Castel, encore et encore
Castle, again and again

L’éditeur qui devait publier la nouvelle édition de Castel a donc décidé de renoncer à ce projet, ne se sentant pas soutenu par les auteurs – enfin, surtout par moi. De mon côté, je ne me suis jamais senti écouté, ce qui explique que j’ai exprimé ma frustration sur ce site, peut-être de façon un peu brutale.

Dès le début, nos relations ont été très difficiles. Il aurait sans doute été plus sage de laisser tomber plus tôt, mais nous avions décidé de continuer malgré nos désaccords. Depuis les premiers problèmes, l’éditeur s’est en effet beaucoup investi dans ce jeu, et a finalement fait faire de chouettes illustrations par un illustrateur sympathique et talentueux, Mihajlo Dimitrievski. Au point où nous en sommes arrivés, tout abandonner sur un coup de colère me semble la plus mauvaise des solutions pour tout le monde, et j’espère encore que Ludicreations reviendra sur sa décision.

En trente ans, j’ai réussi à ne presque jamais me fâcher avec mes éditeurs, au nombre pourtant d’une cinquantaine. Même lorsque les choses étaient compliquées, même lorsqu’un éditeur prenait des années de retard dans la sortie d’un jeu, même lorsqu’un éditeur me devait pas mal d’argent, même lorsqu’un éditeur buggait gravement la production d’un jeu – et tout cela m’est arrivé – je suis parvenu à maintenir des relations sinon amicales, du moins très courtoises. Ce n’est que la deuxième fois que je me fâche avec un éditeur – la première fois, c’était il y a vingt ans, avec Multisim, le premier éditeur de Citadelles.

Je déteste en arriver au clash, je déteste me faire des ennemis, et j’espère qu’il est encore temps de revenir en arrière et d’arranger les choses. On va encore garder le jeu au chaud quelques mois dans l’espoir que Ludicreations revienne sur sa décision. Je demande donc aux quelques autres éditeurs qui avaient récemment fait part de leur intérêt pour ce jeu d’attendre encore un peu.


The publisher who was supposed to publish a new edition of Castle this fall has decided to give up, because he felt he wasn’t supported by the designers – and specifically by me. On the other hand, I felt I was never listened to, and this might explain why I expressed my frustration on this website – may be in a too harsh and direct way.

Relations were difficult from the very beginning. It might have been wiser to give up earlier, but we decided to go on despite our misunderstandings. Since these first problems, the publisher invested much money, time and energy in this game, and even finally hired a nice and talented artist, Mihajlo Dimitrievski, to make the graphics. After going that far, giving up on a whim is probably the worse solution for everybody, and I still hope that Ludicreations will reconsider its decision.

I’m designing games for thirty years, and have worked with about fifty different publishers, but so far I almost managed to  never fall out with any one of them. Even when things were intricate, when a publisher was falling years behind for publishing a game, when a publisher owed me years of royalties, when a publisher seriously bugged the production of a game – and all this did arrive – I kept friendly, or at least courteous relations with them. It’s only the second time I fall out with a publisher, the first one being twenty years ago with Multisim, the first publisher of Citadels.

I hate clashing with people I work with, I hate making new enemies, and I hope it’s still time to move back and try to set things right. We’ll keep the game in waiting for a few months, hoping Ludicreations will change his mind. If they don’t, we’ll contact again next year the few publishers who recently showed an interest in it, but I still hope it won’t get that far.

Des châteaux en Russie
Castles in Russia

Castle

Castel, dont les éditions française, anglaise et allemande sont épuisées depuis de longues années, vient d’être publié en Russie, chez Hobbyworld. Si cela donne à certains l’idée de le ressortir par chez nous, pas de problème, Serge et moi sommes prêts à en discuter.

Korolevskiy_dvor_2

Castle is out of print in French, English and German for years but it is now, thanks to Hobbyworld, available in Russian. May be this will sold to someone the idea of making a new edition somewhere here. Serge and I are open to discuss any proposal.

 

Histoire de deux cités
A Tale of Two Cities
Chronica sive historia de duabus civitatibus

Le prototype de Castel
Castle prototype

Le prototype de Citadelles
First Citadels prototype

Nous étions en hiver, et j’habitais encore à Paris. Un soir, au téléphone, je causais avec Serge Laget, l’ami lyonnais avec lequel j’avais conçu Meurtre à l’Abbaye. Pour ce jeu, nous avions travaillé chacun de son côté, testant avec des équipes différentes, et faisant un usage intensif de la poste et du téléphone pour rendre compatible ses réflexions tactiques compatibles avec mes délires chaotiques. Pourquoi ne pas reprendre une formule qui avait si bien réussi? Quelques heures, et quelques coups de téléphone plus tard, un nouveau projet – bientôt baptisé Citadelle (sans s) – était né. Les bases semblaient claires: il y aurait, dans un univers médiéval, des cartes représentant des lieux (château, tour, auberge…) et d’autres figurant des personnages (roi, magicien, princesse…), ces derniers permettant au joueur d’effectuer diverses actions (le roi commande et lève des impôts, le magicien échange des cartes, la princesse séduit…). C’est donc le thème qui était premier et non la mécanique, et cela explique peut-être le demi échec – ou le double succès – qui allait suivre.

Chacun réalisa quelques cartes et fit quelques premières parties avec ses amis. Mais au téléphone, il devint vite évident que Serge ne comprenait plus bien ce que je faisais, et que je ne comprenais plus bien ce qu’il faisait. Rien de grave, pensions-nous, nous allions facilement mettre tout cela en commun puisque, en avril, nous devions nous retrouver à mes rencontres ludopathiques. Entretemps, mon jeu prit forme plus rapidement que prévu. Les premiers tests étant concluants, une version presque définitive fut vite achevée. Cyrille Daujean, enthousiasmé, conçut une superbe maquette, qui allait rester presque inchangée jusqu’à la version finale, et parvint à convaincre ses voisins de Multisim de s’engager dans la publication du jeu. Frank Branham traduisit Citadelles en anglais et emmena sa maquette au Gathering of Friends d’Alan Moon, où elle rencontra un succès d’estime qui me valut un abondant courrier et quelques propositions d’éditeurs allemands.

Lorsque je retrouvai Serge à Étourvy, en avril 99, nous ne pûmes que constater ce que nous avions déjà pressenti: nos deux jeux n’avaient rien à voir. C’était un peu comme si, ayant décidé de travailler tous deux sur les courses automobiles, j’avais créé le Mille Bornes et lui Formule Dé. J’avais huit cartes personnages et soixante lieux, il avait cinq lieux et soixante personnages. À quoi bon tenter une impossible synthèse puisque mon Citadelles – un jeu de bluff – fonctionnait fort bien et que celui de Serge – plus tactique – semblait plein de promesses. Trop occupé à faire des bises, servir des zakouskis et ramasser des bouteilles de bière vides, je ne trouvais pas le temps d’essayer son jeu durant le week-end. Le dimanche soir, je lui laissai donc une maquette de mon jeu, et repartai avec le sien pour l’étudier de plus prêt.

Les premiers tests montrèrent que, si sa piste valait bien la mienne, son jeu avait encore des lenteurs, et menait trop souvent à des situations de blocage. Le Citadelles lyonnais, avec ses 60 cartes ayant toutes des effets différents, demanderait infiniment plus de réglages que le Citadelles parisien avec ses huit personnages. Le jeu était très prometteur, et profondément original, mais il avait besoin d’un regard neuf et c’est moi qui procédai, sur une mécanique inchangée, aux réglages définitifs. Le Donjon disparut, beaucoup de personnages acquirent des pouvoirs nouveaux, de nouvelles restrictions au placement firent leur apparition pour permettre des combinaisons de cartes. Je m’aperçus bientôt que je ne jouais plus guère à mon Citadelles et que celui de Serge, que j’avais tellement modifié était un peu devenu le mien. Cette fois, nous parvinmes à travailler en commun pour “finaliser le produit”. Le jeu séduisit Henri Balczesak, de Jeux Descartes, et le contrat fut bientôt signé, sans que le jeu – qui ne pouvait pas s’appeler Citadelles – ait trouvé de nom. Camelot était déjà pris et Tintagel semblait une marque de lessive. Forteresse faisait un peu lourd. Ce fut finalement Castel, un terme français un peu vieillot pour château.

Et voilà comment je me suis retrouvé à publier, presque simultanément, deux jeux sur le même thème, avec des traitements graphiques similaires, mais aux mécanismes totalement différents. Citadelles est, fondamentalement, un jeu de bluff et de psychologie. Castel est un jeu de tactique et de combinaisons de cartes, qui n’est pas sans rappeler certains jeux de cartes à collectionner. La première année, c’est Castel qui s’est bien vendu, tandis,que Citadelles peinait à trouver son public. Puis Castel à disparu avec son éditeur, tandis que Citadelles devenait un succès mondial, traduit en une trentaine de langues et vendu à plus de deux millions d’exemplaires. Cela aurait sans doute pu être l’inverse.

Castel
Un jeu de Bruno Faidutti & Serge Laget
Illustré par Emmanuel Roudier

2 à 5 joueurs – 45 minutes
Publié par Jeux Descartes (2000)
Tric Trac    Boardgamegeek

Citadelles
Un jeu de Bruno Faidutti
Illustré par Julien Delval, Florence Magnin, Jesper Eising, Didier Graffet, Jean-Louis Mourier

2 à 8 joueurs – 30 à 60 minutes
Publié par Ubik, Hans im Glueck, Fantasy Flight Games , etc… (2000)
Tric Trac    Boardgamegeek


 It was wintertime and I was still living in Paris. One evening I was chatting on the phone with Serge Laget, the friend from Lyon with whom I’d invented Murder in the Abbey. For that game weíd each worked on our own, playtesting with different groups of people and making extensive use of the mail and the phones, in order to integrate his thoughts about tactics with my passionate ravings. Why not revive a formula that had been so successful? Several hours and a few phone calls later, a new project–soon christened Citadelle (without the s)–was born.The premise seemed clear: there would be a medieval world made up of “place” cards (castle, tower, inn …) and “character” cards (king, magician, princess …); the latter would allow players to accomplish various actions (the king could impose and collect taxes, the magician could switch cards, the princess could seduce …). Thus it was the theme that was dominant and not, as in Murder in the Abbey, the mechanics of the game-play; and that may explain the semifailure–or double success–that was about to follow

We each came up with some cards and had a few preliminary game-testing parties with friends. But over the phone it quickly became clear that Serge no longer had a clear idea of what I was doing and I no longer had a clear idea of what he was doing. No problem, we thought; we could easily get ourselves back on the same track since in April weíd be together at my Ludopathic Gathering (my very own little private game convention).In the meantime, my game took form more quickly than anticipated. After conclusive game-testing, a nearly final version was completed. Cyrille Daujean, with much enthusiasm, came up with a superb prototype that remained almost unchanged right up to the final version, and he managed to convince his friends at MultiSim to come out with the game. Frank Branham translated Citadelles into English and brought his version to Alan Moonís Gathering of Friends, where it was given a warm reception that brought me a great deal of mail, and a great interest from some german publishers.

When I got together with Serge in Etourvy in April ’99, we had to admit what we’d already suspected: our two games had nothing to do with each other. It was as if, both of us having decided to work on car racing games, I had created Mille Bornes and he Formula De. I had eight character cards and 60 locations, he had five locations and 60 characters. Why bother attempting an impossible synthesis, given the fact that my Citadelles–a bluffing game–was working quite well and Serge’s–more tactical– seemed full of promise. Too busy pecking cheeks, serving hors d’oeuvres, and cleaning up empty beer bottles, I never found time to try his game during the weekend. So Sunday evening I left him a sample of my game and headed home with his, to study it up close.

The initial tests showed that, although the trip around his game board was as interesting as mine, his game still had some snags that caused it to bog down too often and end up in gridlock. The Lyonnais Citadelles, with its 60 cards all with different abilities, would need considerably more tweaking than the Parisian Citadelles with its eight characters. The game was very promising, and extremely original, but it needed a new look; while keeping the same basic strategy, I did the necessary fine-tuning. The dungeon disappeared, many characters acquired new powers, and new restrictions on placement appeared, allowing cards to be combined. I soon noticed that I was hardly playing my Citadelles anymore; I had adopted Serge’s, and I’d modified it so much it had sort of become mine. This time, though, we managed to work together to come up with the final product. The game attracted Henri Baczesak, of Jeux Descartes, and the contract was soon signed, although the game–which we couldn’t call Citadelles–didnít yet have a name. Camelot was already taken, Tintagel (King Arthur’s birthplace) sounded like a brand of laundry detergent; and Fortress seemed a little heavy. Finally, it became Castel, a somewhat old-fashioned French word for castle – and Castle in English.

That’s how I found myself publishing, almost simultaneously, two games on the same theme, with similar graphics, but mechanically entirely different. Citadels is, fundamentally, a bluffing and double guessing game. Castle is a game of tactics and card combos, somewhat reminiscent of collectible card games. In the first year, Castle was the best seller, but it then disappeared together with its publisher, Jeux Descartes. Then Citadels became a world hit, with more than two millions copies sold in two dozens different languages. I can’t help thinking it could have been the reverse.

Castle
A game by Bruno Faidutti & Serge Laget
Art by Emmanuel Roudier

2 to 5 players – 45 minutes
Published by Jeux Descartes (2000)
Tric Trac    Boardgamegeek

Citadels
A game by Bruno Faidutti
Art by Julien Delval, Florence Magnin, Jesper Eising, Didier Graffet, Jean-Louis Mourier

2 to 8 players – 30 à 60 minutes
Published by Ubik, Hans im Glueck, Fantasy Flight Games , etc… (2000)
Tric Trac    Boardgamegeek

Castel
Castle

Au château, il n’y a pas de place pour tout le monde. Il va donc falloir jouer serré pour y installer tous les personnages – les cartes – que vous avez en main. Heureusement que chacun d’eux dispose d’un pouvoir particulier qui, utilisé judicieusement, doit lui permettre de se faire une place et de s’incruster. Mais vos adversaires ont des personnages tout aussi puissants que les vôtres. Ils peuvent même éjecter ceux que vous avez réussi à caser… Une sacrée bousculade en perspective!

Les cartes de Castel ont toutes des effets différents, ce qui en fait un jeu de combinaisons dans lequel il ne faut pas laisser passer la bonne occasion. Les aller-retours des cartes entre les mains des joueurs et le plateau de jeu modifient sans cesse la physionomie du jeu.

C’est à la fin des années quatre-vingt dix, quand la folie de Magic the Gathering avait envahi le monde du jeu, que Serge et moi avons conçu Castel. Si Castel n’est pas un jeu de cartes à collectionner, c’est néanmoins un jeu de combinaisons, avec des cartes presque toutes différentes dont les effets s’entremêlent, se combinent, se répondent pour permettre des coups pendables et des retournements de situation inattendus. Avec Castel, nous voulions faire un jeu tactique varié et dynamique procurant les mêmes sensations et la même variété que les jeux à collectionner comme Magic, mais sans demander le même investissement en temps et en argent. La preuve que nous avons réussi est que, depuis, nous n’avons cessé d’imaginer de nouvelles cartes pour renouveler le jeu. Une nouvelle version de ce jeu, avec plus de cartes, plus d’effets, plus d’action, plus de personnages est à la recherche d’un éditeur.

Castel
Un jeu de Bruno Faidutti & Serge Laget
Illustré par Emmanuel Roudier

2 à 5 joueurs – 60 minutes
Publié par Jeux Descartes (2000)
Tric Trac    Boardgamegeek


In the courtyard, there’s not enough place for all who want to get in. You’ll have to make place to play all the character cards in your hand. Happily, each character has some special ability that, if judiciously used, may help him to find a place and to keep it. But beware, your opponent’s characters are as powerful as yours, and may even eject those that you already managed to place.

All cards have different abilities, and Castle is a cunning placement and card-combination game, in which you must grab every opportunity. The various cards, coming from the player’s hands to the virtual board, and back, make it very dynamic. 

Serge and I designed this game in the late nineties, when, like all our friends, we were mostly playing Magic the Gathering. Castel is not a collectible card game, but it feels a bit like one, and this deliberate. It’s all about card combos, about various card effects interacting in dozens of different ways, allowing for unexpected turnarounds and comebacks. We wanted to nasty design a stand-alone game with all the fun, the chaos and the variety  of CCGs. We did it and, ten years after it was first published, we are still eventually discussing new card ideas. The new version of Castle, with more cards, more action, more characters, more variety is now looking for a publisher.

Castle
A game by Bruno Faidutti & Serge Laget
Art by Emmanuel Roudier
2 to 5 players – 60 minutes
Published par Jeux Descartes (2000)
Boardgamegeek