Les « microgames », des jeux au matériel minimalistes, une vingtaine de cartes, parfois deux ou trois pions, vendus à un prix lui aussi très modeste, sont depuis assez longtemps à la mode au Japon, où le plus connu est sans doute Love Letter, de Seiji Kanai. S’ils existent depuis longtemps aussi en Europe en aux Etats-Unis, avec par exemple dans les années 1990 de petites perles comme Pico ou Flinke-Pinke, ils n’avaient pas jusqu’ici rencontré le même succès. Ils semblent depuis deux ou trois ans devenir à la mode, peut-être en réaction contre les kickstarters surproduits, surchargés de plastique et de règles. Le format initié par Button Shy, 18 cartes dans une pochette de carte bleue, s’avère particulièrement efficace. 18 cartes, c’est un tiers de 54, ce qui permet d’imprimer trois exemplaires du jeu sur une planche de jeu de cartes classique. Une pochette de carte bleue, c’est assez classe, on dirait vaguement du cuir. Cela donne des jeux à l’a présentation élégante qui peuvent pourtant être vendus pour un prix très modeste, moins de 10$ ou €.
Du coup, j’ai acheté toute la série des jeux Button Shy, avant de me rendre compte qu’un tiers d’entre eux étaient des jeux solo, auxquels je ne jouerai jamais parce que, seul, je préfère toujours prendre un livre. Heureusement, d’autres, notamment parmi les jeux à deux joueurs, sont excellents. J’ai notamment apprécié Avignon, Les Bons Contes ou Hiérarchie, mais il en reste de très nombreux auxquels je n’ai pas encore joué. D’autres éditeurs se lancent aussi dans ce format, à commencer par mes amis de Matagot, qui distribuent déjà en France les jeux de Button Shy. Ils ont débuté l’an dernier avec Western Legends Showdown, un jeu à deux dont Bruno Cathala dit beaucoup de bien, il va falloir que j’y joue. Ils publient aujourd’hui 6 Suspects.
je me suis donc lancé le défi de réaliser moi aussi quelques petits jeux dans ce format 18 cartes Sur les quatre que j’ai imaginé jusqu’ici, deux ont trouvé un éditeur mais ont vu leur nombre de cartes augmenter un peu pour être jouable à 3 ou 4 et non seulement à 2 comme mes premières versions. Ce sont Migo et Cocktails de fruits, tous les deux publiés par Ghost Dog. Un tel bricolage n’était pas nécessaire pour 6 Suspects, l’un des rares jeux de 18 cartes pouvant être joué sans changement de règle de 2 à 8 joueurs.
6 Suspects est un jeu d’observation, de déduction logique et de mémoire. Les cartes représentant les six suspects éponymes, Albert, Brigitte, Charles, Denise, Eric et Francine (l’action doit se passer en France dans les années 60 ou 70), sont alignées sur la table. Sous chacune d’entre elles sont placées deux cartes indice, faces cachées. Le suspect dont les deux cartes indice ont la valeur totale la plus élevée est le coupable, mais une bonne partie des cartes ont des effets spéciaux, se recopiant, s’annulant ou déplaçant d’autres cartes. Chacun à son tour regarde l’une des douze cartes indice, puis la remet en place. Lorsqu’un joueur pense connaître le coupable, les autres regardent encore une carte et, simultanément, tous les joueurs désignent l’un des suspects. On révèle alors tous les indices et, après quelques calculs, on voit qui avait raison.
Si les règles sont simplissimes, le processus de déduction est parfois un peu tarabiscoté, et c’est là que réside l’intérêt d’un jeu qui encourage à la prise de risque. Pour devancer ses adversaires, il faut souvent déclencher la fin de partie avant d’être sûr de son fait, et du coup, il peut arriver que l’on se trompe.
Les illustrations décalées de Gjermund Bohne situent l’action dans le même univers qu’un gros jeu paru il y a deux ou trois ans chez Matagot, Bad Company, auquel il va aussi falloir que je joue un de ces jours.
6 Suspects Un jeu de Bruno Faidutti Illustré par Gjermund Bohne 2 à 8 joueurs – 10 minutes Publié par Matagot Boardgamegeek
Microgames, games with a minimalistic content, usually more or less twenty cards and sometimes two or three tokens, are relatively common in Japan, the best known being Seiji Kanai’s Love Letter. There has also been such cheap light games in Europe and in the US for a while, for example forgotten gems like Pico or Flinke Pinke in the nineties, but they didn’t have the same success so far. These last years, though, they are becoming more popular, may be as a reaction against overproduced kickstarters, overcharged with rules and plastic. The format introduced by Button Shy games, 18 cards in a credit card sleeve, seems to be especially efficient and successful. 18 cards is one third of 54, which means it’s possible to print three copies of a game on a standard 54 cards plate. Credit card sleeves also look vaguely like leather. This makes for elegant looking and cheap to produce games, usually sold for less than 10 $ or €.
As a result, I bought the whole Button Shy line, before noticing than a third of them are solo games which I will probably never play – when I’m alone, I find a book more challenging and entertaining than a game. Luckily, there are a few gems among the other ones, mostly two player games such as Wonder Tales, Avignon or Hierarchy, and there are still many I have not tried yet. Other publishers are starting to follow and publish games in this format, among them my friends at Matagot, who are already distributing Button Shy in France. They started with a two player game, Western Legends Showdown, which Bruno Cathala highly recommended to me but which I’ve not found an opportunity to play yet. They are now publishing my 6 Suspects.
Two years ago, I decided to give at designing games in this very specific format. I’ve designed four so far, but two have seen the number of cards increase so that they can accommodate more than two players. These are Migo and Fruit Cocktails, both published by a young French company, Ghost Dog. This was not necessary for 6 Suspects, which can be played from 2 to 8 players with the same 18 cards.
6 Suspects is an observation, deduction and memory whodunnit game. The six eponymous suspect cards, Albert, Brigitte, Charles, Denise and Francine (looks like it happened in France in the sixties) are placed in a row on the table. Under each suspect cards are dealt two face down clue cards. The suspect whose two clue cards have the highest total value is the culprit, but half of the cards have special effects, such as copying, cancelling or swapping other cards. Each player on turn secretly looks at a card and places it back face down. Once a player thinks they know the culprit, all other players can look at one more card and, simultaneously, every player designates the character they think did it. All clue cards are then revealed to determine the culprit.
While the rules are extremely simple, the deduction process can be a bit convoluted due to the many special effect cards. This brings into the game some logical thinking, but also some risk taking. Even when you are not sure who did it, ending the game can be a good move if you think you have better odds than your rivals at finding the criminal. Of course, it doesn’t always work….
The six suspects were drawn by Gjermund Bohne, in the same style and universe as those of another Matagot game, Bad Company, which I also have to play one of these days.
6 Suspects A game by Bruno Faidutti Art by Gjermund Bohne 2 to 8 players – 10 minutes Published by Matagot Boardgamegeek
Jednorożce – les licornes en polonais- est une nouvelle édition de Attila, un petit jeu de stratégie pour deux joueurs, très simple et rapide, du genre que l’on penserait plutôt sorti du cerveau de l’autre Bruno, Bruno Cathala. Sur un plateau dont les cases disparaissent une à une, chacun à son tour fait bondir un pion à la manière d’un cavalier d’échecs, le but du jeu étant d’être le dernier à pouvoir se déplacer. J’avais écrit l’histoire de la conception de ce jeu en 2015, lors de la sortie de la première édition chez Blue Orange, je n’ai pas grand-chose à y ajouter.
Toutes les pièces se déplaçant comme le cavalier du jeu d’échecs, les thèmes possibles tournent tous autour de la même idée, cavalcade, tournoi. Curieusement, je n’avais pourtant pas pensé à faire des ces chevaux des licornes, c’est la petite équipe polonaise de Moduko qui me l’a proposé, et je pouvais difficilement refuser.
Moduko n’a en principe les droits sur ce jeu que pour la Pologne, mais si vous voulez publier ça ailleurs avec les jolis dessins de licornes dans les nuages de Tomasz Larek, contactez-moi, on peut certainement s’arranger.
Jednorożce Un jeu de Bruno Faidutti Illustré par Tomasz Larek 2 joueurs – 10 minutes Publié par Moduko (2024) Boardgamegeek
Jednorożce – Unicorns in Polish – is a new version of Attila, a light and fast paced two-player strategy game which probably feels a bit like it was designed by the other Bruno, Bruno Cathala. On a board whose spaces vanish one after the other, each player on turn moves a piece like a Chess knight, the goal being to be the last player able to make a move. You can read more details about the game’s idea in the design diary I wrote when the first edition was published, in 2015 – I have very little to add.
Since all pieces move like a Chess knight, all possible settings for his game have horses. Surprisingly, the idea of changing these horses into unicorns was not mine. It came from the small polish team at Moduko, but it’s the kind of offer I can’t refuse.
Theoretically, Moduko has only the Polish rights for this game, but if you want to publish it anywhere else with the cute unicorns in the clouds art by Tomasz Larek, just email me, I’m sure we can arrange something.
Jednorożce A game by Bruno Faidutti Art by Tomasz Larek 2 players – 10 minutes Published by Moduko (2024) Boardgamegeek
Le marché du jeu de société est un peu compliqué en ce moment. La demande continue certes à augmenter, mais l’offre a progressé plus vite encore. Les boutiques spécialisées sont de plus en plus, en particulier pour les grosses boîtes de jeu destiné à un public averti, concurrencées par les Kickstarter et autres Gamefound. Quelques grands groupes ont certes repris des maisons d’édition de taille moyenne pour en faire des « studios de création », mais des amateurs ont simultanément monté de nombreuses petites boites dont on ne sait parfois plus très bien à quel écosystème elles appartiennent. Face à une pléthore de nouveautés, les joueurs et même les boutiques qui ne peuvent tout caser sur leurs rayons doivent faire des choix. Devenus prudents, de plus en plus d’éditeurs hésitent à produire des jeux ambitieux qui risquent de ne pas trouver leur place sur un marché encombré. Lassés des lourds kickstarters aux figurines encombrantes et aux règles boursouflées, des joueurs reviennent vers des jeux moins prétentieux mais souvent plus efficaces, et dont le prix tout comme l’empreinte écologique sont plus modestes
Ce sont quelques raisons, il y en a d’autres, au grand retour des « microgames », des jeux aux règles simples, au matériel modeste, vendus dans de toutes petites boites. Le format « 18 cartes », facile à produire puisque l’on peut caser trois jeux sur une planche standard de 54 cartes, et que l’on peut vendre à bas prix présenté dans une pochette de cartes bancaires, semble particulièrement apprécié. Au début de l’année 2023, je me suis donc lancé le défi de réaliser quelques jeux dans ce format. Il en a résulté quatre projets, dont trois ont trouvé un éditeur. 6 Suspects, un jeu de déduction, sortira fin 2024 chez Matagot. J’ai signé chez Ghost Dog, jeune éditeur français, pour deux petits jeux de cartes ; Migo est le premier à paraître, le second, pour le titre duquel nous hésitions entre Fruit of the Doom, Fruit Salad et Fruit Cocktail est prévu pour la fin de l’année.
Soirée de test dans mon quartier, au bar à jeux Le Duchesse.
Deux éditeurs étaient intéressés par mon jeu de Yetis. J’ai préféré celui qui acceptait de conserver le thème d’origine, les abominables hommes des neiges attaquant des cordées d’alpinistes, à celui qui voulait les remplacer par des dragons. J’aime bien les dragons, mais j’ai déjà fait trop de jeux avec des reptiles et des pièces d’or, je n’en avais aucun avec des yetis et des bonnets de laine. Le format choisi autorisant une trentaine de cartes et quelques jetons, j’ai pu développer un peu le projet. Le prototype initial ne se jouait en effet qu’à deux joueurs, le jeu finalement publié fonctionne désormais aussi bien à trois, et presque aussi bien à quatre. Comme il y avait déjà pas mal de jeux s’appelant Yeti, le mien a été rebaptisé Migo, qui signifie Yeti en tibétain et est également le nom d’un personnage de jeune yeti dans le dessin animé Yeti et compagnie.
Les joueurs incarnent donc des abominables migos qui, pour embellir leurs grottes, collectionnent le matériel d’alpinisme – piolets, crampons, cordes et, surtout, bonnets de laine particulièrement décoratifs. Les yetis les plus respectés accrochent aussi à l’entrée de leurs grotte les drapeaux que les expéditions espéraient planter sur les sommets. Les bouteilles d’alcool, qui aident à supporter le froid hivernal, sont aussi une gâterie très appréciée.
Parfaitement insérés dans l’économie tibétaine, les migos entretiennent des relations amicales avec les communautés locales. Ils font même à l’occasion un peu de troc avec les sherpas, ceux-là même qui les avaient informés à l’avance du lieu et de l’heure d’arrivée des expéditions.
Première partie sur le jeu édité, aux rencontres ludopathiques d’Etourvy.
Comme il convient à ce genre de petit jeu de cartes, les règles sont très simples mais laissent pas mal de place à la tactique. Migo est un jeu de prise de cartes, ce que les américains appellent un jeu de draft, terme qui est généralement employé dans un sens plus restrictif par les joueurs francophones. Chaque yeti à son tour attaque (et sans doute dévore, mais il ne faut pas le dire si on joue avec des enfants) l’un des alpinistes en tête de cordée, et s’empare de son matériel. Cela rend les grimpeurs suivants, et leurs équipements, disponibles pour les joueurs suivants. Comme souvent, la contrainte initiale, ici le petit nombre de cartes, s’est avérée source d’inspiration pour les mécanismes du jeu. N’ayant qu’une vingtaine de cartes à ma disposition, j’ai en effet cherché à en utiliser à la fois le recto et le verso. Cela introduit beaucoup de variation dans les configurations initiales, certains équipements pouvant être plus rares que d’autres, et est à l’origine du mécanisme des sherpas, qui permettent de retourner une carte, souvent pour s’emparer d’une majorité.
J’ai eu récemment la chance d’avoir un jeu, le mignon Whale to Look, conçu avec Jun Sasaki, publié dans la très belle collection de petites boites au graphisme minimaliste de l’éditeur japonais Oink. Avec leur format très proche, les « feux follets » de Ghost Dog s’en inspirent clairement, et je leur souhaite le même succès – d’autant plus que j’ai un autre jeu à paraître cet automne dans la même série, dont on n’a pas encore décidé s’il s’appellerait Fruit of the Doom,Fruit Salad ou Fruit Cocktail.
Une partie de Fruit of the Doom – Fruit Sala – Fruit Cocktail avec Antoine, l’éditeur, à gauche.
Migo Un jeu de Bruno Faidutti Art by Maxime Morin 2 à 4 joueurs – 20 minutes Publié par Ghost Dog Games Boardgamegeek
Navigating the boardgame market has recently become a bit complex. Demand for new games is still growing, but supply, meaning the number of new games, is increasing even faster. Local game stores are facing a growing competition from Kickstarter and now Gamefound, especially for big, expensive (and therefore profitable) boxes. A few big publishers have taken over smaller one, often changing them into « creative studios », but even more newcomers have started new companies, about which we often know very little. Faced with a plethora of new games, gamers and even shops with limited shelf place must make choices.
Many publishers are becoming wary of producing ambitious games which might not find a place on an overcrowded market. Tired of heavy kickstarters with cumbersome miniatures and bloated rulesets, some players are back to less ambitious but often more efficient games, which also come at a much lower price and ecological footprint.
These are some of the reasons – there are a few other ones – for the comeback of « microgames », boardgames with simple rules and few components in a very small box. The trendy format is 18 cards which can be sold a very low price – one can fit three copies of the game on a standard poker game sheet, and it fits in a credit card wallet. In the first months of 2023, I decided to give it a trying challenged myself to design a few such games. I ended up with four prototypes, three of which have now found a publisher. 6 Suspects, a light deduction and memory game, will be published by Matagot in late 2024. I signed with Ghost Dog, a new small French publisher, for two games, and Migo is the first one to hit the shelves.The second one is due later this year, and we still hesitate on its title, Fruit of the Doom, Fruit Salad or Fruit Cocktail.
Soirée de test dans mon quartier, au bar à jeux Le Duchesse.
Two publishers sere interested my Yeti game. I chose the one who was ready to keep my yeti setting over the one who wanted to replace the snowmen with dragons. I love dragons, but I’ve already had too many published games featuring dragons and gold coins, I had none so far with yetis and woolen caps. The publisher’s format allowing for a few tokens and up to 25 cards, I developed the gameplay a bit. My initial prototype was only a two-player game, the final version is just as good with three, and almost as good with four. Since there are already a few games named Yeti, mine has been renamed Migo, which means Yeti in Tibetan and was the name of a young snowman in the Yeti & Co cartoon.
Players are yetis who decorate their caves with climbers equipment – ropes, crampons, pick axes, carabiniers and, most of all, cute colored woolen caps. They also hang flags at their front doors, which climbers intended to plant at the mountains summits. Vodka bottles are also a much appreciated treat, helping to deal with the cold climate of the Himalayas.
Migos are well integrated in the Tibetan economy, and have friendly relations with local communities. They even sometimes trade stolen equipment with the sherpas, the very same sherpas who had informed them on the coming expeditions in the first place.
First game with the printed game at the Etourvy Ludopathic Gathering.
The rules for Migo are very simple, but leave place for some tactical moves. Migo is a card drafting game. Each yeti on turn attacks (and probably devours, but you should not reveal it when playing with kids) one of the climbers in front of the arriving expeditions, stealing their equipment. This makes the climber just behind it available for the next players, and so on. As often happens, the initial constraint, in this case the small number of cards, ended up generating mechanical ideas. With a only about twenty cards available, I decided to use both sides. This makes for a great variety in the initial setups, some equipments being often much rarer than other ones. It also inspired the sherpa mechanism, flipping a card to the other side usually to steal a majority, which is probably my favorite feature in this game.
I recently had a game, Whale to Look, designed with Jun Sasaki, published in the cute small box series of the Japanese publisher Oink games. The Ghost Dog small box games are clearly inspired by the Oink line, and I hope they will achieve the same level of success – especially since I have another game coming next fall in the same series. We have not decided yet if it will be called Fruit of the Doom, Fruit Salad or Fruit Cocktail.
Playtesting Fruit Cocktail – Fruit Salad – Fruit of the Doom
Migo A game by Bruno Faidutti Illustré par Maxime Morin 2 to 4 players – 20 minutes Published by Ghost Dog Games Boardgamegeek
Anja Wrede est une sympathique autrice allemande avec laquelle, il y a une douzaine d’années, j’avais pas mal travaillé, sur des jeux le plus souvent peu ambitieux mais assez originaux.
Trois de nos collaborations, Fearz, Junggle! et Le Petit Poucet, ont déjà été publiées, mais Grabbit s’est fait attendre plus longtemps. Le jeu reprend un mécanisme que nous avions déjà utilisé dans le Petit Poucet, celui du sac dans lequel, à tâtons, les joueurs doivent reconnaitre des formes. Le sac est ici plus grand, puisque tous les joueurs le fouillent en même temps à la recherche des lettres permettant d’écrire leur nom – enfin, celui de l’animal figurant sur la carte qu’ils ont piochée. Le sac, bleu, représente le lac de Komantutapel, dont les eaux font perdre la mémoire. Les joueurs ne trouvent jamais toutes les lettres, il n’y en a pas suffisamment. Animots est donc un jeu coopératif, dans lequel il faut savoir s’arrêter au bon moment pour que, ensemble, les joueurs puissent parvenir, à partir de quelques lettres, à retrouver le nom de chacun.
Anja étant plutôt spécialisée dans les jeux pour enfants, domaine qui m’est assez étranger, nous avons voulu travailler ensemble sur des idées qui pourraient plaire aussi bien aux petits qu’aux grands. La reconnaissance tactile, comme la mémoire, est l’une de ces compétences que les plus jeunes maîtrisent aussi bien que les plus grands. Tous peuvent alors jouer ensemble avec intérêt sans que les grands n’aient à tricher pour laisser gagner les petits. Oui, je sais, les adultes sont meilleurs ensuite pour trouver les mots.
Notre premier prototype, Grabbit n’était pas un jeu coopératif. Les joueurs étaient des animaux, le sac contenait leur nourriture, et le but était d’être le premier à être parvenu à rassasier un certain nombre de bestioles. C’était très amusant, mais le prototype, qui avait beaucoup de succès auprès de mes testeurs adultes, était difficile à placer chez les éditeurs. C’était en effet un jeu pour adultes qui ressemblait à un jeu pour enfants. Ce sont les années de développement avec l’équipe de Space Cow qui ont apporté d’abord l’idée du passage aux lettres et aux nom d’animaux, puis la phase de devinette coopérative. Grabbit est alors devenu Animots, un jeu pour petits et grands.
Animots Un jeu de Anja Wrede et Bruno Faidutti Illustré par Emerson Santiago 2 à 6 joueurs – 20 minutes Publié par Space Cow Boardgamegeek
Anja Wrede is a nice German game designer with whom, a dozen years ago, I worked on a reins of lighter, unambitious but original games.
Three of our codesigns, Fearz, Junggle! and Lost in the Woods have already been published, but Grabbit took more time bot to find a publisher and to be fully developed. It is based on a mechanism we already used in Lost in the Woods, a bag in which players must feel around for pieces of different shapes. The bag in Animots is bigger, much bigger, since all players must be able to put their hands in it simultaneously, searching for the letters needed to write the name of the animal on the card they drew. The blue bag figures the lake of Whatsyourname, whose water make who drinks it to lose their memory. Since there is a limited number of every letter, players usually cannot find all the letters they need. Animots is a cooperative game in which one must sometimes decide to stop so that players can, all together, try reconstruct everyone’s name.
Anja designs mostly children games, something I very rarely deal with, so we tried to design games which can be easily be played by adults and children together, while being interesting for everyone. Touch recognition, like memory, is one of these skills at which young kids are as good as adults. All can play together, without adults having to cheat to let children win. Well, yes, adults are then better at finding words.
Our first prototype, Grabbit, was not a cooperative game. Players already had animal cards, but in the bag was their food, and the goal was to be the first to feed a given number of animals. It was fun, but while the prototype was a hit with my adult playtesters, publishers were skeptical, claiming it was an adult game masquerading at a children one. It was during the years of development with the Space Cow team that the idea of replacing food with letters emerged, and then logically the cooperative guessing phase. That”s how Grabbit became Animiots, a game for everyone, old and young.
Animal Words A game by Anja Wrede & Bruno Faidutti Art by Emerson Santiago 2 -6 players – 20 minutes Published by Space Cow Boardgamegeek
Elephant Rally est une nouvelle version de Formula E, un jeu de course d’éléphants que j’avais conçu avec Sergio Halaban et André Zatz, les deux auteurs brésiliens de Sheriff of Nottingham et quelques autres jeux. C’est un jeu de parcours assez méchant, où il faut bien gérer sa main de cartes, un peu dans l’esprit d’Ave Cesar ou du Lièvre et la Tortue – un éléphant, c’est large et têtu et cela a vite fait de bloquer la route.
Voici ce que j’écrivais à propos du jeu lors de la sortie de la première version, en 2014 (l’article complet est ici) :
Assez régulièrement, je reçois des emails dans lesquels des auteurs de jeux connus ou inconnus me proposent de travailler avec eux sur un projet de jeu, souvent déjà assez avancé. Lorsqu’il y a des zombies ou quinze pages de règles, je réponds poliment que désolé, ce n’est pas mon style, mais bonne chance quand même. Dans les autres cas, je jette un coup d’œil avant, le plus souvent, de répondre poliment que, désolé, ça a l’air bien intéressant mais je n’ai vraiment pas le temps de me lancer dans un nouveau projet – mais bonne chance quand même. Et puis, une ou deux fois par an, quand aussi bien le sujet que les mécanismes m’amusent, quand j’ai le temps, et quand les auteurs ont l’air sympas, je réponds pourquoi pas. Début 2011, j’ai ainsi reçu une proposition d’André Zatz et Sergio Halaban, auteurs brésiliens de deux petits jeux de bluff que j’apprécie beaucoup, Hart an der Grenze et Sultan. Ils y présentaient Indian Derby, un jeu de course d’éléphant qu’ils avaient réalisé quelques années auparavant, qui avait manqué de peu être publié par plusieurs éditeurs, et auquel ils pensaient qu’un regard neuf pourrait apporter un plus. Le jeu m’a tout de suite plu. Le thème, une course d’éléphant, était original et amusant, et permettait d’introduire des mécanismes de poussée inhabituels dans les jeux de parcours. Le moteur du jeu, des cartes de déplacement et des cartes action, me convenait très bien. Bref, nous avons quelque peu discuté, et nous sommes penchés ensemble – via email, parce que le Brésil, c’est un peu loin – sur un jeu que je voulais rendre plus léger, plus rapide, plus méchant. Après avoir unifié le système de gestion des cartes action et mouvement, simplifié les bousculades, ajouté quelques actions thématiques et amusantes, nous nous retrouvâmes quelques mois plus tard avec un jeu de course tactique et très enlevé, un peu dans l’esprit d’Ave Cesar, des bousculades, mais aussi des vaches sacrées, des tapis volants, des tigres et des charmeurs de serpents.
Paru il y a maintenant 10 ans, en 2014, sans doute au mauvais moment et peut-être chez le mauvais éditeur, Formula E n’a été qu’un succès d’estime. L’édition était belle, a reçu de bonnes critiques, mais ne s’est guère vendue au delà du tirage initial via Kickstarter.
Dix ans plus tard, le jeu revient sous le nom d’Elephant Rally chez l’un des principaux éditeurs brésilien, Conclave Editora. La version a été astucieusement mise au goût du jour par l’équipe brésilienne, les quatre plateaux du jeu d’origine étant remplacés par un système de circuit modulable, permettant plus de variété avec moins de matériel. Elephant Rally n’est pour l’instant disponible qu’au Brésil, mais si quelqu’un veut le publier dans une autre langue, il n’y a que les règles à traduire et cela peut certainement s’arranger.
Elephant Rally Un jeu de Sergio Halaban, André Zatz et Bruno Faidutti Illustré par Marcelo Bastos 2 à 6 joueurs – 60 minutes Publié par Conclave Editora (2024) Boardgamegeek
Elephant Rally is a new version of Formula E, an elephant racing game I designed with Brazilian designers Sergio Halaban and Andre Zatz, now mostly known for Sheriff of Nottingham. It’s a card driven racing game with lots of opportunities to meddle with rivals plans, in the style of good old Hare and Tortoise or Ave Caesar. Elephants are large and stubborn, which means they can easily block the road.
Here’s what I wrote when the first edition was published, in 2014. You can read the full article here.
I regularly receive emails from both well known and completely unknown game designers asking me if I would like to work with them on some design, usually already well advanced. When it’s about zombies, or has fifteen or more pages of rules, I answer that I’m sorry, that’s not really my kind of game, but good luck anyway. In all other cases, I have a look and usually answer that I’m sorry, I’m already overbooked and wouldn’t find the time to start a new project, but good luck anyway. Once or twice every year, when both the setting and the game systems sound exciting, when I have time, and when the authors seem to be nice guys, I answer why not, let’s discuss the game. Early in 2011, I got an email from André Zatz and Sergio Halaban, the Brazilian authors of two light double-guessing games I really like, Hart and der Grenze and Sultan. The subject of their email, Indian Derby was an elephant racing game they had designed a few years ago, which had raised some interest from several publishers but ultimately hadn’t been selected for publication. They wanted to rework it, and were thinking that a fresh look by a designer who wasn’t involved in the original design, could help. I liked the game idea at once. The storyline, an Indian elephant race game, was new, and allowed for rules about pushing–something unusual in a racing game, and for fun thematic events. I had long wanted to design a card driven race game, so this was a good opportunity to jump in. We discussed the game and worked together via email–since Brazil is far from France–on new rules and events to make the game lighter, faster and nastier. We simplified the card management system and the jostling rules, we added some event cards, and we ended with a very dynamic and tactical racing game, in the style of Ave Caesar (one of my all-time favorites), but with lots of jostling and crushing, and also holy cows, flying carpets, snake charmers, monkeys and tigers.
Formula E was published 10 years ago, in 2014, probably at the wrong time by the wrong publisher. It was a critical success but didn’t really sell after the initial Kickstarter print run.
Ten years later, the game comes back as Elephant Rally, published by one of the main Brazilian boardgames publishers, Conclave Editora. The game has been cleverly updated by the Brazilian team, the four tracks being replaced with a modular track, allowing for more variety with fewer components. Elephant Rally is only available so far in Brazil, but if someone is interested in localizing it elsewhere, it should not be a problem. There’s no text on the cards, the only part needing a translation is the rules.
Elephant Rally A game by Sergio Halaban, André Zatz & Bruno Faidutti Art by Marcelo Bastos 2 to 6 players – 60 minutes Published by Conclave Editora (2024) Boardgamegeek
I didn’t get my designer copies yet, so this pictures witha cute silver elephant are taken from a brazilian boardgame group, nerdkreativa.
L’un de mes derniers jeux publié, Whale to Look, est sorti en 2023 chez Oink Games. Il est cosigné avec Jun Sasaki, qui est aussi le patron de ce petit éditeur japonais dont les petites boites colorées sont aisées à repérer dans les boutiques. J’ai toujours beaucoup aimé la gamme d’Oink Games, avec ses petits jeux souvent très originaux, aux règles et au graphisme minimaliste, et cela faisait des années que j’essayais de caser un jeu chez eux. J’en avais même imaginé un spécialement conçu pour leur format de boite, Maracas, qui a finalement terminé chez Blue Orange. Je suis donc particulièrement heureux de Whale to Look, qui semble en outre très bien se vendre. J’en ai donc profité pour réaliser une petite interview de Jun Sasaki, que voici. J’avais déjà croisé Jun aux États-Unis, à la Gen Con, puis à deux reprises au Game Market d’Osaka. Je ne vais plus aussi souvent au Japon qu’il y a quelques années, et cette interview a donc été réalisée par mail.
Bruno :Parlez-nous des origines de Oink. Depuis quand jouez-vous aux jeux de société ? Quels jeux vous ont marqué et donné envie de créer les vôtres ?
Jun : Vers 2005, j’ai commencé à jouer à des jeux de société autres que les classiques Monopoly et Catan. J’étais à cette époque impliqué dans le développement de jeux vidéo. La simplicité de jeux comme Diamant ou Le poker des cafards m’a d’autant plus impressionné qu’elle allait à l’inverse de la tendance des jeux videos, qui devenaient de plus en plus lourds et longs. Dans les années qui ont suivi, j’ai joué à des centaines de jeux de société modernes et, vers 2009-2010, j’ai décidé d’essayer d’en créer un moi-même. C’est de cette envie qu’est né Oink Games.
B: Quand avez-vous créé Oink ? Qu’est-ce qui vous a poussé à vouloir créer vos propres jeux, et à vouloir les publier ? Avez-vous créé Oink d’emblée pour publier vos propres jeux, ou avez-vous d’abord décidé de vous lancer dans l’édition de jeux de société ?
J: J’ai choisi la marque Oink Games pour présenter mes premières créations au Tokyo Game Market en 2010. Je n’avais jamais publié de jeu de société auparavant, et ai été désagréablement surpris par les coûts d’impression des cartes à jouer. J’ai très vite compris que, même si mon jeu se vendait bien lors du Game Market, j’allais finir dans le rouge. Il faut en effet imprimer de plus grandes quantités pour obtenir coûts de production assez bas. Afin de continuer à vendre mes jeux après le Game Market, j’ai enregistré Oink Games en tant que société, ajouté un code-barres sur les boîtes, et me suis lancé dans la distribution. C’est ainsi qu’est née la société Oink games, qui existe encore aujourd’hui. Sans le Tokyo Game Market et mon envie de publier mes créations, notamment In a Grove, Oink Games n’existerait pas.
B: Beaucoup de petits éditeurs préfèrent passer par l’intermédiaire d’éditeurs occidentaux pour publier leurs jeux sur les marchés américain et européen. Vous avez fait le choix inverse, celui de publier et produire vous-même pour le monde entier. Quand et pourquoi avez-vous fait ce choix ? faites-vous encore la plupart de vos ventes au Japan ?
J: A l’automne 2010, mon jeu Yabu no naka (dans un bosquet), a été remarqué par un éditeur européen, Asmodée, qui l’a publié en Europe, sous le nom de Hattari (bluff en japonais), en changeant la taille de la boite et les illustrations. Je ne m’y suis bien sûr pas opposé, pensant qu’ils avaient leurs méthodes et connaissaient le marché européen, mais je ne pouvais m’empêcher de me demander pourquoi ce jeu ne pouvait pas trouver sa place avec les illustrations d’origine. Les ventes en Europe ont été médiocres, ce qui n’a fait que renforcer mes doutes. Ce fut un peu la même chose lorsque, en 2013, Kobayakawa a été également publié en Europe. Dès lors, mon envie de publier les jeux Oink dans le monde entier a pris le dessus et, en 2015, Oink a pour la première fois pris un stand au salon d’Essen, pour vendre ses jeux directement.
B: Quel est votre best seller ? Est-ce Scout, Deep Sea Adventure ou mon préféré, A Fake Artist Goes to New York ? Ou un autre que je ne suspecte pas ?
J: Deep Sea Adventure est celui des jeux Oink qui s’est le mieux vendu, mais Scout est en passe de le rattraper. Ensuite vient A Fake Artist Goes to New York. Au Japon, Nine Tiles se vend également très bien.
B: Les jeux Oink ont un look très particulier, avec de petites boites et un graphisme extrêmement simple. Pourquoi ce choix ? Vos petites boites collent parfaitement avec l’un des clichés les plus répandus en Occident sur la culture japonaise, celui du minimalisme. Pour vous, le minimalisme japonais est-il une réalité culturelle, ou juste un fantasme occidental ?
J: J’apprécie, en effet, les choses simples, épurées, minimales. Je me sens proche de la manière traditionnelle japonaise de concevoir les temples, et de la philosophie zen. Je ne suis pas sûr, cependant, que cela soit du « minimalisme japonais » – c’est juste un style que j’apprécie.
Note de Bruno : J’ai posé cette question car j’ai entendu des Japonais expliquer que le minimalisme japonais n’existait pas vraiment et était une invention de designers californiens, et d’autres assurer que c’était le cœur de la culture nippone….
B: Quand je regarde le listing des jeux Oink sur le Boardgamegeek, j’ai l’impression que vos quelques tentatives pour publier des jeux dans de plus grandes boîtes n’ont guère rencontré de succès. Ai-je raison ? Pensez-vous désormais vous en tenir à votre petit format emblématique, ou avez-vous d’autres projets pour Oink ?
J: Je ne dirai pas que « nous avons essayé et cela n’a pas marché ». Aujourd’hui encore, si nous voulons publier un jeu qui nécessite une plus grande boite, nous le publierons dans une grande boite. Cependant, j’aime bien les petites boites Oink, uniformes et minimalistes. Si ce format permet à Oink games de se différencier, et de vendre, je ne vois pas pourquoi changer de méthode.
B: La moitié environ des jeux Oink ont des auteurs japonais, les autres des auteurs occidentaux. Pensez-vous qu’il y a des différences significatives dans la manière dont les uns et les autres conçoivent les jeux ? Ou dans la manière dont nous jouons ?
J: En présentant les choses de manière un peu abstraite, j’ai souvent l’impression que les jeux créés par des auteurs japonais sont plus centrés sur eux-mêmes, et les jeux des auteurs occidentaux plus tournés vers l’extérieur, les deux démarches ayant des avantages. Pour le dire autrement, les auteurs japonais créent des jeux en pensant à eux-mêmes et à leurs proches, tandis que les auteurs occidentaux considèrent un public plus large. Ce n’est cependant qu’une impression, je me trompe peut-être.
Note de Bruno : la dichotomie entre ce qui est tourné vers l’extérieur et vers l’intérieur est souvent mise en avant par les Japonais, et difficile à rendre en français. En ce qui me concerne, si je prends parfois en compte ce que je pense être les souhaits des éditeurs, j’ai toujours l’impression de créer des jeux pour moi et mes amis. Et mon impression personnelle est qu’il n’y a pas vraiment de différence dans la manière dont nous créons des jeux.
B: Le Japon et la Corée, et depuis peu d’autres pays d’Asie orientale, représentent une part de plus en plus importante du monde ludique, que ce soit parmi les joueurs, les éditeurs ou les auteurs. Comment expliquez-vous cela ? Pensez-vous que cela va continuer ?
J: La culture des jeux de société a en effet commencé à se répandre dans les pays d’Asie, et beaucoup commencent à créer et publier, d’abord dans leur propre pays, des jeux de société. Je pense cependant que le grand public n’est pas encore conscient du charme et de l’intérêt de ces jeux. Ce n’est donc qu’un début, et le nombre de créateurs et d’éditeurs asiatiques va, je pense, encore augmenter.
B: Beaucoup des jeux que vous publiez sont vos propres créations, parfois en collaboration avec d’autres auteurs. Comment décidez-vous si vos propres créations méritent d’être publiées ? Prenez-vous part à la décision, ou faites-vous confiance au reste de l’équipe ?
J: Je fais d’abord confiance à mon intuition. Si je pense « ce jeu mériterait d’être chez Oink », alors le publier est la bonne décision. Je fais bien sûr également confiance aux avis des autres membres de l’équipe et à mes amis joueurs.
B: Vous avez développé Whale to Look à partir d’un de mes prototypes qui avait un tout autre thème, les étoiles dans le ciel, et pas mal de différences de règles. Cela a été plus un relais qu’une collaboration, puisque j’ai fait la première moitié du travail avant que vous ne fassiez la dernière. Nous n’avons quasiment pas travaillé ensemble sur le jeu. Travaillez-vous souvent ainsi ? Ou collaborez-vous habituellement dès le début de la conception d’un jeu ?
J: J’ai travaillé avec d’autres auteurs de la même manière. Je n’ai jamais eu l’occasion de commencer à réfléchir ensemble avec un autre auteur dès le début de la conception du jeu.
Note de Bruno : c’est un peu la même chose pour moi.
B: Cela fait des années que je propose des jeux à Oink, sans succès. Qu’avez-vous aimé dans le prototype de Constellation, qu’est-ce qui vous a donné envie de le développer ?
J: Cela faisait un certain temps que je m’intéresse à la prise de décision rapide à partir d’informations incertaines, et ce jeu devait donc m’intéresser. Dès les premières parties sur le prototype, l’équipe a senti qu’il y avait dans ce jeu quelque chose de profond, qui donnait envie d’y jouer et d’y rejouer encore.
B: En regardant au dos de mes boîtes Oink, je remarque certaines sont imprimées au Japon, d’autres en Chine, sans différences visibles entre les unes et les autres. Faites-vous les petits tirages au Japon et les gros en Chine, ou fabriquez-vous certains jeux au Japon et d’autres en Chine en fonction du matériel ?
J: Le plus souvent, le premier tirage, pour laquelle la communication et les délais d’impression sont essentiels, est produit au Japon. Ensuite, lorsque des milliers ou des dizaines de milliers de boites doivent être fabriqué, cela est fait en Chine, où les coûts sont plus faibles. Pour nous assurer que la qualité est la même dans les deux cas, nous échangeons très régulièrement avec les imprimeurs.
B: Puisque vous imprimez à la fois au Japon et en Chine, la baisse du Yen est-elle pour vous une bonne ou une mauvaise chose ? Si elle se poursuit, pensez-vous qu’elle rendra la fabrication au Japon plus compétitive pour vous et peut-être pour d’autres éditeurs ?
J: Pour nous, les coûts d’impression en Chine ont augmenté, mais les profits sur les ventes à l’étranger augmentent également. Cela a donc des avantages et des inconvénients et, au bout du compte, je ne pense pas que cela ait beaucoup d’impact. Il y a d’excellents imprimeurs au Japon, et j’aimerais que les éditeurs étrangers se tournent aussi vers eux. Quoi qu’il en soit, nous souhaite continuer à produire au Japon, comme je l’ai toujours fait.
B: Vous avez, au moins parmi les joueurs occidentaux, une image de petit éditeur indépendant. Ayant maintenant un jeu dans votre gamme, j’ai été très agréablement surpris par les tirages et les ventes, qui ne sont pas si petits. Alors, quelle est vraiment la taille d’Oink ? Combien de personnes travaillent dans l’entreprise au Japon ? Et hors du Japon – je connais Laura, mais il y en a sans doute d’autres.
J: Moi compris, 15 personnes travaillent chez Oink Games au Japon et 3 en Allemagne. Cependant, 8 des membres de l’équipe japonaise, donc à peu près la moitié, travaillent sur des jeux videos, que ce soit à la programmation ou dans la réalisation graphique. Il n’y a donc à Oink, dans le monde entier, qu’une dizaine de personnes travaillant dans le jeu de société.
B: En quinze ans d’activité comme éditeur de jeux, quels changement notables avez-vous vécu ? Dans le travail d’édition, dans la création, dans vos goûts en matière de jeux.
J: J’ai vraiment commencé par créer des jeux tout seul pour les vendre au Game Market. Je faisais alors tout moi-même, production, communication et vente. Il y a maintenant toute une équipe, en particulier pour la communication, les ventes et la distribution, mais le processus de conception des jeux n’a pas beaucoup changé. Je suis cependant très heureux de pouvoir aujourd’hui m’appuyer sur les avis de toute l’équipe. Il en va de même dans le jeu video, qui a toujours été un travail d’équipe. Les ventes d’Oink Games ont été multipliées par 15 au cours des 10 dernières années. Je n’ai quasiment plus de travail en contact avec les clients, et peux désormais me concentrer sur le développement des jeux. Mes goûts en matière de jeux on peu changé, mais je suis cependant un peu déçu de passer moins de temps à jouer, en raison des changements dans ma famille et mon entourage.
B: Quelles sont vos relations avec les autres éditeurs japonais ? L’an dernier à Essen, vous avez partagé un stand avec d’autres éditeurs indépendants japonais – je crois qu’il s’agissait de itten et Saashi & Saashi, corrigez-moi si je me trompe. Pensez-vous continuer ainsi ?
J: Nous avons des relations amicales avec d’autres éditeurs, parmi lesquels itten et Saashi & Saashi. Cependant, Oink Games souhaite rester indépendant. Je crois qu’il vaut parfois mieux être seul pour pouvoir faire ce en quoi l’on croit.
B: Avez-vous déjà été approché par de plus grands éditeurs – pas nécessairement Asmodée – désireux de vous racheter ? Si cela n’est pas encore arrivé, quelle serait votre première réaction face à une telle proposition ?
J: Je n’ai jamais été approché par un éditeur de jeux de société. J’ai eu une proposition, que j’ai refusée, dans le domaine du jeu video. Si une telle offre nous était faite un jour, je ne nous vois pas vraiment devenir une filiale d’un grand groupe. Nous avons les moyens financiers pour continuer à développer et produire des jeux comme nous le faisons actuellement. Nous ne cherchons pas à maximiser nos profits, mais à continuer à créer des jeux avec plaisir, et il est préférable pour cela de rester financièrement indépendant.
One of my last games, Whale to Look, has been published in 2023 by Oink Games. It is cosigned with Jun Sasaki, the boss of this small Japanese publisher whose small brightly colored boxes are easy to spot in game shops. I’ve always liked the Oink Games line. The games are often really original, with simple rules and cute minimal art, and I’ve been trying to land a game there for years. I even designed one specifically for their box format, Maracas, which was finally published by Blue Orange. Having a game published there is therefore an achievement, even more since the game seems to sell well. I therefore seized the oportunity to ask Jun Sasaki a few questions. I have met him once at Gen Con, years ago, then twice at the Osaka Game Market. Unfortunately, I don’t travel to Japan as often as I used to, so this interview was made by email.
Bruno: Tell us about the origins of Oink. Since when do you play boardgames? What games brought you into the hobby ?
Jun: Around 2005, I started playing boardgames other than the classic and popular Monopoly and Catan. At that time, I was already involved in video game development. I was very much impressed by the simplicity, the straightforwardness of games like Incan Gold and Cockroach Poker, all the more because it went completely opposite to the trend in videogames, which were becoming longer and more complex. Over the next few years, I played hundreds of modern board games, and around 2009-2010, I thought of designing one myself. This was the beginning of Oink Games.
B: When did you create Oink? What brought you into boardgame design and boardgame publishing? Did you start the company to publish your own designs, or did you first decide to start a publishing company?
J: I chose the Oink Games brand name for selling my first games at the 2010 Tokyo Game Market. I had never published a game before, and was appalled by the cost of printing cards. I realized that it meant that, even if my game sold dozens at the Game Market, I would probably end up in the red. To keep on selling after the Game Market, I registered Oink Games as a company and added barcodes for distribution. This became the Oink Games company which still exists today. The trigger for starting board game design, and for publishing my first games, was clearly the Game Market. Without it, Oink Games would not exist.
B: Many small companies like yours license games to Western publishers, but you’ve decided to publish by yourself in the whole world. When and why did you decide to start directly selling games out of Japan? Are most of your sales still done in Japan?
J: In late 2010, my game Yabu no naka (In a Grove) caught the attention of a European publisher. It was published in Europe by Asmodee, under the name Hattari (bluff in Japanese), with a different artwork and box size. I didn’t complain at that time, thinking that they had their ways and knew the European market better, but I already wondered if this game could not stand the competition with its original artwork. Sales in Europe were disappointing, which deepened the question. The same thought occurred to me when Kobayakawa was released in Europe in 2013. My desire to show my creations to the world market in their original form kept growing stronger and, in 2015, Oink set up a booth at Essen Spiel where we started to publish and sell the game by ourselves.
B: Just curious – I don’t need numbers, but what is your bestseller? Is it Scout, Deep Sea Adventure or my favorite, A Fake Artist Goes to New York? Or some other ones I don’t suspect?
J: While Oink’s best-seller is Deep Sea Adventure, Scout is rapidly catching up. Then comes A Fake Artist Goes to New York. In Japan, Nine Tiles also sells really well.
B: Your games have a very specific look, small boxes and very simple art. Why this choice? Your small boxes fit very well in one of the Western clichés about Japanese culture, that of minimalism. Do you think Japanese minimalism is really a thing, or is it just Western fantasy?
J: I like a simple, pared down, minimal style, and I empathize with things like the traditional Japanese temple building style and the zen philosophy. I’m not sure, however, that this can be labeled Japanese minimalism – I just happen to like such things.
Bruno’s note : I asked this question because I’ve heard both Japanese people stating that Japanese minimalism didn’t exist and was an invention of Californian architects and furniture designers, and other ones explaining that it was the very heart of Japanese culture.
B: When looking at the listing of Oink Games at the Boardgamegeek, I have a feeling that the few times you tried to do bigger boxes, it didn’t go that well. Am I right? Does this mean you will now stay with your emblematic line of small boxes? Or do you have other projects for Oink?
J: It’s not that “we tried to make big boxes and it didn’t work out.” Even now, if we have a game suitable for a big box, we are willing to release it in a big box. However, I like the Oink Games small, minimal, uniform boxes. If that results in Oink Games’ uniqueness, and in sales, I see no reason to change our approach.
B: More or less half of the games published by Oink have Japanese designers, and the other half Western designers. Do you think there are differences in the way we design games? In the way we play them?
J: In abstract terms, it seems to me that Japanese game design is inward-facing. Conversely, Western game design seem outward-facing. I think both have good points. More specifically, Japanese designers seem to create works for themselves and those close to them, while Western designers aim at a wider audience. However, this is just the impression I get, and I might be wrong.
Brunos notes: The opposition between what’s inward and outward facing is very often used by Japanese people, and it has a very general meaning. Anyway, even when I often consider what I think publishers are looking for, I always feel like I am also designing games mostly for me and my friends. And my personal feeling is that there is no significant difference in the way we design games.
B: Japan and Korea, now followed by other East-Asian countries, are representing an ever-growing part of the board gaming world – meaning gamers, publishers and designers. How do you explain this? Do you think it will continue growing?
J: The culture of board games is now spreading to people in Asian countries as well, and many are therefore staring to design and publish games in their own countries. However, I think that the general public in Asia is still largely unaware of the charm and interest of boardgames. This means it’s only the beginning, and more creators will probably emerge in the coming years.
B: Many of the games you publish are your own designs or co-designs. How do you decide if your own designs are worthy of being published? Do you take part in the decision or trust your gaming friends?
J: I only trust my own senses! If I think “this is worth releasing by Oink Games,” then I believe that is the right decision. Of course, I also trust team members and game friends and ask for their opinion.
B: Thinking of co-designs, you developed Whale to Look from a prototype of mine which had a completely different setting, looking at stars in the sky, and major rules differences. This was a case of “relay” co-design, since I did more or less the first half and you did the final one, but we never really worked together. Do you often work this way? Or do you usually co-design from the beginning?
J: I have worked this way with other designers. Starting from scratch together with another designer is something I have not done yet.
Bruno’s note : Same with me, and I think it’s the most usual for of boardgame co-design.
B: I’ve submitted games to Oink for years, with no success. What did you like in my original Constellation prototype that you found interesting enough to develop it?
J: I have thought for quite long about decision making within uncertain information, so I had to be interested in this game. From the beginning, we felt it had a depth that made us want to play it again and again.
B: Looking at the back of my collection of Oink games, I notice that some of them are printed in Japan and some in China, with no visible difference between them. Do you print smaller print runs in Japan and bigger ones in China, or do you print some games in Japan and other ones in China depending on the components?
J: The first print run, for which communication and short printing delays are critical, is usually made in Japan. Further print runs of thousands or tens of thousands of copies are usually made in China, where printing costs are lower. To maintain the same quality in either case, we communicate closely with the factory and repeatedly check the quality.
B: Since you print both in Japan and China, is the weak yen a good or a bad thing for Oink? If it goes on, do you think it will make manufacturing in Japan more interesting for Oink and maybe for other publishers?
J: Printing costs in China are getting higher, but the profit on overseas sales is also increasing. There are both good and bad points, and the overall impact is not significant. There are many excellent printing companies in Japan, and I would like overseas publishers to consider them. Anyway, I want to continue using Japanese factories at least as much as before.
B: You have, at least among Western gamers, an image of small publisher. Having now a game published by you, I’ve been happily surprised by your sale numbers, which are not that small. So, how big is really Oink? How many people work for the company in Japan? And outside Japan – I know Laura, but there are probably other ones ?
J: There are 15 people working at Oink games in Japan, including me, and 3 in Germany. However, half of the Japanese team members are working on video games, including programming and digital art creation. There are only about 10 people worldwide at Oink who are fully working in boardgames.
B: In your almost fifteen years as a game publisher, what major changes did you experience? In the business aspect, in your design process, in your tastes about games?
J: I really started with making games by myself and selling them at the Game Market. I was doing everything by myself, from production to advertising and sales. Now, I rely on the team a lot, especially for communication, sales, and distribution, but the game design process hasn’t changed much. I am however very grateful that there are more people around me who can help me with their opinions. As for video games, it has always been a team effort, both then and now. Annual sales have increased 15 times over the past 10 years. Personally, I have almost no client work now, and I am able to focus on game development at Oink Games. My tastes in games didn’t change much either. However, I regret having less time to play games, due to changes in my family and environment.
B: What are your relations with other Japanese game publishers? Last year in Essen, you shared a booth with Japanese indie game publishers – I think it was Itten and Saashi, correct me if I’m wrong, do you intend to go on with this?
J: We have friendly relations with a few other publishers, including Itten and Saashi & Saashi. However, Oink Games generally tends to keep some distance from other companies. I believe that it’s sometimes better to be solitary in order to quietly and steadily follow what you believe in.
B: Have you ever been approached by bigger companies wanting to buy you out – be it Asmodee or anyone else, you don’t have to give me names? If it didn’t happen yet, what would be your first reaction if this happens someday?
J: I have never been approached by boardgame companies. I was once approached for an acquisition of our videogame activity, but I declined the offer. If such an offer were made to us in the near future, I don’t think we would consider seriously becoming a subsidiary of a bigger group. As it is, the company is profitable enough to keep on developing and producing games as it has done so far. The goal is not to make tons of money, but to keep on making games in an enjoyable way. For this, it is more convenient to be financially independent.
Si mes premiers jeux furent publiés à la fin des années quatre-vingt, ce sont surtout trois petits jeux de cartes sortis au tout début des années deux-mille, Citadelles, Castel (avec Serge Laget) et L’Or des Dragons, qui m’ont fait connaître. Citadelles est toujours là, et son succès ne se dément pas. Après bien des vicissitudes, puisque deux contrats ont été signés avec des éditeurs qui ont par la suite abandonné le projet, j’ai récupéré les droits de Castel et ne désespère pas de lui retrouver un éditeur. L’Or des Dragons a connu plusieurs éditions, chez différents éditeurs, mais n’était plus disponible depuis quelques années. Il revient en 2024 chez un jeune éditeur espagnol, Samaruc, dans une édition au graphisme baroque de Jose David Lansa Cebrian at au matériel luxueux. Les gemmes marquées de symboles rendent enfin ce jeu très coloré accessible aux daltoniens.
Dragon’s Gold, puisqu’il porte désormais ce nom anglais dans toutes les éditions, est un jeu de cartes et de négociations en temps limité, fondé sur une idée toute simple qui rappellera des souvenirs à bien des vieux rôlistes. S’ils sont suffisamment nombreux et armés, il est assez facile à une bande d’aventuriers sinon d’occire un dragon, du moins de l’assommer pour s’emparer de ses richesses. Les vrais difficultés commencent au moment de se partager le trésor encore chaud.
Chaque joueur à son tour place donc une carte guerrier, voleur ou magicien sous une carte dragon et, pouf, dès que le groupe est assez nombreux, le monstre est mis hors de combat. On retourne alors un sablier, et les joueurs disposent d’une minute pour s’entendre sur le partage des pièces d’or et d’argent, des gemmes et des objets magiques. S’ils n’y parviennent pas à temps, la bête qui n’était qu’étourdie se réveille, et nos aventuriers trop cupides et imprudents repartent en courant. Parfois, le dragon est bien mort, mais le vent porte vite la rumeur dans les montagnes, et il ne faut guère plus d’une minute à ses héritiers pour pointer le bout de leur museau.
L’Or des dragons est un jeu dynamique et tendu, qui alterne placements de cartes murement réfléchis, coups bas et négociations frénétiques. Le système de score fait que chacun a des intérêts un peu différents dans le partage des trésors, les objets magiques apportent une bonne dose d’inattendu, et les promesses n’engagent que ceux qui y croient.
Dragon’s Gold Un jeu de Bruno Faidutti Illustré par Jose David Lansa Cebrian 3 à 6 joueurs – 40 minutes Publié par Samaruc Boardgamegeek
While my first boardgames were published in the early eighties, I only really became an established game designer in the early 2000s, with three small card games published almost simultaneously, Citadels, Castle (with Serge Laget) and Dragon’s Gold. Citadels is still around, and still my best seller. Things have been a bit messy with Castle, since two contracts were signed with publishers who later gave up the project – I now have the rights back again and am ready to discuss with any publisher interested. Dragon’s Gold has had several editions, with different publishers, but was out of print for a few years. It is back in 2024, thanks to a young Spanish publisher, Samaruc. This new edition has baroque art by Jose David Lansa Cebrian, and cute plastic gems with symbols – for the first time, this multicolored game will be playable by colorblinds.
Dragon’s Gold is a card placement and real-time negotiation game, whose premise will be familiar to old D&D players. If they are numerous enough, strong enough and well armed, a party of adventurers can always if not kill a dragon, at least knock it unconscious for a while to steal its hoard. The difficult part is not to overcome the beast, it is to divide the still warm treasure.
Each player on turn plays a warrior, thief or wizard card under a dragon, and as soon as the group is strong enough, the monster is neutralized. Then a 1 minute sand timer is flipped, and the players involved have 1 minute to divide the loot made of gold, silver, gems and magic items. If they can’t do it in time, the stunned beast wakes up and the greedy and careless adventurers run away at full speed. Well, sometimes the dragon is really dead, but rumor flies fast with the mountain wind, and its legitimate heirs need little more than one minute to show up.
Dragon’s Gold is a fast paced and fun card game. It alternates between carefully managed card placement, frenzied negotiations and unashamed backstabbing. The scoring system makes dividing the loot quite intricate, magic item cards add some unexpected events, and promises bind only those who believe them.
Dragon’s Gold A game by Bruno Faidutti Art by Jose David Lansa Cebrian 3 – 6 players – 40 minutes Published by Samaruc Boardgamegeek
Ceux qui suivent mon actualité ludique savent que ce jeu a eu une histoire compliquée. Faisant à priori confiance tout le monde, je ne fais pas d’enquête approfondie sur les éditeurs qui me proposent de publier l’un de mes jeux. Dans l’immense majorité des cas, tout se passe bien. Très rarement, comme cela a été le cas avec The Gaming Goat, l’éditeur initial de Santa’s Little Elves, les choses tournent au vinaigre. Je n’étais visiblement pas le seul avec qui leurs relations étaient difficiles, puisque l’équipe de The Gaming Goat a finalement jeté l’éponge et quitté le monde ludique. Les boutiques, la maison d’édition, et le stock de Santa’s Little Elves qui venait d’être imprimé (je n’étais même pas au courant), ont été repris par Hassan Sheikh et Morhan Fleur de Lys (quel nom!), qui ont tout l’air d’être des gens très bien. Leur nouvelle boite, baptisée Knight and Day games, se concentre pour l’instant sur les boutiques qu’ils ont aux États-Unis, mais ils envisagent peut-être un jour de se lancer dans l’édition. En attendant, ils ont quelques milliers de boites de Santa’s Little Elves sur les bras, et quels que soient les reproches que je peux faire à TGG Games, je dois reconnaître qu’il a été bien édité. Knightn and Day games n’est pour l’instant pas en mesure d’expédier le jeu hors des États-Unis, mais cela viendra sans doute bientôt. Il est en outre probable que Matagot en publie un jour une version française – surtout si on arrive à retrouver les fichiers graphiques, qui semblent avoir disparu. Arnaud Charpentier, de Matagot, s’est en effet beaucoup investi pour sauver ce qui pouvait l’être dans le naufrage de la chèvre ludique, et a récupéré certains contrats des jeux qui n’avaient pas encore été édités. Bref, surtout si vous êtes aux États-Unis, et si vous cherchez un petit jeu de bluff simple, amusant et sans prétention, vous n’avez plus de raison d’éviter les petits elfes que vous trouverez non pas dans la boutique du Père Noël mais dans celle de Hassan et Morgan, ici.
Dans Santa’s Little Elves, vous êtes l’un des lutins vêtus d’un ridicule uniforme vert et rouge qui, dans l’atelier du Père Noël, fabriquent et emballent à la chaine les jouets destinés aux enfants du monde entier – enfin, surtout des pays où les parents ont assez d’argent pour acheter des jouets, car le Père Noël ne perd pas le Nord. Ce dernier est en effet un capitaliste de la pire espèce, qui vous exploite de manière éhonté, profitant de la rareté des offres de travail dans le grand nord.
Le travail est éreintant et les salaires ridiculement bas. Les heures supplémentaires ne sont généralement pas déclarées, les possibilités de promotion sont inexistantes ou illusoires. L’usine est glaciale ; vous n’avez aucune idée de la date à laquelle le chauffage sera réparé, mais certainement pas avant la fin de la campagne d’hiver. Les situations de harcèlement sont également récurrentes. Seule consolation, ce n’est pas vraiment mieux pour vos camarades qui travaillent au tri des lettres, ni sans doute pour ceux du centre d’appel récemment délocalisé en Antarctique. Sans même parler de ces pauvres rennes, enfermés tout l’été dans un hangar sordide avant d’être contraints, tout l’hiver, de galoper dans la neige avec un costume et des cloches ridicules.
Solidarité et conscience de classe n’étant pas vraiment le point fort des lutins, il serait vain d’espérer pouvoir organiser une grève. Du coup, vous avez décidé de prendre votre destin en main, en volant des jouets sur la cabine pour les revendre sur ebay, tombé du traîneau. Bien sûr, vos petits cons de collègues font la même chose, et chacun espionne ses voisins, espérant les prendre sur le fait pour les faire chanter ou les dénoncer au patron.
Dans cette ambiance de rêve, le vainqueur sera bien sûr le plus riche à la fin de la partie, qui pourra quitter l’usine et se payer une croisière de rêve dans les Caraïbes. Les autres devront se contenter de quelques bières à la taverne du coin, et tant pis si le tavernier est un pote du patron.
Ceux qui connaissent bien mes jeux ne seront guère surpris par ces Petits lutins du Père Noël, un jeu de cartes simple et rapide, tout entier construit sur le bluff et la psychologie, dans la même famille que Dolorès, Waka Tanka ou Venture Angels. Conçu il y a plusieurs années de cela, ce jeu de cartes est resté dans mes cartons assez longtemps. Plusieurs éditeurs s’y sont intéressés, mais ils voulaient soit changer un thème auquel je tenais parce que je le trouvais drôle et politique, soit rendre plus complexe un jeu dont le charme réside en partie dans sa simplicité.
Le seul changement que je regrette un peu concerne la liste des jouets. Dans mon prototype, les jouets du père Noël était extrêmement typés, genrés comme on dit aujourd’hui, des poupées et des cuisines roses pour les filles, des voitures et des jeux de construction pour les garçons. Cela gênait d’autant plus les lutins qu’ils ne sont eux-mêmes pas très clairs sur les questions de genre. Craignant que certains joueurs ne prennent cela au premier degré, l’éditeur a remplacé cela par une distinction entre jouets technologiques (avec la technologie des années quatre-vingt-dix parce que c’est plus rigolo) et jouets traditionnels. Je sais bien qu’il est toujours plus prudent de prendre les joueurs pour des imbéciles, il y en a toujours quelques-uns dans le lot, mais c’est dommage quand on leur enlève une occasion à la fois de rire et de réfléchir. Enfin, c’est un peu moins drôle, mais cela devrait marcher aussi bien. Dans un jeu aux mécanismes finalement très simples, cela passera peut-être mieux auprès des plus jeunes joueurs qui n’ont pas connu l’époque des jouets hyper-genrés, des poupées Barbie et des maquettes d’avion. Pour le reste, toute ma petite histoire de lutins pré-marxistes, classe en soi mais pas pour soi, est bien là, et c’est l’essentiel.
Les règles très simples de Santa’s Little Elves mettent certes le jeu à la portée de tous, mais son thème ne doit pas faire croire qu’il n’est destiné qu’aux enfants. C’est aussi un jeu de bluff bien fourbe qui devrait plaire aux habitués de mes petits jeux de cartes.
Santa’s Little Elves Un jeu de Bruno Faidutti Illustré par Marlies Barends 3 à 5 joueurs – 20 minutes Publié par Matagot / TGG / Knight and Day games (2023)
If you follow this blog, you know that this game has had a complex story. I trust people by default, and don’t systematically check the business past of people who want to publish my games. In nearly every case, everything goes well. Very rarely, like things turn sour. That’s what happened with The Gaming Goat, the original publisher of Santa’s Little Elves. I was not the only one with whom their relations were difficult, since the Gaming Goat finally gave up publishing and selling games and quit the the boaredgame business. The company assets, meaning the shops, the IPs, and the stock of santa’s Little Elves which had just been printed, have been taken over by Hassan Sheikh and Morgan Fleur de Lys (what a name !), which seem to be really nice people. Their new company is called Knight and Day games. So far, they mostly focus on the game shops, but they might later become a publisher. In the meantime, they have a few thousand copies of Sant’s Little Elves which, no matter the many issues I had with TGG games, has been well illustrated and produced. Knight and Day doesn’t yet shop outside of the US, but I hope the soon will. It is also likely that Matagot will some day publishe a French version – especially if we can track the graphic files, which seem to have vanished. Arnaud Charpentier, of Matagot, took great pain in salavging what could be salvaged from the Gaming Goat shipwreck, including some of contracts for games which had not yet been produced. This means that, if you are in the US and are looking for a light, simple and family friendly bluffing game, there’s no more reason to avoid my Little Elves. You can buy them not in santa’s shop but in Hassan & Morgan’s one, here.
You’re one of Santa Claus Elves, in a ridiculous red and green uniform, working on the factory line all year long, manufacturing toys for kids from the whole world, or at least from the countries where parents are rich enough to buy kids toys. Stupid rich kids who never heard of you, and who probably would not care if the had. Santa Claus, a capitalist of the worse kind, is clearly exploiting you, taking advantage of the scarcity of jobs in the far North.
Exhausting work, bad pay, no pay at all for overtime, no consideration, no summer holidays, no career prospects. The factory is ice cold, and you have no idea when the heating will be fixed, but certainly not before the end of this winter season. Harassment issues are commonplace. It’s probably not better for your comrades sorting letters, and certainly even worse for those at the after-sales hotline, recently outsourced to Antarctica.And there are serious work harassment problem. Worst of all, the factory is terribly cold and you’ve no idea when the heating will be fixed. And better not talk about these poor reindeers, spending the whole summer in a dirty shed and running all around the world in the cold winter with ridiculous bells.
Solidarity and class consciousness are not elves’ strong suit, so you’ve decided to help yourself. On every occasion, you steal small toys from the line, and try to sell them on eBay as fallen of the back of the sledge. Of course, your nasty colleagues are all doing the same. They’re also spying on you, and will report you when caught, unless you give them what you have stolen.
The elf with the most cash at the end of the game is the winner, resigns from the job and goes for a two-month cruise in the Caribbean. The other elves have still enough cash for a few beers at the local tavern – and, yes, this means the money goes back to Santa Claus, who also owns the tavern, but that’s life.
Those who know my card games won’t be surprised by Santa Claus’ Elves. It is a simple and fast paced bluffing card game, entirely built on bluffing and psychology, a bit like my Dolores, Waka Tanka or Venture Angels. I have designed it a few years ago, but it has stayed unpublished because I was waiting for a publisher willing to keep both the simplicity of the core mechanism and the fun storyline, and many wanted to make the game more complex, or to go for a less political setting.
There’s one change I regret a bit, with the list of toys. My prototype had two categories of terribly gendered toys, dolls and pink plastic kitchens for girls, cars and construction sets for boys. This was one more problem for the elves, most of which are not clearly settled on gender issues. The publisher was afraid some gamers would take this at face value, even when the rest of the game is obviously parodic. The publisher replaced this with two other categories, traditional and modern toys – modern meaning from the nineties, because it looks nicer. I know it’s always safer to treat gamers as fools, there must be a few ones in the crowd, but it also means removing opportunities to both laugh and think. It’s not as fun, but it works as well and will probably make more sense with younger gamers who didn’t know the time of Barbie dolls and airplane models. And anyway, all the rest of my little proto-marxist elves story, class in itself but not for itself, is still there, and that’s what matters.
Santa’s Little Elves has short and simple rules, and can be played by kids, but you must not be fooled by its topic and title – it’s not just for kids. Played with the right crowd, it can also become a nasty bluffing game, like many of the small card games I have designed.
Santa’s Little Elves A game by Bruno Faidutti Art by par Marlies Barends 3 to 5 players – 20 minutes Published by Matagot / TGG / Knight and Day games (2023)
Halloween Party est une nouvelle version d’un jeu de cartes déjà assez ancien, conçu avec Gwenaël Bouquin, et originellement publié il y a une quinzaine d’années sous le nom de Toc Toc Toc ! Les quelques modifications apportées aux règles à l’occasion de cette nouvelle édition visent à rendre le jeu plus varié, plus tendu et plus équilibré.
Le principe est tout simple. Chaque joueur a une main de cartes et, à son tour, pose une carte personnage face cachée devant un autre joueur en disant « toc toc toc ! ». Le joueur devant lequel est posé la carte doit alors choisir entre ouvrir la porte, et laisser le personnage entrer, rejoignant ainsi sa petite fête de Halloween, ou refuser d’ouvrir, auquel cas le personnage s’en va chez le joueur qui avait d’abord joué la carte. Bien sûr, si la plupart des convives sont bienvenus, et certains, comme les musiciens, particulièrement appréciés, d’autres doivent être évités avec soin, comme les ivrognes ou le terrible chevaliers ans tête. La pioche étant face visible, chacun finit par savoir plus ou moins quelles cartes les autres joueurs ont en main, et l’on peut essayer de deviner ce qu’ils nous proposent. C’est donc un jeu de bluff tout simple, accessible aux plus jeunes mais assez fourbe pour séduire les joueurs avertis
Lorsque la sympathique équipe américaine de Trick or Treat m’a contacté, à la recherche de jeux de société dont le thème pourrait leur convenir, c’est bien sûr ce jeu qui m’est d’abord naturellement venu à l’esprit. Je ne suis pas le seul à avoir fait le même raisonnement puisque Emerson Matsuuchi leur a proposé son Tricks and Treats, dans lequel les joueurs sont des enfants rivaux allant de maison en maison, essayant de récupérer les meilleurs bonbons. Je n’ ai pas encore joué à Trick and Treats, mais je suis à peu près certains que c’est aussi le genre de petit jeu de bluff que mes amis et moi apprécierons.
Halloween Party Un jeu de Gwenaël Bouquin and Bruno Faidutti Illustré par Drew Rausch 3 à 5 joueurs – 20 minutes Publié par Trick or Treat Studios Boardgamegeek
Halloween Party is a new and version of an older game, Knock Knock!, designed with Gwenaël Bouquin and originally published more or less fifteen years ago. There has been a few changes in the rules, mostly for more tension, more variability and a better balance.
The idea is extremely simple. Each player has a small hand of cards and, on their turn, plays a face-down character card in front of another player, saying “knock, knock!”. The player in front of whom the card was played can either open the door, and let the character enter their Halloween party, or keep the door closed, in which case the character moves to the party of the player who initially played the card. Of course, while most guests are welcome, and a few ones like the musicians sought-after, other ones, like drunkards or the harrowing headless horseman, should better be avoided. The drawing deck being face-up, every player ends up having some idea of the cards in other players’ hands, and can therefore try to make an informed guess of who is knocking at the door. This makes for a simple bluffing game, which can be played with kids but still has enough subtlety for old poker players.
When the team at Trick or Treat Studios, wanting to start a fittingly themed boardgame line, contacted me, this one immediately jumped to my mind. I was not the only one thinking this way, since Emerson Matsuuchi proposed his Tricks and Treats, in which players are rival kids going from house to house, trying to get the best candies. I’ve not played Trick and Treats yet, but it also looks like the kind of light bluffing game me and my friends are likely to enjoy playing.
Halloween Party A game by Gwenaël Bouquin and Bruno Faidutti Art by Drew Rausch 3 to 5 players – 20 minutes Published by Trick or Treat Studios Boardgamegeek
Ad Astra, conçu avec Serge Laget et publié en 2009 par un éditeur disparu peu après, n’a pas vraiment eu sa chance. D’abord passé inaperçu, ce jeu n’est qu’ensuite devenu un succès d’estime, dont les rares boites se revendaient assez cher – je le sais, j’ai dû m’en procurer une ou deux quand j’ai voulu en recycler le matériel pour travailler avec Serge sur une nouvelle version. Du coup, nous sommes très contents qu’un autre éditeur, Grand Gamers Guild, ait décidé de lui donner une deuxième chance sous une nouvelle étiquette, The Artemis Odyssey, qui en fait un peu la suite de l’excellent The Artemis Project de Daryl Chow et Daniel Rocchi – et tant pis si la référence mythologique devient un peu bizarre quand il n’est plus question de coloniser la lune mais d’explorer des planètes plus lointainse.
Pour ceux qui connaissaient la première édition, Ad Astra, disons que The Artemis Odyssey est un jeu plus dynamique, notamment grâce à des tours plus brefs et des déplacements plus rapides, avec un matériel moins sombre et donc plus lisible. Il se joue désormais de 1 à 5 joueurs, et même par équipe à 6 ou 8.
Pour ceux, les plus nombreux sans doute, qui ne connaissaient pas Ad Astra, ou ne le connaissaient que de nom, voici donc une petite présentation de The Artemis Odyssey:
Cela fait bien longtemps que je n’ai pas ressorti ma vieille boite des Colons de Catan, mais dans les années 2000, lorsque Serge et moi avons commencé à réfléchir à ce qui allait devenir Ad Astra, puis The Artemis Odyssey, c’était encore un grand classique que nous pratiquions à l’occasion. Le système de production et d’exploitation des ressources de notre jeu est emprunté à Catan, mais nous avons voulu faire un jeu qui ne soit pas dépendant, comme l’est celui de Klaus Teuber, des jets de dés et de la géographie. Situer l’action dans l’espace nous a permis d’éliminer les situations de blocage assez fréquentes sur le continent catanien, et de donner du coup aux joueurs de plus larges choix stratégiques. Rendre la production de ressources dépendante des choix des joueurs permet d’éliminer la plus grande part du hasard, le fait que ces choix soient faits avec des cartes jouées faces cachés introduisant en revanche un peu de bluff et de psychologie, évitant de ce fait que cela ne devienne trop calculatoire. Tout cela fait de The Artemis Odyssey une sorte de Catan peut-être un peu plus complexe, mais surtout moins scripté, plus varié, plus tactique, plus dynamique – et dans l’espace, mais je ne suis pas sûr que cela change grand chose.
Financé via Kickstarter fin 2021, The Artemis Odyssey arrivera en boutique à l’été 2023. L’éditeur de la version française ayant refusé de me laisser faire la traduction, comme je le raconte dans un autre post, je conseille plutôt l’achat de l’édition originale, en anglais. Voici d’ailleurs la traduction des règles et cartes que j’avais réalisée et dont l’éditeur n’a pas voulu.
The Artemis Odyssey Un jeu de Serge Laget et Bruno Faidutti Illustré par Cristian Romero 1 à 5 joueurs – 45 minutes Publié par Grand Gamers Guild Boardgamegeek
Ad Astra was designed with Serge Laget and published in 2009 by a publisher who went out of business soon afterwards. The game went first unnoticed, and later became much sought after, to the point that the few available copies sold at a high price – I know it firsthand, since I had to buy one or two in order to recycle their components in the new version Serge and I were working on. We are therefore really happy that a new publisher, Grand Gamers Guild, decided to give it a second chance under a new name, The Artemis Odyssey. Our game has indeed become a kind of follow-up to The Artemis Project, a great « worker placement » game by Daryl Chow and Daniel Rocchi – and never mind if the mythologiocal reference becomes a bit strange when the game is no more about colonizing the moon but about exploring far away planets.
If you’ve already played Ad Astra, you only need to know that The Artemis Odyssey is more dynamic, mostly due to shorter game rounds and faster movement. It has a brighter color palette and therefore more readable components. The game now plays from 1 to 5, and there’s even team rules for 6 or 8.
If you’re not familiar with Ad Astra, or only by name, here’s a short description of The Artemis Odyssey.
I’ve not opened my old copy of Settlers of Catan for years but in the early 2000, when Serge and I started to think of what would become Ad Astra, and then The Artemis Odyssey, it was a classic that we regularly played. We really liked the resource production and development system from Klaus Teuber’s game but wanted to make something less dependent on dice rolls and geography. Moving the action into deep space prevents the blockade situations which are my main issue with Catan.Having resource production decided by the players makes the game less random, and having cards played face down brings a bit of bluff and psychology, and prevents the system from becoming a brain burner. The Artemis Odyssey might be slightly more complex than Catan, but it is mostly less scripted, more varied, more tactical, more dynamic – and in space, but I’m not sure it matters that much.
The Artemis Odyssey was financed on Kickstarter in late 2021, and will be in store in the summer of 2023.
The Artemis Odyssey A game by Serge Laget et Bruno Faidutti Art par Cristian Romero 1 to 5 players – 45 minutes Published by Grand Gamers Guild Boardgamegeek