Je ne suis pas un numéro, je suis un homme libre !
I am not a number, I am a free man !

Bruno grand shaman

Récemment, lors d’un salon, après avoir discuté de mes dernières créations, un joueur m’a demandé si j’étais mathématicien. Surpris et déçu par ma réponse négative, il a alors entrepris de m’expliquer que le jeu étant de la mathématique, je ne pouvais être qu’un mathématicien qui s’ignore – et donc aussi un grand naïf. Ce n’est pas la première fois que je suis confronté à cette conviction de nombreux mathématiciens, et de quelques autres personnes, que le domaine du jeu, et surtout de la création ludique, appartient naturellement aux mathématiques. Et à chaque fois ça m’énerve, ce qui explique le ton un peu polémique de ce texte. Je n’ai rien contre les maths, mais ce que je fais n’a pas grand chose à voir avec les maths, et je pense être assez bien placé pour le savoir.

J’étais plutôt bon en maths au lycée mais, à part quelques cours de statistiques en faculté d’économie, je n’en ai guère fait depuis. Mon niveau en mathématique est donc sans doute encore aujourd’hui celui d’une bonne terminale scientifique – rien de déshonorant, mais certainement pas de quoi faire de moi un mathématicien.
 Les outils mathématiques auxquels il m’arrive de faire appel dans la conception de mes jeux ne sont d’ailleurs même pas de ce niveau. Un peu de combinatoire et de probabilités, souvent estimées au doigt mouillé, pour savoir quelles sont les mains de cartes où les jets de dés que l’on a le plus de chances d’obtenir, mais cela ne va pas beaucoup plus loin. Si cela suffit à faire de tout auteur de jeu un mathématicien, on peut en dire autant des cuisiniers qui ne cessent de combiner des saveurs et de faire des règles de trois pour adapter les quantités d’ingrédients au nombre de convives.

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Richard Garfield, l’auteur de magic, a fait une thèse en analyse combinatoire.

Reiner Knizia et Richard Garfield, de grosses pointures de la création ludique, ont soutenu des thèses de mathématiques, mais cela ne sent guère que dans les jeux du premier. Mon ami Bruno Cathala a longtemps été ingénieur. Bien d’autres auteurs ont des formations plus littéraires, comme moi, ou artistiques comme Tom Vuarchex ou Anja Wrede. Beaucoup viennent de l’informatique, mais moins de sa face scientifique que de sa dérive littéraire, le jeu video. Roberto Fraga était marin puis douanier. Friedemann Friese avait bien commencé des études de maths, mais il a arrêté pour devenir DJ. Eric Lang, avec qui je bosse pas mal en ce moment, est un autodidacte plutôt littéraire. Bref, il y a de tout, et c’est comme cela que l’on fait un monde. C’est cette variété qui, en permettant les échanges  et les « fertilisations croisées », si je peux me permettre cette métaphore un peu osée, est à la source de la richesse actuelle de la création ludique. Dans le petit monde de la création ludique, Reiner Knizia, sans doute le seul vrai matheux, est d’ailleurs souvent moqué pour le caractère assez froid, abstrait et calculatoire de ses jeux.

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Reiner Knizia et l’un de ses meilleurs jeux.

On sait que les physiciens font parfois un complexe d’infériorité face aux mathématiciens, qui leur semblent naviguer dans des sphères plus hautes et plus pures, mais l’inverse est tout aussi vrai. Beaucoup de mathématiciens semblent toujours regretter un peu que le monde ne soit pas vraiment descriptible en termes mathématiques. Le jeu peut alors leur apparaître, vu de l’extérieur, comme un univers clos et arbitraire dans lequel la mathématique devient une science expérimentale.

Beaucoup de jeux sont en effet totalement analysables et compréhensibles, du moins en ce qui concerne leurs mécaniques; c’est même l’une des caractéristique essentielles qui les distinguent du monde réel. Quelques uns – en gros les jeux abstraits et entièrement basés sur la stratégie et/ou le hasard – peuvent être décrits en termes purement mathématiques. Mais dès que s’y accrochent un thème et des illustrations, ou dès que les joueurs doivent prendre des décisions humaines faisant appel à la psychologie, et notamment au bluff, l’analyse mathématique, si elle reste très intéressante, n’est plus en mesure de rendre compte du jeu dans sa totalité.

Blaise Pascal - A KIng's Life
On peut être un bon mathématicien, s’intéresser au jeu et faire des paris stupides.

Il y aurait tout un livre à écrire, un essai érudit à la manière de l’histoire compacte de l’infini par David Foster Wallace ou de celle du voyage dans le temps par James Gleick, sur l’histoire de l’intérêt des mathématiciens pour le jeu et de l’idée curieuse et récurrente que le jeu relève des mathématiques. On peut remonter au XVIIIème siècle avec Casanova, puis au XVIIème avec Pascal le parieur fou, puis au XVIème avec Cardan, lui-même grand joueur de jeux de hasard comme de stratégie, et sans doute bien au delà.

Plus récemment, il y a presque chez certains mathématiciens une volonté de vouloir annexer sinon le monde du jeu, du moins le mot « jeu ». C’est ainsi que, dans les années quarante, un domaine des mathématiques a été baptisée « Théorie des Jeux ». Elle cherche, en gros, à déterminer les choix optimaux dans des situations où l’on ignore la décision prise, le plus souvent simultanément, par un autre acteur – j’ai failli écrire joueur. Elle peut s’appliquer à pas mal de jeux, mais aussi à de nombreux domaines qui ne sont pas très ludiques, comme les processus électoraux ou la concurrence entre entreprises. Elle ne comprend en revanche ni les probabilités, ni l’analyse combinatoire, pourtant les outils mathématiques les plus utiles aux joueurs et créateurs de jeux ! Quoi qu’il en soit, le fait que certains mathématiciens aient baptisé théorie des jeux un corpus qui n’a pas grand chose à voir avec le jeu ne suffit donc pas à faire des jeux des objets mathématiques, et des joueurs et créateurs des mathématiciens.

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Je fais encore un GN de temps en temps. C’est clairement du jeu, pas du théâtre, et les maths en sont totalement absentes.

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Les outils de la théorie des jeux peuvent s’appliquer à Dolorès, le petit jeu de cartes que j’ai conçu avec Eric Lang. Dolorès est assez largement basé sur le dilemme du prisonnier, l’un des paradoxes qu’elle étudie. Il reste que quiconque y a joué se rend compte que le dilemme du prisonnier n’y est pas seulement un paradoxe mathématique mais aussi un exercice de psychologie, ce qu’illustre très bien le fait que les comportements des joueurs sont devenus plus agressifs, lorsque nous avons remplacé les cartes qui servaient à prendre les décisions par un poing tendu à la manière de Pierre – Feuille – Ciseaux. Nous avons changé le jeu sans toucher à sa structure formelle.

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De même, ce qui fait que je suis assez fier de Diamant, et que je le tiens pour un meilleur jeu que Can’t Stop et de la plupart des autres jeux de prise de risque de ce type, c’est que les décisions des joueurs étant simultanées, elles relèvent autant de la psychologie que des probabilités.

Le sophisme répandu qui voudrait que, parce qu’il y a un peu de calcul dans certains jeux, les jeux relèvent globalement des mathématiques, me gêne dans mon activité d’auteur de jeu.
Il me gêne dans mes relations avec certains éditeurs, qui pensent pouvoir modifier le thème en toute liberté puisqu’ils ne touchent pas à la nature fondamentale du jeu. Dans un jeu, dans un bon jeu tout au moins, thème et système ont une relation dialectique, et l’on ne peut toucher à l’un sans revenir sur l’autre. Cette évidence, aujourd’hui admise pour le jeu video dont la dimension narrative est de plus en plus mise en avant, peine à s’imposer dans le jeu de société.
Il me gêne surtout, comme le montre la remarque à l’origine de cet article, parce qu’il donne de mon métier une image extrêmement réductrice. Le travail de créateur de jeu, du moins tel que je le vis, ressemble bien plus à celui de l’écrivain ou du cuisinier qu’à celui du mathématicien. C’est aussi pour cela que je tiens à l’expression « auteur » de jeu.


Bruno Shaman

A few weeks ago, at a game fair, after having discussed my last designs, someone asked me if I was a mathematician. Obviously surprised and disappointed by my negative answer, he then started to explain me that games were pure maths, and that I was therefore a unwitting and somewhat naive mathematician. It’s not the first time I faced this strange conviction, by most mathematicians and some other people, that game, and even more game design, is maths. It’s wrong, and it always makes me a bit angry. I’ve nothing against maths, but what I‘m doing is not maths, and I think I’m in the best place to judge of it.

I was not bad at maths in high school but, except for a few classes in statistics when studying economics and sociology, I didn’t learn much since then. My math level is probably the same as what it was at 18 – a really good high school level. Nothing disparaging, but certainly not enough to be called a mathematician.
The few maths tools I use when designing games are not even of that level. I could sometimes use some combinatorial and  probabilities, to know which card hands or die rolls are the most likely, but a wet finger approach is usually sufficient. A cook needs as much maths to reckon the right proportions of ingredients depending on the number of guests.

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Richard Garfield, Magic the Gathering’s designer, has a PhD in combinatorial mathematics.

Reiner Knizia and Richard Garfield, two of the most influential game designers, have PhD in maths, but it doesn’t really show in Richard’s games. My friend Bruno Cathala was an engineer. Other game designers have studied humanities, like me, or even graphic arts, like Tom Vuarchex or Anja Wrede. Many come from the computer world, but usually not from its hard science part, rather from its literary drift, video games. Roberto Fraga was a sailor, then a customs officer. Friedemann Friese started to study maths but soon gave up to become a DJ. Eric Lang, with whom I work a lot lately, is a humanities autodidact. Anyway, there are game designers with very different kind of curricula and experiences, and it’s a good thing. This generates variety and cross-fertilisation (don’t take this metaphor too literally), and explains the teeming fun of the gaming scene. By the way, in the small gaming world, the one true math egg-head, Reiner Knizia, is often gently mocked for it and for the abstractness and coldness of his games.

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Reiner Knizia and one of his best games.

It is often said that physicists have an inferiority complex vis a vis mathematicians, who navigate in higher and purer spheres, but the opposite is also true. Many mathematicians seem to regret that the actual world cannot be described in pure formal terms, and can see games as closed and arbitrary systems in which mathematics become something like an experimental science.

It’s true that, at least mechanically, many games can be formally analysed and understood. This might even be the true difference between game and reality. Some of these games, mostly those based entirely on strategy or luck, can be described in pure mathematical terms. But when you add a theme or some graphics, or when players have to make decisions relying on psychology, including bluffing, rational mathematical analysis becomes insufficient. It’s still interesting, but it becomes only a part, and often a small part, of the game – just like it is of real life.

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One can be a true mathematician, interested in games, and make stupid wagers.

Someone should write a long and erudite essay, akin to David Foster Wallace’s Compact History of Infinity, or James Gleick’s Time Travel – a History, about the history of the strange and recurring idea that games are basically maths. This could go back to the XVIIIth century with Casanova’s, then to the XVIIth century with Pascal, the mad gambler, then to the XVIth with Girolamo Cardano, who played both games of luck and of strategy, and certainly much farther.
More recently, there has been attempts by mathematicians to annex if not the world of games, at least the word « game ». In the forties, a whole field in mathematics has been baptized « game theory ». This game theory mostly deals with optimal decisions in situations where one doesn’t know the decision that will be made by other people – I nearly wrote other players. It can be used to analyse some games, but also lots of stuff which clearly are not games, like vote procedures or business competition. Surprisingly, neither probabilities nor combinatorics, which are the mathematical tools most used by players and game designers. Anyway, the fact that mathematicians call « game theory » a field which has little to do with games isn’t enough to make all games maths, and game designers mathematicians.

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I still occasionally play larps. It’s clearly gaming, not theater, and may be nearer to the essence of gaming than any boardgame, and there’s not the slightest maths in it.

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Game theory can be applied to H.M.S. Dolores, the small card game I’ve recently designed with Eric Lang. H.M.S. Dolores is largely based on the prisoner’s dilemma, one of the paradoxes mathematical game theory deals with. Anyone who plays the game, however, will understand that the prisoner’s dilemma is used here not only a mathematical paradox but also as an exercise in psychology. This showed clearly when we changed the way players made their decisions, using rock-paper-scissors hand gestures instead of cards – the game’s formal structure was unchanged, but the actual game was, and players became more agressive.

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Similarly, the reason why I think that Diamant / Incan Gold is a better game than Sid Sackson’s Can’t Stop is that players must make their choices simultaneously. This is why Incan Gold is a game about psychology, when Can’t Stop is mostly about probabilities.

The popular idea that games are just formal systems, just mathematics, is a real problem for me as a game designer.
It’s a problem in my relations with publishers, who think they don’t modify a game when they change the setting because systems are the true core of the game – which they are not, or not always. In most games, and in all good ones, there is a dialectic relation between theme / setting and systems, and modifying one often implies modifying the other. This si largely accepted about video games, whose narrative aspect is considered essential, but it is still a problem in the boardgaming world.
It’s a problem also because it gives a reductive, and sometimes utterly false, image of my daily job, as can be seen in the anecdote which opened this blogpost. Being a game designer feels much more like being a writer, or may be a cook, than like being a mathematician.

On Dinosaurs, Dilemmas and Unicorns

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Before last Gen Con, I spent a few days at Asmodee North America, in Indianapolis. We seized the opportunity to make an interview in which I talk of Raptor, HMS Dolores and the new edition of Citadels.
Contrary to what is stated on Asmodee North-America’s website, I didn’t actually sit down with the demon of lust and king of nine hells, but with one of his minions, the nice Cynthia Hornbeck. It’s probably better.

Gen Con 2016 Report

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Depuis que le salon d’Essen a été avancé d’une semaine, et ne coïncide donc plus avec les vacances de Toussaint, il m’est devenu difficile d’y aller. Du coup, je prends mes habitudes à la Gen Con estivale d’Indianapolis, l’autre grand rendez-vous du petit monde ludique. L’ambiance y est à la fois moins familiale et plus décontractée qu’à Essen, et c’est plutôt bien.

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Les jeux que j’ai présentés sur le salon

Comme les années précédentes, j’en ai profité pour passer d’abord quelques jours à Minneapolis chez FFG, pardon, chez Asmodee North-America, pour discuter essentiellement de projets dont je n’ai pas encore le droit de parler. C’est toujours chez Asmodée, qui présentait la nouvelle édition de Citadelles, avec plein de nouveaux personnages et quartiers, et Dolorès, ma première collaboration avec Eric M. Lang (il y en aura d’autres), que j’ai passé le plus clair de mon temps à Indianapolis. J’étais un peu déçu que  Raptor ne soit pas mis en avant. J’ai quand même trouvé quelques heures pour aller faire quelques parties de Waka Tanka, dont CMON (il ne faut plus dire Cool Mini or Not) publie la version américaine et politiquement correcte et de Fearz!, ma première collaboration avec Anja Wrede (il y en aura d’autres), chez les petits français de Don’t Panic Games.

waka tankaUne partie de Waka Tanka

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Explications de Citadelles

Ayant d’abord pas mal bossé sur le développement de Citadelles, et ayant ensuite un peu manqué d’idées ces derniers mois, je n’avais apporté qu’un seul prototype,  pour lequel j’ai eu la chance de trouver assez facilement un éditeur. Ça laissait du temps pour “faire du relationnel”, comme on dit, pour causer les éditeurs des jeux qui sortiront l’an prochain, pour discuter de plein de projets avec les nombreux auteurs qui trainaient au bar du J.W. Marriott, pour des interviews plus ou moins improvisées, et pour attraper quelques variétés locales de pokemons. Dans un bistrot, on m’a demandé mon passeport pour vérifier que j’avais bien 21 ans, l’âge minimum pour boire une bière.

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Quelques nouvelles idées de jeux avec Eric Lang….

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Et discussion avec Seiji Kanai (photo par Douglas Morse de tabletopmovie)

GenCon
Les auteurs Sweet November, avec Juan Rodriguez et Julien Prothière

Je ne suis pas en mesure de vous dire quels étaient les succès du salon, les jeux dont tout le monde parle. La Gen Con est un immense bouillon de culture ou groupes et réseaux s’entremêlent ou s’ignorent, et les jeux dont parlent les uns ne sont pas toujours ceux dont causent les autres. Alors, bien sûr, il y a le GeekBuzz du boardgamegeek, mais il ne donne que les jeux dont parlent les Geek, et peut être sujet à manipulations. L’an dernier, tout le monde jouait à Codenames, cette année, tout le monde jouait à Codenames Pictures. Ont aussi bien buzzé Cry Havoc, Mansions of Madness, Dead Last, Grifters, Vast, The Dragon and the Flagon, Scythe, Lotus, SeaFall, Terraforming Mars, Secret Hitler, Last Friday, Captain Sonar, et j’en oublie beaucoup. Mention spéciale pour Scythe et Lotus, qui sont aussi magnifiques.

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La panne informatique de Delta a quelque peu compliqué le retour de tous les participants à la Gen Con. Parmi les français, je pense ne m’en être pas trop mal sorti avec juste une dizaine d’heures de retard – mais j’ignore encore où sont mes bagages.


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Since the Essen fair has been advanced to mid-october, it doesn’t coincide anymore with French school holidays, and it has become complex for me to go there. This is why I now regularly attend the other major boardgame convention, the summer Indianapolis Gen Con. It feels different, both more geeky and more casual, and I think I enjoy it more than Essen.  

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The games I was demoing at the fair

Like the former years, I seized the oportunity to spend a few days at FFG – ooops, at Asmodee North-America, mostly to discuss stuff I cannot talk about yet. I also spent most of my time at Gen Con at Asmodee, wher. e two of my upcoming games were premiered.  The new edition of Citadels has lots of new characters and districts. Dolorès is my first collaboration with Eric Lang – there will be more. I was a bit depited that Raptor was not demoed on the fair, but it’s not possible to have all games. I escaped for a few hours to demo Waka Tanka whose US edition is published by CMON (now it’s CMON, not Cool Mini or Not) and  Fearz!, my first collaboration with Anja Wrede – there wil be more – at Don’t Panic Games, a small French company created by good friends of mine.

waka tankaDemoing Waka Tanka

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Explaining Citadels

I’ve spent much time last year on the playtesting and development of Citadels, and then I had a game designer’s block this last two monthes.  I had only one prototype to show, but it found a publisher relatively easily. On the other hand, I had much time to socialize at the J.W. Marriott bar, to discuss upcoming games with publishers and new ideas with other game designers, to do a few interviews, and to capture local varieties of pokemons. Nice anecdote, I was asked for my ID in a bar when ordering a beer to prove that I am 21.

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Discussing a game idea with Eric Lang….

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And meeting Seiji Kanai (photo by Douglas Morse of tabletopmovie)

GenCon
The Sweet November game designers, with Juan Rodriguez and Julien Prothière

I cannot tell you what were the main hits of the con. The Con is vast and messy, with numerous groups and networks which sometimes mix and sometimes don’t. The games that buzz in a group might go completely unnoticed in another one. Of course, there’s the boardgamegeek Geekbuzz, but it’s not flawless and it only gives the specific opinion of the true boardgamegeeks.
Last year, everybody was playing Codenames, and this year everybody was playing Codenames pictures. I’ve heard mentioned quite often Cry Havoc, Mansions of Madness, Dead Last, Grifters, Vast, the Dragon and the Flagon, Scythe, Lotus, SeaFall, Terraforming Mars, Secret Hitler, Last Friday, Captain Sonar and I certainly forget many. Scythe and Lotus deserve a special mention for their strong and original themes and graphic choices.

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Delta’s computer system outage has made flying back from GenCon a bit complex. Among the French people, I think I didn’t do bad with only about ten hours delay – but I’ve yet no idea where my bags are. 

Dolorès
H.M.S. Dolores

Ceux qui allumeront la nuit des feux trompeurs sur les grèves de la mer et dans les lieux périlleux pour y attirer & faire perdre les navires seront  punis de mort & leurs corps attachés à un mât planté aux lieux où ils  auront fait les feux.
Colbert, Ordonnance de la Marine, 1681

Les naufrageurs n’écrivent leur nom que sur l’eau.
Guy Debord, conférence sur le cinéma.

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C’est l’histoire de deux prisonniers…

L’histoire de Dolorès commence à Essen, à l’automne 2013. C’est au petit déjeuner que j’ai sympathisé avec Eric Lang, que je n’avais jusqu’ici que croisé rapidement sur quelques salons sans que nous ayons vraiment pris le temps de discuter. Bien évidemment, lorsque deux auteurs de jeux se rencontrent, ils parlent de jeux, de leurs projets, de leurs idées… Je ne sais plus lequel d’entre nous a, le premier, dit qu’il réfléchissait à un jeu fondé sur le dilemme du prisonnier, mais toujours est-il que l’autre a immédiatement réagi en disant – moi aussi !

Pour ceux qui ne connaissent pas le dilemme du prisonnier, très utilisé en économie notamment pour étudier les choix commerciaux des entreprises en situation d’oligopole, en voici la formulation classique par le mathématicien Albert Tucker, en 1950 :

Deux suspects sont arrêtés par la police. N’ayant pas de preuves, les policiers les interrogent séparément en leur faisant la même offre. « Si tu dénonces ton complice et qu’il ne te dénonce pas, tu seras remis en liberté et l’autre écopera de 10 ans de prison. Si tu le dénonces et lui aussi te dénonce, vous écoperez tous les deux de 5 ans de prison. Si personne ne dénonce personne, vous aurez tous deux 6 mois de prison. »

Chacun des prisonniers réfléchit de son côté en considérant les deux cas possibles de réaction de son complice.

« S’il me dénonce :
Si je me tais, je ferai 10 ans de prison ;
Mais si je le dénonce, je ne ferai que 5 ans. »
« S’il ne me dénonce pas :
Si je me tais, je ferai 6 mois de prison ;
Mais si je le dénonce, je serai libre. »
« Quel que soit son choix, j’ai donc intérêt à le dénoncer. »

Si chacun des complices fait ce raisonnement, les deux vont probablement choisir de se dénoncer mutuellement. Conformément à l’énoncé, ils écoperont dès lors de 5 ans de prison chacun. Or, s’ils étaient tous deux restés silencieux, ils n’auraient écopé que de 6 mois chacun. Ainsi, lorsque chacun poursuit rationnellement son intérêt individuel, le résultat obtenu n’est pas le meilleur possible. Pour les mathématiciens, c’est un équilibre de Nash mais pas un optimum de Pareto.

Du coup, nous avons décidé de nous y mettre ensemble et, après quelques gribouillis sur la nappe de l’hôtel Atlantic (je sais, c’est absurde, mais il y a un hôtel Atlantic à Essen), nous avions l’ébauche d’un jeu de cartes. À chaque tour, deux joueurs doivent décider secrètement s’ils acceptent la moitié d’un lot de cartes ou s’ils en voulent la totalité, étant entendu que si les deux joueurs veulent tout, personne n’a rien.

Pour que le jeu ne soit pas trop répétitif, il était nécessaire que, selon la situation, chacun puisse estimer l’intérêt des différentes cartes pour son partenaire / adversaire, et que cet intérêt soit variable d’un tour à l’autre, rompant ainsi avec la symétrie du dilemme originel. C’est pour cela que nous avons imaginé un système de score original, dans lequel chacun ne compterait en fin de partie que les cartes des séries dont il a le plus et le moins. C’est pour la même raison, rendre le jeu moins répétitif, moins mécanique, que nous avons introduit un troisième choix, je ne veux qu’une carte mais je la choisis d’abord. Nous avons aussi essayé d’imaginer des partages impliquant plus de deux joueurs, mais cela fonctionnait mal. D’ailleurs, si l’on tente vraiment de généraliser à plus de deux joueurs le dilemme du prisonnier, on débouche sur un tout autre problème, le paradoxe du passager clandestin, que j’ai déjà exploité dans un autre jeu, Terra.

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Brocanteurs et naufrageurs

Après quelques tests, le jeu fonctionnait parfaitement. Philippe des Pallières, sur la suggestion d’Oriol Comas, y joua lors de mes rencontres ludopathiques, au printemps 2014, et quelques semaines plus tard je passais dans son chateau pour finaliser l’accord, faire quelques parties et réfléchir à ce qui manquait encore à notre mécanique un peu abstraite – un thème, une histoire.

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Notre jeu, qui s’appelait alors Dilemma, est en effet construit entièrement à partir d’une mécanique. Pour le premier prototype, j’avais utilisé de jolis clipart animaliers récupérés sur internet, les mêmes que j’entrevois régulièrement sur les prototypes code nombreux auteurs, et je racontais vaguement que les joueurs étaient propriétaires de zoos, comme dans Zooloretto, mais le thème n’était pas très convaincant. Philippe des Pallières a d’abord pensé à des gamins se partageant des bonbons à la récréation, puis à des collectionneurs d’objets un peu vintage faisant le tour des brocantes. C’est ce thème qui fut d’abord retenu, et Tom Vuarchex réalisa même une très jolie maquette au look très sixties. Mais, bon, personne n’étant vraiment convaincu, nous avons refait un brain storming d’où sont sorties encore d’autres idées. La mécanique du jeu, le choix entre le poing fermé, la guerre, et la main tendue, la paix, faisait de « Guerre et Paix » un titre évident, et on envisagea des cartes avec des soldats des guerres napoléoniennes. L’idée du partage amena aussi à des naufragés sur une île déserte, puis à une variante de la même idée, des naufrageurs allumant des feux pour attirer sur des rochers les navires pris dans la tempête. Après bien des hésitations, bien des allers retours, c’est finalement ce dernier thème qui fut choisi.

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Le titre fut aussi difficile à trouver. Dilemma était trop technique et sans lien avec la thématique du jeu. Naufrageurs, ou son équivalent anglais Shipwreckers, ne convenait pas car il nous fallait quelque chose d’international. Nous avons pensé à quelques lieux célèbres pour avoir abrité, ou avoir été censé abriter, des naufrageurs. Nous avions trouvé Sark, une petite île au large de Guernesey, Penmarch, en Bretagne, et Nag’s Head, en Caroline du Nord, qui avait ma préférence. Ce sera finalement Dolorès, censé être le nom du navire pris dans la tempête, et qui a l’avantage et l’originalité d’être international sans être anglais.

Une fois l’univers choisi, il fallait trouver un illustrateur. Tom, qui s’était beaucoup amusé avec les meubles et  objets vintage des brocanteurs, n’était guère attiré par les naufrageurs. Je venais de découvrir les splendides illustrations de Raptor, et avançai le nom de Vincent Dutrait. Philippe fut d’abord réticent, parce que la Corée est un peu loin et qu’il préfère travailler avec des personnes, qu’il s’agisse d’auteurs ou d’illustrateurs, qu’il peut rencontrer physiquement. Il se laissa cependant convaincre après une discussion avec Vincent à la Gen Con d’Indianapolis, à l’été 2015.

La carte et le poing

Les premiers prototypes de notre jeu utilisaient des cadrans présentant les trois choix possibles, que nous avions baptisé Guerre, Paix et 1 et qui s’appellent finalement, dans les règles du jeu, partage, conflit et esquive. Simultanément, les deux participants au dilemme orientaient la flèche vers l’un des trois symboles, puis les deux cadrans étaient révélés simultanément. Cela aurait coûté un peu cher à fabriquer, et l’éditeur nous demanda donc si l’on pouvait remplacer ces cadrants par des cartes, portant les mêmes symboles. C’était un peu moins pratique, mais cela fonctionnait très bien aussi. Finalement, nous eûmes l’idée de remplacer les cadrans par rien du tout – ce qui est encore moins cher à produire que des cartes – et de jouer les dilemmes à la lanière de Pierre – Feuille – Ciseaux, le poing fermé signifiant « je veux tout », la main ouverte « on partage » et le pouce levé « je choisis une carte ».

C’est bien sûr cette solution, qui ne nous est venue que sur le tard, que nous avons choisie, pour trois raisons. D’abord, bien sûr, elle ne demande aucun matériel. Ensuite, la rencontre du dilemme du prisonnier et de Pierre-Feuille-Ciseaux, un jeu qui m’a toujours fasciné, a une certaine élégance. Enfin, comme je l’ai déjà expliqué dans un post précédent, il nous a semblé que les choix des joueurs, du moins lors des premières parties, étaient un peu différents, plus de guerre et moins de paix. Peut-être le geste du bras tendu pousse-t-il «naturellement » à l’agressivité, peut-être le fait de devoir prendre la décision en un instant, sans pouvoir hésiter ni revenir en arrière, nous pousse-t-il à des choix plus risqués. En tout cas, cela a donné au jeu un peu plus de dynamisme et de nervosité.

Pour le reste, le jeu a peu changé. Il y a une famille de cartes de moins que dans les premières versions et les valeurs ont été modifiées. Au tout dernier moment, nous avons ajouté quelques cartes action, baptisées « bouteille à la mer », que Vincent s’est amusé à dessiner à la manière de parchemins. En combinant les idées de Philippe et du nouveau Tom, celles d’Eric et les miennes, nous sommes arrivés à neuf cartes, ce qui est clairement un peu trop dans une partie. Après quelques marchandages (- 3 ! , – non 5 ! , – bon, allez, 4 ), nous avons décidé que la règle officielle serait d’ajouter aléatoirement quatre des neuf bouteilles à la mer dans le deck pour chaque partie.

Dolorès est ma première collaboration avec Eric Lang, mais je peux d’ores et déjà vous dire qu’il y en aura d’autres. C’est aussi mon premier jeu chez Lui-Même, la petite maison d’édition de Philippe des Pallières, pourtant mon ami depuis plus de vingt ans.

Dolorès
Un jeu de Bruno Faidutti et Eric M. Lang
Illustré par Vincent Dutrait

2 à 4 joueurs  – 15 minutes
Publié par Lui-même éditions
Ludovox      Vind’jeu      Tric Trac
      Boardgamegeek


dolores game

A tale of two prisoners

The story of H.M.S.Dolorès began at the 2013 Essen game fair. At breakfast, I hit it off with Eric Lang, whom I had already met on various game events, but with whom I had never seriously talked so far, in part because we didn’t seem to be working on the same kind of games. Of course, when two game designers meet, they talk of game design, their ideas, their regrets, their projects. I don’t remember which one first told he would like to design a game based in the prisoner’s dilemma, but the other one answered that he was thinking of it as well.

If you’ve never heard of the prisoner’s dilemma, which is frequently used in economics, especially when studying oligopolies, here is its seminal description by the mathematician Albert Tucker, in 1950 :

Two suspects of a crime have been arrested by the police, but the policemen lack sufficient evidence to convict them. The police questions them in two different rooms, and they are both offered the same deal: “if you betray your accomplice and he doesn’t betray you, you’ll be freed and he’ll spent 10 years in jail. If you betray him and he betrays you, you’ll both be jailed for 5 years. If you both remain silent, you’ll both be jailed for only 6 months”.
Both prisoners think on it, each in his own cell, considering what might happen depending on what their accomplices will do.

“If he tells on me:
If I keep quiet, I’ll spend 10 years in jail.
If I tell on him, I’ll do only 5 years.
If he doesn’t tell on me:
If I keep quiet, I’ll spend 6 months in jail
But if I tell on him, I’ll be free.”

If both prisoners rely on this same rationale, they will denounce each other, and will end being both jailed for 5 years. If they had both stayed silent, they could have been jailed for only 6 months. This shows that, if every actor rationally acts to maximize his satisfaction, the outcome is not the best possible. For those who had some maths, it is a Nash equilibrium but not a paretian optimum. 

So we decided to work on it together and, after some scribbles on the Atlantic napkin –no there is an Atlantic hotel in Essen, strange as it may seem  – we had a rough sketch for a card game. Every round involves two players, who must secretly decide if they accept half of a set of cards, or if they want all the cards. Of course, if everybody wants everything, no one gets anything.

In order for the game not to be repetitive, each player must be able to roughly estimate the value of each card for his opponent, and this value must vary from round to round, making the game less symmetrical than the original dilemma. This is why we designed a specific scoring system, where every player scores only the items of which he has the most and the fewest. For the same reason, making the game less pedestrian, we added a third choice, I want one card but I choose it first. We also tried to imagine dilemmas involving more than two players, but it didn’t work well. The true multiplayer generalization on the prisoners’ dilemma is the free-rider paradox, which I’ve used in an older game, Terra.

dolores proto

Collectors and shipwreckers

After only a few playtests, the game was working really well. Philippe des Pallières played it at my 2014 ludopathic gathering and, a few weeks later, I visited his castle to finalize the deal and discuss what was still lacking – a theme.

Our game, so far named Dilemma, was a pure abstract mechanism. I had used nice animal cliparts for the prototype, the same ones I’ve seen on so many other game prototypes, and I was vaguely telling my playtesters that the players owned zoos, like in Zooloretto, but it didn’t make any real thematic sense and didn’t convince anyone.

dolores need

Philippe’s first setting idea was kids sharing candies in the school courtyard, then vintage furniture collectors haunting garage sales. This setting was first decided for, and Tom Vuarchex even made a pretty mock-up with a plain sixties look. Unfortunately, no one else was really convinced by a graphic setting which lacked a clear storyline, so we had more brain stormings. The choice between the closed fist, war, and the open hand, peace, made for an obvious name – War and Peace – and we considered cards picturing soldiers from the Napoleonic wars. The idea of sharing the loot led to castaways, and then to a variation on the same idea, shipwreckers lighting fires on the rocky shore to lure ships lost in the storm. After lots of hesitations, we settled for this.

dolores shipwreckers

Finding a name for the game wasn’t much easier. Dilemma was too technical, too factual, and didn’t suggest the game theme. Shipwreckers sounded well, but Philippe wanted something international. We considered a few places known for having supposedly sheltered shipwreckers – a small Island near from Guernesey, Penmarch, in Britanny, and Nag’s Head, in Nort Carolina, which had my preference. We finally went for Dolorès, supposed to be the name of the ship lost in the storm, mostly because we liked the idea of a name that could be international without being in English.

The next step was to find an illustrator. Tom had had much fun making a mock-up with vintage furniture pictures, but was not really interested in shipwreckers. I suggested Vincent Dutrait, who had just finished working on Raptor. Philippe was first reluctant, because Vincent lives in Korea and he prefers to work with people he can actually meet, be they designers or illustrators. He was convinced after meeting Vincent in Indianapolis, at the 2015 GenCon

The card and the fist

Our first prototypes used dials. Simultaneously, both players involved in the dilemma had to point the arrow to one of the the three possible choices, Peace, Fight and First Pick. Then the two dials were revealed and the dilemma carried out. Since Philippe didn’t want the game to be too expensive, he asked Eric and me if we could replace the dials with cards. It also worked, though it was bit cumbersome. Then someone – I don’t remember who – thought of using rock-paper-scissors like hand gestures. Open hand means “let’s share the loot”, closed fist means “I want all the cards”, raised thumb means “I want first pick”.

This was an elegant solution, using no component, and merging the prisoner’s dilemma with a game which has always fascinated me, Rock-Paper-Scissors. As I have already explained in an earlier post, this had unexpected effects on the players’ decisions, at least in the first rounds. There were more fights and fewer peaceful agreements. I don’t know if this is because handing one’s fist at arm’s length “naturally” causes aggressive behaviors, or because having to decide at once, with no possibility of moving back, makes players take more risks. Anyway, we liked it because it made the game slightly more dynamic, and Philippe liked it also because it made it cheaper.

There has been few other changes in the game. There is one type of items fewer than in the first versions, and the card values have been modified. The last development was adding a few action cards, called “message in a bottle”, which Vincent had great fun drawing like on parchment. Merging ideas from Philippe, from the new Tom, from Eric and from me, we ended with nine cards worth keeping, which was too many for the game balance. After some bargaining (3! – no, 5! – OK, 4!) the final rule is that four random  “message in a bottle” cards are added to the deck for every game.

Dolorès is my fist co-design with Eric Lang, but stay tuned, since there will be more. It’s also my first game published by my good old friend Philippe des Pallières, of Lui-Même éditions.

Dolorès
A game by Bruno Faidutti & Eric M. Lang
Art by Vincent Dutrait

2 t 4 players  – 15 minutes
Published by Lui-même éditions
Boardgamegeek

dolores cardfan

Philippe des Pallières présente Dolorès

Dolorès est un petit jeu de bluff que j’ai conçu avec Eric M. Lang, et qui devrait sortir à la fin de l’été chez Lui-Même éditions.

C’est Philippe des Pallières, l’éditeur, qui raconte l’histoire du jeu sur Tric Trac.

Puis c’est le nouveau Tom qui explique les règles.

Puis c’est de nouveau Philippe qui fait une partie avec Guillaume et Phal.

H.M.S. Dolorès is a light bluffing game I’ve designed with Eric M. Lang. It will be published later this year by Lui-Même éditions – meaning Philippe des Pallières. Philippe and Tom present the game – in French – in these three videos – first the history of the game, then rules explanations, then a full three player game.

Festival des jeux de Cannes
Cannes game festival

Cannes - playmobil

Le salon du jeu de Cannes devient peu à peu un évènement ludique majeur. On y croise un peu les mêmes gens qu’à Essen ou Indianapolis, même s’ils sont encore un peu moins nombreux. J’avais un programme bien chargé cette année pour présenter dans le hall surpeuplé et bas de plafond mes jeux qui viennent de sortir (Raptor, 3 Singes, Warehouse 51), celui qui sortait tout juste sur le salon, Waka Tanka, et ceux qui sont en route pour une sortie prochaine, Dolorès et Fearz!.

Il y en a quelques autres dont je ne peux pas trop parler pour l’instant, et dont nous discutions plutôt dans les petits bureaux et salons à l’étage. Je n’avais amené que deux prototypes vraiment nouveaux à présenter aux éditeurs, mais ils semblent avoir plu.

Cannes - 3 singesCannes - 3 Singes - bannière

Cannes - Fearz - 2Cannes - Warehouse 51 - 2

Cannes - Raptor - Coralie Cannes - Argo

Waka Tanka, un jeu de bluff malin pour toute la famille, a été très bien accueilli. Mon ami David Cochard, l’illustrateur, était très occupé à peindre squaws et indiens tandis que je me contentais de signer les boites, ce qui prend moins de temps. Nous avons profité de ces quelques heures passées côte à côte sur le stand de Sweet November pour nous mettre d’accord sur un autre projet encore un peu secret.

David Cochard - Waka Tanka - 2Cannes - Waka Tanka

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Au coin de chaque allée du salon, je croisais Nobuaki Takerube, qui m’a semblé être partout. David l’a d’ailleurs croqué en Indien. Sans doute a-t-il aussi semblé à Tak que j’étais partout. J’ai aussi passé pas mal de temps avec mon ami Eric Lang, mais cela, c’était prévu, car nous avons pas mal de projets communs.

Cannes - FearzCannes - Dolorès

Cannes, c’est aussi les As d’or. Le fabuleux et original Mysterium, d’Oleg Sidorenko et Oleksandr Nevskij, jeu de déduction coopératif que je soutiens depuis ses débuts, a reçu le très mérité as d’or, tandis que Maître Renard, de Frédéric Vuagnat, recevait le prix enfant et Pandemic Legacy de Matt Leacock et Rob Daviau le prix expert des jeux un peu compliqués. Parmi les auteurs que je côtoyais, et avec lesquels j’ai beaucoup discuté les jours suivants, cette cérémonie a provoqué un certain malaise, avec des discours qui vantaient la qualité d’édition et la ligne éditoriale mais parlaient bien peu des auteurs et encore moins des jeux eux-mêmes. C’est une maladresse dont on espère qu’elle ne présage pas de l’évolution du monde du jeu et qu’elle sera donc corrigée l’an prochain. On retiendra un moment d’émotion lorsque Régis Bonnessée, sachant, lui,  mettre ses auteurs en avant, a lu la lettre de remerciements des auteurs ukrainiens de Mysterium, qui n’avaient pas pu faire le voyage.

mysterium maitre renard pandémie

Entre soirées et cocktails, je n’ai pu passer au “off” ou les auteurs connus et moins connus font tourner leurs jeux encore en construction que jeudi soir, après la cérémonie des as d’or. Je pourrai désormais me vanter d’être le premier auteur à s’être fait virer du off. Enfin, je ne me suis pas vraiment fait virer, mais le service d’ordre est venu interrompre après trois tours une partie de Kamasutra trop bruyante et qui aurait pu choquer certains joueurs – pas de cela chez nous!

Cannes - off - 1Cannes - off

Sans doute pour contrebalancer cet épisode et me redonner un petit vernis culturel, j’étais le lendemain à la soirée de lancement d’Ilinx, la société d’édition littéraire dédiée aux univers ludiques créée par mes amies Adèle Perché et Natacha Deshayes. C’est un projet ambitieux et risqué, qui mérite d’être soutenu.

Cannes - ilinxiello

Les quelques heures libres dans mon emploi du temps bien chargé ne m’ont pas permis de faire vraiment le tour du salon et de découvrir toutes les nouveautés, mais j’ai quand même écouté les rumeurs et ramené quelques boites. Voici donc les jeux qui m’ont semblé faire le buzz, du moins parmi les gens que j’ai croisés, qui n’avaient pas joué à tout et n’ont pas nécessairement les mêmes goûts que vous, ni même que moi

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Sinon, j’ai fait un peu de tourisme la veille du salon, et conseille vivement la visite du musée Picasso d’Antibes.


Cannes - playmobil

The Cannes game fair is now becoming a major boardgaming event. It’s not yet Essen or Indianapolis, but the people one meets in the alleys is more and more the same. I had a very busy schedule this year, and spent most of my time in the crowded and low-ceilinged hall showing my recently published games (Raptor, 3 Monkeys, Warehouse 51), the one that was published just for the fair, Waka Tanka, and those which are due very soon, Dolorès and Fearz! I also spent a few hours in the upper office rooms discussing a few ones I cannot talk about yet. I had brought with me only two new prototypes which I wanted to show to prospective publishers, and both raised some interest.

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Cannes - Fearz - 2Cannes - Warehouse 51 - 2

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Waka Tanka, a light bluffing game for the whole family, was very well received. My friend David Cochard, the illustrator of Waka Tanka, was busy painting pretty squaws and indians while i only had to sign copies, which takes much less time. The long hours we spent side by side on the Sweet November booth also led to a new common project… more about this in a few weeks.

David Cochard - Waka Tanka - 2Cannes - Waka Tanka

David Cochard - Waka Tanka - 1Cannes - Waka Tanka - 3.jpg

Round every corner, i was walking into Nobuaki Taketube, who seemed to be everywhere, and David also drew him as an indian. Tak probably also thought I was everywhere. I also spent lots of time with my friend Eric Lang, but this was less of a surprise, since we have some common projects.

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Cannes is also where and when the As d’or awards are bestowed. The highly original and fantastically fabulous Mysterium, by Oleg Sidorenko and Oleksandr Nevskij, a game I am praising and promoting since its very beginnings, deservedly got the As d’Or, while Master Fox, by Frédéric Vuagnat got the Children award, and Pandemic Legacy, by Matt Leacock & Rob Daviau got the expert award for more complicated games. The many game designers who were there, however, were feeling a bit uneasy. The speeches were always praising the quality of the game production or the consistency of the editorial line, but told very little about the game designers and even less about the game themselves. We all hope this doesn’t foretell the way the boardgaming world will evolve in the coming years, and next year’s speeches will be more balanced, but there are reasons to be concerned. There was a moving moment when Régis Bonnessée read a letter by the Ukrainian designers of Mysterium, who could not attend the fair.

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Every night, at the “off” festival, game designers can freely play their prototypes. With a heavy schedule of dinners and cocktail parties, I was there only once, on Thursday night, but I can now praise myself of being the first designer expelled from the Off. Well, I was not really expelled, but I was ordered by security to stop after three rounds of my Kamasutra game, which was too noisy and could be shocking for some of the audience.

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On Friday night, I tried to redeem myself and attended the launch party of Ilinx, the new book publishing company of my friends Adèle Perché and Natacha Deshayes. Ilinx, an intellectually ambitious project, plans to publish books about all the aspects of gaming.

Cannes - ilinxiello

I had too few and too short free slots in my schedule to play themany new games shown on the fair, but I tried to listen to the buzz. So, here are the games abiut which I’ve heard the most good things:

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Also, since I was in Cannes a day earlier, I went sightseeing, and  I strongly recommend the Picasso museum in Antibes.

Dolorès

Philippe des Pallières et le nouveau Tom racontent sur Tric Trac la longue histoire de Dolorès, mon premier jeu conçu avec Eric M. Lang – il y en aura d’autres. Ça commence à la 18ème minute, mais vous pouvez tout écouter, le reste est tout aussi intéressant.

In this long video – in French – Philippe des Pallières and the new Tom tell about all their projects, and mostly Dolorès, the first game I designed together with Eric M. Lang. There will be more.

Meeple Syrup
Chaos and Interaction

A fun and long discussion about Chaos and Interaction in games with Daryl Andrews, Sen-Foong Lim, Dylan Kirk from Meeple Syrup, and the only game designer I know who believes in God.

BTW, the doctor ordered me to place my computer screen as high as possible so that I have to raise my head to look at it, and as result the camera is pointing at my bald crown…. 

La carte et le poing
Fists and Cards

v315- grand chaman

Il est toujours tentant, surtout avec un jeu aux règles simples, de procéder à une modélisation mathématique. Le jeu sur lequel je travaille actuellement avec Eric Lang, largement basé sur le dilemme du prisonnier, s’y prête tout particulièrement…. et pourtant. Quelques expériences menées ces derniers jours montrent les limites de l’approche par la modélisation mathématique ou par le calcul stratégique.

dials

Assez régulièrement dans la partie, les joueurs doivent faire une choix tactique entre trois décisions que nous avons baptisées Paix, 1, et Guerre. Dans les prototypes qui ont servi à tous les tests, ce choix est effectué sur un cadran. Chaque joueur prend un petit cadran de carton et oriente la flèche vers le symbole de son choix, et les cadrans sont ensuite révélés.

cards

Les cadrans coûtant un peu cher à produire, nous mous sommes d’abord demandés s’ils ne pouvaient pas être remplacés par des cartes. Dans cette version, chaque joueur a trois cartes avec les symboles de la Paix, du 1 et de la Guerre. Chaque joueur choisit une carte, et les cartes sont révélées simultanément. Les joueurs trouvent cela un peu moins agréable à utiliser que les cadrans, mais cela fonctionne très bien, et statistiquement, les résultats obtenus sont les mêmes.

fists

Nous avons ensuite eu l’idée de supprimer tout matériel, et de procéder comme à Pierre / Feuille / Ciseaux, avec une main ouverte pour la Paix, un point fermé pour la Guerre, et un pouce levé pour le 1. En théorie, ce mécanisme est parfaitement équivalent aux deux autres. En pratique, il donne un feeling et des résultats un peu différents, plus de guerre et moins de paix. Peut-être le geste du bras tendu pousse-t-il «naturellement » à l’agressivité, peut-être le fait de devoir prendre la décision en un instant, sans pouvoir hésiter ni revenir en arrière, nous pousse-t-il à des choix plus risqués. En tout cas, on ne joue plus tout à fait de la même manière.

Cela m’a rappelé un article que j’avais écrit il y a quelques années, dans lequel j’expliquai la différence entre piocher une carte au début ou à la fin de son tour. Là encore, en théorie mathématique, cela ne devrait faire aucune différence, mais en réalité cela influe beaucoup sur le style du jeu.


v314-shaman

It’s always tempting to reduce a game to a mathematical model, especially with relatively simple games. The game I’m actually designing with Eric Lang, based on the prisoner’s dilemma, is a perfects candidate…. but a recent experience has shown the limits of a strategic or mathematical approach.

dials

Every round, players have to choose secretly and simultaneously between three possibilities, which we have names Peace, 1 and War (or sometimes Greed). In our first prototypes, players had cardboard dials, and had to point a plastic arrow to one of the three symbols for Peace, 1 and Greed before the dials were revealed simultaneously.

cards

Dials are expensive to produce, so we first tried to replace them with cards. Players have three cards with the symbols for Peace, 1 and Greed. Each player plays a card face down, then the cards are simultaneously revealed. It works, the results are more or less the same, but most players prefer dials.

fists

Now comes the real experience. Get rid of cards and dial, and play this à la Rock / Paper / Scissors. A closed fist means War / Greed, an open Hand means Peace, a thumb up means 1. Theoretically, this system is equivalent to the two former ones. When playing, however, the feeling is very different, and it seems that the results are slightly more aggressive, with more wars and less peace. May be holding one’s arm makes one agressive, may be the requirement to play fast, without hesitation, makes us less careful ? Anyway, it’s the same game, but it plays a bit differently.

This reminded me of an article I wrote a few years ago about the timing for drawing cards in card games – after one’s turn or before one’s turn. Once more, theoretically, there ought to be no difference, but in practice there is, and it makes games feel differently.