Le Temple Perdu
Lost Temple

J’ai découvert le jeu de société à l’époque d’Ave Cesar, du Lièvre et la Tortue, de Jockey, du Tapis Volant. Ces jeux de parcours dont je garde un fabuleux souvenir, et que je ressors encore à l’occasion, étaient les précurseurs de ce qui allait devenir le jeu de société à l’allemande, stratégique et un peu abstrait, mais ils avaient encore une légèreté, un naturel, une évidence qui sont devenus plus rares dans la production récente.

Parce que j’ai toujours été un peu nostalgique de cette époque, j’ai souvent cherché à faire un jeu de parcours familial, simple et tactique, qui n’aurait pas déparé dans la gamme Ravensburger du milieu des années quatre-vingt. Ma première tentative s’appelait China Moon, la seconde, qui doit aussi un peu à Citadelles, s’appelle Le Temple Perdu. Un jeu de parcours plein de rebondissements, avec un peu de tactique, pas mal de bluff, et une bonne dose de chance.

Le thème est, lui aussi, des plus classiques. Entre Cambodge et Laos, la jungle impénétrable, la voie royale et, des aventuriers à la recherche du temple perdu …

De tous mes jeux, Citadelles est celui qui se vend le mieux, et l’un de ceux auxquels j’ai le plus de plaisir à jouer. Rien d’étonnant donc à ce que j’ai toujours eu l’envie de concevoir d’autres jeux utilisant des mécanismes similaires, ou générant le même type d’expérience. C’est un peu ainsi que sont nés Mission : Planète Rouge, avec Bruno Cathala, qui utilise un mécanisme de personnages proche de celui de Citadelles mais l’applique à un jeu de majorité, et Aux Pierres du Dragon, avec Michael Schacht, qui recrée avec un jeu d’enchères des principes de bluff proches de ceux de Citadelles. Ce sont deux jeux dont je suis très fier, même s’ils n’ont pas remporté le succès commercial de Citadelles.

Le Temple Perdu est issu de la même démarche que Mission : Planète Rouge, introduire le système de choix de personnages de Citadelles, avec tout ce qu’il entraîne de bluff et de psychologie perverse, dans une structure de jeu complètement différente. Dans Citadelles, la structure sous jacente est un jeu de gestion de ressources ramené à sa plus simple expression – acquérir des sous pour acheter des cartes. Dans Mission : Planète Rouge, c’est un jeu de majorité dans la lignée d’El Grande. Pour Le Temple Perdu, c’est le jeu le plus simple qui soit – un jeu de parcours, style jeu de l’oie, dans lequel il faut être le premier arrivé à la dernière case.

Les premières ébauches du jeu avaient un thème vaguement médiéval, inspiré de la légende du Val Périlleux, que j’avais rencontrée en travaillant sur ma thèse d’histoire. Les joueurs étaient des aventuriers qui devaient traverser la vallée en obtenant l’aide de créatures fantastiques, licornes, dragons et autres sirènes, permettant de franchir les différents obstacles. Avec une quinzaine de personnages différents, chacun pouvant en choisir deux, et des cases aux effets variés, le jeu était à la fois trop sophistiqué et trop lent. Il s’en est rapidement suivi une version plus simple, plus légère, avec seulement neuf personnages, de la sorcière au dragon. La course fonctionnait bien, mais son thème semblait un peu forcé – après tout, pourquoi diable ces aventuriers voulaient-ils tous être le premier à traverser la forêt ?

Le prototype de la version finale
The prototype of the final version

Il me fallait donc trouver un thème avec un parcours, une course dans laquelle chacun veut être le premier arrivé, et un peu de magie pour justifier mon personnage de sorcière échangeant sa place avec un autre personnage. Le jeu étant simple, rapide, presque familial, il fallait aussi un thème relativement grand public. Je pensais d’abord à une simple parodie de jeu de l’oie, ou de serpents et échelles, avant de revenir à un thème classique mais parfaitement adapté – La Jungle impénétrable, Indiana Jones, Le temple de Kali, les mines du rois Salomon, la malédiction aztèque, tout ça… Bien sûr ! Tout collait – le but est de parvenir le premier au temple oublié perdu dans la jungle, en obtenant l’aide des shamans, sorciers et guerriers indigènes. Pour mon prototype, j’ai utilisé des cliparts représentant des pyramides mayas, genre Tikal, mais je pensais aussi à un temple cambodgien, style Angkor, ou un temple Indien des adorateurs de Kali, ou une cité d’or tibétaine façon Shangri La, ou pourquoi pas la jungle africaine et les mines du roi Salomon. Quel que soit l’univers choisi, l’illustrateur pourrait se faire plaisir.

Et le même illustré par Pierô
And the same with graphics by Pierô

L’illustrateur, d’ailleurs, est mon ami Pierô. Pierô a participé aux tests et aux réglages de tous mes prototypes ces dernières années. Il avait particulièrement apprécié Le Temple Perdu et je savais qu’il avait très envie de l’illustrer. Lorsque Jonny, de White Goblin, m’a fait part de son intérêt pour ce jeu, j’ai donc immédiatement glissé le nom de Pierô dans la discussion, et l’éditeur a sauté sur l’occasion. Le résultat est magnifique.

Lost Temple
Un jeu de Bruno Faidutti
Illustré par Pierô
2 à 8 joueurs – 40 minutes
Publié par White Goblin (2011)
Tric Trac    Boardgamegeek


I started regularly playing boardgames in the mid-eighties, in the time of Ave Caesar, Hare and Tortoise, the Flying Carpet and Jockey. I still have a fond memory of these race games. They were the early precursors precursors of the great trend of German strategic and abstract boardgames, but they had a kind of lightness, of casualness that is lacking in most recent designs.

Because I’m still nostalgic of these years, I’ve always wanted to design such family fare, simple and tactical race games, I’ve always wanted to have a game that could have been published in a rectangular Ravensburger box around in the middle of the eighties. My first serious attempt at the genre was China Moon, the second one, very different and a bit indebted to Citadels, is Lost Temple. It’s a very dyanmic race game, with some tactics, lots of bluffing and a good deal of luck.

The game’s setting is also very classical and family fare. Somewhere in East Asia, a deep jungle, and explorers looking for the lost temple…

Citadels is by far the best seller of all my games. It is also one of those I still have the most fun playing. No wonder I often toy with the idea of making a similar game. That’s how  Bruno Cathala and I started Mission: Red Planet, which uses a character card system similar with Citadels but applies it to a “wooden cubes majority” game, and how Michael Schacht and I designed Fist of Dragonstones, which uses auction systems to generate a double guessing agony similar with Citadels. I’m quite proud of both these games, even when none of them sold like Citadels does.

The Lost Temple started in the same way as Mission : Red Planet, as an attempt to paste the Citadels the Citadels character system, with all its intricate psychological effects, to a completely different underlying game system. In Citadels, the basic structure is an extremely simple resource management game. In Mission: Red Planet, it’s a majority game of the El Grande family. In the Lost Temple, it’s the most simple and basic game structure ever – a race game of the Chute and Ladders family, in which the goal is be the first to reach the end of the track.

The first versions of the game had a vaguely medieval setting, inspired by the Perilous Vale legend, which I had met with when working on my PhD. Players were adventurers trying to travel through the vale. Various fantasy creatures such as unicorns, dragons and sirens helped them cross the most dangerous obstacle spaces. The game had many different spaces and effects, road crossings, and more than fifty different characters, each player choosing two every round. As a result, the game was too complex and too slow. The later versions were mostly designed with removing one element after the other to create a much simpler and lighter game, with one single track and only nine characters, from the witch to the dragon. The race was challenging, but made little sense and the storyline sounded pasted on – why, after all, did all these adventurers want to cross the forest ?

This game needed another setting. There had to be a meaningful race, in which everyone wants logically to arrive first. There had to be some magic as well, mostly for the witch who swaps here place with another character. Since this was becoming a light, fast paced, family game, the setting had to be as light and mainstream as possible. I first considered of a parody of the game of Goose, or of Snakes and Ladders, but then I thought of a classical and perfectly suited setting – Indiana Jones, the deep jungle, the lost temple of Kali, Solomon’s Mines, Aztec curse and all that stuff. Everything fitted perfectly. The goal was to be the first to reach the forgotten temple in the jungle with a little help from native shamans, priests and warriors. I made my prototype with cliparts of  mayan temples and pyramids, Tikal like, but the storyline work as well with a south-east asian temple, Angkor like, with an Indian temple of Kali, with a Tibetan golden city, à la Shangri-la, or even with King Solomon’s mines in deep dark Africa. No matter the precise cultural setting, there is enough stuff to make great graphics.

 Pierô is a friend of mine, and playtested all my prototypes these last few years. He really likes The Lost temple, and I knew he wanted to illustrate it. When Jonny, of White Goblin, told me he wanted to publish this game, I suggested that Pierô could do the graphics, and it was accepted at once. The result is gorgeous.

Lost Temple
A game by Bruno Faidutti
Art by Pierô
2 to 8 players – 40 minutes
Published by White Goblin (2011)
Boardgamegeek

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