Tom Vasel aime Secrets
Tom Vasel approves Secrets

Tom Vasel a aimé Secrets, et comme il est sans doute l’ « influenceur » le plus influent dans le petit monde du jeu de société, je ne peux que m’en réjouir.
Dans ses commentaires, il revient à plusieurs sur deux remarques. La première est que ce jeu fait penser à une version plus sophistiquée de Cockroach Poker. C’est fort bien vu, même s’il n’y a pas d’identités secrètes dans le jeu de Jacques Zeimet. Secrets, c’est un peu la version « joueurs » d’un mélange entre le poker des cafards, auquel j’ai beaucoup joué il y a une quinzaine d’années, et Mascarade.
L’autre remarque, c’est que cela ressemble plus à un jeu de Bruno Faidutti qu’à un jeu d’Eric Lang. Je m’y attendais, d’autant que c’est une réflexion que l’on nous avait déjà faite à la sortie de Dolorès, notre première collaboration. La réponse sera donc la même, non, on a vraiment bossé tous les deux là dessus, se renvoyant régulièrement la balle. Ceci dit, notre collaboration ces dernières années est surtout due à un souhait d’Eric de faire des trucs plus légers et moins stratégiques. Je n’ai pas autant, je crois, l’envie de me remettre aux gros jeux, même si Eric et moi avons aussi un truc un peu plus ambitieux en chantier.

Tom Vasel likes Secrets, and since he’s probably the most influent influencer in the small board gaming world, that’s a good news.
In his comments, he stresses two interesting points I’d like to shortly discuss. He compares several times Secrets with Cockroach Poker. that’s well spotted, even when there’s no hidden identities in Jacques Zeimet’s game. Secrets feels a bit like a gamers’ fusion between Mascarade and Cockroach Poker, which I played a lot fifteen years ago.
The other comment Tom repeats a few times is that this game feels more like Bruno Faidutti than like Eric Lang. I’m not really surprised, especially after already having the same remark made last year about Dolores, our first common design. The answer is that we really designed both games together, and that there are ideas from both of us in the final result. What is probably true, however, is that our collaboration was more due to Eric wanting to work on lighter stuff, than to me wanting to come back to big heavy boxes. Anyway, we’re still occasionally working on another game, and this one might end up being heavier.

And by the way, here’s another nice review of Secrets.

 

Cari et les illustrations de Secrets
Cari and the Secrets art

Bonjour Carole, Je n’avais pas entendu parler de toi avant de voir les illustrations de Secrets. Cela ne fait pas bien longtemps que tu fais des illustrations de jeux. Qu’as-tu fait avant, que fais-tu d’autre, et comment en es-tu arrivé aux jeux de société ?

Salut Bruno !
Tu as raison, ça ne fait que deux ans que je me suis lancée dans l’illustration de jeu de société. Mais je viens quand même du jeu… vidéo ! J’ai été animateur et lead anim pendant plusieurs années (chez Ubisoft, Arkane Studios et Dontnod, entre autres).
A la base j’ai étudié le dessin à l’école Emile Cohl sur Lyon (que je recommande à tous ceux qui veulent un bon bagage artistique !). Une fois dans le jeu vidéo, j’ai complètement arrêté de dessiner pour me concentrer sur l’anim et tous les problèmes techniques liés au jeu vidéo … bref le dessin me manquait beaucoup !
Maintenant j’illustre pour le jeu de société. J’ai bossé avec les Space Cowboys sur 3 jeux déjà, avec Matagot et maintenant avec Repos Prod ! J’ai fait aussi du jeu de rôle pour Black Book Editions et j’ai hâte d’en refaire !
Pinup et zombies, Illustration pour HitzRoad

Mais ma vraie passion c’est la bande dessinée !
Il y a un mois j’ai signé mon tout premier contrat de BD avec Glénat ! C’est le rêve de ma vie qui se réalise ^^
Ma partenaire au scénario s’appelle Clotilde Bruneau, elle cartonne en ce moment sur une série de mythologie : La Sagesse des Mythes.
Notre histoire à nous se passe au temps du western et sera publié sous forme de roman graphique dans la collection Vents d’Ouest !

• Es-tu joueuse ? Si oui, est-ce que tu lis les règles d’un jeu, et essaie d’y jouer, avant de l’illustrer ? Ou après ?

Oui, je suis très très très joueuse, mais pas hardcore non plus. J’adore les jeux d’équipe plutôt rapides ! Il parait que je suis mauvaise perdante, mais je nie absolument ce qualificatif ! J’adore gagner, c’est tout ^^
Alors malheureusement non, je n’ai pas encore eu la chance de jouer à un jeu avant de travailler dessus. Et c’est bien dommage, car je pense que ça aiderait beaucoup pour la cohérence des illustrations de voir comment on tient les cartes, où est-ce qu’on les place, dans quel sens, etc.
Tout dépend de la complexité des jeux évidemment. Dans le cadre de Time Stories – Estrella Drive avec les Space Cowboys (qui sortira bientôt), ils m’ont envoyé les scénarios déjà parus, pour que je puisse tester le jeu et comprendre les mécaniques. Ca m’a beaucoup aidé. Etant donné la complexité de Time Stories, je ne vois pas comment j’aurais pu illustrer correctement sans voir l’objectif concret. On crée des objets réels, ce n’est pas du virtuel. C’est important je pense de visualiser l’ensemble.
A ce sujet, je vais peut-être bientôt collaborer avec Delphin Druelle d’Eclosion Games et normalement on fera des playtests ensemble avant d’attaquer les illustrations. J’ai hâte de vivre cette expérience et de voir ce qu’on pourra en tirer de meilleur !

Pavillon Noir

Comment travailles-tu ? Tout à la main, ou une ébauche à la main et le travail final sur ordinateur (ça m’a l’air le plus fréquent chez les autres illustrateurs que j’ai interrogés), ou tout sur écran ?

Non, je fais quasiment tout sur écran. Je fais juste quelques recherches de composition sur des carnets, mais en général ils sont tellement sommaires que je ne les scanne même pas.
Par contre je passe énormément de temps en recherches et je fais beaucoup d’essais de compos, de style… Ça me prend du temps mais c’est là où je me sens la plus performante, et ça évite que je me repose sur mes acquis.
C’était le cas sur Secrets. Je voulais vraiment développer le style des années 50. J’ai regardé beaucoup de films, de séries TV qui se passaient dans ces années-là et même de la haute couture pour trouver des inspirations !


Pour un récit circonstancié de l’illustration de l’espionne par Cari, c’est sur son tumblr.

J’adore aussi me mettre des musiques de l’époque en fond. Ça stimule mon imaginaire !
Sinon, plus techniquement je travaille sous Photoshop et sur un écran Cintiq 24’ qui est devenu mon meilleur ami. Dommage d’ailleurs qu’il soit si lourd, sinon je l’emmènerais partout avec moi !^^

Préfères-tu que l’éditeur te lâche la bride pour les illustrations, ou qu’il te donne des indications précises ?

Je dirais que ça dépend du sujet. Si c’est un sujet que je maîtrise, je n’ai pas forcément besoin de beaucoup d’éléments.
En général je préfère être assez libre, c’est là où je peux m’exprimer. Je pense que c’est avant tout pour s’exprimer qu’on choisit ce métier !
Mais en même temps, plus on a de descriptions, plus il y a de quoi réfléchir et c’est souvent palpitant d’échanger avec le créateur. J’adore tout ce qui est brainstorming.


Millions of Dollars

Dans le cas de Secrets, comment cela s’est-il passé ?

Pour Secrets, à la base je n’avais pas forcément besoin de beaucoup de précisions car les personnages étaient déjà bien établis de par leur métier respectif.
Mais avec Alexis Vanmeerbeeck (Directeur Artistique), on a quand même réussi à échanger énormément sur certains personnages, et je dois avouer que j’ai adoré cette collaboration. Alexis regorge d’idées et a un grand sens artistique, c’était vraiment super inspirant de travailler avec lui !
Secrets est vraiment l’une de mes meilleures expériences en tant qu’illustrateur. Je suis très fière de ce que j’ai fait. Ce qui est assez rare, vu comment je suis hyper pointilleuse et exigeante ! Mais laisse passer quelques mois, et je reviendrais dessus en me disant : « Wouah ! Quelle horreur !»

Une anecdote, un truc marrant, une réflexion à propos de Secrets ?

Hah, en voila deux.
Tout d’abord il faut savoir que j’ai bien failli ne pas illustrer Secrets.
J’ai rencontré Alexis Vanmeerbeeck sur le festival de jeux à Cannes par le biais d’un ami graphiste chez Repos Prod : Eric Azagury. Quand Alexis m’a rappelé pour Secrets, j’ai d’abord décliné car j’avais beaucoup de travail et je souffrais d’une tendinite au poignet. Eric m’a quand même convaincue de rappeler Alexis car il avait vraiment aimé une des pinups de mon book et avait du mal à trouver un autre illustrateur pour le projet.
Evidemment, je ne regrette pas du tout d’avoir dit oui finalement !
L’autre anecdote c’est qu’il y a eu deux versions pour le personnage du diplomate.
Au tout début de notre collaboration, on m’avait demandé 9 personnages : 5 hommes et 4 femmes. J’avais pointé que je trouvais dommage que le personnage du diplomate soit masculin. Je le trouvais assez cliché et trop proche du personnage politicien. L’équipe a quand même voulu laisser le diplomate en homme.
Et début janvier, quand j’avais déjà tout fini, on m’a finalement demandé de refaire le diplomate en femme, et voici les deux variantes :


Avec du recul, je suis presque déçue, car j’adorais mon diplomate masculin ^^

Quand on regarde ton site, on voit deux inspirations qui reviennent, les années cinquante-soixante, et les jolies filles plantureuses. Je ne connais pas du tout les dessinateurs de pin-ups, mais – réflexe sexiste sans doute – j’imaginais plutôt des hommes. Comment te situes-tu par rapport à ça ?

Haha tu as remarqué aussi ?
C’est évident que je préfère dessiner les filles, c’est depuis toute petite. Après, je ne fais pas que ça, je fais aussi du réaliste pour le jeu de rôle et c’est cool à faire aussi !
Mais c’est vrai que j’ai appris à dessiner avec les mangas, et ça se voit encore dans mon style je pense. Masakazu Katsura (le créateur de Video Girl Aï) était mon maître absolu. On peut dire que dans son genre, c’était le roi des pinups.

Masakazu Katsura

J’adore dessiner du glamour et du sexy.
J’admirais beaucoup Royo aussi, qui s’adressait quand même beaucoup plus à un public masculin (pour ne pas dire mâle !). Maintenant avec un oeil d’adulte, je trouve ça assez vulgaire, mais le talent est là et les femmes y sont juste magnifiques.
Je ne sais pas s’il y a un genre prédéfini pour le dessinateur de pinups. C’est un peu cliché de dire ça, comme de dire qu’il n’y aura que les hommes qui voudront dessiner des voitures et qu’il n’y aura que des femmes qui dessineront des livres pour enfants. Cependant, ce n’est peut-être pas tout à fait faux ^^


J’ai une amie dessinatrice qui adore aussi dessiner les pinups. C’est beau et c’est facile à dessiner. Le dessin c’est aussi fait pour faire rêver, mais c’est sûr que ça ne doit pas se limiter à ça ! Heureusement je suis capable de faire d’autres choses ^^
D’un point du vue purement personnel, je trouve aussi que les courbes des hanches et du buste chez les femmes sont plus agréables à dessiner que chez les hommes.

Je dirais presque qu’il n’y a qu’un Michel-Ange pour pouvoir rendre glamour le corps masculin !

Secrets
Un jeu de Eric M. Lang et Bruno Faidutti
Illustré par Carole Chaland
4 à 8 joueurs – 20 minutes
Publié par Repos Prod (2017)
Boardgamegeek


Hi Carole,
I had never heard of you before I first saw the graphics for Secrets. It looks like you’ve just started illustrating games. What did you do vefore, what are you still also doing, and how did you end up illustrating boardgames ?

Hi Bruno !
You’re right, I’m working on boardgames illustrations for only two years, but I was still in games before – in video games. I’ve been 3D Animator and Lead Animator for several years, at Ubisoft, Arkane Studio, Dontnod and others).
 I’ve studied illustration at the Emile Cohl school in Lyon (which I strongly recommend), but once in the video game industry, I’ve completely stopped drawing to focus on animation, and all technical issues of video games. I was really missing drawing.
Now, I’m mostly illustrating boardgames. I’ve worked with Space Cowboys on three different games, with Matagot and now with Repos Prod. I’ve also worked on role playing games with Black Book Editions and I’m eager to do it again.




HitzRoad

My true passion, however, is comics. Just one month ago, I’ve signed for my first comics with Glénat editions. It’s like the dream of my life becoming real. The scenarist is Clotilde Bruneau, who’s having a great success at the moment with a Mythology comics series, The Wisdom of Myths. Our is a western story and will be published as a graphic novel in the Vents d’Ouest collection. (Bruno’s note : this might not tell a lot to foreign readers, but Glénat and the Vent d’Ouest series are really big stuff here).

Are you a gamer ? If you are, do you read the rules and play a game before illustrating it ? Or may be afterwards ?

Yes, I am a dedicated gamer, but not a hardcore one. I prefer fast paced team games. I’ve been called a sore loser, but I disagree – I just like to win.  ^^
Unfortunately, I’ve never had the chance to play a game before illustrating it. It’s a shame. I think knowing how cards are held in hand, in which position they are played, how they are stacked, would help a lot in making the graphics consistent with the gameplay.
 Of course, it also depends on the game. For Time Stories – Estrella Drive (to be published soon), the Space Cowboys did send me the scenarios already published, so that I could play the game and understand its systems. Given how complex Time Stories is, I probably could not have illustrated it without an idea of the final object. With real objects, even more than with virtual ones, a global view is required.
I’m to start soon working with Delphin Druelle, at Eclosion Games, and we’re supposed to play the game together before I start working on the graphics. I’m really eager to experience this and see how it can improve my work.

Pavillon Noir

How do you draw ?  Everything by hand, or first a hand draft and then the final work on a computer (which seems to be the usual way with the other illustrators I’ve asked), or everything on screen ?

I do almost everything on screen. I only draw some rough composition studies on paper, but they are so rough and vague that I don’t even scan them.
On the other hand, I spend much time on research, and I make lots of essays in style and composition. It takes time, but I feel that’s what I do best, and it prevents me from always building on former achievements.
That’s how I worked on Secrets. I wanted a true fifties look and feel. I watched lots of movies and TV series taking place in these times, and even browsed high-fashion magazines looking for inspiration.

For a detailed story – in French – of how Cari imagined and drew the Spy character, read her tumblr

I also like to listen to music from the period I am illustrating , it helps my imagination.
More technically, I work with Photoshop on a Cintiq 24’ screen which has become my best friend. Unfortunately, it’s too heavy to bring with me everywhere.

Do you prefer to work under strict instructions and work description, or to be let loose on how to illustrate a setting ?



It depends on the subject. If it’s something I know quite well, I don’t need many elements to start drawing. As a general rule, I prefer to feel free to express myself – that’s probably why most illustrators have chosen this job.
But on the other hand, more descriptions also means more to think about, and discussing with the designer is always exciting – I love brainstorming.


Elysium

And how did it go with Secrets ?

I didn’t need many details for Secrets, because the characters were largely defined by their occupations. Nevertheless, I discussed a lot with Alexis Vanmeerbeeck (the artistic director) on a few characters, and it was great. Alexis has scores of ideas and a great artistic feel, which makes working with him really inspiring.
Secrets really was one of y best experiences as an illustrator. I’m really proud of the job done – and it’s not always the case, since I can be demanding and punctilious with myself. Anyway, in a few months, I’l probably look at it with horror.

Any fun anecdote about Secrets ?

I have two.
First, I might not have worked on Secrets. I met Alexis Vanmeerbeeck at the Cannes game festival through a friend of mine working as a graphiste at Repos Prod, Eric Azagury. When Alexis called me about Secrets, I first declined the job because I suffered from a wrist tendonitis. Eric insisted and convinced me to call Alexis back because they really liked one of the pinups in my book and they had a hard time finding someone else for this project. In the end, I’m really glad I finally agreed to do the job.

The other anecdote is about the Diplomat character. There has been two versions of it. I was first asked for nine characters, 5 males and 4 females. I had made known that I thought the Diplomat should be a woman, because the male diplomat was too much a cliché and too similar with the politician. The Repos team insisted on a man, so a man it was. Anyway, in January, when everything was finished, they finally asked me to redraw the Diplomat as a woman, which I did. Here are the two variants….


And of course,with some hindsight, I now regret my male diplomat, whom I had learned to like a lot…

I’ve browsed through your website, and noticed two main sources of inspiration, the fifties and sixties, and sexy curvy women. I know very little about pin-up artists, but I naively imagined that they were mostly men. Any comments on this ?  

So you’ve noticed as well ?
Obviously, since I was a little girl, I’ve always preferred to draw women – but I can do other stuff, like realistic illustrations for role playing games, and I’ve also fun doing it.
I learned to draw with mangas, and it probably still shows in my drawing style. My ultimate model was Masakazu Katsura (the creator of Video Girl Aï) and, in his own style, he was the king of pin-up artists. I still love to draw glamour and sexy illustrations.
Masakazu Katsura

I also liked a lot Royo, even when his style was clearly targeted at a more male audience. Now, as an adult, I find him a bit vulgar, but it doesn’t detract from his talent, and his women are still gorgeous.
I’m not sure pinup artists are bound to be men more than women. It’s a bit of a cliché, like men drawing cars and women illustrating children books. On the other hand, may be it’s not completely wrong….


Chun Li

I’ve a friend, a woman, who also loves to draw pinups. It’s pretty, and easy to draw. Art’s first function is to make one dream, but of course there are other ones – and I’m able to do other stuff.
It’s very personal, but I prefer to draw women’s hips and chests than men’s ones.

I think Michelangelo was the only one who managed to make men’s bodies look glamorous.

Secrets
A game by Eric M. Lang & Bruno Faidutti
Art by Carole Chaland
4 to 8 players – 20 minutes
Published by Repos Prod (2017)
Boardgamegeek

Secrets

Eric Lang et moi avons, ces deux dernières années, travaillé ensemble sur trois petits jeux de cartes.

Dilemma, notre premier prototype, construit autour du dilemme du prisonnier, s’appelle finalement Dolorès, et est sorti l’an dernier chez Lui-Même éditions. Secrets, notre deuxième jeu va bientôt arriver chez Repos Production, dans le même format que Mascarade. Le troisième, qui pour l’instant s’appelle Animal Farm, n’en est qu’à de premières mais prometteuses ébauches. J’entends déjà les critiques affirmer que ces petits jeux de cartes assez légers et psychologiques ressemblent plus à du Faidutti qu’à du Lang, mais le fait est qu’ils ont vraiment été tous, du début à la fin, des collaborations. Nous avons aussi essayé de faire un party game, et un gros jeu plus langien dans une grosse boite, mais cela n’a rien donné de très convaincant pour l’instant.


Discussion avec Eric Lang à la Gen Con

Dolorès n’était pas encore totalement finalisé lorsque nous avons commencé à réfléchir à notre deuxième jeu. Depuis le succès des Loups-Garous, les jeux à identités secrètes – ce que les anglo-saxons appellent les « social deduction games » – sont devenus un genre à part entière, avec ses précurseurs, Hoax et Mafia (et peut-être Citadelles), ses classiques, Les Loups Garous, Résistance ou Complots et de nombreuses variations plus ou moins originales.  Ce sont des jeux vivants, rapides, tendus, tout en bluff et en interactions – un genre qui semble fait pour moi, et auquel je me suis déjà essayé avec Mascarade et quelques projets inaboutis. Eric Lang, de son côté, était plutôt spécialisé ces dernières années dans les gros jeux de plateaux avec plein de règles et de figurines, mais ayant souvent une dimension psychologique, comme dans le draft de Blood Rage, sans doute celle de ses créations que je préfère.

La feuille de route de notre deuxième projet, griffonnée lors d’une discussion à la Gen Con, était assez simple – un jeu à identités secrètes, par équipe, dans lequel les joueurs doivent enquêter et intriguer pour découvrir quels sont leurs partenaires, et peuvent changer d’équipe en cours de partie. Le titre, Which Side are you on?, chanson emblématique des syndicats et de la gauche américaine, s’est imposé de lui-même, et le premier prototype avait donc des équipes rouge et jaune.


Which Side are you on ? aux rencontres ludopathiques

Alors que Mascarade est un jeu que l’on joue chacun pour soi, Which Side are you on? était dès le début, comme l’indique son titre, un jeu opposant des équipes secrètes et mouvantes, et où l’une des difficultés est d’identifier ses partenaires. Au cours du développement, nous y avons quand même ajouté un ou deux joueurs qui la jouent perso, mais ils n’ont pas le même objectif que ceux qui jouent en équipe.

Contrairement à Dilemma / Dolorès, qui avait été terminé assez vite, Which Side are you on ? / Secrets  a demandé beaucoup de réglages. Dans les premières ébauches, par exemple, l’identité d’un joueur était déterminée par la majorité de trois jetons, un qu’il avait devant lui et deux qu’il partageait avec chacun de ses deux voisins. C’était sans doute malin, mais finalement un peu lourd à manipuler. De même, les joueurs avaient très classiquement des cartes en main, et le manque de données sur les mains des autres joueurs rendait le bluff difficile. Nous avons essayé bien des versions, avec plus ou moins de cartes, plus ou moins d’information, plus ou moins de jetons, plus ou moins de mouvement. Même après la signature du contrat, nous avons continué à faire des modifications – la dernière règle que j’aie rédigée portait le numéro 6.8, et c’était avant que l’équipe de Repos ne suggère d’autres réglages.

Pour le thème, après les syndicats américains, nous avons essayé une version ésotérique, cabalistes contre illuminatis, qui fonctionnait assez bien, mais le thème était un peu trop, justement, ésotérique. Dans le même esprit fantastique, nous avons pensé aux grandes religions, islam et christianisme ; cela collait assez bien, avec des conversions plus ou moins secrètes et un ou deux bouddhistes pour faire bon poids, mais il est devenu trop risqué aujourd’hui de se moquer de la religion. Chats et chiens ne fonctionnait pas vraiment, faute d’ambiguïté entre les deux statuts et de problèmes existentiels. Je sais que l’éditeur a essayé un temps une thématique science-fiction, vaguement Star Wars, Empire et rebelles. Finalement, après bien des tâtonnements, Repos a choisi la guerre froide, CIA contre KGB dans les années 60 – avec quelques hippies venus semer le trouble dans les consciences. Un thème plus original, et qui permet des illustrations au look vintage et un peu décalé, la spécialité de Carole Chaland.

Pour le titre, j’aurais voulu conserver Which Side are you on? , qui a l’avantage de suggérer déjà les mécanismes du jeu, mais cela ne marche qu’en anglais, et rappelle trop aux américains l’univers des grèves et des syndicats, certes positif mais pas très excitant. C’est donc finalement Secrets – car à notre grande surprise, comme vous pouvez le vérifier sur le Boardgamegeek, il n’y a pas encore de jeu qui s’appelle ainsi.

Secrets se joue de 4 à 8 joueurs. La majorité d’entre eux appartiennent à l’une des agences rivales, CIA et KGB, et un ou deux sont des hippies. Les cartes représentent des personnages, Politicien, Journaliste, Diplomate, Scientifique et quelques autres que chacun essaie de recruter dans son camp, tout en s’efforçant de déterminer quels sont ses alliés. Pour cela, chaque joueur à son tour pioche deux cartes, connues de tous, et en choisit secrètement une qu’il propose à l’un des autres joueurs, face cachée. Le joueur à qui la carte est proposée décide alors lequel des deux recrute la carte et en applique les effets – effets bons ou mauvais, qui peuvent affecter les scores des joueurs, révéler des informations, et parfois faire changer de camp un joueur.  Secrets demande donc de la psychologie, un peu de sens tactique, et une certaine capacité à déjouer les embrouilles.

Secrets
Un jeu de Eric M. Lang et Bruno Faidutti
Illustré par Carole Chaland
4 à 8 joueurs – 20 minutes
Publié par Repos Prod (2017)
Vindjeux      Ludovox     Trictrac      Boardgamegeek


These last years, Eric Lang and I have worked together on three light card games.

Our first co-design, built around the prisoner’s dilemma, H.M.S. Dolores, has been published last year by Lui-Même. The second one, Secrets, is published by Repos Production, in the same box size as Mascarade. The third one, with working title Animal farm, is only a rough prototype so far, but shows some promise. We’ve been already told a few times that these light and psychological games felt more like Faidutti than Lang , but the truth is that they all have been, from the original idea to the final version, collaborative work. We’ve also thought of a party game, and started working on heavier and more langesque stuff, but none of this has been very convincing so far.

We’ve started thinking on our second game before HMS Dolores was even finalized. Since the world success of Werewolves, secret identity games, also known as social deduction games, have become a genre in itself, with its precursors, Hoax and Mafia (and may be Citadels), its classics, Werewolves, The Resistance or Coup, and several more or less original variations. These are lively, tense and fast paced games, built around bluffing and interaction, a genre I’ve always liked and with which I already tinkered with with Mascarade and a few abandoned projects. These last years, Eric Lang has mostly worked on big boxes full of rules, cardboard and plastic, but often with some psychological elements, like the draft in Blood Rage, which is probably my favorite among his designs.

The roadmap for our second design, which we discussed very shortly two years ago at gen Con, was relatively simple. It was to be a secret identity game, in which players had to find out who their teammates were, but could also try to change teams when they thought the other side was winning. The obvious title was Which Side are you on ?, and the first prototype was therefore themed about worker unions, the teams being red and yellow (In French, “yellow” is slang for strike-breaker – I don’t know if it also works in English).

While Mascarade is every player for himself, Which Side are you on was, as one can guess from its original name, a team game with secret and sometimes changing teams, in which every player must try to find out who is on their side. During the game development, we added one or two players with a different and individual victory condition.
Unlike Dilemma / Dolorès, whose development went very fast, Which Side are you on ? / Secrets needed lots of tuning. For example, in the first versions, a player’s team was determined by the majority in three tokens, one in front of them and two shared with their left and right neighbor. It was clever, but it was also confusing and a bit heavy. Similarly, players had hands of cards, and the lack of information about other players’ hands mad bluffing very hazardous. So we changed all that, and tried many versions with fewer or more tokens or cards, with more or less movement and information. Even after the contract was signed, we kept on making criticl changes to the game. The last rules version I wrote was the 6.8, and that was before the Repos team took over and suggested more changes.

US trade unions made for an original setting, but not something very easy to sell. We tried something esoteric, cabalists against illuminatis; it worked but the setting was too, well, esoteric. We thought of another strange fantasy, religion, Islam vs Christianism, with more or less secret conversions and one or two Buddhists thrown in just for fun, but it has become too risky to mock religions. Cats vs Dogs didn’t work, due to a lack of ambiguity between the two positions. I know the publisher tried a sci-fi version, empire against rebels. We finally agreed on one of the publisher’s ideas, the cold war, CIA against KGBs in the sixties, with a few hippies thrown in to question the meaning of all this. It’s relatively original, and makes for a nice vintage graphic look, something Carole Chaland masters perfectly.

Which Side are you on? was a nice title that suggested the mechanisms, and I would have liked to keep it, but the pun worked only in English and might have been too strongly associated with the trade unions history – something positive but not very exciting. We finally settled on something less original – Secrets – and you can check on the BGG, there’s no boardgame so far with this name.

Secrets is a 4 to 8 players game. Most players belong to one of the two rival agencies, CIA and KGB, and one or two might be hippies. Cards figure various characters, Politician, Journalist, Diplomat, Scientist… that players try to recruit on their side – assuming they know which side they are on, and with whom. Each player on turn draws two cards, shows them to everyone, and then secretly proposes one, face down, to some other player. This player then decides if he takes the card for himself and applies its effects, good or bad, or if the proponent does. Cards effect can affect scoring, can reveal information to one or all players, and can even make players swap team. Secrets requires subtle psychology, tactical sense, and an ability to see clearly in muddled situations.

 

Secrets
A game by Eric M. Lang & Bruno Faidutti
Art by Carole Chaland
4 to 8 players – 20 minutes
Published by Repos Prod (2017)
Boardgamegeek