Mes jeux épuisés éventuellement disponibles pour une réédition
My out of print games available for a possible new edition

Un éditeur que je ne nommerai pas m’a récemment raconté une histoire amusante au sujet d’un auteur que je ne nommerai pas non plus, au catalogue de jeux bien plus fourni que le mien. Lorsque cet auteur présente ses prototypes aux éditeurs, il refuse de préciser lesquels sont des créations nouvelles et lesquels des jeux anciens, déjà publiés, dont les les droits lui sont revenus. On peut juger cela un peu mesquin, mais on peut aussi y voir une certaine logique, un souci de s’assurer que chaque jeu est bien jugé pour lui-même, indépendamment des circonstances. 

Mon catalogue plus modeste ne me permet pas de jouer à ce petit jeu. Je ne cherche pas nécessairement à faire rééditer toutes mes créations de ces quarante dernières années. Certaines ont mal vieilli et décevraient même ceux qui en ont un bon souvenir, mais d’autres, me semble-t-il, mériteraient une nouvelle vie, parfois avec un nouveau thème, parfois avec des règles mises au goût du jour, souvent avec de nouvelles illustrations.

D’excellents jeux ont pu manquer une première occasion et en saisir une deuxième. La première édition de Diamant, chez Schmidt, ne fut pas un grand succès, mais le jeu ressorti ensuite chez deux éditeurs différents, Iello en Europe et Gryphon games dans le reste du monde, est depuis devenu un classique dont les ventes ne baissent pas. Les deuxièmes éditions de Mystère à l’Abbaye et Mission: Planète Rouge se sont, elles aussi, mieux vendues que les premières. 

Voici donc, à l’attention des éditeurs qui passent sur ce blog, quelques-unes de mes plus ou moins anciennes créations qu’il ne me semblerait pas idiot de rééditer. Si vous voulez en discuter plus avant, envoyez-moi un mail à faidutti@gmail.com – avec le nom du jeu dans le sujet, cela simplifie la gestion de mon courrier, merci !

Tonari est une adaptation d’un vieux jeu abstrait d’Alex Randolph, Veleno. Ma version n’est pas bien vieille, puisqu’elle a été publiée en 2019. L’édition en était très réussie, et le jeu a été bien reçu, mais il est mort-né lorsque son éditeur, IDW Games, a peu après décidé d’arrêter complètement les jeux de société. 

C’est un peu la même histoire qui est arrivée à Kamasutra, un jeu d’ambiance un peu loufoque qui avait pas mal fait parler de lui à sa sortie, mais n’a jamais été très bien distribué et ne s’est vraiment bien vendu qu’au Japon. Vice Games n’existe plus, et j’aimerais bien que ce jeu revienne, toujours avec les mignonnes illustrations de David Cochard.

Junggle est un ensemble de petits jeux de cartes conçus avec mon amie Anja Wrede, tous basés sur le principe de l’éléphant qui fait peur au lion qui fait peur au tigre, etc, jusqu’à la petite souris qui fait peur à l’éléphant. Si ce jeu retrouve un éditeur, Anja est volontaire pour faire elle-même les illustrations.

De tous les petits jeux de cartes que j’ai créés, Waka Tanka reste sans doute mon préféré. Je suis convaincu que, avec un autre thème – peut-être les sorcières – cette variation amusante sur le bon vieux principe du jeu du menteur pourrait connaître un grand succès, et je regrette vraiment qu’elle soit passée inaperçue. Une nouvelle édition est prévue en Amérique du Sud, mais les droits pour le reste du monde sont disponibles.

La première édition d’ Attila a peut-être pâti d’un look un peu trop enfantin pour ce qui est, au fond, un petit jeu de stratégie abstrait, rapide et pas trop prise de tête. Je verrais bien une édition plus sobre, avec des cavaliers d’échecs comme pions.

Le Collier de la Reine et Mission: Planète Rouge, conçus avec Bruno Cathala, ont tous deux rencontré un certain succès. Ils ont connu chacun deux éditions différentes, mais ne sont plus disponibles aujourd’hui. De temps à autre, des éditeurs nous ont parlé vaguement de nouvelles versions, mais rien n’a encore été fait. 

Isla Dorada était sans doute l’un de mes projets les plus ambitieux. Il a eu bon accueil critique mais est passé relativement inaperçu à sa sortie. Ce n’est que quelques années plus tard qu’il a commencé à être remarqué. Il se revend aujourd’hui très cher sur les sites de vente en ligne, ce qui est plutôt bon signe.

Double Agent conçu avec Ludovic Maublanc. C’est un petit jeu de double guessing pour deux joueurs, de la même famille que les excellents Schotten Totten ou Hanamikoji. Si ces jeux se vendent bien, le nôtre doit pouvoir se vendre aussi !

Pony Express, conçu avec Antoine Bauza, est un curieux mais très rigolo mélange de jeu de parcours, jeu de bluff et jeu d’adresse. Les dés de Poker Dice y servent en effet à avancer, à jouer au poker, et à tirer sur les indiens et les cow boys adverses.

Bongo est un petit jeu de dés sans le moindre hasard, puisqu’il ne s’agit que d’observation et de rapidité pour déduire des dés qui viennent d’être lancés quel animal a été vu dans la savane. Il a connu plusieurs éditions en Allemagne, et en Pologne, jamais en France ou aux Etats-Unis. 

Silk Road, conçu avec Ted Cheatham est paru en 2006. Je reste assez fier de ce petit jeu de commerce, d’enchères et de programmation, assez méchant, publié dans une boite trop grande et sans doute un peu tristounette. Il faudrait remettre un peu les mécanismes au goût du jour, mais la base est bonne et, si quelqu’un est intéressé, je suis prêt à me pencher à nouveau dessus.

China Moon est le plus ancien des jeux cités ici, puisqu’il est paru en 1996, mais je trouve qu’il n’a pas mal vieilli. C’est un petit jeu de course familial mais taquin, dont je suis sûr qu’il surprendrait encore aujourd’hui.  

Si le jeu auquel vous pensiez n’est pas dans cette liste, c’est sans doute parce qu’une nouvelle édition est déjà dans les tuyaux, peut-être chez un éditeur étranger qui serait intéressé pour travailler avec vous sur une localisation. Il y a des projets en cours, plus ou moins certains, plus ou moins avancés, pour Castel, l’Or des Dragons, Toc Toc Toc, Formula E, Lost Temple et Mystère à l’Abbaye, certains avec des éditeurs exotiques – c’est à dire ni francophones, ni anglophones – qui peuvent être intéressés par des propositions de localisations. Parlez m’en, et je vous mettrai en contact avec eux.


A publisher whom I shall not name recently told me a fun story about a famous game designer, whom I shall not name either, with a much larger catalog than mine. When this designer presents prototypes to publishers, he declines to say which ones are brand new designs and which ones are older games whose publishing rights reverted to him. It might sound a bit petty, but there’s a sound logic there, a will to have every game judged in itself, no matter the circumstances.

My catalog is too limited to play such a little game, but I sometimes wish I could. I don’t want all my older and out of print designs to be republished. Some didn’t age well and would disappoint even the players who remember them fondly. Others, though, might deserve a second chance, or a second life, for some with a new setting, or with updated rules, or just with new art.

Contrary to the general opinion, boardgames can sometimes be more successful in their second incarnation than in the first one. The first edition of Diamant, by Schmidt, didn’t sell that well and was soon discontinued; when the game was republished later, by Iello in Europe and by Gryphon games in the rest of the world, it became a hit whose sales are still very strong. To a lesser extent, the second editions of Mystery of the Abbey and Mission: Red Planet also sold much better than the first ones. 

Here comes, for any interested publisher who happens to read this blog, a list of out of print games, some only a few years old, some much older, which I think would deserve a new edition. If you want to discuss one of them, just email me at faidutti@gmail.com – with the name of the game in the subject field, it really helps me with managing my emails !

Tonari is a reworking of an older abstract design by Alex Randolph, Veleno. My version is not that old, since it was published only in 2019. The edition looked really nice, and was well received, but the game was dead in the water since its publisher, IDW, decided very soon afterwards to quit the boardgame market.  

A similar story happened to Kamasutra, a zany and provocative party game which was much discussed when it came out, but was never really well distributed and whose only solid sales have been in Japan. The publisher, Vice Games, doesn’t exist any more, and I really would like to see it back in shops, with the cute original art by David Cochard. 

Junggle is a set of several light card games designed with my friend Anja Wrede, using the same deck and based on the same idea, the elephant frightens the lion, the lion frightens the tiger, etc, but of course the small mouse frightens the elephant. If we find a new publisher, Anja can make the art. 

Waka Tanka is still my favorite of all the light card games I have designed. I am convinced that with a different theme, this clever variation on the old Nosey Neighbor principle can be a hit. A new edition is scheduled in South America, but the rights for the rest of the world are available. 

Attila ’s first edition might have suffered from its childish look, which didn’t fit this fast, light abstract strategy game. A new edition should probably have a more sober look, with chess knights as pawns. 

Queen’s Necklace and Mission: Red Planet, both designed with Bruno Cathala, have been relatively successful. Both have already had two different versions, but are now out of print. From time to time, publishers suggest they could be interested in redoing them, but nothing has happened yet. 

Isla Dorada was probably my most ambitious game design. It got good reviews and ratings, but went nevertheless under radar when it was published. I am regularly asked if I still have extra copies for sale – I don’t – and it sells at very expensive prices on online shops. A good sign.

Double Agent, designed with Ludovic Maublanc, is a simple but tricky two player double guessing game, in the same style as Schotten Totten or Hanamikoji. These games sell, so this one can.

Pony Express, designed with avec Antoine Bauza, is a tongue in cheek mix of racing game, bluffing game and dexterity game. Poker dice are indeed used to move, to play poker, and to shoot Indians and opponent cowboys. Believe me, it’s fun.

Bongo is a light and simple dice game, but a dice game with no luck. It’s all about observation, deduction and fast reaction to guess what animal has been spotted in the savannah. It has had several editions in Germany and Poland, but none in France or the US. 

Silk Road, designed with Ted Cheatham, was published in 2006. I’m still proud of this simple and relatively aggressive game of trade, bidding and programming. It was published in a large empty box, with bland graphics, and went totally unnoticed. The mechanisms certainly need some updating, but if someone is interested, I’m ready to work on it.

China Moon, originally published in 1996, is the oldest game in this list, but I think it aged well. It’s light and fast paced racing game, with lots of opportunities to block and hinder opponents. I’m sure it would still feel original today.

If the game you were thinking of is not in this list, it might be because a new edition is already in the pipe, may be by a foreign publisher who would be interested in a localization offer. There are such projects, in various states of advancement and certainty, for Castle, Dragons’ Gold, Knock Knock!, Formula E, Lost Temple and Mystery of the Abbey, some of them with exotic publishers who might be interested in localization proposals. Just email me, and I’ll put you in contact.

C’est dans les vieux pots…
Older Stuff looking for new publishers

Je commence à être un vieil auteur, et certaines de mes créations du début des années 2000 ont récemment connu de nouvelles éditions. Avec des règles mises au goût du jour, plus rapide et plus varié, avec de nouvelles illustrations au look plus moderne, avec parfois un nouveau thème, bien des jeux peuvent connaître une nouvelle jeunesse. Si les nouvelles éditions de Kheops, du Collier de la Reine, d’Emoticon (King’s Life) ou de Babylone (Soluna) sont passées relativement inaperçues, celles de L’Or des Dragons et surtout de Citadelles, de Diamant et de Mission Planète Rouge sont de vrais succès. Les deux dernières se vendent même bien mieux que les jeux d’origine. De nouvelles versions des Pierres du Dragon, de Democrazy, de Terra et, j’espère, de Lost Temple devraient suivre.

Du coup, parmi mes nombreuses anciennes créations, il en est plusieurs dont je me dis qu’elles mériteraient peut-être le même traitement.

Castel et Ad Astra ont été tous les deux conçus à quatre mains (et surtout deux cerveaux) avec Serge Laget. Serge est un peu têtu, et ne laisse jamais tomber ses créations. Du coup, nous avons régulièrement continué à discuter de ces deux jeux et en avons déjà développé de nouvelles versions que nous sommes prêts à présenter. Ça a failli se faire pour Castel, c’est vaguement mais nous n’étions visiblement pas tombé sur le bon éditeur. C’est vaguement en discussion avec un autre, et nous attendrons sa réponse, mais rien n’est sûr.

Animal Suspect, créé avec Nathalie Grandperrin, n’a été publié qu’en France, et Gigamic vient de nous restituer les droits. Ce jeu de mime loufoque, dans lequel les joueurs doivent mimer simultanément animaux et émotions – Mouette Rieuse, Chat Psychopathe, Hanneton en Colère… mériterai certainement, au moins, une édition en langue anglaise. Speed Dating, mon autre création commune avec Nathalie, n’a été publié qu’en français et japonais, et j’aimerais bien aussi le voir un jour en anglais.

Parmi les très nombreux jeux que j’ai conçu avec Bruno Cathala, il aimerait bien voir revenir Chicago Poker. Moi, c’est pour La Fièvre de l’Or que j’ai un faible, d’autant qu’une réédition sur le thème des pirates existe, mais elle n’est disponible qu’en polonais. Il est certainement possible de s’arranger avec l’éditeur polonais pour l’adapter ailleurs.
Vabanque, ma seule collaboration avec Leo Colovini, vient de ressortir, mais la très belle nouvelle édition n’est disponible qu’en langue japonaise.

Je fais de moins en moins de grosses boites, mais j’en ai quelques unes dans mes cartons. Formula E, jeu de course d’éléphant conçu avec Sergio Halaban et André Zatz, bien que fort joliment édité, n’a pas vraiment eu sa chance, faute d’une distribution adéquate. Quelqu’un pourrait réessayer, avec les mêmes dessins ou d’autres…. Silk Road, une collaboration avec Ted Cheatham, mériterait aussi une nouvelle version dans une boite plus petite, et avec quelques petits changements de règles. Je suis particulièrement fier de Isla Dorada, un de mes rares vrais gros jeux, mais il faut sans doute encore attendre quelques années avant de penser à le ressortir.

Il y a aussi les plus petites trucs, les Mythos, Bongo, Corruption, Draco & Co, Toc Toc Toc, Bugs & Co, Lettres de Marque…. L’édition de ce dernier était un peu maladroite, je pense qu’il mérite une deuxième chance sous forme de simple petit jeu de cartes – ou alors, à l’inverse, je peux recycler le système dans un jeu plus conséquent.

Bref, si vous êtes éditeur, et s’il y a là dedans quelque chose qui vous intéresse, parlez-m’en. Il y a bien sûr deux ou trois jeux pour lesquels il faudra que je demande aux co-auteurs et/ou que je m’assure que j’ai bien récupéré les droits, mais en règle général ce n’est pas un problème. Il y en a aussi plusieurs qu’il faudra retravailler un peu, mais c’est mon boulot.

[envira-gallery id="9335"]

I ‘m now a seasoned designer, and some of my old designs from the early 2000’s have recently been republished. With updated rules, usually faster and more varied, with up to date graphics, sometimes with a new setting, many games can start a new career.The new versions of Kheops, Queen’s Necklace, Smiley Face (King’s Life) or Babylone (Soluna) went largely unnoticed, but those of Dragons’ Gold and most of all Citadels, Diamant and Mission: Red Planet are really successful. The two last ones sell much better than the original games did. New versions of Fist of Dragonstones, Democrazy, Terra and, I hope, Lost Temple, are also in the pipe.

Of course, there are a few other older games which, in my opinion, could also deserve a reedition.

Castle and Ad Astra were both design with Serge Laget. Serge is quite stubborn and never abandons his games. As a result, we’ve always kept discussing them, and have already developed new versions ready to pitch to publishers. It nearly worked for Castel, but we clearly didn’t choose the right publisher. We are now discussing with another one, and will wait for its answer first, but nothing is settled yet.

Animal Suspect, codesigned with Nathalie Grandperrin, has only been published in France, and Gigamic just gave us the rights back. This zany party game in which players mimic animals and emotions (Laughing Seagull, Angry Scarab, Psychopathic Cat…) certainly deserves, at least, an English edition. Speed Dating, my other codesign with Nathalie, was only published in French and Japanese, and I’d love to see an english language version.

Among the many games I‘ve designed with Bruno Cathala, the one he would like to see back on the shelves is Chicago Poker. My choice would rather be Boomtown, of which there is a new pirate-themed edition, but available only in Polish. I’m sure an arrangement is possible with the Polish publisher to bring it into another language.
Vabanque, my only codesign with Leo Colovini, has just been republished but this one is only in Japanese….

I’m less and less into bigger games in bigger boxes, but I’ve done a few ones. Formula E, a nice elephant race game designed with Sergio Halaban and André Zatz was gorgeously published but very badly distributed. It deserves a second chance, with the same or with other art. Silk Road, a collaboration with Ted Cheatham, certainly deserves a new and more modest edition, with some streamlining of the rules. I’m extremely proud of Isla Dorada, one of my few relatively heavy games, but it’s probably too early to think of a new version of this one.

Then there’s the small stuff, the Mythos, Bongo, Corruption, Draco & Co, Knock Knock!, Bugs & CoLetter of Marque…. I think the Letter of Marque components do not help, and I’d like to see it back as a simple card game – or may be I should do the opposite and recyckle the core system in something more ambitious.

Anyway, if you’re a publisher and see something there which might be of interest for you, just tell me. there are a few games for which I will have to check with the co-designers if they’re not too ashamed of them, and with the old publishers to be sure I got the rights back, but it usually isn’t a problem. There are also several which needs some update and development, but that’s my job.

Racisme et graphisme dans les jeux aux États-Unis et en Europe
Race and game imagery in Europe and in the USA

Bruno shaman

Une revue universitaire américaine (Analog Game Studies) m’a demandé de retravailler mon article sur “décoloniser Catan” pour en faire un essai plus long et un peu plus sérieusement argumenté. Ce post de blog reprend une annexe à cet essai, annexe consacrée aux problèmes rencontrés outre-Atlantique par les illustrations de deux de mes jeux, une sorte d’étude étude de cas sur la différence de perception, et donc de sens, de certaines représentations entre l’ancien et le nouveau monde. Il m’a semblé que la parution de Waka Tanka était une bonne occasion pour publier ce petit texte ici. Lorsque l’article complet sera publié en anglais, je posterai l’intégralité de sa traduction française.

À deux reprises, d’abord avec Isla Dorada, puis maintenant avec Waka Tanka, les illustrations réalisées en France pour mes jeux ont dû être modifiées par crainte qu’elles soient considérées comme racistes aux Etats-Unis. Mes amis de Days of Wonder ont aussi essuyé des critiques, assez puériles vues d’Europe, sur la présence d’esclaves dans Five Tribes, leur jeu sur les Mille et Une Nuits. Ce qui est intéressant ici, c’est de comprendre comment certaines images, ou certains thèmes, peuvent être perçus comme racistes aux Etats-Unis et pas en Europe, et parfois aussi l’inverse. Lorsqu’un tel problème se pose, et c’est fréquent dans de très nombreux domaines, les européens réagissent habituellement en se moquant de l’hypersensibilité et du politiquement-correct à l’américaine, tandis que les américains critiquent – à tort – l’insensibilité et l’aveuglement des européens et – parfois à raison – leur goût de la provocation. Un autre problème est que les américains sont habitués à voir les critiques du politiquement-correct venir d’une droite plus ou moins décomplexée, réclamant la liberté d’exprimer des idées socialement problématiques, et ne réalisent pas qu’en Europe les attaques viennent autant de la gauche, de tous ceux qui pensent comme moi que l’euphémisation du langage et des représentations est surtout une excuse pour ne pas s’occuper des vrais problèmes sociaux, voire un moyen de les cacher, et que la logique du politiquement correct finit par nuire aux bonnes causes qu’elle est censée défendre.

five tribesfive tribes
L’esclave et le fakir. Je reconnais que le dessin du fakir est meilleur.

Quoi qu’il en soit, et sans doute parce que je suis européen, je n’ai toujours pas vraiment compris quel problème posait la présence d’esclaves dans Five Tribes. Leur absence, voire leur occultation, dans Puerto Rico me met plus mal à l’aise. L’univers de Five Tribes relève de l’imaginaire orientaliste, celui de Puerto Rico est plus historique, mais les esclaves étaient présents dans ces deux mondes. Les remplacer par d’euphémistiques colons, ou par des fakirs quand il y a des centaines d’esclaves mais pas un seul fakir dans tout le texte des Mille-et-une-nuits, semble surtout un moyen d’ignorer, voire d’effacer, les passages les plus gênants de notre histoire. Cela ne contribue en rien à lutter contre l’orientalisme ou le racisme, cela n’aide pas non plus à les comprendre, cela les cache simplement d’une manière très superficielle et un peu hypocrite.

Ce qui m’est arrivé – ou, plus précisément, qui est arrivé à mes illustrateurs et mes éditeurs – est plus intéressant.

Isla Dorada est un compendium de clichés orientalistes sur diverses cultures, souvent allègrement mélangées. Tout dans son thème et ses illustrations relève de la caricature. Lorsque mes amis de Fantasy Flight Games prirent la décision de le publier en anglais, ils tiquèrent devant l’une des illustrations, le sauvage noir de la tribu des Ovetos, et demandèrent à l’éditeur français de la modifier car elle était, pour eux, à la limite du racisme. J’ai demandé le point de vue du seul auteur de jeu noir que je connaisse, Eric Lang, qui travaillait alors avec Fantasy Flight Games, et cette illustration ne lui posa aucun problème – mais il est aussi canadien, et donc à demi européen.

L’éditeur et l’illustrateur français réagirent de la manière habituelle « il n’y a rien de raciste, mais les américains sont un peu paranos sur ces questions, on va modifier le dessin ». Le problème de l’éditeur américain était que le cliché exploité par l’illustrateur n’était pas politiquement correct, le problème de l’illustrateur français était d’être fidèle à un cliché qui n’avait rien de politique, et qui était le véritable thème du jeu.

Là où les choses deviennent amusantes, c’est que nous nous sommes dans un premier temps trompés sur ce que les américains trouvaient raciste dans cette image. Nous avons pensé que c’était l’os qui traversait le nez du sauvage, alors que c’était ses lèvres proéminentes. Cela montre qu’une caricature n’est jamais raciste en elle-même. Nul ne fronça un sourcil lorsque le jeu fut publié outre-Atlantique avec un noir aux lèvres fines et au nez percé et décoré. Les codes définissant ce qui est raciste et ne l’est pas ne sont tout simplement pas les mêmes des deux côtés de l’océan. Pour nous, et pour moi, l’os, avec son côté “sauvage et barbare” était peut-être un peu limite, les lèvres, n’étant qu’un attribut physique, ne posaient pas plus de problème que des cheveux frisés – mais il est vrai que notre personnage est chauve.

Isla Dorada - Ovetos Isla Dorada - Ovetos Isla Dorada - Ovetos
Trois versions successives de la carte Ovetos :
L’original, une première version rapidement corrigée avec des grosses lèvres mais la peau claire, et la version publiée, à laquelle les lèvres fines donnent un aspect cruel.

C’est un peu la même histoire qui est arrivée à Waka Tanka. Comme je l’ai expliqué précédemment, nous n’avons pas en Europe les mêmes complexes que les américains pour parler des indiens d’Amérique, un peu parce que, nous, nous ne leur avons rien fait mais surtout parce que l’image exotique que nous en avons est construite autant sur la similitude que sur l’étrangeté. Quoi qu’il en soit, un éditeur brésilien a décidé d’éditer ce jeu pour le marché américain. Il fut aussi surpris que moi, et que l’illustrateur, en apprenant que l’image de couverture risquait de passer pour une caricature ouvertement raciste. Bien sûr, nous nous sommes d’abord moqués du fait qu’il était impossible de dessiner un indien qui ressemble à un indien, mais après quelques discussions sur les forums de joueurs, il est apparu que le problème était, là encore, très spécifique. Ce n’était pas tant l’univers exotique des indiens des plaines, présent dans bien des jeux européens déjà vendus en Amérique, que la figure du vieux chef au premier plan, qui rappelait à tous les américains les « Cigar Store Indians », une image dont je ne connaissais que vaguement l’existence, mais qui est un peu l’équivalent américain de notre “noir banania”.

Pour les deux jeux, les premières discussions entre européens (et brésiliens) d’un côté, et américains de l’autre, ont consisté à argumenter, à expliquer que l’image était, ou n’était pas, raciste. Bien sûr, cela était vain, car la même image peut être raciste en Amérique et pas en Europe, selon les éléments de représentation qui sont devenus les codes arbitraires du discours raciste, et accessoirement selon le fait qu’une caricature est en elle même tenue ou non comme quelque chose d’insultant.

C’est pour cette raison que, même si cela coûte un petit peu plus cher, l’éditeur français de Waka Tanka a décidé de conserver la couverture initialement prévue pour l’Europe, et a demandé à l’illustrateur, David Cochard, d’en réaliser une autre pour les Etats-Unis. David s’est même fendu sur Facebook d’un petit billet d’humeur fort bien vu dans lequel il expliquait ce qu’est une caricature. Pour lui, comme d’ailleurs pour moi si j’avais su dessiner, ne pas être raciste consiste à caricaturer tout le monde de la même manière, tandis que refuser de caricaturer certains groupes aurait été à la fois raciste et paternaliste.

Waka Tanka - CoverWaka Tanka US - Cover
Les couvertures françaises et américaines de Waka Tanka

Nous avons aussi envisagé de déplacer l’action dans les îles du Pacifique, en remplaçant le totem par un tiki. Cela nous aurait permis, une fois le jeu publié sans que nul n’y trouve à redire, de faire remarquer ironiquement qu’alors qu’il y a plus de polynésiens que d’indiens d’Amérique, seuls ces derniers posent problème. Cela aurait cependant obligé à refaire toutes les illustrations et aurait donc coûté plus cher, et l’histoire des esprits animaux aurait moins collé à l’univers polynésien. Et puis, j’ai un autre jeu avec des tikis qui arrive bientôt, on va bien voir comment il sera reçu…. Il reste que, dans un monde ou les produits et les images sont mondialisés plus rapidement que les idées, ce genre de problème risque de se poser de plus en plus fréquemment.


Bruno grand shaman 

A US academic review, Analog Game Studies, has asked me if I could expand on my post about “postocolonial Catan” to make a longer and more scholarly essay out of it. The new version of this articles, which develops some new themes, will be published in the second volume of the print edition of Analog Game Studies. The following post was originally intended as an annex about the problems we encountered in the US with the art for two of my games. It is a case study of the difference in the perception, and therefore in the meaning, of  representations between the European and the American culture. I think that the publication of Waka Tanka, first in a French and in a few months in English, is a good oportunity to post this short text here,

 Two times, with Isla Dorada and now with Waka Tanka, there has been problems with the graphics in my games, which had to be changed by fear that they would be considered racist in the US. My friends at Days of Wonder also experienced unexpected (and incomprehensible from Europe) attacks about the presence of slaves in their 1001 nights boardgame Five Tribes. I think there is something interesting in why some pictures or themes can be seen as racist in the US and not in Europe. When such an issue occurs, and it happens very often in various industries, the usual reaction on this side of the Atlantic is to mock American oversensibility and political-correctness, while the US point is to consider Europeans insensitive – which they are not – or provocative – which they might be. Another problem is that Americans are used to see attacks on political-correctness come mostly from the right, meaning from people who want the freedom to express problematic ideas, and don’t realize that many European attacks are coming from the left, from people who think, as I do, that euphemizing language or representation is mostly an excuse not to deal with “real world” social or racial issues, and even to hide them. As a result, undiscriminate political-correctness applied to language and representation ends up harming the very cause it was supposed to foster.

five tribesfive tribes
Slave and Fakir. At least, the art for the fakir is better.

Anyway, may be because I am a European, I still don’t really understand what exactly was the problem with the presence of slaves in Five Tribes and, as I wrote earlier, I find their absence in Puerto Rico much more unsettling. Five Tribes has a fantasy and extremely orientalist setting, Puerto Rico has a more historical one, but both settings include slaves, and replacing them with so-called “colonists” or with fakirs, when there are hundreds of slaves but not a single fakir in the whole text of the 10001 nights, looks like a way to simply ignore, to erase, the problematic parts of our history. It’s not getting rid of orientalism or racism, it’s not even helping to make sense of it, it’s just euphemizing them in a very superficial, and some would say hypocritical way.

What happened to me, or at least to my illustrators and publishers, with the graphics of two different games is more interesting.

Isla Dorada is a compendium of orientalist clichés from several different – and often lightly mixed – cultures. Everything in its theme and its graphics is caricature. When Fantasy Flight Games decided to publish it in the US, they frowned at one of the pictures, a black savage of the Ovetos tribe, and asked the French publisher to change it because it bordered on racism. Actually, the only black boardgame designer I know, Eric Lang, who was working with Fantasy Flight Games at that time, didn’t have any issue with picture, but he’s also a Canadian, which means half a European.

The French publisher, and the artist, reacted in the usual way “OK, it’s not racist, but Americans are a bit paranoid when it comes to these issues, let’s change it”. In fact, the problem for the US publisher was whether the cliché was politically acceptable, while the problem for the French artist was to be esthetically true to the cliché, which is the real theme of the game.

Where it becomes really fun, is that we first mistook what Americans thought racist in the picture – it was the fat lips of the character, when the artist first thought it was the bone through his nose. This shows that an exotic caricature is not racist per se – no one raised an eyelash when the game was published in the US with a thin lipped black tribesman sporting a bone through his nose – but that the codes defining what is racist and what isn’t are not the same in Europe and in the US. For us, and for me, the bone, which could suggest “cultural backwardness” was borderline, while the lips, being a physical feature, were no more problem than fuzzy hair – well, this Ovetos is actually bald, but you see what I mean.

Isla Dorada - Ovetos Isla Dorada - Ovetos Isla Dorada - Ovetos
Three versions of the Isla Dorada Ovetos card :
Naiiiade’s original, a first reworking with white skin, and the final version with black skin and thin lips. The thin lips make him look more cruel.

A very similar story happened with the cover art for Waka Tanka. As I said before, we don’t much care for stereotypes in the representations of American Indians in Europe. The main reason is not the obvious one, that we didn’t kill them – our cousins did – , it is that the exotic image we have of them is universally positive, and based as much on sameness than on otherness. Anyway, a Brazilian publisher decided to bring the game to the US, and was as surprised as me, the illustrator, and the French publisher when told the cover picture of the game was overtly racist. Of course, we first mocked the idea that it was impossible to draw an American Indian who looks like an American Indian, but after some discussions on game forums, it appeared that the issue was, once more, extremely specific. The problem was not the exotic and unrealistic setting, which is common in European games and didn’t create any problem so far, but the figure of the old chief in the foreground, which reminded every American of the “Cigar stores Indian” – an image I didn’t even know about.

For both games, the first steps in the discussion between European (and Brazilians) and Americans were trying to prove that the picture was, or wasn’t, racist. Of course, this was vain, since the answer is that the same picture can be racist in the US and not in Europe, or the reverse, depending on what part of the representation of the other has become the accepted sign of racism, and whether the very act of caricature is considered insulting or not.

It is to emphasize this that, even when it means some added costs, the French publisher of Waka-Tanka has decided to keep the original cover in Europe, while the artist, David Cochard, was commissioned a new one that will be used only in the US. David even wrote a fun and clever, but also a bit angry, reaction on Facebook in which he explained that he was a caricaturist, and that not being racist meant caricaturing everyone in the same way, while refusing to caricature some groups would have been both racist and patronizing.  

Waka Tanka - CoverWaka Tanka US - Cover
The French and US covers for Waka Tanka

We also considered relocating the action in Polynesia, and replacing the totem with a tiki. This could have been fun in order, after the game had been published and raised no eyelash anywhere, to point at the irony that while there are far more Polynesians than American Indians, the latter were an issue and not the former. But changing all the graphics would have been expensive, and the animal spirit storyline would not have fitted as well in the new setting. And anyway, I have another game with tikis in the pipe, we’ll see what happens….. But, indeed, such issues will cause more and more problems in a world where products and images are globalized much faster than ideas.

Elfenroads

pic2578236_md

Vous vous souvenez d’Elfenland, d’Alan R. Moon, l’un des meilleurs jeux de société des années 90, ou de son grand ancêtre Elfenroads ?
Ce jeu fabuleux, qui fut l’une de mes inspirations pour Isla Dorada,est de retour en boutique. La très grosse boite s’appelle Elfenroads, mais elle contient en fait Elfenland, son extension Elfengold, et une nouvelle carte, Elfensea, et l’ensemble est fort joli. Je n’ai pas encore joué sur cette dernière carte, mais j’ai lu les règles et je vois très bien l’idée – introduire un peu plus de compétition et d’inattendu, ce qui est une excellente idée.

Bref, c’est la nouvelle du moment pour moi, et j’ai l’impression que personne n’en parle !

pic2546156_md

Et si vous aimez Elfenland, jetez aussi un coup d’œil à Broom Service, d’Andreas Pelikan et Alexander Pfister. Quand on joue à Broom Service, on a un peu l’impression de jouer en même temps à Elfenland et à Citadelles.


pic2578236_md
You remember Alan R. Moon’s Elfenland, one of the best boardgames of the 1990s, or its even older and larger version Elfenroads ?
This outstanding game, which was one the inspirations for Isla Dorada, is back in print. It’s a very big box, with cute graphics. It’s called Elfenraods, but it’s in fact Elfenland with the Elfengold expansion, and with a new map, Elfensea. I’ve not played Elfensea yet but the rules look very, very interesting, bringing more competition into the game.

I wonder why no one talks about it.

pic2546156_md

If you like Elfenland, you should also have a look at Andreas Pelikan & Alexander Pfister’s Broom Service. It feels a bit like playing both Elfenland and Citadels at the same time.

Figurines peintes
Painted Minis

Shaman 1

Je suis toujours impressionné lorsque, au hasard de mes déambulations sur la toile, je découvre des photos de mes jeux “customisés”, avec souvent des figurines peintes avec soin. C’est quelque chose qu’il ne me viendrait pas à l’idée de faire, parce que je n’ai ni le talent, ni la patience pour cela – mais je suis toujours bien content de voir le résultat. Passant hier chez Matagot, j’y ai vu un set de figurines peintes pour Raptor, que je me suis empressé de photographier. Du coup, de retour chez moi, j’ai trainé une petite heure sur le boardgamegeek à la recherche d’autres photos de figurines peintes empruntées à l’un de mes jeux – et j’en ai trouvé de superbes. J’ai donc chipé la plupart de ces images sur le boardgamegeek, et j’essaie de citer leurs auteurs, mais ne dispose souvent que de leur pseudo…
Alors, bien sûr, je ne suis pas Eric Lang ou Corey Konieczka – si ces deux là s’amusent un jour à faire ce genre d’articles, ça aura vraiment de la gueule, avec monstres chtulhoides et armada spatiales.

Raptor
Les figurines de Raptor, surtout les bébés, sont très petites, et la peinture a dû être difficile. Au fait, saviez-vous que si leurs squelettes permettent d’avoir une bonne idée de la taille et de la silhouette des animaux préhistoriques, nous n’avons à peu près aucune idée de leur couleur – peut-être les raptors étaient-ils roses, ou bleus.
raptor

Maman Raptor protégeant ses petits.

Mission : Planète Rouge
Les petits disques de bois de la première édition ne se prêtaient guère à la customisation, même si certains joueurs les avaient remplacés par les astronautes de Buck Rogers, Battle for the 25th century. La nouvelle édition étant réalisée par fantasy Flight Games, elle se devait d’avoir de jolies figurines.

mission red planet paint1
Les six compagnies minières, par Akamas Nairb

mission red planet paint2
Non, il n’y rien de ce genre sur Mars – enfin, je crois

Novembre Rouge
Tout est petit dans Mission Planète Rouge, la boite, les cartes, les jetons, les figurines… mais cela n’a pas empêché des artistes minutieux de peindre les courageux sous-mariniers gnomes, voire même de réaliser un submersible en 3D.
Evereything is tiny in Red November, the box, the cards, the tokens and, of course, the miniatures, but this didn’t prevent meticulous artists to paint the gnome submariners – and even in at least one case to build a complete 3D mockup of the submarine.

red november paint1 pasi ojala
L’équipage du Red November, par Pasi Ojala

red november maxime ferrette
Et un incroyable sous-marin en volume, par Maxime Ferrette…..

Formula E
Même les pions en bois, les meeples, peuvent être peints, pour le meilleur effet, comme on le voit avec ces éléphants de Formula E.

pic2235598_lgpic2235600_lg
Images et, j’imagine, peinture de Michael Groll

Isla Dorada
Je n’ai jamais compris pourquoi Isla Dorada ne s’est pas bien vendu – c’est l’un de mes meilleurs jeux, et l’édition est absolument magnifique. Il n’y a certes dans la boite que trois figurines, Bigfoot, le Monstre marin et l’expédition, mais quelles figurines. Les peintres se sont donc fait plaisir, et les images ci-dessous ne sont qu’une toute petite partie de celles que vous pouvez découvrir sur le boardgamegeek.

isla dorada bjorn vije isla dorada claudio dal'osso isla dorada dr Willett isla dorada kal jason isla dorada mario marklefka isla dorada original dibbler
Les trois grosses bêtes d’Isla Dorada peintes par Bjorn Vije, Claudio dall’Osso, dr Willett, Kai Jason, Mark Lefka, Dibbler & David G. Cox

Mystère à l’Abbaye
C’est un peu comme pour Novembre Rouge – il n’y a que six petits pions. Il faut les peindre de couleurs qui bien distinctes mais néanmoins toutes assez monastiques, c’est à dire ternes.
mystery kevin schnell
Kevin Schnell
mystery teamski

Teamski

Warrior Knights
Je ne considère pas Warrior Knights, dans le développement duquel je n’ai joué qu’un rôle mineur, comme un de mes jeux – mais, bon, il y a mon nom sur la boite, et quelques superbes photos de chevaliers sur le Boardgamegeek.

warrior knights andy watkins
Andy Watkins
warrior knights jim stevens
Jim Stevens

Diamant
Et pour finir, Diamant, un mignon bricolage de Steve Holden. Ça, j’aurais pu le faire.

diamant steve holden


Shaman 1

I’m always impressed when, while browsing the web boardgame sites, I discover “customized” versions of my game designs, often with carefully painted minis. This is something I would never do, in part because I am lazy, in part because I have absolutely no talent for it, but I’m often fascinated by the result.  Yesterday, I happened to visit the Matagot office in Paris, and saw there a set of painted minis for Raptor. I took a picture of them and, back home, started to browse the boardgamegeek, looking for other such painted minis from one of my games – and I found a few gorgeous ones. This means most of the pictures below have been “stolen” from the boardgamegeek, and the painters are usually credited just with their BGG pseuso – if they want me to give their full name, they can email me.
Of course, I’m not Eric Lang or Corey Konieczka – when these ones will write this kind of blogpost, it will be much more impressive, full of huge monsters and space armadas.

Raptor
The Raptor miniatures are really small – may be a bit too small – especially the baby raptors, and painting them must have been difficult. By the way, did you know that, while we know from their skeletons most almost everything about the size and shape of prehistoric animals, we have almost no idea of their colour. Raptors might well have been pink or blue.
raptor

Mummy Raptor protecting her babies.

Mission : Red Planet
The wooden disks in the first edition of Mission Red Planet didn’t call for customization, though some players replaced them with minis fropm other games, notable Buck Rogers, Battle for the 25th Century. Since the new edition is published by Fantasy Flight, it had to have minis – here they are, painted.

mission red planet paint1
The six mining companies, painted by Akabas Nairb.

mission red planet paint2
Well, well, well…. afaik, there’s nothing like this on Mars

Red November
Evereything is tiny in Red November, the box, the cards, the tokens and, of course, the miniatures, but this didn’t prevent meticulous artists to paint the gnome submariners – and even in at least one case to build a complete 3D mockup of the submarine.

red november paint1 pasi ojala
The Red November team, by Pasi Ojala

red november maxime ferrette
And an invredible 3D submarine, by Maxime Ferrette.

Formula E
Even wooden meeples can be painted like plastic miniatures, as one can see from this gorgeous racing elephants from Formula E.

pic2235598_lgpic2235600_lg
Pictures and, probably, painting by Michael Groll.

Isla Dorada
I still wonder why Isla Dorada didn’t sell. I consider it to be one of my very best designs, and the edition was gorgeous. There are only three minis in the box, bBigfoot, the Sea Monster and the Expedition, but they are huge and calling for paint. These are only a small smaple of the many pictures you will find at the Boardgamegeek.

isla dorada bjorn vije isla dorada claudio dal'osso isla dorada dr Willett isla dorada kal jason isla dorada mario marklefka isla dorada original dibbler
The three big minis in Isla Dorada painted by Bjorn Vije, Claudio dall’Osso, dr Willett, Kai Jason, Mark Lefka, Dibbler & David G. Cox

Mystery of the Abbey
Like in Red November, there are only a few small player’s pawns. What makes it a real chalenge is that the colors must be different enough, while always looking a bit drab and monastic.
mystery kevin schnell
Kevin Schnell
mystery teamski

Teamski

Warrior Knights
I don’t really consider Warrior Knights as one of my own games by, anyway, my name is on the box, and there are some really nice pictures of painted knights at the BGG.

warrior knights andy watkins
Andy Watkins
warrior knights jim stevens

Jim Stevens

Diamant
And, last but not least, Steve Holden’s take on Diamant – this I could have done.

diamant steve holden

Isla Dorada

C’est sans doute son côté un peu daté, un peu classique, qui fait que je suis si attaché à Isla Dorada. Même si ses mécanismes sont sur bien des points originaux, c’est un jeu qui n’aurait sans doute guère surpris s’il était arrivé sur les tables de jeu il y a une quinzaine d’années, à l’époque des Catan, Tikal , San Marco ou autres Elfenland. Ce n’est pas complètement un jeu à l’allemande, puisque l’on y trouve un peu du chaos et de l’interaction qui sont, paraît-il, ma marque de fabrique, mais c’est un jeu à l’ancienne, poids moyen, convivial et sans doute consensuel. Paru il y a dix ans, il serait peut-être devenu « un classique ». Peut-être peut-il encore le devenir, comme c’est arrivé à un autre jeu fabuleux paru dix ans trop tard, Les Aventuriers du Rail, le chef d’œuvre de mon ami Alan R. Moon.

Les joueurs sont d’intrépides aventuriers dont le zeppelin vient de s’écraser au centre d’une île mystérieuse et inexplorée, où la légende veut que d’anciennes civilisations aient laissé d’incroyables richesses.
Pas d’autre choix, donc, que rester groupés et d’entamer l’exploration de l’île. Au cœur des ténèbres, les explorateurs vont traverser la jungle à dos de gorille, affronter pygmées cannibales et monstres marins, faire face à de terribles malédictions et, si tout va bien, rentrer dans le vieux monde avec de fabuleux trésors.

Si vous avez regardé attentivement le logo d’Isla Dorada, en haut de cette page, vous avez sans doute remarqué trois noms, en plus petits caractères, en dessous du titre du jeu. Le premier est celui d’Alan R. Moon, auteur notamment des Aventuriers du Rail et d’Elfenland, et avec lequel j’ai travaillé sur Diamant et De l’Orc pour les braves. Les deux suivants sont ceux d’Andrea Angiolino et Pier-Giorgio Paglia, surtout connus pour le jeu de combat aérien Wings of War.

Elfenroads, d’Alan R. Moon, et plus tard son successeur Elfenland, ont toujours été parmi mes jeux de société préférés. Il fut un temps où j’y jouais presque chaque semaine. J’appréciais non seulement le jeu, mais aussi les superbes plateaux de jeu dessinés par Doris Matthäus. Ces plateaux me plaisaient tant que je tentais d’imaginer d’autres jeux qui puissent se jouer sur la carte routière du pays des elfes.

Un soir, après avoir joué pour la première fois à Ulysses, d’Andrea et Pier Giorgio, l’idée était là. Le plateau d’Elfenland, les chemins d’Elfenland, les cartes d’Elfenland, mais un unique pion pour tous les joueurs, que chacun chercherait à manœuvrer à son avantage, comme les dieux de l’Olympe jouant avec les vents pour pousser le vaisseau d’Ulysse. Je travaillais alors déjà, avec Ted Cheatham, à la Route de la Soie, qui utilise également un pion unique pour tous les joueurs, et j’avais aussi joué à La Fureur des Dieux, de Dominique Ehrhard, mais la manière dont le vaisseau d’Ulysse était déplacé dans le jeu d’Andrea et Pier-Giorgio convenait parfaitement au pays des elfes. Quelques jours plus tard, j’avais rédigé une ébauche de règle et imprimé les cartes objectifs de « Ulysses in Elfenland », sans doute le meilleur titre de jeu depuis « Merchant of Venus ». Les tests suivirent aussitôt. Le jeu tournait bien, mais il n’était pas exceptionnel, et je ne savais plus trop qu’en faire. Cela valait-il la peine de consacrer du temps et de l’énergie à un projet qui me séduisait, mais qui était très largement inspiré de deux jeux existants.

J’en parlais donc avec Alan Moon, et avec les auteurs d’Ulysses. Alan n’était guère intéressé par un autre jeu joué sur le plateau d’Elfenland, peut-être parce qu’il craignait que les joueurs ne comparent les deux jeux et ne préfèrent le mien. Le risque était pourtant bien faible, tant Elfenland (et plus encore Elfenroads) est un jeu fabuleux, alors que mon projet n’était qu’un assez bon jeu, en partie peut-être parce que le plateau n’avait pas été vraiment conçu pour lui. J’étais en particulier gêné par la cité isolée de Kiroma.

J’entrepris donc de dessiner un plateau spécifique pour « Ulysses in Elfenland », qui était entretemps devenu « la caravane des marchands ». Parce que l’idée m’amusait, et parce que cela permettait de maintenir quand même l’idée initiale, je concevai un plateau bien plus approprié à mon jeu, mais sur lequel il restait possible de jouer à Elfenland. Avec l’accord d’Alan, Andrea et Pier-Giorgio, je proposai « la Caravane des marchands » à Amigo, suggérant qu’ils le publient tout à la fois comme un jeu à part et comme une extension d’Elfenland. Après bien des hésitations, Amigo déclina l’offre, sans doute avec raison car mon jeu n’était pas aussi bon qu’Elfenland et aurait souffert en comparaison, et car la nouvelle carte n’apportait pas grand chose à Elfenland. Je conservai cette version quelques années, y jouant occasionnellement. Je l’aimais bien, certains de mes testeurs l’aimaient beaucoup, mais il y manquait toujours quelque chose.

L’étape suivante fut de renoncer à ce qui avait été l’idée originale du jeu – la compatibilité avec Elfenland. Cela me permit de résoudre, en quelques semaines, tous les problèmes que j’avais depuis des années avec la Caravane des marchands. Je réduisis le nombre de cités, réunis les routes de plaine et de forêt, changeai la répartition des terrains, et finis même par faire du pays des elfes une grande île avec des ports de mer permettant de se rendre rapidement d’un coin à un autre du royaume. Andrea et Pier Giorgio s’impliquèrent alors aussi dans le projet, faisant de nombreuses suggestions de cartes et de règles, dont certaines provenaient directement de la nouvelle version d’Ulysses sur laquelle ils travaillaient en même temps. Nous implentâmes donc rapidement tous les ajustements qui auraient dû être faits depuis longtemps, et ne l’avaient pas été tant que j’étais coincé par la compatibilité avec Elfenland. La capitale, Elfenburg, devint Kingsburg, ce qui me permit de rebaptiser d’autres cités du nom de jeux de la ludothèque idéale. On pouvait voyager de Key Largo à Yspahan, de Carcassonne à Funkenschlag.

Cette nouvelle version suscita plus d’intérêt chez les éditeurs, notamment chez mes amis de Days of Wonder. Le prototype finit par atterrir chez un des leurs amis et voisins, Philippe Nouhra, de Funforge, qui décida de le publier. Philippe appréciait le système de jeu mais il trouvait cependant, avec raison sans doute, que déplacer une caravane de marchands dans un royaume médiéval vaguement fantastique n’était pas quelque chose de très excitant. Il eut alors une idée géniale : faire des joueurs des explorateurs sur une île oubliée, dans un univers à la Tarzan. De l’avis de tous les joueurs, le nouveau thème est bien plus amusant et tout aussi cohérent que l’ancien – même si nous ne savons toujours pas très bien pourquoi l’expédition a installé son camp de base au centre de l’île et non sur la côte où elle a débarqué (bon, je viens de recevoir un mail de Philippe dans lequel il m’explique que le dirigeable des explorateurs, pris dans une tempête, s’est crashé à cet endroit là).

Je suis habituellement très critique des éditeurs qui souhaitent modifier le thème d’un jeu, mais je dois admettre que, cette fois-ci, cela a rendu le jeu bien meilleur, plus exotique, plus drôle.
Le nouvel univers, plus décalé, permit aussi d’imaginer de nombreuses nouvelles cartes, pygmées cannibales, pandas tueurs, singes volants et même dirigeables. Ces cartes ne rendent pas seulement le jeu plus thématique, elles le rendent aussi plus fluide, plus dynamique, en ajoutant des possibilités d’interaction et en permettant des mouvements plus rapides. Et l’illustrateur des cartes Naiiade, s’en est donné à cœur joie!

J’ai travaillé plus de dis ans sur ce jeu. Il y a eu des dizaines de versions, des centaines de tests. Aucun de mes autres projets ne m’a demandé autant d’efforts À vous, maintenant, de me dire si cela en valait la peine. Le jeu publié a finalement bien peu en commun avec Elfenland, si ce n’est l’allure générale du plateau de jeu et le fait que les cartes y représentent des moyens de transport. En revanche, on y trouve toujours l’idée centrale de Ulysses, les enchères à l’aide de cartes pour déterminer ou le navire, la caravane, l’expédition va se rendre.

Isla Dorada
Un jeu de Bruno Faidutti, Andrea Angiolino, PierGiorgio Paglia, Alan R. Moon,
Illustré par Naiiiade et Gorg
3 à 6 joueurs – 90 minutes
Publié par FunForge (2010)
Tric Trac    Boardgamegeek


Isla Dorada is one of my favorite designs, probably because of its old style feel, its classic look. Even when some of its game systems are quite original, this game would not have surprised gamers if it had been published fifteen years ago, in the times of Catan, Tikal, San Marco or Elfenland. Isla Dorada is not completely a “German style” game, since it has some of the typical Faidutti chaos and interaction, but it’s an old style, middle weight, convivial and family-fare boardgame. If published ten years ago, it might have become “a classic”. Well, may be it still can – after all, that’s what arrived to another game published ten years after its time, Alan R. Moon’s masterworks, Ticket to Ride.

Players are bold explorers whose zeppelin just crashed in the center of a mysterious and unexplored island where legends tell that ancient civilizations have left fabulous treasures.
Together, players will enter the heart of darkness and explore the unknown island, cross the jungle on gorillaback, witness savage rituals, avoid the lake monsters and deal with the the many vicious animals and other dangers of Isla Dorada, the Gold Island. Then, if they are valorous and lucky enough, they will find the treasures and bring them back to the old world.

If you’ve had a close look at the game’s logo at the top of this page, you’ve probably noticed three other game designers names, in smaller fonts, under the Isla Doarada. The first name is Alan R. Moon, the author of Ticket to Ride, of Elfenland, and with whom I codesigned Diamant and For a few Orcs more.  Then come Andrea Angiolino and Pier-Giorgio Paglia, mostly known for Wings of War.

Alan Moon’s Elfenroads, and later Elfenland, have always been among my favorite boardgames, and there was a time when I played one of them almost every week. I liked the games, and  I also liked the gorgeous Elfenroad and Elfenland boards, both painted by Doris Matthäus. I liked them so much that I wanted to use them more and started to think of other games that could be played on the Elfenroads or Elfenland board.

One day, after playing for the first time Andrea Angiolino & Pier Giorgio Paglia‘s Ulysses, I knew the game was here – the Elfenland board, the Elfenland tracks, the Elfenland transportation cards, but only one pawn for all players, like Ulysse’s ship, that all player will try to move in different directions, to different cities, like the Greek gods playing with the Mediterranean winds. I was already working on the Silk Road, which also used a common caravan pawn for al players, and I had met another Ulysses Ship in Dominique Ehrhard’s Odysseus, but the way this system was used in Ulysses obviously fitted perfectly with the Elfenland board. A few days later, I had written the rules and printed the cards of “Ulysses in Elfenland”, which could have been the best game title since Avalon Hill’s “Merchant of Venus”. The game was good, but not great, and I didn’t really know what to do with it, and if t was worth working more on it, since it was mostly a deliberate derivative from two existing games.

I talked about it both with Alan Moon and with Ulysses’ authors, Andrea Angiolino and Pier-Giorgio Paglia. Alan didn’t like the idea of another game to be played on the Elfenland board, may be because he was afraid some players will compare both games and prefer mine – which was, in fact, very unlikely since Elfenland is a real masterwork (well, I still prefer Elfenroads) and Ulysses in Elfenland was just an OK game, in part due to the fact that the board had not originally been devised for it. There was, among others, a problem with the isolated city of Kiroma.

So, the next step was to make a board specifically designed to fit “Ulysses in Elfenland”, which in he meantime had been renamed “Merchants Caravan”. Mostly because I found the idea fun, as a kind of tribute, I made a board which was much better for Merchants Caravan, but on which you could also playe Elfenland, and with Alan, Andrea and Pier-Giorgio’s agreement, proposed it to Amigo, who already published Elfenland, suggesting they publish it both as an original game and an Elfenland expansion. After a long hesitation, Amigo declined it. They were probably right in doing so, since my game wasn’t as good as Elfenland and would have suffered in the comparison. Also, the new board didn’t add much to Elfenland. I kept this version of the game a few more years, playing it occasionally. I liked it, some of my friends liked it a lot, but I always had the feeling something was still missing.

This allowed me to solve quite easily, in a few weeks, most of the problems I had for years with Merchant Caravan. I reduced the number of cities, merged the plain and forest tracks, changed their distribution for something more even, moved the kingdom to a large island with seaports where you could take a ship to the other side of the board. Andrea and Pier Giorgio also became more involved in the design at this point, probably feeling the the game was, at last, becoming worth of all the work that had been put in to it. They took part in the tests, sent me some comments, suggested cards and adjustments, some of which came directly from the new version of Ulysses on which they were simultaneously working. So we made all the changes I should have made for years to improve the flow and balance of the game, and which I could not do as long as I was stuck by the Elfenland compatibility. The capital, Elfenburg, became Kingsburg, and I took the opportunity to rename all the other cities on the board from various boardgames I like. There were cities named Carcassonne, Yspahan, Elasund and even Funkenschlag.

This version raised some interest from several publishers, was very seriously considered by my friends of Days of Wonder. Anyway, they finally did not make it but it’s a friend and neighbor of them, Philippe Nouhra of Fun Forge, who finally decided to publish it. Philippe liked the system and the flow of the game but he rightly thought that moving a merchant caravan in a half fantasy mediaeval kingdom was not something extremely exciting. Philippe had an idea for the new theme, an expedition of treasure hunters on a lost island, in a Tarzan-like universe, and asked me to implement it. This new storyline fitted as well as the original, except that we still have to find why the expedition has its base camp in the center of the island and not on the coast (Just got an email from Philippe in which he explains that the explorers’ airship was caught in big storm and crashed in the center of the island).

Im’ usually weary of publishers trying to change the theme of a game, but I must admit that, this time, it was a really great idea which makes the game feel completely different, more fun, more exotic. The new setting allowed us to add cards such as airship, cannibal pygmies, shaman and tribe war make the game much more exotic, dynamic and eventful. Not only do these cards add to the exotic feel of the game, but they also make the system much more fluent and dynamic, with more opportunities for interaction and for fast movement. And they really inspired Naiiade, the illustrator who drew the card pictures.


This game has been in the work for ten years. None of my designs have had so many versions, so many tests. There’s no other game design on which I have worked so much and for so long. I hope it was really worth it. It has now very little in common with Elfenland, mostly the overall look of the board and the fact that it uses transportation cards, but it still has the core idea of Ulysses, the card auction to decide where the ship, or the caravan, or the expedition will move to.

Isla Dorada
A game by Bruno Faidutti, Andrea Angiolino, PierGiorgio Paglia, Alan R. Moon,
Graphics by Naiiiade & Gorg
3 to 6 players – 90 minutes
Published by FunForge (2010)
Boardgamegeek

Iles mystérieuses et eldorados
Mysterious Islands and eldorados

Les îles au trésor un peu mystérieuses sont dans l’air du temps. Si le nom n’avait pas été déjà pris, Isla Dorada aurait bien pu s’appeler Tobago, Atlantis ou Forbidden Island – l’île interdite.

Le thème de l’île mystérieuse se prête très bien au jeu, avec l’exotisme, la jungle, les trésors, le tout en vert et or flamboyants – même si la couverture de Valdora montre curieusement un décor de montagne sur fond bleu. Si l’île menace de s’enfoncer sous les eaux, ou si le volcan local montre des signes de colère, c’est encore mieux.  Côté mécanisme, cela permet de jouer sur une carte topographique, toujours plus agréable qu’un damier abstrait, avec des des découvertes, des dangers, tout ce qu’il faut à un concepteur de jeu pour créer un peu de tension.

Parmi les nombreux jeux un peu anciens qui ont exploité le thème de l’île mystérieuse, Survive, plusieurs fois réédité sous le nom d’Atlantis puis, tout récemment, de The Island, est sans doute le plus connu, un classique simple et assez méchant, qui a très bien vieilli, et dans lequel, là encore, l’île est petit à petit recouverte par les flots. Avant qu’elle n’ait entièrement disparu sous les eaux, les joueurs essaient de sauver le plus possible d’insulaires et de richesses, et n’hésitent pas à envoyer requins et pieuvres géantes vers les canots adverses.
Destination Trésor est mécaniquement plus original. Parachuté au centre de l’île inconnue, vous ne savez pas exactement où vous vous trouvez donc au jugé, découvrant peu à peu les points de repère qui vont vous permettre de vous situer sur la carte… et donc, car on en vient toujours là, de trouver les trésors.


Pour les amateurs de kitsch série B, le dinosaures du monde perdu, un vieil Avallon Hill mêlant jeu de parcours classique et stratégie, promet des aventures un peu plus viriles. Il ne s’agit plus de trouver des trésors mais bien de survivre sur une île infestée de dinosaures, dans une ambiance de roman d’aventure pour adolescents des années trente.

Les jeux plus modernes ont aussi largement exploité ce thème. Dans Tobago, de Bruce Allen, un jeu de déduction (ou d’induction?) aux mécanismes très originaux, les joueurs s’efforcent de réunir les indices qui leur permettront de découvrir les trésors enterrés dans la jungle, tout en surveillant du coin de l’œil les inquiétantes statues qui semblent pivoter pour mieux les surveiller.


Forbidden Island est un jeu de Matt Leacock, qui s’inspire, en le simplifiant et avec un thème plus familial et amusant, de son chef d’œuvre Pandemic. C’est donc un jeu de coopération, où les joueurs doivent ensemble récupérer le plus possible de trésors avant que l’île ne soit couverte par les flots.

Quelques mois avant Isla Dorada sont parus deux excellents jeux de mon ami Michael Schacht, Die Goldene Stadt (la cité d’or) et Valdora, dont le thème et les titres, s’inspirent aussi du mythe de l’eldorado. Leurs mécanismes n’ont rien de commun avec ceux d’Isla Dorada, Valdora étant un jeu de “pick-up and deliver”, ce que j’appelle parfois les jeux de représentant de commerce, et Die Goldene Stadt (qui n’a pas eu le succès qu’il méritait) un fabuleux jeu de développement. Ils ont pourtant comme un petit air de famille avec Isla Dorada, du fait de leurs titres, mais aussi parce qu’ils ont un peu le même niveau de complexité, des jeux à l’allemande “poids moyen”.

Ce sont ceux là qui me viennent à l’esprit maintenant, mais vous en connaissez surement d’autres, avec des gorilles, des volcans, des pièges…


Mysterious treasure islands are in the air. Isla Dorada could have been called Tobago if the name was not already taken, or Forbidden Island, or even Atlantis.
A mysterious southern island makes for a great game setting, especially if it’s sinking into the sea or if the volcano starts to be menacing. It’s exotic, with jungles, treasures, wild animals, all in green and gold – even when the cover of Valdora shows, surprisingly, a mountain landscape on a blue background. It makes for nice looking maps, always better than square or hex grids, with dangers, discoveries and everything a game designer needs to create tension.

Among the many older games whose action takes place on some mysterious remote island, Survive, republished as Atlantis, then simply as ” The Island”, is the best seller and the best known. This old classic aged very well, and is still an excellent family game. Players try to save as much souls and treasures as possible from the sinking Atlantis before it sinks completely, and can move sea monsters to sink rival ships.
Discover Island is more surprising and original. Having been parachuted somewhere on the island, the explorers must first find out where they are, using a map and the clues they find out, one after the other, when exploring the island. Of course, as usual, once you knows where you are, the only thing to do is to go for the treasures…
A variant of the mysterious island setting is the B-movie dinosaur continent, as in Dinosaurs of the Lost World, an old Avalon Hill game mixing roll and move and strategy. Dinosaur hunt makes for very manly adventures, like in old adventure novels for boys.

More recent games have also made intensive use of the lost island topic.
In Bruce Allen’s Tobago, a very original deduction (or may be induction?) game, explorers try to put together the clues that will reveal where the treasure chests are hidden. Strange blue-eyed stone statues seem to be sometimes turning around to have a look at them…
Matt Leacock’s Forbidden Island is a simpler design based on the same basic idea as his Pandemic. It’s a cooperative game in which players must get as many treasures as possible before the island sinks into the ocean.

A few month before Isla Dorada, two great games designed by my friend Michael Schacht were published – The Golden City and Valdora – whose names and titles are also inspired by the eldorado myth. Their game systems have nothing in common with Isla Dorada, Valdora being a “pick-up and deliver” game and The Golden City, a great game which went surprisingly unnoticed, a resource gathering and development game. Despite their completely different game system, both feel a bit like Isla Dorada, being middle weight “German style” game.

I’m thinking of these ones at the moment, but I’m sure you remember other mysterious island games – may be with gorillas, volcanoes, traps…

Fun

Un jeu doit-il être “fun”, amusant ?

Pas nécessairement. Nul ne s’amuse en jouant aux échecs ni même, pour citer deux jeux récemment entrés dans la ludothèque idéale, en jouant à Troyes ou Nurenberc. L’intérêt de ces jeux est ailleurs, dans la tension et la compétition entre les joueurs, dans les efforts qu’ils font pour gagner et qui demandent un certain sérieux. Citadelles, celui de mes jeux qui se vend le mieux, peut être joué pour s’amuser, mais il peut aussi être pratiqué très sérieusement, comme le poker, dans une ambiance plus tendue, façon poker, que réellement « fun ».

À l’inverse, des jeux d’ambiance comme Time’s Up, Jungle Speed ou Twister ne sont de bons jeux que parce qu’ils sont drôles, même si la compétition est loin d’en être absente. Il faut rester concentré pour parvenir à gagner et pour que le jeu fonctionne, mais à l’inverse des jeux cités plus haut, le plaisir ne vient pas de la concentration elle même, mais plutôt de la rigolade qu’elle génère.

Et puis, il y a les jeux qui parviennent à jouer sur les deux tableaux. À ce jour, la note moyenne d’Isla Dorada sur le Boardgamegeek est de 6,83. C’est un score très honorable, mais pas vraiment exceptionnel. Ce qui me réjouit, plus que cette note, ce sont les commentaires. Sur la première page de commentaires, un mot revient régulièrement – fun. Isla Dorada n’est pourtant pas un « party game », c’est un jeu à l’allemande, classique, de la famille de Catan, Elfenland ou Les Aventuriers du Rail. Qu’il soit « fun » est donc juste un plus – mais c’est un plus dont je suis particulièrement fier.


Does a game have to be fun ?

Not necessarily. No one plays Chess for fun. Outstanding boardgames such as Troyes or Norenberc, which recently entered my ideal game library, are not intended to be fun. They are good games because they are tense and challenging, because players must concentrate to win, and this requires a certain dose of seriousness. My best selling game, Citadels, can be played casually and for fun, but it can also be played very seriously, like poker, for tension and not for fun.

On the other hand, party games such as Time’s Up, Jungle Speed or Twister are good games only because they are fun, even when there is much skill and competition in them. Players have to be highly concentrated on the game to make it work, but the gaming pleasure doesn’t come from the concentration itself, but from the crazy fun it creates.

And some games manage to win on both sides. As of this morning, Isla Dorada’s average rating on the Boardgamegeek is 6.83. It’s certainly not bad, but it’s not outstanding. What makes me really happy is not this ranking, but the comments on the game. If you browse through the first comments page, you will see one word over and over – fun. Isla Dorada is not a party game, but a classical eurogame of the Catan, Elfenland or Ticket to Ride family. It’s just fun on top of this.