Trick or Treat

Il y a tout juste vingt ans, en 2002, après avoir sympathisé avec Éric Hautemont, je signais coup sur coup pour quatre jeux, Mystère à l’Abbaye (avec Serge Laget), Aux Pierres du Dragon (avec Michael Schacht), Le Collier de la Reine (avec Bruno Cathala) et Terra chez un éditeur qui n’existait pas encore, Days of Wonder. C’était un pari, au feeling, que je n’ai jamais regretté, même si les jeux ne sont aujourd’hui plus édités, ou plus par Days of Wonder. Vingt ans plus tard, j’ai fait le même pari, au feeling, en signant pour quatre jeux avec un nouvel éditeur américain, Trick or Treat Games. Le premier, Trollfest (avec Camille Mathieu) vient de sortir, et je ne peux pas encore en dire plus sur les autres, deux remakes de petits jeux de cartes déjà anciens et un gros jeu plus ambitieux et original.

Trick or Treat Studios est une compagnie déjà ancienne, créée il y a une douzaine d’années en Californie par Chris Zephro. C’est devenu l’un des leaders américains du marché des déguisements horrifiques, des gadgets inquiétants, des masques et costumes de Halloween et des trucs à collectionner – et aux Etats-Unis, ce n’est pas un petit marché. Les professionnels du jeu qui se sont aventurés dans le hall des monstres et des costumes ont donc peut-être croisé l’équipe de Trick or Treat à Nuremberg.

Un peu surpris de voir une boite déjà bien installée, sur un créneau qui a l’air de bien tourner, s’intéresser au marché déjà un peu encombré du jeu de société, j’ai donc interviewé Chris Zephro, via Skype, pour en savoir plus sur ses projets et ses motivations. Et comme je déteste les videos et podcasts qui durent des heures et que l’on ne peut pas vraiment lire en diagonale en cherchant ce qui nous intéresse, je vous en fais un résumé par écrit.

Chris, qui était au lycée avec l’un des fils de Gary Gygax, est tombé très jeune dans le jeu de rôles, puis dans le jeu de société, et a chez lui une collection de près de 2000 jeux. Les thèmes fantastiques et horrifiques de ses productions se prêtent bien à des adaptations ludiques qui pourraient aisément être vendues sur les mêmes sites webs et dans les mêmes boutiques. Cela fait donc bien longtemps que l’idée d’une gamme de jeux de société titillait Chris et son équipe, David, Jody, Justin et quelques autres. Comme beaucoup de gens dans beaucoup de domaines, ils ont « profité » des années de crise sanitaire pour se lancer. Ils ont contacté des auteurs connus – Eric Lang, Richard Garfield, Tom Lehmann, Emerson Matsuuchi, et bien sûr Bruno Faidutti, sans quoi je ne serais pas en train d’écrire cet article – mais ont aussi fait le tour des quelques bonnes idées qui traînaient dans leur entourage. Ils ont en outre repris les droits d’un certain nombre d’excellents jeux d’un éditeur sympathique malheureusement récemment obligé de mettre la clef sous la porte – je ne pense pas avoir encore le droit de dire qui et quels jeux. Pariant sur des auteurs de jeux connus, des thèmes fantastiques et horrifiques, des illustrateurs expérimentés venus du monde des comics et de l’horreur et peu connus des joueurs, et un réseau de distribution original qui ne les empêche bien sûr pas de vendre aussi par des réseaux plus classiques, Chris pense que Trick or Treat peut se faire une place dans le monde en forte croissance mais néanmoins assez encombré du jeu de société.

Les trois premiers jeux de Trick or Treat Games, trois grosses boites carrées au look aussi effrayant que rafraichissant, arrivent ces jours-ci en boutique. Dans World Z League, de David Gregg, illustré par Dug Nation, les joueurs tentent de résister à des hordes de zombies affamés avec pour seul moyen de défense le tir à l’élastique. Dans Blood Orders, conçu par l’un des employés de Trick or Treat, Nick Badagliacca, les joueurs sont des vampires tentant de prendre le contrôle de la cité et de ses habitants. Dans Trollfest, que j’ai conçu avec Camille Mathieu et dont je parle plus longuement ici, chaque joueur est l’impresario d’un groupe de rock dans un univers médiéval fantastique. Blood Orders et Trollfest sont tous deux illustrés par un vieux complice de l’équipe de Trick or Treat Games, David Hartman, surtout connu dans le monde de l’animation mais qui s’est bien amusé à dessiner quelques cartes. Une dizaine d’autres jeux sont prévus dans l’année qui vient, la plupart mais pas tous dans les univers fétiches de Trick or Treat.

Pour l’instant, tous ces jeux ne sortent qu’en anglais, et aux Etats-Unis, mais j’espère bien que des éditeurs et distributeurs petits et grands seront intéressés par des versions en français, en allemand et dans d’autres langues. Chris m’a dit dans son interview qu’il était prêt à discuter aussi bien de distribution que de licences. Si cela vous intéresse, contactez-moi (faidutti@gmail.com) et je vous mettrai en contact.

Ce qui m’a donné envie d’écrire cet article est surtout le plaisir que j’ai eu à travailler avec Chris, David, Jody et les autres. Je connais des éditeurs qui, une fois un jeu signé, travaillent dessus dans leur coin, changeant parfois un peu tout et se contentant de tenir vaguement l’auteur au courant tous les deux ou trois mois. C’est une méthode qui peut me convenir pour des jeux déjà publiés, déjà anciens, sur lesquels je n’ai pas de réelle excitation à retravailler et dont je suis curieux de voir ce que d’autres peuvent tirer. Pour des jeux nouveaux, sur lesquels j’ai toujours de nouvelles idées et peux rebondir sur les suggestions de l’éditeur, de l’illustrateur ou du graphiste, c’est frustrant, et donne souvent des résultats médiocres. Je voudrais donc donner en exemple à tous les éditeurs la méthode qui a été utilisée pour Trollfest : un forum en ligne et une gestion de projet, sous basecamp mais plein d’autres systèmes doivent permettre de faire la même chose, permettant à tous, éditeur, graphiste, illustrateur et auteurs, de rester en contact permanent, de savoir ce que chacun fait, de lancer des idées en l’air. C’est efficace, c’est rapide, cela respecte le travail de tous, et cela évite à l’éditeur de faire sans cesse l’intermédiaire en envoyant des emails en tous sens. C’est ainsi, je pense, que tous les éditeurs devraient travailler pour le développement de leurs jeux, et c’est ce qui m’a donné envie de continuer à travailler avec Trick or Treat – et aussi, quand même, le fait qu’ils ont l’air sympathiques.


Twenty years ago, in 2002, after I had sympathized with the founder Eric Hautemont, I signed four publishing contracts with a publisher which didn’t exist yet, Days of Wonder. The four games were Mystery of the Abbey (with Serge Laget), Fist of Dragonstones (with Michael Schacht), Queen’s necklace (with Bruno Cathala) and Terra. It was a gamble, and I never regretted it, even when these games are now out of print, or no more at Days of Wonder. Twenty years later, I just made the same kind of gamble and signed for four games with a new US publisher, Trick or Treat Studios games. The first one, Trollfest, designed with Camille Mathieu, is already out, and I can’t tell much about the other ones, two reprints of older light card games and a more ambitious and original big box game.

Trick or Treat Studios is new to the boardgame market, but it’s not a new company. It was founded thirteen years ago, in California, by Chris Zephro. Trick or Treat Studios, as you can guess from its name, specializes in Halloween stuff, masks, costumes, collectables which in the US is much more of a big business than anywhere else in the world. Boardgame professionals might have met the Trick or Treat team in Nuremberg when venturing into the masks and costumes hall.

I was a bit surprised to see a well established company, in what looks like a profitable market, venturing into the crowed boardgame business. So I interviewed Chris Zephro, via Skype, on his projects and motives. And since I hate long audio or video interviews and podcasts which I cannot read diagonally looking for what is of interest for me, I don’t post it but used it to write this short blogpost.

Chris was with Gary Gygax’s son in Jr High School, and has been playing role playing games, and later boardgames, for very long. He owns a collection of about 2000 boardgames. The fantasy and horror themes of Trick or Treat products fit very well with modern boardgames, which can easily be sold via the same networks of shops and websites. Chris and his team, David, Justin, Jody and a few others, were considering venturing into boardgames for some time. Like many people, they “took advantage” of the covid crisis to contact people and start developing new ideas. They contacted several well know designers, such as Eric Lang, Richard Garfield, Tom Lehmann, Emerson Matssuchi and even Bruno Faidutti (if not, I would not be writing this blogpost now) but also developed some fun ideas by their friends and coworkers. They also managed to acquire the rights on a few games by a really nice company who recently had to go out of business – I probably should not name it yet. Betting on well know game designers, great horror artists little known so far in the gaming world, and a new commercial network which doesn’t prevent them to also use the more traditional ones, Chris thinks there is a place for Trick or Treat games in the fast growing but also overcrowded boardgame publishing world.

The three first Trick or Treat games, three large square boxes which look both horrifying and refreshing, are landing in the US shops these days. In David Gregg’s World Z League, with art by Dug Nation, players have only rubber bands to shoot at the incoming crowd of hungry zombies. In Blood Orders, and in house design by Nick Badagliacca, they are vampires vying to take control of the city and its inhabitants. Both Blood Orders and Trollfest have art by David Hartman, better known as an animation artist, but who had real fun drawing a few game cards. A dozen or so new games are scheduled in the coming year, most but not all of them in Trick or Treats’ usual fantasy and horror settings.

These games are scheduled only in English so far, mostly for the US market, but I really hope other publishers or distributors will be interested in doing or selling French, German or other languages versions. Chris told me he is ready to discuss both distribution and license deals. If interested, email me (faidutti@gmail.com) and I’ll put you in contact with him.

The main reason which made write this blogpost is the real fun I have working on Trollfest with Chris, David, Jody and all the others. I know publishers who, once a publishing contract is signed, work on the game in house, sometimes changing tons of elements, and only vaguely emailing the designer once every two or three months that “development is going smoothly”. I have no real issue with this for new versions of older games; I’m not always excited in coming back to an older design, and I can be curious of what other people can make out of it. I can’t work this way for new designs, because I want the published game to be mine, even when I can always bounce back and build on the publisher or the illustrator’s remarks. It’s frustrating and the results are often mediocre.
This is why I want to stress as an example the method used on the development of Trollfest. There was an online forum on a project management system, namely Basecamp but it can probably work as well with other ones. All the people involved, publisher, designers, artist, graphic designer had access to it, could see everything and throw wild ideas in the air. It was efficient, dynamic, respectful of everyone’s work, and probably meant less work for the publisher than sending and forwarding emails in all directions. That’s how all publishers should work on game development, and that’s one of the main reasons I’m willing to work again with them – the other reason being that they seem to be nice guys.

Some of the Trick or treat team playing Trollfest with family.

TrollFest

Camille Mathieu est une amie, une habituée de mes soirées jeux. Elle m’accompagne aussi souvent à des concerts, surtout mais pas seulement metal, ou du moins m’accompagnait du temps où il y avait un peu plus de concerts. Camille étant aussi correctrice littéraire, spécialisée dans l’imaginaire, il y avait une certaine logique à ce que nous finissions par travailler ensemble sur un jeu de société mettant en scène des groupes de rock composés de nains, d’orques et d’elfes. 

Dès le début, je pensais appeler le jeu TrollFest, Camille pensant plutôt à Elfest. Notre premier essai, un jeu de cartes, fonctionnait plutôt bien mais le thème rock and roll ne collait pas parfaitement avec les mécanismes. Très vite, les guitaristes, bassistes ou batteurs figurant sur les cartes sont devenus des sportifs participant à des compétitions de lancer de nain, de tricot ou de bataille de boules de neige, et TrollFest est devenu Trollympics. Ce jeu a en principe trouvé un éditeur il y a un petit moment déjà, mais tout est compliqué en ce moment, et comme on a déjà raté les jeux olympiques de 2021, je crains qu’il ne sorte que pour les prochains. Si TrollFest a du succès, cela accélèrera peut-être les choses !

Partie de test à Etourvy, avec Camille (à gauche).

Le cœur de l’activité d’un groupe de rock, ou en tout cas de l’image que l’on en a, n’est en effet pas le choix des musiciens mais la tournée. Pour notre deuxième essai, nous avons donc opté pour un vrai jeu de plateau, avec une carte où figurent des villes, les lieux de concerts, et les routes qui les relient, quelque chose que je fais de moins en moins souvent, essentiellement parce que je suis nul en dessin.

Partie de test chez moi, à Paris. Vincent réfléchit. Camille aussi, plus discrètement.

Une partie de TrollFest se déroule désormais en trois temps. Les joueurs choisissent d’abord des cartes action et musicien et constituent chacun un groupe amateur d’au moins quatre membres, un chanteur, un guitariste, un bassiste et batteur. Chacun quitte ensuite sa région d’origine pour une vaste tournée, allant de ville en ville, donnant des concerts, recrutant à l’occasion de meilleurs musiciens, embauchant même parfois des dragons pour le transport et les lumières. Les concerts les plus réussis, ceux qui rapportent le plus de points, sont dans les cités qui ont soif de culture, celles où l’on n’a pas vu passer grand monde depuis longtemps, et surtout dans celles dont le public est particulièrement réceptif à votre style musical – en gros, les nains aiment la musique de nains et les trolls la musique de trolls. S’il est peu utile d’essayer de jouer de la pop elfe chez les trolls, des big bands de fusion multiculturelle peuvent tirer leur épingle du jeu un peu partout, surtout s’ils recrutent quelques figures marginales, gnome ou kobold, ou exotiques, sirène ou minotaure. Des événements imprévus, désaccords entre musiciens, tempête de neige ou gilets jaunes, viennent parfois semer le trouble. Rien n’est plus classe, bien sûr, que de terminer sa tournée en retournant dans sa ville d’origine à dos de dragon. 

Vient ensuite le TrollFest, clin d’œil au Hellfest, le grand festival, où les groupes se succèdent sur scène, applaudissements et rappels allant aux plus techniques, aux plus charismatiques, aux plus énergiques et paradoxalement tout à la fois aux plus authentiques et aux plus multiculturels. Au fait, il y a un groupe de folk–metal norvégien très sympa qui s’appelle TrollFest, et qui chante en trollspråk, langue qui est – on aurait dû s’en douter – un mélange de norvégien et d’allemand. Du coup, on va leur faire un peu de pub et on espère qu’ils nous en feront aussi.

Trollfest a l’apparence d’un gros jeu, avec une grosse boîte carrée, un plateau de jeu, des cartes et des pions nombreux et de divers types, plusieurs manières de marquer des points. Les règles en sont pourtant très simples, puisque celles de nos prototypes tenaient sur une simple feuille de papier A4. Le jeu étant resté en développement assez longtemps, et mes amis demandant souvent à jouer sur le prototype, Camille et moi avons sans cesse été tentés d’y ajouter de petits éléments thématiques qui nous semblaient rigolos. Pendant quelques temps, nous avons même essayé de personnaliser encore plus les musiciens, quelques uns d’entre-eux étant de vraies stars avec des nombreux fans, mais ayant, comme toutes les stars, des caprices – un chanteur elfe raciste refuse de jouer avec des nains, un orque ne se produit pas dans les villes elfes, un nain a peur des dragons et ne se déplace pas par voie aérienne, un autre a le mal de mer et ne monte pas sur les navires. Très amusants sur le papier, ces effets qui étaient surtout des restrictions, ralentissaient le jeu et étaient souvent oubliés, nous avons donc dû les abandonner. Aujourd’hui, surtout avec l’effet kickstarter, beaucoup d’auteurs de jeux sont tentés de toujours ajouter des éléments à leur création. Il ne faut pas se l’interdire, et dans TrollFest le jour de la marmotte est par exemple un ajout de dernière minute qui ajoute un peu de tension, mais je voudrais profiter de cet article pour donner ce conseil aux jeunes auteurs: méfiez-vous des petites règles qui ont l’air marrantes mais qui, finalement, apportent surtout de la complexité. Quand les joueurs oublient souvent une règle, cela signifie généralement qu’elle est inutile.

Au printemps 2021, j’ai été contacté, en même temps que d’autres auteurs connus come Tom Lehmann, Richard Launus ou Richard Garfield, par l’équipe de Trick or Treat Studios, un important fabricant américain de masques inquiétants, de costumes de Halloween et de bidules à collectionner désireux de se lancer dans le jeu de société. Je leur ai donc proposé les deux jeux de mon catalogue qui me semblaient thématiquement les plus proches de leurs univers, et ils ont, à ma grande surprise, décidé de publier les deux. Je pensais que l’autre, un petit jeu de cartes, sortirait d’abord mais c’est visiblement TrollFest qui les a le plus amusés. Il est vrai que, lors d’une discussion en ligne avec toute l’équipe, nous avons constaté que leurs goûts musicaux n’étaient pas très différents des nôtres, et qu’ils étaient responsables des costumes de quelques groupes de metal, et notamment des masques de Ghost

Leur illustrateur, David Hartman travaille aussi avec Rob Zombie, musicien metal et réalisateur de films d’horreur, pour lequel il a réalisé les clips de American Witch et Lords of Salem, et les illustrations de ses albums. David a visiblement pris beaucoup de plaisir à dessiner les nombreux musiciens de TrollFest, ce qu’il a d’ailleurs fait avec une vitesse impressionnante. Son style est sombre et sanglant, mais aussi léger et plein d’humour, et assez différent de ce à quoi nous sommes habitués dans le monde du jeu – mais je crois qu’on va le retrouver dans d’autres production de Trick or Treat Studios

Leur programme initial comprend, outre notre TrollFest, Blood Orders, un jeu de vampire relativement ambitieux de Nick Badagliacca (mais je ne vais pas lui faire trop de pub, moi aussi j’ai un jeu de vampires qui vient de sortir, Vendetta) et World-Z League, de David Gregg, un jeu de baston avec des élastiques et des zombies qui me fait très envie.

Je les ai vus sur scène, et c’était un peu décevant.

Ceux qui me connaissent seront peut-être un peu surpris de voir, dans TrollFest, un artifice thématique que j’avais jusqu’ici plutôt évité, celui de la rivalité entre peuples fantastiques – les américains parlent de races -, elfes, nains, orques, trolls et vampires. J’ai toujours été un peu gêné par le lien évident entre ces univers de fantaisie ludique et littéraire et la tendance, en particulier dans le monde anglophone, à essentialiser race et culture, tout en prétendant bien sûr faire le contraire, et j’en ai déjà discuté un peu sur ce blog. Je me méfie des identités, des traditions, des authenticités toujours reconstruites et souvent réactionnaires, et pense que nous avons tort de fétichiser des différences culturelles finalement assez superficielles. Si je les ai pourtant mis en scène dans ce jeu avec une certaine jubilation, c’est pour toute une série de raisons.

Camille (à gauche) et Croc (au centre) jouant à Trollfest à Etourvy.

Les nains, les elfes et les autres peuples de TrollFest ne sont pas là pour se foutre sur la gueule. La musique adoucissant les mœurs, ils cohabitent très pacifiquement, du moins tant qu’ils n’ont pas forcé sur l’hydromel. On peut certes gagner à TrollFest avec un groupe de musique traditionnelle naine, authentique et sans doute réac, voire avec du metal orc ou elfe un peu facho, mais aussi, comme d’ailleurs dans la scène musicale d’aujourd’hui, en montant un joyeux orchestre bordélique et multiculturel. 

J’apprécie beaucoup ceux qui mélangent tout et n’importe quoi en refusant de prendre les identités au sérieux, comme Gogol Bordello, The Cherry Coke$, Dakhabrakha, the Amsterdam Kletzmer Band, La caravane passeou le bien-nommé Kultur Shock, et c’est ce genre de musique, autant que du metal, que j’écoutais en travaillant sur TrollFest. C’est pour cela que, sur ma playlist Trollfest, j’ai mis des musiques d’un peu partout et pas juste du metal germano-nordique, dont le style correspond pourtant le mieux à nos univers fantastiques, ne serait-ce que parce qu’il puise aux mêmes sources.
La musique est aujourd’hui, avec la cuisine, l’un des rares domaines culturels où le mélange des genres joyeux et décomplexé semble encore l’emporter sur les tristes replis identitaires. J’espère bien que cela va durer et même rebondir sur d’autres domaines quand on aura réalisé que la véritable diversité se vit tous ensemble et non chacun dans son coin, que c’est non seulement plus rigolo mais aussi, au fond, plus honnête et plus respectueux. C’est peut-être aussi pour cela que je ne suis pas fan des jeux de Roll & Write.

Quoi qu’il en soit, les univers fantastiques sont sans doute plus une illustration qu’une cause de la lecture essentialiste des catégories sociales, à l’américaine, qui gagne aujourd’hui l’Europe. Il n’y a donc pas de risque à en faire usage, surtout lorsque c’est, comme dans TrollFest ou dans les romans de Terry Pratchett qui en sont une des inspirations, pour s’en moquer gentiment. 

Et puis, merde, ce n’est qu’un jeu. Dire ceci n’est pas une boutade, c’est un argument important dans une société qui semble prendre de plus en plus les univers virtuels, ludiques ou littéraires, plus au sérieux que le monde réel – ce qui est surtout un moyen de prétendre faire de la politique en évitant de s’attaquer aux vrais problèmes.

TrollFest
Un jeu de Camille Mathieu et Bruno Faidutti
Illustrations de David Hartman
3 tà 6 joueurs – 45 minutes
Publié par Trick or Treat Studios (2022)
Boardgamegeek
Playlist


Camille Mathieu is a good friend, and a regular at my Parisian game nights. We often attend concerts together, mostly but not obly metal, or at least we did when there were still concerts. Camille also works as a proofreader, specialized in fantasy literature. It is only logical that we ended up designing a boardgame together featuring rock bands composed of dwarves, orcs and elves. 

From the very beginning, I wanted to call our game TrollFest, while Camille thought of Elfest, a reference to the French metal festival Hellfest. Our first prototype was a pure card game. It worked really well, but the rock’n’roll theme didn’t really fit with the game system. Soon, the singers, drums or guitar players became athletes competing in dwarf tossing, knitting or snowball battle, and the first TrollFest became Trollympics. The game has found a publisher, but everything is a bit complex nowadays, we already missed the 2021 olympics, and I’m afraid it will only be published for the next ones. If Trollfest is a hit, it might speed things a bit.

Palytesting Trollfest in Etourvy. Camille is the girl with the raven tattoo.

The core of a band activity, or at least of how we imagine it, is not the choice of musicians but the tour. For our second try, we decided to do a big box game with a real board, a map of the fantasy world with cities, concert venues and roads.

Et partie de test chez moi, à Paris.

A game of TrollFest is made of three phases. At the beginning of the game, players draft action and musician cards and build an amateur band of at least four musicians, a singer, a drummer, a guitar and a bass guitar player. Every group then leaves its starting city for a big tour around the country, moving from town to town, holding concerts, sometimes recruiting additional or better musicians, sometimes even hiring dragons for the final light show. The main way to score points during the tour is to give concerts. The most successful ones are in the cities where the local crowd is most receptive to your musical style – basically, dwarves like dwarven music played by dwarven musicians, trolls like troll music played by trolls, etc. While playing elf pop in orc city halls makes little sense, multicultural big bands can have some success everywhere, especially if they also recruit a few exotic characters, like a siren or minotaur. Unexpected events such as disagreement between musicians, snow storm or yellow vests blocking the roads sometimes interfere with the band’s well planned tours. Nothing is more classy, of course, than to arrive on a dragon’s back to end one’s tour in one’s home city.

Then comes the big rock festival, the TrollFest, named after HellFest. All the bands play on the main stage, and the best performances score extra points for charisma, technical skill, energy and, paradoxically, both authenticity and diversity. By the way, there’s a fun Norwegian folk-metal band names TrollFest. They sing in trollspråk which is, not surprisingly, a mix of German and Norwegian. If this game is good press for them, may be they’ll reciprocate!

David made this exra drawing just for fun, let’s hope we’ll find some place for it in the rules.

With its big square box, lots of cards and various tokens, and several ways of scoring points, Trollfest might look like a big and intimidating game. It isn’t, it’s almost as straightforward as Ticket to Ride, and the rules of my prototype were written on a single sheet a paper. However, since the game was in development for quite a long time, and some of my friends really liked it and often asked to play it, Camille and I were often tempted to add a thematic elements which sounded like they could add some fun to it. For a while, some musician cards had special abilities or, mostly, restrictions. A few of them were big names with, like every star, bizarre whims. A racist elf singer didn’t want dwarves in the band. An orc didn’t want to play in elf cities. A dwarf was afraid of dragons and coul not travel by air, another one suffered from seatsickness. This sounded fun when writing it, but it slowed the game and, too often, the players forgot these effects so we had to abandon them. These last years, in part due to publishers asking for Kickstarter stretch-goals, many designers have been tempted to add layers and layers of rules and elements to their game, and many games feel interesting but overdevelopped. The late addition of stuff is not always a bad idea, and in Trollfest, for example, the Groundhog Day has been added in the very last weeks of testing and really adds some fun tension to the game. I would like, however, to give a small piece of advice to young designers – be careful when adding small rules which sound fun and thematic but often add unnecessary complexity. If players tend to forget a rule, it usually means it’s not necessary.

In the fall of 2021, I was contacted, together with other well known game designers such as Tom Lehmann, Richard Launius and Richard Garfield, by the people at Trick or Treat Studios, a major US producer and seller of Halloween masks, scary costumes and collectibles, who wanted to move into boardgaming. I showed them the two games in my catalog which seemed to fit best with their universe and, to my surprise, they decided to do both. I thought the other one, a small card game, would be published first but they were very excited by TrollFest, and its development went very fast. We had a long zoom session with the whole team and found that we had similar musical tastes, and that they were designing the costumes of a few metal bands, including the scary masks for Ghost.

Their graphic artist, David Hartman, also works with Rob Zombie, a metal musician and horror movie producer. He made the video clips for the movies Lords of Salem and American Witch, and the art for his albums. His style is of course dark and gore, but also light and full of humor, and he visibly had great fun drawing the musicians for TrollFest, which he did incredibly fast. It’s different from what we are used to in the boardgaming world, but I think we will see it also in other games by Trick or Treat Studios.

Among the Trick or Treat launch line are also Blood Orders, an ambitious vampire card game by Nick Badagliacca (but I won’t promote it too much since I also have a new Vampire game, Vendetta) and World-Z league, by David Gregg, a battle game with zombies and rubber bands which looks really fun and which I’m eager to play.   

Trollfest, le groupe.

Those who know me might be surprised to find in TrollFest a thematic trick I’ve always been extremely wary of, the rivalry between irreductibly different fantasy races – here elves, dwarves, orcs, trolls and vampires. The obvious relation between these literary or gamey fantasy worlds and the habit, mostly in the United States, to essentialize race and culture (while pretending to do the opposite) has always made me feel uncomfortable, and I’ve already discussed it a bit on this website. I’m wary of identities, of reactionary traditions, of reconstructed authenticities, and I think we are wrong in emphasizing and fetishizing cultural differences which are, in the end, extremely superficial. I nevertheless jumped in head first in fantasy races with this game, for several reasons. 

Ignacy Trzewiczek and friends playing the newly released Trollfest in Etourvy.

Dwarves, elves, trolls and other races in TrollFest are not here to fight. Music soothes the mood and they coexist very peacefully, at least as long as they don’t drink too much mead. One can win in TrollFest with a traditional dwarven music group, very authentic and backward-looking, or even with a vaguely fascistic elven or orc metal band, but also, like in today’s musical scene, with a merry and messy multicultural big band. Cultural mess is not cultural appropriation, because it’s going in every direction and not taking anything seriously.

I personally like bands who borrow everywhere, mix everything and refuse to consider culture a frozen thing, bands like Gogol Bordello, The Cherry Coke$, Dakhabrakha, the Amsterdam Kletzmer Band, La caravane passe or the well named Kultur Shock. When working on TrollFest, I was more listening to that kind of music than to metal. It’s also why my Trollfest Youtube Playlist has lots of strange fusion music from all over the world and not just german-scandinavian metal, even when the latter fits better with how we imagine a fantasy world which comes from the same sources.
Music is now, together with another passion of mine, cooking, one of the few cultural domains where diversity produces a joyful and uninhibited mix and not a sad retreat into segregated and fantasized identities. I hope it will stay so. It might even bounce back into politics, when everyone will realize that diversity is better all together than each in his corner (can you say this in English?), that it’s not only more fun but also, in the end, more honest and respectful. May be that’s also why I’m not that fond of roll & write game
s – games, like music, are better when played together.

Bruno Cathala playing Trollfest in Etourvy.

Anyway, medieval fantasy worlds are an image, and not a cause, of the essentialist understanding of social structure, a kind of analysis which first got popular in the US but is now becoming commonplace in European politics. Using fantasy races should therefore not be a problem, especially in humorous and obviously ironic settings, like inTrollFest or in Terry Pratchett novels, which have been one of the inspirations for this game.

And, fuck, it’s just a game. Saying this is not just a wisecrack, it’s an important argument when politics seem sometimes to take fantasy universes, be they literary or gamey, more seriously than the real world.

TrollFest
A game by Camille Mathieu and Bruno Faidutti
Art by David Hartman
3 to 6 players – 45 minutes
Published by Trick or Treat Studios (2022)
Boardgamegeek
Playlist

We forgot to put Zombies (and kobolds, and others) in Trollfest, but of course, there are zombie bands !

Animotion

Il y a des jeux qui prennent des années de retard, et d’autres qui arrivent plus vite que prévu. J’ai donc été pris de vitesse, car je n’attendais que dans quelques mois Animotion, la nouvelle version d’Animal Suspect, l’un des deux jeux d’ambiance que j’avais imaginé avec Nathalie Grandperrin. D’ailleurs, je n’ai même pas d’image des cartes, j’ai juste deux fichiers, le devant et l’arrière de la boite.

Animotion est un jeu de mime idiot mais très rigolo. Sur la table se trouvent six cartes avec des noms d’animaux – par exemple Pélican, Singe, Loup, Mouton, Dragon et Éléphant, placées sous six jetons (ou peut-être six cartes, je ne sais plus ce qui a été finalement choisi) numérotés de 1 à 6, et de même six cartes indiquant des émotions – par exemple en colère, excité, endormi, qui a envie de faire pipi, serein, amusé. Un joueur lance secrètement deux dés, et apprend ainsi, par exemple, qu’il est un pélican qui a envie de faire pipi, ou un éléphant endormi. Il doit alors mimer, simultanément, l’animal et l’émotion, les autres joueurs essayant de deviner. C’est tout, mais c’est franchement amusant.

Paru il y a une dizaine d’années chez Gigamic sous le nom d’Animal Suspect, dans une édition purement francophone et assez luxueuse, le jeu est de retour chez Spielwiese dans une version plus modeste et donc moins chère, avec des cartes en quatre langues, français, allemand, anglais et espagnol.

Animal Suspect
Un jeu de Bruno Faidutti & Nathalie Grandperrin
Illustré par Pablo Fontagnier
3 à 8 joueurs
Publié par Spielwiese (2022)
Boardgamegeek


Some games can be delayed for years, other ones arrive faster than expected. That’s the case with Animotion, the new edition of Animal Suspect, one of the two party games I designed with Nathalie Grandperrin. I even don’t have a picture of the cards, I’ve just the front and back of the box.

Animotion is a light and fun mime game. Six animal cards – for example Pelican, Monkey, Wolf, Sheep, Dragon and Elephant – and six empotion cards – for example angry, excited, needs to have a pee, serene, sleepy and amused – next to six tokens (or is it six cards, I don’t know what was finally chosen) numbered one to six. A player secretly rolls two dice and learns that they are, for example, the pelican who needs to have a pee, or the sleepy elephant. They must mime, simultaneously, both the animal and the emotion, while the other players try to guess them. That’s all, and that’s fun.

This game was published about ten years ago by Gigamic, as Animal Suspect,but only in French. It is now back in a four language edition – cards are in French, English, Spanish and German – published by Spielwiese.

Animal Suspect
A game by Bruno Faidutti & Nathalie Grandperrin
Art by Pablo Fontagnier
3 to 8 players
Published by Spielwiese (2022)
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Un Tric et un Trac

(Sorry, French only – two videos about my new games recorded at the Tric Trac website)

Mon passage chez Tric Trac à Orléans, en septembre, a été vite écourté, après le tournage d’une video de présentation de la nouvelle édition de Mascarade, lorsqu’il s’avéra que l’un des piliers du site, Guillaume, était positif au Covid. Retour à Paris, test, tout ça…
J’y suis donc retourné en novembre pour parler des mes autres nouveautés, Dreadful Circus et Vabanque, et du monde du jeu en général. Voici donc les deux videos, celle sur Mascarade et celle sur tout le reste.

Dreadful Circus

En 2016, après avoir conçu coup sur coup deux petits jeux de cartes, Dolorès et Secrets, Eric Lang et moi décidâmes de nous attaquer à quelque chose d’un peu plus conséquent, prenant un peu plus de place sur les tables de jeu. Dans Wizardopolis, les joueurs étaient des magiciens un peu prétentieux désireux d’aménager le plus beau domaines, avec palais merveilleux, tours maudites, écuries de licornes, kiosques romantiques, lacs aux sirènes et éventuellement mines d’or et d’argent, ça peut toujours servir. Aucun magicien n’ayant vraiment les moyens de ses ambitions, ils devaient sous-traiter auprès des autres sorciers pour obtenir les équipes de nains, trolls, elfes ou sirènes nécessaires pour faire avancer le chantier. Cela se faisait par un système d’appels d’offre, chaque joueur à son tour annonçant où il voulait construire, et chacun des autres joueurs mettant dans une enveloppe l’équipe qu’il était prêt à envoyer en indiquant le prix demandé. Bien sûr, chaque travailleur avait sa particularité. Les elfes font de jolies choses dans la forêt mais leur religion leur interdit de couper des arbres ; les trolls sont bons pour déplacer les cailloux ; les chevaliers éloignent les dragons, qui sont la plaie des chantiers ; les gobelins acceptent tous les boulots, mais on ne sait jamais si tout va être fait selon le cahier des charges. L’idée était amusante, le jeu n’était pas inintéressant, mais nous ne sommes jamais arrivé à le rendre suffisamment bref, rapide et fluide. Puis Éric a été embauché chez CMON, a déménagé à Singapour, et n’a plus vraiment eu le temps de s’occuper d’un projet qui, de toute façon, n’avançait pas bien vite.

Prototype de Wizardopolis

Quelques mois plus tard, j’ai donc recyclé un élément du système d’appel d’offres et ai tenté de l’intégrer à quelque chose de totalement différent et, je l’espérais, de plus léger. Ce élément, qui est devenu le cœur du nouveau jeu, c’est un système d’enchères secrètes dans lequel le vendeur regarde les offres des acheteurs dans l’ordre de son choix, mais ne peut jamais revenir en arrière. L’idée était aussi d’exploiter les petites boites en papier mâché sur lesquelles j’avais flashé au BHV. À défaut de nom vraiment convaincant, ce jeu dont le premier prototype pouvait se joueur jusqu’à 7 a très vite trouvé un thème peu original mais qui convenait bien, des nains échangeant métaux, pierres précieuses et reliques diverses. Dans ma tête, et pour les amis avec lesquels j’ai fait de très nombreux tests, c’était « le jeu des coffres » parce que chaque joueur y disposait de deux boites en carton, l’une contenant son trésor, l’autre contenant les offres en pièces d’or ou d’argent et pierres précieuses offertes aux autres joueurs pour acquérir les cartes mises en vente.

Une note sur le thème, les mécanismes et les objets.

On me demande souvent, trop souvent, si mes jeux sont conçus en partant d’un thème ou d’un mécanisme. Je renverrai sans doute les prochains qui me poseront la question à un récent post du blog de mon ami Charlie Cleveland, avec qui j’ai conçu Vendetta. Quoi qu’il en soit, la réponse est qu’un jeu peut partir d’un thème, d’un mécanisme, des deux mais aussi d’autre chose et notamment un élément physique, matériel du jeu, ujn objet.

Il y a trois ans, j’ai vu à la papeterie du BHV, un lieu que devraient connaître tous les auteurs de jeux parisiens, de petites boites en papier mâché. Aussitôt, je me suis dit qu’il y avait des jeux à faire avec ces boîtes, un matériel bien moins exploité que les sempiternels dés et cartes. C’est aussi cela qui m’a donné l’idée du jeu des coffres, le futur Dreadful Circus.

Lors de nos parties test, des vendeurs ont inévitablement voulu secouer un peu les boites des acheteurs potentiels pour estimer leur contenu. J’ai rapidement décidé que ce n’était pas dans l’esprit du jeu, mais cela a donné l’idée d’un autre jeu, Maracas, qui vient de sortir chez Blue Orange. Et j’ai deux ou trois autres protos avec des petites boites rondes ou carrées sur lesquels je devrais me pencher à nouveau un de ces jours.

Le prototype du jeu des coffres

Dynamique et tendu, le jeu a suscité l’intérêt de quelques éditeurs et j’ai finalement signé chez des gens que j’aime beaucoup, même si je n’ai encore jamais vraiment bossé avec eux, les Space Cowboys. Ils ont commencé à bosser dessus – enfin, surtout Croc qui a fait plein de petits réglages et a eu une très chouette idée pour accélérer le rythme, faire deux enchères simultanément, ce qui permet de jouer sans difficulté jusqu’à 8 joueurs. Puis est arrivé la crise sanitaire, des remises en cause chez Asmodée, et, alors même qu’ils m’avaient versé une assez confortable avance, les Space Cowboys ont laissé tomber ce projet, à la grande tristesse de Croc qui s’y était beaucoup investi.

Partie de test chez Portal

J’ai donc repris le tour des éditeurs, avec un jeu plus abouti, et l’une des premières portes auxquelles j’ai frappé a été la bonne, là encore un éditeur que je connais depuis bien longtemps, depuis avant même qu’ils ne montent leur boite, que j’aime beaucoup, que je vois tous les ans à Étourvy, mais avec lequel je n’avais jamais bossé, les Polonais de Portal. L’équipe d’Ignacy et Merry s’est donc emparé de mon jeu, en a changé le thème et très rapidement développé les mécanismes dans des directions inattendues.

Les joueurs gèrent maintenant un cirque dans une ambiance freak show, les cartes représentant les différentes attractions qu’ils peuvent se procurer – des artistes en tout genre, magiciens et équilibristes, des boutiques vendant bonbons ou livres bizarres, des circuits et baraques plus effrayants les uns que les autres. C’est peut-être un peu moins cohérent, mais cela permet de donner au matériel un look assez original et puis, bon, il y en a un peu assez des histoires de nains et d’orques.

Beaucoup d’effets de cartes ont été modifiés, le jeu devenant un peu moins agressif et un peu plus tactique, et donc sans doute plus dans l’air du temps. N’ayant pas participé aux derniers réglages, je n’ai pas tout essayé et suis très curieux du résultat, mais connaissant l’équipe, je suis aussi très confiant.

Après avoir joué, je dois avouer être déconcerté par certains des changements apportés au jeu. Le jeu n’est pas mauvais, mais il est loin d’être aussi bon qu’il aurait dû.
C’est en partie de ma faute, je les ai laissé faire, beaucoup trop vite, n’imaginant jamais qu’ils aient pu à ce point changer les équilibres du jeu. Du coup, je me retrouve dans une situation très inconfortable vis à vis de gens que, malgré tout, j’aime beaucoup. La meilleure solution est sans doute d’expliquer comment réparer le jeu.

Certaines cartes, comme Seer Anaïs ou Astonishing Camilla, ne fonctionnent tout simplement pas. Surtout, le système de score est devenu très déséquilibré en faveur des contrats, alors que tout le jeu était construit sur l’idée que l’on doit pouvoir gagner de différentes manières, en jouant les contrats, l’argent ou les cartes.

J’espère que tout cela sera modifié pour les tirages et traductions futurs, mais en attendant, il est assez facile de corriger le jeu pour le rendre plus équilibré. Voici les modifications à apporter:
• Débutez la partie avec cinq contrats et non six.
• Modifiez le score des contrats : 5 points pour un set de 5 cartes, 8 points pour une majorité.
• Modifiez le score des collections : 0, 6, 14 au lieu de 2, 5, 9.
• Retirez du jeu la carte Astonishing Camilla.
• Retirez l’une des deux cartes Wirewalker Jia Li, celle marquée 5+.
• Modifiez les cartes suivantes :
– Seer Anaïs : regardez dans le sac et prenez-y un contrat de votre choix.
– Looped Wagons : vous n’avez besoin que de 4 couleurs de contrats pour faire un set.
– Bizarre Kaleidoscope : Marquez 3 points de plus par set de contrats.
– Crystal Balls : … marquez 12 points (et non 5) si vous tombez juste.
– Formaldehyde Jars : Lorsque vous êtes vendeur, vous pouvez toujours retourner au tout premier wagon que vous avez regardé.

Voila, j’aurais aimé pouvoir faire quelques autres réglages, notamment diminuer le nombre de pièces de cuivre, mais cela devient un peu compliqué sans changer nombre d’autres cartes. Avec ces petites modifications, vous retrouverez déjà à peu près l’équilibre normal du jeu.

Parmi les changements apportés au jeu lors des derniers développements, nous avons décidé, pour accélérer le jeu, d’arrêter la partie lorsque les joueurs ont trois cartes en main, et non deux comme c’était le cas auparavant. Sans doute n’avons-nous, ni en France, ni en Pologne, testé cette nouvelle version avec sept joueurs, où elle entraîne un léger déséquilibre. Le 4ème joueur, qui fait une enchère de plus, est en effet avantagé. La solution est simple, et ce sera corrigé dans les futurs tirages: il suffit de débuter la partie avec 8 cartes par joueur et non 7. Oui, je sais, un déséquilibre qui ne se produit qu’à 7 joueurs et qui est en faveur du 4ème joueur, cela peut paraître bizarre, mais tout dans ce jeu est bizarre.

Dreadful Circus
Un jeu d’enchères et de bluff de Bruno Faidutti
Illustré par Maciej Siminski & Mateusz Bielski
4 à 8 joueurs  – 45 minutes
Publié par Portal Games
Boardgamegeek

Quelques remarques sur les changements de thème.

Il arrive assez souvent qu’un éditeur apprécie les mécanismes d’un prototype qui lui est présenté et souhaite en modifier le thème.

Parfois, comme lorsque les vieilles dames et les pigeons d’un petit jeu de cartes sont devenus les chats et les poissons de Chawaï, ou lorsqu’un enième jeu de marchands au Moyen Âge est devenu Isla Dorada, l’éditeur me suggère le nouveau thème et me laisse faire l’adaptation. Parfois, comme cela s’est passé avec mon jeu de nains devenu Dreadful Circus, ou avec mon jeu abstrait vaguement alchimique devenu Tonari, encore des poissons, c’est l’éditeur qui se charge de tout le travail. C’est en effet un gros boulot, qui ne se limite que très rarement à changer les noms des cartes ou de pion. Il arrive que des règles qui faisaient sens dans un univers ne le fasse plus dans le nouveau, il arrive surtout que le nouveau contexte suggère de nouveaux effets et amènent à un nouveau développement du jeu.

Je suis toujours un peu méfiant, mais pas vraiment hostile à ces changements, tout dépend du jeu, du nouveau thème proposé, et des motifs du changement. J’ai ainsi refusé à plusieurs éditeurs de changer le thème de mon petit jeu sur les lutins du père Noël, qui sortira finalement en fin d’année avec ses clins d’œil un peu provocateurs, rigolos, marxistes et féministes. Pour mon jeu des coffres et des nains, j’étais un peu sceptique car le thème originel fonctionnait très bien et avait été très travaillé, mais aussi très compréhensif car ce thème originel n’était pas très original et peut-être inadapté à un jeu assez grand public. Je ne regrette pas d’avoir accepté, le nouvel univers est plus original, et son côté un peu sombre donne au matériel un look très différent qui convient bien à un jeu de bluff et de psychologie.


In 2016, after having devised two light card games, Dolorès and Secrets,  Eric Lang and I decided to work on something more ambitious, a big box game with some real table presence. In Wizardopolis, the players were wizards trying to set up the nicest magical domain, with marvelous castles, dark towers, unicorn stables, romantic kiosks, siren lakes and, last but not least, gold and silver mines. Since none of them really had the means of their ambitions, they had to outsource most of the building job to the other wizards, in order to get the required teams of specialized dwarves, trolls, elves or goblins required on the building site. This was done through a tender system, each player on turn announcing what and where he wanted to build, and the other player placing in an envelope the team they were proposing, and setting the required wages. Of course, every type of worker had its specialty – elves can do really nice job in the forest, but their religion forbids cutting trees, trolls are good at moving rocks, knights protect the building site from wandering dragons, goblins can do anything, but don’t always respect the specifications note. The idea was great fun, the game was challenging but we could not manage to make it short, fast and fluid enough. Then Eric got hired by CMON, moved to Singapour, and had no more time to devote to a project which, anyway, was not really moving forward.

Wizardopolis prototype

A few months later, I took half of our abandoned tender system and tried to start there to build from scratch something completely different and, I hoped, faster and lighter. This has now become a game of secret bidding auctions in which the seller can look at the prospective buyers’ offers in any order, but cannot come back to an offer he already declined. I also wanted to make a good use of the cute papier mâché boxes I had just bought. I found no good name for the game, but he could be played up to seven players and soon got an unoriginal but well fitted theme – dwarves trading gold, silver, gems and various relics.

A note about theme, mechanisms… and components

Starting from theme, mechanics… or components I’m often, too often, asked if I start my designs from theme or mechanics. From now on, every time I’m asked this, I shall probably answer by linking to a recent blogpost by my friend Charlie Cleveland, codesigner of Vendetta. Anyway, the answer is that it can start from one, from the other, from both or also from something else, sometimes a physical component of the game.

Three years ago, in a Parisian general store, I saw small grey boxes made of papier-mâché (thanks Google translate!) and I instantly thought there were a few games waiting to be designed with this component which had not been overexploited like cards and dice. This is probably the true origin of the chest game prototype, the future Dreadful Circus.

During our playtests, clever sellers were inevitably tempted to shake the boxes of potential buyers to get an estimated of their content. We soon decided it was not in the spirit of the game, but it was the starting point for another game, Maracas, now published by Blue Orange. I still have two or three other projects with these small boxes on which I should work again one of these days.

My Chests game prototype

For me and my playtester friends, it was « the game of chests » because every player had two cardboard chests, one for their treasure and the other for the gems and coins offers to buy the cards on sale. The game was very tense and dynamic, and several publishers got interested. I signed with people I like a lot, but have never really worked with, the Space Cowboys. Croc started to work seriously on the game. He did a lot of fine tuning, and a had a great idea to speed up the game, holding two simultaneous auctions, which also made possible to accommodate up to 8 players. Then came the health crisis, several projects were cancelled at Asmodee and, even when they had paid me a comfortable advance, the Space Cowboys had to cancel the project, which was probably as hard to Croc as it was to me.

Playtest at Portal

I got the game back and started a new turn of the publishers, with a more developed game, and one of the first door I knocked at, Portal, was the good one. I know Merry and Ignacy for quite long, even before they started their company, they are regulars at my own small yearly game gathering in Etourvy, but we had never worked together. Their team took my game and, once more, changed a lot of things, starting with the theme.

Players are now managing a freak show style circus, and cards represent the various attractions they can get – all types of artists, acrobats and magicians, shops selling candies and comics, frightening rides and mysterious huts. It might be slightly less consistent, but it makes for nice looking components, and, yes, there are too many dwarves and orcs games.

Several card effects have been modified, making the game slightly less aggressive and more tactical, which is the actual trend. I didn’t take part in the last tunings, I didn’t playtest the final version, so I’m very curious of the result, but since I know the team quite well, I’ve no fear.

After a few games, I’m disappointed by some of the changes made to the game. It’s not bad, but it’s not as god as it should have been.
It’s parly my fault, I should have been more involved in the last developments and not let them do it in such a hurry. This puts me in a very uncomfortable situation with people I know for twenty years and I still like a lot.
The best is probably to explain what can be done to repair the game.

Two cards, Seer Anaïs and Astonishing Camilla, simply don’t work. More important, the scoring system has become strongly unbalanced towards contracts. The idea of the game was to have different winning strategies, with contracts, money or cards, now the only path to victory is contracts.

I hope this will be corrected in future editions of the game, but in the meantime, it’s relatively easy to tweak your game and make it fairly balanced. Here’s how :
• Start the game with 5 contracts instead of 6.
• Change the scoring for contracts : 5 points for a 5 cards set, 8 points for majority.
• Change the scoring for collections : 0,6,14 instead of 2, 5 9.
• Remove Astonishing Camilla from the game.
• Remove the 5+ copy of Wirewalker Jia Li.
• Change the following cards :
– Seer Anaïs : Look in the bag and take one contract of your choice.
– Looped Wagons : You need only 4 different contracts for a set.
– Bizarre Kaleidoscope : Score 3 extra points for every set of contracts.
– Crystal Balls : … Score 12 points (and not only 5) if you get it right.
– Formaldehyde Jars : As a seller, you can always return to the very first Wagon you checked.

I would have liked to make other changes, among which reducing the number of Copper coins, but this would mean changing the text of even more cards. As it is, these small changes already make for a fun, better balanced and more challenging game experience.

One of the last changes we made to the game was to stop when each player has three cards left in hand, and not two like in my original prototype. It seems that, neither in France nor in Poland, we didn’t playtest this change with 7 players, where it creates a small unbalance. The 4th player ends up holding one more auction than the others, which is not fair. The solution is simple, and this will be corrected in future print runs of the game : just start a 7 player game with 8 cards in hand and not 7. Yes, I know, an unbalance that happens only in 7 player games and which is in favor of the 4th player maight sound weird, but everything is weird in this game.

Dreadful Circus
An auction and bluffing game by Bruno Faidutti
Art by Maciej Siminski & Mateusz Bielski
4 to 8 players  – 45 minutes

Published by Portal Games
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A note about theme changes

Often, a publisher enjoys the systems and flow of a prototype but is only interested in publishing it if the setting is changed. This has happened to me regularly these ten last years.

Sometimes, like when the old ladies and pigeons of a small card game became the cats and fishes of Miaui, or when one more game about Renaissance German merchants became Isla Dorada, the publisher suggests the change and ask me to design the new adapted version. Sometimes, like when my dwarf game became Dreadful Circus, or when a completely abstract game became Tonari, one more fishes, the publisher takes care of all the changes. It can be a complex work, far more than just changing the names of cards and pieces. Some rules which made sense in the original setting might become absurd in the new one; more often, the new context brings ideas for new systems and effects.

I’m always wary, but I’m not opposed to such changes. It all depends on the game, on the new suggested setting, and on the reasons for the changes. Several publishers were interested in my small card game about Santa’s Little Elves but bothered by the humorous political references in it; I’m glad I resisted and finally found a publisher interested in the game as it is designed. I was first skeptical about changing the theme of my dwarf game; the original setting worked really well, had been used to devise and name many cards. On the other hand, I was also comprehensive because I know there are far  too many dwarves in the gaming world, and they might not fit well in a mainstream game. I finally accepted, and I don’t regret it. The new dark setting is more original, and while all details don’t always make sense, its darkness fits certainly better with a bluffing and psychology game.

Vabanque
ババンク

Ceux qui suivent un peu les auteurs de jeux, mais n’étaient pas encore là il y a une vingtaine d’années, seront sans doute un peu surpris d’apprendre que j’ai conçu, au tout début des années 2000, un petit jeu de bluff, Vabanque, en collaboration avec Leo Colovini. Le style assez abstrait, voire un peu sec, de l’auteur de Cartagena ou Carolus Magnus, est en effet assez éloigné de mes propres créations, et l’était plus encore à l’époque.

Moi-même ne me souvenais plus bien des épisodes qui nous ont menés là. Fort heureusement mon site web a conservé la mémoire du texte que j’avais écrit lors de la parution de la première édition, en 2001, chez l’éditeur allemand Winning Moves :

Tout a commencé un soir, dans mon appartement parisien, celui dont les étagères sont couvertes de centaines de jeux de société. Il y avait là mon groupe de joueurs habituels. Le toujours curieux Philippe des Pallières a demandé que je sorte un jeu vraiment inconnu, dont nul n’aurait jamais entendu parler, mais qui soit quand même intéressant. Mon regard s’est alors porté sur les plus hautes étagères et, allez savoir pourquoi, s’est arrêté sur une rareté, Elfengold, l’un des tous premiers jeux d’Alan Moon (à ne pas confondre avec l’extension d’Elfenland du même nom). Avec nos deux mains pour capital, nous voilà donc partis au fond de la mine pour extraire l’or des elfes. Le système de bluff a plu, mais mes joueurs ont trouvé le jeu un peu léger, un peu trop prévisible, manquant de substance. C’est de là qu’est parti l’idée de ce qui allait devenir Vabanque, après s’être longtemps appelé Macao. Je sais, le jeu final n’a vraiment pas grand-chose de commun avec Elfengold, mais c’est pourtant de là qu’il vient, par des chemins longs et détournés.

Le prototype de Macao

Une semaine plus tard, une première maquette était prête, et les premiers tests, je m’en souviens, eurent lieu à Thiercelieux, chez Philippe des Pallières. Assez rapidement, le jeu prit forme. Les casinos de Macao, des vamps aux longs fume-cigarettes, une police corrompue, des gangs qui rackettent tout cela. Il y a même eu une version avec mères maquerelles et vendeurs d’opium. Mes testeurs l’adoraient, en redemandaient, mais j’avais moins de succès auprès des éditeurs. Descartes, auquel je le destinais à priori, pour en faire un autre Blue Game, n’en a pas voulu, car c’est un jeu de bluff et d’argent, comme Corruption, et que Corruption se vend mal – ce qui est d’ailleurs injuste. Les allemands l’ont trouvé trop simple, trop basique, même si j’ai bien cru un moment que Stefan Brueck, d’Alea, allait le prendre. D’éditeur en éditeur, Macao a fini par arriver à Venise dans les bureaux d’Alex Randolph et Leo Colovini. Eux aussi l’ont trouvé un peu simple, mais l’idée et la mécanique les a séduits et Leo m’a donc proposé que nous le développions ensemble pour parvenir à quelque chose de plus sophistiqué.

Première édition allemande, en 2001

Ce fut compliqué. Je voulais faire Stupide Vautour, Leo voulait faire El Grande. Je trouvais ses idées trop complexes et trop stratégiques, il trouvait les miennes trop simples et trop farfelues. Mes testeurs commençaient à se lasser de voir chaque semaine une nouvelle version du même jeu lorsque le déclic s’est produit et que nous avons enfin trouvé la solution qui nous satisfaisait tous les deux, qui plaisait à tous les testeurs, qui enrichissait le jeu sans vraiment le complexifier. Le jeu, qui s’appelait encore Macao, par Bruno Faidutti et Leo Colovini, a donc été programmé chez Venice Connection. Venice Connection a pour habitude de travailler en collaboration avec des éditeurs allemands. Ils ont donc proposé le Macao révisé à Michael Matschoss, qui avait déjà vu ma première version. Il a dit oui, et le jeu est alors repassé dans les mains de sa nouvelle équipe de développeurs, le Team Annaberg, avec entre autres Marcel-André Casasola-Merkle, l’auteur du superbe Verraeter, qui s’est également chargé des illustrations. Les règles ont encore un peu changé, on n’est plus à Macao mais sur la Riviera, mais je reconnais quand même bien mon jeu.

Vabanque, un film muet allemand des années 20.

Le nom que l’éditeur princeps allemand a donné à ce jeu mérite explication. Vabanque est un terme d’origine française, inventé au XVIIIème siècle par les joueurs de Pharaon, un jeu de cartes alors populaire. Vabanque signifiait miser tout ce qu’il nous reste – on dirait aujourd’hui All In, Tapis ou Banco. Le terme est passé en allemand, et même un peu en anglais, langues où il est resté tandis qu’il disparaissait du vocabulaire français. Cela explique que les allemands, lorsqu’ils ont choisi ce titre très parlant pour eux, aient pensé qu’il le serait aussi pour les joueurs français, ce qui n’était pas le cas.

Édition japonaise, 2017.

Vabanque fut un succès d’estime mais, bien que le matériel ne comprenne aucun texte, ne fut pas alors traduit en d’autres langues que l’allemand. Il était largement oublié lorsque, en 2016, un petit éditeur japonais, New Games Order, nous contacta pour une nouvelle édition, parue peu après avec un matériel luxueux, notamment de jolies piles de jetons en bois.

Nouvelle édition en français, anglais et coréen, 2021.

Raphaël Bernardi, d’Igiari, a déjà réédité quelques petits jeux des années 2000, d’une méchanceté qui ne se fait plus trop aujourd’hui. Il a remporté un grand succès avec Intrige, de Stefan Dorra, un peu moins avec Templari, une reprise du Don de Michael Schacht. Vabanque est un peu dans le même style, il n’est donc guère étonnant que Raphaël ait été tenté. Il a d’abord pensé à reprendre les très belles pièces de l’édition japonaise, mais les coûts de production étant trop élevés, il a finalement opté pour une version entièrement nouvelle, publiée en français, anglais et coréen, langues dans lesquelles le jeu était encore inédit. Nous avons pensé à changer le titre pour quelque chose qui ait du sens en français, mais avons finalement préféré garder le nom d’origine, pour éviter toute confusion et parce que son histoire est amusante.

Le matériel de l’édition Igiari.

Vabanque
Un jeu de Bruno Faidutti & Leo Colovini

3 à 6 joueurs – 45 minutes
Publié par Winning Moves (2001), New Games Order, LLC (2017), Igiari et Asmodee Korea (2021)
Illustrations de M.A. Casasola Merkle (2001), U# (2017), Y. Glénisson & C. Masson (2021)
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If you follow game designers, but were not here twenty years ago, you might be surprised to find out that, in the early 2000s, I co-designed Vabanque, a small bluffing game, with Leo Colovini. The abstract, some would even say dry, style of the designer of Cartagena and Carolus Magnus is obviously very different from mine, and was even ore at this time.

I didn’t really remember how we came to his, but fortunately my website still kept rave of the article I wrote in 2001, when the first edition of Vabanque was published by German publisher Winning Moves :

It all started with a game night with my usual group in my little Parisian flat, the one with walls all covered with game shelves. Philippe des Pallières, always curious, requested me for a really unknown game, a game about which no one here had ever heard, but which was nevertheless interesting. I had a long circular look on the higher sheles, and, by chance, I stopped on Elfengold – not the Elfenland expansion, but one of Alan Moon’s first boardgames, published by his own little company, White Winds. So, with just our two hands as capital, we went down in the mine to look for the elves gold. The players enjoyed the bluff element, but found the game a bit light, a bit predictable, lacking of substance. That’s how I started thinking of what was to become first Macao, then Vabanque. I know the final game has really little in common with Elfengold, but nevertheless the idea came from it.

Le prototype de Macao

One week later, my first prototype was ready. The first test game took place in Thiercelieux, in Philippe des Pallières’ home. The game took shape easily. Macao, it’s casinos, vamps with overlong cigarette-holders, corrupted police, and chinese gangs racketeering. There has even been a version with procuresses and opium dealers. My testers loved the game, wanted to play it again and again, but I soon found out the publishers were less enthusiastic. I thought it could be one more Blue Game, but Descartes / Eurogames didn’t want it: it was a game of bluff and money, like Corruption, and Corruption (which is published in Europe by Descartes) doesn’t sell – which, btw, is unfair. Most german publishers found it too basic, too light. Stefan Brueck, of Alea, was near from taking it, but finally passed on. It made its way from publisher to publisher until it landed (?) in Venice, in Leo Colovini and Alex Randolph office. They thought it was a bit too basic, but they also thought that the basics were really good and Leo Colovini suggested that we work together on developping it.

First German edition, 2001

So we did, and it was a hard job. I wanted to make another Raj/Hol’s der Geier, Leo wanted to make another El Grande. I found most of his ideas too complex and strategic, he found most of my ideas too basic and chaotic. My playtesters were getting bored with playing every week a new version of the same game. Luckily, we finally found the right idea, the big idea that made the game richer but no longer or more complex, both French and Italian testers were very happy with it. So we signed with Venice Connection for a game that was still called Macao, by Bruno Faidutti and Leo Colovini
Venice Connection used to work with german publishers. They showed the new Macao to Mr Matschoss, of Winning Moves, who had already seen my first version. This time, he took it, and sent the game to his new developping team, the so called “team Annaberg”, with, among others, Marcel-André Casasola Merkle, the author of the wonderful Verraeter. They changed a few more rules, moved the game to the italian Riviera, and here it is, and it’s still my game.

Vabanque, A German slient movie, 1921.

The name of this game, Vabanque, was chosen by the first German publisher. Vabanque was first a French word, used by the players of Pharaoh, a gambling game popular in the XVIIIth century. It meant playing all of one’s money left – French players now would say All In, Tapis or Banco. The word passed into German and English, but too disappeared from the French vocabulary. When the German publisher choose this titre for the game, they thought it will have the same leaning for French gamers.

Japanese version, 2017.

Vabanque was a critical success, but didn’t sell that well and was not published in other languages, even when the components were language independent. It was almost forgotten when, in 2016, a small Japanese publisher, New Games Order, asked us to publish a Japanese version. It’s still available, and has gorgeous wooden components.

2021 edition.

Raphaël Bernardi, of Igiari, has already republished a few of his favorite games from the early 2000s, Stefan Dorra’s Intrige, which sold very well, and Michael Schacht’s Don, which has become Templari. Vabanque, like Intrige and Don, is a light, simple and very agressive game. Raphaël first wanted to localize the Japanese version, but this was too complex and having the same style of wooden chips would have been too expensive. So he decided to make a brand new version, in French, English and Korean, two languages in which this game had not been published yet. We considered giving the game another name, something which would make sense in French, but we finally decided to keep Vabanque to avoid any confusion, and because the word’s history is fun.

The Igiari edition.

Igiari is a small one person company. Despite a few minor hits, like Intrige, Onitama and Soviet Kitchen, it doesn’t have the means to publish several new games every year. That’s the reason why it will be on Kickstarter. I hope it will work, the game deserves it.

Vabanque
A game by Bruno Faidutti & Leo Colovini
3 to 6 players – 45 minutes
Published by Winning Moves (2001), New Games Order, LLC (2017), Igiari & Asmodee Korea (2021)
ARt by M.A. Casasola Merkle (2001), U# (2017), Y. Glénisson & C. Masson (2021)

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Vampire: The Masquerade – Vendetta

Je reçois assez régulièrement des emails de jeunes auteurs à la recherche de conseils, voire d’aide, dans la création de leur premier jeu. Si j’essaie de toujours répondre poliment, je ne peux m’appesantir à chaque fois en conseils personnalisés ni me lancer dans d’innombrables collaborations. Parfois, pourtant, le projet est assez original, sérieux ou séduisant pour que je m’y lance à fond.
Fin 2015, j’ai ainsi reçu un email d’un californien, Charlie Cleveland, me demandant si je voulais l’aider à développer un projet de jeu qui s’appelait alors Moonlight. Le thème des vampires, des créatures qui hésitent entre le snobisme et l’arrogance fin de race, ne m’attirait pas particulièrement, mais Charlie arrivait avec la recommandation de mon ami Éric Hautemont, le fondateur de Days of Wonder, et avec une solide expérience dans le jeu video, puisqu’il est l’auteur de Subnautica. Pour décrire son projet, il se référait en outre à Cosmic Encounter et au poker, deux jeux qui, si je ne les pratique plus guère, restent pour moi des références incontournables. Bref, je ne pouvais pas dire non, et je me suis ainsi laissé entraîner dans un projet qui allait s’avérer complexe, chronophage et plein de rebondissements.

Le premier prototype de Charlie

Moonlight était déjà un jeu bien abouti lorsque Charlie me le présenta, et portait clairement l’empreinte de Rencontre Cosmique. Les joueurs y étaient des vampires cherchant à subjuguer des humains mais aussi, si l’occasion se présente, à attaquer leurs adversaires. Chacun y disposait pour cela d’un pouvoir particulier, en attaque ou en défense, et les interactions entre ces pouvoirs faisaient, comme dans Cosmic Encounter, le sel du jeu.

Une partie avec Charlie (à droite) à Etourvy

En trois ans de développement, le jeu a beaucoup changé, et l’inspiration cosmique originelle s’est un peu effacée. C’est ainsi que les pouvoirs des vampires sont maintenant associés à des cartes action, mais qui restent peu nombreuses et bien différentes pour que chaque clan conserve une forte personnalité. Les humains, qui étaient à l’origine placés entre les joueurs, ce qui introduisait un facteur distance dans les combats, occupent maintenant des lieux placés au centre de la table. Tout cela s’est fait par étapes, avec des allers-retours, des centaines de tests, et pas mal de remarques d’éditeurs dont plusieurs ont été, à un moment ou un autre, intéressés par le projet. Moonlight, qui a un moment ou un autre est devenu Vampires, puis Vendetta, est resté un jeu d’affrontement et d’interactions, relativement simple mais tout entier construit autour de son thème. Très investi dans le projet, Charlie a même fait deux fois le déplacement à Etourvy, où nous avons pu jouer au prototype ensemble et le présenter aux éditeurs.

C’est à Etourvy, je crois, que Lorenzo Silva, a découvert Vampires et a décidé de le publier, surtout s’il parvenait à obtenir de Paradox les droits de l’univers du jeu de rôles Vampire – the Masquerade. Cela a pris quelques temps, mais les américains ont visiblement été séduits par ce qui n’était ni un vague projet, ni un truc abstrait cherchant un thème, mais bien un jeu déjà quasiment fini et entièrement construit autour du thème des vampires. Du coup, parce que Charlie, ayant des amis à Bologne, avait l’occasion de se rendre de temps à autre chez Horrible Games pour bosser sur le jeu, et parce que j’ignore tout de l’univers de la Mascarade, le développement final du jeu, et notamment l’adaptation finale au thème de la Mascarade, a été réalisé par Charlie et Lorenzo, aidé de son compère Hjalmar Hach.

Vampire: The Masquerade – Vendetta
Un jeu de Charlie Cleveland & Bruno Faidutti
Illustrations de Martin Mottet
3 à 5 joueurs  – 30 minutes
Publié par Horrible Guild
Boardgamegeek


I’m regularly contacted by wannabe boardgame designers looking for advice, and sometimes for help, in designing their first game. I try to always answer politely, but I cannot write every time a specific advice, and even less start a few new collaboration every other week. Sometimes, however, the project is exciting enough to make me plunge into it as once.

In late 2015, I got an email from an unknown californian guy, Charlie Cleveland, asking me to help him develop a card game whose working name was Moonlight. I’m not very interested in vampires, which always seem to hesitate between snobbery and end of race arrogance. Charlie, however, was recommended by Eric Hautemont, the creator of Days of Wonder, and had a solid experience in video games design, since he is the designer of Subnautica. When pitching his project, he was often referring to Poker and Cosmic Encounter, two games I don’t play that much any more, but which are my two basic references in game design. All this meant I could not decline the offer, and was dragged into what has been a complex, time consuming, exciting and action packed experience.

Playing with the future publisher, Lorenzo Silva.

Moonlight was already a well developed game when Charlie showed it to me, and was clearly inspired by Cosmic Encounter. Each player was a vampire aiming at subjugating humans but also, on occasion, attacking rival vampires. Every playing vampire had a specific ability and, like in Cosmic Encounter, the heart of the game was these abilities and how they were affecting the core engine.

A later prototype

After three years of development, the game has changed a lot and the original Cosmic inspiration has somewhat faded. Vampire abilities are now linked to action cards, which are numerous but also different enough for every clan to have a strong personality. Humans were originally placed between players, which means distance was an important factor in attacks; they are now in central locations equidistant from all players. There were many development steps, many variations, due to hundreds of tests, back and forth reports between France and the US, and remarks by several publishers who, at one point or another, have been interested in the game. At some point, the game’s name changed for Vampires, and later for Vendetta, but it always was a game about fight and interactions, with simple rules but entirely built from its theme. Charlie was incredibly involved in the project, and even went twice to Etourvy, where we could play together and show the game to publishers.

I think Lorenzo Silva played it there, and he soon decided to publish it if he could get from Paradox the rights to use the Vampire – The Masquerade RPG setting. It needed some time, but the Paradox team was finally convinced by what was neither a vague project nor an abstract game looking for a theme, but a well developed and nearly finished game entirely built on the Vampire idea. It happened that Charlie had friends in Bologna, which game him opportunities to visit the Horrible team to work on the game. For this reason, and also because I don’t know much about the Masquerade universe, the final development, and the adaptation to the role playing world, was made at Horrible Games by Charlie, Lorenzo and Hjalmar Hach

Vampire: The Masquerade – Vendetta
A game by Charlie Cleveland & Bruno Faidutti
Art by Martin Mottet
3 to 5 players  – 30 minutes
Published by Horrible Guild
Boardgamegeek

Stolen Paintings

L’idée de ce jeu m’est d’abord venue en lisant un épais livre d’art assez particulier, que m’avait prêté une amie, et dont j’ai oublié tant le titre que l’auteur. De tous styles et de toutes époques, les tableaux qui y étaient reproduits n’avaient en commun qu’une seule chose, d’avoir été volés. Le résultat était assez curieux, comme une vaste fresque d’histoire de la peinture à travers des œuvres comme tirées au sort, des tableaux classiques mais qui n’étaient le plus souvent pas les plus connus, pas ceux que l’on s’attendait à voir. Du coup, l’idée m’est venue assez vite d’en faire un jeu, dans lequel un joueur serait le voleur de tableaux et les autres les détectives essayant de les retrouver. Les textes accompagnant les reproductions expliquaient un peu comment se font ces recherches, et détaillaient notamment le rôle des détectives qui, à Londres – car c’est à Londres que cela se passe – faisaient le tout des ventes aux enchères en tentant de repérer, souvent de mémoire, les œuvres volées.

J’ai donc scanné de nombreuses images du livre, trouvé sur le web quelques autres reproductions de tableaux volés, et réalisé un petit jeu de mémoire assez amusant. Un tour de jeu commence par l’exposition, pour laquelle une vingtaine de tableaux sont placés sur la table. Les détectives ferment les yeux et le voleur en subtilise entre un et trois, avant de retirer tous les autres tableaux exposés. Vient ensuite la vente aux enchères, pour laquelle le voleur ajoute de nouveaux tableaux qu’il mélange avec les œuvres volées, les détectives devant ensuite, de mémoire, repérer parmi les huit tableaux en vente ceux qui proviennent de l’exposition initiale.

J’ai un faible pour les jeux de mémoire, peut-être parce que j’y ai longtemps été très bon, mais il n’est pas facile de leur trouver un éditeur. Il m’a fallu plusieurs années avant que, alors que je n’y croyais plus vraiment, Gryphon Games s’intéresse à mes Tableaux Volés. Gryphon games, qui publie déjà Incan Gold, la version américaine de Diamant, est un petit éditeur très sympathique, dirigé par Rick Soued, un Américain intello et europhile de la côte est, avec qui j’ai toujours plaisir à discuter. Je suis très content d’avoir un deuxième jeu chez eux.

Les problèmes de droits faisaient malheureusement qu’il était sinon impossible, du moins assez compliqué de publier le jeu avec uniquement, comme dans mon prototype, des tableaux ayant été volés. C’est envisageable pour un éditeur d’art, pas pour un petit éditeur de jeu. La boite de Stolen Paintings contient donc, plus classiquement, deux-cent cartes avec des œuvres représentant plus ou moins toute l’histoire de la peinture occidentale, le genre de lot d’images que l’on peut avoir facilement. L’ensemble est donc plus classique que dans prototype mais si le jeu marche vraiment, je proposerai d’en faire une version sur l’art japonais, ou sur les miniatures médiévales. Et du coup, puisque ce ne sont plus seulement des tableaux volés, nous avons travaillé avec l’éditeur à imaginer une dizaine d’autres règles de petits jeux pouvant être joués avec les mêmes cartes. Il y a donc des jeux où il faut mettre des tableaux dans l’ordre chronologique, deviner le tableau favori d’un autre joueur, construire des dialogues entre personnages, etc… Si vous avez d’autres idées, elles sont les bienvenues !

Sinon, je signale en passant qu’il existe un autre très bon jeu sur le thème du vol de tableau, Dice Heist, de Trevor Benjamin & Brett Gilbert. C’est un jeu de dés, de prise de risque, qui n’a rien à voir avec mon Stolen Paintings et dans lequel vous ne trouverez aucune reproduction de tableau, mais que je trouve vraiment très agréable.

Stolen Paintings
Un jeu de Bruno Faidutti
Illustrations de Alex Colby et de nombreux peintres
2  à 8 joueurs  – 30 minutes
Publié par Gryphon Games
Boardgamegeek


The idea for this game came from reading a strange art book, which a friend had loaned me, and whose title and author I have forgotten. It had paintings from all periods and all styles, which had only one ring in common, that they all had been stolen. The result was a strange collection, like a vast recap of art history through half-random paintings, sometimes well known, sometimes not, but never exactly the one one was expecting. Almost at once, I had the idea of making a game out of it, a game in which one player, the thief, will steal a few paintings and the other players, the detectives, will try to catch him. The book also explained a bit how this is done, mostly in London, with detectives checking art auctions and trying, often from memory, to recognize stolen art.

I scanned the pictures in the book, found a few more pictures of stolen art on the web, and designed a light and fun memory game. A game turn starts with an exhibition, with about twenty paintings placed on the table. Then the detectives close their eyes and the thief takes one, two or three paintings from the exhibit, and discards the other ones. After the exhibition comes the auction: the thief adds a few more paintings from the deck and the detective must find out, in the eight paintings on auction, which ones were in the former exhibition.

I actually like game with a strong memory element, may be because I’ve long been very good at them. Publishers are wary of them, and it took years to find one interested, Gryphon Games. Gryphon Games, who already publishes my Incan Gold, is a nice and small publisher owned by Rich Soued, an east-coast intellectual europhile, with whom I always enjoy discussing at game fairs. I’m really happy to have a second game there.

Legal issues made it difficult to publish the game with, like in my prototype, only stolen paintings, whose copyrights are dispersed among many owners. It’s possible for an art publishing company, not for a small boardgame publisher. The published game therefore has, in a much more traditional way, about 200 pictures of various pieces which tell more or less the whole story of western painting, most of which have never been stolen by anyone. The choice is therefore much more classical than in my origibal prototype, but it works really well – and if the game sells well, I’ll certainly suggest a Japanese art or a medieval manuscripts edition. Since the cards were now not stolen paintings, but just paintings, we worked together with the publisher to add a dozen more rules for various small games which can also be played with the same cards, games about arranging paintings in chronological order, guessing another player’s favorite piece of art, inventing dialogs between characters, etc…. Of course, any other ideas are welcome.

By the way, there’s a nother really cute game about stealing art, Dice Heist, by Trevor Benjamin & Brett Gilbert. It’s a dice game, almost a gambling game, with no art reproduction in it, but I really enjoy playing it.

Stolen Paintings
A game by Bruno faidutti
Art by many masters & Alex Colby
2  to 8 players  – 30 minutes
Published by Gryphon Games
Boardgamegeek

Maracas

Aimant beaucoup les petits jeux de l’éditeur japonais Oink, j’ai tenté il y quelques années d’imaginer un jeu qui pourrait entrer dans la même jolie gamme que Kobayakawa, Insider, Deep Sea Adventure et surtout A Fake Artist Goes to New York. La particularité des jeux Oink étant leur petite boite qui tient dans la main, il m’a semblé malin de vouloir faire un jeu qui utilise cette boite comme élément du jeu. L’idée, tout comme le nom du jeu, sont venus assez vite – Maracas. Une boite, un joueur qui place des trucs dedans, et on essaie de deviner ce qu’il y a en secouant la boite contre son oreille. Le principe n’est pas entièrement nouveau, puisqu’il existait déjà dans un jeu auquel j’ai beaucoup joué il y a une vingtaine d’années, Zapp Zerapp, mais l’idée était de le réduire à son plus simple élément, en utilisant une seule boite, et d’introduire un mécanisme de prise de risque à la manière de Perudo. C’est d’ailleurs sur ces histoires de scoring et de prise de risque que j’ai bloqué un moment, et que moi et mon équipe de joueurs du week-end nous sommes le plus cassé la tête, jusqu’à ce qu’un soir Hervé Marly ne propose la solution, ce qui lui vaut d’être le co-auteur du jeu.

De passage à Osaka, j’ai présenté le jeu à Jun et Laura, de Oink Games, mais ils n’ont pas été convaincus. Du coup, un peu dépité, je l’ai emporté à Cannes et à Essen pour le présenter à quelques autres éditeurs et il a séduit les gens de Blue Orange, qui ont tout de suite décidé de le présenter dans une maracas (ou dit-on une maraca?) en plastique, faisant de ce que je voyais comme une boite minimaliste un objet rigolo et coloré.

Maracas est un petit jeu rapide et malin, pour tous les âges, qui tient dans la poche et qui n’a même pas besoin d’une table.

Maracas
Un jeu de Bruno Faidutti & Hervé Marly
3 à 8 joueurs  – 10 minutes
Publié par Blue Orange (2020)
Boardgamegeek


I really like the small games by the Japanese publisher Oink. A few years ago, I tried to devise a light game which could fit in the same line as personal favorites such as Kobayakawa, Insider, Deep Sea Adventure and, above all, A Fake Artist goes to New York. The main characteristics of Oink game being their small box which can be held in one’s hand, I wanted to use this box as a part of the game. The basic idea, as well as the game’s name, came at once – Maracas. A box, a player places some stuff in it, and the other try to guess what there is with shaking the box next to their ear. This idea was already sed in an older game I played a lot twenty years ago, Zapp Zerapp, but I wanted to make it lighter, simpler, using only one box, and with a Liar’s Dice like risk taking system. This proved more complex than I had thought, and I experimented a lot with various scoring and reward systems until one night Hervé Marly came with a simple and legend solution, which is why he is the co-designer of the game.

When I happened to be in Osaka, I showed the game to Jung and Laura, from Oink games, but I failed to convince them. I was a bit sad, but brought it to Cannes and Essen to show it to other publishers. The Blue Orange team liked it at once, and soon decided to publish it, not in a small box like my prototype but in a real plastic maracas (or is-it a maraca?), changing what I imagined as a minimalistic design into a fun colorful toy.

Maracas is a light, fun and fast paced game for all ages, which doesn’t even need a gaming table.

Maracas
A game by Bruno Faidutti & Hervé Marly
3 to 8 players  – 10 minutes
Published by Blue Orange (2020)
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Animal très suspect

Disponible je ne sais pas trop ou et je ne sais pas trop comment, le petit goodies Animal Suspect, 6 cartes (donc douze mots) reprenant quelques unes des expressions qui avaient été retirés après le premier tirage car pas assez familiaux, et y ajoutant quelques autres du même style. Je regrette juste un peu que trois de mes suggestions – mort, terroriste et bisexuel – ne soient pas passées.PUB-GOODIES-ANIMAL-SUSPECT-WEB

Animal Suspect being a “family” game, some terms that were in the first print run had been removed in the later ones and repalced with more innocent ones. The publisher has now printed a small goodie, six “adult” cards – but nothing really hard. Three of my suggestions, Dead, Terrorist and Bisexual didn’t make it.