L’un de mes derniers jeux publié, Whale to Look, est sorti en 2023 chez Oink Games. Il est cosigné avec Jun Sasaki, qui est aussi le patron de ce petit éditeur japonais dont les petites boites colorées sont aisées à repérer dans les boutiques. J’ai toujours beaucoup aimé la gamme d’Oink Games, avec ses petits jeux souvent très originaux, aux règles et au graphisme minimaliste, et cela faisait des années que j’essayais de caser un jeu chez eux. J’en avais même imaginé un spécialement conçu pour leur format de boite, Maracas, qui a finalement terminé chez Blue Orange. Je suis donc particulièrement heureux de Whale to Look, qui semble en outre très bien se vendre. J’en ai donc profité pour réaliser une petite interview de Jun Sasaki, que voici. J’avais déjà croisé Jun aux États-Unis, à la Gen Con, puis à deux reprises au Game Market d’Osaka. Je ne vais plus aussi souvent au Japon qu’il y a quelques années, et cette interview a donc été réalisée par mail.
Bruno :Parlez-nous des origines de Oink. Depuis quand jouez-vous aux jeux de société ? Quels jeux vous ont marqué et donné envie de créer les vôtres ?
Jun : Vers 2005, j’ai commencé à jouer à des jeux de société autres que les classiques Monopoly et Catan. J’étais à cette époque impliqué dans le développement de jeux vidéo. La simplicité de jeux comme Diamant ou Le poker des cafards m’a d’autant plus impressionné qu’elle allait à l’inverse de la tendance des jeux videos, qui devenaient de plus en plus lourds et longs. Dans les années qui ont suivi, j’ai joué à des centaines de jeux de société modernes et, vers 2009-2010, j’ai décidé d’essayer d’en créer un moi-même. C’est de cette envie qu’est né Oink Games.
B: Quand avez-vous créé Oink ? Qu’est-ce qui vous a poussé à vouloir créer vos propres jeux, et à vouloir les publier ? Avez-vous créé Oink d’emblée pour publier vos propres jeux, ou avez-vous d’abord décidé de vous lancer dans l’édition de jeux de société ?
J: J’ai choisi la marque Oink Games pour présenter mes premières créations au Tokyo Game Market en 2010. Je n’avais jamais publié de jeu de société auparavant, et ai été désagréablement surpris par les coûts d’impression des cartes à jouer. J’ai très vite compris que, même si mon jeu se vendait bien lors du Game Market, j’allais finir dans le rouge. Il faut en effet imprimer de plus grandes quantités pour obtenir coûts de production assez bas. Afin de continuer à vendre mes jeux après le Game Market, j’ai enregistré Oink Games en tant que société, ajouté un code-barres sur les boîtes, et me suis lancé dans la distribution. C’est ainsi qu’est née la société Oink games, qui existe encore aujourd’hui. Sans le Tokyo Game Market et mon envie de publier mes créations, notamment In a Grove, Oink Games n’existerait pas.
B: Beaucoup de petits éditeurs préfèrent passer par l’intermédiaire d’éditeurs occidentaux pour publier leurs jeux sur les marchés américain et européen. Vous avez fait le choix inverse, celui de publier et produire vous-même pour le monde entier. Quand et pourquoi avez-vous fait ce choix ? faites-vous encore la plupart de vos ventes au Japan ?
J: A l’automne 2010, mon jeu Yabu no naka (dans un bosquet), a été remarqué par un éditeur européen, Asmodée, qui l’a publié en Europe, sous le nom de Hattari (bluff en japonais), en changeant la taille de la boite et les illustrations. Je ne m’y suis bien sûr pas opposé, pensant qu’ils avaient leurs méthodes et connaissaient le marché européen, mais je ne pouvais m’empêcher de me demander pourquoi ce jeu ne pouvait pas trouver sa place avec les illustrations d’origine. Les ventes en Europe ont été médiocres, ce qui n’a fait que renforcer mes doutes. Ce fut un peu la même chose lorsque, en 2013, Kobayakawa a été également publié en Europe. Dès lors, mon envie de publier les jeux Oink dans le monde entier a pris le dessus et, en 2015, Oink a pour la première fois pris un stand au salon d’Essen, pour vendre ses jeux directement.
B: Quel est votre best seller ? Est-ce Scout, Deep Sea Adventure ou mon préféré, A Fake Artist Goes to New York ? Ou un autre que je ne suspecte pas ?
J: Deep Sea Adventure est celui des jeux Oink qui s’est le mieux vendu, mais Scout est en passe de le rattraper. Ensuite vient A Fake Artist Goes to New York. Au Japon, Nine Tiles se vend également très bien.
B: Les jeux Oink ont un look très particulier, avec de petites boites et un graphisme extrêmement simple. Pourquoi ce choix ? Vos petites boites collent parfaitement avec l’un des clichés les plus répandus en Occident sur la culture japonaise, celui du minimalisme. Pour vous, le minimalisme japonais est-il une réalité culturelle, ou juste un fantasme occidental ?
J: J’apprécie, en effet, les choses simples, épurées, minimales. Je me sens proche de la manière traditionnelle japonaise de concevoir les temples, et de la philosophie zen. Je ne suis pas sûr, cependant, que cela soit du « minimalisme japonais » – c’est juste un style que j’apprécie.
Note de Bruno : J’ai posé cette question car j’ai entendu des Japonais expliquer que le minimalisme japonais n’existait pas vraiment et était une invention de designers californiens, et d’autres assurer que c’était le cœur de la culture nippone….
B: Quand je regarde le listing des jeux Oink sur le Boardgamegeek, j’ai l’impression que vos quelques tentatives pour publier des jeux dans de plus grandes boîtes n’ont guère rencontré de succès. Ai-je raison ? Pensez-vous désormais vous en tenir à votre petit format emblématique, ou avez-vous d’autres projets pour Oink ?
J: Je ne dirai pas que « nous avons essayé et cela n’a pas marché ». Aujourd’hui encore, si nous voulons publier un jeu qui nécessite une plus grande boite, nous le publierons dans une grande boite. Cependant, j’aime bien les petites boites Oink, uniformes et minimalistes. Si ce format permet à Oink games de se différencier, et de vendre, je ne vois pas pourquoi changer de méthode.
B: La moitié environ des jeux Oink ont des auteurs japonais, les autres des auteurs occidentaux. Pensez-vous qu’il y a des différences significatives dans la manière dont les uns et les autres conçoivent les jeux ? Ou dans la manière dont nous jouons ?
J: En présentant les choses de manière un peu abstraite, j’ai souvent l’impression que les jeux créés par des auteurs japonais sont plus centrés sur eux-mêmes, et les jeux des auteurs occidentaux plus tournés vers l’extérieur, les deux démarches ayant des avantages. Pour le dire autrement, les auteurs japonais créent des jeux en pensant à eux-mêmes et à leurs proches, tandis que les auteurs occidentaux considèrent un public plus large. Ce n’est cependant qu’une impression, je me trompe peut-être.
Note de Bruno : la dichotomie entre ce qui est tourné vers l’extérieur et vers l’intérieur est souvent mise en avant par les Japonais, et difficile à rendre en français. En ce qui me concerne, si je prends parfois en compte ce que je pense être les souhaits des éditeurs, j’ai toujours l’impression de créer des jeux pour moi et mes amis. Et mon impression personnelle est qu’il n’y a pas vraiment de différence dans la manière dont nous créons des jeux.
B: Le Japon et la Corée, et depuis peu d’autres pays d’Asie orientale, représentent une part de plus en plus importante du monde ludique, que ce soit parmi les joueurs, les éditeurs ou les auteurs. Comment expliquez-vous cela ? Pensez-vous que cela va continuer ?
J: La culture des jeux de société a en effet commencé à se répandre dans les pays d’Asie, et beaucoup commencent à créer et publier, d’abord dans leur propre pays, des jeux de société. Je pense cependant que le grand public n’est pas encore conscient du charme et de l’intérêt de ces jeux. Ce n’est donc qu’un début, et le nombre de créateurs et d’éditeurs asiatiques va, je pense, encore augmenter.
B: Beaucoup des jeux que vous publiez sont vos propres créations, parfois en collaboration avec d’autres auteurs. Comment décidez-vous si vos propres créations méritent d’être publiées ? Prenez-vous part à la décision, ou faites-vous confiance au reste de l’équipe ?
J: Je fais d’abord confiance à mon intuition. Si je pense « ce jeu mériterait d’être chez Oink », alors le publier est la bonne décision. Je fais bien sûr également confiance aux avis des autres membres de l’équipe et à mes amis joueurs.
B: Vous avez développé Whale to Look à partir d’un de mes prototypes qui avait un tout autre thème, les étoiles dans le ciel, et pas mal de différences de règles. Cela a été plus un relais qu’une collaboration, puisque j’ai fait la première moitié du travail avant que vous ne fassiez la dernière. Nous n’avons quasiment pas travaillé ensemble sur le jeu. Travaillez-vous souvent ainsi ? Ou collaborez-vous habituellement dès le début de la conception d’un jeu ?
J: J’ai travaillé avec d’autres auteurs de la même manière. Je n’ai jamais eu l’occasion de commencer à réfléchir ensemble avec un autre auteur dès le début de la conception du jeu.
Note de Bruno : c’est un peu la même chose pour moi.
B: Cela fait des années que je propose des jeux à Oink, sans succès. Qu’avez-vous aimé dans le prototype de Constellation, qu’est-ce qui vous a donné envie de le développer ?
J: Cela faisait un certain temps que je m’intéresse à la prise de décision rapide à partir d’informations incertaines, et ce jeu devait donc m’intéresser. Dès les premières parties sur le prototype, l’équipe a senti qu’il y avait dans ce jeu quelque chose de profond, qui donnait envie d’y jouer et d’y rejouer encore.
B: En regardant au dos de mes boîtes Oink, je remarque certaines sont imprimées au Japon, d’autres en Chine, sans différences visibles entre les unes et les autres. Faites-vous les petits tirages au Japon et les gros en Chine, ou fabriquez-vous certains jeux au Japon et d’autres en Chine en fonction du matériel ?
J: Le plus souvent, le premier tirage, pour laquelle la communication et les délais d’impression sont essentiels, est produit au Japon. Ensuite, lorsque des milliers ou des dizaines de milliers de boites doivent être fabriqué, cela est fait en Chine, où les coûts sont plus faibles. Pour nous assurer que la qualité est la même dans les deux cas, nous échangeons très régulièrement avec les imprimeurs.
B: Puisque vous imprimez à la fois au Japon et en Chine, la baisse du Yen est-elle pour vous une bonne ou une mauvaise chose ? Si elle se poursuit, pensez-vous qu’elle rendra la fabrication au Japon plus compétitive pour vous et peut-être pour d’autres éditeurs ?
J: Pour nous, les coûts d’impression en Chine ont augmenté, mais les profits sur les ventes à l’étranger augmentent également. Cela a donc des avantages et des inconvénients et, au bout du compte, je ne pense pas que cela ait beaucoup d’impact. Il y a d’excellents imprimeurs au Japon, et j’aimerais que les éditeurs étrangers se tournent aussi vers eux. Quoi qu’il en soit, nous souhaite continuer à produire au Japon, comme je l’ai toujours fait.
B: Vous avez, au moins parmi les joueurs occidentaux, une image de petit éditeur indépendant. Ayant maintenant un jeu dans votre gamme, j’ai été très agréablement surpris par les tirages et les ventes, qui ne sont pas si petits. Alors, quelle est vraiment la taille d’Oink ? Combien de personnes travaillent dans l’entreprise au Japon ? Et hors du Japon – je connais Laura, mais il y en a sans doute d’autres.
J: Moi compris, 15 personnes travaillent chez Oink Games au Japon et 3 en Allemagne. Cependant, 8 des membres de l’équipe japonaise, donc à peu près la moitié, travaillent sur des jeux videos, que ce soit à la programmation ou dans la réalisation graphique. Il n’y a donc à Oink, dans le monde entier, qu’une dizaine de personnes travaillant dans le jeu de société.
B: En quinze ans d’activité comme éditeur de jeux, quels changement notables avez-vous vécu ? Dans le travail d’édition, dans la création, dans vos goûts en matière de jeux.
J: J’ai vraiment commencé par créer des jeux tout seul pour les vendre au Game Market. Je faisais alors tout moi-même, production, communication et vente. Il y a maintenant toute une équipe, en particulier pour la communication, les ventes et la distribution, mais le processus de conception des jeux n’a pas beaucoup changé. Je suis cependant très heureux de pouvoir aujourd’hui m’appuyer sur les avis de toute l’équipe. Il en va de même dans le jeu video, qui a toujours été un travail d’équipe. Les ventes d’Oink Games ont été multipliées par 15 au cours des 10 dernières années. Je n’ai quasiment plus de travail en contact avec les clients, et peux désormais me concentrer sur le développement des jeux. Mes goûts en matière de jeux on peu changé, mais je suis cependant un peu déçu de passer moins de temps à jouer, en raison des changements dans ma famille et mon entourage.
B: Quelles sont vos relations avec les autres éditeurs japonais ? L’an dernier à Essen, vous avez partagé un stand avec d’autres éditeurs indépendants japonais – je crois qu’il s’agissait de itten et Saashi & Saashi, corrigez-moi si je me trompe. Pensez-vous continuer ainsi ?
J: Nous avons des relations amicales avec d’autres éditeurs, parmi lesquels itten et Saashi & Saashi. Cependant, Oink Games souhaite rester indépendant. Je crois qu’il vaut parfois mieux être seul pour pouvoir faire ce en quoi l’on croit.
B: Avez-vous déjà été approché par de plus grands éditeurs – pas nécessairement Asmodée – désireux de vous racheter ? Si cela n’est pas encore arrivé, quelle serait votre première réaction face à une telle proposition ?
J: Je n’ai jamais été approché par un éditeur de jeux de société. J’ai eu une proposition, que j’ai refusée, dans le domaine du jeu video. Si une telle offre nous était faite un jour, je ne nous vois pas vraiment devenir une filiale d’un grand groupe. Nous avons les moyens financiers pour continuer à développer et produire des jeux comme nous le faisons actuellement. Nous ne cherchons pas à maximiser nos profits, mais à continuer à créer des jeux avec plaisir, et il est préférable pour cela de rester financièrement indépendant.
One of my last games, Whale to Look, has been published in 2023 by Oink Games. It is cosigned with Jun Sasaki, the boss of this small Japanese publisher whose small brightly colored boxes are easy to spot in game shops. I’ve always liked the Oink Games line. The games are often really original, with simple rules and cute minimal art, and I’ve been trying to land a game there for years. I even designed one specifically for their box format, Maracas, which was finally published by Blue Orange. Having a game published there is therefore an achievement, even more since the game seems to sell well. I therefore seized the oportunity to ask Jun Sasaki a few questions. I have met him once at Gen Con, years ago, then twice at the Osaka Game Market. Unfortunately, I don’t travel to Japan as often as I used to, so this interview was made by email.
Bruno: Tell us about the origins of Oink. Since when do you play boardgames? What games brought you into the hobby ?
Jun: Around 2005, I started playing boardgames other than the classic and popular Monopoly and Catan. At that time, I was already involved in video game development. I was very much impressed by the simplicity, the straightforwardness of games like Incan Gold and Cockroach Poker, all the more because it went completely opposite to the trend in videogames, which were becoming longer and more complex. Over the next few years, I played hundreds of modern board games, and around 2009-2010, I thought of designing one myself. This was the beginning of Oink Games.
B: When did you create Oink? What brought you into boardgame design and boardgame publishing? Did you start the company to publish your own designs, or did you first decide to start a publishing company?
J: I chose the Oink Games brand name for selling my first games at the 2010 Tokyo Game Market. I had never published a game before, and was appalled by the cost of printing cards. I realized that it meant that, even if my game sold dozens at the Game Market, I would probably end up in the red. To keep on selling after the Game Market, I registered Oink Games as a company and added barcodes for distribution. This became the Oink Games company which still exists today. The trigger for starting board game design, and for publishing my first games, was clearly the Game Market. Without it, Oink Games would not exist.
B: Many small companies like yours license games to Western publishers, but you’ve decided to publish by yourself in the whole world. When and why did you decide to start directly selling games out of Japan? Are most of your sales still done in Japan?
J: In late 2010, my game Yabu no naka (In a Grove) caught the attention of a European publisher. It was published in Europe by Asmodee, under the name Hattari (bluff in Japanese), with a different artwork and box size. I didn’t complain at that time, thinking that they had their ways and knew the European market better, but I already wondered if this game could not stand the competition with its original artwork. Sales in Europe were disappointing, which deepened the question. The same thought occurred to me when Kobayakawa was released in Europe in 2013. My desire to show my creations to the world market in their original form kept growing stronger and, in 2015, Oink set up a booth at Essen Spiel where we started to publish and sell the game by ourselves.
B: Just curious – I don’t need numbers, but what is your bestseller? Is it Scout, Deep Sea Adventure or my favorite, A Fake Artist Goes to New York? Or some other ones I don’t suspect?
J: While Oink’s best-seller is Deep Sea Adventure, Scout is rapidly catching up. Then comes A Fake Artist Goes to New York. In Japan, Nine Tiles also sells really well.
B: Your games have a very specific look, small boxes and very simple art. Why this choice? Your small boxes fit very well in one of the Western clichés about Japanese culture, that of minimalism. Do you think Japanese minimalism is really a thing, or is it just Western fantasy?
J: I like a simple, pared down, minimal style, and I empathize with things like the traditional Japanese temple building style and the zen philosophy. I’m not sure, however, that this can be labeled Japanese minimalism – I just happen to like such things.
Bruno’s note : I asked this question because I’ve heard both Japanese people stating that Japanese minimalism didn’t exist and was an invention of Californian architects and furniture designers, and other ones explaining that it was the very heart of Japanese culture.
B: When looking at the listing of Oink Games at the Boardgamegeek, I have a feeling that the few times you tried to do bigger boxes, it didn’t go that well. Am I right? Does this mean you will now stay with your emblematic line of small boxes? Or do you have other projects for Oink?
J: It’s not that “we tried to make big boxes and it didn’t work out.” Even now, if we have a game suitable for a big box, we are willing to release it in a big box. However, I like the Oink Games small, minimal, uniform boxes. If that results in Oink Games’ uniqueness, and in sales, I see no reason to change our approach.
B: More or less half of the games published by Oink have Japanese designers, and the other half Western designers. Do you think there are differences in the way we design games? In the way we play them?
J: In abstract terms, it seems to me that Japanese game design is inward-facing. Conversely, Western game design seem outward-facing. I think both have good points. More specifically, Japanese designers seem to create works for themselves and those close to them, while Western designers aim at a wider audience. However, this is just the impression I get, and I might be wrong.
Brunos notes: The opposition between what’s inward and outward facing is very often used by Japanese people, and it has a very general meaning. Anyway, even when I often consider what I think publishers are looking for, I always feel like I am also designing games mostly for me and my friends. And my personal feeling is that there is no significant difference in the way we design games.
B: Japan and Korea, now followed by other East-Asian countries, are representing an ever-growing part of the board gaming world – meaning gamers, publishers and designers. How do you explain this? Do you think it will continue growing?
J: The culture of board games is now spreading to people in Asian countries as well, and many are therefore staring to design and publish games in their own countries. However, I think that the general public in Asia is still largely unaware of the charm and interest of boardgames. This means it’s only the beginning, and more creators will probably emerge in the coming years.
B: Many of the games you publish are your own designs or co-designs. How do you decide if your own designs are worthy of being published? Do you take part in the decision or trust your gaming friends?
J: I only trust my own senses! If I think “this is worth releasing by Oink Games,” then I believe that is the right decision. Of course, I also trust team members and game friends and ask for their opinion.
B: Thinking of co-designs, you developed Whale to Look from a prototype of mine which had a completely different setting, looking at stars in the sky, and major rules differences. This was a case of “relay” co-design, since I did more or less the first half and you did the final one, but we never really worked together. Do you often work this way? Or do you usually co-design from the beginning?
J: I have worked this way with other designers. Starting from scratch together with another designer is something I have not done yet.
Bruno’s note : Same with me, and I think it’s the most usual for of boardgame co-design.
B: I’ve submitted games to Oink for years, with no success. What did you like in my original Constellation prototype that you found interesting enough to develop it?
J: I have thought for quite long about decision making within uncertain information, so I had to be interested in this game. From the beginning, we felt it had a depth that made us want to play it again and again.
B: Looking at the back of my collection of Oink games, I notice that some of them are printed in Japan and some in China, with no visible difference between them. Do you print smaller print runs in Japan and bigger ones in China, or do you print some games in Japan and other ones in China depending on the components?
J: The first print run, for which communication and short printing delays are critical, is usually made in Japan. Further print runs of thousands or tens of thousands of copies are usually made in China, where printing costs are lower. To maintain the same quality in either case, we communicate closely with the factory and repeatedly check the quality.
B: Since you print both in Japan and China, is the weak yen a good or a bad thing for Oink? If it goes on, do you think it will make manufacturing in Japan more interesting for Oink and maybe for other publishers?
J: Printing costs in China are getting higher, but the profit on overseas sales is also increasing. There are both good and bad points, and the overall impact is not significant. There are many excellent printing companies in Japan, and I would like overseas publishers to consider them. Anyway, I want to continue using Japanese factories at least as much as before.
B: You have, at least among Western gamers, an image of small publisher. Having now a game published by you, I’ve been happily surprised by your sale numbers, which are not that small. So, how big is really Oink? How many people work for the company in Japan? And outside Japan – I know Laura, but there are probably other ones ?
J: There are 15 people working at Oink games in Japan, including me, and 3 in Germany. However, half of the Japanese team members are working on video games, including programming and digital art creation. There are only about 10 people worldwide at Oink who are fully working in boardgames.
B: In your almost fifteen years as a game publisher, what major changes did you experience? In the business aspect, in your design process, in your tastes about games?
J: I really started with making games by myself and selling them at the Game Market. I was doing everything by myself, from production to advertising and sales. Now, I rely on the team a lot, especially for communication, sales, and distribution, but the game design process hasn’t changed much. I am however very grateful that there are more people around me who can help me with their opinions. As for video games, it has always been a team effort, both then and now. Annual sales have increased 15 times over the past 10 years. Personally, I have almost no client work now, and I am able to focus on game development at Oink Games. My tastes in games didn’t change much either. However, I regret having less time to play games, due to changes in my family and environment.
B: What are your relations with other Japanese game publishers? Last year in Essen, you shared a booth with Japanese indie game publishers – I think it was Itten and Saashi, correct me if I’m wrong, do you intend to go on with this?
J: We have friendly relations with a few other publishers, including Itten and Saashi & Saashi. However, Oink Games generally tends to keep some distance from other companies. I believe that it’s sometimes better to be solitary in order to quietly and steadily follow what you believe in.
B: Have you ever been approached by bigger companies wanting to buy you out – be it Asmodee or anyone else, you don’t have to give me names? If it didn’t happen yet, what would be your first reaction if this happens someday?
J: I have never been approached by boardgame companies. I was once approached for an acquisition of our videogame activity, but I declined the offer. If such an offer were made to us in the near future, I don’t think we would consider seriously becoming a subsidiary of a bigger group. As it is, the company is profitable enough to keep on developing and producing games as it has done so far. The goal is not to make tons of money, but to keep on making games in an enjoyable way. For this, it is more convenient to be financially independent.
En octobre 2022, j’ai été invité à participer à une rencontre d’auteurs et d’éditeurs de jeu à Puszczykowo, en Pologne, dont j’ai parlé un peu dans un autre post. J’y ai donné une conférence, inspirée par quelques déconvenues récentes, sur les bienfaits qu’apportent, mais aussi les problèmes que posent, les modifications d’un jeu par l’éditeur. Cet article en est une version rédigée, un peu développée, et mise à jour puisque plusieurs des jeux dont je parlais sont depuis arrivés en boutique, ou sont maintenant, en juin 2023, en train d’arriver.
Les romanciers assurent volontiers, en plaisantant à demi, qu’éditeurs et directeurs de collection sont des écrivains frustrés. Il n’en va pas très différemment dans le monde du jeu. Cela rend les discussions sur les détails d’un jeu à la fois intéressantes, parce que techniques, et difficiles, parce qu’empreintes de jalousie. Cela fait surtout de la phase de « développement » d’un jeu, un euphémisme pour « modifications apportées après que le contrat a été signé », la partie la plus mentalement épuisante et moralement difficile de la création, au point que je sois parfois tenté de laisser tomber.
Bien sûr, comme tous les auteurs de jeux, je ne présente à des éditeurs que des prototypes longuement testés et qui me semblent prêts à être publiés, après éventuellement l’ajout de quelques jolis dessins. Il reste néanmoins parfaitement normal que celui qui publie le jeu veuille faire quelques modifications. La nature et l’ampleur de ces bricolages devraient néanmoins être discutées à l’avance, ce qui est rarement le cas, voire précisées dans le contrat, ce qui n’est jamais le cas. Les désaccords entre auteur et éditeur sur le « développement » du jeu sont bien plus fréquents que ceux portant sur des questions financières, mais nos contrats ne parlent le plus souvent que d’argent, et parfois de temps. Malheureusement, lorsqu’un désaccord survient à propos d’un point qui n’est pas discuté dans le contrat, l’éditeur, qui il est vrai est seul à risquer son argent, se retrouve en position de force et peut faire un peu ce qu’il veut.
L’organisation du développement (j’arrête les guillemets) du jeu après que le contrat a été signé est d’abord une question pratique. Les désaccords entre auteur et éditeur sont une question morale, et pourraient même devenir une question légale, bien que je ne connaisse pas (encore?) d’exemple qui ait fini devant les tribunaux. Je signale néanmoins que le droit est, en la matière, assez différent d’un pays à l’autre. En droit français, les droits d’auteur moraux et patrimoniaux sont distincts, et seul le droit patrimonial est cédé à l’éditeur, qui ne peut donc théoriquement pas modifier substantiellement une création, et donc s’agissant d’un jeu en modifier la règle, sans l’accord explicite de son auteur originel. Cette distinction n’existe pas dans de nombreux pays, et notamment aux États-Unis.
L’important n’est cependant pas la loi. C’est l’auteur, l’éditeur, les personnes, leurs relations, et bien sûr le jeu. Si je tiens le plus souvent à ce que mes jeux soient publiés avec les règles précises que j’ai imaginées et rédigées, il m’est arrivé dans quelques cas, après en avoir discuté, de laisser délibérément le champ libre à l’éditeur – mais cela dépend du jeu, du moment, de l’éditeur. Chaque cas est particulier, et chaque cas doit être discuté à l’avance.
Je connais bien sûr quelques créateurs qui ont eu des problèmes avec le calcul ou le paiement de leurs droits d’auteur, mais je n’en connais pas un seul qui n’ait une histoire un peu absurde à raconter sur les modifications de dernière minute apportées à un jeu par un éditeur, sur les règles bidouillées à la va vite, ou, et c’est un autre problème dont j’ai déjà parlé en détail dans un autre article, sur les traductions faites avec les pieds. Les désaccords financiers, en outre, peuvent toujours se régler, quitte à ce que ce soit avec un peu de retard, quitte à ce que soit, ce qui est heureusement rarissime et ne m’est jamais arrivé, après intervention de la justice. Les problèmes éditoriaux ne peuvent pas être réparés, un jeu n’ayant quasiment jamais aujourd’hui de seconde chance.
Si cet article parle presque exclusivement de mon expérience personnelle, c’est parce que je ne suis pas sûr que mes collègues auteurs souhaitent que je rapporte ce qui a pu leur arriver, même si beaucoup m’en ont parlé. En outre, si discuter de ces problèmes est difficile pour un auteur déjà bien installé comme moi, j’imagine que c’est plus compliqué encore pour de jeunes créateurs ayant une moindre expérience du petit monde ludique, et pesant moins lourd face à un éditeur. Je vais donc dans la suite de cet article m’adresser directement à l’auteur, même si mon propos est un peu aussi destiné aux éditeurs, souvent trop sûrs d’eux en matière de « développement ».
Rentrer dans les cases
Donc, vous êtes auteur de jeu néophyte, vous avez présenté votre projet de jeu à un éditeur, qui le trouve intéressant mais….
Le thème ne rentre pas dans sa gamme Le thème est trop proche de celui d’un autre de ses jeux C’est trop long C’est trop court C’est trop agressif Cela manque d’interaction C’est trop simple C’est trop compliqué Il faudrait que cela tourne à deux joueurs – j’ai sans cesse ce problème, car très peu de mes prototypes sont conçus pour deux joueurs.
Pour le thème, cela dépend du jeu. Il est souvent facile de le changer, mais c’est aussi parfois impossible ou absurde. Pour tout le reste, rien n’est inconcevable tant que c’est fait avec soin, sans se presser, et par l’auteur ou du moins avec sa participation. Les écrivains ont le même problème. Le manuscrit de mon livre sur les licornes était 2,4 fois trop long, mais c’est moi qui ai fait les coupes.
Le thème (enfin, l’univers)
Note : certains critiques ludiques font une distinction, empruntée à la critique littéraire, entre le thème et l’univers. Le thème serait la nature de l’intrigue (coopération, enquête…) et l’univers le contexte du récit (médiéval fantastique, exploration spatiale…). Si cette distinction est intéressante pour parler de roman ou de théâtre, elle ne fait pas toujours sens dans les jeux de société, ou ce que les littérateurs appellent « thème » est plus ou moins intégré aux mécanismes. J’emploie donc ici le mot thème dans son sens ludique usuel, et certains lui préfèreront univers.
Parfois, un éditeur est séduit par un jeu qu’il a essayé, mais pense que le thème n’est pas vendeur, ou ne convient pas à sa gamme. C’est le problème le plus fréquent, et en général le plus aisé à résoudre – un changement est possible, ou ne l’est pas. Ne s’engageant pas à publier un jeu tant qu’ils ne sont pas fixés sur son thème, la plupart des éditeurs vont discuter d’un nouvel univers avec l’auteur, ou au moins annoncer clairement qu’ils comptent en trouver un, avant de signer le contrat d’édition. Deux ou trois fois pourtant, il m’est arrivé de voir un éditeur aborder le changement de thème après la signature, comme s’il était évident que cela ne poserait aucun problème. Ils ont toujours cependant, ce qui est la moindre des choses, discuté du nouvel univers avec moi.
Quant à savoir si ce changement est techniquement possible ou non, cela dépend bien sûr du jeu. Beaucoup sont fondamentalement abstraits. Si le thème n’est rien de plus qu’un vague contexte exotique ou historique permettant de donner un nom au jeu et à ses éléments, en changer ne devrait poser aucun problème. Je ne me souviens plus du thème originel d’Attila, mais je suis certain qu’il n’y était pas question de barbares dont les chevaux piétinent l’herbe. L’un de mes prototypes ne s’appelle Chasseurs de vampires que parce que les pions que j’ai utilisé pour faire mon prototype représentent des vampires et des types avec un chapeau 1900. Je ne sais plus si le changement de thème de Mascarade, passé d’Alice au pays des merveilles au carnaval de Venise, est intervenu avant ou après la signature du contrat avec Repos Prod. Pigeons, un jeu dans lequel des vieilles dames donnaient des miettes de pain aux oiseaux, est devenu Chawaï, un jeu de chats polynésiens attrapant des poissons, et c’est toujours le même jeu.
À l’inverse, certains jeux sont tout entiers construits autour d’un univers, rendant le plus souvent ce changement impossible. C’est bien sûr le cas des jeux de simulation, y compris les wargames. Dans d’autres jeux de société moins ambitieux, c’est souvent le signe que ce sont de bons jeux, des jeux qui racontent une histoire. Parmi mes propres créations, je pense à Trollfest ou Mystère à l’abbaye. On peut pourtant parfois avoir des surprises, puisque je ne pensais pas que le jeu que Bruno Cathala et moi avions imaginé, dans lequel une araignée géante tentait de capturer des hobbits, pourrait avec quelques ajustements devenir un jeu où des chasseurs essaient d’attraper des bébés Raptors.
La plupart des jeux, ou en tout cas de mes jeux, se situent quelque part entre ces deux extrêmes. C’est bien sûr là que les choses se compliquent. Souvent, le changement proposé par l’éditeur donne au jeu une nouvelle dimension que l’auteur n’avait pas imaginé, et sur laquelle il peut rebondir. C’est ce qui est arrivé pour Isla Dorada. Le prototype que j’avais présenté à Funforge avait un thème passablement ennuyeux et peu original, une caravane de marchands dans l’Europe médiévale. Je savais que ce n’était pas terrible, mais je n’avais rien trouvé d’autre. C’est Philippe Nourah, à Funforge, qui a eu l’idée de raconter l’histoire d’un groupe d’explorateurs perdus sur une ile déserte, ce qui est quand même plus sexy. Le changement a été décidé rapidement, me laissant le temps de retravailler le jeu pour l’adapter au nouveau thème, introduisant de nouveaux éléments comme un dirigeable, des pandas tueurs et des guerres tribales. Ce n’est pourtant qu’une fois le jeu publié que j’ai réalisé qu’il y manquait un cliché essentiel des îles tropicales, le volcan. Si un jour ce jeu connait une nouvelle version, je me débrouillerai pour l’ajouter. Je suis aussi très satisfait du thème de Tonari. Mon prototype, comme le jeu d’Alex Randolph qui l’a inspiré, était purement abstrait. Je savais qu’il avait besoin d’un univers pour prendre toute sa dimension, mais n’en avait pas trouvé de satisfaisant. L’idée du bateau de pêche pris dans la tempête vient de l’éditeur, IDW games – qui a malheureusement quitté le monde du jeu de société peu après la sortie de ce joli jeu qui cherche aujourd’hui un nouvel éditeur. Même s’il fut fait avec mon accord, le changement du thème de ce qui est devenu Dreadful Circus, a été plutôt raté. Dans le prototype, comme dans le jeu qui sortira en 2023, les joueurs étaient des nains sous la montagne amassant pièces d’or, gemmes et objets magiques. Cela collait parfaitement aux mécanismes du jeu, mais n’était guère plus original que les marchands médiévaux d’Isla Dorada. Je n’ai donc pas été très surpris que l’équipe de Portal décide de changer le thème, et j’étais très content qu’ils en aient trouvé un. Malheureusement, le nouvel univers manque de cohérence, on ne voit pas très bien quelle histoire le jeu raconte. Je ne sais pas bien dans quelle mesure cela est dû au thème lui-même, ou au fait qu’il a été mis en place rapidement, quelques mois avant la publication, sans aucun feedback sur les mécanismes du jeu.
Le premier problème, et souvent la première victime, d’un changement d’univers est la cohérence thématique. Mes jeux ne sont pas des simulations, mais le thème d’origine peut néanmoins avoir influencé les mécanismes de bien des manières. J’essaie par exemple toujours d’introduire de petites règles thématiques, ainsi que des clins d’œil dans les noms et les effets des cartes et autres éléments du jeu. Tout cela est perdu lorsque le jeu change d’univers de référence, et doit être remplacé par de nouvelles astuces, de nouveaux gags, de nouveaux clins d’œil, quitte à changer quelques règles. Souvent, je retire carrément un élément de jeu qui ne fait pas sens dans le nouveau monde. Malheureusement, cette étape essentielle de “retour vers le prototype” est souvent négligée, voire ignorée, l’éditeur se contentant, sans grand souci de logique, de donner aux éléments du jeu de nouveaux noms inspirés par le nouveau référentiel. Si le thème d’un jeu édité semble plaqué, et c’est souvent le cas, c’est parce que le thème a en effet été plaqué, vite et mal, plus souvent par l’éditeur que par l’auteur. Introduire dans le jeu ces nouveaux clin d’œil, ces nouvelles petites règles, comme Anja Wrede et moi l’avons fait lorsque notre jeu des brebis perdues est devenu Le petit poucet demande un peu de temps, et une bonne connaissance des équilibres du jeu. C’est pourquoi cela doit être fait par, ou au moins avec, l’auteur.
Règles et mécanismes
Et là, les choses se compliquent encore, entraînant désaccords et parfois rancœur. Lorsqu’ils ne sont pas des auteurs frustrés, les petits éditeurs, et plus encore les développeurs professionnels qui œuvrent chez les gros éditeurs, sont d’anciens auteurs. Ils résistent rarement à la tentation de mettre leur grain de sel, d’ajouter de nouvelles règles, de nouvelles cartes, et de bricoler les équilibres du jeu. Ils connaissent les jeux et les joueurs aussi bien voire mieux que vous, ils savent lire et écrire des règles, ils peuvent apporter un regard extérieur et critique nécessaire, mais aussi vaste que soit leur culture ludique, ils n’en savent pas autant que vous sur votre jeu, votre création. Ils peuvent aider à terminer un jeu encore un peu brouillon, ils peuvent donner des conseils utiles, mais vous ne devez pas les laisser vous mettre sur la touche. Les meilleurs développeurs n’essaient d’ailleurs pas de réécrire les règles, et se contentent de guider l’auteur en lui indiquant dans quelle direction travailler.
Bruno Cathala et moi avons eu une expérience un peu étrange avec Raptor. Après que nous avions – enfin, que Bruno avait car c’est lui qui a fait le plus gros du travail – transformé notre jeu de hobbits et d’araignées en jeu de dinosaures et de scientifiques, nous avons trouvé un éditeur intéressé, Matagot. Les premiers mois de travail sur le jeu ont été assez pénibles, l’éditeur apportant aux règles des modifications qui n’avaient pas vraiment de sens. Tous ces changements rendaient le jeu plus complexe, moins thématique, et souvent nous renvoyaient à d’anciennes versions du jeu, d’anciennes règles que nous avions éliminées car elles ne fonctionnaient pas bien. Fort heureusement, si l’éditeur était sans doute un auteur frustré, il était intelligent et, après quelques mois de perdus, a réalisé qu’il faisait fausse route et nous a rendu la main pour, essentiellement, revenir à notre version d’origine. D’autres sont plus têtus, ou ne pensent même pas à consulter l’auteur.
Bien sûr, comme en ce qui concerne le thème, il arrive que l’éditeur / développeur ait d’excellentes idées. Plusieurs des nouveaux personnages de Mascarade, ou de la grande boite de Citadelles, sont des idées des équipes de Repos Prod et de Z-Man. Ne vous braquez pas contre l’équipe éditoriale, n’ignorez pas ses suggestions, mais – sauf exception, j’y reviendrai – ne la laissez pas non plus s’approprier votre création. Testez chaque nouvelle règle, chaque nouvelle carte, pas après pas, une par une.
Rien n’est plus frustrant que de ne pas avoir de nouvelles d’un éditeur pendant des mois, puis de recevoir soudain un lien vers des pdfs déjà quasiment maquettés, de nouvelles règles et de nouvelles cartes, avec une centaine de modifications par rapport à la version précédente. L’auteur, celui dont le nom va figurer sur la boîte, découvre alors, trop tard, que le “développement” s’est fait sans lui, que ce n’est pas son jeu qui va être publié. C’est ce qui m’est arrivé avec Dreadful Circus, et c’est la raison pour laquelle je suis passé à côté de certaines des modifications les plus problématiques. Fort heureusement, après une discussion avec mes amis de Portal où nous avons tous reconnu nos erreurs, nous nous sommes entendus pour que je récupère mes droits. Le jeu que j’avais imaginé, sans doute la création dont je suis le plus fier, avec ses règles, ses équilibres et son thème, sortira cette année chez Trick or Treat Games sous le nom de Treasure of the Dwarves.
Cela se passe bien mieux lorsque l’on accepte de lâcher un peu son bébé à l’avance, après en avoir discuté. J’aurais sans doute préféré que Oink games, le sympathique éditeur japonais de petits jeux dans de toutes petites boîtes, publie le jeu de décompte des étoiles dans le ciel que je lui avais proposé. J’ai néanmoins été très content lorsque Jun Sasaki m’a dit que cela lui avait donné une idée pour un autre jeu, assez différent, utilisant le même mécanisme central. J’ai vu son jeu, j’y ai joué en ligne avec lui et son équipe, et j’ai accepté qu’il soit publié. Mon nom vient cependant en second sur la boite après celui de Jun. Il était originellement entendu que je pourrais continuer à chercher un éditeur pour mon jeu originel, mais j’ai abandonné cette idée après quelques parties de la version finale de Whale to Look. Contrairement à ce qu’il s’était passé pour Dreadful Circus, Whale to Look est en effet meilleur, plus léger et plus dynamique, que mon Constellations.
Vampire the Masquerade – Vendetta est passé par trois phases de design successives, ce qui en fait un bon exemple de la manière dont un éditeur peut efficacement gérer le développement du jeu. Lorsque Charlie Cleveland, designer de jeux videos, entreprit de concevoir un jeu de société sur le thème des vampires, Il décida prudemment de demander l’aide d’un auteur de jeu de société plus expérimenté. J’ai eu la chance qu’il me choisisse. Partant de son premier prototype, nous avons ensemble réalisé une deuxième version du jeu, plus fluide, et qui nous a paru suffisamment différente pour que nos deux noms figurent sur le prototype – j’étais un peu le développeur. Nous avons ensuite trouvé un éditeur, Horrible games, qui décida de situer l’action dans l’univers de la Mascarade – toujours des vampires, certes, mais des vampires un peu spéciaux, avec leur monde, leur culture. Cet univers était familier aussi bien à Charlie qu’à Lorenzo et Hjalmar, de Horrible Games, mais je n’en connaissais à peu près rien. Pour travailler avec eux à cette phase finale du développement, il aurait fallu que je passe d’abord des mois à me documenter, essentiellement en lisant des livrets de jeu de rôles. Je choisis alors de me mettre en retrait, mais l’auteur originel, Charlie, était toujours là et fit même le voyage jusqu’à Milan pour quelques sessions intensives de tests et de développement. Charlie, Lorenzo et Hjalmar ont fait, tous ensemble, un excellent boulot.
Remakes et rééditions
Étant un vieil auteur de jeu, j’ai maintenant dans mon « catalogue » de nombreux jeux qui ne sont plus édités, et dont quelques uns ont connu deux ou trois versions différentes. Si vous êtes un éditeur éventuellement intéressé, voici un post récent avec une liste de titres disponibles.
Serge Laget et moi avions, il y a quelques années, décidé de reprendre de fond en comble Ad Astra pour en faire une version plus dynamique, qui sort ces jours-ci chez un éditeur américain, Great Gamers Guild. Là encore, nous avons fait le plus gros du développement, l’éditeur testant quelques versions successives et nous envoyant de temps à autre ses remarques et suggestions. Serge n’étant pas très à l’aise en anglais, c’est moi qui ai écrit les règles, mais en discutant de chaque point avec lui. L’équipe de the Great Gamers Guild a ensuite reformulé quelques passages, mais toujours après en avoir discuté avec nous. Cela s’est malheureusement moins bien passé avec l’éditeur de la « localisation » française.
Le plus souvent cependant, et en particulier lorsque c’est l’éditeur qui m’a contacté pour faire une nouvelle version d’un jeu que j’ai un peu perdu de vue, voire dont j’ai oublié les règles, je n’ai pas de plaisir ou d’intérêt particulier à m’y replonger. Je trouve cela à la fois plus difficile et moins excitant que d’essayer de faire quelque chose de vraiment nouveau. Qu’elle ait eu du succès ou non, si « ma version » originelle du jeu a été publiée, j’e n’ai guère de problèmes à laisser un autre, le plus souvent un éditeur, la retravailler à sa guise. Ayant déjà fait ce que je pouvais faire d’une idée, je suis même curieux de voir ce que d’autres pourront en tirer.
Grail Cup, qui arrive ces jours-ci chez Matagot, est un bon exemple de cette démarche un peu plus distancée. Il s’inspire d’un jeu plus ancien, Lost Temple, paru il y a une quinzaine d’années, qui reprenait déjà le système de choix de personnage de Citadelles, mais dans un jeu de course. Lost Temple ne s’était d’abord pas trop mal vendu, mais les ventes avaient vite décliné et j’avais récupéré les droits. Me penchant à nouveau dessus, il m’a semblé que je pouvais le dynamiser en supprimant les gemmes, qui étaient un peu la monnaie du jeu. J’ai donc fait un nouveau prototype. Matagot s’y est intéressé, mais à condition de pouvoir changer le thème. Nous avons discuté ensemble de quelques idées, pour nous entendre sur les chevaliers de la table ronde et la quête du Graal. Lost Temple existait déjà, il me restait quelques exemplaires d’auteur, et j’étais déjà pas mal pris par d’autres projets, certains d’ailleurs chez Matagot. Nous avons donc convenu ensemble que ce serait l’équipe de l’éditeur qui s’occuperait de cette nouvelle version. De temps en temps, ils me montraient leur dernière version pour que je puisse la tester, la valider, et parfois y glisser mon grain de sel, mais l’initiative, les orientations, le gros du travail ne sont pas de moi. Le résultat est sans doute meilleur que ce que j’aurais pu faire.
J’ai récemment placé pas moins de cinq jeux chez un nouvel éditeur très sympathique, Trick or Treat studios. Trois d’entre eux, Trollfest, Treasure of the Dwarves et un troisième dont je ne peux pas encore parler, sont de nouvelles créations, que l’éditeur ne m’a guère demandé de modifier. Halloween Party est une nouvelle édition de Toc Toc Toc!, un petit jeu de cartes paru il y a plus de dix ans. Gwenaël Bouquin et moi, les deux auteurs d’origine, avons travaillé ensemble avec l’équipe de Trick or Treat pour revoir un peu les effets des cartes.
Le dernier jeu, qui lui aussi n’a pas encore été annoncé, est aussi une nouvelle version d’un petit jeu assez ancien. L’éditeur souhaitait changer le thème, ce qui impliquait de revoir tous les effets des cartes pour construire des decks cohérents avec le nouvel univers, et j’ai dit clairement que ce travail ne m’intéressait pas vraiment. C’est donc l’éditeur qui développe tout cela en interne, tandis que je me contente de regarder de temps à autre où ils en sont et de tester un peu les decks pour vérifier qu’ils ne sont pas trop déséquilibrés. Le boulot n’est pas encore terminé.
Les règles, écriture et réécriture
Un jeu, au fond, ce n’est qu’une règle, et c’est donc la règle que vous devez relire avec soin pour vérifier qu’une modification n’y a pas été apportée sans que vous soyez au courant. Cela peut arriver même dans les jeux les plus simples. Je me souviens de la toute première édition de Diamant, dans laquelle l’éditeur avait sans prévenir personne supprimé la règle selon laquelle, lorsque deux cartes danger identiques sont piochées, l’une d’entre elles et retirée du jeu. Lorsque je repérai, au dernier moment, cette curieuse « correction », l’explication de l’éditeur fut qu’il ne voyait pas de problème à enlever une petite règle sans importance qui ne faisait que compliquer le jeu. C’est certes une petite règle de rien du tout, mais elle est essentielle car elle augmente les enjeux et diminue les risques au fur et à mesure de la partie, rendant possible des come-backs inattendus, ce qu’il n’avait pas réalisé. Si je n’avais pas fait attention, si je n’avais pas insisté pour que ce « petit détail » soit réintroduit dans les règles, le jeu serait paru sans et n’aurait peut-être pas rencontré le succès qu’il a eu.
J’insiste désormais systématiquement pour rédiger moi-même le premier jet des règles destinées à figurer dans la boîte, l’éditeur passant derrière mais ne faisant de corrections qu’avec mon accord. Tous les auteurs ne procèdent pas ainsi. Certains n’aiment pas rédiger des règles ou savent qu’ils ne sont pas très bons dans cet exercice. Du moins leur faut-il s’assurer qu’elles sont rédigées en bon anglais, ou en bon français, ce qui est loin d’être toujours le cas. Cette rédaction doit aussi être entamée suffisamment à l’avance pour permettre plusieurs allers-retours afin de faire toutes les corrections et reformulations nécessaires. Trop souvent, ce travail pourtant essentiel, est fait dans l’urgence, dans la semaine qui précède l’envoi à l’imprimeur.
Curieusement, ce sont surtout les éditeurs français qui ont tendance à passer des semaines, voire des mois, à soigner la maquette d’un jeu, à en retravailler les illustrations avec soin, puis à écrire les règles avec les pieds dans dans les derniers jours, avant de laisser, quand ils y pensent, une dizaine d’heures à l’auteur pour la relecture et les corrections. Les éditeurs anglo-saxons semblent mieux comprendre l’importance de la clarté et de l’élégance du texte, et c’est l’une des raisons pour lesquelles, dans les boites de jeu, les règles en anglais sont presque toujours bien meilleures que celles en français.
Il y a un temps pour tout
Auteurs et éditeurs de jeux n’ont pas la même temporalité. Je comprends très bien les problèmes de gamme et de programmation de sorties des éditeurs. Je n’en suis pas moins énervé, voire désespéré, lorsque après avoir attendu un ou deux ans sans la moindre nouvelle après la signature d’un contrat d’édition, je reçois soudain un email me disant « le jeu sort dans six mois, et d’ici là il faut changer le thème, ajouter une variante pour deux joueurs et une variante coopérative, diminuer le nombre de cartes pour baisser le coût de production, et remplacer tout le texte des cartes par des icônes pour que le jeu soit plus facile à localiser « à l’international » ». Peu importe alors que l’éditeur vous demande de faire les changements ou pense pouvoir les faire lui-même, le résultat sera toujours le même, un désastre éditorial. Le prototype de l’auteur est le résultat de mois, parfois d’années de réglages, de bricolage et de tests. Il est toujours possible d’en faire plus, mais les nouveaux changements doivent être faits avec le même soin, et testés prudemment, l’un après l’autre, à leur rythme. Trop d’éditeurs sous-estiment le temps nécessaire pour cela, ou surestiment aussi bien l’auteur originel que leurs développeurs.
Les idées de dernière minute peuvent être excellentes, mais on n’en est jamais certain. Méfiez vous des vôtres, et plus encore de celles de l’éditeur, qui ne connaît pas le jeu aussi bien.
Tout faire soi-même
Alors, bien sûr, il reste la possibilité de tout faire soi-même, d’être l’auteur, l’éditeur et parfois aussi l’illustrateur. C’est le choix qu’a fait, par exemple, Luis Bruêh, auteur notamment de l’excellent Night Parare of a Hundred Yokais. J’apprécie son stytle de jeu comme son style graphique, et j’aimerais que tous mes jeux soient illustrés avec le même humour et aussi soigneusement édités. C’est bien sûr la meilleure façon, comme auteur, d’obtenir très exactement ce que l’on souhaite, mais je n’y ai jamais pensé très sérieusement.
La première raison est que, comme je l’ai expliqué plus haut, si les éditeurs ont parfois de mauvaises idées, ils en ont plus souvent de bonnes. Je râle pour quelques déceptions, mais si je faisais le compte, je trouverais sans doute un plus grand nombre de mes jeux auxquels le développement éditorial a vraiment ajouté quelque chose.
La seconde raison est que l’édition, c’est un métier, que je ne pense pas être capable de maîtriser. Il faut discuter illustration, maquette, imprimerie, fabrication, distribution, toute une série de domaines dont je crains qu’ils ne me passionnent pas, et pour lesquels je suis à peu près certain de ne pas être compétent. Je ne sais pas dessiner, et Kickstarter ne règle plus ou moins que le problème de la distribution. D’ailleurs, pour une success story comme celle de Luis Bruêh, que je citais plus haut, on compte de nombreux échecs, des auteurs inconnus et parfois ruinés, qui se sont lancés sans trop savoir où ils allaient, persuadés à tort qu’en concevant un jeu, ils avaient fait le plus gros du boulot. Ils n’avaient fait que le plus amusant.
Quarante ans déjà….
Les quelques mauvaises expériences que j’ai eu récemment montrent bien que la manière dont un jeu peut être « développé » (je reprends les guillemets pour la conclusion) devrait être l’un des premiers points discutés entre auteur et éditeur. Ce n’est presque jamais le cas. Les problèmes autour du jeu lui même, de son thème ou de ses règles, sont bien plus fréquents que les désaccords financiers entre auteur et éditeur, mais nos contrats consacrent de longues pages au calcul des droits d’auteur et pas une phrase au « développement » du jeu. Je ne connais pas d’exemple de désaccord éditorial qui se soit terminé devant les tribunaux, mais c’est peut-être justement parce que les contrats ne disent rien. Il n’est peut-être pas nécessaire de tout formaliser par écrit, mais auteur et éditeur devraient discuter de ce sujet clairement et systématiquement avant de se lancer dans un processus d’édition.
Cela fait maintenant quarante ans que je conçois des jeux et discute avec des éditeurs. Ce qui était un hobby un peu intello est devenu un marché et un business. La quasi totalité des auteurs et des éditeurs sont encore des joueurs, des passionnés, mais ils ont dû, comme moi, devenir aussi un peu des professionnels. Au moment de donner la dernière touche à un jeu, de faire les derniers petits réglages, de rédiger le texte définitif des règles, de choisir un illustrateur, chacun se sent responsable de tout. Peut-être parce que je ne suis pas très sensible aux images, je ne me mêle pas trop du choix des artistes qui illustrent mes jeux; j’apprécie que l’on me demande mon avis, mais je laisse l’éditeur décider. Pour tout le reste, pour tout ce qui concerne le jeu lui même, et notamment la rédaction des règles, les choses sont de plus en plus difficiles. Être ouvert à la discussion, c’est être capable de changer d‘avis, mais c’est aussi savoir défendre son point de vue.
Les éditeurs connaissent le marché mieux que vous, et mieux que moi. Ils savent ce qui se vend et ce qui ne se vend pas. Ils savent ce qui rentre dans leur gamme et ce qui n’y rentre pas. Ils risquent leur argent dans la publication d’un jeu, quand je n’y dépense guère que du temps. Face à des auteurs, jeunes et vieux, de plus en plus nombreux, ce sont eux qui font leur marché. Tout cela les met en position de force et fait qu’il est difficile à un auteur de refuser des modifications lorsqu’il pense qu’elles peuvent affaiblir le jeu. D’un autre côté, le nom de l’auteur figure désormais sur toutes les boites de jeu, comme c’était depuis longtemps le cas sur les couvertures des livres. L’auteur de jeu est bien devenu un « auteur », presqu’un écrivain. Ce n’était pas le cas dans les années quatre-vingt-dix, où on le considérait comme une sorte d’inventeur, de bricoleur – ce qu’il est un peu aussi, c’est vrai. Mais ce nom sur la boite, parfois aux côtés de celui de l’illustrateur et toujours au dessus de celui de l’éditeur, il signifie que l’auteur est responsable du jeu, de ce qui est dans la boite. Si je suis responsable, même solidairement, je dois être impliqué jusqu’au bout.
In october 2022, I was invited to a game designers and publishers meeting in Puszczykowo, in Poland. I already told about it in an earlier blogpost, here. I gave a speech, largely inspired by a few recent bad experiences, about the benefits, but also the problems encountered when a publisher wants to “develop”, that is to change, a game. This article is a streamlined and updated version of this speech – updated because several of the games I used as examples, and on which I was working then are hitting the shelves just now, in June 2023.
Any novelist would tell you, half jokingly, that most literary editors and publishers are frustrated writers. The same is true in the boardgame industry. It makes discussing the details of a game with the publisher both interesting, because of the technicity, and challenging, because hampered by jealousy. The « development » of a boardgame, development being an euphemism for « rule changes made after the publishing contract has been signed » is the most mentally and morally exhausting part of boardgame design – to the point I am sometimes tempted to give it up.
Of course, like every other boardgame designer, I only show to publishers well tested prototypes which, I think, are finalized and nearly ready for publication after the addition of some art. It is perfectly understandable, however, that the publisher might want to implement some changes. The nature and possible extent of these changes should be discussed in advance, which is rarely the case. May be they should even be specified in the contract, which is never the case. Design and development issues between designer and publisher are much more frequent than money issues, but most game publishing contracts deal almost exclusively with royalty rates and publication deadlines. Unfortunately, when there’s a disagreement about something which is not dealt with in the contract, the publisher is in a position of strength – meaning they can do more or less what they want.
How to organize the game development after a publishing contract has been signed is a practical issue. How to deal with disagreements between the designer and the publisher about a game is also a moral issue, and could become a legal one, though I don’t know (yet?) of a single case of game development issue which ended before a court. I’d like to stress, however, that the law on these issues is very different depending on the country. In French law, there is a patrimonial author’s right which is sold via the publishing contract, and a moral author’s right which cannot be sold and implies that, no matter what’s in the contract and how many subcontracors there are, a cultural work cannot be substantially modified without the agreement of its author. As far as I know, there’s no such distinction in US law.
What is important however is not the law, it is the designer, the publisher, their relations, and of course the game. While I wanted most of my games to be published with the exact rules I had devised, and usually managed to do it, there are some designs for which I was ready to give the publisher free rein, and even a few cases where I asked for it.It all depends on the people, the game, the timing – every case is different, but every case must be discussed beforehand.
I know very few designers who ever had troubles with the calculation or the payment of their royalties. I don’t think I know a single one who doesn’t have an absurd story to tell about how a publisher modified, or wanted to modify, one of his designs. We also all experienced clumsy rules rewriting, or but that’s another topic which I already discussed in an article last year, terrible rules translation. Furthermore, money issues can always be solved, even if late, even if with help from a court, something which is luckily extremely rare and never happened to me. Editorial issues, on the other hand, cannot be corrected. What’s done is done and games almost never get a second chance.
I will write here almost exclusively from my experience, because that’s what I know best, but also because I’m not sure fellow designers would like me to make public stories I’ve heard from them. If discussing this issues is still very difficult for a well established designer like me, I imagine it must be even harder to young publishers with no or little experience in the boardgame business, and therefore no strong standing when facing a publisher.Of course, even though I formally address designers, this article is also, in a way, intended to be read by publishers.
The game “must fit”
So, you’ve shown your prototype to a publisher and they find your game interesting but…
The theme doesn’t fit with their line The theme is too much like another of their games It’s too long It’s too short It lacks interaction It’s too aggressive It’s too simple It’s too complex It should accommodate two players – this happens to me all the time, because my first prototypes usually don’t.
Theme issues depends on the game. Sometimes the setting can be changed, sometimes not. Changes in the game systems should always be conceivable, as long as they’re not excessive. It must be done carefully, with no hurry, and if not by the original designer at least with them. It happens to writers as well, who often have to shorten their text, or rewrite some parts of it. My unicorn book was 2.4 too long for my publisher, I accepted it, but I did the cuts.
The theme – OK, the setting, if you prefer
Note : As is now usual in the gaming world, I use indifferently the terms « theme » and « setting » to describe the universe in which the game action is taking place. I know perfectly well that some critics make a difference, taken from literary theory, with the theme being the plot underlaying the game action (cooperation, whodunnit…) and the setting the universe in which it takes place (medieval fantasy, science fiction…). While this distinction is interesting when discussing novels or theater plays, it doesn’t always make sense with boardgames. What literary critics call « theme » is, in most games, inherent with the mechanisms.
A very common situation is when a publisher enjoys playing a game, but thinks the setting won’t sell or won’t fit their line. A change in theme is the most frequent publisher request, and usually the easiest one to deal with – it’s possible, or it isn’t. Since they don’t plan to publish a game before knowing what its setting will be, most publishers will discuss it with the designer before signing the publishing contract, or at least make clear that they want to look for a new theme. Two or three times however, I have signed a contract with a publisher who didn’t specify beforehand that they wanted to change the theme of a game, because they didn’t really think it could be an issue. At least they always discussed the new setting with me afterwards.
Of course, whether a change is possible or not depends on the game. Many games are, at their heart, abstract. If the setting doesn’t go further than giving a vaguely historical or exotic name to the game and its pieces, changing it should never be a problem. I don’t remember what was the original theme, if any, of Attila, but I know it wasn’t barbarians swamping grass. I have a prototype named Vampire Hunters only because the pieces I used in the prototype are vampire shaped, and which could have hundreds of other themes. I don’t even remember if the change of theme in Mascarade, from Alice in Wonderland to Venice Carnival, happened before or after I signed the publishing contract with Repos production. Miaui was about old ladies giving bread crumbs to pigeons, the publisher made it about Polynesian cats catching fishes, but this doesn’t affect the gameplay.
Conversely, some games are built around their theme, making a change of setting clearly impossible. This is obviously the case with simulation games, including wargames, but that’s also true of many other lighter games. Among my own designs, that’s the case with Mystery of the Abbey or Trollfest, and if often means these are good games, games that tell a story. There may be surprises, though – I never imagined that the Hobbits vs giant spider that Bruno Cathala and I had designed could, with minor rules changes, become a game about Raptors and hunters scientists.
Most games, or at least most of my designs, are in between, and that’s where things can get tricky.
Often, the change initiated by the publisher is for the better. A good example of this was Isla Dorada. The original prototype I had shown to Funforge had the most boring setting one can imagine – medieval merchants in central Europe. I knew it was bland but had vainly been looking for another meaningful and consistent setting. The idea of making it the exploration of an island, which is undoubtedly more sexy, came from the publisher, Philippe Nourah. The change was implemented soon enough to let us about one year to introduce new and fun thematic elements such as airship, killer pandas and tribe wars. Only after the game was published did I realize that we forgot to add an essential exotic island cliché, the volcano – if there’s a new edition someday, I’ll manage to bring one in. Another nice story is that of Tonari. My prototype, like the simpler Alex Randolph’s game which inspired it, was purely abstract, and I knew it needed a more or less meaningful setting. The idea of a fishing boat, which fits perfectly, came from the publisher, IDW games (who unfortunately left the boardgame business since, so this fun little game is looking for a new publisher). Even when I had agreed with it when proposed by the publisher, the theme change in Dreadful Circus was a miss. The prototype, like the upcoming new version of the game, was about dwarves collecting coins, gems and magical treasures. It fitted perfectly well with the game mechanisms, but it was only slightly more original than German medieval merchants. I was not really surprised when Portal asked to change it, and I was happy they had found an idea. The problem is that the new universe doesn’t really make sense when playing, and the game never feels like the unfolding of a story. It’s hard to say if it’s because of the setting itself, or because it was implemented in a hurry, a few months before publication, without any real feedback to the game elements.
My designs are not simulations, but the original universe can nevertheless inform the game mechanisms in many ways. I usually try to give hints to the setting, either with minor thematic rules, or with jokes linking card names and their game effects. These small rules, these lights puns, are obviously lost when there’s a change of theme and should be replaced with other ones, even if it means changing a few rules. When a given rule doesn’t make sense in the new setting, it’s often better to just remove it. Most times, this necessary feedback from the new theme into the game rules and cards is forgotten. The publisher takes the card, pieces and effects from the prototype and just gives them more or less random new names inspired by the new setting, names which don’t always make sense. If the theme of so many games feels « pasted on », it usually is because it has indeed been hurriedly and carelessly pasted on. Bringing new small thematic rules, small thematic puns into the game, like Anja Wrede and I did when our Lost Sheep game became Lost in the Woods, needs some time, and an intricate knowledge of the game balance. That’s why it should be done by, or at least with, the original designer.
The mechanisms – that is, the rules
That’s where things can get tricky, and this can lead to disagreements and even bitterness. The few publishers who are not frustrated designers are former game designers. Both can’t resist jumping in, adding new rules, new cards, reworking the game balance. Big publishers even hire in-house “game developers”, who are something like glorified professional frustrated game designers. These people have a vast game culture, lots of experience with reading and writing rules, they know the games and the gamers better than you do. The problem is that despite their larger game culture, they don’t know your specific game as well as you do. They can help finalizing a game that is still a bit rough, they can give you valuable advice, but you should not let them put you aside. The best developers are those who don’t try to rewrite the game rules but rather guide the designer and tell them in what direction they should work.
Bruno Cathala and I had a strange and mixed experience with Raptor. After we – well, mostly Bruno – had changed the setting of our Hobbits/Spider game to Raptors/Scientists, we found a publisher for it, Matagot. The first months of development were painful, the publisher trying to make changes to the game that didn’t really make sense, like replacing fire on the different spaces with barbed wire between the spaces. It made the game more complex, less thematic, and in some ways it was sending it back to earlier versions we knew didn’t work. Luckily, if the publisher was a frustrated designer, it was an intelligent one who realized this didn’t work. We mostly went back to our original version, but after a few months lost.Other publishers are more stubborn, or don’t even think of discussing the changes with the designer.
Of course, just like with theme, the publisher or developer can have really good ideas. Some of the characters in Mascarade, or in the new version of Citadels, are in-house additions made by the people at Repos prod and Z-Man. As a designer, you should not block developers, you should not ignore them, but you should not let them get loose. Keep control of your game, be sure to check every new card, every new rule – and that’s why they must be implemented one by one.
Nothing is most frustrating than getting no news from a publisher and then suddenly finding out that the development has been made and more or less playtested without you, when receiving a link to a new set of rules and cards with hundreds of changes from your last version. That’s what happened with Dreadful Circus and is the reason why I missed some of the most critical and problematic changes.I had long discussions with Ignacy and the team at Portal, we all admitted our errors, and we decided that I will get my rights on the game back. My original game, probably the design I’m most proud of, will be published at the end of 2023 by Trick or Treat Games as Treasure of the Dwarves, with its original setting, its original rules and its original balance. It’s defintely not the same game as Dreadful Circus.
It might be OK, and even go very smoothly, when everything has been discussed from the beginning. I would have preferred Oink games, the small Japanese publisher of small games in very small boxes, to publish my original game about counting stars in the sky, Constellations. I was nevertheless happy when Jun Sasaki told me it had given him an idea for something a bit different, using one of the core mechanisms of my game. I saw his game about tourists going whale watching, Whale to look, played it online with their team, and agreed to have it published. My name, however, is second after Jun’s one on the box. We originally agreed that I would still be allowed to look for a oublisher for my original game, though I gave up this idea after a few plays of the final version of Whale to Look, which, unlike what happened with Dreadful Circus, is indeed better and more fun than my Constellations.
Vampire the Masquerade – Vendetta, which had three successive design phases, is a good example of how publisher development can be dealt with efficiently. When Charlie Cleveland, who was already a successful video game designer, decided to give a try at a Vampire themed boardgame, he prudently chose to ask an old boardgame designer for collaboration, and he chose me. We started from his original prototype and together designed a second version, more fluid and different enough to deserve both our names on the prototype box – in a way, I was the developper there. Then we found a publisher, Horrible Games, who decided to move the game into the Masquerade universe. It’s still a vampire settiong, but a very specific and sophisticated one. Charlie, Lorenzo and Hjalmar of Horrible games were all familiar with it, I wasn’t. Working on this with them would have implied spending months reading sourcebooks to get acquainted with this universe, and I didn’t have the time for it. This is why, for mostly technical reasons, I decided to step aside from this last development phase, but the original designer, Charlie, stayed in and even made the trip from San Francisco to Milan for a few intensive playtest and development sessions. They made a fantastic job.
New versions of older designs
Being an old game designer, I now have a “catalog” with many out of print games, and even a few ones which have had two or three successive editions. By the way, if you’re a publisher interested in republishing some of my older stuff, here’s a recent blogpost with a list of available titles.
A few years ago, Serge Laget and I have decided to work on a more dynamic version of Ad Astra. This new version ought to be published soon by Great Gamers Guild. Like for a brand new game, Serge and I made most of the development. The publisher was just testing successive iterations and emailing us remarks and advice, of which we made good use.Similarly, I wrote a first draft of the rules, which were rewritten here and there by the Great Gamers Guild, but always after discussion with us.Unfortunately, it didn’t went as smoothly with the publisher of the French version.
Most times however, and especially when the idea of a new edition of an out of print game comes from the publisher, I am not that much intellectually interested in reworking my older designs. It’s never as exciting as making something really new. When « my » original version of a game has already been published, no matter whether it has been successful or not, I have no problem with giving a publisher free rein on a new version. What I could do with this game has been done, I’m now curious to see what others can do out of it.
A good example is Grail Cupwhich is hitting the shelves just now, published by Matagot. It is a reworking of an older game, Lost Temple, published ten or fifteen years ago. Lost Temple was itself a different take on the Citadels character system. It sold relatively well, but the success didn’t last and the publisher discntinued it. I took it back, made a streamlined version without the gem/money element, and showed it to a few publishers. Matagot was interested, but they also wanted a different settoing, to emphasize that it’s not the same game. We discussed it together and ended with a fun idea, Knights of camelot racing for the Grail castle. Lost Temple was already here, I still had a few author copies on my shelves, I was working on other projects at the time, so we decided together that their development team will handle the changes. Everey few months, they showed me their last version of the prototype so that I can playtest it and, sometimes, jump in with a few small ideas. I’m really happy with the result, which is probably better than what I could have done.
Similarly, I recently signed for five games, no less, with a new publisher, Trick or Treat Studios. Three of them were brand new designs, Trollfest, Treasure of the Dwarves and a third one which has not been announced yet; the publisher didn’t ask for any major change to their rules. The two other ones are new versions of older card games. Knock Knock! Has just been republished as Halloween Party. The development was a real collaborative work, the two designers, Gwenaël Bouquin and I, working together with the publisher on the fine tuning of some card effects.
The last one, a card game which has not been announced yet, is also a new version of an older design which already had several iterations. Trick or Treat wanted to change the setting, and the new theme meant that we have to design new cards and decks embedded in this new universe. I made clear from the beginning that I was not very interested in working this, and I let them do the development. I check from time to time what they are doing, I playtest new cards deck to make sure everything works. It’s still a work in progress.
Writing and rewriting rules
In the end, a game is just a set of rules. That’s why, until the very end, the designer should check every version of the rules to make sure no unexpected and unwelcome change has been made. Theoretically, no change should be made that was not discussed with you before, but, well, it happens. It even happens in the lightest and simplest games. When checking the final rules for the very first edition of Diamant, I suddenly realized the rule stating that when two identical danger cards are revealed, one of them is removed from the game, was missing. This had not been discussed before with the publisher. I emailed the publisher, whose answer was that this was just a very minor rule which was removed for the sake of simplicity. It is indeed a small rule, but it is essential because it changes the odds, making advancing slightly less hazardous when the game moves on, and therefore making dramatic comebacks more likely. If I had not noticed this, if I had not insisted on bringing back this trivial rule, the game would have been published without, and would probably have been less successful.
I now insist on writing the first draft of the final ruleset, which then comes back and forth between publisher and designer for corrections and, here or there, rewriting. Most game authors don’t work like this, because they don’t like rules writing or because they know they’re not very good at it. At least, you must make sure the rules are clear, grammatically correct, and that there is enough time for corrections and serious proof-reading. Too often, this is made hurriedly, sometimes in the week before the game goes to the printer. No wonder so many game rules are ambiguous and badly written.
Some publishers (mostly French ones, I don’t know why) spend months reworking the art and graphic design of a game, before writing clumsy rules in the last wekk and letting a day or two to the designer for prof-reading and correction. US publishers seem to be more aware of the importance of a clear and elegant writing. That’s one of the many reasons why the English rules of a game are almost always better than the French ones.
There’s a time for everything
Game designers and game publishers have different time frames. I can understand why, I can sympathize with publishers’ schedule issue. I nevertheless feel both overwhelmed and frustrated when I sign a publishing contract, wait one or two years with little or no news, and then suddenly receive an email saying « we plan to publish the game six months from now and, in the meantime we would like to change the setting, add a two player and a cooperative variant, remove a few cards and replace all the text with icons to make it language independent ». No matter whether the publisher asks you to do the changes or assumes it can work on it in-house, this is a recipe for editorial disaster The designer’s prototype is usually the result of months, if not years, of playtesting and fine tuning. Changes can always be made afterwards, but they must be made with the same care, one after the other, with enough playtesting and feedback in between. Many publishers underestimate the time needed to implement these changes, or overestimate both their developers’ and the original designer’s ability to do it.
Last minute ideas can be great, but you are never sure. Be wary of your own ones, and be even more wary of those from developers who don’t know the game as well as you do.
All by oneself ?
Of course there’s always the temptation to do all by oneself, to be at the same time designer, publisher and sometimes even illustrator. This is the choice made, for example, by Luis Brueh, who designed, among others, the recent and excellent Night Parade of a Hundred Yokais. I like his design style, and I would like all my games to be so well illustrated and produced. This might look like the best way to get exactly the game one wants. I never really seriously considered it, for two reasons.
The first reason is that, as I explained before, while publishers sometimes have bad ideas, they more often have good ones. I can grumble here for a few disappointments, but if I were to reckon all lmy published games, there are probably many more which were realy improved by the publisher’s “development”.
The second reason is that publishing is a different job, and one I don’t think I can master. I don’t feel like discussing graphic design, printing, production and distribution, and I’m quite sure I would be very bad at it. I’m terrible at drawing, and Kickstarter partially solves only one other issue, distribution. For one relatively successful story like that of Luis Bruêh, there are many unknown and sometimes ruined designers, who went all-in, confident that by designing a game, they had made the hardest part of the job.They had not.
What has changed in 40 years….
I’ve had a few bad experiences recently. How a game will be « developed » should be clear from the beginning, and it almost never is. Between publishers and designers, issues with game development are far more frequent than issues about money, when our contracts sometimes have more than ten pages about how to reckon royalties and not a single sentence about the development and finalization of the game. It might make little sense to write it down if no one is willing to go to court about it, but at least it should be clearly and openly discussed by designer and publisher before signing a contract.
I’ve been designing games and dealing with publishers for forty years now. There has been lots of changes in what went from a tiny hobby to a mass market. Most designers and publishers are still enthusiast gamers, but they also had to become more professional. When it comes to finalizing a game, making last adjustments to the rules, choosing an artist, writing the final ruleset, everyone feels more and more responsible and wants to check everything. May be because I’m not that good at art, I don’t try to mess with the publisher’s choice of illustration, even when I prefer to be informed and sometimes give my opinion. But on all other publishing issues, on everything that deals with the game itself, discussions have become more tense. I’m open to discussion, but if I’m not convinced, I try to hold my ground, and I think more designers should try to hold theirs.
Publishers know the market better than I do, and better than you do. They know what sells and what doesn’t. They know what can fit in their line and what cannot. Contrary to game designers, they spend their own money in publishing a game. All this places them in a stronger position and can make difficult for a boardgame designer, especially a wannabe one, to resist a change they are afraid might weaken the game. On the other hand, the designer’s name is now on the game box like the novelist’s name is on a book cover. A game designer is now recognized as an « author », almost a writer ; this was not the case in the nineties, when he was seen as a kind of « inventor ». This also means the designer / author is accountable for what is in the box, the game, its setting, its mechanisms, its rules. If I’m accountable, I need to be incharge, or at least involved.
Si j’en crois l’équipe du Domaine Saint-Georges, cela fait maintenant trente ans qu’ils nous accueillent, presque tous les ans, à Etourvy. Les rencontres ludopathiques, qui multiplient la population du village par un peu plus de deux, sont devenues un « acteur de l’économie locale». Nous n’étions qu’une trentaine 1993, essentiellement des amis gravitant autour de Casus Belli et de Ludodélire. Certains sont partis, certains ne jouent plus, certains sont morts, j’ai perdu de vue quelques uns, et, à part moi bien sûr, je pense que la seule personne à avoir été présente à tous les épisodes est Hervé. Nous étions cent quatre-vingt du 17 au 21 mai 2023, et même avec les quatorze nouvelles places que l’on nous promet dans Etourvy l’an prochain, il me semble difficile d’aller au delà. Oui, je sais, cela fait vingt ans que je dis cela.
Lorsque, une quinzaine de jours avant les rencontres ludopathiques, j’ai regardé les premières prévisions météo qui nous annonçaient la pluie et la froidure, j’ai pris peur. À Etourvy, Virginie et Marie-Claire ont également commencé à se faire du souci et à étudier des solutions permettant d’abriter tout le monde, et de faire manger près de deux-cent personnes dans des lieux dimensionnés au mieux pour une centaine. Nous avons finalement eu, comme l’an dernier, un très beau temps, mais il n’en ira pas toujours ainsi et je m’inquiète déjà pour l’an prochain. L’an dernier, après le Covid, les visiteurs étrangers étaient restés rares, et mes annonces bilingues lors des repas s’apparentaient à un acte de foi. Cette année, les joueurs d’Amérique, d’Europe de l’Est et même d’Asie étaient de retour – même si j’ai l’impression que Yohan Goh passe la moitié de sa vie en Europe. Ayant toujours été partisan du cosmopolitisme, je m’en réjouis. Les enfants aussi étaient revenus nombreux, ce qui contribue beaucoup à l’ambiance.
Organisation
Je n’ai presque pas eu de désistements de dernière minute cette année et, du coup, les comptes, de toute façon très approximatifs, devrait être légèrement excédentaires, pour, je crois, la deuxième fois en trente ans. Les rencontres ludopathiques fonctionnent de plus en plus en roue libre et me demandent plutôt moins de boulot qu’il y a une dizaine d’années. Je gère donc le budget global, l’hébergement, je prépare le transport des jeux, je surveille un peu tout ce qu’il se passe dans la semaine, mais l’aide de la petite équipe qui arrive avec moi en début de semaine, et notamment de Camille, allège considérablement le travail d’intendance. Cela serait quand même plus facile pour nous et pour l’équipe du domaine si tout le monde faisait plus attention à ne pas laisser traîner ses gobelets, à ne pas les utiliser comme poubelles, etc…
Je prépare toujours quelques jeux en extérieur, cette année Two Rooms and a Boom, Twister géant, et le traditionnel Brouhaha, mais d’autres organisent également des événements conséquents. Absent l’an dernier, Laurent Escoffier était de retour avec ses jeux d’extérieur un peu bizarres, mettant en scène chaines, aimantset mètres pliants, et bien sûr le toujours aussi bluffant Walking Mind.
Franck s’occupe toujours du tournoi de poker, et cette année Théo avait soigneusement préparé un tournoi de Challengers. Sébastien étant absent, c’est Ghislain qui a rejoint Isabelle pour faire jouer la murder party Le tour de monde en 80 jours, tandis que Mathias et Zephiriel faisaient jouer Papers, un petit GN loufoque sur les coachs, la culture d’entreprise, la ludification et toutes ces conneries. Jamais à court d’idées l’Equipe ludique avait préparé Tous en Scène, un jeu hilarant de reconstitution de films avec les moyens du bord. Profitant de ce que nous étions au vert et qu’il ne faisait pas trop chaud, certains ont organisé des balades à pied autour du village, Maud pour ceux qui courent assez vite, Charles pour ceux qui préfèrent la marche tranquille suivie d’un bon verre de vin.
L’orque et la baleine
J’étais un peu déçu à mon arrivée de constater que le colis d’Oink Games, contenant mes exemplaires d’auteur de Whale to Look, sorti le week-end précédent pour le Tokyo Game Market, n’était pas parvenu à temps à Etourvy. Le plaisir n’en a été que plus grand de le voir arriver vendredi après-midi. Je me suis précipité sur mes premières boites, aussi mignonnes que sur les photos, et ai immédiatement envoyé quelques touristes observer les orques noires et les baleines blanches.
Jun Sasaki et l’équipe de Oink Games ayant énormément retravaillé mon concept original, dans des directions parfois inattendues. Je n’avais jusque là joué à une version presque finale de ce jeu qu’une seule fois, en ligne, dans des conditions qui n’étaient pas optimales. Les quelques inquiétudes que j’avais sur les nouvelles règles ont cependant été rapidement balayées par mes parties à Etourvy – le jeu est finalement bien meilleur que celui que je leur avais initialement proposé, et je renonce donc à développer de mon côté mon jeu d’observation des étoiles dans le ciel. Il va falloir que je réécrive en ce sens mon article sur Whale to Look.
Sacré Graal
Grail Cup n’arrivera en boutique qu’à l’automne, mais Arnaud Charpentier avait apporté une boite de préproduction, à laquelle ne manquait que le dé, très aisément remplaçable par un dé classique. J’ai de la chance en ce moment avec les illustrations car, dans un style bien différent, Grail Cup est aussi mignon que Whale to Look. Je me suis beaucoup amusé à rechercher les nombreux œufs de Pâques – c’est comme cela que l’on dit en anglais – dissimulés sur le plateau par John Kovalic, et me suis même reconnu dans l’un d’entre eux. J’ai lancé quelques parties, rapides et pleines de rebondissements.
J’avais aussi apporté quelques prototypes, et ceux qui m’ont semblé les mieux reçus ont été la Salade de Fruits et les Voleurs de Poules, on verra s’il en sort quelque chose.
Que de jeux
J’ai cette année profité des rencontres ludopathiques pour faire une partie de mon déménagement. Une quarantaine de cartons qui avaient quitté la rue de Belleville le lundi sont en effet rentrés le dimanche à quelques centaines de mètres, rue de la Villette. J’ai beau apporter chaque année à Etourvy environ un millier de jeux, je suis toujours étonné, passant entre les groupes, de voir la plupart des joueurs attablés devant des prototypes inconnus ou des jeux dont je suis à peu près certain qu’ils ne proviennent pas de ma collection.
À en croire aussi bien mes impressions que les nombreuses photos des participants, le jeu le plus populaire de ces cinq jours a été Mind Up, retour amusant puisque c’est à Etourvy que, l’an dernier, l’équipe de Catch Up Games avait découvert ce petit jeu de cartes d’aspect très kniziesque, présenté par son auteur Maxime Rambourg. Parmi les autres petits jeux très pratiqués, citons Focus, d’Antonin Boccara et Romaric Galonnier, Cat in the Box de Muneyuki Yokouchi, The Number de Hisashi Hayashi, Mantis de Ken Gruhl et Jeremy Posner et bien sûr Whale to Look de Jun Sasaki et Bruno Faidutti.
Dans des boites un peu plus grosses, mais pas trop complexes pour autant, le loufoque Hand to Hand Wombat, judicieusement traduit en français par Branle Bas de Combat, a remporté un grand succès d’estime, tout comme, dans un genre plus sage, les jeux coopératifs Kites, de Kevin Hamano, Kuzooka de Leo Colovini et DorfRomantik de Michael Palm et Lukas Zach. Ce dernier est tellement moche que tout le mponde y a joué mais personne n’a osé en prendre une photo.
Parmi les jeux d’ambiance et de vocabulaire, on a comme l’an dernier beaucoup joué à Krazy Wordz, de Dirk Baumann, Thomas Odenhoven et Matthias Schmitt, mais aussi au curieux Hunch! de Nomas Kurnia, quelque part entre Codenames et Decrypto, et au prototype final de Sides apporté par l’équipe de Captain Games.
Côté gros jeux, on a bien sûr encore joué à Dune Imperium de Paul Dennen, mais aussi à The Quest for Eldorado de Reiner Knizia deux jeux qui ne sont pas vraiment des nouveautés même si l’un a connu quelques extensions et l’autre une nouvelle édition magnifiquement illustré par Vincent Dutrait. À l’exception notable de Planet Unknown de Ryan Lambert et Adam Rehberg, qui a d’ailleurs et très mal rangé dans la boîte par ceux qui ont fait la dernière partie, les très grosses nouveautés ont fait des flops.
Le retour du jeu de rôles
Le grand retour du jeu de rôles, dont on parle beaucoup depuis quelques mois, semble avoir touché Etourvy. Lors des tous premiers épisodes, dans les années quatre-vingt dix, beaucoup des participants étaient des amis de GN, et il n’était pas rare de voir quelques parties de jeu de rôles sur table. J’ai d’ailleurs découvert une partie des villages du coin lors d’un GN loufoque où des mafieux mexicains qui avaient trouvé un moyen de produire de la coke à partir du colza cherchaient à accaparer la récolte locale, mais se heurtaient à des extraterrestres dont le vaisseau en panne fonctionnait à l’huile de colza, et à de gentils vampires qui souhaitaient produire à partir de cette céréale décidément multitâche un élixir leur permettant de décrocher du sang.
Depuis quelques années, Sébastien et Isabelle organisent à Etourvy de petites murder parties. Cette année, Isabelle et Ghislain ont fait jouer le tour du monde en 80 jours, tandis que Mathias et Zephiriel organisaient Papers. Le jeu cinématographique de l’équipe ludique, et même d’une certaine manière Two Rooms and a Boom ou des jeux narratifs comme Alice is Missing, relèvent aussi un peu du jeu de rôles. Et, pour la première fois depuis longtemps, plusieurs éditeurs avaient apporté des livres de jeux de rôles, parfois volumineux et ambitieux, pour la table de prix. Je ne vais pas me remettre au jeu sur table, mais cela me donne envie de refaire un ou deux GNs – si j’arrive à caser ça dans mon emploi du temps.
Voilà. Comme de plus en plus de gens organisent des trucs pendant les ludopathiques, j’en ai certainement raté ou oublié quelques uns. Merci à tous les participants, merci à tous les organisateurs de jeux petits et grands, merci à tous ceux qui m’ont donné un coup de main prévu ou improvisé, merci à l’équipe du domaine Saint-Georges, merci à Météo France de qui j’attends le même soutien en 2024, et à l’année prochaine.
Thirty years
I didn’t keep a precise track but, if I am to believe the team at the domaine Saint-Georges, they have been accommodating the ludopathic gathering almost every year since 1993. When we are here, the population of Etourvy is multiplied by a bit ore than 2, and we are now a part of the local economy. We were only thirty in 1993, mostly friends working with Casus Belli or Ludodélire. Some have quit gaming, some have left, some have died, I’ve lost trace of a few ones, and I think the only other person who has been here from the beginning is Hervé. We were 180 in 2023, May 17 to 21, and, even with the fourteen new beds which should be available in the village next year, I don’t think this number can grow more. Yes, I know, I’m saying this for 20 years now.
When, two weeks before the event, I started looking at the weather forecast, predicting cold and rain, I was seriously concerned. In Etourvy, Virginie and Marie-Claire also started worrying and tried to find ways to shelter everyone and to have nearly 200 people eating in a place designed for 100 at most. In the end, we had a really nice weather, but I’m already anxious for next year.
Last year, after the Covid years, few foreigners were back. This year, players from America, from Eastern Europe and even from Asia were back – even when it seems like Yohan Goh is now spending half of his time traveling in Europe. Anyway, I’m always been in favor of cosmopolitanism, so let’s enjoy it. Children were back as well, which makes for a nice change from most professional gaming conventions.
Organization
I had very few last minute cancellations this year, which means that the (very rough) numbers are balanced, or may be even slightly positive, for, if I remember well, the second time in thirty years.
I take care of the numbers, the accommodation, I pack and bring the games, I check everything during the week, but I could probably not do it any more without the help from the small advance team which arrives with me on Monday – especially Camille. It would nevertheless be much easier for everyone if people were more careful not to let empty glasses, when it’s not empty glasses used as table trash cans, everywhere…
I always prepare one or two big simple outdoor games, to bring everyone together, this year Two Rooms and a Boom, Giant Twister and the traditional Brouhaha. Laurent Escoffier had been missed last year, he was back with strange outdoor games using chains, magnets and folding rule, as well as a new competitive version of the Walking Mind.
Franck held, as always, the poker tournament, while Théo took care of Challengers. Sébastien was not here this year, so Ghislain replaced him to organize the Around the Earth in 80 Days murder party, while Mathias and Zephiriel held Papers, a light zany larp about coaching, business culture, ludification and all that crap. L’equipe Ludique held Everyone on Stage, a crazy game about reenacting movies with the limited means availabe. The weather being cooler than last year, Maud held a running tour of the nearby countryside, while Charles organized a walking and wine drinking tour for those – the vast majority – who don’t even try follow Maud.
The white whale and the orca
When arriving in Etourvy, I was slightly disappointed to find out that the parcel from Oink games with my author copies of Whale to Look, which had been premiered the week before at the Tokyo game market, didn’t make it in time. I was even more delighted when it arrived on Friday afternoon. I immediately seized the first box and sent a few tourists whale watching.
Jun Sasaki and the Oink team have largely developed my original concept, in directions I didn’t expect. I had only played a near final version of their game once, online, in far from optimal conditions. I was wary of some of the changes they had made to the game, but my reservations about the new rules disappeared after a few games in Etourvy. Their game is indeed better than what I had originally submitted, and I am therefore giving up the idea of developing on my side my tile game about watching stars. I should, one of these days, rewrite my article about Whale to look to make this clear.
Holy Grail !
Grail Cup will only hit the stores next fall, but Arnaud Charpentier had brought a preproduction copy, missing only the special die which we easily replaced with a standard one. I am really lucky with game art these days. Grail Cup is as cute as Whale to Look, though in a completely different style en boutique. I had great fun looking for the many Easter eggs disseminated by John Kovalic on the board, and I even found myself in one. I played a few games, fast and eventful.
I had also brought a few recent prototypes. The best received were Chicken Thieves and Fruit Salad, we’ll see if something comes out of it.
So many games
This year, I took advantage of the ludopathic gathering to move some of my games, who left my old flat rue de Belleville and came back to my new one, rue de la Villette. Every year, I bring about 1.000 games to Etourvy, and I’m always surprised to see most attendees playing either unknown prototypes or games which I am sure d’ont belong to my collection.
According to both my feeling and the many pictures I have seen, the most played game during this five days was Mind Up. It’s a fun come back since the prototype of this very kniziesque card game was shown by its designer, Maxime Rambourg to its publisher, Catch’Up, last year in Etourvy. Other much played small box games were Antonin Boccara & Romaric Galonnier’s Focus, Muneyuki Yokouchi’s Cat in the Box, Hisashi Hayashi’s The Number, Ken Gruhl & Jeremy Posner’s Mantis and, of course, Whale to Look, starting from Friday afternoon.
Among bigger boxes, but not necessarily more serious games, the hits were the zany and noisy Hand to Hand Wombat, for which a few advanced rules were designed, as well as the more serious cooperative games Kites, by Kevin Hamano, Kuzooka by Leo Colovini and DorfRomantik by Michael Palm and Lukas Zach. The latter is so ugly that, though nearly everyone played it, no one took a single picture of it.
Among party and vocabulary games, the most played were, like last year, Krazy Wordz, by Dirk Baumann, Thomas Odenhoven and Matthias Schmitt, but also two brand new games, Nomas Kurnia’s Hunch!, a strange game feeling a bit like a mix of Decrypto and Codenames, and the prototypes of Sidesbrought by the Captain Games’ team.
The most played boardgames wwere Paul Dennen’s Dune Imperium and Reiner Knizia’s Quest for El Dorado. None of them is new, but there has been a few recent expansions for Dune and a new edition of Quest for El Dorado gorgeously illustrated by Vincent Dutrait. Except for Ryan Lambert & Adam Rehberg’s Planet Unknown, which, by the way, was carelessly placed back in the box by its last players, most new big box heavy games flopped.
Back to role playing games ?
The unexpected comeback of tabletop rpg which has been much discussed these last months also affected Etourvy. In the very first Etourvy gatherings, in the mid nineties, many of the attendees were LARP friends, and there was the occasional tabletop rpg session. I even first discovered the nearby villages during a zany LARP in which the Mexican mafia, having discovered a way to produce cocaine from rapeseed, was trying to corner the local rape market, but was facing aliens whose stranded spaceship was running on rapeseed oil and vampires who were using to produce an elixir helping them to get off blood.
For a few years now, Sébastien and Isabelle have been holding small murder parties in Etourvy. This year, Ghislain and Isabelle organized Around the earth in 80 days, while Mathias and Zephiriel held Papers. L’Equipe ludique’s movie making game, Two Rooms and Boom, and even in a way narrative boardgames such as Alice is Missing, also have something to do with role playing. Also, for the first time I think, several publishers had brought role playing books, and sometimes heavy and ambitious ones, for the prize table. I probably won’t go back to tabletop rpg, but it makes me want to play more larps, if I can fit them in my schedule.
That’s it. Since more and more people are organizing stuff during the ludopathic gathering, I certainly missed one or two notable events. Anyway, thanks to al the attendees, thanks to all those who organized small and big games, thanks to all those who helped me in managing the even, thanks to the team at the Domaine Saint-Georges, and thanks to MeteoFrance, I hope they will be as efficient next year. See you next year.
Portraits de joueurs par Antoine Bauza – Gamers’ portraits by Antoine Bauza
Mes photos – My pictures
Photos de Dylan et Tanya – Dylan’s and Tanya’s pictures
Photos d’Isa – Isa’s pictures
Photos de l’Equipe Ludique – Equipe Ludique’s pictures
Photos de Maeva – Maeva’s pictures
Photos de Marie G. et Martin Vidberg – Marie G. & Martin Vidberg’s pictures
Photos de Maud – Maud’s pictures
Photos de Régis – Regis’ pictures
Photos de Seb – Seb’s pictures
Photos de Sandra – Sandra’s pictures
Photos d‘un peu tout le monde – Various pictures from various gamers
J’aime beaucoup les petits jeux de l’éditeur japonais Oink Games, mes préférés étant sans doute leurs trois grands succès, A Fake Artist Goes to New York, Deep Sea Adventure et Insider, mais aussi d’autres dont on parle moins, Durian, Mr Face, In a Grove ou Kobayakawa. J’aime aussi leur format, des petites boites bien remplies à l’esthétique minimaliste. Lors de mes voyages au Japon, à l’époque où j’étais un peu tout le temps au Japon, j’ai en outre eu l’occasion de croiser Jun Sasaki, créateur de la boite et auteur de la plupart des jeux, et l’ai trouvé fort sympathique.
Le format, les jeux, l’éditeur, cela faisait trois bonnes raisons pour essayer de temps à autre de caser un jeu chez l’éditeur tokyoïte. J’en ai même conçu un spécialement pour leurs petites boites, Maracas, qui a fini chez Blue Orange. Ne désespérant jamais, j’ai, fin 2022, encore envoyé les règles d’un petit jeu mêlant mémoire, estimation et prise de risque, qui n’avait pas encore de thème. Jun et son équipe l’on essayé, l’ont trouvé un peu trop exigeant et méchant pour leur public familial, mais Jun m’a demandé s’il pouvait essayer de le retravailler. À partir de la mécanique principale, les cartes cachées regardées à tour de rôle par les différents joueurs et les paris sur la valeur d’un groupe de cartes, il a imaginé très rapidement quelque chose de plus léger, et trouvé un thème amusant, l’observation des baleines et des orques. Le développement du jeu, que je n’ai regardé que d’assez loin, s’est donc fait très rapidement, au Japon.
J’aime beaucoup le titre anglais, Whale to Look, que certains Américains auraient sans doute trouvé raciste s’il n’avait été imaginé par un japonais. Le matériel, comme toujours chez Oink et comme vous pouvez le voir sur les photos, est extrêmement mignon.
Dans Whale to Look, les joueurs emmènent des touristes observer les baleines et les orques, mais il faut viser juste pour apercevoir les animaux. La baleine est toujours dans le coin où il y a le plus de poissons, la grande orque dans celui où il y en a le moins, et chacun à son tour, avant d’envoyer un bateau, peut regarder l’une des cartes qui constituent la mer et voir le nombre de poissons qui y figurent.
Whale to Look est un jeu de déduction, mais pas un pur jeu de logique. Si chacun dispose d’informations objectives, les cartes qu’il a vues, on ne peut gagner qu’en interprétant aussi correctement les actions des autres joueurs, et il peut parfois avoir un peu de bluff. Les jeux de ce type sont assez peu nombreux. les deux qui me viennent à l’esprit, deux jeux que j’apprécuie beaucoup, sont Cursed Court, de Andrew Hanson, et Divinare, de Brett J. Gilbert. Si vous aimez vraiment l’un de ces deux jeux, vous pouvez acheter Whale to Look les yeux fermés.
Whale to Look, en japonais la baleine blanche et la grande orque, est publié pour l’instant dans une édition bilingue français-japonais. J’ignore quand et comment le jeu sera distribué en Europe ou en Amérique, mais vous pouvez commander le jeu sur le site de l’éditeur. Vous pouvez même y acheter une peluche réversible, baleine blanche d’un côté, orque de l’autre…
Whale to Look – クジラオルカ Un jeu de Jun Sasaki et Bruno Faidutti 2 à 5 joueurs – 30 minutes Publié par Oink Games Boardgamegeek
I really like the line of small games by Japanese publisher Oink games. My favorite ones are their three big hits, A Fake Artist Goes to New York, Deep Sea Adventure and Insider, but also lesser known ones, Durian, Mr Face, In a Grove or Kobayakawa. I also like the format, small boxes filled to the brim and a deliberately minimalistic aesthetic. While traveling in Japan, which I used to do a lot, I had the chance to meet Jun Sasaki, the founder of the company and designer of most of its games, and it is a really nice guy
The format, the games, the publisher, I had three good reasons to regularly try to have one my own small designs published by Oink. I even designed one specifically for their small rectangular boxes, Maracas, which in the end was published by Blue Orange. In late 2022, I sent them the rules and files for a small game, a mix of memory, estimation and risk taking. It was still an abstract game, I had not found a suitable theme. Jun and his team played it, found it too unforgiving, too much of a brain burner, for their line of light party and family games, but Jun asked me if he could try to rework it. Starting anew from the core system, hidden cards which players look at on turn before betting on the value of a group of cards, he designed something much lighter, and found a cute and suitable setting, ships carrying tourists to look at white whales and orcas. The development was very fast and made entirely in house in Tokyo, while I only vaguely looked at it from afar.
I especially like the English title of the game, Whale to look, a pun which Americans would probably have thought racist if it had not been devised by a Japanese! The components, as always with Oink, are incredibly cute, as you can see on the pictures.
The players in Whale to Look own ships and carry tourists whale watching. Most looked after are the big white whale and the big orca. The white whale is always in the place with the most fishes around, the orca in the place with the fewest ones. Every round, before sending their ship somewhere, players can secretly look at one of the sea cards and see the fishes on it.
Whale to Look is a deduction game, but not a purely logical one. Every one has some infos, the cards they have seen, but one cannot win without also reading into the opponents moves, which means there is sometimes a bit of bluffing. There are few games like this, and the only two ones which I can think of now are Andrew Hanson’s Cursed Court and Brett J. Gilbert’s Divinare. If you like one of these games, you are sure to enjoy playing Whale to Look.
Whale to Look, in Japanese The white whale and the orca,is published so far in a blingual Japanese-English version. I have no idea if and when it will be available in the West, but you can order it from the publisher’s website. They even sell a reversible plushy, whale one one side, orca on the other.
Whale to Look – クジラオルカ A game by Jun Sasaki and Bruno Faidutti 2 to 5 players – 30 minutes Published par Oink Games (2023) Boardgamegeek