Migo

Le marché du jeu de société est un peu compliqué en ce moment. La demande continue certes à augmenter, mais l’offre a progressé plus vite encore. Les boutiques spécialisées sont de plus en plus, en particulier pour les grosses boîtes de jeu destiné à un public averti, concurrencées par les Kickstarter et autres Gamefound. Quelques grands groupes ont certes repris des maisons d’édition de taille moyenne pour en faire des « studios de création », mais des amateurs ont simultanément monté de nombreuses petites boites dont on ne sait parfois plus très bien à quel écosystème elles appartiennent. Face à une pléthore de nouveautés, les joueurs et même les boutiques qui ne peuvent tout caser sur leurs rayons doivent faire des choix.
Devenus prudents, de plus en plus d’éditeurs hésitent à produire des jeux ambitieux qui risquent de ne pas trouver leur place sur un marché encombré. Lassés des lourds kickstarters aux figurines encombrantes et aux règles boursouflées, des joueurs reviennent vers des jeux moins prétentieux mais souvent plus efficaces, et dont le prix tout comme l’empreinte écologique sont plus modestes

Ce sont quelques raisons, il y en a d’autres, au grand retour des « microgames », des jeux aux règles simples, au matériel modeste, vendus dans de toutes petites boites. Le format « 18 cartes », facile à produire puisque l’on peut caser trois jeux sur une planche standard de 54 cartes, et que l’on peut vendre à bas prix présenté dans une pochette de cartes bancaires, semble particulièrement apprécié. Au début de l’année 2023, je me suis donc lancé le défi de réaliser quelques jeux dans ce format. Il en a résulté quatre projets, dont trois ont trouvé un éditeur. 6 Suspects, un jeu de déduction, sortira fin 2024 chez Matagot. J’ai signé chez Ghost Dog, jeune éditeur français, pour deux petits jeux de cartes ; Migo est le premier à paraître, le second, pour le titre duquel nous hésitions entre Fruit of the Doom, Fruit Salad et Fruit Cocktail est prévu pour la fin de l’année.

Soirée de test dans mon quartier, au bar à jeux Le Duchesse.

Deux éditeurs étaient intéressés par mon jeu de Yetis. J’ai préféré celui qui acceptait de conserver le thème d’origine, les abominables hommes des neiges attaquant des cordées d’alpinistes, à celui qui voulait les remplacer par des dragons. J’aime bien les dragons, mais j’ai déjà fait trop de jeux avec des reptiles et des pièces d’or, je n’en avais aucun avec des yetis et des bonnets de laine. Le format choisi autorisant une trentaine de cartes et quelques jetons, j’ai pu développer un peu le projet. Le prototype initial ne se jouait en effet qu’à deux joueurs, le jeu finalement publié fonctionne désormais aussi bien à trois, et presque aussi bien à quatre. Comme il y avait déjà pas mal de jeux s’appelant Yeti, le mien a été rebaptisé Migo, qui signifie Yeti en tibétain et est également le nom d’un personnage de jeune yeti dans le dessin animé Yeti et compagnie.

Les joueurs incarnent donc des abominables migos qui, pour embellir leurs grottes, collectionnent le matériel d’alpinisme – piolets, crampons, cordes et, surtout, bonnets de laine particulièrement décoratifs. Les yetis les plus respectés accrochent aussi à l’entrée de leurs grotte les drapeaux que les expéditions espéraient planter sur les sommets. Les bouteilles d’alcool, qui aident à supporter le froid hivernal, sont aussi une gâterie très appréciée.

Parfaitement insérés dans l’économie tibétaine, les migos entretiennent des relations amicales avec les communautés locales. Ils font même à l’occasion un peu de troc avec les sherpas, ceux-là même qui les avaient informés à l’avance du lieu et de l’heure d’arrivée des expéditions.

Première partie sur le jeu édité, aux rencontres ludopathiques d’Etourvy.

Comme il convient à ce genre de petit jeu de cartes, les règles sont très simples mais laissent pas mal de place à la tactique. Migo est un jeu de prise de cartes, ce que les américains appellent un jeu de draft, terme qui est généralement employé dans un sens plus restrictif par les joueurs francophones. Chaque yeti à son tour attaque (et sans doute dévore, mais il ne faut pas le dire si on joue avec des enfants) l’un des alpinistes en tête de cordée, et s’empare de son matériel. Cela rend les grimpeurs suivants, et leurs équipements, disponibles pour les joueurs suivants. Comme souvent, la contrainte initiale, ici le petit nombre de cartes, s’est avérée source d’inspiration pour les mécanismes du jeu. N’ayant qu’une vingtaine de cartes à ma disposition, j’ai en effet cherché à en utiliser à la fois le recto et le verso. Cela introduit beaucoup de variation dans les configurations initiales, certains équipements pouvant être plus rares que d’autres, et est à l’origine du mécanisme des sherpas, qui permettent de retourner une carte, souvent pour s’emparer d’une majorité.

J’ai eu récemment la chance d’avoir un jeu, le mignon Whale to Look, conçu avec Jun Sasaki, publié dans la très belle collection de petites boites au graphisme minimaliste de l’éditeur japonais Oink. Avec leur format très proche, les « feux follets » de Ghost Dog s’en inspirent clairement, et je leur souhaite le même succès – d’autant plus que j’ai un autre jeu à paraître cet automne dans la même série, dont on n’a pas encore décidé s’il s’appellerait Fruit of the Doom, Fruit Salad ou Fruit Cocktail.

Une partie de Fruit of the Doom – Fruit Sala – Fruit Cocktail avec Antoine, l’éditeur, à gauche.

Migo
Un jeu de Bruno Faidutti
Art by Maxime Morin
2 à 4 joueurs – 20 minutes
Publié par Ghost Dog Games
Boardgamegeek



Navigating the boardgame market has recently become a bit complex. Demand for new games is still growing, but supply, meaning the number of new games, is increasing even faster. Local game stores are facing a growing competition from Kickstarter and now Gamefound, especially for big, expensive (and therefore profitable) boxes. A few big publishers have taken over smaller one, often changing them into « creative studios », but even more newcomers have started new companies, about which we often know very little. Faced with a plethora of new games, gamers and even shops with limited shelf place must make choices.

Many publishers are becoming wary of producing ambitious games which might not find a place on an overcrowded market. Tired of heavy kickstarters with cumbersome miniatures and bloated rulesets, some players are back to less ambitious but often more efficient games, which also come at a much lower price and ecological footprint.

These are some of the reasons – there are a few other ones – for the comeback of « microgames », boardgames with simple rules and few components in a very small box. The trendy format is 18 cards which can be sold a very low price – one can fit three copies of the game on a standard poker game sheet, and it fits in a credit card wallet. In the first months of 2023, I decided to give it a trying challenged myself to design a few such games.
I ended up with four prototypes, three of which have now found a publisher.
6 Suspects, a light deduction and memory game, will be published by Matagot in late 2024. I signed with Ghost Dog, a new small French publisher, for two games, and Migo is the first one to hit the shelves.The second one is due later this year, and we still hesitate on its title, Fruit of the Doom, Fruit Salad or Fruit Cocktail.

Soirée de test dans mon quartier, au bar à jeux Le Duchesse.

Two publishers sere interested my Yeti game. I chose the one who was ready to keep my yeti setting over the one who wanted to replace the snowmen with dragons. I love dragons, but I’ve already had too many published games featuring dragons and gold coins, I had none so far with yetis and woolen caps. The publisher’s format allowing for a few tokens and up to 25 cards, I developed the gameplay a bit. My initial prototype was only a two-player game, the final version is just as good with three, and almost as good with four. Since there are already a few games named Yeti, mine has been renamed Migo, which means Yeti in Tibetan and was the name of a young snowman in the Yeti & Co cartoon.

Players are yetis who decorate their caves with climbers equipment – ropes, crampons, pick axes, carabiniers and, most of all, cute colored woolen caps. They also hang flags at their front doors, which climbers intended to plant at the mountains summits. Vodka bottles are also a much appreciated treat, helping to deal with the cold climate of the Himalayas.

Migos are well integrated in the Tibetan economy, and have friendly relations with local communities. They even sometimes trade stolen equipment with the sherpas, the very same sherpas who had informed them on the coming expeditions in the first place.

First game with the printed game at the Etourvy Ludopathic Gathering.

The rules for Migo are very simple, but leave place for some tactical moves. Migo is a card drafting game. Each yeti on turn attacks (and probably devours, but you should not reveal it when playing with kids) one of the climbers in front of the arriving expeditions, stealing their equipment. This makes the climber just behind it available for the next players, and so on.
As often happens, the initial constraint, in this case the small number of cards, ended up generating mechanical ideas. With a only about twenty cards available, I decided to use both sides. This makes for a great variety in the initial setups, some equipments being often much rarer than other ones. It also inspired the sherpa mechanism, flipping a card to the other side usually to steal a majority, which is probably my favorite feature in this game.

I recently had a game, Whale to Look, designed with Jun Sasaki, published in the cute small box series of the Japanese publisher Oink games. The Ghost Dog small box games are clearly inspired by the Oink line, and I hope they will achieve the same level of success – especially since I have another game coming next fall in the same series. We have not decided yet if it will be called Fruit of the Doom, Fruit Salad or Fruit Cocktail.

Playtesting Fruit Cocktail – Fruit Salad – Fruit of the Doom

Migo
A game by Bruno Faidutti
Illustré par Maxime Morin
2 to 4 players – 20 minutes
Published by Ghost Dog Games
Boardgamegeek

Animots

Anja Wrede est une sympathique autrice allemande avec laquelle, il y a une douzaine d’années, j’avais pas mal travaillé, sur des jeux le plus souvent peu ambitieux mais assez originaux.

Trois de nos collaborations, Fearz, Junggle! et Le Petit Poucet, ont déjà été publiées, mais Grabbit s’est fait attendre plus longtemps. Le jeu reprend un mécanisme que nous avions déjà utilisé dans le Petit Poucet, celui du sac dans lequel, à tâtons, les joueurs doivent reconnaitre des formes. Le sac est ici plus grand, puisque tous les joueurs le fouillent en même temps à la recherche des lettres permettant d’écrire leur nom – enfin, celui de l’animal figurant sur la carte qu’ils ont piochée. Le sac, bleu, représente le lac de Komantutapel, dont les eaux font perdre la mémoire. Les joueurs ne trouvent jamais toutes les lettres, il n’y en a pas suffisamment. Animots est donc un jeu coopératif, dans lequel il faut savoir s’arrêter au bon moment pour que, ensemble, les joueurs puissent parvenir, à partir de quelques lettres, à retrouver le nom de chacun.

Anja Wrede, right, playing the prototype in Etourvy.

Anja étant plutôt spécialisée dans les jeux pour enfants, domaine qui m’est assez étranger, nous avons voulu travailler ensemble sur des idées qui pourraient plaire aussi bien aux petits qu’aux grands. La reconnaissance tactile, comme la mémoire, est l’une de ces compétences que les plus jeunes maîtrisent aussi bien que les plus grands. Tous peuvent alors jouer ensemble avec intérêt sans que les grands n’aient à tricher pour laisser gagner les petits. Oui, je sais, les adultes sont meilleurs ensuite pour trouver les mots.

Notre premier prototype, Grabbit n’était pas un jeu coopératif. Les joueurs étaient des animaux, le sac contenait leur nourriture, et le but était d’être le premier à être parvenu à rassasier un certain nombre de bestioles. C’était très amusant, mais le prototype, qui avait beaucoup de succès auprès de mes testeurs adultes, était difficile à placer chez les éditeurs. C’était en effet un jeu pour adultes qui ressemblait à un jeu pour enfants. Ce sont les années de développement avec l’équipe de Space Cow qui ont apporté d’abord l’idée du passage aux lettres et aux nom d’animaux, puis la phase de devinette coopérative. Grabbit est alors devenu Animots, un jeu pour petits et grands.

Une carte du prototype
et une du jeu publié

Animots
Un jeu de Anja Wrede et Bruno Faidutti
Illustré par Emerson Santiago
2 à 6 joueurs – 20 minutes
Publié par Space Cow



Anja Wrede is a nice German game designer with whom, a dozen years ago, I worked on a reins of lighter, unambitious but original games.

Three of our codesigns, Fearz, Junggle! and Lost in the Woods have already been published, but Grabbit took more time bot to find a publisher and to be fully developed. It is based on a mechanism we already used in Lost in the Woods, a bag in which players must feel around for pieces of different shapes. The bag in Animots is bigger, much bigger, since all players must be able to put their hands in it simultaneously, searching for the letters needed to write the name of the animal on the card they drew. The blue bag figures the lake of Whatsyourname, whose water make who drinks it to lose their memory. Since there is a limited number of every letter, players usually cannot find all the letters they need. Animots is a cooperative game in which one must sometimes decide to stop so that players can, all together, try reconstruct everyone’s name.

Anja (green sleeves on the right) playing the prototype in Etourvy.

Anja designs mostly children games, something I very rarely deal with, so we tried to design games which can be easily be played by adults and children together, while being interesting for everyone. Touch recognition, like memory, is one of these skills at which young kids are as good as adults. All can play together, without adults having to cheat to let children win. Well, yes, adults are then better at finding words.

The final game played in Etourvy.

Our first prototype, Grabbit, was not a cooperative game. Players already had animal cards, but in the bag was their food, and the goal was to be the first to feed a given number of animals. It was fun, but while the prototype was a hit with my adult playtesters, publishers were skeptical, claiming it was an adult game masquerading at a children one. It was during the years of development with the Space Cow team that the idea of replacing food with letters emerged, and then logically the cooperative guessing phase. That”s how Grabbit became Animiots, a game for everyone, old and young.

A card from the prototype
and a card from the final game

Animal Words
A game by Anja Wrede & Bruno Faidutti
Art by Emerson Santiago
2 -6 players – 20 minutes
Published by Space Cow

Elephant Rally

Elephant Rally est une nouvelle version de Formula E, un jeu de course d’éléphants que j’avais conçu avec Sergio Halaban et André Zatz, les deux auteurs brésiliens de Sheriff of Nottingham et quelques autres jeux. C’est un jeu de parcours assez méchant, où il faut bien gérer sa main de cartes, un peu dans l’esprit d’Ave Cesar ou du Lièvre et la Tortue – un éléphant, c’est large et têtu et cela a vite fait de bloquer la route.

Voici ce que j’écrivais à propos du jeu lors de la sortie de la première version, en 2014 (l’article complet est ici) :


Paru il y a maintenant 10 ans, en 2014, sans doute au mauvais moment et peut-être chez le mauvais éditeur, Formula E n’a été qu’un succès d’estime. L’édition était belle, a reçu de bonnes critiques, mais ne s’est guère vendue au delà du tirage initial via Kickstarter.

Dix ans plus tard, le jeu revient sous le nom d’Elephant Rally chez l’un des principaux éditeurs brésilien, Conclave Editora. La version a été astucieusement mise au goût du jour par l’équipe brésilienne, les quatre plateaux du jeu d’origine étant remplacés par un système de circuit modulable, permettant plus de variété avec moins de matériel. Elephant Rally n’est pour l’instant disponible qu’au Brésil, mais si quelqu’un veut le publier dans une autre langue, il n’y a que les règles à traduire et cela peut certainement s’arranger.

Elephant Rally
Un jeu de Sergio Halaban, André Zatz et Bruno Faidutti
Illustré par Marcelo Bastos
2 à 6 joueurs – 60 minutes
Publié par Conclave Editora (2024)
Boardgamegeek


Elephant Rally is a new version of Formula E, an elephant racing game I designed with Brazilian designers Sergio Halaban and Andre Zatz, now mostly known for Sheriff of Nottingham. It’s a card driven racing game with lots of opportunities to meddle with rivals plans, in the style of good old Hare and Tortoise or Ave Caesar. Elephants are large and stubborn, which means they can easily block the road.

Here’s what I wrote when the first edition was published, in 2014. You can read the full article here. 


Formula E was published 10 years ago, in 2014, probably at the wrong time by the wrong publisher. It was a critical success but didn’t really sell after the initial Kickstarter print run.

Ten years later, the game comes back as Elephant Rally, published by one of the main Brazilian boardgames publishers, Conclave Editora. The game has been cleverly updated by the Brazilian team, the four tracks being replaced with a modular track, allowing for more variety with fewer components. Elephant Rally is only available so far in Brazil, but if someone is interested in localizing it elsewhere, it should not be a problem. There’s no text on the cards, the only part needing a translation is the rules.

Elephant Rally
A game by Sergio Halaban, André Zatz & Bruno Faidutti
Art by Marcelo Bastos
2 to 6 players – 60 minutes
Published by Conclave Editora (2024)
Boardgamegeek

I didn’t get my designer copies yet, so this pictures witha cute silver elephant are taken from a brazilian boardgame group, nerdkreativa.

Une interview de Jun Sasaski
Une interview de Jun Sasaki

L’un de mes derniers jeux publié, Whale to Look, est sorti en 2023 chez Oink Games. Il est cosigné avec Jun Sasaki, qui est aussi le patron de ce petit éditeur japonais dont les petites boites colorées sont aisées à repérer dans les boutiques.
J’ai toujours beaucoup aimé la gamme d’Oink Games, avec ses petits jeux souvent très originaux, aux règles et au graphisme minimaliste, et cela faisait des années que j’essayais de caser un jeu chez eux. J’en avais même imaginé un spécialement conçu pour leur format de boite, Maracas, qui a finalement terminé chez Blue Orange. Je suis donc particulièrement heureux de Whale to Look, qui semble en outre très bien se vendre.
J’en ai donc profité pour réaliser une petite interview de Jun Sasaki, que voici. J’avais déjà croisé Jun aux États-Unis, à la Gen Con, puis à deux reprises au Game Market d’Osaka. Je ne vais plus aussi souvent au Japon qu’il y a quelques années, et cette interview a donc été réalisée par mail.

À la Gen Con 2019
Les jeux Oink dans une petite boutique de jeu japonaise.
Le prototype de Constellations
Whale to Look
Le stand Oink at UKGE 2024


One of my last games, Whale to Look, has been published in 2023 by Oink Games. It is cosigned with Jun Sasaki, the boss of this small Japanese publisher whose small brightly colored boxes are easy to spot in game shops.
I’ve always liked the Oink Games line. The games are often really original, with simple rules and cute minimal art, and I’ve been trying to land a game there for years. I even designed one specifically for their box format,
Maracas, which was finally published by Blue Orange. Having a game published there is therefore an achievement, even more since the game seems to sell well.
I therefore seized the oportunity to ask Jun Sasaki a few questions. I have met him once at Gen Con, years ago, then twice at the Osaka Game Market. Unfortunately, I don’t travel to Japan as often as I used to, so this interview was made by email.

At 2019 Gen Con
Oink games on display in a small Japanese gameshop.
Constellations prototype
Whale to Look
Oink booth at UKGE 2024



Santa’s Little Elves

Dans Santa’s Little Elves, vous êtes l’un des lutins vêtus d’un ridicule uniforme vert et rouge qui, dans l’atelier du Père Noël, fabriquent et emballent à la chaine les jouets destinés aux enfants du monde entier – enfin, surtout des pays où les parents ont assez d’argent pour acheter des jouets, car le Père Noël ne perd pas le Nord. Ce dernier est en effet un capitaliste de la pire espèce, qui vous exploite de manière éhonté, profitant de la rareté des offres de travail dans le grand nord.

Une partie des Lutins du Père Noël au kiosque à jeux de la Place de la République.

Le travail est éreintant et les salaires ridiculement bas. Les heures supplémentaires ne sont généralement pas déclarées, les possibilités de promotion sont inexistantes ou illusoires. L’usine est glaciale ; vous n’avez aucune idée de la date à laquelle le chauffage sera réparé, mais certainement pas avant la fin de la campagne d’hiver. Les situations de harcèlement sont également récurrentes. Seule consolation, ce n’est pas vraiment mieux pour vos camarades qui travaillent au tri des lettres, ni sans doute pour ceux du centre d’appel récemment délocalisé en Antarctique. Sans même parler de ces pauvres rennes, enfermés tout l’été dans un hangar sordide avant d’être contraints, tout l’hiver, de galoper dans la neige avec un costume et des cloches ridicules.

Solidarité et conscience de classe n’étant pas vraiment le point fort des lutins, il serait vain d’espérer pouvoir organiser une grève. Du coup, vous avez décidé de prendre votre destin en main, en volant des jouets sur la cabine pour les revendre sur ebay, tombé du traîneau. Bien sûr, vos petits cons de collègues font la même chose, et chacun espionne ses voisins, espérant les prendre sur le fait pour les faire chanter ou les dénoncer au patron.

Dans cette ambiance de rêve, le vainqueur sera bien sûr le plus riche à la fin de la partie, qui pourra quitter l’usine et se payer une croisière de rêve dans les Caraïbes. Les autres devront se contenter de quelques bières à la taverne du coin, et tant pis si le tavernier est un pote du patron.

Ceux qui connaissent bien mes jeux ne seront guère surpris par ces Petits lutins du Père Noël, un jeu de cartes simple et rapide, tout entier construit sur le bluff et la psychologie, dans la même famille que Dolorès, Waka Tanka ou Venture Angels. Conçu il y a plusieurs années de cela, ce jeu de cartes est resté dans mes cartons assez longtemps. Plusieurs éditeurs s’y sont intéressés, mais ils voulaient soit changer un thème auquel je tenais parce que je le trouvais drôle et politique, soit rendre plus complexe un jeu dont le charme réside en partie dans sa simplicité.

Le seul changement que je regrette un peu concerne la liste des jouets. Dans mon prototype, les jouets du père Noël était extrêmement typés, genrés comme on dit aujourd’hui, des poupées et des cuisines roses pour les filles, des voitures et des jeux de construction pour les garçons. Cela gênait d’autant plus les lutins qu’ils ne sont eux-mêmes pas très clairs sur les questions de genre. Craignant que certains joueurs ne prennent cela au premier degré, l’éditeur a remplacé cela par une distinction entre jouets technologiques (avec la technologie des années quatre-vingt-dix parce que c’est plus rigolo) et jouets traditionnels. Je sais bien qu’il est toujours plus prudent de prendre les joueurs pour des imbéciles, il y en a toujours quelques-uns dans le lot, mais c’est dommage quand on leur enlève une occasion à la fois de rire et de réfléchir. Enfin, c’est un peu moins drôle, mais cela devrait marcher aussi bien. Dans un jeu aux mécanismes finalement très simples, cela passera peut-être mieux auprès des plus jeunes joueurs qui n’ont pas connu l’époque des jouets hyper-genrés, des poupées Barbie et des maquettes d’avion. Pour le reste, toute ma petite histoire de lutins pré-marxistes, classe en soi mais pas pour soi, est bien là, et c’est l’essentiel.

Les règles très simples de Santa’s Little Elves mettent certes le jeu à la portée de tous, mais son thème ne doit pas faire croire qu’il n’est destiné qu’aux enfants. C’est aussi un jeu de bluff bien fourbe qui devrait plaire aux habitués de mes petits jeux de cartes.

Santa’s Little Elves
Un jeu de Bruno Faidutti
Illustré par Marlies Barends
3 à 5 joueurs – 20 minutes
Publié par Matagot / TGG / Knight and Day games (2023)


You’re one of Santa Claus Elves, in a ridiculous red and green uniform, working on the factory line all year long, manufacturing toys for kids from the whole world, or at least from the countries where parents are rich enough to buy kids toys. Stupid rich kids who never heard of you, and who probably would not care if the had. Santa Claus, a capitalist of the worse kind, is clearly exploiting you, taking advantage of the scarcity of jobs in the far North. 

Playtesting Santa’s Little Elves at the Ludopathic Gathering.

Exhausting work, bad pay, no pay at all for overtime, no consideration, no summer holidays, no career prospects. The factory is ice cold, and you have no idea when the heating will be fixed, but certainly not before the end of this winter season. Harassment issues are commonplace. It’s probably not better for your comrades sorting letters, and certainly even worse for those at the after-sales hotline, recently outsourced to Antarctica.And there are serious work harassment problem. Worst of all, the factory is terribly cold and you’ve no idea when the heating will be fixed. And better not talk about these poor reindeers, spending the whole summer in a dirty shed and running all around the world in the cold winter with ridiculous bells.

Solidarity and class consciousness are not elves’ strong suit, so you’ve decided to help yourself. On every occasion, you steal small toys from the line, and try to sell them on eBay as fallen of the back of the sledge. Of course, your nasty colleagues are all doing the same. They’re also spying on you, and will report you when caught, unless you give them what you have stolen.

The elf with the most cash at the end of the game is the winner, resigns from the job and goes for a two-month cruise in the Caribbean. The other elves have still enough cash for a few beers at the local tavern – and, yes, this means the money goes back to Santa Claus, who also owns the tavern, but that’s life.

Those who know my card games won’t be surprised by Santa Claus’ Elves. It is a simple and fast paced bluffing card game, entirely built on bluffing and psychology, a bit like my Dolores, Waka Tanka or Venture Angels. I have designed it a few years ago, but it has stayed unpublished because I was waiting for a publisher willing to keep both the simplicity of the core mechanism and the fun storyline, and many wanted to make the game more complex, or to go for a less political setting.

There’s one change I regret a bit, with the list of toys. My prototype had two categories of terribly gendered toys, dolls and pink plastic kitchens for girls, cars and construction sets for boys. This was one more problem for the elves, most of which are not clearly settled on gender issues. The publisher was afraid some gamers would take this at face value, even when the rest of the game is obviously parodic. The publisher replaced this with two other categories, traditional and modern toys – modern meaning from the nineties, because it looks nicer. I know it’s always safer to treat gamers as fools, there must be a few ones in the crowd, but it also means removing opportunities to both laugh and think. It’s not as fun, but it works as well and will probably make more sense with younger gamers who didn’t know the time of Barbie dolls and airplane models. And anyway, all the rest of my little proto-marxist elves story, class in itself but not for itself, is still there, and that’s what matters.

Santa’s Little Elves has short and simple rules, and can be played by kids, but you must not be fooled by its topic and title – it’s not just for kids. Played with the right crowd, it can also become a nasty bluffing game, like many of the small card games I have designed.

Santa’s Little Elves
A game by Bruno Faidutti
Art by par Marlies Barends
3 to 5 players – 20 minutes
Published by Matagot / TGG / Knight and Day games (2023)

Halloween Party

Halloween Party est une nouvelle version d’un jeu de cartes déjà assez ancien, conçu avec Gwenaël Bouquin, et originellement publié il y a une quinzaine d’années sous le nom de Toc Toc Toc ! Les quelques modifications apportées aux règles à l’occasion de cette nouvelle édition visent à rendre le jeu plus varié, plus tendu et plus équilibré.

Le principe est tout simple. Chaque joueur a une main de cartes et, à son tour, pose une carte personnage face cachée devant un autre joueur en disant « toc toc toc ! ». Le joueur devant lequel est posé la carte doit alors choisir entre ouvrir la porte, et laisser le personnage entrer, rejoignant ainsi sa petite fête de Halloween, ou refuser d’ouvrir, auquel cas le personnage s’en va chez le joueur qui avait d’abord joué la carte. Bien sûr, si la plupart des convives sont bienvenus, et certains, comme les musiciens, particulièrement appréciés, d’autres doivent être évités avec soin, comme les ivrognes ou le terrible chevaliers ans tête. La pioche étant face visible, chacun finit par savoir plus ou moins quelles cartes les autres joueurs ont en main, et l’on peut essayer de deviner ce qu’ils nous proposent. C’est donc un jeu de bluff tout simple, accessible aux plus jeunes mais assez fourbe pour séduire les joueurs avertis

 Lorsque la sympathique équipe américaine de Trick or Treat m’a contacté, à la recherche de jeux de société dont le thème pourrait leur convenir, c’est bien sûr ce jeu qui m’est d’abord naturellement venu à l’esprit. Je ne suis pas le seul à avoir fait le même raisonnement puisque Emerson Matsuuchi leur a proposé son Tricks and Treats, dans lequel les joueurs sont des enfants rivaux allant de maison en maison, essayant de récupérer les meilleurs bonbons. Je n’ ai pas encore joué à Trick and Treats, mais je suis à peu près certains que c’est aussi le genre de petit jeu de bluff que mes amis et moi apprécierons.

Halloween Party
Un jeu de Gwenaël Bouquin and Bruno Faidutti
Illustré par Drew Rausch
3 à 5 joueurs – 20 minutes
Publié par Trick or Treat Studios
Boardgamegeek

Halloween Party is a new and version of an older game, Knock Knock!, designed with Gwenaël Bouquin and originally published more or less fifteen years ago. There has been a few changes in the rules, mostly for more tension, more variability and a better balance.

The idea is extremely simple. Each player has a small hand of cards and, on their turn, plays a face-down character card in front of another player, saying “knock, knock!”. The player in front of whom the card was played can either open the door, and let the character enter their Halloween party, or keep the door closed, in which case the character moves to the party of the player who initially played the card. Of course, while most guests are welcome, and a few ones like the musicians sought-after, other ones, like drunkards or the harrowing headless horseman, should better be avoided. The drawing deck being face-up, every player ends up having some idea of the cards in other players’ hands, and can therefore try to make an informed guess of who is knocking at the door. This makes for a simple bluffing game, which can be played with kids but still has enough subtlety for old poker players.

When the team at Trick or Treat Studios, wanting to start a fittingly themed boardgame line, contacted me, this one immediately jumped to my mind. I was not the only one thinking this way, since Emerson Matsuuchi proposed his Tricks and Treats, in which players are rival kids going from house to house, trying to get the best candies. I’ve not played Trick and Treats yet, but it also looks like the kind of light bluffing game me and my friends are likely to enjoy playing.

Halloween Party
A game by Gwenaël Bouquin and Bruno Faidutti
Art by Drew Rausch
3 to 5 players – 20 minutes
Published by Trick or Treat Studios
Boardgamegeek

The Artemis Odyssey

Ad Astra, conçu avec Serge Laget et publié en 2009 par un éditeur disparu peu après, n’a pas vraiment eu sa chance. D’abord passé inaperçu, ce jeu n’est qu’ensuite devenu un succès d’estime, dont les rares boites se revendaient assez cher – je le sais, j’ai dû m’en procurer une ou deux quand j’ai voulu en recycler le matériel pour travailler avec Serge sur une nouvelle version. Du coup, nous sommes très contents qu’un autre éditeur, Grand Gamers Guild, ait décidé de lui donner une deuxième chance sous une nouvelle étiquette, The Artemis Odyssey, qui en fait un peu la suite de l’excellent The Artemis Project de Daryl Chow et Daniel Rocchi – et tant pis si la référence mythologique devient un peu bizarre quand il n’est plus question de coloniser la lune mais d’explorer des planètes plus lointainse.

Pour ceux qui connaissaient la première édition, Ad Astra, disons que The Artemis Odyssey est un jeu plus dynamique, notamment grâce à des tours plus brefs et des déplacements plus rapides, avec un matériel moins sombre et donc plus lisible. Il se joue désormais de 1 à 5 joueurs, et même par équipe à 6 ou 8.

Pour ceux, les plus nombreux sans doute, qui ne connaissaient pas Ad Astra, ou ne le connaissaient que de nom, voici donc une petite présentation de The Artemis Odyssey:

La toute première partie du tout premier prototype, il y a longtemps.

Cela fait bien longtemps que je n’ai pas ressorti ma vieille boite des Colons de Catan, mais dans les années 2000, lorsque Serge et moi avons commencé à réfléchir à ce qui allait devenir Ad Astra, puis The Artemis Odyssey, c’était encore un grand classique que nous pratiquions à l’occasion. Le système de production et d’exploitation des ressources de notre jeu est emprunté à Catan, mais nous avons voulu faire un jeu qui ne soit pas dépendant, comme l’est celui de Klaus Teuber, des jets de dés et de la géographie. Situer l’action dans l’espace nous a permis d’éliminer les situations de blocage assez fréquentes sur le continent catanien, et de donner du coup aux joueurs de plus larges choix stratégiques. Rendre la production de ressources dépendante des choix des joueurs permet d’éliminer la plus grande part du hasard, le fait que ces choix soient faits avec des cartes jouées faces cachés introduisant en revanche un peu de bluff et de psychologie, évitant de ce fait que cela ne devienne trop calculatoire. Tout cela fait de The Artemis Odyssey une sorte de Catan peut-être un peu plus complexe, mais surtout moins scripté, plus varié, plus tactique, plus dynamique – et dans l’espace, mais je ne suis pas sûr que cela change grand chose.

Financé via Kickstarter fin 2021, The Artemis Odyssey arrivera en boutique à l’été 2023. L’éditeur de la version française ayant refusé de me laisser faire la traduction, comme je le raconte dans un autre post, je conseille plutôt l’achat de l’édition originale, en anglais. Voici d’ailleurs la traduction des règles et cartes que j’avais réalisée et dont l’éditeur n’a pas voulu.

The Artemis Odyssey
Un jeu de Serge Laget et Bruno Faidutti
Illustré par Cristian Romero
1 à 5 joueurs – 45 minutes
Publié par Grand Gamers Guild
Boardgamegeek



Ad Astra was designed with Serge Laget and published in 2009 by a publisher who went out of business soon afterwards. The game went first unnoticed, and later became much sought after, to the point that the few available copies sold at a high price – I know it firsthand, since I had to buy one or two in order to recycle their components in the new version Serge and I were working on. We are therefore really happy that a new publisher, Grand Gamers Guild, decided to give it a second chance under a new name, The Artemis Odyssey. Our game has indeed become a kind of follow-up to The Artemis Project, a great « worker placement » game by Daryl Chow and Daniel Rocchiand never mind if the mythologiocal reference becomes a bit strange when the game is no more about colonizing the moon but about exploring far away planets.

If you’ve already played Ad Astra, you only need to know that The Artemis Odyssey is more dynamic, mostly due to shorter game rounds and faster movement. It has a brighter color palette and therefore more readable components. The game now plays from 1 to 5, and there’s even team rules for 6 or 8.

An unfortunate accident during the playtests of the new version.

If you’re not familiar with Ad Astra, or only by name, here’s a short description of The Artemis Odyssey.

I’ve not opened my old copy of Settlers of Catan for years but in the early 2000, when Serge and I started to think of what would become Ad Astra, and then The Artemis Odyssey, it was a classic that we regularly played. We really liked the resource production and development system from Klaus Teuber’s game but wanted to make something less dependent on dice rolls and geography. Moving the action into deep space prevents the blockade situations which are my main issue with Catan. Having resource production decided by the players makes the game less random, and having cards played face down brings a bit of bluff and psychology, and prevents the system from becoming a brain burner. The Artemis Odyssey might be slightly more complex than Catan, but it is mostly less scripted, more varied, more tactical, more dynamic – and in space, but I’m not sure it matters that much.

The Artemis Odyssey was financed on Kickstarter in late 2021, and will be in store in the summer of 2023.

The Artemis Odyssey
A game by Serge Laget et Bruno Faidutti
Art par Cristian Romero
1 to 5 players – 45 minutes
Published by Grand Gamers Guild
Boardgamegeek

Quelques mots sur la version française de The Artemis Odyssey.
About the French version of The Artemis Odyssey

Grrrre games venant d’annoncer une version française de The Artemis Odyssey, je voudrais encourager les joueurs à attendre plutôt la version originale en anglais, qui devrait être publiée aux États-Unis par the Great Gamers Guild, plus ou moins à la même date.

The Artemis Odyssey reprend largement les mécanismes de Ad Astra, un jeu de gestion et d’expansion conçu il y a longtemps déjà avec mon ami Serge Laget. Nous avions signé il y a cinq ou six and déjà un contrat pour cette nouvelle version avec un éditeur américain. Tout s’est parfaitement bien passé avec The Great Gamers Guild, qui a développé le jeu en étroite collaboration avec Serge et moi. Les règles du jeu publié aux États-Unis sont, à quelques corrections mineures près, celle que j’ai rédigées.

J’ai été un peu surpris d’apprendre que Grrrre games, un éditeur que j’avais bloqué sur les réseaux sociaux suite à des propos d’assez mauvais goût, allait s’occuper de la « localisation » de ce jeu. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, j’ai aussitôt, comme je le fais habituellement, traduit les règles en français. Après que Serge avait validé ma traduction, je l’ai transmise à Grrrre games. J’ai été très surpris de recevoir une réponse dans laquelle Florian Grenier, de Grrrre games, annonçait qu’il ne souhaitait pas utiliser cette traduction et m’envoyait la sienne, visiblement faite à la hache et à la va-vite. On y trouvait tout ce qui manquait à la mienne, mot à mot, anglicismes, lourdeurs, fautes de grammaire et de syntaxe, redondances, adverbes et même phrases inutiles.

J’ai tenté de raisonner M. Grenier, et nous avons même eu une brève conversation téléphonique. Je lui ai demandé, s’il ne voulait pas utiliser ma traduction des règles, de retirer au moins mon nom des règles françaises, ce qu’il a également refusé. J’ai raccroché lorsqu’il m’a expliqué que son contrat n’étant pas avec les auteurs mais avec l’éditeur américain, je n’étais pas concerné et il pouvait faire ce qu’il voulait.

Serge, qui avait de meilleures relations avec M. Grenier, pensait encore pouvoir arranger les choses. Il a essayé quelques temps, puis sa santé a commencé à se dégrader et il n’a plus vraiment pu s’en occuper.

Je n’ai plus aucune relation avec M. Grenier, et ne souhaite pas en avoir. J’imagine que les règles de la version française de The Artemis Odyssey ont été quelque peu relues et corrigées depuis la version ridicule et incompréhensible qu’il m’avait envoyée, mais ne les ayant pas vues, je ne peux en être certain. Quand bien même elles seraient claires et en bon français, il n’est pas normal que je n’aie pas pu rédiger la version française d’un texte dont j’avais assez largement écrit l’original anglais.

Je traiterai donc l’édition française de The Artemis Odyssey comme M. Grenier traite les auteurs de jeux, surtout lorsqu’ils sont vieux, par le mépris. Je ne répondrai pas aux éventuelles questions de règles la concernant, je ne dédicacerai pas les boîtes françaises, et j’invite les joueurs à se procurer plutôt l’édition américaine. En cas de besoin, voici la traduction des règles et des cartes que j’avais réalisée et dont l’éditeur n’a pas voulu.



Grrrre games has just announced that they will soon publish a French version of The Artemis Odyssey. I urge French speaking players to rather get the US edition, which ought to be published more or less at the same time in the US by The Great Gamers Guild.  

The Artemis Odyssey is based on an older expansion and development game designed with my late friend Serge Laget. Five or six years ago, we had signed a contract for this new edition with an American publisher, The Great Gamers Guild. They did a great job developing the game in collaboration with Serge and me. The rules in the English language edition are, with some minor corrections, the ones I had written.

I was surprised to learn that Grrrre Games, a publisher I had blocked on social networks after a few posts of really bad taste, was in charge of the French language localization. I nevertheless decided to make the best of it and, as I always do, I translated the rules in French. After Serge had proofread my rules, I sent it to Grrrre games. I was extremely surprised by the answer by Florian Grenier, the boss of Grrrre games. He wrote that he didn’t plan to use my translation, and was sending another one, obviously hastily written. His translation had all that mine was missing – anglicisms, ponderousness, grammar and syntax errors, redundancies and pointless adverbs.

I tried to reason with Mr Grenier, and we even had a short phone conversation. I hung up when he explained that his contract was not with the designers but with the US publisher, and that he therefore could do as he wished.

Serge, having better relations with Mr Grenier, still hoped to fix things. He tried for a while, but then his health started to deteriorate and he gave up.

I have no more relations with Mr Grenier, and I don’t want to. I guess the rules in the French version of The Artemis Odyssey have been proofread and improved since the ridiculous and catastrophic version I have read. Even if they are now well written, it is no correct that I have not been allowed to write the French version of an English text I had, for the most part, written.

I will therefore deal with the French edition of The Artemis Odyssey as Mr Grenier deals with game designers, especially old ones – I will from now on ignore it. I won’t answer rules questions about it, I won’t sign copies of the game in French, and I urge players to rather get the English language version.

Grail Cup

Citadelles est, de tous mes jeux, celui qui se vend le mieux. Je le sais, mon banquier le sait, et surtout les éditeurs le savent qui, régulièrement, me demandent si je n’aurais pas dans un coin « un autre Citadelles ». Ce n’est pas toujours ce que j’ai le plus envie de faire mais, de temps en temps, je m’y essaie.

Aux Pierres du Dragon et, surtout, L’Ambition des Rois, sont des tentatives de recréer les mêmes sensations qu’à Citadelles à l’aide de mécanismes différents. À deux joueurs, je pense d’ailleurs que l’Ambition des Rois est un bien meilleur jeu.

J’ai aussi tenté d’exploiter le système de choix des personnages qui est au cœur de Citadelles à des bases différentes. Mes essais sur des jeux de majorité, ou de votes, n’ont pas été suffisamment convaincants pour que je les montre à des éditeurs. Lost Temple et, aujourd’hui, Grail Cup qui en est le successeur, utilisent ce principe dans un jeu de course.

Dans Lost Temple, paru il y a une dizaine d’années, les joueurs étaient des aventuriers quelque part en Orient, à la recherche d’un – devinez – Temple Perdu. Dans Grail Cup, ce sont les chevaliers de la Table Ronde cherchant à atteindre le château du Graal, avec l’aide de leurs amis l’Enchanteresse, l’Écuyer, Merlin, la Forgeronne, le Dragonnier, la Princesse, le Prêtre, la Fée et la Licorne. Ces alliés sont choisis exactement comme les personnages de Citadelles, et permettent d’avancer plus rapidement, de s’informer des possibles pièges, de s’y préparer, de changer sa place dans la course avec un autre personnage… Le jeu est plus léger, plus rapide, mais aussi méchant que Citadelles, tout en entourloupes et en queues de dragon.

Pour ceux qui ont joué à Lost Temple, la principale différence, outre bien sûr le changement de thème, est la disparition des gemmes, qui étaient une sorte de monnaie, afin de recentrer l’intérêt du jeu et l’attention des joueurs sur la position dans la course. Le jeu en devient ainsi plus rapide, plus tactique, plus fluide.

J’ai toujours beaucoup apprécié la ligne claire et l’humour subtil de John Kovalic, et je suis vraiment très heureux qu’il ait accepté d’illustrer l’une de mes créations. Ses personnages légers et colorés rendent très bien l’esprit de Grail Cup – c’est un peu Citadelles, mais c’est moins sérieux.

Grail Cup devrait arriver dans les boutiques françaises le 16 juin 2023.

Playtesting in a parisian boardgame café.

GrailCup
Un jeu de Bruno Faidutti
Illustré par JohnKovalic
3 à 8 joueurs – 30 minutes
Publié par Matagot
Boardgamegeek


Of all my games, Citadels is the one that sells best. I know it, my banker knows it, and, of course, the publishers know it. Regularly, they ask if I can show them “anorher Citadels”. It’s not always what I’m the most excited about, but, from time to time, I give it a try.

Fist of Dragonstones and, even more, Greedy Kingdoms try to recreate the same game sensations using different mechanisms. As a two player game, Greedy Kingdoms is, in my opinion, much better than Citadels.

I also tried to recycle the character selection system which is the heart of Citadels into other game systems. My attempts with voting or majority games were not convincing enough to be shown to publishers. Lost Temple, and its reimplementation Grail Cup, use it in a race game.

In Lost Temple, which was published ten years ago, players were adventurers in the Far East looking for, you got it, a lost temple. In Grail Cup, they are now the Knights of the Round Table racing to reach the Grail castle, with a little help from their friends the Enchantress, the Squire, Merlin, the Smith, the Dragonrider, the Princess, the Priest, the Fairy and the Unicorn. These allies are chosen exactly like the characters in Citadels and allow the knight to move faster, to look for possible traps, to get weapons, to swap place in another knight, etc… The game is light and fast paced. It’s less mean than Citadels, but there’s still room for a few nasty magic tricks.

If you’ve played Lost Temple, the main difference after the change in setting is the removal of gems, which were a kind of money used to pay for movement. The position on the track is now almost the only thing to take into account during the game. It makes the game faster, more tactical and more fluid.

I’ve always liked John Kovalic’s subtle humor and bright, simple art. I am really happy that he accepted to illustrate one of my creations. His light and colored characters are perfectly true to the spirit of Grail Cup – it’s lighter and faster than Citadels, but equally mean.

Playtesting with friends.

Whale to Look – クジラオルカ

J’aime beaucoup les petits jeux de l’éditeur japonais Oink Games, mes préférés étant sans doute leurs trois grands succès, A Fake Artist Goes to New York, Deep Sea Adventure et Insider, mais aussi d’autres dont on parle moins, Durian, Mr Face, In a Grove ou Kobayakawa. J’aime aussi leur format, des petites boites bien remplies à l’esthétique minimaliste. Lors de mes voyages au Japon, à l’époque où j’étais un peu tout le temps au Japon, j’ai en outre eu l’occasion de croiser Jun Sasaki, créateur de la boite et auteur de la plupart des jeux, et l’ai trouvé fort sympathique.

Le format, les jeux, l’éditeur, cela faisait trois bonnes raisons pour essayer de temps à autre de caser un jeu chez l’éditeur tokyoïte. J’en ai même conçu un spécialement pour leurs petites boites, Maracas, qui a fini chez Blue Orange. Ne désespérant jamais, j’ai, fin 2022, encore envoyé les règles d’un petit jeu mêlant mémoire, estimation et prise de risque, qui n’avait pas encore de thème. Jun et son équipe l’on essayé, l’ont trouvé un peu trop exigeant et méchant pour leur public familial, mais Jun m’a demandé s’il pouvait essayer de le retravailler. À partir de la mécanique principale, les cartes cachées regardées à tour de rôle par les différents joueurs et les paris sur la valeur d’un groupe de cartes, il a imaginé très rapidement quelque chose de plus léger, et trouvé un thème amusant, l’observation des baleines et des orques. Le développement du jeu, que je n’ai regardé que d’assez loin, s’est donc fait très rapidement, au Japon.

J’aime beaucoup le titre anglais, Whale to Look, que certains Américains auraient sans doute trouvé raciste s’il n’avait été imaginé par un japonais. Le matériel, comme toujours chez Oink et comme vous pouvez le voir sur les photos, est extrêmement mignon.

Dans Whale to Look, les joueurs emmènent des touristes observer les baleines et les orques, mais il faut viser juste pour apercevoir les animaux. La baleine est toujours dans le coin où il y a le plus de poissons, la grande orque dans celui où il y en a le moins, et chacun à son tour, avant d’envoyer un bateau, peut regarder l’une des cartes qui constituent la mer et voir le nombre de poissons qui y figurent.

Whale to Look est un jeu de déduction, mais pas un pur jeu de logique. Si chacun dispose d’informations objectives, les cartes qu’il a vues, on ne peut gagner qu’en interprétant aussi correctement les actions des autres joueurs, et il peut parfois avoir un peu de bluff. Les jeux de ce type sont assez peu nombreux. les deux qui me viennent à l’esprit, deux jeux que j’apprécuie beaucoup, sont Cursed Court, de Andrew Hanson, et Divinare, de Brett J. Gilbert. Si vous aimez vraiment l’un de ces deux jeux, vous pouvez acheter Whale to Look les yeux fermés.

Whale to Look, en japonais la baleine blanche et la grande orque, est publié pour l’instant dans une édition bilingue français-japonais. J’ignore quand et comment le jeu sera distribué en Europe ou en Amérique, mais vous pouvez commander le jeu sur le site de l’éditeur. Vous pouvez même y acheter une peluche réversible, baleine blanche d’un côté, orque de l’autre…

Whale to Look – クジラオルカ
Un jeu de Jun Sasaki et Bruno Faidutti
2 à 5 joueurs – 30 minutes
Publié par Oink Games

Boardgamegeek


I really like the line of small games by Japanese publisher Oink games. My favorite ones are their three big hits, A Fake Artist Goes to New York, Deep Sea Adventure and Insider, but also lesser known ones, Durian, Mr Face, In a Grove or Kobayakawa. I also like the format, small boxes filled to the brim and a deliberately minimalistic aesthetic. While traveling in Japan, which I used to do a lot, I had the chance to meet Jun Sasaki, the founder of the company and designer of most of its games, and it is a really nice guy

The format, the games, the publisher, I had three good reasons to regularly try to have one my own small designs published by Oink. I even designed one specifically for their small rectangular boxes, Maracas, which in the end was published by Blue Orange. In late 2022, I sent them the rules and files for a small game, a mix of memory, estimation and risk taking. It was still an abstract game, I had not found a suitable theme. Jun and his team played it, found it too unforgiving, too much of a brain burner, for their line of light party and family games, but Jun asked me if he could try to rework it. Starting anew from the core system, hidden cards which players look at on turn before betting on the value of a group of cards, he designed something much lighter, and found a cute and suitable setting, ships carrying tourists to look at white whales and orcas. The development was very fast and made entirely in house in Tokyo, while I only vaguely looked at it from afar.

I especially like the English title of the game, Whale to look, a pun which Americans would probably have thought racist if it had not been devised by a Japanese! The components, as always with Oink, are incredibly cute, as you can see on the pictures.

The players in Whale to Look own ships and carry tourists whale watching. Most looked after are the big white whale and the big orca. The white whale is always in the place with the most fishes around, the orca in the place with the fewest ones. Every round, before sending their ship somewhere, players can secretly look at one of the sea cards and see the fishes on it.  

Whale to Look is a deduction game, but not a purely logical one. Every one has some infos, the cards they have seen, but one cannot win without also reading into the opponents moves, which means there is sometimes a bit of bluffing. There are few games like this, and the only two ones which I can think of now are Andrew Hanson’s Cursed Court and Brett J. Gilbert’s Divinare. If you like one of these games, you are sure to enjoy playing Whale to Look.

Whale to Look, in Japanese The white whale and the orca, is published so far in a blingual Japanese-English version. I have no idea if and when it will be available in the West, but you can order it from the publisher’s website. They even sell a reversible plushy, whale one one side, orca on the other.

Whale to Look – クジラオルカ
A game by Jun Sasaki and Bruno Faidutti
2 to 5 players – 30 minutes
Published par Oink Games
(2023)
Boardgamegeek