Treasure of the Dwarves

D’un éditeur l’autre

Ceux qui me connaissent un peu, ou suivent mon actualité sur ce site web, savent que j’ai été déçu par la sortie de Dreadful Circus. L’éditeur avait en effet non seulement changé le thème du projet que je lui avais confié, ce qui pouvait se comprendre, mais aussi et surtout profondément modifié le système de score et la plupart des équilibres du jeu. Je ne me reconnaissais plus dans le jeu publié. L’équipe de Portal étant composée de gens sympathiques, que je connais depuis fort longtemps et avec lesquels je n’avais pas envie de me fâcher, nous avons discuté calmement pour trouver une solution. Ils avaient des torts, puisque ce sont eux qui ont fait tous ces changements sans les discuter préalablement avec moi, mais aussi des excuses, notamment la période du Covid qui avait rendu les tests difficiles. J’avais des torts, n’ayant pas été aussi vigilant que j’aurais dû et n’étant pas intervenu à temps pour reprendre en main le développement du jeu. Bref, nous nous sommes mis d’accord pour que je récupère les droits au 1er janvier 2023, et j’ai rapidement commencé à chercher un nouvel éditeur pour mon « jeu des coffres ». Un peu échaudé par l’expérience de Dreadful Circus, je ne cherchais plus un gros éditeur, mais plutôt quelqu’un qui accepte de publier le jeu tel que je l’avais imaginé et développé – et aucun de mes jeux n’a été autant testé, modifié, bricolé avec soin que celui-ci, que je considère comme mon chef d’œuvre – au sens propre du terme, pas nécessairement le meilleur, mais celui dans lequelon retrouve tout mon style et ma technique.

Une partie du prototype dans mon ancien appartement de la rue de Belleville. Au centre, côté mur, Camille, avec qui j’ai fait Trollfest, et plus récemment Trollympics, qui sort également chez Trick or Treat.

Trollfest, conçu avec Camille Mathieu, venait de sortir. Le travail avec la petite équipe de l’éditeur américain avait été très agréable, et j’étais particulièrement content du résultat final. Trick or Treat a donc été l’un des premiers auxquels j’ai de nouveau proposé de publier mon jeu des coffres, et je suis extrêmement heureux qu’ils aient accepté, même si je sais fort bien qu’ils en vendront moins que de gros éditeurs mieux installés. Tout s’est passé comme pour Trollfest, avec un forum en ligne auquel participaient toutes les personnes impliquées dans l’édition, auteur compris, et je pense vraiment que c’est la formule, simple, souple et efficace, que devraient utiliser tous les éditeurs.

Mécanisme, matériel, thème

On demande souvent aux auteurs de jeu s’ils partent habituellement d’un thème ou d’un mécanisme. Je réponds généralement que cela dépend, et qu’il arrive aussi que le déclic initial soit un élément ou une contrainte matérielle.
Pour le trésor des nains, le points de départ est le mécanisme des enchères. En 2017, j’avais commencé à travailler, avec Eric Lang, sur un gros jeu de plateau dans lequel des magiciens répondaient aux appels d’offre des autres joueurs en faisant des propositions sous forme de cartes insérées dans une petite enveloppe. Le jeu était intéressant, mais beaucoup trop long et lent. Nous l’avons abandonné, mais j’avais gardé en tête l’idée des offres secrètes présentées dans des enveloppes.

Un des premiers prototypes de Wizardopolis

Un peu plus tard, en 2018 ou 2019, j’avais acheté au BHV un lot de boîtes en papier mâché, de diverses tailles et formats. Elles sont longtemps restées sur mon bureau, et m’ont inspiré quelques idées de jeux – dont Maracas, publié chez Blue Orange.. Repensant au système d’enveloppes de Wizardopolis, je me suis alors dit que des boites pourraient être plus pratiques à manipuler, à condition d’y mettre des jetons et non des cartes.

Des jetons, c’est à dire des pièces d’or, peut-être des gemmes ou divers objets. Qui imagine-t-on conserver son trésor dans des coffres? Des dragons, à la rigueur, mais surtout des nains. Ce n’est pas le thème le plus original qui soit, je l’ai déjà exploité dans Le Roi des Nains, mais il colle parfaitement aux mécanismes du jeu. J’ai vaguement essayé de trouver autre chose, mais toutes mes idées, et celles de mes amis joueurs, étaient finalement moins amusantes et moins cohérentes. Mieux vaut être efficace qu’original.
L’ordre d’apparition des trois éléments constitutifs du jeu est donc ici le mécanisme, le matériel, et finalement le thème. Tout n’a ensuite été que réglages, même si ces réglages ont pris des années.



Comme vous pouvez le voir sur les photos, il n’y avait pas d’écran dans mon prototype; chaque joueur y avait deux boîtes, une plus grosse, le coffre, et une plus petite, la boîte. C’est plus pratique et thématiquement plus cohérent, mais les boîtes, comme tous les éléments de jeu un peu originaux, coûtent cher, et elles ont donc été remplacées par des écrans dans le jeu édité. Je ne serais pas étonné d’apprendre que les auteurs de Time Capsule, que j’ai vu tourner l’an dernier aux rencontres ludopathiques et que je compte bien me procurer un de ces jours, sont aussi partis des mêmes petites boites.

Une partie à Etourvy.

Bluff, enchères et combos

Je suis, me suis-je laissé dire, l’un des auteurs de jeux dont le style particulier se reconnaît le plus aisément. Alors que les ordinateurs de plus en plus puissants et malins ouvrent au jeu des voies nouvelles et inattendues, je m’efforce de concevoir des jeux permettant encore de rassembler des joueurs nombreux autour d’une table avec quelques bières. Ces jeux auxquels il ne serait pas vraiment possible de jouer en ligne sont parfois des jeux où l’on rit de bon cœur, parfois des jeux où l’on regarde ses adversaires en silence, les yeux dans les yeux. Les meilleurs, ou en tout cas ceux que je préfère, sont les deux à la fois, drôles et tendus. Ceux qui apprécient mon style ne seront donc pas déroutés par ce Trésor des Nains, un jeu d’enchères, de bluff et de combinaisons simple et fourbe, qui fonctionne avec la même efficacité de 3 à 8 joueurs – bon, disons de 4 à 8, c’est peut-être un peu moins bien à 3.

En résumé, les nains ne sont pas des héros, mais des gens calculateurs qui savent fort bien la valeur de l’argent ; certains, plein de roublardise et de rouerie, sont peu recommandables, alors que d’autres sont tout à fait dignes d’estime, pourvu qu’on ne leur en demande pas trop.

J.R.R. Tolkien, Le Hobbit

Treasure of the Dwarves est un jeu d’enchères, avec un mécanisme original. À chaque tour de jeu, un ou deux joueurs mettent chacun une carte en vente. Chacun doit faire une offre pour l’une des cartes proposées, en mettant un certain nombre de pièces ou de gemmes dans un petit coffre.
Treasure of the Dwarves est un jeu de bluff. Le vendeur regarde le contenu des coffres dans l’ordre de son choix, mais ne peut revenir sur une offre qu’il a déjà refusée. Ce serait en effert contraire aux très rigides règles de politesse naine, qui sont à peu près aussi strictes que les japonaises – et nul n’a envie de se faire hara-kiri avec une hache de bataille. Un nain plus malin que les autres, et tous les nains sont assez malins, peut parfois s’en sortir en faisant une offre médiocre et en espérant qu’elle sera consultée en dernier, quand le vendeur n’aura plus le choix qu’entre cela et rien.
Treasure of the Dwarves est un jeu de combinaison, dans lequel chacun accumule des ressources, en gemmes, en métal et en cartes et construit ses propres conditions de victoire au fil de la partie, un peu comme dans un jeu que j’aime beaucoup, Fantasy Realms.
Treasure of the Dwarves est très interactif, voire carrément méchant, les opportunités de manipuler les adversaires, voire de saboter leurs trésors adverses ne manquant pas.
Treasure of the Dwarves est donc un jeu tout à la fois tactique, quand on essaie de miser juste ce qu’il faut pour avoir les bonnes cartes et coincer ses adversaires, et stratégique quand on prépare son scoring final.

Il n’y a, je crois, aucune création dans laquelle je me sois personnellement autant investi que dans Treasure of the Dwarves, et aucune qui soit aussi représentative de mon style, de mon idée du jeu de société. En cinq ans de développement, j’ai fait des centaines de parties avec des dizaines de testeurs, équilibrant soigneusement les effets des cartes et les points rapportés par les gemmes, les pièces et les cartes. Plusieurs testeurs y ont apporté leur grain de sel, notamment Vincent Pessel, très fort pour repérer les petits déséquilibres, et Croc, qui a eu l’idée des deux enchères simultanées, permettant d’accélérer les parties avec des joueurs nombreux. Si l’on exclut les jeux d’ambiance, il y a peu de jeux de société qui, comme le trésor des nains, tournent vraiment bien jusqu’à 8 joueurs, sans temps mort pour aucun des joueurs..

“Je pensais que les nains aimaient l’or,” dit Angua.
“Ils disent ça pour l’attirer dans leur lit.”

Terry Pratchett, Pieds d’argile.

Les illustrations

Deux artistes, Roland MacDonald et Donald Crank, ont contribué aux illustrations de Treasure of the Dwarves. L’illustration de couverture, qui aurait pu illustrer un roman de Tolkien, donne de la société naine une image très classique. Les objets magiques, sans doute très anciens, laissent en revanche deviner une lointaine et inattendue influence culturelle des hommes lézards vivant près des fleuves et lacs souterrains. L’un des nains sur les boites a même un peu l’air d’un étranger qui n’est pas de chez nous. Après tout, que savons nous réellement des origines du monde nain ? Dans les traditions germaniques, les nains vivent sous des montagnes creuses, mais sont aussi des créatures associées aux lacs et rivières.

Nains et objets magiques

Treasure of the Dwarves n’a pas pour thème la mythologie. Pendant quelques temps, pourtant, j’ai joué avec l’idée de donner à quelques artefacts des noms tirée des mythologies nordique et germanique, dans lesquelles les nains sont des créatures souterraines petites mais puissantes, spécialisées dans la fabrication et la garde de trésors magiques. Sur l’histoire de ces traditions, je recommande le livre de Claude Lecouteux, Les nains et les elfes au Moyen Âge, même s’il est parfois un peu daté, ainsi que, dans un contexte très britannique, celui de Francis Young, Twilight of the Godlings.

Si j’ai assez vite abandonné l’idée de références mythologiques ou littéraires précises, c’est d’une part parce que cela aurait donné à ce jeu une apparence de sérieux qui ne me semble pas conforme à son esprit, et d’autre part parce qu’il m’a semblé plus important que tous les noms des objets suggèrent, d’une manière ou d’une autre, leur effet.

L’Edda en prose, écrit au début du XIIIe siècle, conte comment le dieu Loki coupa et vola la magnifique chevelure dorée de Sif, l’épouse de Thor. Thor, en colère, exigea de Loki qu’il les lui rende, ce qui n’était possible qu’en faisant appel aux forgerons nains, dans leur antre souterrain de Svartheim.
Loki s’adressa d’abord aux trois frères, fils du grand forgeron nain Ivaldi. Ils firent une chevelure d’or fin pour Sif, mais ne s’arrêtèrent pas là. Ils forgèrent ensuite Gungnir, une lance que rien ne peut bloquer, puis  Skíðblaðnir, un navire pliable que son propriétaire peut ranger dans sa poche, ce qui est bien pratique en voyage. Loki s’en vont ensuite voir deux autres artisans nains, Brokkr et Eitri, qu’il mit au défi de réaliser pour les dieux de plus beaux objets encore. Ils relevèrent le défi et fabriquèrent trois autres objets, Gullin-börsti, un sanglier de métal qui brille dans l’obscurité, Draupnir, un anneau ou bracelet qui se copie lui-même tous les neuf jours, et enfin Mjöllnir, un marteau au manche malheureusement trop court (encore la faute à Loki, mais ce serait long à expliquer) qui brise tout ce qu’il touche. Les dieux jugèrent que Loki avait perdu son pari, Frey conserva le sanglier et le bateau, Odin prit l’épée et l’anneau, et Thor, comme chacun sait, le marteau. Bien sûr, Loki trouva un moyen de s’en sortir et de continuer à jouer aux dieux des tours pendables.

Illustration d’Arthur Rackham pour Le chant des Nibelungen, 1910

D’autres passages de l’Edda content comment les nains créèrent Gleipnir, la laisse souple comme la soie et solide comme l’acier qui retient le féroce loup Fenrir. Gleipnir est faite du bruit de pas d’un chat, de la barbe d’une femme, des racines d’une montagne, des tendons d’un ours, du souffle d’un poisson et du crachat d’un oiseau. Ce sont aussi les artisans nains qui forgèrent Huliðshjálmr, le heaume d’invisibilité, Thrymgyöll, la grille fermant les enfers, Brisingamen, le torque d’or de Freya, ainsi que Járngreipr, les gants d’acier que doit utiliser Thor pour brandir son marteau au manche trop court. L’Edda poétique conte comment les nains Dvalinn et Durinn forgèrent l’épée à la garde d’or Tyrfing, qui ne ne rouille pas, ne manque jamais son but et tranche la pierre et le métal aussi aisément que la toile mais qui, une fois sortie de son fourreau, ne peut y être rangée avant qu’elle n’ait tué un homme et causé trois grands malheurs. Il en va de même d’une autre épée naine, Dáinsleif, l’épée du roi Högni, qui fut dégainée au moins une fois, après l’enlèvement de sa fille.

Alberich vole l’or du Rhin. Carte à collectionner allemande, 1905.

Le chant germanique des Nibelungen, écrit quelques décennies plus tard, est un peu la continuation de cette histoire, avec un peu moins de dieux et d’objets magiques, mais avec un dragon, Fafnir, qui sera tué par Sigfried d’un coup de l’épée magique Gram, ou Nothung, ou Balmung, forgée ou au moins reforgée par les nains. Les Nibelung, premiers propriétaires du trésor du Rhin, sont souvent décrits comme des nains, et le trésor est ensuite gardé par le nain Alberich. Parmi les objets du trésor se trouvent aussi une cape d’invisibilité que Sigfried utilise pour remplacer le mari Günther lors de la nuit de noces de Bünnhild, et une baguette magique qui donne rien de moins que le pouvoir absolu sur toutes choses mais ne semble curieusement intéresser personne. Dans les versions postérieures, jusqu’au Ring der Nibelungen de Richard Wagner, ces objets deviennent Tarnhelm, le heaume de métamorphose, et bien sûr l’anneau éponyme, porteur de grand pouvoir et d’une terrible malédiction.

C’est bien sûr ce qui inspira J.R.R. Tolkien. Dans le Hobbit et Le seigneur des anneaux, les nains n’ont pas créé les anneaux, mais ils ont forgé bien d’autres puissants artefacts comme Narsil, l’épée d’Elendil, le Heaume du dragon de Dor-lòmin, et même la tunique de Mithril offerte à Bilbo. Ils ne sont pas seulement forgerons, puisqu’ils sont aussi les créateurs de l’Arkenstone qui brille dans l’obscurité, ou des instruments de musique joués par Thorin et ses compagnons après la prise d’Erebor. Dans le Silmarillion, l’un des trois silmarils est enchassé dans Nauglàmir, le bracelet des nains.

L’idée que les nains n’ont pas recours à la magie, voire en ignorent tout, est devenue assez populaire dans les univers des jeux de rôles de Fantasy. Elle provient d’un contresens littéraire et historique. Dans la mythologie, et même dans l’œuvre de Tolkien, si les nains sont assez imperméables à la magie, c’est parce qu’ils sont eux-mêmes des créatures magiques. L’opposition entre une magie elfique proche de la nature et faite de sortilèges et une magie naine « incarnée » dans des objets est aussi une idée très récente – les textes les plus anciens ne distinguent même pas très clairement les nains des elfes.

Les nains forgeaient au soir pour le héros futur.
L’enclume sous leurs coups sonnait dans la clairière,
Et l’étincelle chue au choc du marteau dur
Posait son escarboucle aux tentures de lierre.

Les nains forgeaient, avec l’épée aux quillons d’or,
La targe d’airain noir où s’acharnait la guivre,
Le casque où le griffon tentait un vain essor
Et le cor triomphal ouvert en fleur de cuivre.

Les Kobolds martelaient et les licornes blanches
Éblouissant la nuit de soudaines clartés,
De leur corne trouaient le rideau vert des branches
Et frissonnaient au bruit des marteaux enchantés.

Mais quand les nains sentant se clore leur attente
Haussèrent vers le ciel le fer qui resplendit
Les licornes vers eux hennirent d’épouvante.
Et lointain, dans la brume, un cheval répondit.

— Léon Vérane, Les licornes, 1911

Si les nains des traditions nordiques et germaniques sont, au send étymologique du terme, autochtones, ceux de Tolkien, les 12 nains à la recherche de leur royaume perdu, sont aussi un peu juifs. Du coup, j’aurais pu ajouter l’Arche d’Alliance et quelques autres trucs, mais là, ça aurait commencé à devenir n’importe quoi….

Introduire tout ou partie de ces allusions mythologiques et littéraires dans ce jeu, avec bien sûr une certaine légèreté, aurait pu être une occasion d’affirmer que si les références culturelles ne peuvent certes pas être ignorées, elles ne doivent pas pour autant être toujours prises au sérieux. Malheureusement, les merveilleuses propriétés de ces « authentiques » objets magiques ne collaient généralement pas avec les mécanismes du jeu. Les références seraient en outre passé à côté des joueurs qui, dans leur quasi totalité, ne connaissent pas plus ces objets que je ne les connaissais avant de commencer à travailler sur ce jeu. J’ai jugé plus important de donner aux cartes des noms qui rappellent leurs effets que de faire quelques références érudites. En outre, dans la plupart de ces histoires, si les artefacts magiques sont forgés ou frappés par les nains, ils passent rapidement dans le monde des dieux ou des hommes. Il n’empêche qu’un jeu avec des nains et des trésors magiques, c’est toujours un peu un jeu sur les Eddas, sur les Nibelung, sur Tolkien, sur le bon vieux D&D, et il vaut toujours mieux mélanger un peu tout ça, comme l’a excellemment fait, en littérature, Terry Pratchett. 

La langue naine a plus de mille mots pour “or”, mais en cas d’urgence, comme lorsqu’ils voient de l’or qui ne lui appartient pas, un nain peut utiliser n’importe lequel d’entre eux.

Terry Pratchett, Soul Music.

Il y a quand même un Graal, parce que si personne ne sait ce qu’est le Graal, tout le monde en a entendu parler, et une référence un peu plus obscure, l’œil de Zoltar. Cet artefact a été ajouté au jeu lors des derniers tests. Son effet étant similaire a celui de l’œil multicolore (Colored Eye), je voulais en faire aussi un œil. Cela aurait bien sûr pu être l’œil d’Odin, mais c’était un peu prétentieux. J’ai donc opté pour l’œil de Zoltar, titre d’un délicieux petit roman fantastique de Jasper Fforde. Je venais de lire le livre suivant, la grande guerre des trolls, et n’ai pas pu résister à faire un peu de pub à l’excellente série de la dernière tueuse de dragons. Ce qui peut sembler au premier abord n’être qu’une autre série de fantasy pour adolescentes est bien plus que cela, une suite de bouquins terriblement drôles et intelligents.

Des nains et des dragons

Si les dragons sont présents dans nombre de mes jeux, à commencer par L’or des Dragons, Les pierres des dragons, et plus récemment Dragons, c’est bien sûr parce que je m’inspire de l’univers médiéval fantastique générique dans lequel j’ai pas mal baigné et que je continue à apprécier. Je ne pouvais pas vraiment mettre de dragons dans Le trésor des nains, où il n’y a jamais vraiment de combat, mais il est bien évident que nombre des gemmes, des pièces et des objets brillants ou magiques que s‘échangent les nains ont appartenu à un moment ou à un autre à un dragon. Il y a donc des écailles de dragon, et même une dent de dragon, reliques auxquelles les nains attachent d’autant plus d’importance que la tradition dit que le premier dragon, Fafnir, était originellement un nain, que la peur et l’avarice ont peu à peu transformé en monstre .

Un magnifique rubis gros comme l’œuf d’une oie. Il appartenait à un magicien pour qui j’ai une grande admiration. Vous pouvez retrouver…. l’œil de Zoltar.

Jasper Fforde, L’Œil de Zoltar.

Les joyaux de la couronne

Bien loin des forêts germaines ou nordiques, les nains ont bien failli partir au Japon pour les regalia. Ayant décidé, pour des raisons d’équilibre du jeu, que trois ou quatre cartes représenteraient les joyaux de la couronne du roi sous la montagne, il fallait choisir quels seraient ces joyaux. Pour un français, et je pense pour tous les occidentaux, les joyaux auxquels on pense d’abord sont ceux de la couronne britannique, de loin la plus médiatisée. Leur liste est assez fluctuante, et ils sont de toute façon trop nombreux. Restaient deux sets officiels de trois joyaux. Ceux de l’empereur du Japon, qui n’ont jamais été montrés au public, sont un miroir, une épée et une courbe et mystérieuse pièce de jade. Ceux de l’empereur d’Autriche, visibles au Schatzkammer Museum de Vienne, sont une couronne, une orbe et un sceptre.

J’ai d’abord pensé mettre un miroir, une épée et un morceau de jade, parce que je suis toujours partisan, pour des raisons autant esthétiques que politiques, de mélanger les cultures de la manière la plus ironique et désordonnée possible. Le problème était le miroir, sans doute le plus connu de ces joyaux, car ill était évident que seule une carte copiant les effets d’une autre pouvait être appelée ainsi. J’ai donc choisi de m’inspirer plutôt des joyaux austro-hongrois, peut-être moins connus, que j’avais découverts en écrivant ma thèse sur les licornes – le manche du sceptre impérial, en effet, est en corne de licorne. Et puis l’Autriche est dans le monde germanique, les Nibelungen, tout ça, donc ça passe mieux, tant pis pour les mélanges et l’ironie. 

Toujours plus loin

Il y a une trentaine d’années, j’essayais systématiquement, le plus souvent sans succès, de convaincre les éditeurs d’inclure dans mes jeux quelques cartes vierges sur lesquelles les joueurs pourraient laisser dériver leur imagination. Après tout, c’est comme cela, en imaginant cartes et pouvoirs pour Rencontre Cosmique, que j’ai pris goût à la création ludique. Je n’insiste plus aujourd’hui, car si l’on apprécie et pratique un jeu suffisamment pour vouloir y ajouter des éléments, on l’apprécie et pratique aussi assez pour utiliser des sleeves, ces pochettes protectrices pour cartes à jouer, dont il existe des versions à dos opaque permettant de personnaliser n’importe quel jeu. C’est ainsi que j’ai récemment ajouté une quinzaine de cartes de mon cru à ma boite de Vale of Eternity.
Quoi qu’il en soit, le Trésor des Nains se prête assez facilement à ce petit jeu, et vous pouvez m’envoyer vos meilleures idées. Prenez garde cependant à ne pas trop déséquilibrer le jeu. Certaines cartes peuvent bien sûr être meilleures que d’autres, c’est ce qui fait le sel des enchères, mais pas trop, ou pas tout le temps, ou pas pour tout le monde. Surtout, prenez soin de préserver l’équilibre global entre les trois manières de marquer des points, les pièces, les gemmes et les cartes.

Avec l’équipe de Trick or Treat Games à la GAMA 2025, pour la sortie de Treasure of the Dwarves et Trollympics.

Treasure of the Dwarves
Un jeu de Bruno Faidutti
Illustré par Roland MacDonald & Donald Crank
3 à 8 joueurs – 45 minutes
Publié par Trick or Treat Studios
Parution début 2025



From one publisher to another

Those who know me a bit, and follow this blog, know that I’ve been disappointed with a recent game of mine Dreadful Circus. The publisher changed the setting of the game, something I can understand, but also and more critically modified most of the scoring systems and the game balance. I didn’t like the result. I really like Portal, I know Merry and Ignacy for quite long, and I didn’t want to fall out with them. We discussed calmly and friendly to find a solution. They had wrongs, since they did all these groundless changes, but they also had excuses, especially the Covid period which made playtesting difficult. I had wrongs, since I was not careful enough and didn’t jump in in time to take the development back in hand. Anyway, we agreed that I would get the rights on the game back at the end of 2022, and I started to look for another publisher for my “dwarven chest game”. Having been frustrated by the Dreadful Circus experience, I didn’t look for a big publisher but rather for someone who would agree at once to publish my game as I had designed it. None of my games has been tested, fine-tuned, tinkered with more than this one, and I hold it to be my masterwork – in the original sense, not necessarily the best one but certainly the one in which I have invested all my style and experience.

Playing the prototype in my new apartment, rue de la Villette.

Trollfest, designed with Camille Mathieu, was just out. I had really enjoyed working with the small team at Trick or Treat Games and was really pleased with the result. Trick or Treat was one of the first companies I submitted this game to, and I am extremely pleased they liked it and wanted to do it, even when I know quite well they will probably sell less than big and installed publishers. Like with Trollfest, we worked through an online forum where most of the people involved in the publication took part, including the designer, and I know think this is the simple, flexible and efficient process most publishers should use.

Mechanism, components, setting

Game designers are regularly asked if their designs usually start from a setting or from a mechanism idea. I usually answer that it depends, and that the initial spark can also be a component.
The Treasure of the Dwarves started from a mechanism idea, the “no coming back” auction system. In 2017, I had started working, with Eric Lang, on a relatively heavy boardgame in which magicians were answering to other players’ adjudications with sets of cards placed in a small envelope. The game was challenging, but far too long and too slow. We gave up, but I had kept in mind the idea of secret offers presented in envelopes.

Wizardopolis prototype

Later, in 2018 or 2019, I bought a set of papier mâché boxes of various shapes and sizes in a Parisian department store, thinking I might use them in future prototypes. They stayed on my desk for quite long, and inspired a few games, including Maracas, later published by Blue Orange. Remembering the Wizardopolis envelope auction system, I thought that small boxes might be easier to manipulate, but could only contain tokens, no cards.


Tokens, of course, meant coins, may be gems and various items. Who is known to keep coins, gems and other treasures in chests ? Dragons, may be, but most of all dwarves. It’s nothing new but it fits the systems. I tried to find something more original, but all of my and my playtester friends’ ideas were either less fun or less consistent, and often both. Better efficiency than originality at all cost
In this case, the order of appearance was mechanism, component, and finally setting. Then it was only design and fine tuning, but it lasted for years.

As you can see on the pictures, there were no screens in my prototypes. Each player has two boxes, a big one, the chest, and a smaller one, the box. It is more convenient, and thematically more consistent. Unfortunately boxes, like any unusual component, are relatively expensive. That’s why the bigger chests have been replaced by screens in the published game. I’ve seen a copy of Time Capsule played last year at my ludopathic gathering, and I would not be surprised to learn that its designers also started from the same kind of tiny boxes. Anyway, I plan to buy and play this game one of these days.

A late prototype in a nice Parisian game café, Le Duchesse.

Bluffing, auctions and combos

I’ve been told that I am one of the boardgame designers whose style is the easiest to spot when playing a new game. While computers create new and sometimes unexpected  ways of gaming, I try to design social games, games which still allow to get several people around a wooden table, if possible with a few beers. These games which cannot satisfactorily be played online are either games in which players are laughing at each other, or games in which players are silently looking in each other’s eyes. The best ones, or at least the ones I prefer, are both – fun and tense. If you like my style, you won’t be disappointed with Treasure of the Dwarves, a game of auction, bluffing, combos and deceit which works as well with 3 to 8 players – OK, may be with 4 to 8, it’s less fun but still very tense at 3.  

Dwarves are not heroes, but a calculating folk with a great idea of the value of money. Some are tricky and treacherous and pretty bad lots; some are not but are decent enough people , if you don’t expect too much.

J.R.R. Tolkien, The Hobbit

A computer rendering of the final components.

Treasure of the Dwarves is an auction game with an original bidding system. Every round, one or two players auction a magical item card. Each player must make an offer for one of the available cards with putting one or more coin or gem in a small chest.
Treasure of the Dwarves is a bluffing game. The seller looks at the content of the chests in any order, but cannot go back to a box they have already seen. It would indeed go against the dwarven etiquette rules, which are even stricter than the Japanese ones, and no one wants to do hara-kiri with a battleaxe. A clever dwarf, and dwarves are usually clever, can sometimes get an item at a good price with a mediocre offer, hoping it will be looked at last. 
Treasure of the Dwarves is a combo game, in which players accumulate resources in gems, coins and cards, and use cards to build their own scoring systems during the game. This “scoring rules building” feels a bit like in a game I really like, Fantasy Realms.
Treasure of the dwarves is a mean and highly interactive, with many opportunities for deceit and take-that. One can both manipulate opponents and sometimes sabotage their treasures.
Treasure of the Dwarves is therefore both a tactical and a strategy game. It is tactical when trying to make the right bid for the right card. It is strategic when planning one’s final scoring.

“I thought dwarfs loved gold,” said Angua.
“They just say that to get it into bed.”


Terry Pratchett, Feet of Clay.

I don’t think there’s a single boardgame which I have more playtested, developed, fine-tuned than this one. It is certainly the most representative of my design style, my idea of what a boardgame should be. Over five years, I have played it hundreds of times, carefully balancing and rebalancing the scorings for coins, gems and cards. Several playtesters added their grain of salt to it, especially Vincent Pessel, who is very good at spotting small imbalances and rules issues, and Croc, who had the idea of two simultaneous auctions. This is what makes possible to play a fast and fun 8 player game, something relatively rare with non-party games.

The art

Two artists, Roland MacDonald and Donald Crank, have contributed to the art in Treasure of the Dwarves. The cover art, which could have featured in an illustrated edition of Tolkien, gives the traditional image of the dwarven society. The many magic items are more surprising. One can imagine that they are very old, and show traces of the distant cultural influence of some other underground people, may be the lizard men living near the underground lakes and rivers. At least one of the dwarves on the boxes above looks definitely suspicious. After all, what do we really know of the origins of dwarven culture ? In German traditions, dwarves live in hollow mountains, but are also linked with rivers and springs.

Should it rather be Treasure of the Dwarfs ?

No reviewer (that I have seen), although all have carefully used the correct dwarfs themselves, has commented on the fact (which I only became conscious of through reviews) that I use throughout the ‘incorrect’ plural dwarves. I am afraid it is just a piece of private bad grammar, rather shocking in a philologist; but I shall have to go on with it. Perhaps my dwarf – since he and the gnome are only translations into approximate equivalents of creatures with different names and rather different functions in their own world – may be allowed a peculiar plural. The real ‘historical’ plural of dwarf (like teeth of tooth) is dwarrows, anyway: rather a nice word, but a bit too archaic. Still I rather wish I had used the word dwarrow.


Letter from J.R.R. Tolkien, 1938

Dwarves and magical items

Treasure of the Dwarves is not really, or not seriously, about mythology, and the magical items in it have been given names that suggest their in-game abilities. For some time, however, I toyed with the idea of using items from the Norse and German mythologies, in which dwarves are described as small but powerful underground creatures specialized in crafting and guarding magic stuff. The English word dwarf comes from the old Norse dverg. To learn more about the cultural history of these creatures, I recommend Claude Lecouteux’s Hidden History of Elves and Dwarfs, even when its approach is old fashioned, as well as, in a more specifically British context, Francis Young’s recent book, Twilight of the Godlings, in which I’ve found this marvelous explanation, by Sir Walter Scott, of the origins of dwarfs and of their affinities for caves and metals – dwarves are basically Baltic pygmy refugees.

There seems reason to conclude that these duergar [dwarves] were originally nothing else than the diminutive natives of the Lappish, Lettish, and Finnish nations, who, flying before the conquering weapons of the Asae [Asians] , sought the most retired regions of the north, and there endeavoured to hide themselves from their eastern invaders. They were a little diminutive race, but possessed of some skill probably in mining or smelting minerals, with which the country abounds; perhaps also they might, from their acquaintance with the changes of the clouds, or meteorological phenomena, be judges of weather, and so enjoy another title to supernatural skill. At any rate, it has been plausibly supposed, that these poor people, who sought caverns and hiding-places from the persecution of the Asae, were in some respects compensated for inferiority in strength and stature, by the art and power with which the superstition of the enemy invested them. These oppressed, yet dreaded fugitives, obtained, naturally enough, the character of the German spirits called Kobold, from which the English Goblin and the Scottish Bogle, by some inversion and alteration of pronunciation, are evidently derived.

— Sir Walter Scott, Letters on Demonology and Witchcraft, 1830

There’s defijnitelty a book waiting to be written about euhemerism gone mad.

I soon abandoned the idea of precise mythological references, of magical artifacts drawn from myths or literature. It would have given to the game a serious feel which didn’t fit with its spirit. Also, and this is probably the most important, I wanted to give to most items names that would refer to their in-game effects, not names which refered vaguely to vaguely known stories.

The prose Edda, written at the beginning of the XIIIth century, tells how Loki cut and stole the wonderful hair of Sif, Thor’s wife. Thor got angry and requested Loki to get them back, which he could only do with the help of the dwarven goldsmith in their underground lair of Svartheim.
Loki first went to three dwarf brothers, the sons of the great dwarven smith Ivaldi. They made shining golden hair for Sif, but didn’t stop there. They kept on working and forged Gungnir, a spear that could not be blocked in any, and Skíðblaðnir a  ship that could be folded and kept in its owner’s pocket.
Loki then went to see two other dwarves craftsmen, Brokkr and Eitri, and bet them his head that they could not make three nicer magical items than those. They took the bet and forged three other items, Gullin-Börsti, a magic golden pig which glows in the dark, Draupnir, a golden ring or armband that copies itself every nine days, and Mjöllnir, a short handle hammer that breaks everything it touches. The gods judged that Loki had lost his bets, and Frey kept the pig and the ship, Odin kept the sword and the ring, and Thor, as everyone knows, took the hammer. Of course, Loki found a way out of this so that he could keep playing nasty tricks to fellow gods.

Art by Arthur Rackham for The Ring of the Nibelung, 1910.

Other stories in the Edda tell that the dwarves created Gleipnir, the leash, soft as silk and solid as iron, who was used to hold the mighty wolf Fenris. Gleipnir is made from the sound of a cat’s footfall, the beard of a woman, the roots of a mountain, the sinews of a bear, the breath of a fish and the spittle of a bird. The dwarves also forged Huliðshjálmr, the helmet of invisibility, Thrymgyöll, the iron gate of the underworlld, Brisingamen, Freya’s amber torque, as well as Járngreipr, the iron gloves that Thor needs to wield Mjölnir, due to its too short handle – one more of Loki’s nasty tricks. The poetic Edda tells how the two dwarves Dvalinn and Durinn forged the golden hilt sword Tyrfing. It never misses, never rust and cuts through stone and iron as easily as through cloth, but once taken out of its sheath, it cannot be put back until it has killed a man and caused three great evils. The same is true of another dwarven sword, Dáinsleif, which has been offered to King Hörni and drawn at least once, when his daughter had been kidnapped.

The German song of the Nibelung, written a few decades later, is, in some ways, the continuation of this story, with fewer magic stuff but with a dragon, Fafnir. The dragon is killed by Sigfried with a single blow of the magic sword Gram, or Nothung, or Balmung which as been forged, or at least reforged, by dwarves. The Niebelung, the original owners of the Rhine treasure, are often described as dwarves, and the treasure is now guarded by a dwarf, Alberich. Among the items in the treasure are an invisibility cloak, which Siegfried uses to replace her husband Gunther during Brünnhild’s wedding night, and a magic rod which gives absolute power over everything but in which no one seems to be really interested. In later versions, such as Wagners Ring der Nibelungen, these become Tarnhelm, the helmet of shapeshifting, and the eponymous Ring, carrying both great power and a terrible curse.

The Rhine maidens after Alberich and the dwarves have stolen the rhinegold. German collectible card, 1905.

These, of course, inspired J.R.R. Tolkien. In the Hobbit and the Lord of the Rings, dwarves didn’t create the Ring, but they forged other powerful artefacts such as Narsil, the sword of Elendil, the dragon-helm of Dor-lòmin, and the Mithril Shirt which which was offered to Bilbo. They didn’t do only metal, since they also created the Arkenstone which glows in the dark, the magical music instruments played by Thorin and his companions after seizing Erebor. In the Silmarillion, one of the three silmarils is set on the Nauglàmir, the necklace of the dwarves.

The dwarves of yore made mighty spells,
While hammers fell like ringing bells
In places deep, where dark things sleep,
In hollow halls beneath the fells.

On silver necklaces they strung
The light of stars, on crowns they hung
The dragon-fire, from twisted wire
The melody of harps they wrung.

J.R.R Tolkien, The Hobbit

While dwarves from the nordic and germanic legends were, even in the etymological sense, autochtonous, Tolkiens’s ones, the twelve dawrves looking for their lost kingdom, are also somewhat jewish. So I could even have added the Ark of the Covenant and some more, but it would have started to get messy.

The idea that dwarves don’t use magic, or even avoid it, which has become popular in fantasy role-playing games, comes from a literary and historical misinterpretation. In mythology, and even in Tolkien’s books, when dwarves are impervious to magic, it’s because they are very good at it, not because they are inherently non-magical. Opposing an elven magic made of spells and a dwarven magic embodied in objects is also a very recent idea. Ancient texts don‘t even make a clear difference between dwarves and elves.

Adding these mythical and literary references in the game, in a tongue in cheek way, could have been an opportunity to state once more that cultural references are not to be ignored, but also not to be taken too seriously. Unfortunately, the magical properties of these « authentic » items didn’t always fit well with my game mechanisms and, anyway, the references wouldn’t have meant anything for players who didn’t know the items beforehand. I thought more important to give every card a name that could suggest its effect on the game than to add a few erudite winks. Also, in most of these stories, while dwarves forge, cast or mould magical artifacts, they don’t keep or trade them; swords and jewels usually end in the hands of gods, or sometimes of petty humans. Nevertheless, a game about dwarves and treasures is necessarily a bit about the Edda, a bit about the Niebelung, a bit about Tolkien, a bit about good old D&D  – and better mix them all, like Terry Pratchett did in literature.

Dwarfs have thousands of words for ‘gold’ but will use any of them in an emergency, such as when they see some gold that doesn’t belong to them.

Terry Pratchett,
Soul Music.

The two only direct references I made on the cards are the Grail, because while noone knows what the grail is, everyone knows about it, and the Eye of Zoltar. The latter was added during the latest revision of the game, and I wanted to call it an eye because its effect was similar with that of the Colored Eye, and another eye which I finally removed. Of course, I could have named it the Eye of Odin, but it would have felt a bit serious and pretentious. I finally went for the Eye of Zoltar, from Jasper Fforde’s eponymous novel. I had just read The Great Troll War, the next book in the Last Dragonslayer series, and could not resist quoting it. I urge you all to read the whole funny and clever series. Yes, it’s fantasy for teenage girls, a crowded genre, but it’s also much more than that.

A magnificent pink ruby the size of a gooses’e egg. It belonged to a wizard I admire greatly. You may find me… the eye of Zoltar.

Jasper Fforde,
The Eye of Zoltar

Dwarves and dragons

There are dragons in several of my games, including of course Dragons Gold, Fist of Dragonstones and, more recently, Dragons. The reason is, of course, that I am often inspired by the generic medieval fantasy setting in which I wallowed as a teenager, and which I still enjoy. I could not bring living dragons in Treasure of the Dwarves, where there is no violent fight, but most if not all of the coins, gems and shining or magical items traded must have belonged to a dragon at some time. They certainly have great value for dwarves, especially since old tales say that the first dragon, Fafnir, was originally a dwarf, gradually changed into an ugly monster by his fear and avarice.

The crown jewels

Far from the Germanic or Nordic forests, the dwarves seriously considered sailing to Japan to get regalia. Having decided, for game balance reasons, that there would be three or four different crown jewels of the King under the mountain, I had to decide what exactly they were. In France, and I think in most western countries, the first regalia we think of are those of the British crown. Unfortunately, the list is vague and there are, anyway, way more than three. This let me with two official sets of three items. Those from the Japanese emperor, which have never been shown to the public, are a sword, a mirror and a curved and mysterious jade stone. Those from the Austrian emperor, which can be seen in Wien in the Schatzkammer Museum, are a crown, an orb and a scepter.

I was first tempted to call my cards mirror, sword and jewel, because I believe, for more political than aesthetic reasons, that we should always try to mix cultural references in the most ironic and messy way possible (or should I write the most ironic and messy possible way?). My Japanese friends would have enjoyed the wink. The problem was the mirror, since it was obvious to me that only a card copying another card’s effect could be called mirror. So I went for the less known austro-hungarian jewels, crown, orb and scepter, which I had discovered when writing my PhD about unicorns – believe it or not, the scepter is made of unicorn horn. And since Austrian is in the Germanic world, it fits better with the Nibelungen and all that stuff, never mind mixing and irony.

Going farther

Thirty years ago, I often, usually in vain, suggested that publishers add a few blank cards in my games, so that players could try and add their own stuff. After all, that’s how I started enjoying game design, with adding alien powers and card effects in Cosmic Encounter. I don’t insist now, because if one likes and plays a game enough to want to add their own card effects, one also likes and plays it enough to buy card sleeves, and there are opaque back ones which allow one to personalize any game. That’s how I recently added a homemade cards to my copy of Vale of Eternity.
Anyway, it’s relatively easy to do this with
Treasure of the Dwarves, and you can email me your best ideas. Be wary, however, not to break the game’s balance. Some cards can be better than other ones, that’s what makes auctions meaningful, but not too much, or not always, or not for everyone. Be careful also with the global balance between the three main ways to score, coins, gems and cards.

First demos of the final game at Gama 2025.

Treasure of the Dwarves
A game by Bruno Faidutti
Art Roland MacDonald & Donald Crank
3 to 8 players – 45 minutes
Published by Trick or Treat Studios
Due in early 202
5

Santa’s Little Elves

Dans Santa’s Little Elves, vous êtes l’un des lutins vêtus d’un ridicule uniforme vert et rouge qui, dans l’atelier du Père Noël, fabriquent et emballent à la chaine les jouets destinés aux enfants du monde entier – enfin, surtout des pays où les parents ont assez d’argent pour acheter des jouets, car le Père Noël ne perd pas le Nord. Ce dernier est en effet un capitaliste de la pire espèce, qui vous exploite de manière éhonté, profitant de la rareté des offres de travail dans le grand nord.

Une partie des Lutins du Père Noël au kiosque à jeux de la Place de la République.

Le travail est éreintant et les salaires ridiculement bas. Les heures supplémentaires ne sont généralement pas déclarées, les possibilités de promotion sont inexistantes ou illusoires. L’usine est glaciale ; vous n’avez aucune idée de la date à laquelle le chauffage sera réparé, mais certainement pas avant la fin de la campagne d’hiver. Les situations de harcèlement sont également récurrentes. Seule consolation, ce n’est pas vraiment mieux pour vos camarades qui travaillent au tri des lettres, ni sans doute pour ceux du centre d’appel récemment délocalisé en Antarctique. Sans même parler de ces pauvres rennes, enfermés tout l’été dans un hangar sordide avant d’être contraints, tout l’hiver, de galoper dans la neige avec un costume et des cloches ridicules.

Solidarité et conscience de classe n’étant pas vraiment le point fort des lutins, il serait vain d’espérer pouvoir organiser une grève. Du coup, vous avez décidé de prendre votre destin en main, en volant des jouets sur la cabine pour les revendre sur ebay, tombé du traîneau. Bien sûr, vos petits cons de collègues font la même chose, et chacun espionne ses voisins, espérant les prendre sur le fait pour les faire chanter ou les dénoncer au patron.

Dans cette ambiance de rêve, le vainqueur sera bien sûr le plus riche à la fin de la partie, qui pourra quitter l’usine et se payer une croisière de rêve dans les Caraïbes. Les autres devront se contenter de quelques bières à la taverne du coin, et tant pis si le tavernier est un pote du patron.

Ceux qui connaissent bien mes jeux ne seront guère surpris par ces Petits lutins du Père Noël, un jeu de cartes simple et rapide, tout entier construit sur le bluff et la psychologie, dans la même famille que Dolorès, Waka Tanka ou Venture Angels. Conçu il y a plusieurs années de cela, ce jeu de cartes est resté dans mes cartons assez longtemps. Plusieurs éditeurs s’y sont intéressés, mais ils voulaient soit changer un thème auquel je tenais parce que je le trouvais drôle et politique, soit rendre plus complexe un jeu dont le charme réside en partie dans sa simplicité.

Le seul changement que je regrette un peu concerne la liste des jouets. Dans mon prototype, les jouets du père Noël était extrêmement typés, genrés comme on dit aujourd’hui, des poupées et des cuisines roses pour les filles, des voitures et des jeux de construction pour les garçons. Cela gênait d’autant plus les lutins qu’ils ne sont eux-mêmes pas très clairs sur les questions de genre. Craignant que certains joueurs ne prennent cela au premier degré, l’éditeur a remplacé cela par une distinction entre jouets technologiques (avec la technologie des années quatre-vingt-dix parce que c’est plus rigolo) et jouets traditionnels. Je sais bien qu’il est toujours plus prudent de prendre les joueurs pour des imbéciles, il y en a toujours quelques-uns dans le lot, mais c’est dommage quand on leur enlève une occasion à la fois de rire et de réfléchir. Enfin, c’est un peu moins drôle, mais cela devrait marcher aussi bien. Dans un jeu aux mécanismes finalement très simples, cela passera peut-être mieux auprès des plus jeunes joueurs qui n’ont pas connu l’époque des jouets hyper-genrés, des poupées Barbie et des maquettes d’avion. Pour le reste, toute ma petite histoire de lutins pré-marxistes, classe en soi mais pas pour soi, est bien là, et c’est l’essentiel.

Les règles très simples de Santa’s Little Elves mettent certes le jeu à la portée de tous, mais son thème ne doit pas faire croire qu’il n’est destiné qu’aux enfants. C’est aussi un jeu de bluff bien fourbe qui devrait plaire aux habitués de mes petits jeux de cartes.

Santa’s Little Elves
Un jeu de Bruno Faidutti
Illustré par Marlies Barends
3 à 5 joueurs – 20 minutes
Publié par Matagot / TGG / Knight and Day games (2023)


You’re one of Santa Claus Elves, in a ridiculous red and green uniform, working on the factory line all year long, manufacturing toys for kids from the whole world, or at least from the countries where parents are rich enough to buy kids toys. Stupid rich kids who never heard of you, and who probably would not care if the had. Santa Claus, a capitalist of the worse kind, is clearly exploiting you, taking advantage of the scarcity of jobs in the far North. 

Playtesting Santa’s Little Elves at the Ludopathic Gathering.

Exhausting work, bad pay, no pay at all for overtime, no consideration, no summer holidays, no career prospects. The factory is ice cold, and you have no idea when the heating will be fixed, but certainly not before the end of this winter season. Harassment issues are commonplace. It’s probably not better for your comrades sorting letters, and certainly even worse for those at the after-sales hotline, recently outsourced to Antarctica.And there are serious work harassment problem. Worst of all, the factory is terribly cold and you’ve no idea when the heating will be fixed. And better not talk about these poor reindeers, spending the whole summer in a dirty shed and running all around the world in the cold winter with ridiculous bells.

Solidarity and class consciousness are not elves’ strong suit, so you’ve decided to help yourself. On every occasion, you steal small toys from the line, and try to sell them on eBay as fallen of the back of the sledge. Of course, your nasty colleagues are all doing the same. They’re also spying on you, and will report you when caught, unless you give them what you have stolen.

The elf with the most cash at the end of the game is the winner, resigns from the job and goes for a two-month cruise in the Caribbean. The other elves have still enough cash for a few beers at the local tavern – and, yes, this means the money goes back to Santa Claus, who also owns the tavern, but that’s life.

Those who know my card games won’t be surprised by Santa Claus’ Elves. It is a simple and fast paced bluffing card game, entirely built on bluffing and psychology, a bit like my Dolores, Waka Tanka or Venture Angels. I have designed it a few years ago, but it has stayed unpublished because I was waiting for a publisher willing to keep both the simplicity of the core mechanism and the fun storyline, and many wanted to make the game more complex, or to go for a less political setting.

There’s one change I regret a bit, with the list of toys. My prototype had two categories of terribly gendered toys, dolls and pink plastic kitchens for girls, cars and construction sets for boys. This was one more problem for the elves, most of which are not clearly settled on gender issues. The publisher was afraid some gamers would take this at face value, even when the rest of the game is obviously parodic. The publisher replaced this with two other categories, traditional and modern toys – modern meaning from the nineties, because it looks nicer. I know it’s always safer to treat gamers as fools, there must be a few ones in the crowd, but it also means removing opportunities to both laugh and think. It’s not as fun, but it works as well and will probably make more sense with younger gamers who didn’t know the time of Barbie dolls and airplane models. And anyway, all the rest of my little proto-marxist elves story, class in itself but not for itself, is still there, and that’s what matters.

Santa’s Little Elves has short and simple rules, and can be played by kids, but you must not be fooled by its topic and title – it’s not just for kids. Played with the right crowd, it can also become a nasty bluffing game, like many of the small card games I have designed.

Santa’s Little Elves
A game by Bruno Faidutti
Art by par Marlies Barends
3 to 5 players – 20 minutes
Published by Matagot / TGG / Knight and Day games (2023)

Reigns – The Council

Il est assez rare que je travaille sur commande. Je reçois de temps à autre des propositions d’éditeurs, ou d’autres, désirant un jeu sur un thème particulier, mais je ne donne suite que si le sujet m’amuse vraiment et si j’ai assez rapidement une idée qui me semble mériter au moins d’être approfondie et essayée. Sinon, je renvoie le demandeur sur Bruno Cathala, et depuis peu sur l’équipe de Kaedama, que je sais plus à l’aise avec ce type de boulot.

Parfois, heureusement, il y a des offres que l’on ne peut pas refuser. Concevoir un jeu de cartes à partir de Reigns, adorable petit jeu video à l’humour noir et malin, en était une. Il reste que lorsque j’ai d’abord été contacté par l’équipe de Reigns, François Alliot, Arnaud de Bock et Thomas Bidaux, à l’automne 2018, je voulais répondre oui mais ne savais pas trop par quel bout prendre ce projet. J’ai donc proposé de mettre aussi sur le coup mon ami et voisin Hervé Marly, également grand amateur de jeux d’ambiance rigolos. Mes interlocuteurs étant également fans de Skull, m’ont dit qu’il était le suivant sur la liste d’auteurs qu’ils pensaient contacter, et ont donc immédiatement accepté.

Le fait que les auteurs de Reigns aient pensé à moi et à Hervé, et non par exemple Antoine Bauza ou Bruno Cathala, en disait déjà beaucoup sur la direction à suivre – un jeu léger et rigolo, avec plus de baratin ou de bluff que de tactique ou de stratégie. Hervé et moi avons donc intensément pratiqué Reigns sur nos iPhones pendant une ou deux semaines pour bien nous imprégner de l’ambiance avant de commencer à réfléchir à l’adaptation que nous pourrions en faire.

Une partie test au café jeux Meisia, à Paris

Dans le jeu video, le joueur est le roi, et son seul objectif de survivre le plus longtemps. À chaque tour, l’un de ses conseillers lui fait une proposition – attaquer les barbares de l’est, construire un palais, faire un don à l’église – qu’il accepte ou refuse en « swipant » à gauche ou à droite, comme dans Tinder. L’humour du jeu est tout entier dans les propositions, la manière dont elles s’enchainent, et l’effet qu’a l’acceptation ou le refus du roi sur l’état du royaume. Très vite, nous nous sommes dit que le seul moyen de recréer cet humour dans un jeu à plusieurs était de faire imaginer l’histoire par les joueurs.

Du coup, dans Reigns – The Council, si l’un des joueurs est le roi, les autres sont ses conseillers ayant chacun un objectif secret. Les propositions des conseillers sont représentées par des cartes. Dans notre première ébauche, les joueurs étaient totalement libres de raconter ce qu’ils voulaient, les seules informations figurant sur les cartes étant les effets d’une acceptation ou d’un refus par le roi sur les quatre « jauges » que sont l’église, l’armée, le peuple et le trésor. Laisser trop de liberté aux joueurs en bloquaient certains, et beaucoup de propositions n’étaient guère cohérentes avec les effets inscrits sur les cartes. Du coup, nous avons ajouté sur les cartes des mots clés – Dragon, Croisade, Taverne, Princesse… – pour tout à la fois encadrer les propositions des joueurs et leur donner un point de départ. Là, c’était trop directif, beaucoup de joueurs interprétant cela plus comme une obligation de caser les mots dans leurs discours que comme un guide à leur imagination. L’étape suivante a donc été de remplacer ces mots par des icônes, remplissant la même fonction mais de manière plus souple – et plus internationale, ce qui arrangeait bien notre éditeur.

L’équipe de Reigns travaille à Londres, mais ils ont fait le voyage pour nous rencontrer à Paris et faire quelques parties. Thomas est venu aux rencontres ludopathiques – où l’on n’a d’ailleurs finalement assez peu joué à Reigns ! Chacun a testé ensuite le jeu de son côté du channel, mais à quelques exceptions près les retours étaient plus ou moins les mêmes, ce qui a bien facilité le développement.

Dès que nous avons décidé d’avoir des icônes sur les cartes, tout n’a plus été qu’affaire de réglages, choix des dessins de chaque carte, remplacement de ceux qui n’inspiraient guère les joueurs ou n’étaient pas toujours bien compris. Il manquait encore un truc important dans le jeu video, la mort du roi, et c’est François Alliot qui a eu l’idée de demander au joueur ayant provoqué la fin du règne de la raconter, lui donnant ainsi l’occasion de marquer quelques points supplémentaires. Tout est donc allé très vite, puisque nous avons vraiment commencer à travailler en janvier 2019, et que le jeu était bouclé début juillet.

Durant les derniers développements de Reigns, j’ai participé à plusieurs salons et événements ludiques. Au mois de mai 2019, je me suis rendu à la rencontre d’auteurs de jeu de Vevey, en Suisse, organisée par Sébastien Pauchon. Un peu avant ou un peu après, je ne sais plus bien, j’ai rendu visite à Antoine Bauza et sa clique dans leur cafetière de Valence. En juin, c’était Paris est Ludique. À chacune de ces occasions, j’avais apporté mon prototype de Reigns pour faire quelques parties, et à chaque fois il s’est trouvé quelqu’un, un peu jaloux, pour me dire qu’il avait aussi pensé à faire une adaptation de Reigns en jeu de cartes. Le seul projet qui m’ait été un peu détaillé était parti dans une direction très différente de la nôtre, et plus proche du jeu video, les joueurs étant des rois rivaux devant gérer des problèmes identiques, entièrement gérés par un jeu de cartes. Hervé et moi avons fait le choix de nous éloigner plus des mécanismes du jeu, pour essayer de rester plus fidèle à son humour. Vous nous direz si nous avons réussi.

Après le succès du kickstarter, Reigns est resté assez longtemps indisponible, mais le voici de retour, début 2023, chez un nouvel éditeur, Passe ton tour.

Reigns
Un jeu de Bruno Faidutti & Hervé Marly
Illustré par Arnaud de Bock & Hervé Marly, inspiré du travail de Mieko Murakami sur Reigns
3 à 6 joueurs  – 30 minutes
Publié par Nerial / Creative and Cool / Passe ton tour


I rarely do commissioned game design work. Every now and then, I get offers from publishers or other companies wanting a boardgame on some specific theme. I usually accept only when the theme sounds really exciting and when I have at once an idea which seems worth studying and playtesting. More often, I forward the commissioner to Bruno Cathala, and now to the Kaedama team, which are better at that kind of job.

Luckily, there are sometimes offers I can’t and don’t want to decline. Designing a card game based on Reigns, an adorable video game with a subtle dark humor, was one. When I was first contacted by the Reigns team, François Alliot, Arnaud de Bock and Thomas Bidaux, in autumn 2018, I wanted to accept but didn’t really know how to start with the project. I suggested we asked my friend and neighbor Hervé Marly, who is great at fun party games, to work with me on the project. They told me they were all fans of Skull and that he was the next one in the list of designers they wanted to ask, so the deal was done.

The very fact that the Reigns team had thought of contacting me or Hervé, and not better know designers such as Antoine Bauza or Bruno Cathala, was already a hint. They wanted a light and fun game, more about talking, storytelling and bluffing than about tactics or strategy. So Hervé and I intensely played Reigns on our iPhone for one or two weeks in order to take in the game’s atmosphere before we started really working on our card game mechanisms.


The Reigns team playtesting the game at the Game Designers Conference in San Francisco

In the Reigns phone game, the player is the king, and his only goal is to survive as long as possible. Every round, one of his counsellors makes a proposal – attack the eastern barbarians, build a palace, give money to the church… – and the player swipes to the left or right, like in Tinder, to accept or refuse the proposal. The game’s fun is in the proposals, the way they are interwoven, and their impact on the kingdom’s health. We immediately agreed that the only way to recreate this fun in a card game was to have the players, and not the game, tell the story.

In Reigns – The Council, one player is the king, and all the other ones are his counsellors, each one with a different secret objective. The counsellors improvise their suggestions based on cards. The first version of the game was completely freeform, the only informations on the cards being the effect of an acceptation or a refusal on the four kingdom health tracks, church, army, people and treasury. It was not enough, some players could not really improvise, and some proposals were not consistent at all with the effects on the cards. We added keywords on the cards – Dragon, Crusade, Tavern Princess – to guide the players and give them a starting point. this was too much, and many players interpreted this more like an obligation to use the exact word in their speech than as a thematic hint. So the next step was to replace these words with symbolic icons, giving more flexibility – and making the game really international, which was obviously a plus for our publisher.

The Reigns team works in London, but they made the trip to Paris to discuss the game and play together. Thomas went to my ludopathic gathering, but we didn’t play that much Reigns – The Council there. Then we each play tested on our side of the channel, and the returns were more or less the same, which made the final development relatively easy.

Once we had decided to have icons on the cards, all we had to do was fine tuning, choosing the icons on every card, replacing the few ones players didn’t like or didn’t understand. One important feature of the phone game was still lacking, the king’s death. François Alliot had the idea to ask the player who caused the end of the reign to tell the story, giving them the opportunity to score a few extra points. All in all, this was a job fast and well done, since we really started working in January and the game was finalized early July.

During the last developments on the game, I took part in several game fairs and other game events. In May 2019, I went to a game designers meeting in Switzerland, in Vevey, organized by Sébastien Pauchon. One or two weeks before or after, I don’t remember precisely, I met Antoine Bauza and his team at the Cafetière in Valence. In June, it was the paris est ludique game fair. On all of these occasions, I met game designers who told me they also had thought of a Reigns card game. One of them detailed his idea, which was very different from our – players were to be rival kings facing the same events, generated by a deck of cards. Hervé and I have decided to get away from some of the phone game mechanisms in order to be more true to its humor. You will tell us if we were successful.

After the success of the Kickstarter campaign, Reigns has been unavailable for while, but it’s now back with a new small publisher, Creative and Cool / Passe ton tour. Though the game has rules in both French and English, it is only sold in France so far, but I hope it will soon reach at least UK and the US.

Reigns
A party game by Bruno Faidutti & Hervé Marly
Art by Arnaud de Bock & Hervé Marly, inspired by Mieko Murakami’s art for Reigns
3 to 6 players – 30 minutes
Published by Nerial / Creative and Cool / Passe ton tour

The Artemis Odyssey

Ad Astra, conçu avec Serge Laget et publié en 2009 par un éditeur disparu peu après, n’a pas vraiment eu sa chance. D’abord passé inaperçu, ce jeu n’est qu’ensuite devenu un succès d’estime, dont les rares boites se revendaient assez cher – je le sais, j’ai dû m’en procurer une ou deux quand j’ai voulu en recycler le matériel pour travailler avec Serge sur une nouvelle version. Du coup, nous sommes très contents qu’un autre éditeur, Grand Gamers Guild, ait décidé de lui donner une deuxième chance sous une nouvelle étiquette, The Artemis Odyssey, qui en fait un peu la suite de l’excellent The Artemis Project de Daryl Chow et Daniel Rocchi – et tant pis si la référence mythologique devient un peu bizarre quand il n’est plus question de coloniser la lune mais d’explorer des planètes plus lointainse.

Pour ceux qui connaissaient la première édition, Ad Astra, disons que The Artemis Odyssey est un jeu plus dynamique, notamment grâce à des tours plus brefs et des déplacements plus rapides, avec un matériel moins sombre et donc plus lisible. Il se joue désormais de 1 à 5 joueurs, et même par équipe à 6 ou 8.

Pour ceux, les plus nombreux sans doute, qui ne connaissaient pas Ad Astra, ou ne le connaissaient que de nom, voici donc une petite présentation de The Artemis Odyssey:

La toute première partie du tout premier prototype, il y a longtemps.

Cela fait bien longtemps que je n’ai pas ressorti ma vieille boite des Colons de Catan, mais dans les années 2000, lorsque Serge et moi avons commencé à réfléchir à ce qui allait devenir Ad Astra, puis The Artemis Odyssey, c’était encore un grand classique que nous pratiquions à l’occasion. Le système de production et d’exploitation des ressources de notre jeu est emprunté à Catan, mais nous avons voulu faire un jeu qui ne soit pas dépendant, comme l’est celui de Klaus Teuber, des jets de dés et de la géographie. Situer l’action dans l’espace nous a permis d’éliminer les situations de blocage assez fréquentes sur le continent catanien, et de donner du coup aux joueurs de plus larges choix stratégiques. Rendre la production de ressources dépendante des choix des joueurs permet d’éliminer la plus grande part du hasard, le fait que ces choix soient faits avec des cartes jouées faces cachés introduisant en revanche un peu de bluff et de psychologie, évitant de ce fait que cela ne devienne trop calculatoire. Tout cela fait de The Artemis Odyssey une sorte de Catan peut-être un peu plus complexe, mais surtout moins scripté, plus varié, plus tactique, plus dynamique – et dans l’espace, mais je ne suis pas sûr que cela change grand chose.

Financé via Kickstarter fin 2021, The Artemis Odyssey arrivera en boutique à l’été 2023. L’éditeur de la version française ayant refusé de me laisser faire la traduction, comme je le raconte dans un autre post, je conseille plutôt l’achat de l’édition originale, en anglais. Voici d’ailleurs la traduction des règles et cartes que j’avais réalisée et dont l’éditeur n’a pas voulu.

The Artemis Odyssey
Un jeu de Serge Laget et Bruno Faidutti
Illustré par Cristian Romero
1 à 5 joueurs – 45 minutes
Publié par Grand Gamers Guild
Boardgamegeek



Ad Astra was designed with Serge Laget and published in 2009 by a publisher who went out of business soon afterwards. The game went first unnoticed, and later became much sought after, to the point that the few available copies sold at a high price – I know it firsthand, since I had to buy one or two in order to recycle their components in the new version Serge and I were working on. We are therefore really happy that a new publisher, Grand Gamers Guild, decided to give it a second chance under a new name, The Artemis Odyssey. Our game has indeed become a kind of follow-up to The Artemis Project, a great « worker placement » game by Daryl Chow and Daniel Rocchiand never mind if the mythologiocal reference becomes a bit strange when the game is no more about colonizing the moon but about exploring far away planets.

If you’ve already played Ad Astra, you only need to know that The Artemis Odyssey is more dynamic, mostly due to shorter game rounds and faster movement. It has a brighter color palette and therefore more readable components. The game now plays from 1 to 5, and there’s even team rules for 6 or 8.

An unfortunate accident during the playtests of the new version.

If you’re not familiar with Ad Astra, or only by name, here’s a short description of The Artemis Odyssey.

I’ve not opened my old copy of Settlers of Catan for years but in the early 2000, when Serge and I started to think of what would become Ad Astra, and then The Artemis Odyssey, it was a classic that we regularly played. We really liked the resource production and development system from Klaus Teuber’s game but wanted to make something less dependent on dice rolls and geography. Moving the action into deep space prevents the blockade situations which are my main issue with Catan. Having resource production decided by the players makes the game less random, and having cards played face down brings a bit of bluff and psychology, and prevents the system from becoming a brain burner. The Artemis Odyssey might be slightly more complex than Catan, but it is mostly less scripted, more varied, more tactical, more dynamic – and in space, but I’m not sure it matters that much.

The Artemis Odyssey was financed on Kickstarter in late 2021, and will be in store in the summer of 2023.

The Artemis Odyssey
A game by Serge Laget et Bruno Faidutti
Art par Cristian Romero
1 to 5 players – 45 minutes
Published by Grand Gamers Guild
Boardgamegeek

Quelques mots sur la version française de The Artemis Odyssey.
About the French version of The Artemis Odyssey

Grrrre games venant d’annoncer une version française de The Artemis Odyssey, je voudrais encourager les joueurs à attendre plutôt la version originale en anglais, qui devrait être publiée aux États-Unis par the Great Gamers Guild, plus ou moins à la même date.

The Artemis Odyssey reprend largement les mécanismes de Ad Astra, un jeu de gestion et d’expansion conçu il y a longtemps déjà avec mon ami Serge Laget. Nous avions signé il y a cinq ou six and déjà un contrat pour cette nouvelle version avec un éditeur américain. Tout s’est parfaitement bien passé avec The Great Gamers Guild, qui a développé le jeu en étroite collaboration avec Serge et moi. Les règles du jeu publié aux États-Unis sont, à quelques corrections mineures près, celle que j’ai rédigées.

J’ai été un peu surpris d’apprendre que Grrrre games, un éditeur que j’avais bloqué sur les réseaux sociaux suite à des propos d’assez mauvais goût, allait s’occuper de la « localisation » de ce jeu. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, j’ai aussitôt, comme je le fais habituellement, traduit les règles en français. Après que Serge avait validé ma traduction, je l’ai transmise à Grrrre games. J’ai été très surpris de recevoir une réponse dans laquelle Florian Grenier, de Grrrre games, annonçait qu’il ne souhaitait pas utiliser cette traduction et m’envoyait la sienne, visiblement faite à la hache et à la va-vite. On y trouvait tout ce qui manquait à la mienne, mot à mot, anglicismes, lourdeurs, fautes de grammaire et de syntaxe, redondances, adverbes et même phrases inutiles.

J’ai tenté de raisonner M. Grenier, et nous avons même eu une brève conversation téléphonique. Je lui ai demandé, s’il ne voulait pas utiliser ma traduction des règles, de retirer au moins mon nom des règles françaises, ce qu’il a également refusé. J’ai raccroché lorsqu’il m’a expliqué que son contrat n’étant pas avec les auteurs mais avec l’éditeur américain, je n’étais pas concerné et il pouvait faire ce qu’il voulait.

Serge, qui avait de meilleures relations avec M. Grenier, pensait encore pouvoir arranger les choses. Il a essayé quelques temps, puis sa santé a commencé à se dégrader et il n’a plus vraiment pu s’en occuper.

Je n’ai plus aucune relation avec M. Grenier, et ne souhaite pas en avoir. J’imagine que les règles de la version française de The Artemis Odyssey ont été quelque peu relues et corrigées depuis la version ridicule et incompréhensible qu’il m’avait envoyée, mais ne les ayant pas vues, je ne peux en être certain. Quand bien même elles seraient claires et en bon français, il n’est pas normal que je n’aie pas pu rédiger la version française d’un texte dont j’avais assez largement écrit l’original anglais.

Je traiterai donc l’édition française de The Artemis Odyssey comme M. Grenier traite les auteurs de jeux, surtout lorsqu’ils sont vieux, par le mépris. Je ne répondrai pas aux éventuelles questions de règles la concernant, je ne dédicacerai pas les boîtes françaises, et j’invite les joueurs à se procurer plutôt l’édition américaine. En cas de besoin, voici la traduction des règles et des cartes que j’avais réalisée et dont l’éditeur n’a pas voulu.



Grrrre games has just announced that they will soon publish a French version of The Artemis Odyssey. I urge French speaking players to rather get the US edition, which ought to be published more or less at the same time in the US by The Great Gamers Guild.  

The Artemis Odyssey is based on an older expansion and development game designed with my late friend Serge Laget. Five or six years ago, we had signed a contract for this new edition with an American publisher, The Great Gamers Guild. They did a great job developing the game in collaboration with Serge and me. The rules in the English language edition are, with some minor corrections, the ones I had written.

I was surprised to learn that Grrrre Games, a publisher I had blocked on social networks after a few posts of really bad taste, was in charge of the French language localization. I nevertheless decided to make the best of it and, as I always do, I translated the rules in French. After Serge had proofread my rules, I sent it to Grrrre games. I was extremely surprised by the answer by Florian Grenier, the boss of Grrrre games. He wrote that he didn’t plan to use my translation, and was sending another one, obviously hastily written. His translation had all that mine was missing – anglicisms, ponderousness, grammar and syntax errors, redundancies and pointless adverbs.

I tried to reason with Mr Grenier, and we even had a short phone conversation. I hung up when he explained that his contract was not with the designers but with the US publisher, and that he therefore could do as he wished.

Serge, having better relations with Mr Grenier, still hoped to fix things. He tried for a while, but then his health started to deteriorate and he gave up.

I have no more relations with Mr Grenier, and I don’t want to. I guess the rules in the French version of The Artemis Odyssey have been proofread and improved since the ridiculous and catastrophic version I have read. Even if they are now well written, it is no correct that I have not been allowed to write the French version of an English text I had, for the most part, written.

I will therefore deal with the French edition of The Artemis Odyssey as Mr Grenier deals with game designers, especially old ones – I will from now on ignore it. I won’t answer rules questions about it, I won’t sign copies of the game in French, and I urge players to rather get the English language version.

Grail Cup

Citadelles est, de tous mes jeux, celui qui se vend le mieux. Je le sais, mon banquier le sait, et surtout les éditeurs le savent qui, régulièrement, me demandent si je n’aurais pas dans un coin « un autre Citadelles ». Ce n’est pas toujours ce que j’ai le plus envie de faire mais, de temps en temps, je m’y essaie.

Aux Pierres du Dragon et, surtout, L’Ambition des Rois, sont des tentatives de recréer les mêmes sensations qu’à Citadelles à l’aide de mécanismes différents. À deux joueurs, je pense d’ailleurs que l’Ambition des Rois est un bien meilleur jeu.

J’ai aussi tenté d’exploiter le système de choix des personnages qui est au cœur de Citadelles à des bases différentes. Mes essais sur des jeux de majorité, ou de votes, n’ont pas été suffisamment convaincants pour que je les montre à des éditeurs. Lost Temple et, aujourd’hui, Grail Cup qui en est le successeur, utilisent ce principe dans un jeu de course.

Dans Lost Temple, paru il y a une dizaine d’années, les joueurs étaient des aventuriers quelque part en Orient, à la recherche d’un – devinez – Temple Perdu. Dans Grail Cup, ce sont les chevaliers de la Table Ronde cherchant à atteindre le château du Graal, avec l’aide de leurs amis l’Enchanteresse, l’Écuyer, Merlin, la Forgeronne, le Dragonnier, la Princesse, le Prêtre, la Fée et la Licorne. Ces alliés sont choisis exactement comme les personnages de Citadelles, et permettent d’avancer plus rapidement, de s’informer des possibles pièges, de s’y préparer, de changer sa place dans la course avec un autre personnage… Le jeu est plus léger, plus rapide, mais aussi méchant que Citadelles, tout en entourloupes et en queues de dragon.

Pour ceux qui ont joué à Lost Temple, la principale différence, outre bien sûr le changement de thème, est la disparition des gemmes, qui étaient une sorte de monnaie, afin de recentrer l’intérêt du jeu et l’attention des joueurs sur la position dans la course. Le jeu en devient ainsi plus rapide, plus tactique, plus fluide.

J’ai toujours beaucoup apprécié la ligne claire et l’humour subtil de John Kovalic, et je suis vraiment très heureux qu’il ait accepté d’illustrer l’une de mes créations. Ses personnages légers et colorés rendent très bien l’esprit de Grail Cup – c’est un peu Citadelles, mais c’est moins sérieux.

Grail Cup devrait arriver dans les boutiques françaises le 16 juin 2023.

Playtesting in a parisian boardgame café.

GrailCup
Un jeu de Bruno Faidutti
Illustré par JohnKovalic
3 à 8 joueurs – 30 minutes
Publié par Matagot
Boardgamegeek


Of all my games, Citadels is the one that sells best. I know it, my banker knows it, and, of course, the publishers know it. Regularly, they ask if I can show them “anorher Citadels”. It’s not always what I’m the most excited about, but, from time to time, I give it a try.

Fist of Dragonstones and, even more, Greedy Kingdoms try to recreate the same game sensations using different mechanisms. As a two player game, Greedy Kingdoms is, in my opinion, much better than Citadels.

I also tried to recycle the character selection system which is the heart of Citadels into other game systems. My attempts with voting or majority games were not convincing enough to be shown to publishers. Lost Temple, and its reimplementation Grail Cup, use it in a race game.

In Lost Temple, which was published ten years ago, players were adventurers in the Far East looking for, you got it, a lost temple. In Grail Cup, they are now the Knights of the Round Table racing to reach the Grail castle, with a little help from their friends the Enchantress, the Squire, Merlin, the Smith, the Dragonrider, the Princess, the Priest, the Fairy and the Unicorn. These allies are chosen exactly like the characters in Citadels and allow the knight to move faster, to look for possible traps, to get weapons, to swap place in another knight, etc… The game is light and fast paced. It’s less mean than Citadels, but there’s still room for a few nasty magic tricks.

If you’ve played Lost Temple, the main difference after the change in setting is the removal of gems, which were a kind of money used to pay for movement. The position on the track is now almost the only thing to take into account during the game. It makes the game faster, more tactical and more fluid.

I’ve always liked John Kovalic’s subtle humor and bright, simple art. I am really happy that he accepted to illustrate one of my creations. His light and colored characters are perfectly true to the spirit of Grail Cup – it’s lighter and faster than Citadels, but equally mean.

Playtesting with friends.

Animotion

Il y a des jeux qui prennent des années de retard, et d’autres qui arrivent plus vite que prévu. J’ai donc été pris de vitesse, car je n’attendais que dans quelques mois Animotion, la nouvelle version d’Animal Suspect, l’un des deux jeux d’ambiance que j’avais imaginé avec Nathalie Grandperrin. D’ailleurs, je n’ai même pas d’image des cartes, j’ai juste deux fichiers, le devant et l’arrière de la boite.

Animotion est un jeu de mime idiot mais très rigolo. Sur la table se trouvent six cartes avec des noms d’animaux – par exemple Pélican, Singe, Loup, Mouton, Dragon et Éléphant, placées sous six jetons (ou peut-être six cartes, je ne sais plus ce qui a été finalement choisi) numérotés de 1 à 6, et de même six cartes indiquant des émotions – par exemple en colère, excité, endormi, qui a envie de faire pipi, serein, amusé. Un joueur lance secrètement deux dés, et apprend ainsi, par exemple, qu’il est un pélican qui a envie de faire pipi, ou un éléphant endormi. Il doit alors mimer, simultanément, l’animal et l’émotion, les autres joueurs essayant de deviner. C’est tout, mais c’est franchement amusant.

Paru il y a une dizaine d’années chez Gigamic sous le nom d’Animal Suspect, dans une édition purement francophone et assez luxueuse, le jeu est de retour chez Spielwiese dans une version plus modeste et donc moins chère, avec des cartes en quatre langues, français, allemand, anglais et espagnol.

Animal Suspect
Un jeu de Bruno Faidutti & Nathalie Grandperrin
Illustré par Pablo Fontagnier
3 à 8 joueurs
Publié par Spielwiese (2022)
Boardgamegeek


Some games can be delayed for years, other ones arrive faster than expected. That’s the case with Animotion, the new edition of Animal Suspect, one of the two party games I designed with Nathalie Grandperrin. I even don’t have a picture of the cards, I’ve just the front and back of the box.

Animotion is a light and fun mime game. Six animal cards – for example Pelican, Monkey, Wolf, Sheep, Dragon and Elephant – and six empotion cards – for example angry, excited, needs to have a pee, serene, sleepy and amused – next to six tokens (or is it six cards, I don’t know what was finally chosen) numbered one to six. A player secretly rolls two dice and learns that they are, for example, the pelican who needs to have a pee, or the sleepy elephant. They must mime, simultaneously, both the animal and the emotion, while the other players try to guess them. That’s all, and that’s fun.

This game was published about ten years ago by Gigamic, as Animal Suspect,but only in French. It is now back in a four language edition – cards are in French, English, Spanish and German – published by Spielwiese.

Animal Suspect
A game by Bruno Faidutti & Nathalie Grandperrin
Art by Pablo Fontagnier
3 to 8 players
Published by Spielwiese (2022)
Boardgamegeek

Un Tric et un Trac

(Sorry, French only – two videos about my new games recorded at the Tric Trac website)

Mon passage chez Tric Trac à Orléans, en septembre, a été vite écourté, après le tournage d’une video de présentation de la nouvelle édition de Mascarade, lorsqu’il s’avéra que l’un des piliers du site, Guillaume, était positif au Covid. Retour à Paris, test, tout ça…
J’y suis donc retourné en novembre pour parler des mes autres nouveautés, Dreadful Circus et Vabanque, et du monde du jeu en général. Voici donc les deux videos, celle sur Mascarade et celle sur tout le reste.

Dreadful Circus

En 2016, après avoir conçu coup sur coup deux petits jeux de cartes, Dolorès et Secrets, Eric Lang et moi décidâmes de nous attaquer à quelque chose d’un peu plus conséquent, prenant un peu plus de place sur les tables de jeu. Dans Wizardopolis, les joueurs étaient des magiciens un peu prétentieux désireux d’aménager le plus beau domaines, avec palais merveilleux, tours maudites, écuries de licornes, kiosques romantiques, lacs aux sirènes et éventuellement mines d’or et d’argent, ça peut toujours servir. Aucun magicien n’ayant vraiment les moyens de ses ambitions, ils devaient sous-traiter auprès des autres sorciers pour obtenir les équipes de nains, trolls, elfes ou sirènes nécessaires pour faire avancer le chantier. Cela se faisait par un système d’appels d’offre, chaque joueur à son tour annonçant où il voulait construire, et chacun des autres joueurs mettant dans une enveloppe l’équipe qu’il était prêt à envoyer en indiquant le prix demandé. Bien sûr, chaque travailleur avait sa particularité. Les elfes font de jolies choses dans la forêt mais leur religion leur interdit de couper des arbres ; les trolls sont bons pour déplacer les cailloux ; les chevaliers éloignent les dragons, qui sont la plaie des chantiers ; les gobelins acceptent tous les boulots, mais on ne sait jamais si tout va être fait selon le cahier des charges. L’idée était amusante, le jeu n’était pas inintéressant, mais nous ne sommes jamais arrivé à le rendre suffisamment bref, rapide et fluide. Puis Éric a été embauché chez CMON, a déménagé à Singapour, et n’a plus vraiment eu le temps de s’occuper d’un projet qui, de toute façon, n’avançait pas bien vite.

Prototype de Wizardopolis

Quelques mois plus tard, j’ai donc recyclé un élément du système d’appel d’offres et ai tenté de l’intégrer à quelque chose de totalement différent et, je l’espérais, de plus léger. Ce élément, qui est devenu le cœur du nouveau jeu, c’est un système d’enchères secrètes dans lequel le vendeur regarde les offres des acheteurs dans l’ordre de son choix, mais ne peut jamais revenir en arrière. L’idée était aussi d’exploiter les petites boites en papier mâché sur lesquelles j’avais flashé au BHV. À défaut de nom vraiment convaincant, ce jeu dont le premier prototype pouvait se joueur jusqu’à 7 a très vite trouvé un thème peu original mais qui convenait bien, des nains échangeant métaux, pierres précieuses et reliques diverses. Dans ma tête, et pour les amis avec lesquels j’ai fait de très nombreux tests, c’était « le jeu des coffres » parce que chaque joueur y disposait de deux boites en carton, l’une contenant son trésor, l’autre contenant les offres en pièces d’or ou d’argent et pierres précieuses offertes aux autres joueurs pour acquérir les cartes mises en vente.

Une note sur le thème, les mécanismes et les objets.

On me demande souvent, trop souvent, si mes jeux sont conçus en partant d’un thème ou d’un mécanisme. Je renverrai sans doute les prochains qui me poseront la question à un récent post du blog de mon ami Charlie Cleveland, avec qui j’ai conçu Vendetta. Quoi qu’il en soit, la réponse est qu’un jeu peut partir d’un thème, d’un mécanisme, des deux mais aussi d’autre chose et notamment un élément physique, matériel du jeu, ujn objet.

Il y a trois ans, j’ai vu à la papeterie du BHV, un lieu que devraient connaître tous les auteurs de jeux parisiens, de petites boites en papier mâché. Aussitôt, je me suis dit qu’il y avait des jeux à faire avec ces boîtes, un matériel bien moins exploité que les sempiternels dés et cartes. C’est aussi cela qui m’a donné l’idée du jeu des coffres, le futur Dreadful Circus.

Lors de nos parties test, des vendeurs ont inévitablement voulu secouer un peu les boites des acheteurs potentiels pour estimer leur contenu. J’ai rapidement décidé que ce n’était pas dans l’esprit du jeu, mais cela a donné l’idée d’un autre jeu, Maracas, qui vient de sortir chez Blue Orange. Et j’ai deux ou trois autres protos avec des petites boites rondes ou carrées sur lesquels je devrais me pencher à nouveau un de ces jours.

Le prototype du jeu des coffres

Dynamique et tendu, le jeu a suscité l’intérêt de quelques éditeurs et j’ai finalement signé chez des gens que j’aime beaucoup, même si je n’ai encore jamais vraiment bossé avec eux, les Space Cowboys. Ils ont commencé à bosser dessus – enfin, surtout Croc qui a fait plein de petits réglages et a eu une très chouette idée pour accélérer le rythme, faire deux enchères simultanément, ce qui permet de jouer sans difficulté jusqu’à 8 joueurs. Puis est arrivé la crise sanitaire, des remises en cause chez Asmodée, et, alors même qu’ils m’avaient versé une assez confortable avance, les Space Cowboys ont laissé tomber ce projet, à la grande tristesse de Croc qui s’y était beaucoup investi.

Partie de test chez Portal

J’ai donc repris le tour des éditeurs, avec un jeu plus abouti, et l’une des premières portes auxquelles j’ai frappé a été la bonne, là encore un éditeur que je connais depuis bien longtemps, depuis avant même qu’ils ne montent leur boite, que j’aime beaucoup, que je vois tous les ans à Étourvy, mais avec lequel je n’avais jamais bossé, les Polonais de Portal. L’équipe d’Ignacy et Merry s’est donc emparé de mon jeu, en a changé le thème et très rapidement développé les mécanismes dans des directions inattendues.

Les joueurs gèrent maintenant un cirque dans une ambiance freak show, les cartes représentant les différentes attractions qu’ils peuvent se procurer – des artistes en tout genre, magiciens et équilibristes, des boutiques vendant bonbons ou livres bizarres, des circuits et baraques plus effrayants les uns que les autres. C’est peut-être un peu moins cohérent, mais cela permet de donner au matériel un look assez original et puis, bon, il y en a un peu assez des histoires de nains et d’orques.

Beaucoup d’effets de cartes ont été modifiés, le jeu devenant un peu moins agressif et un peu plus tactique, et donc sans doute plus dans l’air du temps. N’ayant pas participé aux derniers réglages, je n’ai pas tout essayé et suis très curieux du résultat, mais connaissant l’équipe, je suis aussi très confiant.

Après avoir joué, je dois avouer être déconcerté par certains des changements apportés au jeu. Le jeu n’est pas mauvais, mais il est loin d’être aussi bon qu’il aurait dû.
C’est en partie de ma faute, je les ai laissé faire, beaucoup trop vite, n’imaginant jamais qu’ils aient pu à ce point changer les équilibres du jeu. Du coup, je me retrouve dans une situation très inconfortable vis à vis de gens que, malgré tout, j’aime beaucoup. La meilleure solution est sans doute d’expliquer comment réparer le jeu.

Certaines cartes, comme Seer Anaïs ou Astonishing Camilla, ne fonctionnent tout simplement pas. Surtout, le système de score est devenu très déséquilibré en faveur des contrats, alors que tout le jeu était construit sur l’idée que l’on doit pouvoir gagner de différentes manières, en jouant les contrats, l’argent ou les cartes.

J’espère que tout cela sera modifié pour les tirages et traductions futurs, mais en attendant, il est assez facile de corriger le jeu pour le rendre plus équilibré. Voici les modifications à apporter:
• Débutez la partie avec cinq contrats et non six.
• Modifiez le score des contrats : 5 points pour un set de 5 cartes, 8 points pour une majorité.
• Modifiez le score des collections : 0, 6, 14 au lieu de 2, 5, 9.
• Retirez du jeu la carte Astonishing Camilla.
• Retirez l’une des deux cartes Wirewalker Jia Li, celle marquée 5+.
• Modifiez les cartes suivantes :
– Seer Anaïs : regardez dans le sac et prenez-y un contrat de votre choix.
– Looped Wagons : vous n’avez besoin que de 4 couleurs de contrats pour faire un set.
– Bizarre Kaleidoscope : Marquez 3 points de plus par set de contrats.
– Crystal Balls : … marquez 12 points (et non 5) si vous tombez juste.
– Formaldehyde Jars : Lorsque vous êtes vendeur, vous pouvez toujours retourner au tout premier wagon que vous avez regardé.

Voila, j’aurais aimé pouvoir faire quelques autres réglages, notamment diminuer le nombre de pièces de cuivre, mais cela devient un peu compliqué sans changer nombre d’autres cartes. Avec ces petites modifications, vous retrouverez déjà à peu près l’équilibre normal du jeu.

Parmi les changements apportés au jeu lors des derniers développements, nous avons décidé, pour accélérer le jeu, d’arrêter la partie lorsque les joueurs ont trois cartes en main, et non deux comme c’était le cas auparavant. Sans doute n’avons-nous, ni en France, ni en Pologne, testé cette nouvelle version avec sept joueurs, où elle entraîne un léger déséquilibre. Le 4ème joueur, qui fait une enchère de plus, est en effet avantagé. La solution est simple, et ce sera corrigé dans les futurs tirages: il suffit de débuter la partie avec 8 cartes par joueur et non 7. Oui, je sais, un déséquilibre qui ne se produit qu’à 7 joueurs et qui est en faveur du 4ème joueur, cela peut paraître bizarre, mais tout dans ce jeu est bizarre.

Dreadful Circus
Un jeu d’enchères et de bluff de Bruno Faidutti
Illustré par Maciej Siminski & Mateusz Bielski
4 à 8 joueurs  – 45 minutes
Publié par Portal Games
Boardgamegeek

Quelques remarques sur les changements de thème.

Il arrive assez souvent qu’un éditeur apprécie les mécanismes d’un prototype qui lui est présenté et souhaite en modifier le thème.

Parfois, comme lorsque les vieilles dames et les pigeons d’un petit jeu de cartes sont devenus les chats et les poissons de Chawaï, ou lorsqu’un enième jeu de marchands au Moyen Âge est devenu Isla Dorada, l’éditeur me suggère le nouveau thème et me laisse faire l’adaptation. Parfois, comme cela s’est passé avec mon jeu de nains devenu Dreadful Circus, ou avec mon jeu abstrait vaguement alchimique devenu Tonari, encore des poissons, c’est l’éditeur qui se charge de tout le travail. C’est en effet un gros boulot, qui ne se limite que très rarement à changer les noms des cartes ou de pion. Il arrive que des règles qui faisaient sens dans un univers ne le fasse plus dans le nouveau, il arrive surtout que le nouveau contexte suggère de nouveaux effets et amènent à un nouveau développement du jeu.

Je suis toujours un peu méfiant, mais pas vraiment hostile à ces changements, tout dépend du jeu, du nouveau thème proposé, et des motifs du changement. J’ai ainsi refusé à plusieurs éditeurs de changer le thème de mon petit jeu sur les lutins du père Noël, qui sortira finalement en fin d’année avec ses clins d’œil un peu provocateurs, rigolos, marxistes et féministes. Pour mon jeu des coffres et des nains, j’étais un peu sceptique car le thème originel fonctionnait très bien et avait été très travaillé, mais aussi très compréhensif car ce thème originel n’était pas très original et peut-être inadapté à un jeu assez grand public. Je ne regrette pas d’avoir accepté, le nouvel univers est plus original, et son côté un peu sombre donne au matériel un look très différent qui convient bien à un jeu de bluff et de psychologie.


In 2016, after having devised two light card games, Dolorès and Secrets,  Eric Lang and I decided to work on something more ambitious, a big box game with some real table presence. In Wizardopolis, the players were wizards trying to set up the nicest magical domain, with marvelous castles, dark towers, unicorn stables, romantic kiosks, siren lakes and, last but not least, gold and silver mines. Since none of them really had the means of their ambitions, they had to outsource most of the building job to the other wizards, in order to get the required teams of specialized dwarves, trolls, elves or goblins required on the building site. This was done through a tender system, each player on turn announcing what and where he wanted to build, and the other player placing in an envelope the team they were proposing, and setting the required wages. Of course, every type of worker had its specialty – elves can do really nice job in the forest, but their religion forbids cutting trees, trolls are good at moving rocks, knights protect the building site from wandering dragons, goblins can do anything, but don’t always respect the specifications note. The idea was great fun, the game was challenging but we could not manage to make it short, fast and fluid enough. Then Eric got hired by CMON, moved to Singapour, and had no more time to devote to a project which, anyway, was not really moving forward.

Wizardopolis prototype

A few months later, I took half of our abandoned tender system and tried to start there to build from scratch something completely different and, I hoped, faster and lighter. This has now become a game of secret bidding auctions in which the seller can look at the prospective buyers’ offers in any order, but cannot come back to an offer he already declined. I also wanted to make a good use of the cute papier mâché boxes I had just bought. I found no good name for the game, but he could be played up to seven players and soon got an unoriginal but well fitted theme – dwarves trading gold, silver, gems and various relics.

A note about theme, mechanisms… and components

Starting from theme, mechanics… or components I’m often, too often, asked if I start my designs from theme or mechanics. From now on, every time I’m asked this, I shall probably answer by linking to a recent blogpost by my friend Charlie Cleveland, codesigner of Vendetta. Anyway, the answer is that it can start from one, from the other, from both or also from something else, sometimes a physical component of the game.

Three years ago, in a Parisian general store, I saw small grey boxes made of papier-mâché (thanks Google translate!) and I instantly thought there were a few games waiting to be designed with this component which had not been overexploited like cards and dice. This is probably the true origin of the chest game prototype, the future Dreadful Circus.

During our playtests, clever sellers were inevitably tempted to shake the boxes of potential buyers to get an estimated of their content. We soon decided it was not in the spirit of the game, but it was the starting point for another game, Maracas, now published by Blue Orange. I still have two or three other projects with these small boxes on which I should work again one of these days.

My Chests game prototype

For me and my playtester friends, it was « the game of chests » because every player had two cardboard chests, one for their treasure and the other for the gems and coins offers to buy the cards on sale. The game was very tense and dynamic, and several publishers got interested. I signed with people I like a lot, but have never really worked with, the Space Cowboys. Croc started to work seriously on the game. He did a lot of fine tuning, and a had a great idea to speed up the game, holding two simultaneous auctions, which also made possible to accommodate up to 8 players. Then came the health crisis, several projects were cancelled at Asmodee and, even when they had paid me a comfortable advance, the Space Cowboys had to cancel the project, which was probably as hard to Croc as it was to me.

Playtest at Portal

I got the game back and started a new turn of the publishers, with a more developed game, and one of the first door I knocked at, Portal, was the good one. I know Merry and Ignacy for quite long, even before they started their company, they are regulars at my own small yearly game gathering in Etourvy, but we had never worked together. Their team took my game and, once more, changed a lot of things, starting with the theme.

Players are now managing a freak show style circus, and cards represent the various attractions they can get – all types of artists, acrobats and magicians, shops selling candies and comics, frightening rides and mysterious huts. It might be slightly less consistent, but it makes for nice looking components, and, yes, there are too many dwarves and orcs games.

Several card effects have been modified, making the game slightly less aggressive and more tactical, which is the actual trend. I didn’t take part in the last tunings, I didn’t playtest the final version, so I’m very curious of the result, but since I know the team quite well, I’ve no fear.

After a few games, I’m disappointed by some of the changes made to the game. It’s not bad, but it’s not as god as it should have been.
It’s parly my fault, I should have been more involved in the last developments and not let them do it in such a hurry. This puts me in a very uncomfortable situation with people I know for twenty years and I still like a lot.
The best is probably to explain what can be done to repair the game.

Two cards, Seer Anaïs and Astonishing Camilla, simply don’t work. More important, the scoring system has become strongly unbalanced towards contracts. The idea of the game was to have different winning strategies, with contracts, money or cards, now the only path to victory is contracts.

I hope this will be corrected in future editions of the game, but in the meantime, it’s relatively easy to tweak your game and make it fairly balanced. Here’s how :
• Start the game with 5 contracts instead of 6.
• Change the scoring for contracts : 5 points for a 5 cards set, 8 points for majority.
• Change the scoring for collections : 0,6,14 instead of 2, 5 9.
• Remove Astonishing Camilla from the game.
• Remove the 5+ copy of Wirewalker Jia Li.
• Change the following cards :
– Seer Anaïs : Look in the bag and take one contract of your choice.
– Looped Wagons : You need only 4 different contracts for a set.
– Bizarre Kaleidoscope : Score 3 extra points for every set of contracts.
– Crystal Balls : … Score 12 points (and not only 5) if you get it right.
– Formaldehyde Jars : As a seller, you can always return to the very first Wagon you checked.

I would have liked to make other changes, among which reducing the number of Copper coins, but this would mean changing the text of even more cards. As it is, these small changes already make for a fun, better balanced and more challenging game experience.

One of the last changes we made to the game was to stop when each player has three cards left in hand, and not two like in my original prototype. It seems that, neither in France nor in Poland, we didn’t playtest this change with 7 players, where it creates a small unbalance. The 4th player ends up holding one more auction than the others, which is not fair. The solution is simple, and this will be corrected in future print runs of the game : just start a 7 player game with 8 cards in hand and not 7. Yes, I know, an unbalance that happens only in 7 player games and which is in favor of the 4th player maight sound weird, but everything is weird in this game.

Dreadful Circus
An auction and bluffing game by Bruno Faidutti
Art by Maciej Siminski & Mateusz Bielski
4 to 8 players  – 45 minutes

Published by Portal Games
Boardgamegeek

A note about theme changes

Often, a publisher enjoys the systems and flow of a prototype but is only interested in publishing it if the setting is changed. This has happened to me regularly these ten last years.

Sometimes, like when the old ladies and pigeons of a small card game became the cats and fishes of Miaui, or when one more game about Renaissance German merchants became Isla Dorada, the publisher suggests the change and ask me to design the new adapted version. Sometimes, like when my dwarf game became Dreadful Circus, or when a completely abstract game became Tonari, one more fishes, the publisher takes care of all the changes. It can be a complex work, far more than just changing the names of cards and pieces. Some rules which made sense in the original setting might become absurd in the new one; more often, the new context brings ideas for new systems and effects.

I’m always wary, but I’m not opposed to such changes. It all depends on the game, on the new suggested setting, and on the reasons for the changes. Several publishers were interested in my small card game about Santa’s Little Elves but bothered by the humorous political references in it; I’m glad I resisted and finally found a publisher interested in the game as it is designed. I was first skeptical about changing the theme of my dwarf game; the original setting worked really well, had been used to devise and name many cards. On the other hand, I was also comprehensive because I know there are far  too many dwarves in the gaming world, and they might not fit well in a mainstream game. I finally accepted, and I don’t regret it. The new dark setting is more original, and while all details don’t always make sense, its darkness fits certainly better with a bluffing and psychology game.

Vabanque
ババンク

Ceux qui suivent un peu les auteurs de jeux, mais n’étaient pas encore là il y a une vingtaine d’années, seront sans doute un peu surpris d’apprendre que j’ai conçu, au tout début des années 2000, un petit jeu de bluff, Vabanque, en collaboration avec Leo Colovini. Le style assez abstrait, voire un peu sec, de l’auteur de Cartagena ou Carolus Magnus, est en effet assez éloigné de mes propres créations, et l’était plus encore à l’époque.

Moi-même ne me souvenais plus bien des épisodes qui nous ont menés là. Fort heureusement mon site web a conservé la mémoire du texte que j’avais écrit lors de la parution de la première édition, en 2001, chez l’éditeur allemand Winning Moves :

Tout a commencé un soir, dans mon appartement parisien, celui dont les étagères sont couvertes de centaines de jeux de société. Il y avait là mon groupe de joueurs habituels. Le toujours curieux Philippe des Pallières a demandé que je sorte un jeu vraiment inconnu, dont nul n’aurait jamais entendu parler, mais qui soit quand même intéressant. Mon regard s’est alors porté sur les plus hautes étagères et, allez savoir pourquoi, s’est arrêté sur une rareté, Elfengold, l’un des tous premiers jeux d’Alan Moon (à ne pas confondre avec l’extension d’Elfenland du même nom). Avec nos deux mains pour capital, nous voilà donc partis au fond de la mine pour extraire l’or des elfes. Le système de bluff a plu, mais mes joueurs ont trouvé le jeu un peu léger, un peu trop prévisible, manquant de substance. C’est de là qu’est parti l’idée de ce qui allait devenir Vabanque, après s’être longtemps appelé Macao. Je sais, le jeu final n’a vraiment pas grand-chose de commun avec Elfengold, mais c’est pourtant de là qu’il vient, par des chemins longs et détournés.

Le prototype de Macao

Une semaine plus tard, une première maquette était prête, et les premiers tests, je m’en souviens, eurent lieu à Thiercelieux, chez Philippe des Pallières. Assez rapidement, le jeu prit forme. Les casinos de Macao, des vamps aux longs fume-cigarettes, une police corrompue, des gangs qui rackettent tout cela. Il y a même eu une version avec mères maquerelles et vendeurs d’opium. Mes testeurs l’adoraient, en redemandaient, mais j’avais moins de succès auprès des éditeurs. Descartes, auquel je le destinais à priori, pour en faire un autre Blue Game, n’en a pas voulu, car c’est un jeu de bluff et d’argent, comme Corruption, et que Corruption se vend mal – ce qui est d’ailleurs injuste. Les allemands l’ont trouvé trop simple, trop basique, même si j’ai bien cru un moment que Stefan Brueck, d’Alea, allait le prendre. D’éditeur en éditeur, Macao a fini par arriver à Venise dans les bureaux d’Alex Randolph et Leo Colovini. Eux aussi l’ont trouvé un peu simple, mais l’idée et la mécanique les a séduits et Leo m’a donc proposé que nous le développions ensemble pour parvenir à quelque chose de plus sophistiqué.

Première édition allemande, en 2001

Ce fut compliqué. Je voulais faire Stupide Vautour, Leo voulait faire El Grande. Je trouvais ses idées trop complexes et trop stratégiques, il trouvait les miennes trop simples et trop farfelues. Mes testeurs commençaient à se lasser de voir chaque semaine une nouvelle version du même jeu lorsque le déclic s’est produit et que nous avons enfin trouvé la solution qui nous satisfaisait tous les deux, qui plaisait à tous les testeurs, qui enrichissait le jeu sans vraiment le complexifier. Le jeu, qui s’appelait encore Macao, par Bruno Faidutti et Leo Colovini, a donc été programmé chez Venice Connection. Venice Connection a pour habitude de travailler en collaboration avec des éditeurs allemands. Ils ont donc proposé le Macao révisé à Michael Matschoss, qui avait déjà vu ma première version. Il a dit oui, et le jeu est alors repassé dans les mains de sa nouvelle équipe de développeurs, le Team Annaberg, avec entre autres Marcel-André Casasola-Merkle, l’auteur du superbe Verraeter, qui s’est également chargé des illustrations. Les règles ont encore un peu changé, on n’est plus à Macao mais sur la Riviera, mais je reconnais quand même bien mon jeu.

Vabanque, un film muet allemand des années 20.

Le nom que l’éditeur princeps allemand a donné à ce jeu mérite explication. Vabanque est un terme d’origine française, inventé au XVIIIème siècle par les joueurs de Pharaon, un jeu de cartes alors populaire. Vabanque signifiait miser tout ce qu’il nous reste – on dirait aujourd’hui All In, Tapis ou Banco. Le terme est passé en allemand, et même un peu en anglais, langues où il est resté tandis qu’il disparaissait du vocabulaire français. Cela explique que les allemands, lorsqu’ils ont choisi ce titre très parlant pour eux, aient pensé qu’il le serait aussi pour les joueurs français, ce qui n’était pas le cas.

Édition japonaise, 2017.

Vabanque fut un succès d’estime mais, bien que le matériel ne comprenne aucun texte, ne fut pas alors traduit en d’autres langues que l’allemand. Il était largement oublié lorsque, en 2016, un petit éditeur japonais, New Games Order, nous contacta pour une nouvelle édition, parue peu après avec un matériel luxueux, notamment de jolies piles de jetons en bois.

Nouvelle édition en français, anglais et coréen, 2021.

Raphaël Bernardi, d’Igiari, a déjà réédité quelques petits jeux des années 2000, d’une méchanceté qui ne se fait plus trop aujourd’hui. Il a remporté un grand succès avec Intrige, de Stefan Dorra, un peu moins avec Templari, une reprise du Don de Michael Schacht. Vabanque est un peu dans le même style, il n’est donc guère étonnant que Raphaël ait été tenté. Il a d’abord pensé à reprendre les très belles pièces de l’édition japonaise, mais les coûts de production étant trop élevés, il a finalement opté pour une version entièrement nouvelle, publiée en français, anglais et coréen, langues dans lesquelles le jeu était encore inédit. Nous avons pensé à changer le titre pour quelque chose qui ait du sens en français, mais avons finalement préféré garder le nom d’origine, pour éviter toute confusion et parce que son histoire est amusante.

Le matériel de l’édition Igiari.

Vabanque
Un jeu de Bruno Faidutti & Leo Colovini

3 à 6 joueurs – 45 minutes
Publié par Winning Moves (2001), New Games Order, LLC (2017), Igiari et Asmodee Korea (2021)
Illustrations de M.A. Casasola Merkle (2001), U# (2017), Y. Glénisson & C. Masson (2021)
Boardgamegeek


If you follow game designers, but were not here twenty years ago, you might be surprised to find out that, in the early 2000s, I co-designed Vabanque, a small bluffing game, with Leo Colovini. The abstract, some would even say dry, style of the designer of Cartagena and Carolus Magnus is obviously very different from mine, and was even ore at this time.

I didn’t really remember how we came to his, but fortunately my website still kept rave of the article I wrote in 2001, when the first edition of Vabanque was published by German publisher Winning Moves :

It all started with a game night with my usual group in my little Parisian flat, the one with walls all covered with game shelves. Philippe des Pallières, always curious, requested me for a really unknown game, a game about which no one here had ever heard, but which was nevertheless interesting. I had a long circular look on the higher sheles, and, by chance, I stopped on Elfengold – not the Elfenland expansion, but one of Alan Moon’s first boardgames, published by his own little company, White Winds. So, with just our two hands as capital, we went down in the mine to look for the elves gold. The players enjoyed the bluff element, but found the game a bit light, a bit predictable, lacking of substance. That’s how I started thinking of what was to become first Macao, then Vabanque. I know the final game has really little in common with Elfengold, but nevertheless the idea came from it.

Le prototype de Macao

One week later, my first prototype was ready. The first test game took place in Thiercelieux, in Philippe des Pallières’ home. The game took shape easily. Macao, it’s casinos, vamps with overlong cigarette-holders, corrupted police, and chinese gangs racketeering. There has even been a version with procuresses and opium dealers. My testers loved the game, wanted to play it again and again, but I soon found out the publishers were less enthusiastic. I thought it could be one more Blue Game, but Descartes / Eurogames didn’t want it: it was a game of bluff and money, like Corruption, and Corruption (which is published in Europe by Descartes) doesn’t sell – which, btw, is unfair. Most german publishers found it too basic, too light. Stefan Brueck, of Alea, was near from taking it, but finally passed on. It made its way from publisher to publisher until it landed (?) in Venice, in Leo Colovini and Alex Randolph office. They thought it was a bit too basic, but they also thought that the basics were really good and Leo Colovini suggested that we work together on developping it.

First German edition, 2001

So we did, and it was a hard job. I wanted to make another Raj/Hol’s der Geier, Leo wanted to make another El Grande. I found most of his ideas too complex and strategic, he found most of my ideas too basic and chaotic. My playtesters were getting bored with playing every week a new version of the same game. Luckily, we finally found the right idea, the big idea that made the game richer but no longer or more complex, both French and Italian testers were very happy with it. So we signed with Venice Connection for a game that was still called Macao, by Bruno Faidutti and Leo Colovini
Venice Connection used to work with german publishers. They showed the new Macao to Mr Matschoss, of Winning Moves, who had already seen my first version. This time, he took it, and sent the game to his new developping team, the so called “team Annaberg”, with, among others, Marcel-André Casasola Merkle, the author of the wonderful Verraeter. They changed a few more rules, moved the game to the italian Riviera, and here it is, and it’s still my game.

Vabanque, A German slient movie, 1921.

The name of this game, Vabanque, was chosen by the first German publisher. Vabanque was first a French word, used by the players of Pharaoh, a gambling game popular in the XVIIIth century. It meant playing all of one’s money left – French players now would say All In, Tapis or Banco. The word passed into German and English, but too disappeared from the French vocabulary. When the German publisher choose this titre for the game, they thought it will have the same leaning for French gamers.

Japanese version, 2017.

Vabanque was a critical success, but didn’t sell that well and was not published in other languages, even when the components were language independent. It was almost forgotten when, in 2016, a small Japanese publisher, New Games Order, asked us to publish a Japanese version. It’s still available, and has gorgeous wooden components.

2021 edition.

Raphaël Bernardi, of Igiari, has already republished a few of his favorite games from the early 2000s, Stefan Dorra’s Intrige, which sold very well, and Michael Schacht’s Don, which has become Templari. Vabanque, like Intrige and Don, is a light, simple and very agressive game. Raphaël first wanted to localize the Japanese version, but this was too complex and having the same style of wooden chips would have been too expensive. So he decided to make a brand new version, in French, English and Korean, two languages in which this game had not been published yet. We considered giving the game another name, something which would make sense in French, but we finally decided to keep Vabanque to avoid any confusion, and because the word’s history is fun.

The Igiari edition.

Igiari is a small one person company. Despite a few minor hits, like Intrige, Onitama and Soviet Kitchen, it doesn’t have the means to publish several new games every year. That’s the reason why it will be on Kickstarter. I hope it will work, the game deserves it.

Vabanque
A game by Bruno Faidutti & Leo Colovini
3 to 6 players – 45 minutes
Published by Winning Moves (2001), New Games Order, LLC (2017), Igiari & Asmodee Korea (2021)
ARt by M.A. Casasola Merkle (2001), U# (2017), Y. Glénisson & C. Masson (2021)

Boardgamegeek