Cette abbaye tenue par les hospitaliers est une étape sur les chemins de Saint-Jacques. À votre arrivée, hier au soir, vous pensiez y trouver le calme et le repos. La découverte, au petit matin, du corps sans vie de frère Adelme, en contrebas du monastère, a rompu l’habituelle sérénité des lieux. Comment le jeune frère, aussi agile de pieds que d’esprit, a-t-il pu être entraîné dans pareille chute? Quelqu’un l’a-t-il aidé?
Mystère à l’Abbaye est un jeu d’enquête faisant part belle à l’intuition autant qu’à la déduction. Les joueurs enquêtent dans une abbaye médiévale, interrogeant moines et novices, feuilletant livres et parchemins, fouillant les cellules et le cloître. Dans une atmosphère recréée avec soin, le jeu est à la fois amusant, captivant et intense. Le matériel luxueux, l’interaction permanente entre les joueurs, le subtil jeu des questions, la dynamique de l’intrigue, font de Mystère à l’Abbaye un plaisir toujours renouvelé.
J’ai toujours été un grand joueur de Cluedo. Depuis longtemps, je rêvais de concevoir un jeu de déduction en “revisitant” le Cluedo comme mes amis de Ludodélire avaient revisité le Monopoly pour créer Supergang, comme j’avais moi-même exploité Risk et Civilisation pour faire La Vallée des mammouths.
La toute première version de ce jeu, dont il ne reste même pas une maquette, se déroulait dans un classique univers de polar. Dès la deuxième partie de test, un joueur suggérait de resituer le jeu dans un univers de science-fiction. Ainsi naquit La créature rouge avec un œil et huit tentacules. Les joueurs devaient retrouver la carte manquante en interrogeant leurs adversaires sur les cartes qu’ils avaient en main. Les questions étaient fermées, du type “combien as-tu de créatures vertes avec trois yeux et des antennes?”. Le jeu était certes intéressant, mais abominablement prise de tête, une sorte de mélange de Mastermind et de Cluedo – et j’ai découvert après coup qu’il ressemblait beaucoup au Sleuth de Sid Sackson. Je fis longtemps le tour des éditeurs avec une maquette sous le bras, pour m’entendre généralement répondre d’une part que ça ressemblait trop au Cluedo et au Master Mind et d’autre part que les jeux de science-fiction ne se vendaient pas. Je me résolus donc à reprendre le problème à l’origine, en ne gardant que le mécanisme de base des caractéristiques des suspects, qui me semblait bon.
Depuis longtemps aussi, je voulais collaborer avec Serge Laget, l’un des créateurs du regretté Gang des tractions avant. Je descendis donc le voir à Lyon, et nous eûmes une longue journée de brainstorming d’où il ressortit que le jeu devait se dérouler dans l’univers des “policiers médiévaux” très à la mode alors, sur un plateau représentant le monastère, où chaque pièce ou bâtiment permettrait des actions différentes. Nous nous quittâmes là-dessus, et ce fut la seule fois où nous avons effectivement travaillé ensemble, car chacun a ensuite gambergé de son côté. Craignant un peu le sérieux de Serge, grand joueur d’échecs et de 1830, je décidai d’introduire tant qu’il en était encore temps quelques éléments de chaos dans un système jusque-là bien réglé: ce furent les cartes qui tournent à chaque messe, les événements perturbant la sortie de l’office, et les questions ouvertes auxquelles on n’est pas tenu de répondre. Pendant ce temps, Serge Laget concevait le système de déplacement et le plan de l’abbaye, qui n’a quasiment pas changé entre la première maquette et la version finale.
Quelques coups de téléphone nous permirent de nous mettre d’accord, et chacun testa le jeu de son côté, avec ses équipes. Les maquettes firent le tour des éditeurs, et la version monastique excita bien plus leur curiosité que son ancêtre tentaculaire. Le jeu aboutit finalement chez MultiSim, un petit éditeur spécialisé dans les jeux de rôles.
La première version de Meurtre à l’Abbaye n’a pas été un franc succès. Il a fallu deux ans pour vendre les 3000 misérables boites françaises de la première édition, qui n’a jamais été traduite en anglais ou en allemand, et ce n’est qu’après que les collectionneurs ont commencé à me proposer des prix délirants pour un jeu dont je n’avais plus une boite.
Cet échec a sans doute plusieurs raisons. L’éditeur, Multisim, n’avait pas le réseau commercial adapté à ce genre de jeu, plus grand public que ses jeux de rôles. Les jeux de déduction, peut-être parce qu’ils sont peu nombreux (et ils sont peu nombreux parce qu’ils sont difficiles à concevoir), sont méconnus et méprisés des joueurs, qui les assimilent d’office au Cluedo (et si Meurtre à l’Abbaye est, par certains côtés, une parodie du Cluedo, ce n’est en aucune façon un clone de celui-ci). Si la maquette était assez réussie, l’éditeur, plus habitué à publier des jeux de cartes ou des jeux de rôles que des jeux de société, ne parvint qu’à produire une boite de jeu assez cheap, avec un plateau en carton souple et de vilains pions en plastique, et le tout pour un prix clairement trop élevé. En outre, Meurtre à l’Abbaye est paru alors que tous les joueurs – moi le premier – dépensaient toute leur fortune en cartes Magic.
Bref, un bon jeu sorti au mauvais moment, chez le mauvais éditeur et présenté maladroitement. Ce jeu méritait donc une seconde chance. Ayant récupéré les droits, je l’ai de nouveau proposé régulièrement à tous les éditeurs français et allemands, pour m’entendre répondre que ça ressemblait trop au Cluedo, que les jeux de déduction ne se vendaient guère, que publier un jeu à thème religieux pouvait exposer à de graves ennuis, et caetera.
Début 2002, alors que je n’y croyais plus guère, j’étais pourtant contacté par un franco-américain, Éric Hautemont, désireux de monter une nouvelle société d’édition de jeux de société, Days of Wonder, et qui, d’emblée, s’est montré intéressé par Meurtre à l’Abbaye. Serge, Eric et moi nous sommes rapidement entendus pour préparer une nouvelle version du jeu, avec de nombreux aménagements et clarifications des règles, mais sans aucun changement majeur.
Politiquement correct oblige, le jeu s’appelle désormais Mystère à l’Abbaye – mais c’est toujours d’un meurtre qu’il s’agit. C’est le même Cyrille Daujean, qui avait déjà réalisé la maquette de la première version, qui a également conçu la deuxième – mais avec un budget bien plus conséquent, ce qui a permis de faire appel à deux illustrateurs – Julien Delval (Citadelles, Aux Pierres du Dragon…) et Emmanuel Roudier (Castel, l’Or des Dragons). Meurtre à l’Abbaye, avec son plateau en carton fin, ses cartes en noir et blanc, ses pions et ses dés en plastique, est devenu Mystère à l’Abbaye, avec son superbe plateau de jeu, ses pions en “résine de pierre” (ça, c’est un concept!), sa clochette pour sonner la messe. Days of Wonder a en effet fait le choix de produire des jeux assez chers, certes, mais luxueux – car un beau matériel ajoute beaucoup au plaisir du jeu.
Cette seconde édition s’est fort bien vendue, suffisamment même pour que les gens de Days of Wonder se disent que les jeux d’enquête étaient, finalement, un bon créneau, d’autant que la concurrence y restait assez rare. C’est avec Antoine Bauza que mon compère Serge Laget a cette fois conçu Mystery Express, un jeu de déduction dans une ambiance très Agatha Christie, dont l’action se déroule dans l’Orient Express. Mystery Express est aussi un lointain cousin du Cluedo, mais plus sophistiqué, plus exigeant. C’est un jeu que j’apprécie vraiment, mais il était peut être trop complexe, trop sérieux et n’a pas eu le même succès commercial que Mystère à l’Abbaye. Days of Wonder a cependant voulu lui donner sa chance en ne réimprimant pas tout de suite son prédécesseur. Ils s’y sont finalement résolu, ce dont je ne peux que me réjouir – même si je regrette le relatif échec de Mystery Express.
Mystère à l’Abbaye
Un jeu de Bruno Faidutti et Serge Laget
Illustré par Emmanuel Roudier et Julien Delval
3 à 6 joueurs – 120 minutes
Publié par Days of Wonder (2003)
Ludovox Tric Trac Boardgamegeek
The peaceful Templars’ Abbey is a rare haven of tranquility for road weary travelers. And so you found it when you arrived late last night. That serenity was shattered this morning with the discovery of the lifeless body of Brother Adelmo at the foot of the Monastery’s cliffs. Did the usually nimble-footed Brother slip to his death? Or did someone help him in his fall?
Mystery of the Abbey is a new kind of “whodunit” game of deduction and intuition, set in a medieval abbey. Players compete and collaborate to solve the mystery by moving through the Abbey’s beautifully rendered board and questioning their brethren. Gameplay is in turn fun, captivating and tense; the atmosphere, vivid; the immersion, complete. Top notch components, constant interactivity between the players, intelligent questioning and dynamic intrigue make Mystery of the Abbey the game of choice for an hour of fun with friends and family alike.
I’ve always liked to play Clue and, for a long time, wanted to design a whodunnit game, a sort of “Clue revisited”, just as my friends at Ludodélire had revisited Monopoly to create Supergang, as I myself had explkoited Risk and Civilization to make The Valley of the Mammoths.
The very first version of the game, of which all that remains is a mock-up, took place in a classical thriller setting. From the second game, a player suggested to resituate the game in a science fiction world. Thus was born “The Red Creature with one eye and eight tentacles”. The players had to find the missing card by asking their opponents what card they had in their hands. The questions were closed, of the type “how many green creatures with three eyes and antennas do you have?”. The game was certainly interesting, but a little processional and abominably irritating, a sort of cross between Mastermind and Clue – and I later found out that it was also very similar with Sid Sackson’s Sleuth, that I didn’t know at this time. For a long time, I made a tour of the publishers, mock-up under one arm, only to hear eiter that it looked too similar with Clue or master Mind, either that science fiction games didn’t sell. I resolved to take this problem back to its origin, only keeping the basic mechanism of the characteristics of the suspect, which seemed to be good, and trying to make the game more dynamic.
For a long time, I wanted to work together with Serge Laget, one of the creators of the lamented Gang des Tractions. I went down to see him in Lyon, and we spent a long day brainstorming and out of this emerged that the game should be set in the world of mediaeval whodunnits, which were much in fashion at these times, on a board representing a monastery where each room in the building allowed a different action. We left each other at that, and this was the only time that we effectively worked together, because afterwards each of us pondered over the game separately. Fearing that Serge would be a little on the serious side, great player of Chess and 1830 that he is, I decided to introduce, whilst there was still time, some elements of chaos into a system which until then was very orderly: these were the cards which turned at each Mass, events which disrupted exit from the church and the possibility of open questions and declining to answer. During this time, Serge Laget developed a system of movement and the map of the abbey, that hardly changed between the first mock-up and the final version.
Several telephone calls – emails were not such usual in these times – allowed us to reach agreement and each of us tested the game from our own side with our own team. The mock-ups did the round of the publishers and the monastic version excited them much more than its tentacled ancestor. The game ended at Multisim, a small rpg publisher who had shown an early interest in it.
The first edition of Murder at the Abbey was a flop. Two years were necessary to sell the 3000 copies of the first and only french print run, and there has been no german or english language edition. Soon after the game went out of print, however, collectors started to offer incredible prices for it, but I had only two boxes left, and intended to keep them.
There are many reasons to this flop. First, the publisher, Multisim, didn’t have the commercial network for such a game, targeted at a much larger audience than their role playing games. Second, whodunnit games, probably because there are very few of them (and there are few of them because they are really difficult to design) are despised by many players, who believe they are all Clue-clones (and Murder at the Abbey is in part a Clue-parody, but it’s definitely not a Clue-clone). Third, if the graphics were nice, the game components were not first rate, since the publisher had no exeperience in publishing boxed boardgames, and the price was far too high for such a cheap-looking game. Last but not least, Murder at the Abbey appeared at a time when most players – including me – were spending all their hard-earned money in Magic cards.
All in all, a good game published at the wrong time, in a wrong edition and by the wrong publisher. This game deserved a second chance. I got the rights back, and started again submitting it to all french and german publishers, and always heard the same answers: it looks too much like Clue, whodunnit games don’t sell, publishing a game with a religious theme is too dangerous, et caetera.
In the first weeks of 2002, when I had nearly given up hope, I received a first email from a french-american guy, Eric Hautemont, who wanted to start a new game publishing company, Days of Wonder, and was already interested in this game, based on what he had heard about it. Serge, Eric and I soon made an agreement for a new version of the game, with many minor improvements and adjustments in the rules, but no major change.
Because of political correctness, the game will now be called Mystery of the Abbey – though it still deals with solving a murder case. The graphic design was made by the same Cyrille Daujean who had already made the first edition – but with a much bigger envelope for hiring illustrators. These are Julien Delval (Citadels, Fist of Dragonstones) and Emmanuel Roudier (Castle, Dragon’s Gold). Murder at the Abbey, with its light cardboard board, its plastic pawns and dices, its black and white cards, has become Mystery of the Abbey, with its wonderful map-like board, its “stone resin” (what a concept) monk figures, its bell for calling to mass. The policy of Days of Wonder is indeed to produce games with top-notch components, even when this means that they can be a bit expensive. I think they are right in doing this, and I hope you all think the same.
This second edition sold really well. It sold so well indeed that the Days of Wonder team thought that Whodunnit games were, after all, a profitable market niche with very little competition. So, they decided to publish a second one, Mystery Express, a deduction game designed once more by Serge Laget but, this time, with the help of Antoine Bauza. The setting and characters remind of Agatha Christie’s novels, the action taking place aboard the Orient Express railway. Like Mystery of the Abbey, Mystery Express is a distant cousin of Clue / Cluedo, but it’s a more sophisticated one. I like it a lot, but it was probably too serious, too demanding for most gamers, and it didn’t sell as well as Mystery of the Abbey. Days of wonder really tried to push it, and decided not to reprint its predecessor for a while. After having been out of print for several years, Mystery of the Abbey is now back in stores. I’m glad of it, of course, even when I regret that Mystery Express made a relative flop.
Mystery of the Abbey
A game by Bruno Faidutti & Serge Laget
Graphics by Emmanuel Roudier & Julien Delval
3 to 6 players – 120 minutes
Published by Days of Wonder (2003)
Boardgamegeek
Ciao Sergio,
About Capitulum Location and Revelations,
revelations are weak. Two right revelations still lose to the right accusation (due to the tie-breaking rule) and if you’re able to make three right revelations you should know the assassin. If you try random revelations your chances to get 6 points are as low as 12,5%… not reliable (and not fun). Go to the Capitulum only for the accusation.
If there is no point in making revelations then there is no point such an option is present in the game. Instead, i suggest one thing to recover from the tie 4 vs 4 points when a correct accusation is done.
When someone is about to accuse, if there is another player that has made 2 revelations he can SECRETLY make an accusation. If his 2 revelations (2+2) and his secret accusation is correct , he gains +1 point of being able to guess who murdered Adelmo. So in this particular case there won’t be a tie but a 5-4 in favor to the revelation strategy guy.
This will make more sense. Since you practically loose turns by doing revelations to earn points I think is fair to apply this rule. He still won’t be sure 100% who the murder is but gives him a chance (remember, if his 2 rev are correct too) to win. It also make the player who’s going to the capitulum to accuse without previously revelations made be scared to do it, and he might want to do just one revelation before to be sure to earn 6 total final points.
Note: if you are doing revelations I’ll suggest to go for that way (since you ‘ll gather less infos too due to turns spent to reach the capitulum) ! I think who’s going for this strategy should aim to do 3 correct revelations always. That will be the best way to earn 6 points and it’s a pretty solid base to win. If you do 2 revelations and then just spend your time to figure out who’s the murdered you might don’t do that in time. Instead, trying to find out 3 correct revelations its easiest.
Whops, i meant Bruno 🙂