Rabbit. Romaric était déjà venu l’an dernier, et avait proposé de m’inviter cette année, bien que nous ne nous connaissions guère. Je devrais de même revenir l’an prochain, et participer au choix du second invité.

Le programme officiel était composé pour moitié d’activités plus ou moins institutionnelles, rencontres avec les étudiants de l’école de design, les bibliothécaires de la ville ou le CAUE, conseil d’architecture et d’urbanisme, qui semble un repaire de gens intéressés par le jeu, et pour moitié de soirées avec les joueurs et les auteurs de jeux du coin, regroupés dans l’association des AJT, les auteurs de jeux toulonnais. J’ai particulièrement apprécié un jeu de cartes d’Anthony Perone mettant en scène un artiste abstrait et des conservateurs de musée étourdis, dont je suis convaincu qu’il trouvera rapidement un éditeur. Parmi les nombreux projets de Romaric, c’est son jeu de tampons encreurs qui m’a le plus amusé. Nous avons donc tout à la fois fait tourner nos prototypes et essayé d’apporter un regard critique et constructif – je crois qu’il faut dire comme ça – sur ceux des agités.

Avec les auteurs de jeux locaux
With local game designers.

Romaric et moi avions aussi pour mission, comme ceux qui nous avaient précédé, de nous promener en ville et de trouver dans l’architecture locale prétexte à une activité ludique originale. Architecturalement, la ville ressemble un peu à Cannes; socialement, pas du tout.Nous avons choisi une impressionnante sculpture qui, à défaut d’être un chef d’œuvre de l’art moderne, a de l’allure et depuis peu des couleurs, mais on doit encore réfléchir un peu sur les systèmes. Nous avons d’abord bien sûr pensé un à un jeu de parcours; comme il n’est pas possible de laisser des pions sur les cases, nous nous orientons finalement vers un jeu d’observation et, peut-être, d’enchères. Nous avons aussi par ailleurs commencer à bosser sur un jeu de cartes avec des hommes préhistoriques qui se font, ou ne se font pas, de cadeaux – working title « Sharing is Caring ».


Les yeux dans les jeux (The Eyes in the Games), or may be it is Les jeux dans les yeux but the pun doesn’t work in English, a gamers association from Toulon, in the South of France, holds every year a one week game designer residence, based on the model of what has been done for decades for musicians and writers. Every year, two deigners are invited for a week, with a program big enough to be interesting and small enough to let time for walks in the city and discussions of common projects. This year, I was there with Romaric Gallonier, the young designer of Argh, Treasures of Cibola or, more recently, Magic Rabbit. Romaric was already there last year and suggested my name for this year, even when didn’t know each other that well. I will likely suggest a few names for next year, and come back if I can. 

The official program was half more or less institutional stuff, meeting with students in the design school, with the town librarians or with an architecture council which seems to be full of people interested in gaming. The other half was gaming sessions and nights with local gamers and game designers, the latter being regrouped in an association, but once more the pun is untranslatable. I was really impressed by a prototype by Anthony Perone, with an abstract painter and absent-minded museum curators. Among Romaric’s many projects, my favorite was an ink-stamp game, kind of a mix between memory and roll and write. We played our prototypes and tried to give some useful advice to all the young, and sometimes old, local game designers.

In the local game shop, l’Atanière
Dans la boutique de jeux locale, l’Atanière.

Romaric and I were also supposed, like the former resident game designers, to walk through the town and find in the local architecture something that could be used for an original gaming activity. Architecturally, Toulon looks a bit like Cannes. Socially, it definitely doesn’t.We choose an impressing sculpture of a ship, probably not a masterwork of modern art, but we must still think on the gaming systems. We first thought of a racing game using the colored spaces as a track, but it is not possible to place game pieces on the spaces. That’s why it will more probably be an observation game, possibly with a bidding element. We also started working on a game about prehistoric men exchanging gifts, working title « Sharing is Caring ». 

With Romaric and Anthony, who designed the small abstract art game.
Avec Romaric et Anthony, l’auteur du petit jeu sur l’art abstrait.

Indiecade-Europe, jeux video et jeux de société
Indiecade-Europe, video games and boardgames

Comme la moitié du monde ludique, je rentre du salon d’Essen, en Allemagne. La semaine a été longue et fatigante. Comme j’ai plein d’autres trucs à faire pour mes deux boulots et ma famille, je ne vais sans doute pas faire dede compte-rendu sur mon blog, ou en tout cas pas tout de suite. De toute façon, il y en aura bientôt plein sur le web, et, tout au long du salon, j’ai posté des photos et des commentaires idiots sur Facebook. Par contre, je vais vous servir un petit récit du salon Indiecade Europe, qui se tenait à Paris le week-end précédent, commentaire que j’ai rédigé dans le train qui m’emmenait dans la Ruhr.

Mon rapport aux jeux videos (avec ou sans s, il paraît qu’il y a débat) est paradoxal. Je considère que l’on a tort d’opposer jeux sur table et jeux sur écran, qui sont de proches cousins, et ne cesse de le répéter, comme par exemple ici. C’est cependant un point de vue très théorique, car suis aussi l’un des auteurs de jeux de société qui pratique le moins le jeu sur écran. Pas par méfiance ou hostilité, juste parce que les jeux videos se pratiquent encore le plus souvent en solitaire, même si cela change un peu, et que, seul, je préfère ouvrir un livre. Je ne suis donc l’actualité du jeu sur ordinateur ou sur mobile que très vaguement et avec une certaine distance. Mais bon, je commence à être connu, je ne suis pas hostile, et je viens même avec mon ami Hervé Marly de signer la déclinaison en jeu de cartes de Reigns, un jeu sur téléphone très rigolo. Du coup, j’ai été invité mi octobre à Indiecade Europe, salon de jeu vidéo indépendant (c’est à dire loin des gros éditeurs) modeste mais assez branché, voire un peu bobo.

J’y donné une très brève conférence lors de laquelle, fort de ma récente expérience avec Reigns, j’ai discuté des adaptations de jeux videos en jeux de société, et vice versa.
Cela se passait à la Bnf, mais c’était très américain dans l’esprit et dans la forme. La première question, typiquement américaine, que l’on m’a posé avant que je ne monte sur scène a d’ailleurs porté sur la manière correcte de prononcer mon nom. Ma réponse habituelle à cette question est « pensez-vous que je sois assez puéril pour y attacher de l’importance? ». Je réagis un peu violemment, car cette question sous-entend que l’identité de chacun dépendrait avant tout de ses origines, même lointaines, sans toujours bien réaliser qu’outre-Atlantique, c’est presque devenu une formule de politesse incontournable.

J’avais vingt minutes pour parler, format un peu court et, là aussi, très américain. Tout se faisait en anglais. Cela me handicape un peu car jeu suis plus à l’aise en français, surtout à l’oral. Cela me réjouit néanmoins, tant je suis convaincu que les multiples langues nationales, qui ne servent plus à grand chose, doivent être abordées comme un jeu intellectuel amusant et non comme une part fondamentale de chacun d’entre nous. Et puis, il y a quelque chose de délicieusement pervers à causer en anglais dans un temple de la « culture française ».

Mes quelques amis dans le monde du jeu video travaillant plutôt dans les gros studios, Blizzard ou Ubisoft, je connais assez mal le monde des éditeurs et auteurs indépendants. Les quelques jeux, souvent assez expérimentaux, que j’ai pu observer ou auxquels j’ai très rapidement joué à Indiecade m’ont surtout impressionné par leur côté très poétique, voire parfois littéraire, sans pour autant qu’ils en deviennent trop prétentieux. J’ai joué à quelques trucs, un peu au hasard, mais vous aurez un bien meilleur aperçu des meilleurs jeux présentés en lisant cet article du Monde, ou sur le site d’Indiecade.

En observant les créateurs qui présentaient leurs jeux, et le public des visiteurs, j’ai remarqué quelque chose d’assez curieux. Dans le monde du jeu de société, le public des joueurs s’est très largement féminisé ces dernières années, mais les créateurs sont encore majoritairement des hommes, même si cela a commencé à changer. Il m’a semblé que c’était l’inverse dans le jeu video, avec des femmes proportionnellement bien plus nombreuses parmi les auteurs que parmi les joueurs. Il y a sûrement une explication, mais je ne la connais pas. On m’a assuré que cela était en partie dû au fait que les participants à Indiecade étaient de petits éditeurs indépendants et que les grands studios étaient plus masculins, mais dans le monde du jeu de société , même les jeunes auteurs et les petits éditeurs restent très majoritairement des hommes.

Ma causerie portait sur les adaptations de jeux vidéos en jeux de société, et de jeux de société en jeux vidéos. J’y constatais que les adaptations de jeux de société sur ordinateur ou tablette sont généralement de simples implémentations, des portages de jeux de société à succès, ajoutant tout au plus la possibilité de jouer contre la machine. En revanche, les jeux « sur table » inspirés de jeux videos sont eux, le plus souvent, très différents des jeux sur support informatique qui les ont inspirés.


Ticket to Ride sur iPad

La raison principale est simplement technique. Les jeux de société modernes, qu’il s’agisse des jeux de combat ou d’exploration « à l’américaine » ou des jeux de gestion « à l’allemande » ont des éléments assez simples, en nombre limité, qu’il est aisé de représenter sur un écran. On joue donc toujours au même jeu, même si un matériel différent peut générer des ambiances différentes. Certains jeux videos semblent même parfois des adaptations de jeux de société, et notamment de jeux de cartes, qui n’ont jamais existé physiquement – avec parfois quand même, comme dans Hearthstone, des petits trucs rigolos en plus qu’on ne peut pas faire avec du carton – c’est d’ailleurs ce qui fait la supériorité de Hearthstone sur l’adaptation informatique brute de Magic the Gathering.

Les jeux de société dans lesquels tout ne se joue pas à coup de cartes, de dés et de pions, ceux où psychologie, interaction, bluff ou dextérité prennent le dessus, ne sont tout simplement pas adaptés sur écran, où ils perdraient beaucoup de leur intérêt. Du coup, on n’essaie même pas de les y adapter – imaginez jouer à Jenga contre un ordinateur. C’est le cas de la plupart de mes créations, et notamment des plus connues comme Citadelles ou Mascarade, qui perdent beaucoup si on ne peut pas regarder ses adversaires dans les yeux.


Mechs & Minions, le jeu de plateau officiel de League of Legends.

À l’inverse, il est presque toujours impossible de transposer un jeu video à l’identique pour y jouer sur une table, avec des cartes, des dés et des pions, et ce tout simplement parce que les créateurs du jeu original n’ont aucunement pris en compte les limitations du monde physique, ou même les ont délibérément ignorées, voire moquées. La machine gère sans problème des arborescences d’une complexité infinie, des caractéristiques et variations innombrables et parfois cachées aux joueurs, et des centaines de milliers de joueurs – ou un seul, ce qui est possible autour d’une table mais pas très drôle. Faute de pouvoir transposer cela à l’identique dans un jeu de cartes, ou de plateau, on n’a guère le choix qu’entre simplifier à l’extrême, au risque de décevoir les habitués du jeu informatique, et s’en inspirer très librement pour concevoir quelque chose de différent, un « petit » jeu qui soit plus fidèle à l’esprit et à l’esthétique de l’original qu’à sa lettre. C’est ce que Hervé et moi avons fait avec Reigns. C’est aussi le choix de l’auteur du jeu de société Minecraft, qui était, la semaine suivante, très joué au salon d’Essen.

 
Minecraft & Angry Birds en jeu de société

Outre les très nombreux jeux videos, quelques jeux de société aux composants plus classiques étaient également présentés sur ce petit salon, des jeux de société conçus par des personnes issues du jeu video et donc de cette culture ludique légèrement différente de celle que j’ai l’habitude de côtoyer. Des jeux, là encore, assez poétiques. J’avais vu des photos de Shasn et m’inquiétais un peu que ce jeu ne ressemble un peu trop à l’un de mes prototypes; je suis rassuré, il n’en est vraiment rien. J’ai beaucoup aimé Kroma, du moins dans sa version à deux joueurs, et Inhuman Condition, un jeu inspiré de Blade Runner dans lequel un joueur doit déterminer, en lui posant des questions, si l’autre est un robot.

On m’avait demandé de donner, durant la cérémonie finale, le prix attribué à l’un de ces jeux « analogiques » – analogique est ici un néologisme signifiant non informatique. Je ne sais pas s’il est habituel de faire décerner un prix par quelqu’un qui n’était pas dans le jury, mais c’est un peu bizarre. En lisant le thème et la description du jeu, la création et la mort d’un langage, j’étais même un peu réticent, car je ne crois pas à l’invention du langage, et tient pour dangereusement réactionnaire la thèse à la mode (sauf chez les linguistes, très divisés) qui voudrait que les structures et le vocabulaire de notre langue déterminent notre manière de penser (j’ai déjà un peu abordé cette question ici). Je n’ai même rien contre la mort des langages, et suis convaincu que le monde se porterait mieux si nous parlions tous en anglais. Un début de partie, et une brève discussion avec l’un des auteurs du jeu m’ont heureusement rassuré. Dialect est un jeu de rôle, plus qu’un jeu de cartes, qui décrit un langage souple qui évolue au fil des interventions des joueurs.

Ceci dit, j’aurais bien sûr donné le prix même si le jeu avait été basé sur des thèses auxquelles je suis hostile, car on peut construire de très bons jeux, tout comme on peut écrire de très bons livres, sur de très mauvaises idées. Et puis, je pense aussi qu’il ne faut pas trop croire aux impacts sociaux et intellectuels du jeu, mais sur ce dernier point, je me demande si le monde du jeu video ne se fait pas encore plus d’illusions que celui du jeu de société.

La fin de la journée était aussi américaine que son début – we are awesome.

La semaine suivante, c’était le traditionnel et très gros salon du bon vieux jeu de société d’Essen. Au milieu des innombrables nouveautés – 1200, paraît-il – il y avait, comme chaque année, deux ou trois stands qui présentaient en ayant l’air d’y croire l’innovation géniale, la console de jeu de société, la table interactive, le bidule révolutionnaire qui va enfin nous donner le meilleur des deux mondes, nous permettre de joueur à un jeu video sur une table ou à un jeu de société avec toutes les animations en trois dimensions possibles et imaginables. Mes deux boissons préférées sont sans doute le whisky et le jus de pomme, mais ils m’apportent des plaisirs différents et je n’ai pas non plus envie de les mélanger.


Like half of the gaming world, I’m back from the Essen game fair, in Germany. It was a long and tiring week. I’ll be very busy in the coming days with my two jobs and my family, and I’ll probably not write an Essen report, or not at once. Anyway, there will soon be many other reports on the web, and I’ve posted several random notes and ramblings on Facebook. I am only posting here a short report of the Indiecade-Europe video game convention, which took place in Paris a few days before Essen, a report I mostly wrote in the train between Paris and Essen.

I have a paradoxical relation with video games. I always say that opposing boardgames and video-games is wrong, that they are close cousins and there’s little difference between playing on a screen and on a table – in this older post, for example. This is, however, a very theoretical position, because I’m probably one of the boardgame designers who plays video-games the least. Not because of wariness or hostility, but simply because video games are still often played alone, even when it’s starting to change, and when I’m alone I usually prefer to open a book. I only follow very vaguely, and with only an intellectual interest, what’s happening in the computer and mobile phone gaming world. Anyway, I’m now a well known boardgame designer, I’m not hostile to video games, and I’ve even just designed, with my friend Hervé Marly, the card game declination of Reigns, a light and fun mobile phone game. This is the reason why I was invited to appear at Indiecade-Europe, a modest but slightly highbrow, or at least hipster, indie video-game convention – indie meaning independent from the big publishers.

In the light of my recent experience with Reigns, I gave a short talk about the way video games are adapted into boardgames, and boardgames into video-games.
Though it took place in the French national library, Indiecade felt extremely American. The first question I was asked was typically American – how my family name is supposed to be pronounced. My usual answer is « do you think I’m childish enough to care? ». It might sound a bit harsh, but I really hate this question which hints that one’s identity depends first and foremost one one’s origins, and sometimes very distant origins, and I tend to forget that for Americans, it has become a kind of formal salutation.

I had only twenty minutes to talk, which i also a very American format, and of course in English. I’m much more at ease in French, especially orally, but I actually like speaking in English, even though, or may be because, I can’t be as subtle and accurate as in French. And anyway, I’m convinced that our many national languages are of little practical use, and should also be considered a fun intellectual game, and not a core part of our deep identity. For this reason, there was something deliciously perverse in talking in English in the French National Library, usually a temple of « French culture and language ».

I have a few friends working in video games, but mostly with big companies, Blizzard or Ubisoft, and I don’t know much about indie games designers and publishers. The few and often quite experimental games I’ve seen at Indiecade were very poetic, if not literary, but not – ire not too much – pretentious. I played a few ones, more or less at random, but you’ll get a more comprehensive report in this article (in French) in the french newspaper Le Monde, or at the Indiecade website (in English).

Observing the crowd, both visitors and game designers, I noticed something strange. In the boardgaming world, the proportion of women players has largely increased these last years, but most designers are still men, even though it has started to change. It seems to be the reverse with video-games. Most visitors were men, but the proportion of women among designers was much higher than for boardgames. I could not think of an explanation. I’ve been told this was partly due to the fact that the exhibitors at Indiecade were young independent designers, and that the people working in big studios were mostly male, but in the boardgaming world, even small publishers and young designers are still mostly males.

My talk dealt with adapting video games into boardgames and boardgames into video-games. I was observing, and trying to explain, that boardgames adaptations on computers or mobile devices are usually straightforward implementations of successful boardgames with no real change in the game systems, the main additional feature being the possibility to play against the machine. Conversely, table games based on video games are usually very different from the original.


Ticket to Ride on an iPad

Of course, the main reason is plain technical. Most modern boardgames, be they American style conquest or exploration games or euro style management games, have a limited number of elements, like dice, cards and tokens, which are very easily represented on a screen. We still play the same game, even when the computer can sometimes make it feel different, and often faster. Some video games even feel like computer implementations of boardgames that never existed, sometimes with the small fun extra features which one could not have with cards. That’s why Hearthstone is a better game than the brute computer version of Magic the Gathering.


Of course, there are table games which are played more with psychology, bluff, dexterity or interaction, but these are simply not brought to the computer world, where they would probably lose most of their fun and interest. There’s no point in playing Jenga against a computer. It’s the same with most of my own designs – Citadels or Mascarade lose most of their interest if one cannot look straight into the eyes of their opponent.


Mechs & Minions, the official League of legends boardgame

Conversely, most computer games cannot be simply brought to the table, with just board, cards, dice and pawns, because the original designers ignored, or sometimes even mocked, the physical world limitations. A computer can deal with near-infinite tree structures, innumerable characteristics and information, game elements hidden from the players, and even sometimes hundreds of thousand gamers – or only one, which is sometimes possible around a table but not really fun. The choice is then between simplifying to the extreme, which can make the table disappointing for computer game players, or designing something different, freely inspired by the video game but more true to its theme and feel than to its systems. The latter is what Hervé and I did with Reigns. It’s also what was made in the just published adaptation of Minecraft, which was, the next week, one of the hits of the Essen boardgame fair.

 
Minecraft & Angry Birds as boardgames

Aside from the many video games, there were also a few boardgames presented at this convention, boardgames designed by people coming from the video game world and therefore from a gaming culture very slightly different from the one I am used to. Some of these games also feel a bit poetic, more about the experience than about the game system themselves. I had seen pictures of Shasn and was a bit concerned it would be similar to one of my prototypes, but they actually have absolutely nothing in common. I really liked Kroma, or at least its two player version, and Inhuman Condition, a game inspired by the Blade Runner movie, in which a player must find out, through questions, if the other one is a robot.

I had been asked if I could, during the final ceremony, give the analog game award to the winner. Analog is a neologism for « non computer ». I don’t know if having an award given by someone who was not in the jury is something usual, but it certainly feels a bit weird. I was even a bit reluctant at first, after the game had been described to me as dealing with the invention and death of a language – I dont believe in the invention of language but in its evolution. I think the fashionable idea, which seems to be shared by everyone except many linguists, that language is a given and that its structures, rules and vocabulary determine the way we think is not only wrong but also dangerously reactionary (I’ve already discussed this a bit here). I’ve even nothing against the death of languages, and am convinced the game would be a better place if we all swithched to English. After having seen the game played, and having discussed with designers, I was reassured – they were Chomskyan enough for me. More than a card game, Dialect is a kind of role playing game about a flexible language which evolves with the players’ interactions.

I would probably have given the award even if the game had been about theories I dislike, because one can build great games, like one can write great books, using the worse ideas. And anyway, I also think one should not overestimate the social and intellectual impact of games. I’m afraid that, on this last point, the video game world seems to be even more delusional than the boardgame industry.

The day ended like it had started, the american way – we are all awesome.

The following week, It was the good old Essen boardgame fair. There were numerous new games shown, around 1200, and there was also, like every year, two or three booths showing the genius innovation, the boardgame console, the interactive table, the magic gizmo which will inevitable bring the best of both world and allow us to play a video game on a table or a table game with all the possible 3D animations. I still don’t believe in it. My favorite drinks are apple juice and whisky, I don’t necessarily want to mix them.

Jouer à Téhéran
Boardgaming in Tehran

Des joueurs iraniens jouant à Dej, la version locale de Citadelles, dans un café jeu de Téhéran
Iranian gamers playing Dej, the local edition of Citadels, in a Tehran game café.

Je rentre d’une semaine à Téhéran, à l’invitation de mon éditeur local, Houpaa. Le voyage a été intéressant et instructif.

There are ways…

L’Iran est un pays qui intrigue, et que l’on imagine plutôt fermé et traditionnel. Je n’y suis resté qu’une semaine, je ne suis pas vraiment sorti de Téhéran, mes impressions doivent sans doute beaucoup au petit groupe que j’ai fréquenté, des jeunes intellectuels de la capitale, mais je l’ai trouvé à l’inverse moderne, ouvert et accueillant.
Téhéran est une ville monstre, 15 millions d’habitants répartis sur 20 kilomètres de long, les pauvres au sud, les classes moyennes au centre, les riches au nord, sur les collines. Les larges avenues sont perpétuellement embouteillées et, sous un soleil de plomb, la conduite s’y apparente à un jeu video violent dans lequel on ne sait jamais vraiment qui est allié ou ennemi.

La vue depuis ma chanbre d’hôtel 
View from my hotel room

La vie sociale m’y a rappelé l’Europe de l’Est peu avant la chute du communisme. Le totalitarisme soft y tourne parfois à l’absurde, le boardgamegeek étant bloqué mais pas le site du New York Times. Le régime religieux n’a guère de problèmes avec l’incroyance de la jeunesse et accepte clairement de ne pas être pris très au sérieux dans la vie quotidienne, mais pas d’être ouvertement contesté. On vit moins dans l’hypocrisie que dans la distanciation, avec humour et légèreté. Pas d’alcool mais « there are ways », ways que je n’ai cependant pas cherché à explorer car je m’étais dit qu’une semaine sèche me ferait du bien. Pas d’accès à Facebook ou Twitter mais « there are ways », et on m’aurait peut-être répondu la même chose si j’avais parlé de Tinder. Les femmes vivent le foulard obligatoire comme une humiliation, mais « there are ways » pour respecter la règle tout en s’en moquant.

Téhéran la nuit – la place Tajrish, dans le nord de la ville
Tehran by night, Tajrish square, in the nothern part of the city.

Si le pouvoir religieux n’est clairement pas très populaire parmi les quelques personnes avec qui j’ai pu discuter, Donald Trump l’est moins encore et personne ne comprend la logique de sanctions économiques qui, par réflexe obsidional, ne peuvent que renforcer le régime qu’elles sont censées combattre.
Malgré la situation un peu particulière de l’Iran sur la scène internationale, Téhéran fait tout pour être une ville « normale » et animée. J’étais en Iran dans une période de relative tension avec les États-Unis et la Grande-Bretagne, mais je n’en aurais rien su si je n’avais pas, de retour le soir à mon hôtel, parcouru rapidement les sites du Monde et du New York Times. Personne n’y semble vraiment croire à la possibilité d’une guerre. Les iraniens que j’ai rencontrés sont certains que leur gouvernement bluffe, et pensent qu’il en va de même pour Donald Trump, ce dont j’aimerais être aussi sûr.

Le bazar de Tajrish
Tajrish bazar

Jouer en Iran

L’Iran est le seul pays du Moyen-Orient dans lequel s’est développé un véritable intérêt pour les jeux de société modernes, et même une petite scène ludique, avec des joueurs, des auteurs, des éditeurs, des sites web comme Roomizgames, des blogs, des podcasts. Rien de tel dans les pays arabes, ni même en Turquie, ou en tout cas à une échelle bien moindre. J’ai toute une séries d’idées pour expliquer cela, mobilisant culture, histoire et géopolitique, mais pas vraiment le temps de les détailler ici.
L’effondrement récent du rial iranien fait que les ventes de jeux importés sont assez modestes, limitées à la bourgeoisie des grandes villes – j’ai quand même vu dans une boutique une boite de Scythe pour un prix représentant environ les deux-tiers du salaire moyen. On trouve en revanche, pour dix ou vingt fois moins cher que les jeux en anglais importés, quelques créations d’auteurs iraniens et des éditions locales de jeux occidentaux. Ces versions en persan sont certes encore parfois des copies non autorisées, mais le phénomène est en perte de vitesse. Selon un schéma que l’on a déjà vu dans d’autres pays émergents, les éditeurs iraniens cherchent de plus en plus à travailler légalement et à s’intégrer au petit monde ludique mondial. Reste bien sûr le cas des américains qui ne peuvent vendre de licence à des iraniens et risquent donc d’être copiés un peu plus longtemps que les autres. Outre les jeux de stratégie abstraits, dont la gamme Gigamic largement disponible ici, les jeux de bluff ou d’identité secrètes sont les plus populaires. Dej, édition locale et tout à fait autorisée de de mon Citadelles, magnifiquement illustrée par Hassan Nozadian, vient d’être retiré à 5000 exemplaires après qu’un premier tirage de 8000 a été rapidement vendu, des chiffres dont se satisferaient bien des éditeurs français.

Café Board was my operation center in Tehran.
Le Café Board était mon quartier général à Téhéran.

Il y a surtout, dans les grandes villes, une centaine de café jeux, qui font aussi boutique. Le public y est jeune, mixte et éduqué, passablement occidentalisé – j’ai croisé quelques belles silhouettes de hipsters – et l’ambiance est la même que dans les cafés jeux de Paris ou de Tokyo (quelques adresses à Téhéran ici). On y joue toute la journée, on y sert du thé et du café et, surtout, les délicieux sirops glacés plein de graines bizarres que l’on boit partout ici. J’ai passé une après-midi dans le plus ancien d’entre eux, le Café Board, où les joueurs jouaient à Wingspan, Splendor, Cash’n’Guns, Chinatown, Dixit, Codenames ou bien sûr Dej. J’en ai profité pour faire tourner quelques uns de mes prototypes.

Le pot de sortie de Korobar, avec toute l’équipe de Houpaa
Presenting Korobar, with the whole Hoopa team

Houpaa, ou Hoopa, la société d’Alireza Lolagar, qui m’avait invité, est le principal éditeur de jeux de société iranien. Houpaa publie de la littérature pour enfants, des jeux familiaux, et s’est lancé avec Dej dans les jeu de société plus adultes. Mon passage à Téhéran a été l’occasion pour Houpaa de présenter sa dernière nouveauté, Korobar, la traduction de mon Venture Angels. J’ai passé pas mal de temps dans leurs bureaux du centre-ville, montrant quelques uns de mes prototypes ou jeux récemment publiés.

Un autre éditeur, Roomiz games, publie dans quelques semaines une version couleur locale de l’un de mes jeux de cartes préférés, Condottiere, de Dominique Ehrhard.

Créations locales

Dorehami games, publie bientôt un jeu d’identités secrètes assez original, Deux Khans. Reality game, publie Zaar, un ambitieux jeu d’horreur basé sur des légendes locales avec démons, exorcismes et tout ça. Tous deux partageront avec Houpaa un stand iranien au prochain salon d’Essen.
(Note: Twitter, Facebook et telegram étant plus ou moins bloqués ici, Instragram sert à tout. c’est pour cela que je mets beaucoup de liens instagram.)

J’essaie le prototype d’un auteur iranien chez Houpa games.
Playing an Iranian designer’s prototype at Hoopa.

Le petit monde du jeu de société iranien, une demi-douzaine d’éditeurs, une vingtaine d’auteurs et quelques illustrateurs, compte bien en effet ne pas se limiter à produire pour le marché local. De premières créations originales, dont m’a-t-il semblé pas mal de jeux à identités secrètes, ont été publiées en Iran. Rien ne s’oppose à ce qu’elles parviennent en Europe, et j’espère que rien ne s’opposera bientôt à ce qu’elles atteignent les États-Unis.
Tous ici m’ont tous cité les exemples du Japon et de la Corée du sud qui, partis de presque rien, sont devenus en quelques années tout à la fois des marchés importants et des lieux de création ludique originale.

Zaar

Toute la journée du samedi, j’ai animé un atelier de création avec une vingtaine de jeunes auteurs iraniens, talentueux, passionnés, et très curieux d’apprendre quelques « trucs » d’un vieil auteur comme moi. C’est un exercice auquel je me suis déjà livré quelques fois en Europe, et ce n’était en rien différent ici.

Un chat sauvage de Téhéran
Tehran wild cat

Le rêve de beaucoup est de placer un jeu en occident, et certains envisagent même le voyage à Essen. Pour avoir plus de chances de se faire remarquer des éditeurs européens, je suggérai de jouer l’exotisme et de partir d’un thème typiquement persan. Je proposai les chats, qui me semblent être les véritables maîtres de Téhéran, et m’attendais un peu aux tapis, d’autant que j’avais déjà quelques jours auparavant joué à un prototype sur ce thème.

Je me suis retrouvé avec, sur les six jeux proposés, deux sur le thème du Taarof, les règles de politesse iraniennes, qui valent bien les japonaises. Le jeu qui m’a semblé le plus original et le plus intéressant, mais qui était loin d’être abouti, porte sur le Qanât, ancien système d’irrigation amenant l’eau souterraine dans les villages, qui a donné le français canal.

Game design Workshop

Il y avait là des auteurs talentueux, qui ont la même culture ludique que ceux que j’ai pu croiser lors d’ateliers similaires en Europe. Après l’Europe de l’Est, puis le Japon, puis la Corée, puis peut-être la Chine, je ne serais donc guère étonné que les iraniens ne soient, dans les années qui viennent, les prochains à apporter un peu d’air frais, pourtant bien rare à Téhéran, dans la création ludique. Ce qu’il manque sans doute en Iran, c’est une convention de jeu de société, un salon, qui pourrait être un moyen de faire découvrir la scène ludique locale aux acteurs étrangers.

Je termine ce compte rendu dans l’aéroport d’Istanbul, en attendant ma correspondance pour Paris. Je reviens d’un pays sympathique, accueillant, mais surtout, contrairement à ce que l’on imagine souvent en occident, d’un pays moderne et « normal ». Je l’ai déjà dit au début de cet article, mais je le répète ici parce que c’est le message que tous les iraniens que j’ai croisés m’ont demandé de faire passer. C’est vrai en matière de jeu, mais c’est surtout vrai en général.


Un café jeu à Téhéran 
A boardgame café in Tehran

I’m just back from one week in Tehran, where I was invited by my local publisher, Houpaa games. It was an interesting and enlightening travel.

There are ways…

Iran is an intriguing country. The idea most western people have of it is of a traditional, closed and rather restrained society. I stayed there only one week, I didn’t really leave Tehran, and my impressions of Iran are certainly informed by the people I was hanging out with, young intellectuals from the capital. These are strong caveats, but Teheran gave me the opposite impression, that of a modern, hospitable and very open city.
Teheran is a monstrous city, 15 millions inhabitants, the poor ones in the south, the middle class in the center, the rich in the north, on the hills. Despite large avenues, traffic jams never really recede and, under a blazing sun, driving feels like a violent video game where one never knows who is friend or foe.

Tehran by night : Street food
Téhéran la nuit : street food

In some ways, the social life reminded me of Eastern Europe a few years before the fall of the Berlin Wall. Totalitarianism has become soft and feels a bit absurd  – the boardgamegeek website is blocked but the New York Times isn’t. The religious regime has no real problem with young people not being religious at all and not following the rules in their daily life, as long as it can keep up appearances and there’s no open contestation. The result is not hypocrisy but light hearted, often humorous, distanciation. There’s no alcohol but “there are ways”, ways I didn’t take the time to explore because I decided a dry week could do me good. There’s no Facebook or Twitter but “there are ways”, and I wonder if I would have had the same answer about Tinder. Women resent the compulsory scarf, but “there are ways” to simultaneously respect the rules and mock them.

Tehran parks are really enjoyable. I forgot to take a picture of old men playing dominoes.
Les parcs de Téhéran sont très agréables. J’ai oublié de prendre une photo de petits vieux jouant aux dominos.

While the religious regime is clearly unpopular among the educated people I spoke with, Donald Trump is even more since no one here understands the logic of economic sanctions which generate an obsidional reflex and thus foster the regime they are supposed to fight.
Despite the very specific situation of Iran on the international scene, Tehran tries very hard, and quite successfully, to be a normal and lively city. I was there in a time of great tension with the US and Great-Britain, but I would not have noticed it if I had not, when back at my hotel at night, browsed the Le Monde and New-York Times websites. No one there, however, seems to believe in a war. The Iranians I talked with are certain their government is bluffing and think it’s the same with Donald Trump – I wish I was as confident.

Tajrish Bazar.

Boardgaming in Iran

Iran is the only country in the Middle-East where modern boardgames got a real following. There’s even a small but striving gaming scene, with players but also designers, publishers, websites like Roomizgames, blogs and podcasts. There’s nothing like this in the Arab world, or even in Turkey. I’m thinking of a few explanations using culture, history and geopolitics, but I don’t have the time to develop them here.

Due to the recent fall of the Iranian rial, imported games are unaffordable for anyone except the big cities bourgeoisie – but I checked in a shop a copy of Scythe, at a price of two-thirds of the average monthly wages. There are, however, a few games by Iranian designers and several localizations of western games. These persian language versions are sometimes unauthorized copies, but this is less and less the case. Just as it happened before in a few other emerging countries, Iranian publishers are more and more trying to do things legally and to enter the  global boardgaming world. Of course, US publishers, who are forbidden to license their games in Iran, might keep getting copied a bit longer.

With Hassan Nozadian, left, illustrator of Dej, and Alireza Lolagar, right, the publisher.
Avec Hassan Nozadian, illustrateur de Dej, et Alireza Lolagar, l’éditeur.


Aside from abstract two players games, like the Gigamic line which can be found everywhere, bluffing and hidden identity games are clearly the most popular. Dej, the perfectly legal and authorized persian version of my Citadels has quickly sold a first 8.000 copies print run, and a second print run of 5000 copies just hit the shelves. I know many western publishers who would be happy with such numbers.

Last but not least, there are about 100 boardgame cafés, usually also selling games, in the big cities of Iran (a dozen adresses in Tehran). The regulars are mostly young and educated people of both sexes, many of them quite westernized. I spotted a few true hipster silhouettes, and the mood is not different from that of boardgame cafés in Paris or Tokyo. People play all day long, drinking tea, coffee and strange syrups full of strange seeds. I’ve spent a full afternoon in the oldest one, the Café Board. Gamers were playing Wingspan, Splendor, Cash & Guns, Chinatown, Dixit, Codenames and, of course, Dej. I seized the opportunity to playtest a few of my prototypes.

I was invited by Houpaa, or Hoopa, the biggest Iranian game publisher, and its head Alireza Lolagar. Houpaa publishes mostly children books and family games, and Dej was their first try at more adult games. My stay in Tehran gave an opportunity to launch Korobar, the persian translation of my Venture Angels. I spent some time in their offices, in the center of Tehran, where I pitched them some of my last prototypes and games recently published in Europe. Another publisher, Roomiz games, will soon publish a “local style” version of one of my favorite card games, Dominique Ehrhard’s Condottiere.

akab, la version persane de Condottiere.
Rakab, persian take on Condottiere

Iranian design

Another Iranian publisher, Dorehami games, showed me an interesting and original hidden identity game, Two Khans. Another one, Reality Game, publishes Zaar, an ambitious locally designed persian horror game based on old persian legends about demons and exorcism, with impressive components. They will share with Houpaa an iranian booth at the next Essen fair.
(Note : Twitter, Facebook and Telegram being more or less blocked here, Instagram is used for everything, that’s why there are many instagram links in this post).

Zaar

The very small Iranian boardgaming world, five or six publishers, a two dozen game designers and a few illustrators, now aims at more than the local market. Several Iranian designed games have already been published there, many of them hidden identity games. There’s no reason why they could not arrive in Europe, but reaching the United States might prove difficult (hint for my American friends : if you want to help, just get rid of Trump in 2020). People here regularly told me they wanted to emulate Japan and South Korea which, in a few years, have become both major markets and major sources for boardgames.

Trois jeux d’identités secrètes originaux.
   Three original secret identity games

On Saturday, I held a game design workshop with two dozens of young Iranian designers. They are talented, passionate, and eager to learn some tricks from a seasoned game designer. I had already held similar workshops in Europe and it was in no way different.

Tehran wild cat 
Un chat sauvage de Téhéran

Their dream is to get a game published in the west, and some of them are considering a trip to Essen. In order to be noticed by European publishers, I suggested they play the exotic card and I told them to start from a typically persian theme. I suggested cats, which I suspect are the true masters of Tehran, and was expecting carpets, since I had already been shown a persian carpets prototype. I got two games about Taarof, the persian politeness rules, which seem to be as sophisticated as the japanese ones. The most exciting project, ambitious but unfinished at the end of the day, was one about Qanat, the old irrigation system bringing water from underground wells, which gave the English word Canal.

ame design workshop – the Qanat team .
L’atelier de création, avec l’équipe “Qanat”

There were really talented designers there, with the same gaming culture as the ones I’ve met at similar meetings in Europe. After eastern Europeans, Japanese, Koreans, now may be Chinese, I would not be surprised if Iranians were the next ones to bring some fresh air in the boardgaming world – even when fresh air is quite rare in Teheran. What’s lacking also in Iran is a game convention, even modest in the beginning. It could be a way to show the Iranian boardgame scene to foreign designers and publishers.

I’m finishing to write this report in the Istanbul airport, waiting for my connecting flight to Paris. I’m back from a nice and hospitable country but, most of all, from a modern and “normal” country. I’ve already said this at the beginning of this post, but I repeat it here because many in the west don’t know this, and because it’s the message all the Iranians I’ve talked with have asked me to repeat again and again. It’s true with boardgames, but it’s also true in general.

Playing Dej with the Houpa team.
Une partie de Dej avec l’équipe de Houpaa

Les Grands Enfants
Adult Kids


Avec Charles Chevallier, Ewa Szarzynski et Juan Rodriguez, devant l’exposition sur Les Poilus, pas vraiment un jeu pour enfants.

À Paris, place de la République, le kiosque à jeux rouge de l’R de jeu, installé depuis cinq ou six ans, fait désormais partie du décor. J’y étais dimanche dernier, avec quelques autres auteurs, pour un petit festival du jeu. Les municipales approchant, quelques conseillers municipaux sont aussi passé. Cela était d’autant plus légitime que la place de la République, le kiosque et les animations qui s’y déroulent doivent beaucoup à la ville de Paris, et illustrent trois des réussites de l’équipe municipale actuelle, le recul de l’automobile, l’ouverture culturelle et le rééquilibrage entre l’est et l’ouest de la capitale. Ils l’ont fait savoir sur Twitter, ce qui est de bonne guerre, ou de bonne campagne électorale, mais avec une maladresse qui illustre malheureusement la persistance de quelques idées reçues sur le jeu et les joueurs.

S’il s’était agi d’un festival de littérature, de cinéma, de musique, ces élus se seraient-ils ainsi réjouis que l’on en fasse tant pour les enfants ? Auraient-ils pensé qu’un adulte qui lit un livre, regarde un film, écoute un morceau de musique ne peut être qu’un parent accompagnant ainsi ses enfants?

J’ai coutume de protester, de manière assez systématique et prévisible, chaque fois que je lis ou entends que le jeu est une activité pour enfants. Les adultes ont toujours joué, en particulier aux jeux de stratégie et aux jeux d’argent, sans même parler des sports. Ils jouent sans doute plus que jamais aujourd’hui.
Les jeux de rôles et les jeux vidéo ont fait passer l’idée qu’il n’y avait rien d’inquiétant ni de régressif dans le fait qu’un adulte joue et aime jouer. Si la mode en a moins duré, le poker et les jeux de cartes à collectionner y ont aussi contribué. Si n’ai jamais beaucoup pratiqué les jeux vidéo, je suis passé par le jeu de rôle, le poker et Magic, et cela se ressent dans les jeux que je crée aujourd’hui. La plupart de mes créations sont « tous publics », c’est à dire destinées aussi bien aux jeunes qu’aux vieux, et quelques unes, comme Kamasutra, sont même franchement adultes.

C’est un bel argumentaire, que je ressors assez régulièrement, mais il reste que, même si l’écart a sensiblement diminué et diminue encore, les enfants jouent quand même plus que les adultes. Surtout, tous les enfants jouent, mais seulement une partie des adultes, ce qui conduit à s’interroger sur les raisons pour lesquelles on joue et, surtout, on arrête de jouer.

L’explication habituelle de l’appétence des enfants pour le jeu est que ce serait une technique d’apprentissage, une sorte de modélisation très simplifiée du réel pour en comprendre les tenants et les aboutissants. C’est la base des théories de Piaget, et c’est sans doute un peu vrai, mais je ne pense que cette explication soit suffisante. Beaucoup de jeux d’enfant ne sont en rien des simulations, et beaucoup de petits vieux jouent encore au scrabble, au bridge ou à la pétanque.
Face à la complexité du monde, le jeu me semble moins une technique d’apprentissage qu’un anxiolytique. On ne renonce pas à la lucidité mais, pour se reposer un peu et éviter que notre modeste intellect ne parte en vrille, on entre dans une parenthèse, on fait pour quelque temps comme si les choses étaient plus simples, comme si le monde avait des causes et des règles, comme si la vie avait un sens et un but.
Il est bien évident que les plus jeunes, qui viennent de débarquer, sont les plus paumés face à un monde assez bizarre et incohérent. Ils expérimentent, ils analysent, ils essaient de comprendre d’abord comment ça marche, puis se demandent éventuellement vaguement pourquoi et vers où. Et comme on devient vite dingue à tourner en rond dans le noir – in girum imus nocte et consumimur igni – ils s’arrêtent de temps en temps pour jouer, c’est à dire pour expérimenter tout ce que le monde réel n’est pas, un univers limité, aux règles simple et au but défini. Le jeu est alors tout à la fois un repli et un repos avant de repartir à la découverte du monde, toujours un peu vaine, tout à la fois excitante et désespérée.

Et puis un jour, en grandissant, certains jouent moins, voire cessent complètement. Si c’est cela devenir adulte, comme on l’entend parfois, c’est un peu triste. Ceux qui continuent, les grands enfants, sont ceux qui, comme moi, n’ont toujours pas bien compris ce que c’est que la vie, à quoi ça sert, d’où l’on vient ni où l’on va, et ont décidé de faire avec, parce que si c’est angoissant, c’est aussi intéressant et parfois rigolo. Et quand l’angoisse prend le dessus, on joue pour calmer notre esprit un peu fatigué en lui donnant, pour quelques heures, un monde clos aux règles simples et arbitraires.

On peut considérer le nombre croisant de joueurs parmi les adultes comme un effet annexe du « désenchantement du monde ». Cessent en effet de jouer en vieillissant ceux qui capitulent devant la complexité, ceux qui croient ou font comme s’ils croyaient savoir comment ça marche, qui nous sommes, d’où nous venons, où nous allons et sur quelle étagère. Faisant comme si la vie elle-même était un jeu, avec un but et des règles, ils n’ont ps besoin de joueur. C’est pour cela que les joueurs sont peu nombreux parmi ceux qui adhèrent à des idéologies totalitaires, et en particulier aux religions. Les croyants sont très rares dans le petit monde du jeu, et les quelques uns que l’on y croise, les Guillaume Chifoumi ou Tom Vasel, sont sans doute moins sûrs d’eux qu’ils ne veulent bien le laisser paraître. Les croyants, les vrais, me font un peu l’impression de joueurs de jeux de rôles se prenant un peu trop au sérieux, au point parfois d’oublier qu’ils jouent.

Si je jouais relativement peu dans mon enfance, moins sans doute que la plupart des enfants de mon âge, c’est parce que j’ai eu une éducation chrétienne, marxiste et tiers-mondiste – dans les années soixante, tout cela se mélangeait plus facilement qu’aujourd’hui. Le monde était une chose sérieuse, avec de vrais problèmes, et il n’y avait donc ni temps, ni énergie physique ou intellectuelle disponible pour le jeu.

Or il me semble paradoxalement aujourd’hui que c’est parce que le monde est une chose sérieuse et complexe, parce que nous sommes assez mal barrés, que le jeu est une soupape de sécurité intellectuelle et psychologique absolument nécessaire. Oui, les joueurs sont de grands enfants, parce qu’ils ne font pas semblant de savoir dans quel monde ils vivent, et parce qu’ils ont recours au jeu pour assouvir un besoin, sans doute naturel, de règle et de simplicité.

Le jeu est peut-être alors un complémentaire du rêve. Les rêves partent dans tous les sens, tout y est possible, notre esprit s’y donne libre cours. Dans le jeu, à l’inverse, bien peu de choses sont possibles, mais on sait très bien lesquelles et on sait pourquoi. Après un monde réel dans lequel on ne sait pas très bien ce qui est possible et on ne sait absolument pas pourquoi, rêve et jeu sont, chacun à sa manière, des formes de repos pour l’esprit. Pour le dire autrement, si réel est fait de règles incompréhensibles, rêve et jeu sont deux contraires du réel, le premier par l’absence de règles, le second par ses règles claires et honnêtes.

Je n’ai longtemps cherché à faire que des jeux destinés à des joueurs comme moi, c’est à dire des adultes ne prenant pas le jeu trop au sérieux. Il m’est arrivé, par accident, de participer à des projets qui se sont finalement avérés être de très bons jeux pour les plus jeunes, comme Toc Toc Toc! ou Diamant, mais ce n’était jamais l’intention de départ. Ce n’est que récemment, quand la création de jeu est réellement devenue pour moi un métier, et un peu grâce à ma rencontre avec Anja Wrede, que je me suis intéressé aux jeux destinés aux plus jeunes. Avec Anja, nous avons conçu Fearz! et Junggle, passés relativement inaperçus, et plus récemment le Petit Poucet, qui semble remporter plus de succès ainsi qu’un autre qui devrait paraître l’an prochain.

Il reste que je suis toujours un peu mal à l’aise avec les jeux pour enfants, sans doute parce que je ne parviens pas à imaginer un jeu auquel je n’aurais pas personnellement de plaisir à jouer. Du coup, mes rares jeux enfants sont en fait des jeux « tous publics », des jeux auxquels on peut et je peux vraiment jouer avec des enfants, c’est à dire chercher à gagner, et qui reposent donc sur des capacités sur lesquelles l’âge influe peu, comme la mémoire ou la reconnaissance tactile.



With Charles Chevallier, Ewa Szarzynski and Juan Rodriguez at the “Grizzled” exhibition, place de la République. Not really a kids game.

For five or six years now, Place de la République, in Paris, there is a red kiosk where people can, most week-ends, borrow games to be played on the spot. I was there last Sunday, with a few other game designers, for a small game fair. With the mayoral elections due next year, a few city councillors happened to pass by and published some photos and comments on twitter. This was fair electoral game, especially since the new Place de la République, the red kiosk, and the other various animations held there are paid by the city, and illustrate three of the mani successes of the mayoral team, the lower place held by cars, a certain cultural openness and a better balance between the eastern and western parts of the city. Their tweets, however, were a bit clumsy and show an enduring and common misconception about gaming and gamers.

Dominique Versini :
How nice to see the game festival place de la république, and the happiness of the small and big ones. paris is a city friendly with children.
Patrick Bloche :
Place de la république, under a nice parisian sun, the game festival is once more a success. the affluence shows the place gained by gaming in public places in Paris, and gathers children, teenagers, young people and their parents.

If it were a literature, cinema or music event, would they have rejoiced like this that there was so much done for children ? Would they have thought and told that an adult can only read a book, watch a movie or listen to music when and because he is accompanying a child?

I know I am predictable on this issue. I protest every time I read or hear somewhere that gaming is just for kids. Adults have always played games, notably but not only strategy games, gambling games and sport games. They probably play more than ever now.
Role playing games and video games have made adult gaming popular and socially acceptable. The Poker and collectable card games craze, even when they didn’t last as long, also helped. I never played much video games, b ut I’ve been though RPGs, LARPs, poker and MtG, and this certainly shows in my designs. I try to design games for everyone, meaning for younger and older gamers, and a few of my designs, such as Kamasutra, are even clearly adult oriented.

Nevertheless, even when there are more and more adult gamers, children still play more often than adults. Even more, all children play games, while only some of the adults do. This, of course, might help understand what gaming means and why we play games.

The usual psychological explanation of kids appetence for games considers games as learning tool, a simplification and modeling which helps understand the real world. It’s the basis of Piaget’s theories. It might be partially true, but it cannot explain all kids games, many of which are not simulations in any way, and completely fails at explaining why many adults still play, and why even older people often play Scrabble, whist or boule.

My view is that games are less a learning tool than an anxyolitic, a conscious and temporary withdrawal from a complex and mysterious reality. The gamer doesn’t give up lucidity, but he takes some rest and to prevent his thought to get amok he makes, for a while, as if the world had rules and causes, as if life had an obvious meaning.
Young kids just went into this world and are probably even more lost than we are in this zany and in consistent world, They experiment, they analyse, they try to understand vaguely how it works, or for the most ambitious ones why and towards what. And since one inevitably becomes crazy when turning in circles in the dark – in girum imus nocte et consumimur igni – they take a few breaks to play games, meaning to experiment what reality isn’t, a closed system with simple rules and a clear goal. Gaming is both a rest and a temporary withdrawal before getting back into the vain, exciting and desperate exploration of the world.

Then they grow old. They play more rarely, some even completely stop playing. If this is becoming an adult, it’s a bit sad. Those who keep playing games, like I do, are indeed old kids – they still have no serious idea what life means, where we’re coming from, where we are and where we’re going to, but they have decided to make do with it because while it’s nerve-racking it’sd also interesting and even sometimes fun. When our nerves can’t stand it any more, we calm our weary mind with a few games, a few hours in a closed world of arbitrary rules.

The growing proportion of adult gamers might therefore be a paradoxical side-effect of the « disenchantment with the world ». Those who stop playing are giving up. They believe, or they fake believing, that they know who we are, where we are and all that stuff. Since they treat life as a game, with a clear goal and strict rules, they don’t need games any more. That’s why there are very few gamers among religious and ideological people – and I’m ready to bet that the one or two religious people active in the boardgaming world, such as Tom Vasel and Guillaume Chifoumi, are not as confident as they want to look. True believers often look like RPG gamers taking their role a bit too seriously – and sometimes not even knowing they are gaming.

I didn’t play that much as a kid, much less than most kids of my age, the reason being that I had a christian, marxist and Third-Worldist upbringing – in the sixties, all this could easily go together. I was told that the world being a serious thing with serious problems, there was no time to play, and that waste of physical or intellectual energy was not acceptable.

Paradoxically, I now think that it is because the world is complex and plagues by serious issues, because we’re in a real mess, that gaming is more than ever a necessary intellectual and psychological safety valve; Yes, gamers are old kids, because they don’t give up faced with a messy world, because they don’t do as if they knew what all this is about

Games and dreams complement one another. Dreams feel like having no rules or boundaries, everything is possible. Games are closed systems of strict rules, in which very few things are possible, but we know which ones and why. Faced with a real world in which we don’t really know what’s possible and we don’t have the slightest idea why, dreams and games are two opposite ways to put our brain to a rest. To put it otherwise, if reality is made of mysterious and probably meaningless rules, dreams and games are both opposites of reality, the former because it has no rules, the latter because it has clear and honest ones.

For long, I only tried to design games for people like me, meaning for adults who don’t want to take games too seriously. I sometimes incidentally took part in projects which ended as interesting kids gams, such as Diamant / Incan Gold, but this was never on purpose. Recently, thanks to my friend Anja Wrede, I became slightly more interested in kids games. Together, we designed Fearz and Junggle, which both went largely unnoticed, and more recently Lost in the Woods, which seems to be more successful. We have another children game coming out next year.
Despite this, I still feel a bit uneasy working on children game, probably because I can’t imagine a game I would not have fun playing. As a result, my few children games are not really children games but rather games for everyone, games I can play and every adult can really play with children, meaning play to win, which means they must rely on abilities which are not much affected by age, such as memory or tactile recognition.