Pinceaux, ampoules et engrenages
Brushes, Bulbs and Gears

Il y a un ou deux ans, j’avais reproché à certains d’utiliser le terme de « test » pour désigner des critiques de jeux. Je pensais que ce n’était qu’une faute de français; les réactions auxquelles je me suis heurté ont montré que le problème était plus sérieux et plus inquiétant, et relevait de la même vision technicienne du jeu, absurde parce que réductrice, à laquelle le jeu video est enfin et péniblement en train d’échapper.
Je me trouve aujourd’hui un peu face au même problème en voyant les couvertures de beaucoup de jeux publiés ces derniers mois. Lorsque les jeux sont abondamment et joliment illustrés, ce qui est de plus en plus fréquent, auteur et illustrateur sont de plus en plus souvent cités sur la boite de jeu de manière similaire, ce qui est très bien. Une habitude venue de la bande dessinée est en train de s’installer, qui consiste à indiquer le rôle de chacun par une petite icône. Pourquoi pas, mais le diable est dans les détails.

Pour les illustrateurs, l’icône est en général un crayon ou un pinceau, ce qui me semble parfaitement adapté, même si beaucoup de dessinateurs ne travaillent plus guère que sur écran. Pour les auteurs, en revanche, l’icône représente le plus souvent des engrenages, ce qui revient à ramener un jeu à sa mécanique. La mécanique est l’essence de certains jeux, mais pas de tous, loin de là. La création ludique est une dialectique mettant en jeu des mécanismes, des thèmes, des références, des clins d’œil. Ce n’est certes pas tout à fait un boulot d’écrivain, mais ce n’est pas non plus un boulot d’ingénieur. Mon travail, tel que je le pratique, me semble assez proche de celui d’un scénariste de film ou de BD, que personne ne va représenter par des engrenages.

On peut, comme je viens de le voir sur la boite de Paper Tales, représenter l’auteur par un stylo, mais c’est peut être aller un peu loin en sens inverse, car si l’engrenage nie la dimension littéraire de la création ludique, la plume en nie la dimension technique, et ne peut donc convenir aux jeux relativement abstraits d’adresse ou de stratégie, et même à certains jeux « à l’allemande ». La bonne icône me semble être celle choisie entre autres par Iello ou Bombyx, une ampoule, représentation d’idées qui peuvent être aussi bien littéraires que techniques. Mon ami et un peu auteur de jeu Gwenael Bouquin propose quant à lui une chope de bière pour l’auteur et une tasse de café pour l’illustrateur.


One or two years ago, I reproached a few French game reviewers for using the word « test » to describe game reviews. I thought it was just a vocabulary mistake. The reactions I faced proved the issue was deeper and more worrying, revealing an absurd and reductive technician conception of boardgames, the same one video games are slowly and painfully getting rid of.
I have the same problems when looking at the covers of many recently published boardgames. The quality of boardgames illustrations improved greatly these last years. More and more often, both the designer and illustrator are named on the box cover, which is fair. As is already the case for comics scriptwriter and illustrator, game designer and illustrator are often differentiated with small icons. Why not, but the devil is in the details.

The illustrator icon is usually a paintbrush or pencil, which fits perfectly even when more and more artist work only on their computer. The designer icon is usually gears, which is problematic because it implies that the designer’s job is only to design the game mechanisms. Mechanisms are the core part of many games, but not of all. Game design is a dialectical mix between mechanics, settings, references and winks. It’s not literary writing, but it’s also not technical work. My experience of it feels very much like that of a movie or comics scriptwriter.

Paper Tales has a pen icon before the designer’s name, but it’s equally problematic, because while gears negate the literary aspect of game design, the pen negates its technical aspect, and cannot therefore fit with abstract or dexterity games, or even with many « german style » boardgames. The best icon is probably the one used by Iello, Bombyx and a few other publishers, a light bulb – it just suggests ideas, which can be both technical or literary. My friend and fellow game designer Gwenael Bouquin has another idea, a beer mug for the designer and a cup of coffee for the illustrator.

Le bon vieux temps du jeu à l’allemande
From the good old times of german style eurogames

La fin des années quatre-vingt-dix et le début des années 2000 ont sans doute été l’âge d’or du gros jeu de société « à l’allemande ». On n’avait pas encore inventé le draft et le deckbuilding, les jeux de coopération étaient réservés aux plus petits, mais des auteurs comme Klaus Teuber, Reiner Knizia, Wolfgang Kramer, Friedemann Friese ou Alan Moon savaient déjà faire de très bons jeux de développement, majorité, d’enchères ou de parcours. Si quelques jeux, comme les Colons de Catan, Les Aventuriers du Rail, dans une moindre mesure Puerto Rico, El Grande ou PowerGrid, sont devenus des classiques, d’autres ont eu leur heure de gloire puis ont été un peu oubliés.
Depuis deux ou trois ans, quelques éditeurs malins et/ou nostalgiques sont allé rechercher des classiques oubliés de cette époque. On a vu de nouvelles éditions de grosses boites qui avaient disparu des étals, comme Elfenland, Samurai, Euphrat & Tigris, Tikal, Amun Re, Medina, Mexica, Manhattan… ou Mission Planète Rouge.



D’autres auteurs et éditeurs présentent des nouveautés dont le style rappelle délibérément les jeux d’il y a quinze ans. C’est le cas de Raiders et Explorers of the North Sea, de Shem Phillips, ou de Ethnos, de Paolo Mori.

Voici cinq autres grosses boites armes entre 2000 et 2005 qui me semblent avoir fort bien vieilli mais dont je ne sache pas qu’il soit prévue de nouvelle édition. Qui sait, peut-être cet article incitera-t-il un éditeur à s’y intéresser de près.

Aladdin’s Dragons, souvent désigné par son nom allemand, Morgenland, est un jeu de Richard Breese, publié en 2000 par Hans im Glück. Richard Breese est connu aujourd’hui pour sa série des « Key Games » – Keyflower, Keythedral, Key Harvest et d’autres – et Aladdin’s Dragons est d’ailleurs une adaptation fort réussie dans un univers oriental du premier d’entre eux, Keydom. Varié et facile à mettre en place, c’est un mélange astucieux de tactique, d’enchères et de bluff, une recette qui marche presque toujours. Chaque tour, les joueurs doivent répartir leurs personnages entre le marché, le caravanserail, la salle des gardes, la maison d’Aladin, le palais du sultan et les grottes des dragons. Aladdin’s Dragons est plutôt plus léger, moins calculatoire, que ce que Richard Breese a fait depuis, et reste un des tout meilleurs jeux pour faire découvrir les jeux de société modernes. Je n’ai jamais vraiment compris pourquoi ce n’était pas devenu un grand classique.

J’apprécie tout particulièrement, aussi bien comme joueur que comme auteur, les jeux dans lesquels bluff et tactique s’entremêlent. C’est le cas dans Aladdin’s Dragons, c’est aussi le cas dans Himalaya, de Régis Bonnessée, paru en 2002. Les joueurs y programment secrètement les déplacements de leurs caravanes de yacks tout au long vallées himalayennes, franchissant les cols enneigés pour se procurer les marchandises disponibles et aller les livrer dans les villages, les temples et les monastères. Un peu de psychologie, un peu de « pick-up and deliver », un peu de majorité, là encore des éléments assez classiques s’emboitent superbement pour faire un jeu fluide, évident, rapid, au thème léger mais plein de charme. Lords of Xidit, paru il y a deux ou trois ans, reprend les mécanismes d’Himalaya, mais il les complexifie un peu et, surtout, n’a pas vraiment de thème et donc moins de charme. Ce qu’il aurait fallu, et j’espère que c’est encore possible, c’est publier à nouveau Himalaya, sans changement de règles, avec juste un matériel un peu plus pratique.

San Marco, d’Alan R. Moon et Aaron Weissblum est paru en 2001 chez Ravensburger. Le jeu s’inspire d’El Grande : sept quartiers, des petits cubes en bois aux couleurs des joueurs, et un doge baladeur qui emprunte les ponts pour faire marquer des points aux deux joueurs ayant le plus de cubes dans chaque quartier. L’originalité est ailleurs, dans un système de répartition des cartes actions, où l’un des joueurs divise une dizaine de cartes en lots, mais choisit son lot en tout dernier. Certaines cartes donnent des points de pénalité, d’autres permettent d’ajouter des pions ou d’en enlever, de bâtir un pont, ou encore de déplacer le doge. Répartir les cartes en paquets équilibrés, en tenant compte de la situation, est un art très subtil. À ce jour, San Marco reste sans doute mon préféré parmi tous les jeux de “placements de petits cubes en bois dans des régions”. C’est sans doute parce qu’il est rapide, dynamique, tactique, et en outre diablement joli. J’espère que, s’il est réédité un jour, le plateau restera celui, charmant et coloré, dessiné par Alessandra Cimatoribus. Et puis, j’ai même une astuce pour permettre au nouvel éditeur de faire des économies – le jeu est plus intéressant, car plus tendu, avec trois ponts de moins.

Maharaja, publié en 2004, est l’œuvre de Wolfgang Kramer et Michael Kiesling, les deux auteurs de Tikal, Mexica, Java et quelques autres réédités ou en passe de l’être. Les joueurs déplacent des architectes de ville en ville, rivalisant pour bâtir les plus riches palais pour les seigneurs locaux, mais devant parfois payer pour leur passage aux joueurs contrôlant les tavernes des villages traversés. Il y a des personnages un peu comme dans Puerto Rico ou Citadelles : le Mogul, le sadhu, le moine voyageur, l’artisan, personnages qui passent parfois d’un joueur à l’autre et donn. Les grandes cités sont visitées dans un ordre plus ou moins prévisible par le Maharadja, qui à chaque tour paiera royalement les joueurs ayant le plus embelli la ville où il arrive. Sans être excessivement compliqué, Maharaja est un gros jeu, plus complexe que San Marco, mais c’est un jeu subtil qui peut être joué rapidement, et l’un des très rares « gros jeux » du début des années 2000 que je ressorte encore à l’occasion.

Un autre est Bootleggers, de Don Beyer, Ray Eifler et Steve Gross, un jeu de plateau à l’allemande avec un vrai thème à l’américaine, et d’ailleurs le seul des jeux de cette liste à avoir été publié outre-atlantique, en 2004. Nous sommes en 1921, la loi américaine interdisant « la fabrication, le transport et la vente des liqueurs toxiques » est entrée en vigueur. Chaque joueur est à la tête d’un gang qui espère bien tirer le meilleur profit de la fabrication, du transport et de la vente des liqueurs toxiques. On début avec un petit alambic familial, un petit camion, et deux gangsters, puis l’on développe son activité en agrandissant sa distillerie, en important de l’alcool canadien, en recrutant quelques hommes de main, et en prenant grâce à eux le contrôle des débits de boissons. Bootleggers est un jeu de gestion très original, au thème fort bien rendu mêlant, dans un ensemble fluide et remarquablement cohérent, des mécanismes multiples – mises cachées (pour l’ordre du tour), majorité (pour le contrôle des speakeasies), jets de dé (pour la production et la demande de whisky), prises de risque (pour les livraisons), cartes action, négociations (pour la location de camion ou la revente de whisky). Il y faut donc de la psychologie, de la diplomatie, un certain sens tactique, et un peu de chance au dé – je sais, ce dernier point est un peu passé de mode, mais c’est dommage.

Je viens de réaliser qu’il n’y avait pas de jeux de Reiner Knizia dans ma liste. Ce n’est pas qu’ils soient moins bons, ou que je n’aime pas ses créations, c’est juste qu’il semble se débrouiller mieux que les autres pour faire ressortir ses vieux trucs – Râ, Samurai, Euphrat & Tigris, Medici, Amun Re sont déjà de retour en boutique.

Si les ventes de Mission: Planète Rouge sont honorables, j’ignore totalement ce qu’il en est des autres grosses boites du début des années 2000 récemment rééditées. J’espère qu’elles sont honorables, surtout pour des jeux comme Samurai, Elfenland, Medina ou Tikal qui auraient certainement été dans ma liste s’ils n’étaient pas déjà de retour. J’espère même qu’elles sont assez bonnes pour encourager les éditeurs à continuer un peu dans cette voie, par exemple avec l’un des cinq excellents jeux ci-dessus. Promis, je leur ferai de la pub.


The late nineties and the early 2000 were the golden age of « big box german games ». Draft and deck building had not really been invented yet, cooperative games were still just for kids, but Klaus Teuber, Reiner Knizia, Wolfgang Kramer, Friedemann Friese or Alan Moon already knew how to design great development, majority, auction or pick-up and deliver games. A few of them, most notably Settlers of Catan and Ticket to Ride, but also to a lesser extent Puerto Rico, Powergrid or El Grande, have become classics. More have been highly praised and then more or less unjustly forgotten.
These two or three last years, a few publishers, be they clever or just nostalgic, have  tried to unearth some of these early eurogames. New editions of games like Elfenland, Samurai, Euphrat & Tigris, Tikal, Amun Re, El Grande, Manhattan… or Mission Red Planet have been published.



Other designers and publishers are publoishing new stuff that feels very much like these german games from fifteen years ago, games like Ethnos or Explorers and raiders of the North Sea.

Here are five more big boxes from the early 2000s which, in my opinion, aged really well and of which there is no new edition in the pipe, at least that I know of. May be this blogpost will incite some publisher to have a second look at them.

Richard Breese’s Aladdin’s Dragons was published in 2000 by Hans im Glück. Richard is now well known for his « Key » games – Keyflower, Keythedral, Key Harvest and a few more – and Aladdin’s Dragons is indeed a cleverly devised adaptation of his first boardgame, Keydom. The game is a mix of double guessing, tactics and bidding, a recipe that never fails and makes for a light and fluent game. Every round, players must assign their facedown character tokens to various places, the market, the caravanserai, Aladdin’s house, the guard room, the Sultan’s palace and, of course, the dragons’ caves. The game is lighter and less brain burning that Richard’s later design, and it’s still one of my games of choice to introduce new people to modern boardgames. It should have become a classic, and I can’t understand why it didn’t.

Both as game designer and a a gamer, I particularly enjoy games which mix tactics and double-guessing. It’s the case with Aladdin’s Dragons, it’s also the case with Regis Bonnessée’s Himalaya, published in 2002. Players’ yack caravans navigate the Himalayan valleys, crossing snowy passes to get available goods and carry them to villages, temples and monasteries. Pick-up and deliver, double-guessing and majority intertwine in subtle ways to make a fluid, obvious and charming game in a charming and original setting. Lords of Xidit, published two or three years ago, recycles the Himalaya system but complexifies them a bit and, more problematic, moves the action to an unconvincing fantasy setting, removing most of the game’s charm. I hope it’s still possible to have, some day, a reprint of Hiamalay, with the original rules and setting, and just slightly bigger and better components.

Alan R. Moon and Aaron Weissblum’s San Marco was published in 2001. It’s a majority game inspired by El Grande: seven districts, wooden cubes in the players’ colors, and a Doge figure moving from district to district to score points for the two players with the most cubes. What’s new, and what’s great, is the card dealing system, in which one player divides the cards in small lots, and every other player selects one before he takes the last remaining one. Some cards give negative points, other cards allow the player to place or move cubes, to place or move a bridge, or to move the Doge. San Marco is still my favorite « wooden cubes majority » game. It is fast paced, dynamic, tactical, and it looks really cute. If it is published again one of these days, I hope it will still have the gorgeous coloured board drawn by Alessandra Cimatoribus. I even have an idea to help the publisher lower the production costs – the game is more tense and therefore better with two or three bridges fewer.

Maharaja, published in 2004, was designed by the same team who had already done Tikal, Mexica, Java and a few other games which are or will soon be republished. Players move their architect pawns from city to city, vying to build the richest palaces for local landlords, and also paying when moving through villages whose taverns belong to other players. There are characters, a bit like in Citadels or Puerto Rico, the Mogul, the Trader, the Sadhu, the wandering monk, the builder, the craftsman, and they sometimes pass from one player to another. Maharaja is not overly complex, but it’s heavier than San Marco or Aladdin’s Dragons. it’s also a subtle and intricate game which can be played at a fast pace, and one of the very few heavier games from the early 2000 which I still occasionally play.

Bootleggers, by de Don Beyer, Ray Eifler & Steve Gross, is another one. It has clean eurogame mechanics but is nevertheless the only game in this list with a strong and consistent theme, and the only one that was published first in the US, in 2004. The year is 1921 and the law prohibiting the “manufacture, sale or transportation of intoxicating liquors” seems to be here to stay. Each player is a mob boss who wants to make the best profit of the manufacture, sale and transportation of intoxicating liquors. You start with a small family still, a small truck and two mobsters, and then develop your activities, expand your still, import booze from Canada, buy new trucks to carry moonshine crates, recruit some more mobsters, and seize the control of speakeasies. Bootleggers is a very original management game, with a strong and well-implemented theme. The many different mechanisms are brought together in a very consistent and fluent game engine. There’s double guessing (for turn order), majority (for control of speakeasies), dice rolls (for booze production and demand), risk taking (for deliveries), action cards, negotiations (for truck renting or booze selling). To win, you need psychology, strategy, diplomacy and some luck with the dice – I know, the latter is not much in fashion nowadays, and that’s a shame.

I just realised there’s no game by Reiner Knizia in my short list. It’s not that are bad, or that I don’t like them, it’s just that he seems to be better than other seasoned designers at bringing his old stuff back on the market – Râ, Samurai, Euphrat & Tigris, Amun Re all already have new editions.

I know the sales of Mission: Red Planet are OK, but I’ve no idea how the other revamped versions of old big euro games are selling. I hope their sales are correct as well, especially for games like Tikal, Medina, Samurai or Elfenland, which would have been in this list if they were not already back. I even hope sales are good enough for publishers to keep on looking for forgotten jewels, and I suggest they consider the five games in my short list. If they do, I promise I’ll promote them here.

Quelques découvertes récentes
Some recent discoveries

Même si je joue moins qu’autrefois, et beaucoup à des prototypes, les miens ou ceux de mes amis, j’essaie toujours de suivre plus ou moins ce qui se passe dans le monde du jeu. Je pledge des trucs un peu au pif sur kickstarter, j’achète de nombreuses nouveautés, je m’en fais offrir quand je peux par les éditeurs. Je ne joue pas à tout, loin de là, mais je survole au moins les règles de ce que je reçois, pour avoir une petite idée de ce qui se passe dans le monde de la création ludique. Je dois cependant choisir assez bien les jeux auxquels je joue, car ces derniers temps je les ai presque tous trouvés vraiment intéressants.

Shem Philips est l’auteur d’une trilogie de jeux de vikings, Shipwrights of the North Sea, Raiders of the North Sea et Explorers of the North Sea, tous trois illustrés par l’un de mes dessinateurs ludiques préférés, Mihajlo Dimitrievski. J’ai joué aux pillards et aux explorateurs, et les ai beaucoup appréciés. Contrairement à ce que leur thème violent et leurs illustrations humoristiques pourrait laisser croire, ce sont des jeux « à l’allemande », et d’une certaine manière « à l’ancienne », dans lesquels les joueurs sont plus concurrents qu’adversaires, mais ce sont de sacrément bons jeux pour les amateurs de belles mécaniques qui trouvent qu’Uwe Rosenberg en fait un peu trop. Mes amis de Pixie Games importent déjà en France les Raiders, devenus Pillards de la Mer du Nord, et je crois qu’ils ne devraient pas tarder à y ajouter les explorateurs.

Dans le même esprit, Ethnos, de Paolo Mori, est un jeu de majorité « à l’allemande » et « à l’ancienne », y compris dans son esthétique un peu fade, mais plus rapide et mieux fini que ce que l’on faisait il y a quinze ans. Le fait que les tribus en jeux ne soient pas les mêmes d’une partie à l’autre lui donne enfin une grande variété, ce qui n’est pas toujours le cas de ce genre de jeu. Par certains côtés, Ethnos m’a rappelé San Marco, un vieux jeu injustement oublié.

Toujours dans le jeu à l’allemande, Majesty est le premier jeu de Marc André à ne pas me laisser complètement froid. La mécanique est aussi efficace que dans Splendor, mais elle est plus amusante, plus variée, moins combinatoire. Le thème n’est guère original, mais il a plus de sens, et ça change tout. Si vous aimez Splendor ou Century – Silk Road, vous ne pourrez qu’adorer Majesty, c’est mieux.

Clank!, de Paul Dennen, est un jeu de deck building, un de plus, qui parvient à être original sans même vraiment essayer. Le thème, des nains qui explorent un souterrain, n’est pas nouveau mais il fonctionne et donne enfin une justification aux cartes qui encombrent le deck – bing, blong, clank! Du coup, nous avons même un plateau de jeu, le plan du souterrain. Enfin, l’interaction est très présente, puisque, dans ce souterrain, c’est un peu la course. Bref, moi qui ne suis pas trop porté sur les jeux de deck building hyper techniques et compétitifs, j’ai bien aimé Clank! – mais je suis thématiquement sceptique sur les versions sous-marines et spatiales….

Je n’aurais sans doute pas joué à Seeders from Sereis : Exodus, de Serge Macasdar, si l’éditeur n’avait pas été là pour me l’expliquer. C’est vraiment une très grosse machine, avec des calculs stratégiques savants et des combinaisons de cartes sophistiquées, un genre où je ne me risque généralement pas sans être absolument certain de mon coup, or je n’avais jamais entendu parler de ce jeu auparavant. Je garde un excellent souvenir ce cette partie, un jeu riche, complexe, avec des interactions dans tous les sens, et un mécanisme d’enchères et de placement de jetons particulièrement malin.

Je connais un peu Régis Bonnessée. Son gros défaut, que ce soit comme auteur ou comme éditeur, est de vouloir toujours ajouter des éléments de jeu et de ne jamais se résoudre à en enlever. J’espère donc qu’il n’y aura jamais de deuxième édition de Dice Forge, et qu’il se contentera de réimprimer la première, à laquelle il n’y a rien à ajouter, comme il aurait dû le faire avec Himalaya. Dice Forge est un jeu où on lance des dés, mais où chacun lance ses propres dés, qu’il peut modifier tout au long de la partie en remplaçant certaines faces par d’autres plus puissantes. Le jeu est rapide, malin, un peu comme un petit deck building où l’on ne passerait pas son temps à mélanger douze cartes.

Freak Shop et StartUps sont des jeux de cartes plus proches de ce que je pratique habituellement et que je conçois à l’occasion. Freak Shop, de Henri Kermarrec, est un petit jeu d’échanges de cartes, très malin, assez calculatoire, dans un style qui fait beaucoup penser au meilleur Michael Schacht.

StartUps, de Iun Sasaki, est la dernière des petites boites de l’éditeur japonais Oink Games, importées en Europe par la sympathique Laura Grunman. Comme tous les jeux de cette superbe collection, il est simple, rapide et original. Il est fondé sur un système de majorité assez malin et sur lequel j’avais moi même fantasmé pendant plusieurs années sans jamais rien en tirer d’intéressant, l’idée que l’on puisse jouer des cartes d’une série soit pour renforcer sa majorité, soit pour augmenter la valeur des cartes mais en affaiblissant sa majorité.

A Fake Artist goes to New York, de Jun Sasaki, est paru en 2012, mais ne semble avoir débarqué en Europe que très récemment, là encore dans la jolie collection minimaliste de Oink Games. Le principe de base est celui d’un joueur qui ignore ce dont on parle et doit le deviner sans se faire repérer par les autres. Simplement, ici, nous ne sommes plus dans un jeu de où l’on parle, comme dans Agent Trouble, ou où l’on montre des cartes, comme dans CS-Files, mais dans un jeu de dessin. Chacun à son tour ajoute un trait à un dessin commun, mais l’un des joueurs ne sait pas ce que l’on dessine. Curieusement, cela marche, et cela marche même très très bien !

Hanamikoji, de Kota Nakayama, appartient à la très grande famille des jeux à deux avec une rangée de cartes au milieu que les joueurs vont essayer de remporter en jouant des cartes chacun de son côté. La famille des Schotten Totten, César et Cléopatre, Lost Cities, ou de mes moins connus Tomahawk et Agent Double. Hanamikoji, avec des règles simples et des subtilités aussi bien tactiques que psychologiques, est très vite devenu mon préféré d’un genre pourtant très abondant. Le jeu est en outre absolument magnifique.

Mot pour Mot, de Jack Degnan, est un excellent jeu de vocabulaire par équipe. Il existe depuis bien longtemps outre-Atlantique, sous le nom de Word on the Street, mais curieusement personne n’avait eu l’idée d’en faire une version francophone. Voila qui est enfin fait grâce aux québécois du Scorpion Masqué.

NMBR9, de Peter Wichman, appartient à la catégorie des jeux de loto, ces jeux ou chacun bricole dans son coin en ajoutant les mêmes pièces, ou en cochant les mêmes cases, et où l’on regarde à la fin qui a réalisé le meilleur score. Beaucoup de ces jeux sont idiots, quelques uns, comme High Score, Take it Easy ou, justement, NMBR9, sont géniaux. Ici, il s’agit d’empiler des nombres en carton pour construire la structure valant le plus de points.

La liste est un peu longue, parce cela fait un certain temps que je n’avais pas écrit ce genre d’article. J’espère que cela ne vous découragera pas d’acheter aussi mes jeux à moi, j’en ai plein qui sortent en ce moment – Nutz!, Kamasutra, Secrets, Junggle, King’s Life


Even when I don’t play as often as I used to, and mostly play prototypes, mine or friends’ ones, I try to keep myself informed of what’s happening in the gaming world. I pledge stuff half randomly on Kickstarter, I buy many new games, I try to have some offered to me by friendly publishers. I don’t play everything, far from it, but at least I browse through the rules to get an idea of what’s happening in the larger boardgaming world. And I’m probably not bad at selecting the games I actually play, since these last times I’ve found most of them really good.

Shem Philips has designed a trilogy of Viking games, Shipwrights of the North Sea, Raiders of the North Sea and Explorers of the North Sea, all three illustrated by one of my favorite boardgame artists, Mihajlo Dimitrievski. I’ve played Raiders and Explorers, and really enjoyed them. Their violent setting and humorous graphics can be misleading, since these three games are classic eurogames, in which players are competitors more than opponents. They are really good stuff for players who like clean mechanisms and think that Uwe Rosenberg is really doing too much.

Similarly, Paolo Mori’s Ethnos is a old style eurogame, including the boring graphics, but it’s cleaner and faster paced than most of what we used to do fifteen years ago. Playing with a different set of tribes in every game makes for a great variety, which is not always the case in such games. In some way, Ethnos reminded me of a game I really liked and which has been unfairly forgotten, San Marco.

Another « german style » boardgame, Majesty is the first game by Marc André which doesn’t leave me stone-cold. The mechanics are as efficient as in Splendor, but they are more fun, more varied, less abstract. The setting is certainly not original, but it works, which also makes a big difference. If you like Splendor, or Century- Spice Road, you will love Majesty – it’s just better.

Paul Dennen’s Clank! is one more deck building game, but it manages to feel original without even really trying to. The storyline, dwarves in a dungeon, is certainly not new but it works well and, for once, gives a fun meaning to the dead cards impeding one’s deck – bing, blong, clank! It also makes for a nice board, a map of the dungeon, which makes for interaction between the moving, and sometimes racing, dwarves. I’m usually not much fond of highly tactical deck-building games, but I really enjoyed my few games of Clank! On the other hand, I’m thematically skeptical about the underwater and space versions.

I would probably not have played Serge Macasdar’s Seeders from Sereis : Exodus if the publisher had not been there to explain the rules. It’s a big game, with intricate strategies and card combos, a genre I usually shy away unless I’m absolutely confident it will be engrossing, and I had not heard about this game before. Anyway, I had a great time with this rich, complex and highly interactive board and card game, and I really like the original card auction and token placement system.

I know Regis Bonnessée, and I know that his weakness both as a publisher and game designer is a tendency to always add stuff and never remove it. That’s why I hope there will never be a second edition of Dice Forge, and he will just keep on reprinting the old one, which doesn’t need any addition. That’s what he should have done with Himalaya. Dice Forge is dice rolling game in which every player builds his own two dice while playing, replacing weaker sides with better ones. It’s fast clever and fast paced, like a light deck building game in which you don’t spend half the time shuffling a ten cards deck.

Freak Shop and StartUps are the two games in this list that feel the most like my own designs, and like the games I most usually play. Henri Kermarrec’s Freak Shop is a very clever trading card game, reminiscent of Michael Schacht at his best.

Jun Sasaki’s StartUps is the last in the cute small box game series by Japanese publisher Oink Games, imported in Europe by the nice Laura Grunman. Like all the games in the series, it is simple, fast paced and original. The basic idea is a one I had been trying for years to make into a game without any satisfying result, the dilemma between playing cards in a series to strengthen one’s majority or to make the series more valuable.

Jun Sasaki’s A Fake Artist Goes to New York was published in 2012, but I had never heard of it before last year, when it arrived here in the same Oink games minimalistic series. The basic idea, a player who ignores what the other ones are talking about and must find it without being caught, has been used in several other games. Here, however, the game is not about talking, like in Spyfall, or about playing cards, like in Deception, but about drawing one common picture. Each player on turn adds a stroke, but one of them doesn’t know what is being drawn. It works surprisingly well.

Kota Nakayama’s Hanamikoji is one more game in a very large family, two players games with a row of cards in the middle that players will try to win with playing cards on their respective sides. The family of Schotten Totten, Caesar & Cleopatra, Lost Cities, or among y own designs Tomahawk and Double Agent. Hanamikoji, with its simple rules and intricate tactics has become my favorite in this genre. It’s also gorgeously illustrated.

Jack Degnan’s Word on a Street is not new for English speaking gamers, but surprisingly there had never been a french version of it. There’s one now, called Mot à Mot, thanks to the Quebecois masked scorpio (I love translation quebecois names in english, it enrages them).

I call Bingo games all the games in which every player makes his own grid with the same random pieces, trying to make the best score in the end. Many are boring. Some, like Take it Easy, High Score or Peter Wichman’s NMBR9, are fun because really challenging. Here, the goal is to pile cardboard numbers to build the highest scoring structure, and it’s tricky.

It’s a long list, mostly because I had not written that kind of article for a while. I hope it won’t divert you from also buying some of my own new games – Nutz!, Kamasutra, Secrets, Junggle, King’s Life

Mon compte rendu de la Gen Con 2017
My 2017 GenCon report

Politique

Je suis arrivé aux États-Unis le lendemain des événements de Charlotteville, qui étaient le grand sujet de discussion. Comme assez souvent, je me suis retrouvé devoir essayer d’expliquer les grilles de lecture européennes aux américains, et inversement. En effet, si le racisme aux États-Unis est un peu différent de ce qu’il est en Europe, l’antiracisme est lui complètement différent.
Pour un américain, être antiraciste c’est vouloir l’égalité des races, considérées comme des réalités incontournables, voire comme des identités à défendre. Pour un européen, surtout dans les pays latins, être antiraciste c’est nier l’existence de races humaines, considérées comme un fantasme dangereux et sans fondement scientifique. Du coup, l’antiraciste américain apparait à l’européen comme un raciste soft et gentil, et l’antiraciste européen est aux yeux de l’américain un grand naïf. Les deux reproches sont sans doute un peu fondés. Discutant des événements de Charlotteville, le chauffeur de taxi qui m’a amené à Roissy disait que « les races, c’est un truc de chien, pas d’hommes », tandis qu’un employé d’hôtel d’Indianapolis m’a assuré que « Dieu a créé toutes les races égales » (ce qui colle mal avec l’histoire d’Adam et Eve, mais bon, je n’allais pas engager un débat théologique avec un américain).
Universaliste par tempérament, je me méfie de l’obsession identitaire et communautaire à l’américaine, de la tribalisation qui mène à la violence. Je ne peux qu’espérer, sans trop y croire, que les événements de Charlotteville vont conduire la gauche américaine à réaliser que les identités sont le problème et non la solution. Je m’inquiète plutôt de voir la vision tribale du monde s’insinuer de nouveau en Europe, que l’on pouvait penser vaccinée par l’histoire contre les identités collectives un peu trop fortes. En même temps (comme dirait Macron😀) on ne lutte pas contre une réalité sociale en refusant de la voir, et se regrouper est parfois, à court terme au moins, la meilleure manière de se défendre.
L’attentat de Barcelone a été beaucoup moins discuté aux USA que les événements de Charlotteville ne l’ont été en Europe. C’est un peu dérangeant, mais cela s’explique peut-être en partie par l’habitude. Les attentats de Ouagadougou, eux, ont a peine été signalés, ce qui est encore plus dérangeant. Il reste que tous ont, au fond, la même origine – quelques allumés pensant qu’ils doivent être fiers d’une identité fantasmée qui les rendrait différent du reste de l’humanité.

Minneapolis

Comme ces trois ou quatre dernières années, j’ai passé les trois premiers jours à Roseville, accueilli par la sympathique équipe de Z-Man Games, et plus largement d’Asmodee (sans accent) North America dans une zone industrielle au milieu de nulle part dans la banlieue de Minneapolis.

On a joué à mes prototypes, dont certain ont suscité un certain intérêt, et à quelques unes des dernières nouveautés et des jeux à venir de Z-Man. J’ai particulièrement apprécié un proto de Florian Fay dont on n’a pas encore le droit de parler et sur lequel il y a encore pas mal de boulot, Smile, un petit jeu de cartes de Michael Schacht, et NMBR9, que je connaissais déjà. Moi qui n’aime pas trop Splendor, et de manière générale le style un peu froid de Marc André, j’ai bien aimé Majesty, un jeu avec de l’interaction et un vrai thème. Discutant de jeux à deux joueurs avec Steven Kimball, j’avais presque réussi à le convaincre de faire une nouvelle édition de Greedy Kingdoms, de Hayato Kisaragi, et de me laisser faire le développement pour lequel j’avais quelques idées. Malheureusement, j’ai appris le soir que les japonais avaient déjà revendu leur jeu à AEG….

Indianapolis


Downtown Indianapolis vu depuis ma chambre au 27ème étage

Changement de rythme après l’arrivée à Indianapolis, caricature de ville américaine à l’architecture brutale plantée au milieu de la brousse. La 50ème GenCon a attiré 70.000 visiteurs, un record. Les auteurs, éditeurs, distributeurs et même fabricants de jeux du monde entier étaient là, seuls les illustrateurs me semblant peu représentés, à l’exception de peintres fantastiques très américains. Beaucoup de français, et pas seulement des asmodéens. Avec une telle foule, les hôtels ne se gênaient guère et la chambre d’Antoine Bauza, arrivé un jour plus tard que prévu, avait déjà été attribuée à un autre. Du coup, je l’ai hébergé deux nuits dans la mienne, ce qui nous a permis de commencer à bosser sur un nouveau petit projet.


Au bar du JW Marriott vec Merry Nowak-Trzewiczek, Eric Lang et une partie de l’équipe CMON.

Tout ce qui gravite autour d’Asmodée, de FFG, de CMON, avec donc un grand nombre de français, avait pour quartier général le bar du JW Marriot, le grand hôtel le plus proche du salon. Ça buvait pas mal, ça parlait plus de jeux que ça ne jouait vraiment. Soirée Iello jeudi, soirée Asmodée vendredi, j’apprécie de ne pas avoir à choisir mon camp.

Les nouveautés

Cinq ou six-cent nouveaux jeux de société étaient présentés sur le salon. C’est beaucoup, peut-être trop. Heureusement, cette année, aucun jeu n’a suscité l’enthousiasme général au point d’accaparer toute l’attention. Pas de big hit, donc, ce qui a permis à pas mal de jeux de se faire remarquer. Je n’ai eu le temps de jouer à rien, mais j’ai entendu dire du bien de tous ceux là, dans le désordre :

et j’en oublie certainement. Quelques uns de ceux-ci, mais aussi pas mal de petites boites qui m’ont intrigué sans que je trouve le temps d’y jouer, sont dans le gros colis que FFG, pardon Asmodee North America, se charge gentiment de m’envoyer bientôt.
Côté styles, certaines des tendances que je constatais dans mes considérations d’avant salon se confirment nettement. Beaucoup de jeux de coopération, beaucoup de jeux narratifs, de plus en plus d’auteurs japonais, et une opposition très nette entre les petits jeux de cartes élégants et les grosses boites au look baroque et au matériel aussi inutile que tapageur. La gamme intermédiaire se fait plus rare. Côté thème, c’est le retour de la science fiction, avec souvent un look très seventies, mais l’heroic fantasy résiste.

Mes jeux à moi

Mon emploi du temps chargé consistait pour moitié en dédicaces et présentations de mes nouveaux jeux, Secrets, Junggle, King’s Life et Kamasutra, pour moitié en rendez-vous avec des éditeurs connus ou inconnus pour leur présenter quelques brouillons. Les deux stands sur lesquels j’étais le plus présent étaient celui de Z-Man, éditeur de Junggle, qui avait la gentillesse de m’héberger dans l’hôtel assez cher où tout se passe et tout se discute, et celui de Vice Games, éditeur de Kamasutra, parce que c’était rigolo.


Présentation de Junggle sur le stand Z-Man

Junggle, léger et familial, n’est sans doute pas le jeu le plus facile à présenter dans un salon très geek, surtout sur un stand occupé surtout par des trucs plus sérieux, plus conséquents et plus allemands. Les démos ont pourtant remporté un certain succès. Le dernier jour, je n’étais cependant plus très performant, ni dans les jeux de rapidité, ni dans ceux de mémoire.


Une partie de Secrets

Sans participer aux parties, plus longues, je faisais de temps en temps un saut à côté, dans l’espace joliment décoré où étaient présentées les nouveautés de Repos Prod, dont Secrets, ma deuxième collaboration avec Eric Lang. Les joueurs avaient toujours l’air de bien s’amuser et de ne pas se faire confiance, c’est bon signe.


King’s Life, chez Pandasaurus

Sur le stand de Pandasaurus, King’s Life était largement éclipsé par l’immense succès de Wasteland Express Delivery Service, mais j’ai quand même pu faire quelques parties dont une, à sept joueurs, restera un de mes meilleurs moments du salon. Cela confirme que ce jeu prend tout son sel quand les joueurs sont assez nombreux.


Kamasutra et Come Together, les deux jeux les plus chauds de la GenCon

Le stand de Vice Games n’était qu’une étroite bande de tissu noir derrière celui, plus conséquent, de leurs amis de Japanime Games, mais c’était l’un des coins les plus drôles et des plus animés de la GenCon. Pendant que Matt, en robe de Blanche neige, expliquait son jeu de cartes Come Together, j’ai animé quelques parties de Kamasutra, qui a été incontestablement l’un des jeux qui faisait parler d’eux. Les mignonnes illustrations de David Cochard, l’enthousiasme de Matt et un peu de bouche à oreille ont permis au jeu d’être sold out le dimanche matin.


On a fait jouer l’équipe du Boardgamegeek à Kamasutra

Il y a même eu des tournois improvisés, dont un que j’ai arbitré à la Game Nerds Night. Du coup, alors que personne il y a deux ans, puis l’an dernier, ne voulait publier ce jeu, pas mal de distributeurs potentiels se sont fait connaître cette année. S’il n’est pas trop tard, Vice Games va se débrouiller pour avoir un stand à Essen.


Préparatifs du tournoi de la Game Nerds night

Prospection

J’avais une douzaine de rendez-vous avec des éditeurs, du plus petit au plus gros, et une dizaine de jeux à présenter. Pour la première fois, j’avais fait le choix d’amener, outre mes brouillons et projets en cours, deux prototypes quasi finaux de jeux, Chawai et Small Detectives, qui vont sortir en France mais dont les éditeurs cherchent licenciés ou distributeurs outre Atlantique. Tout cela a suscité pas mal d’intérêt, ce qui laisse espérer quelques nouveaux jeux de Bruno Faidutti l’an prochain ou dans deux ans – on verra bien. Et puis, comme il ne faut pas renoncer à une bonne idée, je suis passé voir les gens d’AEG, que je ne connaissais pas encore, pour leur proposer d’ajouter mon grain de sel à Greedy Kingdoms.

Retour


Dimanche soir, un peu de repos dans les salons de l’hôtel.

Mon dernier rendez-vous était lundi matin pour un petit déjeuner de travail au Patachou avec Eric Lang. Malgré nos fatigues respectives après quatre jours épuisants passés à jouer, boire et discuter affaires, nous avons réussi à remettre sur les rails un projet avec des elfes et des trolls qui piétinait depuis un an. Reste à espérer que nous n’oublierons pas nos brillantes idées du lundi matin et qu’elles nous sembleront toujours aussi bonnes après une bonne nuit de sommeil.
Ensuite, ce fut l’éclipse au moment du départ d’Indianapolis, une correspondance sans problème à Atlanta, ce qui n’était pas gagné d’avance, et une très courte nuit au dessus de l’Atlantique durant laquelle j’écris ce petit compte rendu. En arrivant, il va falloir que je réimprime des protos pour envoyer aux éditeurs, et que je m’attaque aux nouveaux projets avec Eric Lang, avec Hayato Kisaragi, avec Antoine Bauza. Et puis il y a la rentrée scolaire….


Embarquement sur le vol retour avec Bruno Cathala


Politics

I arrived in the USA the day after the Charlotteville events, which were of course the main topic of conversation. As often, I ended up trying to explain to Americans the standard European interpretation frameworks and premises, and vice versa. Indeed, while racism in the USA is only slightly different from what it is in Europe, antiracism is completely different.
Americans antiracists fight for race equality, and consider that races are an undeniable reality, or even identities needing to be asserted and defended. Europeans antiracists, especially in latin countries, fight to get rid of the idea of race, which they consider a dangerous fantasy based on dubious scientific premises. As a result, European antiracists see American ones as “soft and kind racists”, while American antiracists see European ones as naive dreamers. There’s some truth in both critics. Discussing the Charlotteville events, the taxi driver who drove me from Paris to the Roissy airport told me that “races are for dogs, not for men”. In Indianapolis, a hotel clerk assured me that “God has created all races equal” (which doesn’t quite fit with the Adam & Eve storyline, but I didn’t dare discuss theology with an American).
I am an universalist, and I am extremely wary of the American identity and community fetish, which inevitably leads to violence. I have only little hope that Charlotteville’s white identity furor will make US liberals realize that identities are not the solution but the problem. Conversely, I’m afraid when I see the US style tribal worldview worming itself back in Europe, which I thought had been immunized by history against strong identities. On the other hand, refusing to see a social reality might not be the best way to fight it, and banding together is often, at least in the short term, the best defense system.
The Barcelona terror attack was far less discussed in the US than the Charlotteville events were discussed in Europe. It’s a bit disturbing, but might be in part because it feels less new. The attacks in Ouagadougou went almost unnoticed, which is even more disturbing. Anyway, in the end, all have the same origin – a small group of looneys thinking they can be proud of a bullshit racial or religious identity which supposedly makes them different from the rest of the human race.

Minneapolis

Like the three or four last years, I first stopped for a few days in Roseville, where I joined the friendly Z-Man team, and of all Asmodee (no accent) Nort America, in a lost suburb of Minneapolis. We played my prototypes, some of which raised some interest, and a few new or upcoming Z-Man games. My favorites were a Florian Fay prototype which still needs some development, and Smile, a cute light card game by Michael Schacht, and NMBR9, which I had already played. While I don’t like Splendor and Marc Andrés’s style usually leaves me cold, I really enjoyed my game of Majesty, which has strong interaction and a consistent theme.

While discussing two player games with Steven Kimball, I tried to convince him to make a mew version of Hayato Kisaragi’s Greedy Kingdoms, a game I really like, and to let me work on the development, only to learn the day after that the game was already signed with AEG.

Indianapolis


Downtown Indianapolis viewed from my 27th floor room

There was a change of pace when arriving in Indianapolis, an archetypal american city, some brutal architecture planted in the bush, in the middle of nowhere.
There were 70.000 attendees, a record, at the 50th Gen Con. Designers, publishers, distributors and even game manufacturers from all around the world were here, but there were few artists, except for very american fantasy illustrators. Many French people, not all asmodeans. With such a busy crowd, hotels were full, if not overbooked. When Antoine Bauza arrived one day later than initially scheduled, his room had already been passed to someone else. He slept in mine for two days, a good opportunity to discuss games and to start working together on what will probably be a small card game.


At the JW Marriott bar with Merry Nowak-Trzewiczek, Eric Lang and two guys from CMON.

All the people gravitating around Asmodee, FFG or CMON used the nearby JW Marriott bar and lobby as their headquarters. We drank a lot, we talked games, but we didn’t play that much. Thursday night was the Iello party, Friday night the Asmodee one, I felt relieved for not having to choose my side.

New stuff

There were five or six hundred new games on the show. Many games, may be too many. Luckily, this year, there was no main big hit monopolizing the gamers’ attention, which was divided between many interesting new games. I could not find the time to play anything else than my own games and prototypes, but I’ve heard good things about all of these, in no specific order.

and I certainly forget a few ones. Some of these, and a few dozen small card games, are in the big box that FFG – ooops, ANA – will send me in the coming days. Thanks again friends!
Some of the trends I discussed in a recent blogpost were confirmed. Lots of cooperative games, and of narrative and legacy ones. Many games by Japanese designers. A focus on both small card games and big heavy boxes with baroque graphics and ridiculously overproduced components, but little in between. Science fiction is back, often with a seventies graphic style, but good old heroic fantasy is not dead.

My games

I had a busy schedule, half appointments with publishers to show my prototypes, half signings and demos of my four new games, Secrets, Junggle, King’s Life and Kamasutra. The two booths where I spent most of my time were Z-Man, the publisher of Junggle, who was kind enough to take care of my accommodation in the rather expensive hotel where all the interesting discussions take place, and Vice Games, the publisher of Kamasutra, because it was plain good fun.


Demoing Junggle at the Z-Man booth

Junggle, a light and fast paced family game, might not be very easy to show in a geeky event like Gen Con, especially when most of the other games at Z-Man were more serious, heavy and german. My demos were nevertheless a success, though on the last day, I was not very good an y more at rapidity or memory games.


A game of Secrets

I didn’t actually play Secrets but I often went to have a look and discuss the game at the nearby nice space where the new Repos games were demoed. Players always seemed to have fun and to be completely distrustful of each other, which is a good sign.


Playing King’s Life, at Pandasaurus

At Pandasaurus, King’s Life was largely eclipsed by their big hit, Wasteland Express Delivery Service, a monster game about delivery drivers in a Mad Max setting. I nevertheless played a few games of King’s Life, one of which, with seven players, was probably one of my highlights of the con. This game is definitely best with more players.


Kamasutra and Come Together, the two hottest games at GenCon

The Vice Games booth was just a narrow strip of black cloth behind the bigger one owned by their friends at Japanime Games, but it was one of the most fun and sexy places at the con. Matt, in a snow white outfit, explained his sexy card game Come Together, while I showed Kamasutra. Matt’s enthusiasm, David Cochard’s cute graphics and some word of mouth helped the game selll out quite fast.


Playing Kamasutra with BGG’s Eric Martin as a teammate. We won.

There were even a few improvised tournaments, and I was the referee at the Game Nerds Night on Sunday. No one wanted to publish this game when I showed it two years ago, and again last year, now everyone wants to distribute it all around the world ! If it’s not too late, Vice Games will try to book a small booth in Essen.


Preparing the Kamasutra tournament

(BTW, English grammar question. When explaining the rules of Kamasutra, I used to say that the balloon is placed in the « contact zone ». Then I heard Matt explaining the game, and saying it was in the « zone of contact ». It’s obvious to me, though I don’t know why, that the third possibility, contact’s zone, would not be correct. So, what is the rule ? If zone of contact is correct and not contact zone, why ?)

Prospection

I had ten or twelve appointments with publishers, small and big ones, and several games prototypes to show. For the first time, I had brought not only rough prototypes but also publisher prototypes of two games, Chawai and Small Detectives, which will be soon published in France and are looking for foreign distributors or licensees. Both my prototypes and these games raised some interest, so you can expect some more Bruno Faidutti games in the coming years. And since I could not abandon this idea, I also contacted the AEG team, which I didn’t know so far, to ask if I could add my grain of salt to Greedy Kingdoms.

Back to France


Sunday evening in the hotel lobby.

My last appointment was for breakfast, on mondai morning, at Patachou, with Eric Lang. Even when we were both exhausted after four games of gaming, drinking and talking business, we managed to revive a game project with elves and trolls which had stalled for several months. I only hope that we will not forget our new ideas, and that they will still sound as great after a full night of sleep.
The eclipse took place just when we were leaving Indianapolis. The connection in Atlanta was fast and smooth, which was not certain. I’m now writing this report during the very short night over the ocean. When back, I will have to reprint prototypes for the publishers who asked for them, and then to start working on the new projects with Eric Lang, with Hayato Kisaragi, with Antoine Bauza.


Boarding the plane with Bruno Cathala

Nutz! – Les pirates et les écureuils
Nutz! – Pirates and Squirrels

Lequel, du thème et de la mécanique, vient d’abord ? C’est la question la plus souvent posée aux auteurs de jeu, au point que cela en est devenu lassant. Si ma réponse varie c’est un peu parce que ma pratique a varié, mais c’est aussi parce qu’il n’est pas toujours facile de distinguer les deux. Dans le cas de Nutz!, c’est clairement la mécanique qui est à l’origine du jeu, mais comme l’illustre le fait que, tout au long de son développement, ce jeu a connu quatre thèmes successifs, dont seulement deux, les pirates et les écureuils, pouvaient effectivement coller aux systèmes de jeu.

Dans ce jeu, chaque manche est divisée en deux phases. Durant la première, les joueurs posent des cartes en colonnes de trois cartes maximum, parfois faces visibles, parfois faces cachées. Ensuite, ils prennent chacun les cartes d’une colonne de leur choix.

Sans doute parce que le nouveau Diamant venait de sortir, et parce que j’avais sous la main ses fichiers d’illustrations, le tout premier brouillon avait pour thème l’exploration de ruines perdues dans la jungle.


La toute première version du jeu, El Dorado, dans la cafetière d’Antoine Bauza.

Mécaniquement, le jeu fonctionnait très bien, et a d’ailleurs connu assez peu de gros changements de règles entre cette première itération et la version publiée. Pourtant, on sentait un problème qui mettait les joueurs mal à l’aise et les empêchait d’apprécier vraiment la partie. Dans l’idéal, une partie d’un jeu de société doit être un récit qui se déroule, dans lequel le joueur sait qui il est, ce que signifient ses actions et son objectif. Bref, même si un jeu de cartes n’aura jamais la profondeur et la richesse thématique d’un film, d’un roman ou même d’un jeu de rôle, il se construit quand même un peu sur le même modèle. Lorsque les joueurs d’El Dorado – c’était le nom du premier brouillon – exploraient des ruines incas ou aztèques, cette dimension narrative ne fonctionnait pas. Rien, en effet, ne venait justifier la première partie de chaque manche, celle durant laquelle les joueurs plaçaient les cartes qui, petit à petit, constituaient les grottes ou temples qu’ils allaient ensuite explorer. On imagine mal en effet des pillards commencer par cacher des antiquités dans les grottes avant d’aller ensuite les récupérer.


Le deuxième brouillon, Treasure Islands, à l’Asmoday. Il y avait visiblement d’autres jeux de pirates.

Le deuxième thème, et celui-ci fonctionnait, fut les pirates. Côté trésor, peu de changement, de l’or, des joyaux, des artefacts magiques et des statuettes maudites, plus ou moins la même chose sur les îles des Caraïbes que dans les ruines incas. Le récit, en revanche, gagnait en cohérence. Les pirates de Treasure Islands – nouveau nom du jeu – vont d’abord enterrer leurs trésors sur des îles désertes. Ensuite, ils retournent chacun sur une île et prennent tous les trésors qu’ils y trouvent. Le thème donnait désormais un sens aux deux phases, de placement des cartes puis de récupération, qui structurent le jeu.


Je ne suis pas le premier à hésiter entre pirates et écureuils…

Le jeu a plu à l’équipe de Blue Orange, qui a décidé de le publier. Jugeant, avec raison sans doute, que le monde de la piraterie était sérieusement surexploité, ils ont cherché autre chose, et ont pensé à des super-héros cambriolant des musées. Pourquoi pas, même si c’est un univers assez geek pour un jeu grand public. On retombait cependant sur la même incohérence qu’avec mon tout premier prototype amérindien. Il fallait justifier non seulement le fait que des super héros collectionnent des œuvres d’art – on aurait sans doute pu trouver quelque chose – mais aussi qu’ils commencent par aller eux-mêmes les mettre dans les musées, et là, cela devenait plus compliqué.
J’ai donc fait une quatrième proposition, qui me semble fonctionner aussi bien que les pirates – les écureuils. Tout comme les pirates planquent leurs trésors dans des îles, comme une sorte d’assurance retraite, avant d’aller les récupérer pour leurs vieux jours, les écureuils passent l’été et l’automne à cacher de la nourriture dans des trous d’arbre, pour aller la récupérer l’hiver venu, si tant est qu’ils se souviennent ce qu’ils ont mis ou. J’ai rebaptisé le jeu Nuts, mais comme il y a déjà une cinquantaine de jeux de ce nom, l’éditeur va sans doute y mettre deux t, un z et des points d’exclamation partout.

La magie, le fantastique, la science-fiction, sont des thèmes fort pratiques pour les auteurs de jeux, surtout pour ceux qui, comme moi, aiment bien introduire un peu de chaos, un peu d’inattendu, un peu de vie dans des mécanismes sinon trop bien réglés. Dans un univers réaliste, il peut arriver que l’auteur ne puisse pas ajouter une carte, un effet, un pouvoir qui serait mécaniquement intéressant, qui créerait des choix angoissants ou amusants pour les joueurs, parce qu’il ne parvient pas à lui donner une justification thématique. Dans une course cycliste, une carte ne peut pas permettre d’échanger sa position avec celle d’un autre joueur. Dans une course de sorcières sur des balais, pourquoi pas – c’est magique. Dans un univers fantastique, même fantastique à la marge comme les explorateurs ou les pirates, tout est possible. Dans El Dorado, dans Treasure Islands, parmi les trésors oubliés ou enterrés se trouvaient des reliques aux pouvoirs magiques, et des statuettes maudites, introduisant des effets amusants. Je n’aimais pas l’idée d’écureuils magiques, et il a donc fallu trouver d’autres justifications pour les cartes un peu bizarres – ce sont les prédateurs, aux effets immédiats, et les baies et champignons, dont les effets peuvent durer plus longtemps. Cela tombe bien, l’illustrateur Cyril Bouquet, aime beaucoup dessiner les plantes et les animaux. Dans mon Attila, il avait déjà pris sur lui d’ajouter des lapins et des carottes.


Du premier prototype à la carte finale. Le symbole est resté.

Côté mécanique, j’ai juste dû défendre ma carte fétiche, que l’éditeur trouvait un peu violente. J’ai expliqué que cela faisait longtemps que je voulais, dans un jeu, mettre une carte “vous avez perdu”, et que c’était très amusant à en jouer si le joueur qui a cette carte devant lui a des moyens réels, mais pas trop faciles non plus, pour s’en débarrasser. Bref, j’ai insisté, et le fétiche à l’oreille cassée est devenue, chez les écureuils, une amanite tue-mouches.

Puisque l’on joue des cartes faces visibles et d’autres faces cachées, Nutz! est tout à la fois un jeu tactique et un jeu de bluff. Au moment de choisir un arbre pour y récupérer ses provisions d’hiver, un écureuil doit tenir compte de ce qu’il sait de son contenu, les cartes visibles, de ce qu’il ignore le plus souvent, les cartes cachées, mais aussi des jetons lunes qui s’y trouvent, et du rang de l’arbre qui déterminera l’ordre du tour pour l’année suivante. Rien de bien compliqué, mais des éléments suffisamment nombreux et variés pour permettre bien des choix, et quelques embrouilles.

Une partie de Nutz sur Tric Trac

Nutz! est un jeu de cartes qui n’a rien de révolutionnaire, et doit pas mal à l’une de mes premières créations, Corruption, mais c’est un jeu comme je les aime, simple, subtil (enfin j’espère) et assez méchant.
Il nous rappelle que les écureuils, qui ont aujourd’hui en occident une excellente image de marque, celle d’animaux prévoyants à la crinière flamboyante, ont longtemps eu une assez mauvaise réputation. La tradition médiévale voyait en effet dans ces rongeurs des animaux diaboliques, paresseux, lubriques, avares et voleurs. Dans la mythologie nordique, l’écureuil Ratatoskr répand insinuations et rumeurs et sème la discorde parmi les occupants d’Yggdrasil, l’arbre du monde. Ce sera pour un autre jeu…

Un écureuil médiéval

Post scriptum: je viens de voir une video de présentation du jeu de Matt Loomis Chickwood Forest, dont les mécanismes sont très proches de ceux de Nutz!. C’est clairement une coïncidence, les deux jeux ayant été conçus plus ou moins simultanément, et je pense que nous avons suivi un peu le même raisonnement à partir de l’idée de cartes pour partie cachées, pour partie visibles. Je vais essayer de trouver une occasion d’y jouer pour voir lequel des deux jeux est le plus intéressant. Et tant qu’on parle de Matt Loomis, je vous conseille, dans un tout autre style, son Seikatsu.

Nutz!
Un jeu de Bruno Faidutti
Illustré par Cyril Bouquet
2 à 4  joueurs  – 30 minutes
Publié par Blue Orange (2017)
Ludovox          Tric Trac          Boardgamegeek


Which one comes first, theme or mechanics ? This is probably the question I’ve been asked the most often as a game designer, and it has become boring. My answer varies, in part because my practice does, but also because it’s not always easy to distinguish one from the other. With Nuts, the case is clear, mechanics came first, as can be seen from the fact that the game had four successive settings, two of which, pirates and squirrels, were completely satisfying because they could give sense to most of the game systems.

Every game round is made of two consecutive phases. First, players add cards, sometimes face up, sometimes face down, to sets of three cards maximum. Then each player takes a set.
The first prototype was made using the graphic files for the new edition of Diamant, and was about looting treasures in ancient ruins.


The first version of the game, El Dorado, played at Atoine Bauza’s cafetiere.

The game mechanics worked really well, and there has been no major rule change since. Something, however, was not satisfying and prevented players from really jumping into the game. Ideally, a board game session must feel like an unfolding story, in which the player knows whom he plays, and therefore what his actions and goal represent. Even if a board game can never have the same thematic depth as a novel, a movie or even only a role playing game, it is still built on the same model. When my players friends were playing El Dorado, the name of my first iteration, and exploring inca or aztec ruins, the narrative didn’t work. There was no way to give a meaning to the first phase of every round, during which players were playing the treasure cards they will take in the second phase. Looters do not enter the caves to place treasures before exploring them to get them back. That’s not how it works.


The second version, Treasure Island, at a game convention where it clearly wasn’t the only pirates game.

The second setting – Pirates – worked perfectly. The treasures didn’t change much. There was the same mix of gold, jewels and cursed statues and magical artifacts, on the Caribbean islands as in the Incan temples. The storyline, one the other hand, was much more consistent. The game was now called Treasure Islands, and pirates were first burying their treasures on the various islands, and then getting back to unearth them when planning for retirement. The theme was now giving sense to the two phases of the game, placing cards and getting them back.


I’m not the first one facing a choice between pirates and squirrels.

The Blue Orange team liked the game and decided to publish it. They thought, however, that the pirates theme was seriously overexploited and looked for something more original. Their first idea was about super heroes looting museums. Why not, even though super heroes might a bit too geeky a theme for a light family game. The problem, however, was the same as with my first setting. We had to find a rationale not only for super heroes collecting antiques – this could be done – but also for them to first place the pieces in the museums, and it soon became a bit convoluted.
That’s why I suggested a fourth and completely different universe, squirrels, which works as well as pirates. Like pirates were first hiding treasures on the islands, as a kind of pension insurance, and take them back before retiring, squirrels spend summer and winter hiding food in hollow trees, and take it back in winter – if they can remember where it is. I called this new version Nuts, but since there are already several games with this name, the publisher will likely add a second t, a z, and a few exclamation marks.

Magic, Fantasy, Science Fiction are very convenient theme for game designers, especially those who, like me, like to add some chaos, some unexpectedness, in the usually too well tuned boardgames systems. The problem with realistic settings is that the game designer is often blocked with a funny effect, an interesting ability, a challenging choice for which he can find no thematic justification. In a bicycle race, there’s no possible rationale for swapping one’s position with that of another player; in a witches on brooms race, why not – it’s magic. In a fantasy world – even a marginally fantasy one, like explorers or pirates, almost everything is possible. Among the lost or buried treasures were relics with strange powers, and cursed artefacts with funny effects. I didn’t want magical squirrels, so I spent a long time looking for justifications for all the cards special effects. Instant effects are predator animals, such as foxes or owls, while lasting effects are berries or mushrooms, depending whether the effect is mostly good or bad. Luckily, the artist, Cyril Bouquet, is really good at plants and animals. In my Attila, he had already taken on himself to add rabbits and carrots.


From first prototype to final game, the symbol didn’t change.

As for the game systems, I had to fight to keep my fetish card, which the publisher thought too violently nasty. I have always wanted to have a “you lost!” card in a game, and I had to explain that this can be really fun to play if there are real, but not too easy, ways to get rid of it. I insisted, and the card is still there. In the squirrel world, the broken ear statuette has become a fly agaric.

Since cards are played sometimes face-up, sometimes face down, Nuts is both a game of tactics and bluffing. When choosing a tree to hide his food for the next winter, a squirrel must consider the cards already there, face up but also face down, and also moon tokens there, and the rank of the tree which will determine the next round’s player order. Nothing too complex, but enough different elements to make for varied strategies and some nasty tricks. Nutz! is nothing revolutionary or groundbreaking, and has been largely inspired by one of my first designs, Corruption, but it’s the kind of game I enjoy – simple, subtle (or so I hope) and sometimes nasty.


Presenting Nutz! at the Paris est Ludique game fair

Squirrels now have a very good image, at least in the western world – cute and careful animals with a fluffy fiery red tail. It has not always been so. In the Middle Ages, these rodents were seen as devilish, lazy, mean and lecherous animals. In the Norse mythology, the squirrel Ratatoskr runs up and down Yggdrasil, the tree of the world, spreading nasty rumours and insinuations. May be in another game…..

Ratatoskr climbing on Yggdrasil

Post scriptum: I just watched a video presenting Matt Loomis’ Chickwood Forest, whose game systems are very similar with Nutz!. Both games were designed more or less simultaneously, and it’s clearly a coincidence. I bet we made the same logical reasoning starting from the idea of rows of cards played half face up and half face down. I’ll try to play it one of these days, if only to see which of our games plays better. And by the way, I strongly recommend, in a completely different genre, another game by Matt, Seikatsu.

Nutz!
A game by Bruno Faidutti
Art by Cyril Bouquet
2 to 4 players  – 30 minutes
Published by Blue Orange (2017)
  Boardgamegeek

Dernières tendances
Boardgame fashion trends

Je pars bientôt pour la Gen Con, le grand salon américain estival du jeu de société. C’est sans doute le moment de réfléchir un peu sur les les évolutions du jeu de société depuis quelques années, et de se demander ce qui est tendance de fond et ce qui est mode passagère, de quoi il faut se réjouir et de quoi il faut s’inquiéter.

Un marché en croissance

Le jeu de société était un petit monde, c’est de plus en plus un grand marché, et un marché mondial. L’édition de jeux connait du coup des évolutions contradictoires, permises par la forte croissance des ventes.
D’un côté, avec Asmodée, mais aussi des acteurs plus récents et plus modestes comme CMON, le monde du jeu de société « pour joueurs » relève de plus en plus du business et de moins en moins de la passion. Asmodée n’a plus racheté personne depuis quelques mois, signe peut-être qu’Eurazeo, le  groupe financier qui en a pris le contrôle, passe à la deuxième étape et se prépare à revendre. Ce n’est pas certain, et je ne suis pas dans le secret des dieux, ou plutôt des démons.

D’un autre côté, croissance et concentration libèrent de la place pour une foultitude de petits acteurs, éditeurs et/ou distributeurs, profitant soit des niches délaissées par les gros, soit seulement des miettes. Il y a beaucoup de monde, peut-être un peu trop, avec des stratégies pas toujours très claires, mais surtout des gens sympathiques et quand même pas mal de place.
Alors, le grand retour du jeu de société, régulièrement signalé dans les médias, tendance durable ou effet de mode ? Après avoir pendant dix ans assuré que le marché ne pourrait plus continuer à s’envoler à une telle vitesse et que l’atterrissage, possiblement violent, était pour bientôt, je n’ose plus aujourd’hui faire de prédiction.

Kickstarter

Cette multiplication des acteurs a été largement accélérée par l’émergence du Crowdfunding, qui utilise aujourd’hui presque exclusivement la plateforme Kickstarter. Je ne sais pas quelle est la part exacte de Kickstarter dans les ventes de jeux de société, mais dans mes achats personnels elle est d’à peu près 50%. La part des jeux de société dans les levées de fonds sur Kickstarter est de 25%. C’est énorme.
Les usages de kickstarter par les éditeurs de jeux sont multiples, et certains me sont plus sympathiques que d’autres.
Le crowdfunding était à l’origine, et est toujours souvent, un outil rendant sinon plus facile, du moins moins risquée, l’autoédition de jeux, petits ou gros, par des passionnés. Ça, c’est très bien.
C’est aussi un moyen pour des éditeurs installés de contourner la distribution et de se réserver des marges plus confortables. C’est dommage pour les boutiques, qui restent nécessaires à l’écosystème du jeu, et il est un peu triste de voir sur Kickstarter des jeux qui auraient sans doute de toute façon été édités.

D’un autre côté, Kickstarter a aussi permis la sortie de jeux au matériel impressionnant, comme Zombicide, Scythe ou Conan, dont les premiers tirages n’auraient jamais pu être rentabilisés dans le circuit de distribution classique. Je suis content qu’ils soient là.
Bref, c’est compliqué, mais les usages variés du crowdfunding dans le jeu de société suffisent à montrer que c’est bien plus qu’un effet de mode. Du point de vue des joueurs, son principal effet pervers est dans le temps et l’énergie consacrés à fignoler la campagne, faire de la com, présenter les plus beaux dessins et les plus jolies figurines possibles, et imaginer des stretch goals capillotractés. Tout ce temps et cette énergie auraient pu et dû être consacrés aux jeux eux-mêmes, dont, à l’arrivée, les règles, et parfois les mécanismes, ne sont pas toujours à la hauteur. Il est triste de voir un jeu sans intérêt aucun, comme Exploding Kittens, récolter des millions de dollars. Il est aussi triste de voir des règles bâclées dans un projet aussi ambitieux que Conan. J’ai pledgé les deux….

L’Asie

Longtemps, le Japon et la Corée n’ont été que des marchés marginaux pour le jeu de société moderne, tandis que la Chine était surtout un endroit où l’on fabriquait des jeux conçus en occident et vendus en occident. Les premiers petits jeux de cartes japonais étaient des curiosités exotiques aux règles traduites avec les pieds, dont il suffisait d’un ou deux pour faire joli dans une ludothèque.

C’est en train de changer, très rapidement. De plus en plus de jeux originaux nous viennent d’auteurs et d’éditeurs japonais, coréens et chinois. S’ils sont, surtout pour les jeux japonais, graphiquement assez différents de ce à quoi nous sommes habitués, les mécaniques ludiques en revanche sont bien les mêmes. La culture ludique moderne qui a d’abord été allemande et américaine, puis occidentale, est en train de gagner l’extrême-orient. Quelle sera l’étape suivante ? Le monde arabe ? L’Amérique latine ?

Les jeux de coopération

Lorsque, dans les années 2000, sont arrivés les premiers jeux de coopération modernes, je m’y suis suffisamment intéressé pour créer Terra et Novembre Rouge, mais je n’y voyais pas moins une mode appelée à passer assez vite. Il me semblait que Les jeux de coopération étaient condamnés à se ressembler tous un peu, et ne parviendraient jamais à créer la même tension, et donc le même intérêt, que les jeux de compétition.

J’avais tort, et les jeux coopératifs sont devenus aujourd’hui un genre à part entière, varié et dynamique, dont le développement ne semble pas près de s’arrêter.
Il reste que je continue à préférer les bons vieux jeux de compétition et que, pour des raisons que j’ai développées il y a quelques années dans cet article, je continue à me méfier un peu des jeux de coopération et surtout de ceux qui en font les louanges.

Jeux évolutifs et narratifs

Je m’étais trompé pour les jeux coopératifs, qui se sont avérés être une tendance de fond et non une mode. Du coup, je me trompe peut-être aussi pour la dernière véritable innovation en matière de game design, les jeux « Legacy », ou jeux évolutifs. Ce terme désigne des jeux évolutifs, dans lesquels la configuration d’une partie dépend de ce qui s’est passé dans la partie précédente. Cela donne à une campagne de plusieurs parties un côté narratif très agréable, et permet d’introduire les règles progressivement, partie après partie. Le plus grand succès est le jeu de coopération Pandemic – Legacy, dans lequel chaque partie voit les joueurs lutter contre une épidémie dans un monde qui a été fortement affecté par les épidémies précédentes, qui ont pu souvent rayer une cité de la carte. Dans la version hard, celle de Pandemic ou Seafall, le matériel de jeu est physiquement modifié après chaque partie, et une boite ne peut donc servir que pour une seule campagne. Dans la version soft, celle des petits jeux de Friedemann Friese, tout est dans l’ordre des cartes, et on peut toujours revenir en arrière.

Les jeux évolutifs sont le truc qui fait gamberger tous les auteurs en ce moment, mais je ne pense pas qu’il en sorte tant que cela car ils demandent énormément de boulot. En outre, je ne suis pas certain que la mode soit durable. Ces jeux vous condamnent en effet à jouer plus ou moins toujours avec les mêmes partenaires, ce qui est un peu triste. C’est d’ailleurs pour cette raison que je n’y suis jamais allé très loin, même si j’aime bien Fabled Fruit (que, par respect pour la grammaire latine, je refuse d’appeler par le nom de l’édition française).

Énigmes et récits

Après les escape rooms, version casanière et en intérieur des jeux de piste scouts, voici Unlock ou Exit, leur déclinaison en boite de jeu, mélange de livre dont vous êtes le héros et de casse-tête logique. C’est un peu comme un problème de maths, mais en moins intéressant et moins amusant. J’espère et je pense que ce n’est qu’une mode et que l’on n’en parlera bientôt plus.

En revanche, quand le récit prend le dessus sur l’énigme, comme dans Time Stories, le jeu prend une vraie dimension littéraire et cela devient plus intéressant – et cela m’amène au point suivant.

Subjectivité

L’autre tendance, plus ancienne mais qui prend de l’ampleur, est la subjectivité. La tradition veut que les jeux carburent à l’objectivité, des pions blancs ou noirs, des dés qui font 1, 2, 3, 4, 5 ou 6, des cartes aux effets précis. Dans les jeux classiques, seul le bluff permettait parfois un appel à la psychologie des joueurs, mais plus sur le mode de la devinette que sur celui du jugement.

La subjectivité, voire le délire, sont aujourd’hui partout – dans les jeux narratifs inspirés du jeu de rôle comme Time Stories, dans les jeux de traitres et de loups garous, dans les jeux de communication façon Codenames, Mysterium ou Agent Trouble, dans les dérivés du dictionnaire comme Cards against Humanity. C’est une tendance rafraichissante et sans doute durable, ne serait-ce que parce que les jeux en ligne ont encore du mal à intégrer tout ça.

Vikings

Le thème à la mode, c’est les vikings, que le réchauffement climatique rend peut-être plus exotiques que les pirates, qui avaient le dessus jusqu’ici. Pirates et vikings ont en commun la mer, l’aventure, la bagarre, l’alcool, mais ce sont surtout les deux seuls univers exotiques mettant en scène essentiellement des mâles blancs barbus quadragénaires, qui restent, malgré ce que j’ai dit sur l’Asie au début de cet article, le public principal du jeu de société. Les vikings ont donc des chances de rester un petit moment.

Les zombies, quant à eux, sont clairement en perte de vitesse, mais personne ne sait vraiment ce qui va les remplacer.

Et les jeux hybrides ?

Je sais, on va encore me dire que le jeu hybride est la grande tendance du moment et va exploser dans les années qui viennent. Cela fait une quinzaine d’années que l’on dit ça, et jusqu’ici cela n’a pas vraiment marché. Les jeux révolutionnaires que tout le monde attendait, comme World of Yo-Ho ou X-Com, attendent sur les étagères que les joueurs se décident à les sortir. Mon Fearz!, moins ambitieux, n’a pas eu non plus un grand succès. Ne restent que les petites applications gadget nécessaires pour jouer à Unlock ou First Martians.

L’argument régulièrement avancé par les thuriféraires du jeu hybride est que toutes les études montrent que, contrairement aux idées reçues, les gros joueurs de jeu video et de jeu de société sont souvent les mêmes personnes. J’aime le steak tartare et la glace à la vanille, je n’en suis pas pour autant un bon client pour un mélange des deux.

J’ai sans doute raté quelques trucs. D’autres se préparent peut-être sans que je les ai sentis venir. Mais voici à priori les principales évolutions dont je vais tenter de voir si elles se confirment.


I’m about to leave for GenCon, the big US summer boardgaming convention. It’s probably the right time to think, more or less strategically, about the recent changes and the new trends in boardgaming, and to wonder what is passing fad and what is lasting trend, what should rejoice us and what should worry us.

A growing business.

Boardgaming was a small world, it’s now a big market, and more and more a world market. The growing sales make for various and sometimes contradictory trends in the game publishing business.
On the one side, for the big player, Asmodée, and for a few more modest and recent ones like CMON, publishing boardgames is more and more a business and less and less a passion. Asmodee didn’t buy anyone for a few months, which might mean that its main shareholder, the Eurazeo holding, is preparing for the next phase, selling it. I’m not in the know, and I’m not sure, but this will happen some day (sorry, untranslatable French pun here).

On the other hand, growth and concentration free some space for a bunch of new participants, publishers or distributors, either occupying niche markets abandoned by the big players or just picking up crumbs. There are lots of people, mostly nice people, sometimes with extremely vague business models. There’s room for many, but probably not for all of them..
The great boardgames comeback is regularly discussed in mass medias. Is it a passing fad or a lasting trend ? For ten years now, I have told everyone that it could not last and that the come down, or may be the violent crash, was imminent. I probablyI should stop making predictions.

Kickstarter

Many of the new market participants arrived through crowdfunding, which means now mostly Kickstarter. I don’t know the exact share of kickstarter in overall boardgames sales, but I know it’s about 50% of my purchases, and I’ve just read that boardgames amounted to 25% of all the kickstarter pledges turnover. It’s a lot.
Kickstarter is used in very different ways by different publishers, and some are more pleasant than others.
Crowdfunding was first a tool used mostly for self publishing, which it makes if not easier, at least far less risky. Enthusiastic designers are still using it this way, both for small and big games, and it’s a good thing.
Kickstarter is also a way for established publishers to bypass distributors and increase their margins. It’s a shame for shops, which I think are still necessary to the global boardgames business ecosystem, and I’m always a bit sad when I see on Kickstarter games which would have been published anyway.

On the other hand, there are a few really big games with gorgeous components, such as Zombicide, Scythe or Conan, whose first print runs could not have been sold at a profit through the usual distribution network, and I’m glad they’re here.
It’s a complex issue. Crowdfunding will stay, and the many ways it can used will certainly affect board gaming publishing even more in the coming years. For the gamers, its main drawback is in the time and energy spent by publishers in communication, in showing the nicest pictures, the coolest videos, the cutest miniatures and in imagining pointless stretch goals. All this time and energy could have been spent on the games themselves, whose rules are not always as finalised as they should have been. I’m sad when I see a mediocre game like Exploding Kittens raising millions of dollars – and, yes, I backed it. I’m sad as well when I sen an ambitious game like Conan with gorgeous components and half baked rules – and, yes, I backed it as well.

Asia

For boardgames publishers, Japan and Korea have long been fringe markets, while China was the mysterious place where games designed and sold in the west were produced and boxed. The first small Japanese card games were exotic curiosities with convoluted translations, bought mostly by collectors.

It’s changing, and changing very fast. More and more new games have Japanese, Korean or Chinese designers and/or publishers. Some of them, especially small Japanese card games, might look graphically a bit different from western ones, but the designers references and influences are the same as ours. Modern board gaming culture was first german and American, then western as a whole, it’s now becoming East-Asian as well. What will be the next step ? The Arab world ? Latin America ?

Cooperative games

When the first modern cooperative boardgames were published, in the mid 2000s, I took some interest in it and even designed two, Terra and Red November. Nevertheless, I thought it was a fad which would not last more than a few years. I thought cooperative games would soon feel more or less similar, and would never generate the same tension, and therefore the same interest, as competitive games.

I was wrong. Cooperative games are now an established genre, dynamic and varied, and still growing. Anyway, I still usually prefer competitive games and, for reasons I developed a few years ago in a long article, I’m still a bit wary of cooperative games and, even more, of those who praise them too loud.

Evolutive and narrative games

I was wrong about cooperative games, which ended being a lasting trend, and even a whole new game genre. I might be also wrong about a more recent game design innovation, legacy games, which we should probably called evolutive games since they are not all published under the Legacy brand. The set up of every new game session depends on what happened during the former ones. This can give a strong narrative feel to a campaign of several game sessions, and allows to introduce new rules one after another. In Pandemic Legacy, the biggest hit, every session has the players fighting against a new epidemic in a world which has been affected by the former ones, sometimes to the point of destroying whole cities. In Legacy games such as Pandemic or Seafall, the game components are physically modified, written on, sometimes destroyed, and the box can usually be used only once. A softer and less narrative version of evolutive games is coming, for example with Friedemann Friese new card games, in which everything is determined by the card order in the deck, and it’s always possible to start anew.

Many game designers are now thinking hard about evolutive games, but there won’t probably be that many coming out, mostly because they need really a lot of work. Also, I’m not sure they will stay in fashion very long. My main issue with these games is that you have to play several sessions with the same group of players, which is a bit sad. That’s why I never went very far in these games, even when I quite like Friedemann Friese’s Fabled Fruit.

Stories and enigmas

Escape rooms are an indoor and lazy version of scout’s treasure hunt games. Escape games such as Unlock and Exit are even more indoor, since you don’t have to leave your home, and in the end are just a mix between chose your own adventure books and logical brain teasers. A bit like a math problem, but less exciting. I hope and think it’s just a fad that will soon be forgotten.

On the other hand, when the story takes precedence over the logical stuff, like it does in Time Stories, it becomes more exciting – and this brings me to the next and more positive trend.

Subjectivity

This trend is older, but it’s clearly accelerating. Traditionally, games are based on objective systems, pawns are white or black, dice roll 1, 2, 3, 4, 5 or 6, cards have specific effects. In most older games, the only subjective element was bluff, which is only about outguessing, not about judgement or opinion.

Subjectivity, sometimes even wackiness, is now everywhere, in narrative RPG-like boardgames such as Time Stories, in secret identity games full of traitors and werewolves, in communication games such as Codenames, Mysterium or Spyfall, in dictionary variants such as Cards Against Humanity. It’s a refreshing trend and probably a lasting one, mostly because computer games still have troubles dealing with subjectivity.

Vikings are the new pirates

Vikings are clearly the trendy game setting, may be because global warming makes them more exotic than good old pirates, which were the most popular so far. Pirates and Vikings have lots in common – sea, adventure, brawls, alcohol – but, most of all, they are the two only exotic settings featuring mostly forty years old white bearded males, which are still the main demographics in board gaming. They will probably stay for a while.

Zombies are in decline, but no one knows yet what will replace them.

What about hybrid games ?

I’m sure someone will tell me that computer-boardgames hybrids are coming. For about fifteen years now, hybrid games are supposed to be the next craze, but it didn’t happen yet. Disruptive and revolutionary games which everybody was waiting for, such as XCOM or World of Yo-Ho, are still on the shelves, waiting to be played. What’s left is just small gadget apps used to play First Martians or Unlock.

Against popular thinking, most market studies show that boardgames and computer gamers are mostly the same persons. This doesn’t imply that they will enjoy hybrid games. I like raw beef and ice creams, I probably wouldn’t like an hybrid.

I’ve probably missed a few trends. Other things which I’m not aware of might be in the pipe. But at least, these are the impressions I will try to confirm to infirm at Gen Con.

Junggle

Le Dou Shou Qi, ou échecs des animaux, est le plus souvent connu en occident sous le nom de jeu de la jungle. Ce jeu de stratégie chinois, traditionnel quoique pas très ancien, remonte sans doute au XIXème siècle. Ses pions représentant des animaux font qu’il est parfois considéré à tort comme un jeu pour enfants.


Un jeu de Dou Shou Qi comme je peux en acheter dans les boutiques chinoises de Belleville.

Le Dou Shou Qi ne doit pas être confondu avec le jeu japonais des échecs des animaux, le doubutsu shogi, qui est une version simplifiée et très récente du shogi. Le jeu de la jungle est un jeu original, sans lien avec les échecs chinois, ou xiangqi.


Les deux jeux d’échecs des animaux, chinois à gauche et japonais à droite.

Le thème et la mécanique du jeu de la jungle s’inspirent d’une tradition plus ancienne, présente en orient comme en occident (on trouve le récit dans l’histoire naturelle de Peine l’ancien), qui voudrait que le plus grand et le plus puissant des animaux de la jungle, l’éléphant, ait une peur panique de l’un des plus petits, la souris. Au Dou Shou Qi, l’éléphant est le roi de la jungle, qui peut capturer toutes les pièces adverses. Suivent le lion, le tigre, le leopard, le loup, le chien, le chat et le rat, ce dernier étant seul à pouvoir capturer l’éléphant.


Images du premier prototype

C’est moi qui, de passage chez Anja à Berlin, lui ai raconté cette histoire il y a quelques année, et ai suggéré d’en faire le point de départ d’un jeu totalement différent du Dou Shou Qi, un jeu qui ne soit ni de pions, ni de stratégie, ni de damier.
Anja dessinant fort bien, j’ai reçu quelques jours plus tard six mignonnes représentations d’éléphant, de lion, de tigre, de chien, de chat et de souris – tant pis pour le léopard et le loup, six animaux nous semblaient suffisants. Chacun d’entre nous a imprimé quelques cartes, et nous avons commencé à réfléchir à plusieurs pistes différentes – un jeu de mémoire, un jeu de rapidité, un jeu de bluff….. Notre premier prototype avais à la fois des cartes et des figurines représentant les animaux, mais il était un peu tarabiscoté. Six mois plus tard, nous avions un jeu dont nous étions vraiment satisfaits, juste avec des cartes, Le Roi de la Jungle – il porte toujours ce nom dans la boite de Junggle. Des cartes sont étalées, face cachées, au centre de la table, et les joueurs le consultent simultanément avant de les replacer, cherchant le plus gros animal qui n’a peur de rien. Nus commençâmes à montrer ce jeu aux éditeurs, tout en gardant en tête nos autres idées de jeu, et en en essayant parfois de nouvelles.


Je ne me souvenais même plus qu’il y avait eu une version avec une panthère noire.

Nous pensions avoir trouvé un éditeur, avec lequel avions même commencé à travailler sur le thème du cirque, mais le projet a finalement été abandonné. Quelques semaines plus tard, de passage à Minneapolis chez mes amis de Fantasy Flight Games, je sortais quelques prototypes de mon sac et, à ma grande surprise, c’est ce petit jeu un peu enfantin, très européen, pas vraiment dans le style habituel de la maison, qui suscita le plus d’intérêt. La raison en était que Steve Kimball venait d’accepter de prendre les rênes de Windrider Games et cherchait des jeux familiaux pour son nouveau catalogue.


Une partie test au kiosque à jeu de la place de République.

Le travail avec l’équipe de Z-Man a été comme toujours (c’est à dire comme quand ils s’appelaient Windrider pour Citadelles, ou quand ils s’appelaient FFG pour Mission Planète Rouge) un véritable plaisir. Ils ont amené de nouvelles idées de jeux sur lesquelles nous avons rebondi, et au bout du compte nous avions, je crois, huit ou neuf règles. Nous en avons sélectionné cinq, tous simples et rapides, permettant de jouer de 2 à 10 joueurs. Mon préféré, Perdu dans la Jungle, est un jeu de mémoire et de prise de risque, mais d’autres font appel au bluff, au sens tactique, ou à la rapidité

Le choix a été fait d’une jungle résolument africaine, et plus du tout chinoise. Exit donc le tigre. Exeunt aussi le chien et le chat qui ne sont pas, dans l’imaginaire occidental, des animaux sauvages. La jungle, ou peut-être la savane, abrite désormais sept espèces, éléphant, rhinoceros, lion, crocodile, hyène, serpent et, bien sûr, la petite souris.

J’espèrais que l’éditeur demanderait à Anja de réaliser les illustrations finales, mais il a jugé ses dessins un peu trop enfantins, trop cartoon, et a opté pour un style plus réaliste. J’étais sceptique au début, mais finalement cela rend plutôt bien, et  j’aime vraiment beaucoup la forme de la boite. Ça doit sûrement avoir un nom.
Notre premier brouillon s’appelait Le Roi de la Jungle, mais c’était un nom un peu long pour un petit jeu dans une petite boite. Il fallait un seul mot, et si possible quelque chose d’international pour faciliter les localisations. Jungle Party ne convenait pas parce que tous les jeux n’étaient pas des “party games”. Nous avons donc pris le plus petit dénominateur commun de toutes les propositions (Jungle), et j’ai suggéré que nous y ajoutions un second g, référence à Dobble, un jeu que j’aime bien, et qui propose également plusieurs règles pour jouer avec les mêmes cartes. J’espère que Junggle aura autant de succès que Dobble.

Il y aura quelques boites de Junggle à la Gen Con, au mois d’août, mais le jeu sortira pour de bon quelques mois plus tard, en anglais d’abord mais j’espère bientôt dans plein d’autres langues.

Junggle
Un jeu de Anja Wrede et Bruno Faidutti
Illustrations de Sam Shimota
2 à 10 joueurs – 15 minutes
Publié par Z-Man Games
Présentation chez l’éditeur
Boardgamegeek


Dou Shou Qi, also known as Jungle Chess or simply Jungle, is a traditional Chinese strategy game, though not a very old one, since it appeared only in the late XIXth century. Due to its animal pieces, it is often (and incorrectly) deemed a children’s game.


An old Dou Shou Qi game

The Chinese Dou Shou Qi is an original game unrelated to Xiangqi (or Chinese Chess). It should also not be confused with the other version of “Animals Chess,” the Japanese Doubutsu Shogi (or Let’s Catch the Lion!), which is a simplified version of Shogi.

The two animals ches games, Chinese (left) and Japanese (right).

The theme and mechanics of the Jungle game come from an older tradition which appears both in the eastern and the western world, where its oldest known occurrence is in Pliny the Elder’s Natural History. The story says that the biggest and most powerful animal in the jungle, the elephant, is absolutely afraid of one of the smallest ones, the tiny mouse. In the Chinese abstract game, the elephant is the king of the jungle and can capture any opponent’s piece. Then, in order of rank, come the lion, tiger, leopard, wolf, dog, cat and rat. Only the latter, of course, can capture the mighty elephant.


Art from our first prototype

If I remember well, I told this story to Anja a few years ago when visiting her in Berlin, and I suggested we make a jungle-themed game out of it—but a completely different one, no checkered board, no deep strategy.
Anja is a talented artist, and a few days after flying back home, I got in my email six cute animal drawings: elephant, lion, tiger, dog, cat and mouse—never mind the leopard and wolf, six animals sounded like enough. We both printed a few cards and started to think in several directions – a memory game, a fast reaction game, a bluffing game….  Our first game used both cards and animals figures, but it felt a bit convoluted. Six months later, we had one game we were really satisfied with, a pure card game we called King of the Jungle (still the name of this mini-game). In it, cards are places face down in the center of the table, and players simultaneously look at them and place them back, trying to find the King of the Jungle, the biggest animal who’s not afraid. We started showing it to publishers, while keeping those other game ideas in mind and sometimes trying new ideas.


I didn’t even remember we had a version with a black panther !

We thought we had a publisher, and we had even started thinking of a different theme—the circus—but the project was finally cancelled. A few weeks later I was in Minneapolis visiting my friends from Fantasy Flight Games. I showed the few prototypes I had in my bag. Much to my surprise, this small family card game, very European, definitely not in FFG’s usual style, raised the most interest. Steve Kimball, FFG’s Board Game Manager at the time, had already accepted his new position as Head of Windrider Games and was looking to pick up some family games that would complement its budding catalog, something I didn’t have anticipated.


The two designers playtesting the final version. I’m on the left, Anja on the right.

Since my visit, Asmodee acquired the Z-Man brand, and since Windrider was making games similar to Z-Man, the two entities merged, with Steve now heading up Z-Man. To learn more about Steve’s plans for Z-Man, see the recent interview he did on Z-Man’s new website.
Working with the Z-Man team was, as usual, smooth and easy – as usual meaning as before when they were  Windrider for Citadels, or even earlier when they were still FFG for Mission:Red Planet). They brought a few new game ideas, which we developed together, and we ended with six or seven mini-games. We chose five very different ones, all fast paced, accommodating small and large groups. My favorite one, Lost in the Jungle, is a memory and risk-taking game, but there are also games about bluffing, tactics, and speed.
The publisher moved the jungle from China to Africa. Exit the tiger. The dog and cat are not, in the western tradition, wild jungle animals, so they were replaced. In the end, the Jungle, or maybe the Savannah, now accommodates seven species: Elephant, Rhino, Lion, Crocodile, Hyena, Snake and, of course, the tiny Mouse.

I had hoped that the publisher would ask Anja to make the final graphics, and she probably would have liked it, but they thought her style was a bit too cartoony, more appropriate for children’s books, and wanted to go for something more realistic. I was skeptical at first, but in the end I think it looks really great. The strangely shaped box — I have no idea if there’s a name for that shape — is cute.
Our prototype was called King of the Jungle, but this was too long a name for a small game in a tiny box. It had to be one single word, two at max, and more or less international to make localization easier. Jungle Party didn’t work because some of the games in the box could not be considered party games. So we ended up with the smallest denominator (Jungle), and I suggested we add a second “g” (Junggle) as a reference to Dobble (Spot It in North America)—because I like Dobble and because Junggle, like Dobble, has several sets of rules, and of course because I hope Junggle will be as successful as Dobble.

It will have early copies for sale at Gen Con, where I shall be to demo it as well as half a dozen other new games at various publishers, with Junggle’s full release coming a few months later.

Junggle
A game by Anja Wrede & Bruno Faidutti
Art by Sam Shimota
2 to 10 players – 15 minutes
Published par Z-Man Games
Publisher’s web page
Boardgamegeek

Kamasutra

L’idée de ce jeu est née d’une video sur laquelle j’étais tombé un peu par hasard (si, si….), elle même inspirée de ce qui se pratique parfois dans les fins de mariage trop arrosées. Il m’a semblé qu’il y avait là matière à faire quelque chose d’un peu plus subtil, un véritable jeu de société, une sorte de twister pour adultes. Le problème des applications comme celle utilisée dans la video est qu’une bonne partie des positions qu’elles proposent ne conviennent pas au jeu, notamment parce qu’il est difficile et pourrait être dangereux de faire exploser un ballon à proximité du visage. J’ai donc cherché sur Amazon un jeu de cartes proposant diverses positions du kamasutra, afin de pouvoir trier les cartes et ne conserver que celles qui sont vraiment amusantes à jouer. J’en ai trouvé beaucoup, pas toujours du meilleur goût.

On pioche donc au hasard une carte, tous les couples se mettent dans la position indiquée avec un ballon bien gonflé sur la « zone de contact ». Un arbitre donne le signal du départ, et la première équipe à faire exploser son ballon remporte la carte. Quelques parties à Etourvy ont vite montré que cela fonctionnait très bien.

J’ai donc débarqué en 2015 à la Gen Con avec mon prototype, une centaine de ballons et une quarantaine de cartes. Si j’ai bien fait rire les éditeurs auxquels je l’ai présenté, aucun n’a alors souhaité le publier. J’ai alors décidé de le faire moi-même, gratuitement, sur mon site web, à la manière de ce que les éditeurs de Cards against Humanity avaient fait pour l’excellent jeu d’identités cachées Clusterfuck (qui apparemment n’est plus en ligne sur leur site aujourd’hui, mais j’espère que cela signifie comme pour Kamasutra qu’ils vont en publier une version imprimée avec un peu plus de cartes différentes).

J’ai demandé à mon ami David Cochard, le talentueux illustrateur de Key Largo, de Waka Tanka, et bientôt de deux autres de mes jeux, de faire les dessins. Je voulais quelque chose de mignon, de léger, sans vulgarité. La première idée de David fut de représenter des pandas, animal kawaii s’il en est. C’était d’autant plus amusant que le panda est réputé pour sa vie sexuelle particulièrement tranquille, lui qui ne fait l’amour qu’une fois tous les deux ans environ (au passage, un conseil de lecture : Panda Sex, de Mian Mian).  C’était une fausse bonne idée, la silhouette du panda, et ses courtes pattes, limitant sévèrement le nombre de positions possibles. David est donc revenu sur un couple humain des plus classiques, mignon et un peu poupon.

J’ai bien sûr rédigé les règles en français et en anglais. Du coup, j’ai cherché sur internet les noms des différentes positions en anglais, mais aussi souvent en français car j’étais loin de toutes les connaître. C’est au cours de ce fastidieux travail de documentation que j’ai découvert que le kamasutra japonais était extrêmement codifié, avec 48 positions  dont les noms traditionnels sont souvent plus poétiques que leurs équivalents occidentaux, comme le Moulin à thé, la Profanation de l’autel des ancêtres, ou Regarder la lune par la fenêtre. Du coup, j’ai décidé de faire aussi une version japonaise, et je remercie Yuka et Masumi pour la traduction.

En janvier 2017, j’ai mis en ligne ici les fichiers pdf des cartes et des règles du jeu, ce qui a suscité pas mal de récations dans le petit monde du jeu, au point que Kamasutra est resté pendant une semaine en tête de la hotlist du Boardgamegeek. Alors que je n’y pensais plus vraiment, j’ai été contacté par Matt Fantastic, qui souhaitait publier le jeu et le vendre aux États-Unis. Nous nous sommes rapidement mis d’accord, et Matt a commandé à David une petite vingtaine de dessins supplémentaires afin d’enrichir la version publiée du jeu. Après l’avoir un temps envisagé, nous avons renoncer à ajouter des règles en allemand car les noms des positions sont à la fois très longs et beaucoup moins drôles ou poétiques que les appellations françaises, anglaises ou japonaises.

J’ai fait ce jeu pour m’amuser, et David l’a illustré pour s’amuser, mais il y a aussi un positionnement politique dans sa publication, dans le fait de dire que le sexe ne doit pas toujours être pris au sérieux (parfois, certainement, mais pas toujours, et pas par principe), et que c’est donc un thème dont on peut jouer comme de bien d’autres. Les idéologies totalitaires, et notamment les religions qui reviennent en force ces temps-ci, ont toujours cherché à encadrer et régenter la sexualité, et tous les discours la concernant. En rire, en jouer, c’est aussi un peu prendre position contre leur discours culpabilisant aussi immoral que moralisateur.

On m’a reproché de n’avoir mis dans le jeu que des positions hétérosexuelles. Le reproche est fondé, mais il me semble lui aussi prendre la sexualité (et le jeu) un peu trop au sérieux. Il vient en effet de ceux qui cherchent à faire des préférences sexuelles un élément fondamental de l’identité individuelle. Elles ne devraient pas plus l’être que les préférences alimentaires ou musicales, dont nul ne se formalise outre mesure.

Une édition professionnelle étant maintenant disponible, j’ai retiré les fichiers qui étaient en téléchargement libre ici. Si vous étiez là pour ça, je vous invite à acheter plutôt le jeu publié par Matt et la sympathique petite équipe de Vice Games.

Kamasutra
Un jeu de Bruno Faidutti
Illustrations de David Cochard
Publié par Vice Games
4 joueurs et plus
Ludovox
         Tric Trac         Boardgamegeek


The first idea for this game came from a fun youtube video on which I had stumbled by chance (see above in the French version). I immediately though there was matter for a true party game, a kind of adult twister more subtle than the stupid drunkard games sometimes played at the end of wedding parties. The problem with apps like the one used in this video is that many of the random positions are not really compatible with the game, mostly because pushing on a balloon with one’s face is not really fun, and could be dangerous. I looked on Amazon for card games with various sexual position, so that I could sort the cards and keep only the ones really fun to play. There are many such card games available, but most of them are of really bad taste.

You already got the rules. A random card is drawn, and all couples assume the position with an inflated balloon in the contact zone. At the gamemaster’s signal, everyone pushes, and the first couple to pop their ballon wins the round and keeps the card. A few tests with friends at my Ludopathic Gathering showed that this works very well.

So, in 2015, I land at Gen Con with my prototype, a hundred ballons and about forty cards. Publishers had a good laugh, but none was interested in publishing the game. I decided to publish it for free in my website, like the publishers of Cards against Humanity made for their great Clusterfuck party game (it’s unfortunately no more on their site, and I hope this means, like for Kamasutra, that a commercial version with more cards is coming soon).

I hired my friend David Cochard, the illustrator of Key Largo, of Waka Tanka, and soon of two more games of mine, to do the graphics. I wanted something cute and light, not vulgar or pornographic. David’s first idea was to draw pandas, probably the most kawaii animal. This was made even more fun by the fact that Pandas are not very interested in sex, having sexual intercourse only once every two years (BTW, I recommend Mian Mian’s novel Panda Sex). Pandas were a false good idea, their clumsy silhouette and short legs making many positions impossible to draw. So David went back to good old humans, a cute and chubby couple.

I wrote the rules in French and English, and looked on the web for the English names of the various positions, and for the French names of a few ones since I’m far from knowing everything about the subject. During this fastidious documentation work, I found out that the Japanese kamasutra was extremely codified, with 48 official positions whose traditional names are often much more fun than their western equivalents – The Tea Grinding Mill, Looking at the Moon by the Window, or the Profanation of the Ancestors’ Shrine. I therefore decided to have it also in Japanese, and I thank my friends Yuka and Masumi for their help in the translation.

In January 2017, I uploaded here pdf files with the rules and cards for the game. It generated some discussion in the small gaming world, and Kamasutra became the #1 on the Boardgamegeek hotlist for one week.
I was not really expecting anymore to have a publisher print a professional version of it, when I got an email from Matt Fantastic, of Vice Games, who wanted to publish and sell the game in the US. Vice games does sex, drugs and boardgames, but actually mostly boardgames. We agreed easily, and Matt ordered from David about twenty new pictures, so that the published version of the game will have more variety than the original printable one. We considered adding German names and rules, but gave up when we found out that the German names for positions were very long and most times not as fun or poetic as the French, English and Japanese ones. Vice Games sells only in the US, so if you’re interested in translating the game or distributing it in any other country, you can contact Matt at matt@vice.games.

I designed this game for fun, and David illustrated it for fun, but there’s a kind of political statement in publishing it. I want to say that sex should not always be taken seriously (sometimes, for sure, but not always, and not on principle), and that it is a game theme like any other. Totalitarian ideologies, and especially religions which are making a strong comeback these days, have always tried to control not only sexuality, but also all discourse about sex. Having fun of it, playing it, is also a way to condemn their guilt inducing discourse, which is as immoral as it is moralizing. Talking casually and not seriously about sex is already an act of intellectual resistance.

I was criticized for the absence of any homosexual position in the game. I can see the point, but I think this kind of remark also takes sexuality (and games) too seriously. It comes from people who try to make sexual preferences a critical part of one’s identity, when they are just a question of taste and should not be socially more important than preferences about food or music. No one really cares if a game is about fruits or vegetables.

Since a professional edition is now available, I’ve removed the pdf files from this website. If you were here to download it, I suggest you order the Vice Games version instead.

Kamasutra
A game by Bruno Faidutti
   Art by David Cochard
Published by Vice Games

5 + players
Boardgamegeek

L’autre Bruno
The Other Bruno

L’autre Bruno, Bruno Cathala, vient de recevoir le plus prestigieux des prix ludiques, et le seul sans doute qui ait un impact mesurable sur les ventes, le Spiel des Jahres, pour son jeu Kingdomino, édité par Blue Orange. Bruno est un auteur talentueux avec qui j’ai beaucoup travaillé, que j’ai aidé et qui m’a aidé. Cela m’a donc semblé une bonne occasion de faire un petit article sur lui, ses créations et nos collaborations. J’aurais pu l’interviewer comme je l’ai fait souvent ces derniers temps avec les illustrateurs, mais j’imagine qu’il a déjà une douzaine de demandes d’entretiens. J’ai donc décidé non pas de faire les questions et les réponses mais de raconter ses jeux par le petit bout de ma lorgnette.

Jamaica avec, entre autres, Serge Laget et Christian Martinez.

J’ai connu Bruno Cathala au début des années 2000. Le monde et le marché du jeu de société n’étaient pas encore ce qu’ils sont devenus aujourd’hui, mais j’y étais déjà un peu connu et recevais déjà, de temps en temps des emails de jeunes auteurs cherchant à avoir un avis sur leurs créations ou se demandant comment contacter les quelques éditeurs. Bruno avait conçu deux jeux de cartes. Du premier, je ne me souviens que du thème, des vers dans des pommes. C’est le second, Sans Foi ni Loi, qui me plut vraiment et que je décidai de montrer à l’équipe de Jeux Descartes, qui venait de publier quelques un des mes jeux. Il faut dire que, de toutes les créations de Bruno Cathala, cela reste celle qui ressemble le plus à un jeu de Bruno Faidutti.


Bruno Cathala présente Guerre & Beeh

Le contact se fit fort bien, Bruno signa pour son jeu de cow-boys, et conçut dans la foulée pour le même éditeur une série de petits jeux à deux joueurs qui furent les premiers parus, Drake & Drake, Tony & Tino et Guerre & Beeh, ce dernier étant mon préféré.


Sébastien Pauchon et Bruno Cathala jouent à l’une des premières versions de Senji

Quelques années plus tard, Bruno qui était ingénieur dans l’industrie perdait son emploi et décidait de se consacrer à plein temps à la création ludique. S’il avait établi des relations solides et amicales avec les éditeurs français, et en particulier Days of Wonder, il n’avait pas encore de grand succès. C’était donc un pari très risqué, qui lui valut quelques années de vaches maigres avant de rencontrer le succès grace à Mr Jack, Les Chevaliers de la Table Ronde, puis surtout Five Tribes et de pouvoir vivre à peu près correctement de ses droits d’auteur.


Bruno Cathala et Antoine Bauza, un peu fatigués après une longue journée de travail.

Il reste que Bruno, s’il sait prendre des risques, est quelqu’un d’anxieux, et même parfois d’un peu anxiogène. Il y a quelques mois encore, il me disait encore s’inquiéter de ne pas avoir, comme moi avec Citadelles, de jeu dont il soit sûr qu’il sera encore là dans dix ans. Je lui avais répondu que Kingdomino, simple et élégant, pourrait bien être le « classique » qui manquait à sa ludographie. Il semble que le jury du Spiel des Jahres partage mon opinion.


Le prototype de Five Tribes

C’est d’autant plus remarquable que Kingdomino n’est pas seulement un excellent jeu, c’est aussi un jeu typiquement cathalesque. Les règles en sont simples mais laissent la place à bien des subtilités dans le choix et le placement des dominos, qui relève de la tactique, de la stratégie et parfois de la prise de risque. Le hasard, présent dans les dominos disponibles à chaque tour, est fortement contrebalancé par un astucieux système d’ordre du tour. Les dominos dessinent en outre des plateaux quadrillés, très abstraits, comme dans la plupart des jeux de Bruno, qui semble ne pas apprécier les hexagones (peut-être parce qu’il est le seul auteur de jeu à utiliser Powerpoint pour dessiner ses prototypes). Kingdomino est un jeu très tactique, un peu calculatoire, mais chacun construit son domaine dans son coin, et ce n’est donc pas un jeu méchant. Si j’avais fait ce jeu, j’aurais ajouté des catapultes pour détruire les maisons, des saboteurs pour inonder les plaines adverses et mettre le feu aux forêts, et du coup je n’aurais pas eu le Spiel.

Le succès de Kingdomino a poussé Bruno à concevoir une version plus sophistiquée et plus stratégique, de son jeu. Queendomino, le Kingdomino advanced, devrait paraître dans les mois qui viennent.


Bruno Cathala et Serge Laget

Bruno et moi avons des styles très différents. Mes jeux sont en général plus chaotiques, plus interactifs, les siens plus tactiques, plus équilibrés, plus proches de ce qu’il est convenu d’appeler l’école allemande.


Un prototype mystérieux avec Yoann Levet

Nous avons cependant en commun d’apprécier le travail à plusieurs, et surtout d’apprécier travailler en duo, et le plus souvent des auteurs au style bien différent du nôtre. Tout comme moi, Bruno a donc collaboré avec de nombreux autres auteurs de jeux, vieux de la vieille ou petits jeunes. Il a fait entre autres Les Chevaliers de la Table Ronde et Senji avec Serge Laget, Cyclades, Mr Jack et Dice Town avec Ludovic Maublanc, Le Petit Prince et Seven Wonders Duel avec Antoine Bauza, Abyss et Kanagawa avec Charles Chevalier, Yamataï avec Marc Paquien, Histrio avec Christian Martinez, Manchots Barjots avec Matthieu Lanvin, et je pourrais continuer la liste.


Bruno joue à l’un des premiers prototypes de Takenoko avec Antoine Bauza. Un éditeur passe…

Je me permettrai d’être plus exhaustif sur les jeux que nous avons commis ensemble. Les plus connus sont sans doute Mission: Planète Rouge, qui est surtout un jeu de Bruno Faidutti, et Raptor, qui est surtout un jeu de Bruno Cathala, mais il y a aussi Le Collier de la Reine, La Fièvre de l’Or, Tomahawk, et ceux dont vous n’avez jamais entendu parler, Chicago Poker, Iglu Iglu, Ostriches et Piraci.

Je vois moins Bruno depuis que je suis redevenu parisien, et nous n’avons pas de projet commun en cours, mais il reste un habitué, chaque printemps, de mes rencontres ludopathiques, dont il n’a raté à ce jour – c’est lui qui me l’a assuré – qu’une seule édition, celle de 2017. Du coup, je sais où aller chercher des photos pour illustrer cet article.


Raptor


The other Bruno, Bruno Cathala, has just been awarded the most prestigious of all board game awards, and the only one with a measurable impact on sales. The German Spiel des Jahres goes to Kingdomino, published by Blue Orange. Bruno is a talented and friendly designer with whom I really enjoy working. This sounded like a good opportunity to write a short blogpost about him, his games, and our collaboration. Interviewing him, like I usually do with illustrators, would certainly have been a bad idea when he probably already has a dozen requests for interviews here and there. That’s why I’ve rather decided to tell his story from my point of view.


Shadows over Camelot prototype

I first heard of Bruno Cathala around the year 2000. The board gaming world and market was much smaller than it has become since, but I was already one of its minor celebrities and used to receive emails from young wannabe designers asking for an advice about their designs or for ways to contact the few publishers. Bruno had designed two card games. Of the first one, I only remember the theme, worms eating apples. The second was a wild west themed card game which I liked it enough to show it to Jeux Descartes, who had just published three small card games of mine. No wonder I liked it, it’s probably the Bruno Cathala game which feels most like a Bruno Faidutti game.
It went very well. Bruno signed for his cow boy card game, Lawless, and almost at once for three small two player boardgames, Drake & Drake, Tony & Tino and War & Sheep – the latter being a personal favorite.


Playtesting Atlas & Zeus with Oriol Comas

A few years later, Bruno, who worked as an industrial engineer, lost his job and decided to design games full-time. Though he already had solid and friendly relations with some French publishers, especially Days of Wonder, he had no real hit under his belt yet, and it was risky move. He had a few lean years before he could live correctly off his royalties, thanks to Mr Jack, then Shadows over Camelot, and most of all Five Tribes.


Playtesting Noah

Bruno can take risks, but he is an anxious guy, sometimes even an anxiogenic one. I remember him a few months ago telling me he was worried not to have a regular seller like my Citadels, a game which had good odds to be still there ten years from now. I had answered him that Kingdomino, a game simple, elegant and deep, could well be the « classic » missing from his ludography. It looks like the Spiel des Jahres jury agrees with me.


Dice Town‘s prototype

What makes it even more of an achievement is that Kingdomino is not only a great game, it’s the archetypal Cathala game. It has simple rules, but some tactical and strategic depth in choosing and placing one of the available dominoes. The luck of the draw of the available tiles is balanced by a clever turn order system. Tiles create near abstract square-patterned domains, like in many of Bruno’s games, since he is very reluctant to use hexagons (may be because he draws his prototypes using Powerpoint). Kingdomino is tactical and computational, but every player computes in his own small kingdom, with no mean and direct interaction. If I had designed this game, it would have had catapults to destroy houses and saboteurs to flood plains and set fire to forests, and I would not have gotten the Spiel.

After Kingdomino‘s success, Bruno has designed a more sophisticated and strategic variant. Queendomino, the advanced Kingdomino, will be published in the coming months.


Bruno Cathala & Gwenaël Bouquin

Bruno and I have different styles. My games are more chaotic and mean, his are more tactical, balanced, more in the « german school » of game design. We have however, one important thing in common, we like teamwork, and especially we enjoy four-handed design with designers having a style different from our own.


Ludovic Maublanc tries very hard to look serious.

Like me, Bruno has collaborated with many other game designers, seasoned old timers like young wannabe enthusiasts. He designed, among many others, Shadows over Camelot and Senji with Serge Laget, Cyclades, Mr Jack and Dice Town with Ludovic Maublanc, The Little Prince and Seven Wonders Duel with Antoine Bauza, Abyss and Kanagawa with Charles Chevalier, Yamataï with Marc Paquien, Histrio with Christian Martinez, Zany Penguins with Matthieu Lanvin, etc.


An early prototype of Yamatai. Yes, there are camels and palm trees, the action takes place in ancient Egypt.

Let me be more exhaustive about what we’ve done together. The best known of our common designs are probably Mission: Red Planet, which is more a Faidutti game, and Raptor, which is more a Cathala one, but there are several other ones, Queen’s Necklace, Boomtown, Tomahawk and those you’ve probably never heard about, Iglu Iglu, Chicago Poker, Ostriches and Piraci.

Since I’m back in Paris, I don’t see Bruno as often as I used to when I lived in the South of France, but he still regularly attends my ludopathic gathering every spring. He missed it this year for the first time, or so he says. This means I know where to look for pictures to illustrate this blogpost.

Mihajlo Dimitrievsky, illustrateur de A King’s Life
Mihajlo Dimitrievski’s art for A King’s Life

J’ai découvert Mihajlo Dimitrievski, parfois désigné par son pseudo twitter @themico, en 2014, lorsqu’il fit des illustrations pour une nouvelle édition de Castel. Cette édition n’est malheureusement jamais sortie mais, ayant beaucoup apprécié les dessins, j’ai noté lenom et l’adresse email de l’illustrateur dans mes petits carnets.

Lorsque, un an plus tard, un petit éditeur américain, Pandasaurus Games, a décidé de donner une seconde chance à une autre de mes anciennes créations, Smiley Face, en lui rendant son thème médiéval d’origine, j’ai immédiatement proposé Mihajlo comme illustrateur. Nous avons eu de la chance qu’il soit disponible car, entre temps, themico était devenu un illustrateur reconnu et très demandé.

Mon ami Bruno Cathala s’est aussi trouvé, en même temps, à travailler avec Mihajlo Dimitrievski, pour des raisons bien différentes. Afin de réaliser le prototype de son jeu dans l’univers de game of Thrones, Hand of the King, Bruno a cherché sur internet des dessins représentant les personnages des romans, et est tombé sur une série de caricatures totalement non officielles réalisées pour le plaisir par themico. Lorsque Bruno a présenté son jeu à Christian Petersen, de FFG, ce dernier a accepté de publier le jeu… sous réserve que George R. Martin donne son accord pour utiliser les illustrations du prototype. Le romancier a accepté dès qu’il a vu les dessins, et c’est ainsi que des caricatures faites pour s’amuser par un dessinateur macédonien encore inconnu sont devenues des illustrations officielles pour lesquelles Mihajlo a été payé – assez bien j’espère.


A King’s Life

Toutes aussi médiévales, les illustrations de A King’s Life, plus récentes et destinées d’emblée à la publication, sont plus fouillées et, surtout, plus caricaturales encore. On y sent que l’illustrateur s’est fait plaisir, imaginant un personnage de petit roi aigri et mesquin entouré de courtisans ambitieux et délurés. Sans doute le monarque n’est il glabre que parce qu’il ne parvient pas à avoir une barbe aussi imposante que celle de son auguste grand-père. Raison de plus pour boire, manger, danser, chasser, tournoyer et faire la fête, quitte à se forcer un peu.


Karnivore Koalas

Et voici mon interview de The Mico :

• Comment es tu devenu illustrateur de jeux ? Est-ce quelque chose que tu as toujours voulu faire, ou juste une occasion qui s’est présentée ?
C’était inattendu. Il y a deux ou trois ans, j’ai reçu un email de Shem Philips, de Garphill Games, de demandant de faire quelques dessins pour un de ses jeux. Depuis, je n’ai cessé d’illustrer des jeux. Je n’avais auparavant aucune idée de la popularité actuelle des jeux de société, j’ignorais même qu’il existât quelque chose comme une industrie du jeu de société et une communauté des joueurs. Je travaille aussi beaucoup dans l’animation, et pour le marketing, et je dois dire que les gens du monde du jeu de société sont parmi les plus agréables – du moins en contact virtuel. Je me suis retrouvé dans le monde ludique un peu par hasard, mais je trouve ça vraiment très chouette.
Cet travail, j’apprécie particulièrement de pouvoir bosser sur deux ou trois projets en même temps. Je peux sauter d’un univers à l’autre, dessiner des vikings le matin, des tortues dans leur bain l’après-midi et des cochons de l’espace ou n’importe quoi d’autre le soir. J’aime cette variété dans les thèmes. J’apprécie aussi les retours des joueurs, c’est toujours agréable de rendre les jeux heureux – tout comme de les énerver, d’ailleurs.


The Pioneer’s Program

• Penses-tu continuer à illustrer des jeux de société, ou as-tu d’autres plans de carrière?
Je veux bien dessiner tout ce que l’on me demande de dessiner, et ces temps-ci, on me demande pas mal de jeux. J’ai pas mal d’autres projets aussi, mais tant que joueurs et éditeurs apprécient mes dessins, je suis partant.
Par ailleurs, je suis directeur artistique d’un studio d’animation ici, en Macédoine, et nous travaillons en ce moment sur le premier film d’animation macédonien. J’illustre aussi de nombreux livres, et je fais des storyboards pour des agences de pub, dans les Balkans et ailleurs.
Bref, je travaille énormément. Je fais plusieurs travaux d’illustrations et storyboards chaque jour. C’est pour cela que j’apprécie les dessins animés pour la télévision – le style cartoon peut demande peu de temps – et les longues barbes – je n’arrive pas à rester assis assez longtemps pour tailler la mienne. Il reste que, depuis mes débuts dans la bande dessinée, je rêve d’avoir suffisamment de temps libre pour y retourner.

• Es-tu joueur ? Lorsque tu dois illustrer un jeu, en lis-tu les règles, joues-tu sur le prototype, ou suis-tu simplement les instructions de l’éditeur ?
Malheureusement, je ne joue pas – ou pas encore – aux jeux de société. Désolé ! J’ai beaucoup pratiqué les jeux video, mais j’ai du sacrément ralentir quand ma carrière de dessinateur a vraiment démarré. Je cherche désespérément un peu de temps pour revenir à ma PS4, mais je ne parviens à m’asseoir devant que 20 minutes tous les deux ou trois jours, quand mon fils veut bien me laisser faire.
Je n’ai donc pas le temps de me mettre aux jeux de société. Je ne saurais d’ailleurs pas trop par ou commencer, que faire avec une boite de jeu. J’ai l’impression que, pour cela, il faut d’abord être relax, tranquille, en famille ou avec des amis, et c’est l’une des choses qui m’ont surpris quand j’ai commencé à travailler sur des jeux et à côtoyer cet univers. Ceci dit, il va bien falloir que je m’y mette, ne serait-ce que parce que j’ai commencé à collectionner les jeux de société (comme je collectionnais déjà les BDs, les livres d’art et les jouets) et j’ai même prévu d’installer une salle de jeu dans mon atelier.
Lorsque j’illustre un jeu, je demande généralement une description des personnages, aussi succincte que possible, excepté dans les rares cas où le dessin doit mettre en scène des éléments précis. Jusqu’ici, j’ai toujours travaillé assez librement, sans trop d’interférences avec les auteurs et éditeurs – sans doute cela signifie-t-il qu’ils sont satisfaits de mon travail. J’essaie toujours d’ajouter au dessin un ou deux trucs à moi, que l’éditeur n’a pas demandé, et de faire le boulot aussi consciencieusement que possible. Donc, ni règles, ni prototype, je suis simplement les consignes de l’éditeur, le style et les descriptions reçues par mail, en y ajoutant mon petit grain de sel.


Cavern Tavern

• Participes-tu aux festivals ou conventions ludiques, rencontres-tu les auteurs et éditeurs, ou fais-tu tout depuis chez toi via internet ?
Cela fait maintenant trois ans que j’illustre des jeux, et je n’ai encore pris part à aucune convention – mais je n’ai pas non plus trouvé le temps d’aller à une convention de BD. Maintenant que mes enfants commencent à grandir, je vais sans doute trouver un peu de temps pour les festivals de BD, et peut-être aussi pour ceux de jeux de société. Le principal problème sera sans doute de trouver comment renvoyer chez moi tous les trucs que j’y achèterai.
Je ne pense pas avoir jamais rencontré face à face qui que ce soit du milieu ludique, excepté les quelques auteurs et éditeurs macédoniens, qui sont tous devenus des amis. Tout se passe par email. C’est d’ailleurs un peu bizarre de travailler avec des centaines de personnes et de ne même pas connaître le son de leur voix (note de Bruno : le son de ma voix est généralement ce que retiennent les gens qui me rencontrent). Cela commence à me préoccuper.


Shipwrights of the North Sea

• Comment travailles-tu? Fais-tu tout sur ordinateur, ou commences-tu par des croquis à la main ?
Ma méthode de travail. Je fais quelques croquis très rapides, si rapides que je ne sais même pas si on peut parler de croquis, au moment où je lis le premier mail décrivant le jeu, juste pour avoir un vague point de départ. En général, c’est juste quelques traits jetés rapidement sur le support papier que j’ai sous la main. Ensuite, je travaille sans croquis, sans contrainte, aussi librement que possible sur l’illustration finale. Les dessins plus ou moins improvisés ont plus de vie, plus de personnalité. C’est pour cela que je ne suis qu’un illustrateur et ne serai jamais un peintre comme, je ne sais pas, comme Donato Giancola, Frazzeta ou Valejo. J’adore dessiner, mais je ne veux pas que cela devienne fastidieux. J’essaie de mettre le maximum dans l’illustration finale.

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Les étapes de la couverture de A King’s Life

• Préfères-tu les éditeurs qui te laissent illustrer un sujet à ta guise, ou ceux qui donnent des instructions précises. J’ai entendu des illustrateurs pester tantôt contre les uns, tantôt contre les autres.
Je préfère avoir plus de liberté. J’aime pouvoir mettre quelque chose de personnel dans les dessins, avoir l’impression d’un travail à moi, original. La liberté artistique, dans la limite de ce que permet le sujet, c’est quand même agréable. Donc, il vaut mieux me laisser la bride sur le cou.

• Quels sont les jeux dont tu es le plus fier? Pourquoi? Quels sont ceux que tu as eu le plus de plaisir à illustrer ? Pourquoi ?
Les jeux que j’ai illustré sont un peu comme mes enfants, je ne peux pas en privilégier un. Ou alors, je préfère toujours le dernier sur lequel j’ai bossé (note de Bruno : c’est aussi ce que je réponds quand on m’interroge sur mes créations). Lorsque je reçois des exemplaires d’auteur, j’en conserve généralement deux. J’en ouvre un, et montre les cartes et tous les éléments à ma famille, qui,me demande pourquoi ceci, pourquoi cela… C’est donc plutôt à elle qu’il faudrait poser la question. La deuxième boite reste sous film, pour mes enfants quand ils grandiront – j’espère qu’ils y joueront. Mon fils et ma fille ont 7 et 3 ans.
Côté sujets, j’aime bien dessiner les monstres, les aliens, et les créatures style zombies, dragons, guerriers mystiques et tout ce qui est vivant avec des caractéristiques bien marquées, gros, maigre, petit… cela me permet de bien jouer avec les formes et les directions. De toute façon, je suis content de mon boulot d’illustrateur, car c’est sans doute la seule chose que sois capable de faire, et c’est aussi celle que j’ai envie de faire.


A King’s Life

• Quelques remarques sur ton travail sur A King’s Life ?
C’était chouette. J’ai reçu un email d’un éditeur dont je n’avais jamais entendu parler, pour un jeu de Bruno Faidutti. Nous avions déjà travaillé ensemble (note de Bruno: pour un jeu dont la parution a malheureusement été annulée) mais je ne savais pas alors que tu étais connu dans le monde du jeu. Le thème du jeu était sympa – une journée dans la vie d’un roi au Moyen-Âge, sans doute la période historique que je préfère dessiner. Plein de personnages marrants, pas d’urgence. Tous les éléments étaient en place, et cela a été un boulot amusant et facile – je ne vois pas comment le décrire autrement. Pas de longs emails, pas de descriptions pointilleuses, un boulot tranquille comme je les aime. J’espère que les joueurs aimeront le jeu – et mes dessins.

A King’s Life
Un jeu de Gwenaël Bouquin & Bruno Faidutti
Illustrations de Mihajlo Dimitrievski
4 à 8 joueurs – 30 minutes
Publié par Pandasaurus Games (2017)
Tric Trac    Boardgamegeek


I discovered Mihajlo Dimitrievski, also known by his twitter id, @themico, in 2014, when he was working on the graphics for a new edition of Castle. Unfortunately, this edition was never published. However, since I really liked the graphics, I wrote down the artist’s name and email address in my books.


One year later, a small Us publisher, Pandasaurus Games, decided to give a second chance another of my older designs, Smiley Face, and agreed to give it back its original medieval setting. I immediately suggested they hired Mihajlo for the graphics. Luckily, since in the meantime he had become better known and quite busy, he was available.

At the same time, my friend Bruno Cathala also happened to work with Mihajlo, and it’s another nice story. To make the prototype for his small Game of Thrones card game, Bruno had used a set of totally unauthorized caricatures of all the book characters which he had found on the internet, and which had been drawn by themico. When Bruno showed his prototype to Christian Petersen, at FFG, Christian decided to publish the game, but only if George Martin agreed to use the fun caricatures used in the prototype. When shown the art, George Martin agreed at once and that’s how these pictures, originally made just for fun by a little known Macedonian artist, ended as official GoT stuff, for which Mihajlo has been payed – and I hope well payed.


A King’s Life

The graphics for A King’s Life are more detailed and grotesque. The artist visibly had fun imagining a short, bitter and petty king surrounded by ambitious and debauched courtiers. The reason why the king is clean shaven is probably that he’s unable to grow an imposing beard like his imposing great father one’s. One more reason to drink, eat, hunt, dance, tourney and had fun in all possible ways, even when forcing oneself a bit.


Quests of Valeria

And here comes my interview with The Mico

• How did you become a board game illustrator? Was it something you wanted to do for quite long, or did you just seize an opportunity?
Well, accidentally. Shem Philips from Garphill Games emailed me and asked me about doing some illustrations for his game two or three years ago, and from then on I’m actively drawing boardgames. I really had no idea before that boardgames are so widely played and so popular, I didn’t know there was something like a board game industry and board game players. I also work a lot in the animation and marketing world, and I must say that people playing, designing and publishing boardgames are among the nicest ones – at least virtually. So, I have entered this boardgame business accidentally, and it seems to be pretty awesome.
One of the things i like about it is that, since I work on a couple different projects at once, I can jump from one universe to another. I draw vikings in the morning, turtles in bath afternoon and cosmic pigs or whatnot at night. I like this diversity in topics. I also really enjoy the feedback I get from players. It is quite satisfying to make people happy – or sometimes pissed of.

• Do you plan to keep on illustrating boardgames, or do you have other career plans ?
I draw everything people want me to draw for them, and at the moment I do work on a lot of boardgames. I do have a lot of future projects as well, so as long as people enjoy my drawings in their games, I’m in.

As for other plans or stuff, I’m an art director in an animation studio here in Macedonia, and we are working on the the first Macedonian feature animated movie. I also illustrate lots of books, and I work a lot as a storyboard artist for advertising companies in the Balkan region (and sometimes elsewhere).
This means I really work A LOT. I usually do a couple illustrations, concepts and boards a day. That’s why I love early cartoon network cartoons (cartoony style gets done faster) and long beards (I can’t sit tight long enough to cut it). Since I started as a comic book artist, I hope some day when I’ll have some free time I ‘ll go back to it and do some comics.


Cavern Tavern

• Are you a gamer ? When you have to illustrate a board game, do you look at the rules, do you play the prototype, or do you just follow the publisher’s instructions ?
Sadly, I dont play boardgames, or not yet. Sorry people but that is so. I used to play video games a lot, but I slowed down when my drawing career got a real start. I’m desperately looking for time to go back to my PS4, but I can sit with it only 20 minutes every two or three days. That’s how much my son lets me play.
I don’t have time to play boardgames. I don’t know where to start from or what to do with a game box. From what I see, one has to be relatively relaxed to play and enjoy a game with family and friends – it’s one of the things which surprised me when I started working on boardgames and discovering the boardgame community. I really should start some day soon since now I’ve started to collect games (like I collect comics, art books and toys) and I even plan to have a play room on my studio floor.
When I illustrate a game, I usually ask for a description of the characters – the shorter the better -, except in the few cases where I have to really pinpoint something. So far, I have mostly worked with minimal interference from publishers and designers – I guess this means they are satisfied with me. I always try to add some extra over what a publisher asks me, as a personal mark, and to do the job as best as I can. So, no rules, no prototype, I just follow the publisher’s instructions and add my grain of salt, as long as it seems to fit the game style and art description.

• Do you attend gaming conventions, do you actually meet with publishers, or do you do everything from home via the internet ?
I’m now working as a board game illustrator for about three years, and I haven’t attended any game convention yet – but I haven’t attended a single comics convention either. Now that the kids are grown up a bit, I might find time for comic book conventions, and may be boardgames conventions as well. The main issue would probably how to send back home all the stuff I would buy there.
I don’t think I ever met face to face anyone from the board gaming business in person, except the few Macedonian publishers and designers, who are all my friends now. Everything happens by email. It feels a bit strange – I work with hundreds of people, and I even don’t know the sound of their voice (Note from Bruno : the sound of my voice is usually what people remember about me). I should think about this in the coming times.


Shipwrights of the North Sea

• How do you work ? Do you do everything on computer or do you start with a hand sketch ?
Working process. I do a few sketches, so fast that I don’t know if I can even call them sketches, when I read the first email describing the subject. This is just to get an overall something from which I will start. It’s usually little more than a couple lines on whatever paper is in front of me. I prefer to work without sketching, as freely as possible, a wild ride on the final illustration. Drawings that are made more freely have more life, are not – I don’t know how to call them – tight or dead. I tend to work in a very loose way. That’s why I’m only an illustrator and will never paint like, I don’t know, Donato Giancola, Frazzeta or Valejo. I like to enjoy he act of drawing, I don’t want it to be a burden. I try to put the maximum effort in the final drawing.


Drawing the Feast card for A KIng’s Life

• Do you prefer when publishers let you loose about the graphics, or when they give you very detailed descriptions of what they want ? I’ve heard other artists curse either the ones or the others.
Loose approach works best from me. I like wen I can put something mine into others’ ideas, so they can be called « original stuff ». And it is cool to have some sort of artistic freedom, in the limits of subject and requirements. So a loosen approach works best for me.

• What are the games you’re most proud of ? Why ?
What are the games you had most fun illustrating ? Why ?
The games I work on are like my children so I can’t really set one or another apart. Let me just put it like this – I like the last one i worked on the most (Bruno’s note : that’s also what I usually says about my game designs). When I get my author copies – depending on he copies I get – I usually keep two. I open one, looks at cards and stuff, and shows it to my family. That’s the fan part, questions, what is this, why that, etc. So I should probably ask them this question. The second copy stays sealed for what my kids will grow up, and I hope they will play it then. My son and daughter are 7 and 3 now.
As for the subjects, I really like to work on monsters and aliens, stuff like zombies, dragons, mystic warriors, or on characters which have strong characteristics, fat, thin, tiny, so that I can play with forms and directions. And I’m glad to be in the drawing business because it’s probably the only thing I can co, and it happens to be the thing I like to do. So, win-win for me so far.


A King’s Life

• Can you tell something about your work on A King’s Life ?
Kings life. Well, it’s cool. I got a mail from a publisher I didn’t know, for a game by Bruno Faidutti. I had once worked with you before (Bruno’s note : on a game which has unfortunately been cancelled) without knowing who you were, and now I see that you are famous in this game business, so it was cool. The subject sounded, and is, really cool – a day in a king’s life in medieval times, one my favorite historical time. Lots of fun characters, flexible deadline. All the picks were in place, so it was really nice and easy. I don’t know how to describee it better. No long emails, no long descriptions, smooth work, my favorite way. I hope the people will like the game (and my drawings) too.

A King’s Life
A game by Gwenaël Bouquin & Bruno Faidutti
Graphics by Mihajlo Dimitrievski
4 to 8 players – 30 minutes
Published by Pandasaurus Games (2017)
Boardgamegeek