6 Suspects

Les « microgames », des jeux au matériel minimalistes, une vingtaine de cartes, parfois deux ou trois pions, vendus à un prix lui aussi très modeste, sont depuis assez longtemps à la mode au Japon, où le plus connu est sans doute Love Letter, de Seiji Kanai. S’ils existent depuis longtemps aussi en Europe en aux Etats-Unis, avec par exemple dans les années 1990 de petites perles comme Pico ou Flinke-Pinke, ils n’avaient pas jusqu’ici rencontré le même succès. Ils semblent depuis deux ou trois ans devenir à la mode, peut-être en réaction contre les kickstarters surproduits, surchargés de plastique et de règles. Le format initié par Button Shy, 18 cartes dans une pochette de carte bleue, s’avère particulièrement efficace. 18 cartes, c’est un tiers de 54, ce qui permet d’imprimer trois exemplaires du jeu sur une planche de jeu de cartes classique. Une pochette de carte bleue, c’est assez classe, on dirait vaguement du cuir. Cela donne des jeux à l’a présentation élégante qui peuvent pourtant être vendus pour un prix très modeste, moins de 10$ ou €.

Du coup, j’ai acheté toute la série des jeux Button Shy, avant de me rendre compte qu’un tiers d’entre eux étaient des jeux solo, auxquels je ne jouerai jamais parce que, seul, je préfère toujours prendre un livre. Heureusement, d’autres, notamment parmi les jeux à deux joueurs, sont excellents. J’ai notamment apprécié Avignon, Les Bons Contes ou Hiérarchie, mais il en reste de très nombreux auxquels je n’ai pas encore joué. D’autres éditeurs se lancent aussi dans ce format, à commencer par mes amis de Matagot, qui distribuent déjà en France les jeux de Button Shy. Ils ont débuté l’an dernier avec Western Legends Showdown, un jeu à deux dont Bruno Cathala dit beaucoup de bien, il va falloir que j’y joue. Ils publient aujourd’hui 6 Suspects.

je me suis donc lancé le défi de réaliser moi aussi quelques petits jeux dans ce format 18 cartes Sur les quatre que j’ai imaginé jusqu’ici, deux ont trouvé un éditeur mais ont vu leur nombre de cartes augmenter un peu pour être jouable à 3 ou 4 et non seulement à 2 comme mes premières versions. Ce sont Migo et Cocktails de fruits, tous les deux publiés par Ghost Dog. Un tel bricolage n’était pas nécessaire pour 6 Suspects, l’un des rares jeux de 18 cartes pouvant être joué sans changement de règle de 2 à 8 joueurs.

6 Suspects est un jeu d’observation, de déduction logique et de mémoire. Les cartes représentant les six suspects éponymes, Albert, Brigitte, Charles, Denise, Eric et Francine (l’action doit se passer en France dans les années 60 ou 70), sont alignées sur la table. Sous chacune d’entre elles sont placées deux cartes indice, faces cachées. Le suspect dont les deux cartes indice ont la valeur totale la plus élevée est le coupable, mais une bonne partie des cartes ont des effets spéciaux, se recopiant, s’annulant ou déplaçant d’autres cartes. Chacun à son tour regarde l’une des douze cartes indice, puis la remet en place. Lorsqu’un joueur pense connaître le coupable, les autres regardent encore une carte et, simultanément, tous les joueurs désignent l’un des suspects. On révèle alors tous les indices et, après quelques calculs, on voit qui avait raison.

Eric est coupable.

Si les règles sont simplissimes, le processus de déduction est parfois un peu tarabiscoté, et c’est là que réside l’intérêt d’un jeu qui encourage à la prise de risque. Pour devancer ses adversaires, il faut souvent déclencher la fin de partie avant d’être sûr de son fait, et du coup, il peut arriver que l’on se trompe.

Les illustrations décalées de Gjermund Bohne situent l’action dans le même univers qu’un gros jeu paru il y a deux ou trois ans chez Matagot, Bad Company, auquel il va aussi falloir que je joue un de ces jours.

6 Suspects
Un jeu de Bruno Faidutti
Illustré par Gjermund Bohne
2 à 8 joueurs – 10 minutes
Publié par Matagot
Boardgamegeek



Microgames, games with a minimalistic content, usually more or less twenty cards and sometimes two or three tokens, are relatively common in Japan, the best known being Seiji Kanai’s Love Letter. There has also been such cheap light games in Europe and in the US for a while, for example forgotten gems like Pico or Flinke Pinke in the nineties, but they didn’t have the same success so far. These last years, though, they are becoming more popular, may be as a reaction against overproduced kickstarters, overcharged with rules and plastic. The format introduced by Button Shy games, 18 cards in a credit card sleeve, seems to be especially efficient and successful. 18 cards is one third of 54, which means it’s possible to print three copies of a game on a standard 54 cards plate. Credit card sleeves also look vaguely like leather. This makes for elegant looking and cheap to produce games, usually sold for less than 10 $ or €.

As a result, I bought the whole Button Shy line, before noticing than a third of them are solo games which I will probably never play – when I’m alone, I find a book more challenging and entertaining than a game. Luckily, there are a few gems among the other ones, mostly two player games such as Wonder Tales, Avignon or Hierarchy, and there are still many I have not tried yet. Other publishers are starting to follow and publish games in this format, among them my friends at Matagot, who are already distributing Button Shy in France. They started with a two player game, Western Legends Showdown, which Bruno Cathala highly recommended to me but which I’ve not found an opportunity to play yet. They are now publishing my 6 Suspects.

Two years ago, I decided to give at designing games in this very specific format. I’ve designed four so far, but two have seen the number of cards increase so that they can accommodate more than two players. These are Migo and Fruit Cocktails, both published by a young French company, Ghost Dog. This was not necessary for 6 Suspects, which can be played from 2 to 8 players with the same 18 cards.

6 Suspects is an observation, deduction and memory whodunnit game. The six eponymous suspect cards, Albert, Brigitte, Charles, Denise and Francine (looks like it happened in France in the sixties) are placed in a row on the table. Under each suspect cards are dealt two face down clue cards. The suspect whose two clue cards have the highest total value is the culprit, but half of the cards have special effects, such as copying, cancelling or swapping other cards. Each player on turn secretly looks at a card and places it back face down. Once a player thinks they know the culprit, all other players can look at one more card and, simultaneously, every player designates the character they think did it. All clue cards are then revealed to determine the culprit.

This one is really tricky, but Brigitte and Denise did it together.

While the rules are extremely simple, the deduction process can be a bit convoluted due to the many special effect cards. This brings into the game some logical thinking, but also some risk taking. Even when you are not sure who did it, ending the game can be a good move if you think you have better odds than your rivals at finding the criminal. Of course, it doesn’t always work….

The six suspects were drawn by Gjermund Bohne, in the same style and universe as those of another Matagot game, Bad Company, which I also have to play one of these days.

6 Suspects
A game by Bruno Faidutti
Art by Gjermund Bohne
2 to 8 players – 10 minutes
Published by Matagot
Boardgamegeek

Jednorożcze
Les licornes
Unicorns

Jednorożce – les licornes en polonais- est une nouvelle édition de Attila, un petit jeu de stratégie pour deux joueurs, très simple et rapide, du genre que l’on penserait plutôt sorti du cerveau de l’autre Bruno, Bruno Cathala. Sur un plateau dont les cases disparaissent une à une, chacun à son tour fait bondir un pion à la manière d’un cavalier d’échecs, le but du jeu étant d’être le dernier à pouvoir se déplacer. J’avais écrit l’histoire de la conception de ce jeu en 2015, lors de la sortie de la première édition chez Blue Orange, je n’ai pas grand-chose à y ajouter.

Toutes les pièces se déplaçant comme le cavalier du jeu d’échecs, les thèmes possibles tournent tous autour de la même idée, cavalcade, tournoi. Curieusement, je n’avais pourtant pas pensé à faire des ces chevaux des licornes, c’est la petite équipe polonaise de Moduko qui me l’a proposé, et je pouvais difficilement refuser.

Moduko n’a en principe les droits sur ce jeu que pour la Pologne, mais si vous voulez publier ça ailleurs avec les jolis dessins de licornes dans les nuages de Tomasz Larek, contactez-moi, on peut certainement s’arranger.

Jednorożce
Un jeu de Bruno Faidutti
Illustré par Tomasz Larek
2 joueurs – 10 minutes
Publié par Moduko (2024)
Boardgamegeek



Jednorożce – Unicorns in Polish – is a new version of Attila, a light and fast paced two-player strategy game which probably feels a bit like it was designed by the other Bruno, Bruno Cathala. On a board whose spaces vanish one after the other, each player on turn moves a piece like a Chess knight, the goal being to be the last player able to make a move. You can read more details about the game’s idea in the design diary I wrote when the first edition was published, in 2015 – I have very little to add.   

Since all pieces move like a Chess knight, all possible settings for his game have horses. Surprisingly, the idea of changing these horses into unicorns was not mine. It came from the small polish team at Moduko, but it’s the kind of offer I can’t refuse.  

Theoretically, Moduko has only the Polish rights for this game, but if you want to publish it anywhere else with the cute unicorns in the clouds art by Tomasz Larek, just email me, I’m sure we can arrange something.

Jednorożce
A game by Bruno Faidutti
Art by Tomasz Larek
2 players – 10 minutes
Published by Moduko (2024)
Boardgamegeek

Migo

Le marché du jeu de société est un peu compliqué en ce moment. La demande continue certes à augmenter, mais l’offre a progressé plus vite encore. Les boutiques spécialisées sont de plus en plus, en particulier pour les grosses boîtes de jeu destiné à un public averti, concurrencées par les Kickstarter et autres Gamefound. Quelques grands groupes ont certes repris des maisons d’édition de taille moyenne pour en faire des « studios de création », mais des amateurs ont simultanément monté de nombreuses petites boites dont on ne sait parfois plus très bien à quel écosystème elles appartiennent. Face à une pléthore de nouveautés, les joueurs et même les boutiques qui ne peuvent tout caser sur leurs rayons doivent faire des choix.
Devenus prudents, de plus en plus d’éditeurs hésitent à produire des jeux ambitieux qui risquent de ne pas trouver leur place sur un marché encombré. Lassés des lourds kickstarters aux figurines encombrantes et aux règles boursouflées, des joueurs reviennent vers des jeux moins prétentieux mais souvent plus efficaces, et dont le prix tout comme l’empreinte écologique sont plus modestes

Ce sont quelques raisons, il y en a d’autres, au grand retour des « microgames », des jeux aux règles simples, au matériel modeste, vendus dans de toutes petites boites. Le format « 18 cartes », facile à produire puisque l’on peut caser trois jeux sur une planche standard de 54 cartes, et que l’on peut vendre à bas prix présenté dans une pochette de cartes bancaires, semble particulièrement apprécié. Au début de l’année 2023, je me suis donc lancé le défi de réaliser quelques jeux dans ce format. Il en a résulté quatre projets, dont trois ont trouvé un éditeur. 6 Suspects, un jeu de déduction, sortira fin 2024 chez Matagot. J’ai signé chez Ghost Dog, jeune éditeur français, pour deux petits jeux de cartes ; Migo est le premier à paraître, le second, pour le titre duquel nous hésitions entre Fruit of the Doom, Fruit Salad et Fruit Cocktail est prévu pour la fin de l’année.

Soirée de test dans mon quartier, au bar à jeux Le Duchesse.

Deux éditeurs étaient intéressés par mon jeu de Yetis. J’ai préféré celui qui acceptait de conserver le thème d’origine, les abominables hommes des neiges attaquant des cordées d’alpinistes, à celui qui voulait les remplacer par des dragons. J’aime bien les dragons, mais j’ai déjà fait trop de jeux avec des reptiles et des pièces d’or, je n’en avais aucun avec des yetis et des bonnets de laine. Le format choisi autorisant une trentaine de cartes et quelques jetons, j’ai pu développer un peu le projet. Le prototype initial ne se jouait en effet qu’à deux joueurs, le jeu finalement publié fonctionne désormais aussi bien à trois, et presque aussi bien à quatre. Comme il y avait déjà pas mal de jeux s’appelant Yeti, le mien a été rebaptisé Migo, qui signifie Yeti en tibétain et est également le nom d’un personnage de jeune yeti dans le dessin animé Yeti et compagnie.

Les joueurs incarnent donc des abominables migos qui, pour embellir leurs grottes, collectionnent le matériel d’alpinisme – piolets, crampons, cordes et, surtout, bonnets de laine particulièrement décoratifs. Les yetis les plus respectés accrochent aussi à l’entrée de leurs grotte les drapeaux que les expéditions espéraient planter sur les sommets. Les bouteilles d’alcool, qui aident à supporter le froid hivernal, sont aussi une gâterie très appréciée.

Parfaitement insérés dans l’économie tibétaine, les migos entretiennent des relations amicales avec les communautés locales. Ils font même à l’occasion un peu de troc avec les sherpas, ceux-là même qui les avaient informés à l’avance du lieu et de l’heure d’arrivée des expéditions.

Première partie sur le jeu édité, aux rencontres ludopathiques d’Etourvy.

Comme il convient à ce genre de petit jeu de cartes, les règles sont très simples mais laissent pas mal de place à la tactique. Migo est un jeu de prise de cartes, ce que les américains appellent un jeu de draft, terme qui est généralement employé dans un sens plus restrictif par les joueurs francophones. Chaque yeti à son tour attaque (et sans doute dévore, mais il ne faut pas le dire si on joue avec des enfants) l’un des alpinistes en tête de cordée, et s’empare de son matériel. Cela rend les grimpeurs suivants, et leurs équipements, disponibles pour les joueurs suivants. Comme souvent, la contrainte initiale, ici le petit nombre de cartes, s’est avérée source d’inspiration pour les mécanismes du jeu. N’ayant qu’une vingtaine de cartes à ma disposition, j’ai en effet cherché à en utiliser à la fois le recto et le verso. Cela introduit beaucoup de variation dans les configurations initiales, certains équipements pouvant être plus rares que d’autres, et est à l’origine du mécanisme des sherpas, qui permettent de retourner une carte, souvent pour s’emparer d’une majorité.

J’ai eu récemment la chance d’avoir un jeu, le mignon Whale to Look, conçu avec Jun Sasaki, publié dans la très belle collection de petites boites au graphisme minimaliste de l’éditeur japonais Oink. Avec leur format très proche, les « feux follets » de Ghost Dog s’en inspirent clairement, et je leur souhaite le même succès – d’autant plus que j’ai un autre jeu à paraître cet automne dans la même série, dont on n’a pas encore décidé s’il s’appellerait Fruit of the Doom, Fruit Salad ou Fruit Cocktail.

Une partie de Fruit of the Doom – Fruit Sala – Fruit Cocktail avec Antoine, l’éditeur, à gauche.

Migo
Un jeu de Bruno Faidutti
Art by Maxime Morin
2 à 4 joueurs – 20 minutes
Publié par Ghost Dog Games
Boardgamegeek



Navigating the boardgame market has recently become a bit complex. Demand for new games is still growing, but supply, meaning the number of new games, is increasing even faster. Local game stores are facing a growing competition from Kickstarter and now Gamefound, especially for big, expensive (and therefore profitable) boxes. A few big publishers have taken over smaller one, often changing them into « creative studios », but even more newcomers have started new companies, about which we often know very little. Faced with a plethora of new games, gamers and even shops with limited shelf place must make choices.

Many publishers are becoming wary of producing ambitious games which might not find a place on an overcrowded market. Tired of heavy kickstarters with cumbersome miniatures and bloated rulesets, some players are back to less ambitious but often more efficient games, which also come at a much lower price and ecological footprint.

These are some of the reasons – there are a few other ones – for the comeback of « microgames », boardgames with simple rules and few components in a very small box. The trendy format is 18 cards which can be sold a very low price – one can fit three copies of the game on a standard poker game sheet, and it fits in a credit card wallet. In the first months of 2023, I decided to give it a trying challenged myself to design a few such games.
I ended up with four prototypes, three of which have now found a publisher.
6 Suspects, a light deduction and memory game, will be published by Matagot in late 2024. I signed with Ghost Dog, a new small French publisher, for two games, and Migo is the first one to hit the shelves.The second one is due later this year, and we still hesitate on its title, Fruit of the Doom, Fruit Salad or Fruit Cocktail.

Soirée de test dans mon quartier, au bar à jeux Le Duchesse.

Two publishers sere interested my Yeti game. I chose the one who was ready to keep my yeti setting over the one who wanted to replace the snowmen with dragons. I love dragons, but I’ve already had too many published games featuring dragons and gold coins, I had none so far with yetis and woolen caps. The publisher’s format allowing for a few tokens and up to 25 cards, I developed the gameplay a bit. My initial prototype was only a two-player game, the final version is just as good with three, and almost as good with four. Since there are already a few games named Yeti, mine has been renamed Migo, which means Yeti in Tibetan and was the name of a young snowman in the Yeti & Co cartoon.

Players are yetis who decorate their caves with climbers equipment – ropes, crampons, pick axes, carabiniers and, most of all, cute colored woolen caps. They also hang flags at their front doors, which climbers intended to plant at the mountains summits. Vodka bottles are also a much appreciated treat, helping to deal with the cold climate of the Himalayas.

Migos are well integrated in the Tibetan economy, and have friendly relations with local communities. They even sometimes trade stolen equipment with the sherpas, the very same sherpas who had informed them on the coming expeditions in the first place.

First game with the printed game at the Etourvy Ludopathic Gathering.

The rules for Migo are very simple, but leave place for some tactical moves. Migo is a card drafting game. Each yeti on turn attacks (and probably devours, but you should not reveal it when playing with kids) one of the climbers in front of the arriving expeditions, stealing their equipment. This makes the climber just behind it available for the next players, and so on.
As often happens, the initial constraint, in this case the small number of cards, ended up generating mechanical ideas. With a only about twenty cards available, I decided to use both sides. This makes for a great variety in the initial setups, some equipments being often much rarer than other ones. It also inspired the sherpa mechanism, flipping a card to the other side usually to steal a majority, which is probably my favorite feature in this game.

I recently had a game, Whale to Look, designed with Jun Sasaki, published in the cute small box series of the Japanese publisher Oink games. The Ghost Dog small box games are clearly inspired by the Oink line, and I hope they will achieve the same level of success – especially since I have another game coming next fall in the same series. We have not decided yet if it will be called Fruit of the Doom, Fruit Salad or Fruit Cocktail.

Playtesting Fruit Cocktail – Fruit Salad – Fruit of the Doom

Migo
A game by Bruno Faidutti
Illustré par Maxime Morin
2 to 4 players – 20 minutes
Published by Ghost Dog Games
Boardgamegeek

Animots
Animal Words

Anja Wrede est une sympathique autrice allemande avec laquelle, il y a une douzaine d’années, j’avais pas mal travaillé, sur des jeux le plus souvent peu ambitieux mais assez originaux.

Trois de nos collaborations, Fearz, Junggle! et Le Petit Poucet, ont déjà été publiées, mais Grabbit s’est fait attendre plus longtemps. Le jeu reprend un mécanisme que nous avions déjà utilisé dans le Petit Poucet, celui du sac dans lequel, à tâtons, les joueurs doivent reconnaitre des formes. Le sac est ici plus grand, puisque tous les joueurs le fouillent en même temps à la recherche des lettres permettant d’écrire leur nom – enfin, celui de l’animal figurant sur la carte qu’ils ont piochée. Le sac, bleu, représente le lac de Komantutapel, dont les eaux font perdre la mémoire. Les joueurs ne trouvent jamais toutes les lettres, il n’y en a pas suffisamment. Animots est donc un jeu coopératif, dans lequel il faut savoir s’arrêter au bon moment pour que, ensemble, les joueurs puissent parvenir, à partir de quelques lettres, à retrouver le nom de chacun.

Anja Wrede, right, playing the prototype in Etourvy.

Anja étant plutôt spécialisée dans les jeux pour enfants, domaine qui m’est assez étranger, nous avons voulu travailler ensemble sur des idées qui pourraient plaire aussi bien aux petits qu’aux grands. La reconnaissance tactile, comme la mémoire, est l’une de ces compétences que les plus jeunes maîtrisent aussi bien que les plus grands. Tous peuvent alors jouer ensemble avec intérêt sans que les grands n’aient à tricher pour laisser gagner les petits. Oui, je sais, les adultes sont meilleurs ensuite pour trouver les mots.

Notre premier prototype, Grabbit n’était pas un jeu coopératif. Les joueurs étaient des animaux, le sac contenait leur nourriture, et le but était d’être le premier à être parvenu à rassasier un certain nombre de bestioles. C’était très amusant, mais le prototype, qui avait beaucoup de succès auprès de mes testeurs adultes, était difficile à placer chez les éditeurs. C’était en effet un jeu pour adultes qui ressemblait à un jeu pour enfants. Ce sont les années de développement avec l’équipe de Space Cow qui ont apporté d’abord l’idée du passage aux lettres et aux nom d’animaux, puis la phase de devinette coopérative. Grabbit est alors devenu Animots, un jeu pour petits et grands.

Une carte du prototype
et une du jeu publié

Animots
Un jeu de Anja Wrede et Bruno Faidutti
Illustré par Emerson Santiago
2 à 6 joueurs – 20 minutes
Publié par Space Cow

Boardgamegeek



Anja Wrede is a nice German game designer with whom, a dozen years ago, I worked on a reins of lighter, unambitious but original games.

Three of our codesigns, Fearz, Junggle! and Lost in the Woods have already been published, but Grabbit took more time bot to find a publisher and to be fully developed. It is based on a mechanism we already used in Lost in the Woods, a bag in which players must feel around for pieces of different shapes. The bag in Animots is bigger, much bigger, since all players must be able to put their hands in it simultaneously, searching for the letters needed to write the name of the animal on the card they drew. The blue bag figures the lake of Whatsyourname, whose water make who drinks it to lose their memory. Since there is a limited number of every letter, players usually cannot find all the letters they need. Animots is a cooperative game in which one must sometimes decide to stop so that players can, all together, try reconstruct everyone’s name.

Anja (green sleeves on the right) playing the prototype in Etourvy.

Anja designs mostly children games, something I very rarely deal with, so we tried to design games which can be easily be played by adults and children together, while being interesting for everyone. Touch recognition, like memory, is one of these skills at which young kids are as good as adults. All can play together, without adults having to cheat to let children win. Well, yes, adults are then better at finding words.

The final game played in Etourvy.

Our first prototype, Grabbit, was not a cooperative game. Players already had animal cards, but in the bag was their food, and the goal was to be the first to feed a given number of animals. It was fun, but while the prototype was a hit with my adult playtesters, publishers were skeptical, claiming it was an adult game masquerading at a children one. It was during the years of development with the Space Cow team that the idea of replacing food with letters emerged, and then logically the cooperative guessing phase. That”s how Grabbit became Animiots, a game for everyone, old and young.

A card from the prototype
and a card from the final game

Animal Words
A game by Anja Wrede & Bruno Faidutti
Art by Emerson Santiago
2 -6 players – 20 minutes
Published by Space Cow

Boardgamegeek

Elephant Rally

Elephant Rally est une nouvelle version de Formula E, un jeu de course d’éléphants que j’avais conçu avec Sergio Halaban et André Zatz, les deux auteurs brésiliens de Sheriff of Nottingham et quelques autres jeux. C’est un jeu de parcours assez méchant, où il faut bien gérer sa main de cartes, un peu dans l’esprit d’Ave Cesar ou du Lièvre et la Tortue – un éléphant, c’est large et têtu et cela a vite fait de bloquer la route.

Voici ce que j’écrivais à propos du jeu lors de la sortie de la première version, en 2014 (l’article complet est ici) :


Paru il y a maintenant 10 ans, en 2014, sans doute au mauvais moment et peut-être chez le mauvais éditeur, Formula E n’a été qu’un succès d’estime. L’édition était belle, a reçu de bonnes critiques, mais ne s’est guère vendue au delà du tirage initial via Kickstarter.

Dix ans plus tard, le jeu revient sous le nom d’Elephant Rally chez l’un des principaux éditeurs brésilien, Conclave Editora. La version a été astucieusement mise au goût du jour par l’équipe brésilienne, les quatre plateaux du jeu d’origine étant remplacés par un système de circuit modulable, permettant plus de variété avec moins de matériel. Elephant Rally n’est pour l’instant disponible qu’au Brésil, mais si quelqu’un veut le publier dans une autre langue, il n’y a que les règles à traduire et cela peut certainement s’arranger.

Elephant Rally
Un jeu de Sergio Halaban, André Zatz et Bruno Faidutti
Illustré par Marcelo Bastos
2 à 6 joueurs – 60 minutes
Publié par Conclave Editora (2024)
Boardgamegeek


Elephant Rally is a new version of Formula E, an elephant racing game I designed with Brazilian designers Sergio Halaban and Andre Zatz, now mostly known for Sheriff of Nottingham. It’s a card driven racing game with lots of opportunities to meddle with rivals plans, in the style of good old Hare and Tortoise or Ave Caesar. Elephants are large and stubborn, which means they can easily block the road.

Here’s what I wrote when the first edition was published, in 2014. You can read the full article here. 


Formula E was published 10 years ago, in 2014, probably at the wrong time by the wrong publisher. It was a critical success but didn’t really sell after the initial Kickstarter print run.

Ten years later, the game comes back as Elephant Rally, published by one of the main Brazilian boardgames publishers, Conclave Editora. The game has been cleverly updated by the Brazilian team, the four tracks being replaced with a modular track, allowing for more variety with fewer components. Elephant Rally is only available so far in Brazil, but if someone is interested in localizing it elsewhere, it should not be a problem. There’s no text on the cards, the only part needing a translation is the rules.

Elephant Rally
A game by Sergio Halaban, André Zatz & Bruno Faidutti
Art by Marcelo Bastos
2 to 6 players – 60 minutes
Published by Conclave Editora (2024)
Boardgamegeek

I didn’t get my designer copies yet, so this pictures witha cute silver elephant are taken from a brazilian boardgame group, nerdkreativa.

Une interview de Jun Sasaski
Une interview de Jun Sasaki

L’un de mes derniers jeux publié, Whale to Look, est sorti en 2023 chez Oink Games. Il est cosigné avec Jun Sasaki, qui est aussi le patron de ce petit éditeur japonais dont les petites boites colorées sont aisées à repérer dans les boutiques.
J’ai toujours beaucoup aimé la gamme d’Oink Games, avec ses petits jeux souvent très originaux, aux règles et au graphisme minimaliste, et cela faisait des années que j’essayais de caser un jeu chez eux. J’en avais même imaginé un spécialement conçu pour leur format de boite, Maracas, qui a finalement terminé chez Blue Orange. Je suis donc particulièrement heureux de Whale to Look, qui semble en outre très bien se vendre.
J’en ai donc profité pour réaliser une petite interview de Jun Sasaki, que voici. J’avais déjà croisé Jun aux États-Unis, à la Gen Con, puis à deux reprises au Game Market d’Osaka. Je ne vais plus aussi souvent au Japon qu’il y a quelques années, et cette interview a donc été réalisée par mail.

À la Gen Con 2019
Les jeux Oink dans une petite boutique de jeu japonaise.
Le prototype de Constellations
Whale to Look
Le stand Oink at UKGE 2024


One of my last games, Whale to Look, has been published in 2023 by Oink Games. It is cosigned with Jun Sasaki, the boss of this small Japanese publisher whose small brightly colored boxes are easy to spot in game shops.
I’ve always liked the Oink Games line. The games are often really original, with simple rules and cute minimal art, and I’ve been trying to land a game there for years. I even designed one specifically for their box format,
Maracas, which was finally published by Blue Orange. Having a game published there is therefore an achievement, even more since the game seems to sell well.
I therefore seized the oportunity to ask Jun Sasaki a few questions. I have met him once at Gen Con, years ago, then twice at the Osaka Game Market. Unfortunately, I don’t travel to Japan as often as I used to, so this interview was made by email.

At 2019 Gen Con
Oink games on display in a small Japanese gameshop.
Constellations prototype
Whale to Look
Oink booth at UKGE 2024



Dragon’s Gold

Si mes premiers jeux furent publiés à la fin des années quatre-vingt, ce sont surtout trois petits jeux de cartes sortis au tout début des années deux-mille, Citadelles, Castel (avec Serge Laget) et L’Or des Dragons, qui m’ont fait connaître. Citadelles est toujours là, et son succès ne se dément pas. Après bien des vicissitudes, puisque deux contrats ont été signés avec des éditeurs qui ont par la suite abandonné le projet, j’ai récupéré les droits de Castel et ne désespère pas de lui retrouver un éditeur. L’Or des Dragons a connu plusieurs éditions, chez différents éditeurs, mais n’était plus disponible depuis quelques années. Il revient en 2024 chez un jeune éditeur espagnol, Samaruc, dans une édition au graphisme baroque de Jose David Lansa Cebrian at au matériel luxueux. Les gemmes marquées de symboles rendent enfin ce jeu très coloré accessible aux daltoniens.

Dragon’s Gold, puisqu’il porte désormais ce nom anglais dans toutes les éditions, est un jeu de cartes et de négociations en temps limité, fondé sur une idée toute simple qui rappellera des souvenirs à bien des vieux rôlistes. S’ils sont suffisamment nombreux et armés, il est assez facile à une bande d’aventuriers sinon d’occire un dragon, du moins de l’assommer pour s’emparer de ses richesses. Les vrais difficultés commencent au moment de se partager le trésor encore chaud. 

Chaque joueur à son tour place donc une carte guerrier, voleur ou magicien sous une carte dragon et, pouf, dès que le groupe est assez nombreux, le monstre est mis hors de combat. On retourne alors un sablier, et les joueurs disposent d’une minute pour s’entendre sur le partage des pièces d’or et d’argent, des gemmes et des objets magiques. S’ils n’y parviennent pas à temps, la bête qui n’était qu’étourdie se réveille, et nos aventuriers trop cupides et imprudents repartent en courant. Parfois, le dragon est bien mort, mais le vent porte vite la rumeur dans les montagnes, et il ne faut guère plus d’une minute à ses héritiers pour pointer le bout de leur museau.

L’Or des dragons est un jeu dynamique et tendu, qui alterne placements de cartes murement réfléchis, coups bas et négociations frénétiques. Le système de score fait que chacun a des intérêts un peu différents dans le partage des trésors, les objets magiques apportent une bonne dose d’inattendu, et les promesses n’engagent que ceux qui y croient.

Dragon’s Gold
Un jeu de Bruno Faidutti
Illustré par Jose David Lansa Cebrian
3 à 6 joueurs – 40 minutes
Publié par Samaruc
Boardgamegeek



While my first boardgames were published in the early eighties, I only really became an established game designer in the early 2000s, with three small card games published almost simultaneously, Citadels, Castle (with Serge Laget) and Dragon’s Gold. Citadels is still around, and still my best seller. Things have been a bit messy with Castle, since two contracts were signed with publishers who later gave up the project – I now have the rights back again and am ready to discuss with any publisher interested. Dragon’s Gold has had several editions, with different publishers, but was out of print for a few years. It is back in 2024, thanks to a young Spanish publisher, Samaruc. This new edition has baroque art by Jose David Lansa Cebrian, and cute plastic gems with symbols – for the first time, this multicolored game will be playable by colorblinds.

Dragon’s Gold is a card placement and real-time negotiation game, whose premise will be familiar to old D&D players. If they are numerous enough, strong enough and well armed, a party of adventurers can always if not kill a dragon, at least knock it unconscious for a while to steal its hoard. The difficult part is not to overcome the beast, it is to divide the still warm treasure.

Each player on turn plays a warrior, thief or wizard card under a dragon, and as soon as the group is strong enough, the monster is neutralized. Then a 1 minute sand timer is flipped, and the players involved have 1 minute to divide the loot made of gold, silver, gems and magic items. If they can’t do it in time, the stunned beast wakes up and the greedy and careless adventurers run away at full speed. Well, sometimes the dragon is really dead, but rumor flies fast with the mountain wind, and its legitimate heirs need little more than one minute to show up.

Dragon’s Gold is a fast paced and fun card game. It alternates between carefully managed card placement, frenzied negotiations and unashamed backstabbing. The scoring system makes dividing the loot quite intricate, magic item cards add some unexpected events, and promises bind only those who believe them. 

Dragon’s Gold
A game by Bruno Faidutti
Art by Jose David Lansa Cebrian
3 – 6 players – 40 minutes
Published by Samaruc
Boardgamegeek

Halloween Party

Halloween Party est une nouvelle version d’un jeu de cartes déjà assez ancien, conçu avec Gwenaël Bouquin, et originellement publié il y a une quinzaine d’années sous le nom de Toc Toc Toc ! Les quelques modifications apportées aux règles à l’occasion de cette nouvelle édition visent à rendre le jeu plus varié, plus tendu et plus équilibré.

Le principe est tout simple. Chaque joueur a une main de cartes et, à son tour, pose une carte personnage face cachée devant un autre joueur en disant « toc toc toc ! ». Le joueur devant lequel est posé la carte doit alors choisir entre ouvrir la porte, et laisser le personnage entrer, rejoignant ainsi sa petite fête de Halloween, ou refuser d’ouvrir, auquel cas le personnage s’en va chez le joueur qui avait d’abord joué la carte. Bien sûr, si la plupart des convives sont bienvenus, et certains, comme les musiciens, particulièrement appréciés, d’autres doivent être évités avec soin, comme les ivrognes ou le terrible chevaliers ans tête. La pioche étant face visible, chacun finit par savoir plus ou moins quelles cartes les autres joueurs ont en main, et l’on peut essayer de deviner ce qu’ils nous proposent. C’est donc un jeu de bluff tout simple, accessible aux plus jeunes mais assez fourbe pour séduire les joueurs avertis

 Lorsque la sympathique équipe américaine de Trick or Treat m’a contacté, à la recherche de jeux de société dont le thème pourrait leur convenir, c’est bien sûr ce jeu qui m’est d’abord naturellement venu à l’esprit. Je ne suis pas le seul à avoir fait le même raisonnement puisque Emerson Matsuuchi leur a proposé son Tricks and Treats, dans lequel les joueurs sont des enfants rivaux allant de maison en maison, essayant de récupérer les meilleurs bonbons. Je n’ ai pas encore joué à Trick and Treats, mais je suis à peu près certains que c’est aussi le genre de petit jeu de bluff que mes amis et moi apprécierons.

Halloween Party
Un jeu de Gwenaël Bouquin and Bruno Faidutti
Illustré par Drew Rausch
3 à 5 joueurs – 20 minutes
Publié par Trick or Treat Studios
Boardgamegeek

Halloween Party is a new and version of an older game, Knock Knock!, designed with Gwenaël Bouquin and originally published more or less fifteen years ago. There has been a few changes in the rules, mostly for more tension, more variability and a better balance.

The idea is extremely simple. Each player has a small hand of cards and, on their turn, plays a face-down character card in front of another player, saying “knock, knock!”. The player in front of whom the card was played can either open the door, and let the character enter their Halloween party, or keep the door closed, in which case the character moves to the party of the player who initially played the card. Of course, while most guests are welcome, and a few ones like the musicians sought-after, other ones, like drunkards or the harrowing headless horseman, should better be avoided. The drawing deck being face-up, every player ends up having some idea of the cards in other players’ hands, and can therefore try to make an informed guess of who is knocking at the door. This makes for a simple bluffing game, which can be played with kids but still has enough subtlety for old poker players.

When the team at Trick or Treat Studios, wanting to start a fittingly themed boardgame line, contacted me, this one immediately jumped to my mind. I was not the only one thinking this way, since Emerson Matsuuchi proposed his Tricks and Treats, in which players are rival kids going from house to house, trying to get the best candies. I’ve not played Trick and Treats yet, but it also looks like the kind of light bluffing game me and my friends are likely to enjoy playing.

Halloween Party
A game by Gwenaël Bouquin and Bruno Faidutti
Art by Drew Rausch
3 to 5 players – 20 minutes
Published by Trick or Treat Studios
Boardgamegeek

Whale to Look – クジラオルカ

J’aime beaucoup les petits jeux de l’éditeur japonais Oink Games, mes préférés étant sans doute leurs trois grands succès, A Fake Artist Goes to New York, Deep Sea Adventure et Insider, mais aussi d’autres dont on parle moins, Durian, Mr Face, In a Grove ou Kobayakawa. J’aime aussi leur format, des petites boites bien remplies à l’esthétique minimaliste. Lors de mes voyages au Japon, à l’époque où j’étais un peu tout le temps au Japon, j’ai en outre eu l’occasion de croiser Jun Sasaki, créateur de la boite et auteur de la plupart des jeux, et l’ai trouvé fort sympathique.

Le format, les jeux, l’éditeur, cela faisait trois bonnes raisons pour essayer de temps à autre de caser un jeu chez l’éditeur tokyoïte. J’en ai même conçu un spécialement pour leurs petites boites, Maracas, qui a fini chez Blue Orange. Ne désespérant jamais, j’ai, fin 2022, encore envoyé les règles d’un petit jeu mêlant mémoire, estimation et prise de risque, qui n’avait pas encore de thème. Jun et son équipe l’on essayé, l’ont trouvé un peu trop exigeant et méchant pour leur public familial, mais Jun m’a demandé s’il pouvait essayer de le retravailler. À partir de la mécanique principale, les cartes cachées regardées à tour de rôle par les différents joueurs et les paris sur la valeur d’un groupe de cartes, il a imaginé très rapidement quelque chose de plus léger, et trouvé un thème amusant, l’observation des baleines et des orques. Le développement du jeu, que je n’ai regardé que d’assez loin, s’est donc fait très rapidement, au Japon.

J’aime beaucoup le titre anglais, Whale to Look, que certains Américains auraient sans doute trouvé raciste s’il n’avait été imaginé par un japonais. Le matériel, comme toujours chez Oink et comme vous pouvez le voir sur les photos, est extrêmement mignon.

Dans Whale to Look, les joueurs emmènent des touristes observer les baleines et les orques, mais il faut viser juste pour apercevoir les animaux. La baleine est toujours dans le coin où il y a le plus de poissons, la grande orque dans celui où il y en a le moins, et chacun à son tour, avant d’envoyer un bateau, peut regarder l’une des cartes qui constituent la mer et voir le nombre de poissons qui y figurent.

Whale to Look est un jeu de déduction, mais pas un pur jeu de logique. Si chacun dispose d’informations objectives, les cartes qu’il a vues, on ne peut gagner qu’en interprétant aussi correctement les actions des autres joueurs, et il peut parfois avoir un peu de bluff. Les jeux de ce type sont assez peu nombreux. les deux qui me viennent à l’esprit, deux jeux que j’apprécuie beaucoup, sont Cursed Court, de Andrew Hanson, et Divinare, de Brett J. Gilbert. Si vous aimez vraiment l’un de ces deux jeux, vous pouvez acheter Whale to Look les yeux fermés.

Whale to Look, en japonais la baleine blanche et la grande orque, est publié pour l’instant dans une édition bilingue français-japonais. J’ignore quand et comment le jeu sera distribué en Europe ou en Amérique, mais vous pouvez commander le jeu sur le site de l’éditeur. Vous pouvez même y acheter une peluche réversible, baleine blanche d’un côté, orque de l’autre…

Whale to Look – クジラオルカ
Un jeu de Jun Sasaki et Bruno Faidutti
2 à 5 joueurs – 30 minutes
Publié par Oink Games

Boardgamegeek


I really like the line of small games by Japanese publisher Oink games. My favorite ones are their three big hits, A Fake Artist Goes to New York, Deep Sea Adventure and Insider, but also lesser known ones, Durian, Mr Face, In a Grove or Kobayakawa. I also like the format, small boxes filled to the brim and a deliberately minimalistic aesthetic. While traveling in Japan, which I used to do a lot, I had the chance to meet Jun Sasaki, the founder of the company and designer of most of its games, and it is a really nice guy

The format, the games, the publisher, I had three good reasons to regularly try to have one my own small designs published by Oink. I even designed one specifically for their small rectangular boxes, Maracas, which in the end was published by Blue Orange. In late 2022, I sent them the rules and files for a small game, a mix of memory, estimation and risk taking. It was still an abstract game, I had not found a suitable theme. Jun and his team played it, found it too unforgiving, too much of a brain burner, for their line of light party and family games, but Jun asked me if he could try to rework it. Starting anew from the core system, hidden cards which players look at on turn before betting on the value of a group of cards, he designed something much lighter, and found a cute and suitable setting, ships carrying tourists to look at white whales and orcas. The development was very fast and made entirely in house in Tokyo, while I only vaguely looked at it from afar.

I especially like the English title of the game, Whale to look, a pun which Americans would probably have thought racist if it had not been devised by a Japanese! The components, as always with Oink, are incredibly cute, as you can see on the pictures.

The players in Whale to Look own ships and carry tourists whale watching. Most looked after are the big white whale and the big orca. The white whale is always in the place with the most fishes around, the orca in the place with the fewest ones. Every round, before sending their ship somewhere, players can secretly look at one of the sea cards and see the fishes on it.  

Whale to Look is a deduction game, but not a purely logical one. Every one has some infos, the cards they have seen, but one cannot win without also reading into the opponents moves, which means there is sometimes a bit of bluffing. There are few games like this, and the only two ones which I can think of now are Andrew Hanson’s Cursed Court and Brett J. Gilbert’s Divinare. If you like one of these games, you are sure to enjoy playing Whale to Look.

Whale to Look, in Japanese The white whale and the orca, is published so far in a blingual Japanese-English version. I have no idea if and when it will be available in the West, but you can order it from the publisher’s website. They even sell a reversible plushy, whale one one side, orca on the other.

Whale to Look – クジラオルカ
A game by Jun Sasaki and Bruno Faidutti
2 to 5 players – 30 minutes
Published par Oink Games
(2023)
Boardgamegeek

Trick or Treat

Il y a tout juste vingt ans, en 2002, après avoir sympathisé avec Éric Hautemont, je signais coup sur coup pour quatre jeux, Mystère à l’Abbaye (avec Serge Laget), Aux Pierres du Dragon (avec Michael Schacht), Le Collier de la Reine (avec Bruno Cathala) et Terra chez un éditeur qui n’existait pas encore, Days of Wonder. C’était un pari, au feeling, que je n’ai jamais regretté, même si les jeux ne sont aujourd’hui plus édités, ou plus par Days of Wonder. Vingt ans plus tard, j’ai fait le même pari, au feeling, en signant pour quatre jeux avec un nouvel éditeur américain, Trick or Treat Games. Le premier, Trollfest (avec Camille Mathieu) vient de sortir, et je ne peux pas encore en dire plus sur les autres, deux remakes de petits jeux de cartes déjà anciens et un gros jeu plus ambitieux et original.

Trick or Treat Studios est une compagnie déjà ancienne, créée il y a une douzaine d’années en Californie par Chris Zephro. C’est devenu l’un des leaders américains du marché des déguisements horrifiques, des gadgets inquiétants, des masques et costumes de Halloween et des trucs à collectionner – et aux Etats-Unis, ce n’est pas un petit marché. Les professionnels du jeu qui se sont aventurés dans le hall des monstres et des costumes ont donc peut-être croisé l’équipe de Trick or Treat à Nuremberg.

Un peu surpris de voir une boite déjà bien installée, sur un créneau qui a l’air de bien tourner, s’intéresser au marché déjà un peu encombré du jeu de société, j’ai donc interviewé Chris Zephro, via Skype, pour en savoir plus sur ses projets et ses motivations. Et comme je déteste les videos et podcasts qui durent des heures et que l’on ne peut pas vraiment lire en diagonale en cherchant ce qui nous intéresse, je vous en fais un résumé par écrit.

Chris, qui était au lycée avec l’un des fils de Gary Gygax, est tombé très jeune dans le jeu de rôles, puis dans le jeu de société, et a chez lui une collection de près de 2000 jeux. Les thèmes fantastiques et horrifiques de ses productions se prêtent bien à des adaptations ludiques qui pourraient aisément être vendues sur les mêmes sites webs et dans les mêmes boutiques. Cela fait donc bien longtemps que l’idée d’une gamme de jeux de société titillait Chris et son équipe, David, Jody, Justin et quelques autres. Comme beaucoup de gens dans beaucoup de domaines, ils ont « profité » des années de crise sanitaire pour se lancer. Ils ont contacté des auteurs connus – Eric Lang, Richard Garfield, Tom Lehmann, Emerson Matsuuchi, et bien sûr Bruno Faidutti, sans quoi je ne serais pas en train d’écrire cet article – mais ont aussi fait le tour des quelques bonnes idées qui traînaient dans leur entourage. Ils ont en outre repris les droits d’un certain nombre d’excellents jeux d’un éditeur sympathique malheureusement récemment obligé de mettre la clef sous la porte – je ne pense pas avoir encore le droit de dire qui et quels jeux. Pariant sur des auteurs de jeux connus, des thèmes fantastiques et horrifiques, des illustrateurs expérimentés venus du monde des comics et de l’horreur et peu connus des joueurs, et un réseau de distribution original qui ne les empêche bien sûr pas de vendre aussi par des réseaux plus classiques, Chris pense que Trick or Treat peut se faire une place dans le monde en forte croissance mais néanmoins assez encombré du jeu de société.

Les trois premiers jeux de Trick or Treat Games, trois grosses boites carrées au look aussi effrayant que rafraichissant, arrivent ces jours-ci en boutique. Dans World Z League, de David Gregg, illustré par Dug Nation, les joueurs tentent de résister à des hordes de zombies affamés avec pour seul moyen de défense le tir à l’élastique. Dans Blood Orders, conçu par l’un des employés de Trick or Treat, Nick Badagliacca, les joueurs sont des vampires tentant de prendre le contrôle de la cité et de ses habitants. Dans Trollfest, que j’ai conçu avec Camille Mathieu et dont je parle plus longuement ici, chaque joueur est l’impresario d’un groupe de rock dans un univers médiéval fantastique. Blood Orders et Trollfest sont tous deux illustrés par un vieux complice de l’équipe de Trick or Treat Games, David Hartman, surtout connu dans le monde de l’animation mais qui s’est bien amusé à dessiner quelques cartes. Une dizaine d’autres jeux sont prévus dans l’année qui vient, la plupart mais pas tous dans les univers fétiches de Trick or Treat.

Pour l’instant, tous ces jeux ne sortent qu’en anglais, et aux Etats-Unis, mais j’espère bien que des éditeurs et distributeurs petits et grands seront intéressés par des versions en français, en allemand et dans d’autres langues. Chris m’a dit dans son interview qu’il était prêt à discuter aussi bien de distribution que de licences. Si cela vous intéresse, contactez-moi (faidutti@gmail.com) et je vous mettrai en contact.

Ce qui m’a donné envie d’écrire cet article est surtout le plaisir que j’ai eu à travailler avec Chris, David, Jody et les autres. Je connais des éditeurs qui, une fois un jeu signé, travaillent dessus dans leur coin, changeant parfois un peu tout et se contentant de tenir vaguement l’auteur au courant tous les deux ou trois mois. C’est une méthode qui peut me convenir pour des jeux déjà publiés, déjà anciens, sur lesquels je n’ai pas de réelle excitation à retravailler et dont je suis curieux de voir ce que d’autres peuvent tirer. Pour des jeux nouveaux, sur lesquels j’ai toujours de nouvelles idées et peux rebondir sur les suggestions de l’éditeur, de l’illustrateur ou du graphiste, c’est frustrant, et donne souvent des résultats médiocres. Je voudrais donc donner en exemple à tous les éditeurs la méthode qui a été utilisée pour Trollfest : un forum en ligne et une gestion de projet, sous basecamp mais plein d’autres systèmes doivent permettre de faire la même chose, permettant à tous, éditeur, graphiste, illustrateur et auteurs, de rester en contact permanent, de savoir ce que chacun fait, de lancer des idées en l’air. C’est efficace, c’est rapide, cela respecte le travail de tous, et cela évite à l’éditeur de faire sans cesse l’intermédiaire en envoyant des emails en tous sens. C’est ainsi, je pense, que tous les éditeurs devraient travailler pour le développement de leurs jeux, et c’est ce qui m’a donné envie de continuer à travailler avec Trick or Treat – et aussi, quand même, le fait qu’ils ont l’air sympathiques.


Twenty years ago, in 2002, after I had sympathized with the founder Eric Hautemont, I signed four publishing contracts with a publisher which didn’t exist yet, Days of Wonder. The four games were Mystery of the Abbey (with Serge Laget), Fist of Dragonstones (with Michael Schacht), Queen’s necklace (with Bruno Cathala) and Terra. It was a gamble, and I never regretted it, even when these games are now out of print, or no more at Days of Wonder. Twenty years later, I just made the same kind of gamble and signed for four games with a new US publisher, Trick or Treat Studios games. The first one, Trollfest, designed with Camille Mathieu, is already out, and I can’t tell much about the other ones, two reprints of older light card games and a more ambitious and original big box game.

Trick or Treat Studios is new to the boardgame market, but it’s not a new company. It was founded thirteen years ago, in California, by Chris Zephro. Trick or Treat Studios, as you can guess from its name, specializes in Halloween stuff, masks, costumes, collectables which in the US is much more of a big business than anywhere else in the world. Boardgame professionals might have met the Trick or Treat team in Nuremberg when venturing into the masks and costumes hall.

I was a bit surprised to see a well established company, in what looks like a profitable market, venturing into the crowed boardgame business. So I interviewed Chris Zephro, via Skype, on his projects and motives. And since I hate long audio or video interviews and podcasts which I cannot read diagonally looking for what is of interest for me, I don’t post it but used it to write this short blogpost.

Chris was with Gary Gygax’s son in Jr High School, and has been playing role playing games, and later boardgames, for very long. He owns a collection of about 2000 boardgames. The fantasy and horror themes of Trick or Treat products fit very well with modern boardgames, which can easily be sold via the same networks of shops and websites. Chris and his team, David, Justin, Jody and a few others, were considering venturing into boardgames for some time. Like many people, they “took advantage” of the covid crisis to contact people and start developing new ideas. They contacted several well know designers, such as Eric Lang, Richard Garfield, Tom Lehmann, Emerson Matssuchi and even Bruno Faidutti (if not, I would not be writing this blogpost now) but also developed some fun ideas by their friends and coworkers. They also managed to acquire the rights on a few games by a really nice company who recently had to go out of business – I probably should not name it yet. Betting on well know game designers, great horror artists little known so far in the gaming world, and a new commercial network which doesn’t prevent them to also use the more traditional ones, Chris thinks there is a place for Trick or Treat games in the fast growing but also overcrowded boardgame publishing world.

The three first Trick or Treat games, three large square boxes which look both horrifying and refreshing, are landing in the US shops these days. In David Gregg’s World Z League, with art by Dug Nation, players have only rubber bands to shoot at the incoming crowd of hungry zombies. In Blood Orders, and in house design by Nick Badagliacca, they are vampires vying to take control of the city and its inhabitants. Both Blood Orders and Trollfest have art by David Hartman, better known as an animation artist, but who had real fun drawing a few game cards. A dozen or so new games are scheduled in the coming year, most but not all of them in Trick or Treats’ usual fantasy and horror settings.

These games are scheduled only in English so far, mostly for the US market, but I really hope other publishers or distributors will be interested in doing or selling French, German or other languages versions. Chris told me he is ready to discuss both distribution and license deals. If interested, email me (faidutti@gmail.com) and I’ll put you in contact with him.

The main reason which made write this blogpost is the real fun I have working on Trollfest with Chris, David, Jody and all the others. I know publishers who, once a publishing contract is signed, work on the game in house, sometimes changing tons of elements, and only vaguely emailing the designer once every two or three months that “development is going smoothly”. I have no real issue with this for new versions of older games; I’m not always excited in coming back to an older design, and I can be curious of what other people can make out of it. I can’t work this way for new designs, because I want the published game to be mine, even when I can always bounce back and build on the publisher or the illustrator’s remarks. It’s frustrating and the results are often mediocre.
This is why I want to stress as an example the method used on the development of Trollfest. There was an online forum on a project management system, namely Basecamp but it can probably work as well with other ones. All the people involved, publisher, designers, artist, graphic designer had access to it, could see everything and throw wild ideas in the air. It was efficient, dynamic, respectful of everyone’s work, and probably meant less work for the publisher than sending and forwarding emails in all directions. That’s how all publishers should work on game development, and that’s one of the main reasons I’m willing to work again with them – the other reason being that they seem to be nice guys.

Some of the Trick or treat team playing Trollfest with family.