Il y a tout juste vingt ans, en 2002, après avoir sympathisé avec Éric Hautemont, je signais coup sur coup pour quatre jeux, Mystère à l’Abbaye (avec Serge Laget), Aux Pierres du Dragon (avec Michael Schacht), Le Collier de la Reine (avec Bruno Cathala) et Terra chez un éditeur qui n’existait pas encore, Days of Wonder. C’était un pari, au feeling, que je n’ai jamais regretté, même si les jeux ne sont aujourd’hui plus édités, ou plus par Days of Wonder. Vingt ans plus tard, j’ai fait le même pari, au feeling, en signant pour quatre jeux avec un nouvel éditeur américain, Trick or Treat Games. Le premier, Trollfest (avec Camille Mathieu) vient de sortir, et je ne peux pas encore en dire plus sur les autres, deux remakes de petits jeux de cartes déjà anciens et un gros jeu plus ambitieux et original.
Trick or Treat Studios est une compagnie déjà ancienne, créée il y a une douzaine d’années en Californie par Chris Zephro. C’est devenu l’un des leaders américains du marché des déguisements horrifiques, des gadgets inquiétants, des masques et costumes de Halloween et des trucs à collectionner – et aux Etats-Unis, ce n’est pas un petit marché. Les professionnels du jeu qui se sont aventurés dans le hall des monstres et des costumes ont donc peut-être croisé l’équipe de Trick or Treat à Nuremberg.
Un peu surpris de voir une boite déjà bien installée, sur un créneau qui a l’air de bien tourner, s’intéresser au marché déjà un peu encombré du jeu de société, j’ai donc interviewé Chris Zephro, via Skype, pour en savoir plus sur ses projets et ses motivations. Et comme je déteste les videos et podcasts qui durent des heures et que l’on ne peut pas vraiment lire en diagonale en cherchant ce qui nous intéresse, je vous en fais un résumé par écrit.
Chris, qui était au lycée avec l’un des fils de Gary Gygax, est tombé très jeune dans le jeu de rôles, puis dans le jeu de société, et a chez lui une collection de près de 2000 jeux. Les thèmes fantastiques et horrifiques de ses productions se prêtent bien à des adaptations ludiques qui pourraient aisément être vendues sur les mêmes sites webs et dans les mêmes boutiques. Cela fait donc bien longtemps que l’idée d’une gamme de jeux de société titillait Chris et son équipe, David, Jody, Justin et quelques autres. Comme beaucoup de gens dans beaucoup de domaines, ils ont « profité » des années de crise sanitaire pour se lancer. Ils ont contacté des auteurs connus – Eric Lang, Richard Garfield, Tom Lehmann, Emerson Matsuuchi, et bien sûr Bruno Faidutti, sans quoi je ne serais pas en train d’écrire cet article – mais ont aussi fait le tour des quelques bonnes idées qui traînaient dans leur entourage. Ils ont en outre repris les droits d’un certain nombre d’excellents jeux d’un éditeur sympathique malheureusement récemment obligé de mettre la clef sous la porte – je ne pense pas avoir encore le droit de dire qui et quels jeux. Pariant sur des auteurs de jeux connus, des thèmes fantastiques et horrifiques, des illustrateurs expérimentés venus du monde des comics et de l’horreur et peu connus des joueurs, et un réseau de distribution original qui ne les empêche bien sûr pas de vendre aussi par des réseaux plus classiques, Chris pense que Trick or Treat peut se faire une place dans le monde en forte croissance mais néanmoins assez encombré du jeu de société.
Les trois premiers jeux de Trick or Treat Games, trois grosses boites carrées au look aussi effrayant que rafraichissant, arrivent ces jours-ci en boutique. Dans World Z League, de David Gregg, illustré par Dug Nation, les joueurs tentent de résister à des hordes de zombies affamés avec pour seul moyen de défense le tir à l’élastique. Dans Blood Orders, conçu par l’un des employés de Trick or Treat, Nick Badagliacca, les joueurs sont des vampires tentant de prendre le contrôle de la cité et de ses habitants. Dans Trollfest, que j’ai conçu avec Camille Mathieu et dont je parle plus longuement ici, chaque joueur est l’impresario d’un groupe de rock dans un univers médiéval fantastique. Blood Orders et Trollfest sont tous deux illustrés par un vieux complice de l’équipe de Trick or Treat Games, David Hartman, surtout connu dans le monde de l’animation mais qui s’est bien amusé à dessiner quelques cartes. Une dizaine d’autres jeux sont prévus dans l’année qui vient, la plupart mais pas tous dans les univers fétiches de Trick or Treat.
Pour l’instant, tous ces jeux ne sortent qu’en anglais, et aux Etats-Unis, mais j’espère bien que des éditeurs et distributeurs petits et grands seront intéressés par des versions en français, en allemand et dans d’autres langues. Chris m’a dit dans son interview qu’il était prêt à discuter aussi bien de distribution que de licences. Si cela vous intéresse, contactez-moi (faidutti@gmail.com) et je vous mettrai en contact.
Ce qui m’a donné envie d’écrire cet article est surtout le plaisir que j’ai eu à travailler avec Chris, David, Jody et les autres. Je connais des éditeurs qui, une fois un jeu signé, travaillent dessus dans leur coin, changeant parfois un peu tout et se contentant de tenir vaguement l’auteur au courant tous les deux ou trois mois. C’est une méthode qui peut me convenir pour des jeux déjà publiés, déjà anciens, sur lesquels je n’ai pas de réelle excitation à retravailler et dont je suis curieux de voir ce que d’autres peuvent tirer. Pour des jeux nouveaux, sur lesquels j’ai toujours de nouvelles idées et peux rebondir sur les suggestions de l’éditeur, de l’illustrateur ou du graphiste, c’est frustrant, et donne souvent des résultats médiocres. Je voudrais donc donner en exemple à tous les éditeurs la méthode qui a été utilisée pour Trollfest : un forum en ligne et une gestion de projet, sous basecamp mais plein d’autres systèmes doivent permettre de faire la même chose, permettant à tous, éditeur, graphiste, illustrateur et auteurs, de rester en contact permanent, de savoir ce que chacun fait, de lancer des idées en l’air. C’est efficace, c’est rapide, cela respecte le travail de tous, et cela évite à l’éditeur de faire sans cesse l’intermédiaire en envoyant des emails en tous sens. C’est ainsi, je pense, que tous les éditeurs devraient travailler pour le développement de leurs jeux, et c’est ce qui m’a donné envie de continuer à travailler avec Trick or Treat – et aussi, quand même, le fait qu’ils ont l’air sympathiques.
Twenty years ago, in 2002, after I had sympathized with the founder Eric Hautemont, I signed four publishing contracts with a publisher which didn’t exist yet, Days of Wonder. The four games were Mystery of the Abbey (with Serge Laget), Fist of Dragonstones (with Michael Schacht), Queen’s necklace (with Bruno Cathala) and Terra. It was a gamble, and I never regretted it, even when these games are now out of print, or no more at Days of Wonder. Twenty years later, I just made the same kind of gamble and signed for four games with a new US publisher, Trick or Treat Studios games. The first one, Trollfest, designed with Camille Mathieu, is already out, and I can’t tell much about the other ones, two reprints of older light card games and a more ambitious and original big box game.
Trick or Treat Studios is new to the boardgame market, but it’s not a new company. It was founded thirteen years ago, in California, by Chris Zephro. Trick or Treat Studios, as you can guess from its name, specializes in Halloween stuff, masks, costumes, collectables which in the US is much more of a big business than anywhere else in the world. Boardgame professionals might have met the Trick or Treat team in Nuremberg when venturing into the masks and costumes hall.
I was a bit surprised to see a well established company, in what looks like a profitable market, venturing into the crowed boardgame business. So I interviewed Chris Zephro, via Skype, on his projects and motives. And since I hate long audio or video interviews and podcasts which I cannot read diagonally looking for what is of interest for me, I don’t post it but used it to write this short blogpost.
Chris was with Gary Gygax’s son in Jr High School, and has been playing role playing games, and later boardgames, for very long. He owns a collection of about 2000 boardgames. The fantasy and horror themes of Trick or Treat products fit very well with modern boardgames, which can easily be sold via the same networks of shops and websites. Chris and his team, David, Justin, Jody and a few others, were considering venturing into boardgames for some time. Like many people, they “took advantage” of the covid crisis to contact people and start developing new ideas. They contacted several well know designers, such as Eric Lang, Richard Garfield, Tom Lehmann, Emerson Matssuchi and even Bruno Faidutti (if not, I would not be writing this blogpost now) but also developed some fun ideas by their friends and coworkers. They also managed to acquire the rights on a few games by a really nice company who recently had to go out of business – I probably should not name it yet. Betting on well know game designers, great horror artists little known so far in the gaming world, and a new commercial network which doesn’t prevent them to also use the more traditional ones, Chris thinks there is a place for Trick or Treat games in the fast growing but also overcrowded boardgame publishing world.
The three first Trick or Treat games, three large square boxes which look both horrifying and refreshing, are landing in the US shops these days. In David Gregg’s World Z League, with art by Dug Nation, players have only rubber bands to shoot at the incoming crowd of hungry zombies. In Blood Orders, and in house design by Nick Badagliacca, they are vampires vying to take control of the city and its inhabitants. Both Blood Orders and Trollfest have art by David Hartman, better known as an animation artist, but who had real fun drawing a few game cards. A dozen or so new games are scheduled in the coming year, most but not all of them in Trick or Treats’ usual fantasy and horror settings.
These games are scheduled only in English so far, mostly for the US market, but I really hope other publishers or distributors will be interested in doing or selling French, German or other languages versions. Chris told me he is ready to discuss both distribution and license deals. If interested, email me (faidutti@gmail.com) and I’ll put you in contact with him.
The main reason which made write this blogpost is the real fun I have working on Trollfest with Chris, David, Jody and all the others. I know publishers who, once a publishing contract is signed, work on the game in house, sometimes changing tons of elements, and only vaguely emailing the designer once every two or three months that “development is going smoothly”. I have no real issue with this for new versions of older games; I’m not always excited in coming back to an older design, and I can be curious of what other people can make out of it. I can’t work this way for new designs, because I want the published game to be mine, even when I can always bounce back and build on the publisher or the illustrator’s remarks. It’s frustrating and the results are often mediocre.
This is why I want to stress as an example the method used on the development of Trollfest. There was an online forum on a project management system, namely Basecamp but it can probably work as well with other ones. All the people involved, publisher, designers, artist, graphic designer had access to it, could see everything and throw wild ideas in the air. It was efficient, dynamic, respectful of everyone’s work, and probably meant less work for the publisher than sending and forwarding emails in all directions. That’s how all publishers should work on game development, and that’s one of the main reasons I’m willing to work again with them – the other reason being that they seem to be nice guys.