Incan Gold new edition

The new US edition of Incan Gold is out. It has new and better cover art, the new artifact rules, and cute meeples used to decide whether to move back to the camp or to keep exploring the cave…

Incan Gold
A game by Bruno Faidutti & Alan R. Moon
3 à 8 joueurs – 20 minutes
Published by  Schmidt (2005), Gryphon Games (2006), Iello (2016)
Boardgamegeek

Paul Mafayon & Diamant

diamant cover 1

Il est toujours très amusant pour un auteur de comparer les graphismes et les choix éditoriaux qui ont été faits pour deux éditions d’un même jeu. Quand il y a trois éditions, comme cela m’était déjà arrivé pour Toc Toc Toc!, dont les versions française, américaine et chinoise ont des illustrations différentes, c’est encore mieux. Je ne pouvais donc pas résister au plaisir facile d’un article présentant les graphismes de la nouvelle édition française de Diamant, qui arrive dans quelques semaines, et ce d’autant plus que cette version du jeu est très clairement ma préférée.

Diamant cover

La première édition de Diamant, conçu en collaboration avec Alan R. Moon, est parue chez l’éditeur allemand Schmidt en 2005. Elle était illustrée par Claus Stephan, dans une ambiance très Indiana Jones. Les ventes n’étaient pas mauvaises, et nous n’avons jamais bien compris pourquoi l’éditeur l’avait abandonnée.

Diamant - Incan Gold - Cover

Pour l’édition américaine, Incan Gold, parue un an plus tard chez Gryphon Games est illustrée par Mathias Catrein, les joueurs n’explorent plus une grotte creusée dans la roche mais bien, comme l’indique le sous-titre, des ruines incas. L’illustrateur est allemand mais le graphisme, assez réaliste, est plus dans le style des jeux d’Outre-Atlantique.

Diamant - Tensao Total

Avant qu’Incan Gold ne bénéficie d’une version brésilienne, il y eut un temps une édition pirate brésilienne, Risco Total, dans laquelle les joueurs explorent une épave engloutie. Le nom de l’illustrateur en était tout aussi absent que celui des auteurs. Ce n’est pas bien grave, car il est quand même très valorisant d’être copié.

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Non, ça n’a rien à voir avec Diamant – mais cela aurait pu. Explorer des ruines incas, cela se fait quand même pas mal dans le jeu de société.

diamant cover

La nouvelle édition française, qui arrive cet été, est illustrée par Paul Mafayon. La thématique et les éléments reprennent en grande partie ceux de l’édition Schmidt, mais dans un contexte plus contemporain, puisque les aventuriers arrivent dans une jeep vert fluo, plantent des tentes rondes aux couleurs vives et se munissent de torches électriques au look de sabre laser. Les références graphiques sont Indiana Jones, pour le titrage, mais aussi… Scooby Doo pour la composition de la couverture (et je ne l’aurais pas deviné si Paul ne l’avait pas révélé dans l’interview qui suit).

scoobydooindiana-jones
Les personnages et le titrage.

Paul Mafayon a en effet bien voulu répondre à quelques question sur son travail d’illustrateur de Diamant.

• Qu’est-ce qui différencie l’illustration de jeux de société d’autres travaux d’illustration, dans le livre, la BD ou le jeu video ? Est-ce plus facile ? Plus amusant ? Plus libre ?

Les attraits de l’illustration de jeux de société sont nombreux. Les productions sont courtes, ce qui permet de changer régulièrement d’univers ou de style, on y jouit d’une grande liberté et on suit les projets, la plupart du temps, du début a la fin. Cela change agréablement du monde du jeu vidéo des grands studios, où les productions peuvent durer des années et où les équipes marketing sont très voire trop nombreuses, d’où une grande versatilité dans leurs directives, et où souvent on ne travaille que sur une partie très restreinte du projet, sans aucune vue d’ensemble du jeu.
Dans le jeu de société, les enjeux économiques sont moindres, ce qui explique peut être que les éditeurs soient moins frileux. L’exploration de nouvelles pistes les effraie moins. Quand le coût de la production d’un jeu vidéo peut dépasser allègrement les 50 millions d’euros, la tentation de réutiliser sans cesse des recettes ayant déjà fait leur preuve est quasiment irrésistible.
Évidement je parle des gros studios, car on peut retrouver tout les plaisirs de la création graphique du jeu de société dans les petits studios de développement indépendant. Petites équipes, grande liberté….

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Première ébauche de Paul pour la couverture de Diamant.

• Es-tu joueur de jeux de société ? Si oui, joues-tu aux jeux avant de les illustrer ? Après ?

Je joue très peu aux jeux de société, pas par manque de gout, mais par manque de temps. En revanche je joue a tout les jeux que j’illustre, le contraire serait impensable. Diamant est le premier jeu auquel j’avais déjà joué avant de travailler dessus. Cela ne m’aide pourtant pas plus que cela dans le processus créatif. Le style graphique, le rendu, le choix des ambiances colorées, on peut penser que tout cela et très lié a l’expérience de jeu, mais pas vraiment. Les briefs des éditeurs sont en général très bien faits – c’est leur métier – et s’ils me disent ce que le joueur doit ressentir devant telle image, ainsi que la nature de la cible (famille, hardcore gamer…), je n’ai pas besoin d’en savoir beaucoup plus pour travailler.

• Y a-t-il un jeu que tu aurais voulu illustrer ?

Il n’y a pas de jeu en particulier qui me fasse de l’œil actuellement. En revanche j’adorerais travailler dans un univers graphique a la Metal Slug ou Advance Wars Dual Strike pour un jeu de société (oui je suis vieux, j’ai donc de vieilles références, pas question de citer Boom Beach quand on peut citer la source d’inspiration originelle). Si un éditeur a ça dans les cartons je suis son homme !

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• Comment as-tu abordé le travail sur Diamant ? As-tu regardé les illustrations des éditions précédentes ? T’en es-tu inspiré ?

Oui, j’ai regardé ce qui avait était fait avant, et en détail, ne serait-ce que pour ne pas faire la même chose sans m’en rendre compte. Quand je regarde une illustration, j’ai naturellement pleins de remarques qui me passent par la tête : “j’aurais mis plus de végétation” “ça manque d’ombres portées, de relief”. Après une première phase d’analyse, j’identifie tout ce qui peut être amélioré. Une fois que la direction globale est choisie, je ne reviens plus sur l’ancienne version, le but est de l’oublier, de prendre de la distance pour laisser libre court a la création.

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• On est plutôt habitué à situer la thématique « exploration » dans un univers un peu vieillot, voire ringard. Pour Diamant, les clins d’œil sont très contemporains, avec une sorte de sabre laser et des tentes Quechua aux couleurs vives. Pourquoi ? Est-ce une idée à toi ou une demande de l’éditeur ?

Ce choix la est une idée a moi, qui m’est venue en regardant l’ancienne version.
Je me suis dit, que des tentes en toile blanche de nos jours… c’est introuvable, et l’idée reste quand même de faire en sorte que les joueurs s’identifient le plus possible aux personnages du jeu. En mettant en scène des objets plus contemporains, on facilite l’immersion.
En règle générale, dans le processus créatif, je pense que c’est une bonne chose de toujours réfléchir a la manière de rajouter un peu de modernisme (sauf bien sûr si cela va a l’encontre du thème). Naturellement, au moment de dessiner un objet ou un personnage, on est assailli de clichés. Dans le brief, les personnages devaient avancer dans le noir munis de torches, mais qui utilise encore des bouts de bois enflammés ?  Mon inspiration c’était plus “Nature et Découvertes” et “Decathlon” que le musée colonial.
De plus, mon style graphique est connu pour être coloré et plutôt saturé. J’aime tellement les couleurs qu’il m’est presque impossible de faire autrement.

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• Pour toi, le personnage au premier plan sur la couverture est-il un homme ou une femme ? Y a-t-il une idée précise derrière chacun des cinq personnages ?

Le personnage au premier plan… je préfère ne pas trancher, comme ça pas de guerre des sexes sur la couverture. Deux femmes, deux hommes et un personnage indéfini.
Il y a en revanche une idée bien précise derrière chaque personnage, et surtout derrière le groupe. Je voulais faire ressentir l’ambiance que l’on peut retrouver dans les vieux épisodes de Scooby Doo, un mélange de peur, de courage, mais aussi dans le jeu de convoitise. J’ai donc repris le code couleur du Scooby gang; le personnage au premier plan, c’est Sammy (vert et marron) juste a coté on a Véra (orange et rouge) vient Fred (jaune blanc bleu) puis Scooby Doo (marron) et enfin Daphné ( orange violet et vert).

• Par ailleurs, Iello m’a envoyé tes images pour Welcome to the Dungeon, mais je pense citer un ou deux autres jeux que tu as illustrés, notamment Loony Quest. Y en a-t-il un dont tu voudrais que je parle ?

Ben je n’ai pas d’autre jeux de sortis en fait, je suis assez nouveau dans le milieu…. Il y a Bunny Kingdom et Chawai qui sortent en fin d’année je crois… mais tu peux parler de tout ceux que tu veux, je n’ai pas de préférence.

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Deux illustrations de Paul pour des jeux qui devraient sortir d’ici à la fin de l’année, Welcome Back to the Dungeon, la suite de Welcome to the Dungeon, et Chawai, un petit jeu de cartes dont je suis l’auteur, un peu dans le style de Stupide Vautour.

Diamant
Un jeu de Bruno Faidutti & Alan R. Moon
Illustré par Paul Mafayon
3 à 8 joueurs – 20 minutes

Publié par Iello (2016)
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Tric Trac    Boardgamegeek


diamant cover 1

It’s always fun for a game designer to compare the graphics and editorial choices in two different editions of the same game. It’s even more fun when there are three completely different editions, something I had so far experienced only once, with Knock Knock!, whose French, US and Chinese editions have different graphics. Of coure, I could not resist posting an article about presenting the gorgeous art in the new French edition of Diamant, which will hit the shelves in the coming weeks, especially when it is, by far, my favorite of the three versions.

Diamant cover

The first edition of Diamant, a game designed with Alan R. Moon, was published in 2005 by the German publisher Schmidt, with art by Claus Stephan. It didn’t sell that bad, and we never really understood why the publisher discontinued it.

Diamant - Incan Gold - Cover

The Us edition, Incan Gold, was published one year later by Gryphon Games. The art by Mathias Catrin tells a slightly different story, since the players are not exploring caves but, as told in the  catch phrase, Incan ruins. The artist is German, but the graphic style looks very American to me.

Diamant - Tensao Total

Before Incan Gold was sold in Brazil, there was a pirate local edition with another setting – a sunken ship. Neither the illustrator nor the autours are named. Anyway, being plagiarized is very gratifying.

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Well, none of these pictures has anything to do with Diamant, but they could have. Exploring Incan ruins and Lost Temples is something rather usual in boardgames.

diamant cover

The new French edition, which will hit the shelves in the next few weeks, sports new art by Paul Mafayon. The setting and storyline are very similar with those une the Schmidt edition, but in a more modern setting. Explorers arrive in a bright green SUV,  install a camp made of modern dome tents and carry electrical torches, not wooden ones, when exploring the caves. As for the graphic references, the title font obviously refers to Indiana Jones and the cover composition to…. Scooby Doo – I would not have guessed the latter if Paul had not told me in the interview below.

scoobydooindiana-jonesCharacters and font.

I’ve asked Paul a few questions about his work on Diamant. Here are his answers.

• What makes boardgame illustration different from video game, comics or book illustration? Do you find it easier, or more fun, or more freeform?

There are many things to like in illustrating boardgames. It’s a short term job, which gives opportunities to jump from one universe to another, or even from one style to another, regularly. The artist is more free, more autonomous, and can usually follow a job from the start to finish. It’s a really nice change from big studios video games, where the work on a project can last for years, with too many different marketing teams whose direction can lack consistency, and in which an artist usually works on a very small part of the project, with no idea of the big picture.
Money stakes are lower in boardgames, which might explain why publishers are less timorous. They are not afraid to try new styles, and to let the illustrator loose. In video games, with development costs over 50 millions dollars, they cannot resist the temptation to recycle always the same old recipes. Of course, this is mostly true of big studios. With small indie video-game, an artist can have the same creativity, and the same fun, as in boardgames. The smaller the team, the greater the freedom.

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Paul’s first draft for the Diamant cover.

• Do you play boardgames ? If you do, do you play a game before starting to work on its illustrations ? Do you play it afterwards ?

I seldom play boardgames, not that I don’t like them, but I don’t have the time. On the other hand, I play all the games I illustrate – not doing it would feel strange. Diamant is the first game I had already played before having to work on it, but I don’t think it helps much in the creative process. One could think that the graphic style or the color palette are linked to the game experience, but that’s not really the case. Publishers know their job, and give detailed briefs of what they want. If they tell me what the players are supposed to feel when looking at a picture, and what is the target audience (families, hardcore gamers…), I don’t need much more to start working.

• Is there a game you would have liked to illustrate ?

There’s no specific game I’m much excited about at the moment. On the other hand, I would love to work on a boardgame with a graphic setting à la Metal Slug or Advance Wars Dual Strike – yes, I know my references are old, but why talk of Boom Beach when I know the original sources. If a publisher has something like this in the pipe, just call me !

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• How did you take on the work on Diamant? Did you look at the older versions of the game? Have-you been inspired by them?

Yes, I looked at all the details of the older editions, if only to be sure I won’t unintentionally do the same thing. When I look at a picture, I first think  « I would have put more vegetation here », « it lacks shadows and reliefs », etc. Then I analyze the picture, and identify what I can do better. Once I know where I’m heading to, I don’t go back to the old picture, I try to forget it, to distance myself from it to be more creative.

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• The graphic setting of exploration games usually looks a bit old fashioned. Your version of Diamant is deliberately, with an electric torch looking like a laser saber, and bright color tents. Why ? Is this your idea or the publisher’s one ?

It was my idea after looking at the older editions. I thought that white canvas ridge tents are nowhere to be found nowadays. If we want the game to be immersive, the players to identify with the characters, we have to use more actual items.
As a general rule, I think that, when it doesn’t go against the theme, trying to modernize the setting always foster creativity. When one starts to draw an item or a character, old clichés always jump to mind. The publisher’s brief had characters walking into the dark carrying burning torches – but who still uses wooden torches nowadays ?
Furthermore, my graphic style always use bright and saturated colors – I can’t help it, I love colors.

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• Is the foreground character leading the company into the cave a man or a woman ? Is-there a specific intent or story behind each one of the five characters ?

The foreground character…. I’d rather not settle the issue. Two women, two men and one ambiguous character.
There is however a precise idea behind every character, and most of all behind the group. I wanted to recreate the mood in the old episodes of Scooby Doo, a mix of fear and bravery, with the added dimension of greed. That’s why I used the color code of the Scooby gang. The leading character is Shaggy (green and brown), then comes Velma (red and orange), Fred in yellow, white and blue,  Scooby Doo (brown) and last comes Daphne (orange, purple and green).

• Iello sent me some pictures of Welcome to the Dungeon, but I’d like to mention one or two other games you’ve illustrated, like Loony Quest. Is there one you would like to mention ?

Well, I’m relatively new to boardgames, and I’ve not that many published games yet. I think Bunny Kingdom and Chawai are due to the end of the year, but you can mention any game you want, I’ve no preference.

Highmountain Looney Quest
Two characters by Paul Mafayon, for the Word of Warcraft card game and for Loony Quest.

Diamant
A game by Bruno Faidutti & Alan R. Moon
Graphics by Paul Mafayon
3 to 8 players – 20 minutes

Published by Iello (2016)
Boardgamegeek

chawai
Chawai, another game of mine illustrated by Paul Mafayon, playtested at the Ludopathic Gathering by two other game illustrators, Christine Deschamps and Maeva Kosmic.

Diamant

diamant cover

Diamant est le deuxième jeu que j’ai conçu avec Alan R. Moon. Le premier, de l’Orc pour les Braves, a été totalement oublié, ce que je regrette parce qu’il était vraiment original et amusant. Le second, Diamant, paru en 2005, a remporté un certain succès. L’édition américaine, Incan Gold, se vend toujours bien, mais le jeu n’était plus disponible en français depuis quelques années. Après bien des vicissitudes, des hésitations et des retards, c’est donc Iello qui publie la nouvelle version française de Diamant, avec des illustrations du talentueux Paul Mafayon.

Diamant coverDiamant - Incan Gold - Cover

Diamant est ce que l’on appelait autrefois un jeu de quitte ou double, expression au charme un peu désuet qui laisse de plus en plus la place à celle, assez laide, de stop ou encore. Autrement dit, un jeu de prise de risque, un jeu où il faut savoir jusqu’où on peut aller trop loin.
Les grottes de Tacora, quelque part en Amérique centrale, sont connues de tous les aventuriers pour les trésors cachés laissés là par quelque civilisation précolombienne, mais aussi pour les pièges mortels et les animaux venimeux qui les protègent. Votre petite équipe d’explorateurs avides et sans scrupules a installé son camp devant l’entrée des cinq grottes, et va les explorer une à une, ramassant au passage tout ce que la lumière de vos torches fait briller. À chaque tour, vous devez choisir entre vous enfoncer plus profondément dans la grotte à la recherche de trésors oubliés, au risque de perdre ce que vous avez amassé jusque là, et rentrer prudemment – certains disent lâchement – au camp de base pour mettre vos précieux rubis et diamants à l’abri.

La grande originalité de Diamant par rapport à d’autres jeux de “stop ou encore”, comme Can’t Stop, Cloud 9 / Celestia ou même le très classique Blackjack est que les joueurs prennent leurs décisions simultanément. Une partie de Diamant n’est donc pas plus longue à huit joueurs qu’à trois, et vos choix doivent être guidés moins par les calculs de probabilité que par ce que vous devinez des décisions de vos compagnons et rivaux. C’est un jeu de psychologie plus que de statistiques.

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Je ne reviendrai pas en détail aujourd’hui l’histoire de la conception du jeu, que j’ai déjà raconté il y a quelques années ici, dans un post consacré aux précédentes éditions.

Le nouveau Diamant, qui paraitra cet été, reprend le meilleur des versions précédentes. On y trouve, comme dans le tout premier tirage de l’édition Schmidt, un plateau de jeu pour y placer les explorateurs rentrés au camp, de jolis pions aventuriers  en bois (enfin, je pense qu’ils sont jolis mais je ne les ai pas encore vus au moment où j’écris cet article), et des coffres pour mettre ses trésors à l’abri des regards. Certes, le plateau ne sert en principe à rien en termes de jeu, mais il met dans l’ambiance et permet bien des plaisanteries, raison pour laquelle j’ai insisté pour sa présence. Il y a aussi, comme dans l’édition Gryphon Games, Incan Gold, des trésors un peu particuliers car ils ne peuvent être divisés et partagés, les reliques. Surtout, le nouveau Diamant est joliment illustré par Paul Mafayon, qui revisite Indiana Jones dans un esprit cartoonesque et moqueur. Je n’étais pas vraiment fan des graphismes des deux versions précédentes, mais je trouve la nouvelle édition magnifique – je vous reparlerai donc un de ces jours du travail de Paul sur les illustrations.

Diamant
Un jeu de Bruno Faidutti & Alan R. Moon
Illustré par Paul Mafayon
3 à 8 joueurs – 20 minutes

Publié par Iello (2016)
Ludovox     
Tric Trac    Boardgamegeek


diamant cover

Diamant is the second game I’ve designed with Alan Moon. The First one, De l’Orc pour les Braves, went under radar and wasn’t even published in English, something I deeply regret because it was really original and great chaotic fun. Anyway, the second one Diamant, originally published in 2005, was more successful. The Us edition, Incan Gold, is still in print, but the game has not been available in Europe for years. It’s back, after lots of complications and delays, and the new French version is published by Iello, with graphics by the great artist Paul Mafayon.

Diamant coverDiamant - Incan Gold - Cover

Diamant is a double or bust game, a risk taking game in which the only question is to know how far one can go too far. The caverns of Tacora, somewhere in Mesoamerica, are known for their wealth, for the jewels and artifacts buried there by some ancient pre-Columbian civilization, but also for the venomous animals and deadly traps guarding them. Your small team of adventurers has set camp near the entry of five hidden caves, and plans to explore them one after the other, taking back anything that shines in the light of the torches. Every round, players must whose whether to move forward, deeper into the cave, looking for more treasures at the risk of losing all they gathered so far, or to walk back prudently – some would say cowardly – to the safety of the camp in order to secure their rubies and diamonds.

What makes Diamant different from most other double or bust games, such as Can’t Stop, Cloud 9 or even good old Blackjack, is that player’s decisions are trade simultaneously. That’s why a game of Diamant doesn’t last longer with eight players than with five, and why choices are based more ion double guessing opponents than on probabilities. It’s more a game of psychology than of statistics.

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I won’t write again the whole history of the game design, since I’ve already told most of it in an older blogpost about the former editions of this game.

The new French edition of Diamant, coming this summer, has the best features from all versions. Like the very first European print run, a camp board to place the explorers who leave the caves; this has no real use in the game, but it’s really good for in game jokes and puns. It has nice explorer wooden meeples – well, I assume they’re nice, since I’ve not seen them yet – and cardboard chests to hide one’s gems. It also has, like the US edition Incan Gold, artifact cards, special treasures which cannot be divided among players.
Most of all, the new Diamant has been illustrated by the talented French illustrator Paul Mafayon, who revisits the Indian Jones mythos in a cartoonesque style. I was not enthralled by the graphics of the former editions, I really love the new ones. One of these days, I’ll write a longer post about Paul’s work on Diamant.

Diamant
A game by Bruno Faidutti & Alan R. Moon
Graphics by Paul Mafayon
3 to 8 players – 20 minutes

Published by Iello (2016)
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Elfenroads

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Vous vous souvenez d’Elfenland, d’Alan R. Moon, l’un des meilleurs jeux de société des années 90, ou de son grand ancêtre Elfenroads ?
Ce jeu fabuleux, qui fut l’une de mes inspirations pour Isla Dorada,est de retour en boutique. La très grosse boite s’appelle Elfenroads, mais elle contient en fait Elfenland, son extension Elfengold, et une nouvelle carte, Elfensea, et l’ensemble est fort joli. Je n’ai pas encore joué sur cette dernière carte, mais j’ai lu les règles et je vois très bien l’idée – introduire un peu plus de compétition et d’inattendu, ce qui est une excellente idée.

Bref, c’est la nouvelle du moment pour moi, et j’ai l’impression que personne n’en parle !

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Et si vous aimez Elfenland, jetez aussi un coup d’œil à Broom Service, d’Andreas Pelikan et Alexander Pfister. Quand on joue à Broom Service, on a un peu l’impression de jouer en même temps à Elfenland et à Citadelles.


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You remember Alan R. Moon’s Elfenland, one of the best boardgames of the 1990s, or its even older and larger version Elfenroads ?
This outstanding game, which was one the inspirations for Isla Dorada, is back in print. It’s a very big box, with cute graphics. It’s called Elfenraods, but it’s in fact Elfenland with the Elfengold expansion, and with a new map, Elfensea. I’ve not played Elfensea yet but the rules look very, very interesting, bringing more competition into the game.

I wonder why no one talks about it.

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If you like Elfenland, you should also have a look at Andreas Pelikan & Alexander Pfister’s Broom Service. It feels a bit like playing both Elfenland and Citadels at the same time.

Diamant
Incan Gold

Diamant / Incan Gold s’est d’abord appelé “Le Temple Maudit”, un titre bien plus évocateur, qui avait pour l’éditeur l’inconvénient de ne pas être international. Chaque joueur y est un aventurier qui explore une grotte abritant de riches trésors, quelque part dans la jungle. À chaque instant se pose donc la même angoissante question : Faut-il prendre le risque de continuer un peu plus loin, sachant que bien des dangers vous guettent, ou vaut-il mieux rentrer sagement au camp avec les richesses amassées jusque là.

Diamant / Incan Gold est ma deuxième collaboration avec Alan Moon – La première, De l’Orc pour les Braves, sans doute trop originale, n’a pas eu un grand succès, en partie du fait d’une édition maladroite.

Alan Moon et moi avons beaucoup d’admiration pour Can’t Stop, l’excellent jeu de Sid Sackson, et caressions donc depuis longtemps l’idée de faire, nous aussi, un jeu de “Quitte ou Double?”, un jeu dans lequel des joueurs angoissés doivent sans cesse choisir entre conserver sagement leurs gains, ou tenter de gagner plus, au risque de tout perdre.
Notre premier essai, La Grotte du Dragon, était un jeu de parcours dans un réseau souterrain, dont les mécanismes de déplacement tenaient un peu du Black Jack. Le jeu fonctionnait bien, mais il lui a sans doute manqué le petit quelque chose qui fait la différence, et qui séduit les éditeurs.
Après que tous nos prototypes de ce premier jeu nous fussent revenus, nous décidâmes donc de tout reprendre à zéro, et je suggérai l’idée d’un “common pool Can’t Stop” – ou d’un “common pool Black Jack” -, un jeu dans lequel tous les joueurs, à partir d’une situation identique, pourraient prendre des décisions différentes, certains prenant plus de risques que d’autres. L’idée d’une équipe de personnages s’aventurant ensemble dans une grotte, un labyrinthe, un temple, une pyramide ou les attendent de l’or, des diamants, des trésors archéologiques mais aussi des pièges, des monstres, des momies. nous vint alors naturellement à l’esprit. Le jeu avait trouvé son thème, quelque part entre Indiana Jones et Alan Quatermain, et son nom – le Temple Maudit.

Une partie test du Temple Maudit aux rencontres ludopathiques, avec deux jolies filles que je n’ai plus vues depuis bien longtemps, Birgit et Camille.

Je réalisais donc une première maquette, sur une vague thématique de temple inca ou maya. Les dangers étaient des bruits – Sssssss!, Pltoch !, Crac ! -, le danger lui même ne se réalisant que lorsqu’un bruit inquiétant était entendu pour la seconde fois. J’ai un peu regretté que l’éditeur abandonne cette idée du “bruit inquiétant” qui me semblait beaucoup faire pour l’ambiance du jeu. Lorsqu’un trésor ne pouvait être divisé équitablement entre les explorateurs, le reste de la division était simplement retiré du jeu, et seule la peur poussait donc les aventuriers à fuir. Ce sont des testeurs qui, chez Marc Laumonnier, ont suggéré que le reste soit laissé sur place et ramassé par les premiers fuyards. Cette petite règle de rien du tout a immédiatement donné une nouvelle dimension au jeu – il y avait maintenant deux raisons de partir, la peur et la cupidité. D’autres essais d’ajouts de règles, notamment avec des cartes action dans les mains des joueurs, se sont avérés décevants et furent vite abandonnés.

L’ultime réglage du jeu fut suggéré par Friedemann Friese lors des Xèmes rencontres ludopathiques. Il imagina en effetde retirer du jeu la carte danger ayant provoqué la fin de la manche, faisant ainsi monter la tension tout au long de la partie, comme dans tous ces jeux où il est plus facile de marquer des points dans les derniers tours que dans les premiers, ce qui crée du suspense et pousse à prendre des risques.

La première édition européenne de Diamant, chez Schmidt, en 2005

Ce jeu fut d’abord publié en Europe par Schmidt, dans une version assez luxueuse, avec des pions aventuriers en bois et de superbes petits coffres pour y ranger les trésors. Je n’ai jamais bien compris pourquoi, alors que les ventes étaient très honorables, l’éditeur a rapidement renoncé à le réimprimer. Fort heureusement, les gens de Iello s’en sont aperçu et en ont publié en 2016 une nouvelle version, superbement illustrée par Paul Mafayon – j’en parle plus en détail ici.

Aux États-Unis, au Japon et en Chine, le jeu est publié sous le nom d’Incan Gold, par Gryphon Games, dans une version au look plus franchement inca, mais aussi très américain. Plus de jolis coffres ou d’aventuriers en bois, le matériel est moins luxueux que dans l’édition européenne, mais cela permet aussi un prix de vente plus modeste. Les règles du jeu n’ont pas changé, excepté par l’ajout de cartes d’objets précieux, les reliques, dont la valeur ne peut pas être divisée entre les joueurs. Là encore, il y a eu plusieurs versions, dont seule la dernière, avec le couple d’aventuriers sur la couverture, a de jolis petits pions en bois.

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Au Brésil est d’abord parue une version “pirate” de ce jeu, Risco Total, plus tard rebaptisée Tensao Total, sur le thème de l’exploration sous- marine. L’éditeur a par la suite cherché à régulariser la situation, un arrangement à été trouvé et Alan et moi touchons désormais des royalties. Le thème de l’exploration sous-marine, auquel nous n’avions pas pensé lorsque nous avons imaginé le jeu, est d’ailleurs assez bien trouvé. Requins, pieuvres géantes, accidents de plongée et manque d’oxygène font des dangers aussi crédibles que serpents, scorpions et éboulements, et le jeu est tout aussi tendu – même si le matériel est de moins bonne qualité que  celui d’Incan Gold ou de Diamant.

Diamant / Incan Gold
Un jeu de Bruno Faidutti & Alan R. Moon
3 à 8 joueurs – 20 minutes
Publié par Schmidt (2005), Gryphon Games (2006), Iello (2016)
Tric Trac    Boardgamegeek


Diamant / Incan Gold was first called “The Temple of Doom”, a much more evocative title, but unfortunately one that could make for intellectual properties issues. Each player is an adventurer taking part in the exploration of a treasure cave, deep in the jungle. Every turn, the same anguished question : will you take the risk of going deeper into the dangerous and treacherous cave, or will you go back to the base camp with the gems you’ve already found ?

Diamant / Incan Gold  is my second collaboration with Alan R. Moon. The first one, De l’Orc pour les Braves went largely unnoticed, which is a shame because it was really a fun game.

Alan Moon and I hold Sid Sackson’s Can’t Stop in great esteem, and for long we wanted to design our own “double or quits?” game, a game in which anguished players will always have to choose between keeping what they have, and trying to get more, at the risk of losing everything.
Our first attempt, Dragon’s Maze, was a race game in an underground maze, where the movement of the players pawns was using a card system similar with Black Jack. The game worked well, but was not exciting enough to convince publishers.
After getting back all our prototypes of this first game, we decided to start it all over again and I suggested a kind of “common pool Can’t Stop”, or “common pool Black Jack”. the idea was to design a game were all players were in the same situation, but could take different decisions, some of them opting for quits, other ones for double. Obviously, the pawns had to be adventurers entering together a cave / labyrinth / maze / temple / pyramid, hoping to find gold / treasures / gems / antiquities but at the risk of traps / monsters / mummies. The theme was obvious, somewhere between Indiana Jones and Alan Quatermain, as was the name – The Temple of Doom.

A test game of The Temple of Doom at the ludopathic gathering, with two pretty girls I’ve not seen for years, Birgit and Camille.

I made a first prototype, using an inca or maya temple setting. Danger cards were frightening noises – Sssss!, Plotch !, Crack ! – that could be heard in the cave, the real danger causing players to bust happening when the same noise was heard a second time. I’m a bit sad the publisher gave up this noise idea, since it helped the game ambiance. When a treasure could not be equally divided between the players, the rest from the division was simply removed from the game, and the only incentive to leave the cave was the fear of a second identical noise. Gametesters suggested that the rest stay in the cave and was divided among the first players to leave the cave. this made now for two incentives to leave the cave – fear and cupidity – and really added a new dimension to the game. Other attempts to add elements to the game, such as action cards, were not successful.

The last little tuning was added by Friedemann Friese, when he played the game at the Xth ludopathic gathering. He suggested we removed from the game the card that triggered the bust, thus making it easier to score in the last turns. Like in many games, this make for more suspense and a higher tension in the endgame.


The two successive european editions of Diamant

This game was first published in Europe by Schmidt, in a gorgeous edition with wooden adventurer pawns and nicely designed cardboard chests for the players’ treasures. I never really understood why, when the game was selling quite well, Schmidt decided to discontinue it. Luckily, the guys at Iello Noticed this and decided to publish a new edition, with gorgeous art by Paul Mafayon – more about it there.

In the US, Japan and China, Incan Gold is published by Gryphon games. The graphics look more incan, but also more american. There are no more nice cardboard chests, but this allows the game to be sold at a much lower price than the  European edition. Only the most recent print runs, the ones with the couple of explorers on the box, has the nice wooden pawns for taking decisions.

An unauthorized edition was published in Brasil under the name Risco Total, then Tensao Total, but the publisher later decided to settle things right. An arrangement was eventually found, and Alan and I now get some royalties from this game. The game has been revamped and rethemed about underwater diving. Surprisingly, Alan and I didn’t consider a submarine setting when designing the game. It fits the game systems very well. Sharks, giant octopus, lack of oxygen and other diving hazards are very realistic dangers which create the same tension as snakes, scorpions and mine collapse. The components of Risco Total, on the other hand, are not on par with Diamant or Incan Gold.

Diamant / Incan Gold
A game by Bruno Faidutti & Alan R. Moon
3 à 8 joueurs – 20 minutes
Published by  Schmidt (2005), Gryphon Games (2006), Iello (2016)
Boardgamegeek

Isla Dorada

C’est sans doute son côté un peu daté, un peu classique, qui fait que je suis si attaché à Isla Dorada. Même si ses mécanismes sont sur bien des points originaux, c’est un jeu qui n’aurait sans doute guère surpris s’il était arrivé sur les tables de jeu il y a une quinzaine d’années, à l’époque des Catan, Tikal , San Marco ou autres Elfenland. Ce n’est pas complètement un jeu à l’allemande, puisque l’on y trouve un peu du chaos et de l’interaction qui sont, paraît-il, ma marque de fabrique, mais c’est un jeu à l’ancienne, poids moyen, convivial et sans doute consensuel. Paru il y a dix ans, il serait peut-être devenu « un classique ». Peut-être peut-il encore le devenir, comme c’est arrivé à un autre jeu fabuleux paru dix ans trop tard, Les Aventuriers du Rail, le chef d’œuvre de mon ami Alan R. Moon.

Les joueurs sont d’intrépides aventuriers dont le zeppelin vient de s’écraser au centre d’une île mystérieuse et inexplorée, où la légende veut que d’anciennes civilisations aient laissé d’incroyables richesses.
Pas d’autre choix, donc, que rester groupés et d’entamer l’exploration de l’île. Au cœur des ténèbres, les explorateurs vont traverser la jungle à dos de gorille, affronter pygmées cannibales et monstres marins, faire face à de terribles malédictions et, si tout va bien, rentrer dans le vieux monde avec de fabuleux trésors.

Si vous avez regardé attentivement le logo d’Isla Dorada, en haut de cette page, vous avez sans doute remarqué trois noms, en plus petits caractères, en dessous du titre du jeu. Le premier est celui d’Alan R. Moon, auteur notamment des Aventuriers du Rail et d’Elfenland, et avec lequel j’ai travaillé sur Diamant et De l’Orc pour les braves. Les deux suivants sont ceux d’Andrea Angiolino et Pier-Giorgio Paglia, surtout connus pour le jeu de combat aérien Wings of War.

Elfenroads, d’Alan R. Moon, et plus tard son successeur Elfenland, ont toujours été parmi mes jeux de société préférés. Il fut un temps où j’y jouais presque chaque semaine. J’appréciais non seulement le jeu, mais aussi les superbes plateaux de jeu dessinés par Doris Matthäus. Ces plateaux me plaisaient tant que je tentais d’imaginer d’autres jeux qui puissent se jouer sur la carte routière du pays des elfes.

Un soir, après avoir joué pour la première fois à Ulysses, d’Andrea et Pier Giorgio, l’idée était là. Le plateau d’Elfenland, les chemins d’Elfenland, les cartes d’Elfenland, mais un unique pion pour tous les joueurs, que chacun chercherait à manœuvrer à son avantage, comme les dieux de l’Olympe jouant avec les vents pour pousser le vaisseau d’Ulysse. Je travaillais alors déjà, avec Ted Cheatham, à la Route de la Soie, qui utilise également un pion unique pour tous les joueurs, et j’avais aussi joué à La Fureur des Dieux, de Dominique Ehrhard, mais la manière dont le vaisseau d’Ulysse était déplacé dans le jeu d’Andrea et Pier-Giorgio convenait parfaitement au pays des elfes. Quelques jours plus tard, j’avais rédigé une ébauche de règle et imprimé les cartes objectifs de « Ulysses in Elfenland », sans doute le meilleur titre de jeu depuis « Merchant of Venus ». Les tests suivirent aussitôt. Le jeu tournait bien, mais il n’était pas exceptionnel, et je ne savais plus trop qu’en faire. Cela valait-il la peine de consacrer du temps et de l’énergie à un projet qui me séduisait, mais qui était très largement inspiré de deux jeux existants.

J’en parlais donc avec Alan Moon, et avec les auteurs d’Ulysses. Alan n’était guère intéressé par un autre jeu joué sur le plateau d’Elfenland, peut-être parce qu’il craignait que les joueurs ne comparent les deux jeux et ne préfèrent le mien. Le risque était pourtant bien faible, tant Elfenland (et plus encore Elfenroads) est un jeu fabuleux, alors que mon projet n’était qu’un assez bon jeu, en partie peut-être parce que le plateau n’avait pas été vraiment conçu pour lui. J’étais en particulier gêné par la cité isolée de Kiroma.

J’entrepris donc de dessiner un plateau spécifique pour « Ulysses in Elfenland », qui était entretemps devenu « la caravane des marchands ». Parce que l’idée m’amusait, et parce que cela permettait de maintenir quand même l’idée initiale, je concevai un plateau bien plus approprié à mon jeu, mais sur lequel il restait possible de jouer à Elfenland. Avec l’accord d’Alan, Andrea et Pier-Giorgio, je proposai « la Caravane des marchands » à Amigo, suggérant qu’ils le publient tout à la fois comme un jeu à part et comme une extension d’Elfenland. Après bien des hésitations, Amigo déclina l’offre, sans doute avec raison car mon jeu n’était pas aussi bon qu’Elfenland et aurait souffert en comparaison, et car la nouvelle carte n’apportait pas grand chose à Elfenland. Je conservai cette version quelques années, y jouant occasionnellement. Je l’aimais bien, certains de mes testeurs l’aimaient beaucoup, mais il y manquait toujours quelque chose.

L’étape suivante fut de renoncer à ce qui avait été l’idée originale du jeu – la compatibilité avec Elfenland. Cela me permit de résoudre, en quelques semaines, tous les problèmes que j’avais depuis des années avec la Caravane des marchands. Je réduisis le nombre de cités, réunis les routes de plaine et de forêt, changeai la répartition des terrains, et finis même par faire du pays des elfes une grande île avec des ports de mer permettant de se rendre rapidement d’un coin à un autre du royaume. Andrea et Pier Giorgio s’impliquèrent alors aussi dans le projet, faisant de nombreuses suggestions de cartes et de règles, dont certaines provenaient directement de la nouvelle version d’Ulysses sur laquelle ils travaillaient en même temps. Nous implentâmes donc rapidement tous les ajustements qui auraient dû être faits depuis longtemps, et ne l’avaient pas été tant que j’étais coincé par la compatibilité avec Elfenland. La capitale, Elfenburg, devint Kingsburg, ce qui me permit de rebaptiser d’autres cités du nom de jeux de la ludothèque idéale. On pouvait voyager de Key Largo à Yspahan, de Carcassonne à Funkenschlag.

Cette nouvelle version suscita plus d’intérêt chez les éditeurs, notamment chez mes amis de Days of Wonder. Le prototype finit par atterrir chez un des leurs amis et voisins, Philippe Nouhra, de Funforge, qui décida de le publier. Philippe appréciait le système de jeu mais il trouvait cependant, avec raison sans doute, que déplacer une caravane de marchands dans un royaume médiéval vaguement fantastique n’était pas quelque chose de très excitant. Il eut alors une idée géniale : faire des joueurs des explorateurs sur une île oubliée, dans un univers à la Tarzan. De l’avis de tous les joueurs, le nouveau thème est bien plus amusant et tout aussi cohérent que l’ancien – même si nous ne savons toujours pas très bien pourquoi l’expédition a installé son camp de base au centre de l’île et non sur la côte où elle a débarqué (bon, je viens de recevoir un mail de Philippe dans lequel il m’explique que le dirigeable des explorateurs, pris dans une tempête, s’est crashé à cet endroit là).

Je suis habituellement très critique des éditeurs qui souhaitent modifier le thème d’un jeu, mais je dois admettre que, cette fois-ci, cela a rendu le jeu bien meilleur, plus exotique, plus drôle.
Le nouvel univers, plus décalé, permit aussi d’imaginer de nombreuses nouvelles cartes, pygmées cannibales, pandas tueurs, singes volants et même dirigeables. Ces cartes ne rendent pas seulement le jeu plus thématique, elles le rendent aussi plus fluide, plus dynamique, en ajoutant des possibilités d’interaction et en permettant des mouvements plus rapides. Et l’illustrateur des cartes Naiiade, s’en est donné à cœur joie!

J’ai travaillé plus de dis ans sur ce jeu. Il y a eu des dizaines de versions, des centaines de tests. Aucun de mes autres projets ne m’a demandé autant d’efforts À vous, maintenant, de me dire si cela en valait la peine. Le jeu publié a finalement bien peu en commun avec Elfenland, si ce n’est l’allure générale du plateau de jeu et le fait que les cartes y représentent des moyens de transport. En revanche, on y trouve toujours l’idée centrale de Ulysses, les enchères à l’aide de cartes pour déterminer ou le navire, la caravane, l’expédition va se rendre.

Isla Dorada
Un jeu de Bruno Faidutti, Andrea Angiolino, PierGiorgio Paglia, Alan R. Moon,
Illustré par Naiiiade et Gorg
3 à 6 joueurs – 90 minutes
Publié par FunForge (2010)
Tric Trac    Boardgamegeek


Isla Dorada is one of my favorite designs, probably because of its old style feel, its classic look. Even when some of its game systems are quite original, this game would not have surprised gamers if it had been published fifteen years ago, in the times of Catan, Tikal, San Marco or Elfenland. Isla Dorada is not completely a “German style” game, since it has some of the typical Faidutti chaos and interaction, but it’s an old style, middle weight, convivial and family-fare boardgame. If published ten years ago, it might have become “a classic”. Well, may be it still can – after all, that’s what arrived to another game published ten years after its time, Alan R. Moon’s masterworks, Ticket to Ride.

Players are bold explorers whose zeppelin just crashed in the center of a mysterious and unexplored island where legends tell that ancient civilizations have left fabulous treasures.
Together, players will enter the heart of darkness and explore the unknown island, cross the jungle on gorillaback, witness savage rituals, avoid the lake monsters and deal with the the many vicious animals and other dangers of Isla Dorada, the Gold Island. Then, if they are valorous and lucky enough, they will find the treasures and bring them back to the old world.

If you’ve had a close look at the game’s logo at the top of this page, you’ve probably noticed three other game designers names, in smaller fonts, under the Isla Doarada. The first name is Alan R. Moon, the author of Ticket to Ride, of Elfenland, and with whom I codesigned Diamant and For a few Orcs more.  Then come Andrea Angiolino and Pier-Giorgio Paglia, mostly known for Wings of War.

Alan Moon’s Elfenroads, and later Elfenland, have always been among my favorite boardgames, and there was a time when I played one of them almost every week. I liked the games, and  I also liked the gorgeous Elfenroad and Elfenland boards, both painted by Doris Matthäus. I liked them so much that I wanted to use them more and started to think of other games that could be played on the Elfenroads or Elfenland board.

One day, after playing for the first time Andrea Angiolino & Pier Giorgio Paglia‘s Ulysses, I knew the game was here – the Elfenland board, the Elfenland tracks, the Elfenland transportation cards, but only one pawn for all players, like Ulysse’s ship, that all player will try to move in different directions, to different cities, like the Greek gods playing with the Mediterranean winds. I was already working on the Silk Road, which also used a common caravan pawn for al players, and I had met another Ulysses Ship in Dominique Ehrhard’s Odysseus, but the way this system was used in Ulysses obviously fitted perfectly with the Elfenland board. A few days later, I had written the rules and printed the cards of “Ulysses in Elfenland”, which could have been the best game title since Avalon Hill’s “Merchant of Venus”. The game was good, but not great, and I didn’t really know what to do with it, and if t was worth working more on it, since it was mostly a deliberate derivative from two existing games.

I talked about it both with Alan Moon and with Ulysses’ authors, Andrea Angiolino and Pier-Giorgio Paglia. Alan didn’t like the idea of another game to be played on the Elfenland board, may be because he was afraid some players will compare both games and prefer mine – which was, in fact, very unlikely since Elfenland is a real masterwork (well, I still prefer Elfenroads) and Ulysses in Elfenland was just an OK game, in part due to the fact that the board had not originally been devised for it. There was, among others, a problem with the isolated city of Kiroma.

So, the next step was to make a board specifically designed to fit “Ulysses in Elfenland”, which in he meantime had been renamed “Merchants Caravan”. Mostly because I found the idea fun, as a kind of tribute, I made a board which was much better for Merchants Caravan, but on which you could also playe Elfenland, and with Alan, Andrea and Pier-Giorgio’s agreement, proposed it to Amigo, who already published Elfenland, suggesting they publish it both as an original game and an Elfenland expansion. After a long hesitation, Amigo declined it. They were probably right in doing so, since my game wasn’t as good as Elfenland and would have suffered in the comparison. Also, the new board didn’t add much to Elfenland. I kept this version of the game a few more years, playing it occasionally. I liked it, some of my friends liked it a lot, but I always had the feeling something was still missing.

This allowed me to solve quite easily, in a few weeks, most of the problems I had for years with Merchant Caravan. I reduced the number of cities, merged the plain and forest tracks, changed their distribution for something more even, moved the kingdom to a large island with seaports where you could take a ship to the other side of the board. Andrea and Pier Giorgio also became more involved in the design at this point, probably feeling the the game was, at last, becoming worth of all the work that had been put in to it. They took part in the tests, sent me some comments, suggested cards and adjustments, some of which came directly from the new version of Ulysses on which they were simultaneously working. So we made all the changes I should have made for years to improve the flow and balance of the game, and which I could not do as long as I was stuck by the Elfenland compatibility. The capital, Elfenburg, became Kingsburg, and I took the opportunity to rename all the other cities on the board from various boardgames I like. There were cities named Carcassonne, Yspahan, Elasund and even Funkenschlag.

This version raised some interest from several publishers, was very seriously considered by my friends of Days of Wonder. Anyway, they finally did not make it but it’s a friend and neighbor of them, Philippe Nouhra of Fun Forge, who finally decided to publish it. Philippe liked the system and the flow of the game but he rightly thought that moving a merchant caravan in a half fantasy mediaeval kingdom was not something extremely exciting. Philippe had an idea for the new theme, an expedition of treasure hunters on a lost island, in a Tarzan-like universe, and asked me to implement it. This new storyline fitted as well as the original, except that we still have to find why the expedition has its base camp in the center of the island and not on the coast (Just got an email from Philippe in which he explains that the explorers’ airship was caught in big storm and crashed in the center of the island).

Im’ usually weary of publishers trying to change the theme of a game, but I must admit that, this time, it was a really great idea which makes the game feel completely different, more fun, more exotic. The new setting allowed us to add cards such as airship, cannibal pygmies, shaman and tribe war make the game much more exotic, dynamic and eventful. Not only do these cards add to the exotic feel of the game, but they also make the system much more fluent and dynamic, with more opportunities for interaction and for fast movement. And they really inspired Naiiade, the illustrator who drew the card pictures.


This game has been in the work for ten years. None of my designs have had so many versions, so many tests. There’s no other game design on which I have worked so much and for so long. I hope it was really worth it. It has now very little in common with Elfenland, mostly the overall look of the board and the fact that it uses transportation cards, but it still has the core idea of Ulysses, the card auction to decide where the ship, or the caravan, or the expedition will move to.

Isla Dorada
A game by Bruno Faidutti, Andrea Angiolino, PierGiorgio Paglia, Alan R. Moon,
Graphics by Naiiiade & Gorg
3 to 6 players – 90 minutes
Published by FunForge (2010)
Boardgamegeek

De l’Orc pour les Braves
Gold und Rum

Le thème

Autant vous le dire tout de suite, la thématique n’est ni subtile, ni originale. Il y a des bandits, des orques, des squelettes et des nains, des géants, des gobelins, et tout cela se fout allègrement sur la gueule, dans le sang, la sueur et la bonne humeur.

La mécanique

Si le thème n’est pas nouveau, la mécanique du jeu est plus originale. Chaque manche se compose en effet de deux parties. La phase de recrutement, lors de laquelle les joueurs composent leurs armées, c’est à dire choisissent leurs cartes, se déroule en temps réel, c’est à dire très vite, d’une manière qui s’apparente un peu à Jungle Speed. La phase de guerre, composée de quatre batailles successives, est beaucoup plus calme, plus proche d’un jeu de cartes traditionnel. L’alternance de ces phases, et le rôle particulier du sorcier qui distribue les cartes, donne au jeu un rythme inhabituel mais pas désagréable.

De l’Orc pour les braves est un jeu de cartes qui mêle réflexes, mémoire et tactique. Il se joue de 4 à 7 joueurs, et dure une quarantaine de minutes.

Histoire du jeu

De l’Orc pour les Braves a été ma première collaboration avec Alan Moon. C’est à Essen, devant deux hauts verres de bière, que nous avons commencé à réfléchir à un jeu de cartes mettant aux prises des tribus d’orques, de nains, de trolls et de toutes ces sortes de gens. À L’origine, le but n’était pas de faire la guerre mais bien de faire la paix avec les tribus rivales, tâche oh combien difficile car contraire aux traditions et à toutes les valeurs ancestrales de la société orque. Le jeu tournait, certes, mais ces petits orques ont fini par trouver la paix un peu ennuyeuse et le jeu, classiquement, a dérivé vers un thème plus classique et plus naturel, la guerre. Après quelques mois, et quelques échanges d’emails, Seigneurs de Guerre, puisque c’était son nom, était prêt, et trouva rapidement un éditeur, Asmodée, qui lui trouva un titre bien délirant et engagea un illustrateur tout aussi barge, Ségur, l’auteur de la BD Krôc le Bô. Ce jeu n’a malheureusement pas trouvé son public, le mélange tactique-rapidité-mémoire-orques-gobelins semblant peut-être, à tort, un peu lourd au public familial, et un peu débile au public de gros joueurs. C’est bien dommage, car jeu drôle et rythmé me fait encore rire

De l’Orc pour les Braves
Un jeu de Alan R. Moon & Bruno Faidutti
Illustré par Thierry Ségur
4 à 7 joueurs – 45 minutes
Publié par Asmodée (2003)
Ludovox          Tric Trac         Boardgamegeek


The setting

Well, nothing really new and no excessive subtlety with the theme: brigands, orcs, skeletons and goblins fighting one against the other with much blood, sweat and fun.

The system

The theme is not really new, but the game system is original. Each round is made of two successive phases. During the recruitment phase, players build their armies in real time, which means that they choose their army cards in a hectic Pit-like way. During the war phase, made of four successive battles, they play the army cards they acquired during the recruitment phase, in a calmer and more classical way. This alternation, as well as the specific role of the wizard, who just deals the cards, makes for an unusual but rather nice rhythm.

For a few Orcs more is a card game of quick reaction, memory, and tactics, for 4 to 7 players, that lasts about 40 minutes.

History of the game

It started in Essen, in the Savoy hotel lounge, with two high glasses of German beer. Alan and toyed with several zany game ideas. One of them already had trolls, orcs, dwarves and all these kinds of people, but it wasn’t about war – it was all about making peace with rival tribes, a task much harder and much more alien to the traditional orc and troll culture. The game worked, but it was not really exciting and our little orcs became bored and, one night, started fighting again. War was more natural for them and, after exchanging a few files and emails, we had a brand new and original card game, called Warlords. The publisher, Asmodée, was soon found. They hired the French cartoonist Segur for the illustrations, and his fun but bloody cartoons fit very well with the game. Unfortunately, the game didn’t sell, may be because the memory-speed-tactics-orcs-goblins mix felt a bit heavy for casual gamers, and a bit light and stupid for hardcore ones. It’s a shame, because it’s a game I still occasionally play and find always fun.

De l’Orc pour les Braves
A game by Alan R. Moon & Bruno Faidutti
Art by Thierry Ségur

4 to 7 players – 45 minutes
Published par Asmodée (2003)
Boardgamegeek