Nutz! – Les pirates et les écureuils
Nutz! – Pirates and Squirrels

Lequel, du thème et de la mécanique, vient d’abord ? C’est la question la plus souvent posée aux auteurs de jeu, au point que cela en est devenu lassant. Si ma réponse varie c’est un peu parce que ma pratique a varié, mais c’est aussi parce qu’il n’est pas toujours facile de distinguer les deux. Dans le cas de Nutz!, c’est clairement la mécanique qui est à l’origine du jeu, mais comme l’illustre le fait que, tout au long de son développement, ce jeu a connu quatre thèmes successifs, dont seulement deux, les pirates et les écureuils, pouvaient effectivement coller aux systèmes de jeu.

Dans ce jeu, chaque manche est divisée en deux phases. Durant la première, les joueurs posent des cartes en colonnes de trois cartes maximum, parfois faces visibles, parfois faces cachées. Ensuite, ils prennent chacun les cartes d’une colonne de leur choix.

Sans doute parce que le nouveau Diamant venait de sortir, et parce que j’avais sous la main ses fichiers d’illustrations, le tout premier brouillon avait pour thème l’exploration de ruines perdues dans la jungle.


La toute première version du jeu, El Dorado, dans la cafetière d’Antoine Bauza.

Mécaniquement, le jeu fonctionnait très bien, et a d’ailleurs connu assez peu de gros changements de règles entre cette première itération et la version publiée. Pourtant, on sentait un problème qui mettait les joueurs mal à l’aise et les empêchait d’apprécier vraiment la partie. Dans l’idéal, une partie d’un jeu de société doit être un récit qui se déroule, dans lequel le joueur sait qui il est, ce que signifient ses actions et son objectif. Bref, même si un jeu de cartes n’aura jamais la profondeur et la richesse thématique d’un film, d’un roman ou même d’un jeu de rôle, il se construit quand même un peu sur le même modèle. Lorsque les joueurs d’El Dorado – c’était le nom du premier brouillon – exploraient des ruines incas ou aztèques, cette dimension narrative ne fonctionnait pas. Rien, en effet, ne venait justifier la première partie de chaque manche, celle durant laquelle les joueurs plaçaient les cartes qui, petit à petit, constituaient les grottes ou temples qu’ils allaient ensuite explorer. On imagine mal en effet des pillards commencer par cacher des antiquités dans les grottes avant d’aller ensuite les récupérer.


Le deuxième brouillon, Treasure Islands, à l’Asmoday. Il y avait visiblement d’autres jeux de pirates.

Le deuxième thème, et celui-ci fonctionnait, fut les pirates. Côté trésor, peu de changement, de l’or, des joyaux, des artefacts magiques et des statuettes maudites, plus ou moins la même chose sur les îles des Caraïbes que dans les ruines incas. Le récit, en revanche, gagnait en cohérence. Les pirates de Treasure Islands – nouveau nom du jeu – vont d’abord enterrer leurs trésors sur des îles désertes. Ensuite, ils retournent chacun sur une île et prennent tous les trésors qu’ils y trouvent. Le thème donnait désormais un sens aux deux phases, de placement des cartes puis de récupération, qui structurent le jeu.


Je ne suis pas le premier à hésiter entre pirates et écureuils…

Le jeu a plu à l’équipe de Blue Orange, qui a décidé de le publier. Jugeant, avec raison sans doute, que le monde de la piraterie était sérieusement surexploité, ils ont cherché autre chose, et ont pensé à des super-héros cambriolant des musées. Pourquoi pas, même si c’est un univers assez geek pour un jeu grand public. On retombait cependant sur la même incohérence qu’avec mon tout premier prototype amérindien. Il fallait justifier non seulement le fait que des super héros collectionnent des œuvres d’art – on aurait sans doute pu trouver quelque chose – mais aussi qu’ils commencent par aller eux-mêmes les mettre dans les musées, et là, cela devenait plus compliqué.
J’ai donc fait une quatrième proposition, qui me semble fonctionner aussi bien que les pirates – les écureuils. Tout comme les pirates planquent leurs trésors dans des îles, comme une sorte d’assurance retraite, avant d’aller les récupérer pour leurs vieux jours, les écureuils passent l’été et l’automne à cacher de la nourriture dans des trous d’arbre, pour aller la récupérer l’hiver venu, si tant est qu’ils se souviennent ce qu’ils ont mis ou. J’ai rebaptisé le jeu Nuts, mais comme il y a déjà une cinquantaine de jeux de ce nom, l’éditeur va sans doute y mettre deux t, un z et des points d’exclamation partout.

La magie, le fantastique, la science-fiction, sont des thèmes fort pratiques pour les auteurs de jeux, surtout pour ceux qui, comme moi, aiment bien introduire un peu de chaos, un peu d’inattendu, un peu de vie dans des mécanismes sinon trop bien réglés. Dans un univers réaliste, il peut arriver que l’auteur ne puisse pas ajouter une carte, un effet, un pouvoir qui serait mécaniquement intéressant, qui créerait des choix angoissants ou amusants pour les joueurs, parce qu’il ne parvient pas à lui donner une justification thématique. Dans une course cycliste, une carte ne peut pas permettre d’échanger sa position avec celle d’un autre joueur. Dans une course de sorcières sur des balais, pourquoi pas – c’est magique. Dans un univers fantastique, même fantastique à la marge comme les explorateurs ou les pirates, tout est possible. Dans El Dorado, dans Treasure Islands, parmi les trésors oubliés ou enterrés se trouvaient des reliques aux pouvoirs magiques, et des statuettes maudites, introduisant des effets amusants. Je n’aimais pas l’idée d’écureuils magiques, et il a donc fallu trouver d’autres justifications pour les cartes un peu bizarres – ce sont les prédateurs, aux effets immédiats, et les baies et champignons, dont les effets peuvent durer plus longtemps. Cela tombe bien, l’illustrateur Cyril Bouquet, aime beaucoup dessiner les plantes et les animaux. Dans mon Attila, il avait déjà pris sur lui d’ajouter des lapins et des carottes.


Du premier prototype à la carte finale. Le symbole est resté.

Côté mécanique, j’ai juste dû défendre ma carte fétiche, que l’éditeur trouvait un peu violente. J’ai expliqué que cela faisait longtemps que je voulais, dans un jeu, mettre une carte “vous avez perdu”, et que c’était très amusant à en jouer si le joueur qui a cette carte devant lui a des moyens réels, mais pas trop faciles non plus, pour s’en débarrasser. Bref, j’ai insisté, et le fétiche à l’oreille cassée est devenue, chez les écureuils, une amanite tue-mouches.

Puisque l’on joue des cartes faces visibles et d’autres faces cachées, Nutz! est tout à la fois un jeu tactique et un jeu de bluff. Au moment de choisir un arbre pour y récupérer ses provisions d’hiver, un écureuil doit tenir compte de ce qu’il sait de son contenu, les cartes visibles, de ce qu’il ignore le plus souvent, les cartes cachées, mais aussi des jetons lunes qui s’y trouvent, et du rang de l’arbre qui déterminera l’ordre du tour pour l’année suivante. Rien de bien compliqué, mais des éléments suffisamment nombreux et variés pour permettre bien des choix, et quelques embrouilles.

Une partie de Nutz sur Tric Trac

Nutz! est un jeu de cartes qui n’a rien de révolutionnaire, et doit pas mal à l’une de mes premières créations, Corruption, mais c’est un jeu comme je les aime, simple, subtil (enfin j’espère) et assez méchant.
Il nous rappelle que les écureuils, qui ont aujourd’hui en occident une excellente image de marque, celle d’animaux prévoyants à la crinière flamboyante, ont longtemps eu une assez mauvaise réputation. La tradition médiévale voyait en effet dans ces rongeurs des animaux diaboliques, paresseux, lubriques, avares et voleurs. Dans la mythologie nordique, l’écureuil Ratatoskr répand insinuations et rumeurs et sème la discorde parmi les occupants d’Yggdrasil, l’arbre du monde. Ce sera pour un autre jeu…

Un écureuil médiéval

Post scriptum: je viens de voir une video de présentation du jeu de Matt Loomis Chickwood Forest, dont les mécanismes sont très proches de ceux de Nutz!. C’est clairement une coïncidence, les deux jeux ayant été conçus plus ou moins simultanément, et je pense que nous avons suivi un peu le même raisonnement à partir de l’idée de cartes pour partie cachées, pour partie visibles. Je vais essayer de trouver une occasion d’y jouer pour voir lequel des deux jeux est le plus intéressant. Et tant qu’on parle de Matt Loomis, je vous conseille, dans un tout autre style, son Seikatsu.

Nutz!
Un jeu de Bruno Faidutti
Illustré par Cyril Bouquet
2 à 4  joueurs  – 30 minutes
Publié par Blue Orange (2017)
Ludovox          Tric Trac          Boardgamegeek


Which one comes first, theme or mechanics ? This is probably the question I’ve been asked the most often as a game designer, and it has become boring. My answer varies, in part because my practice does, but also because it’s not always easy to distinguish one from the other. With Nuts, the case is clear, mechanics came first, as can be seen from the fact that the game had four successive settings, two of which, pirates and squirrels, were completely satisfying because they could give sense to most of the game systems.

Every game round is made of two consecutive phases. First, players add cards, sometimes face up, sometimes face down, to sets of three cards maximum. Then each player takes a set.
The first prototype was made using the graphic files for the new edition of Diamant, and was about looting treasures in ancient ruins.


The first version of the game, El Dorado, played at Atoine Bauza’s cafetiere.

The game mechanics worked really well, and there has been no major rule change since. Something, however, was not satisfying and prevented players from really jumping into the game. Ideally, a board game session must feel like an unfolding story, in which the player knows whom he plays, and therefore what his actions and goal represent. Even if a board game can never have the same thematic depth as a novel, a movie or even only a role playing game, it is still built on the same model. When my players friends were playing El Dorado, the name of my first iteration, and exploring inca or aztec ruins, the narrative didn’t work. There was no way to give a meaning to the first phase of every round, during which players were playing the treasure cards they will take in the second phase. Looters do not enter the caves to place treasures before exploring them to get them back. That’s not how it works.


The second version, Treasure Island, at a game convention where it clearly wasn’t the only pirates game.

The second setting – Pirates – worked perfectly. The treasures didn’t change much. There was the same mix of gold, jewels and cursed statues and magical artifacts, on the Caribbean islands as in the Incan temples. The storyline, one the other hand, was much more consistent. The game was now called Treasure Islands, and pirates were first burying their treasures on the various islands, and then getting back to unearth them when planning for retirement. The theme was now giving sense to the two phases of the game, placing cards and getting them back.


I’m not the first one facing a choice between pirates and squirrels.

The Blue Orange team liked the game and decided to publish it. They thought, however, that the pirates theme was seriously overexploited and looked for something more original. Their first idea was about super heroes looting museums. Why not, even though super heroes might a bit too geeky a theme for a light family game. The problem, however, was the same as with my first setting. We had to find a rationale not only for super heroes collecting antiques – this could be done – but also for them to first place the pieces in the museums, and it soon became a bit convoluted.
That’s why I suggested a fourth and completely different universe, squirrels, which works as well as pirates. Like pirates were first hiding treasures on the islands, as a kind of pension insurance, and take them back before retiring, squirrels spend summer and winter hiding food in hollow trees, and take it back in winter – if they can remember where it is. I called this new version Nuts, but since there are already several games with this name, the publisher will likely add a second t, a z, and a few exclamation marks.

Magic, Fantasy, Science Fiction are very convenient theme for game designers, especially those who, like me, like to add some chaos, some unexpectedness, in the usually too well tuned boardgames systems. The problem with realistic settings is that the game designer is often blocked with a funny effect, an interesting ability, a challenging choice for which he can find no thematic justification. In a bicycle race, there’s no possible rationale for swapping one’s position with that of another player; in a witches on brooms race, why not – it’s magic. In a fantasy world – even a marginally fantasy one, like explorers or pirates, almost everything is possible. Among the lost or buried treasures were relics with strange powers, and cursed artefacts with funny effects. I didn’t want magical squirrels, so I spent a long time looking for justifications for all the cards special effects. Instant effects are predator animals, such as foxes or owls, while lasting effects are berries or mushrooms, depending whether the effect is mostly good or bad. Luckily, the artist, Cyril Bouquet, is really good at plants and animals. In my Attila, he had already taken on himself to add rabbits and carrots.


From first prototype to final game, the symbol didn’t change.

As for the game systems, I had to fight to keep my fetish card, which the publisher thought too violently nasty. I have always wanted to have a “you lost!” card in a game, and I had to explain that this can be really fun to play if there are real, but not too easy, ways to get rid of it. I insisted, and the card is still there. In the squirrel world, the broken ear statuette has become a fly agaric.

Since cards are played sometimes face-up, sometimes face down, Nuts is both a game of tactics and bluffing. When choosing a tree to hide his food for the next winter, a squirrel must consider the cards already there, face up but also face down, and also moon tokens there, and the rank of the tree which will determine the next round’s player order. Nothing too complex, but enough different elements to make for varied strategies and some nasty tricks. Nutz! is nothing revolutionary or groundbreaking, and has been largely inspired by one of my first designs, Corruption, but it’s the kind of game I enjoy – simple, subtle (or so I hope) and sometimes nasty.


Presenting Nutz! at the Paris est Ludique game fair

Squirrels now have a very good image, at least in the western world – cute and careful animals with a fluffy fiery red tail. It has not always been so. In the Middle Ages, these rodents were seen as devilish, lazy, mean and lecherous animals. In the Norse mythology, the squirrel Ratatoskr runs up and down Yggdrasil, the tree of the world, spreading nasty rumours and insinuations. May be in another game…..

Ratatoskr climbing on Yggdrasil

Post scriptum: I just watched a video presenting Matt Loomis’ Chickwood Forest, whose game systems are very similar with Nutz!. Both games were designed more or less simultaneously, and it’s clearly a coincidence. I bet we made the same logical reasoning starting from the idea of rows of cards played half face up and half face down. I’ll try to play it one of these days, if only to see which of our games plays better. And by the way, I strongly recommend, in a completely different genre, another game by Matt, Seikatsu.

Nutz!
A game by Bruno Faidutti
Art by Cyril Bouquet
2 to 4 players  – 30 minutes
Published by Blue Orange (2017)
  Boardgamegeek

Attila

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En 451, la bataille des champs catalauniques, en Champagne, marqua l’extrême avancée vers l’Ouest des nomades Huns, venus d’Asie centrale. Elle opposa l’armée romaine du général Flavius Aetius à la horde d’Attila, mais on aurait tort d’y voir l’affrontement entre la civilisation et la barbarie. L’armée d’Aetius comptait sans doute plus de cavaliers wisigoths que de légionnaires romains, et, aussi surprenant que cela paraisse aujourd’hui, les deux chefs d’armée se connaissaient bien. Aetius, entre 405 et 408, avait été envoyé comme otage de Rome à la cour du roi des huns Alaric. Entre 408 et 412, le prince Hun Attila avait à son tour séjourné à la cour de Rome, où les deux jeunes aristocrates s’étaient liés d’amitié.
Aux champs catalauniques, c’est Aetius qui l’emporta, mais les Huns d’Attila étaient encore menaçants, capables de mener des raids sur le nord de l’Italie. Ce n’est qu’après la mort subite d’Attila, en 453, durant la nuit de noces de son cinquième ou sixième mariage, que les Huns, divisés, commencèrent à refluer vers l’Asie. Aetius fut, quant à lui, assassiné sur les ordres de l’empereur Valentinien, qui voyait dans le général victorieux un potentiel rival – l’un de ses conseillers lui reprocha d’avoir « tranché sa main droite avec sa main gauche ».

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Si les jeux de cartes à information imparfaite et plus ou moins manipulable sont devenus ma spécialité, ils n’ont jamais été mon seul centre d’intérêt ludique. Il fut un temps, il y a bien longtemps, où je ne jouais pas trop mal aux échecs, au go ou à l’awele. J’en ai gardé un certain intérêt pour les jeux de stratégie abstraits et tout particulièrement les jeux d’empilement, d’alignement ou de blocage – surtout lorsqu’ils sont relativement simples et rapides.
Cet intérêt n’a pas suscité beaucoup de créations, parce qu’il est un peu velléitaire, parce que j’ai peu d’occasions de jouer à deux, et parce qu’en matière de jeux simples et abstraits, il est facile d’avoir des idées mais rare d’en avoir qui soient vraiment originales. Il y a une quinzaine d’années, j’avais ainsi conçu, à la manière d’une trilogie, trois jeux de stratégie minimalistes. L’un a été publié sous le nom de Baylone, puis amélioré pur devenir Soluna. Un second a été abandonné lorsque je me suis aperçu qu’il était quasiment identique au Six de Steffen Mühlhaüser – et c’est d’ailleurs ainsi que j’ai rencontré l’éditeur de Soluna. Le troisième s’est d’abord appelé Cavalcade.

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Comme Babylone / Soluna, Cavalcade / Attila est un jeu de blocage dans lequel le joueur qui n’a plus aucun coup possible a perdu. La première version se jouait sur un plateau carré de trois cases de côté. Chacun y disposait de trois cavaliers d’échec, et le but était, déjà, d’immobiliser l’autre joueur. Vous pouvez essayer, c’est lassant si l’on peut reculer, et pas très intéressant si l’on ne peut pas. Pourtant, j’ai toujours gardé cette idée dans un coin de ma tête. Il y a une dizaine d’années, je l’adaptai pour un projet collectif, finalement jamais publié, de recueil de règles pour jouer avec le matériel du jeu babylonien d’Ur, dont les règles authentiques ne sont pas connues mais dont il est probable que c’était un jeu de course de la famille du backgammon. Finalement, il y a deux ans, m’est venu l’idée d’ajouter à mon jeu un deuxième mécanisme, celui des cases qui disparaissent, eIsola, de Bernd Kienitz, un jeu que j’ai joué dans ma jeunesse. Cela permettait d’agrandir le plateau de jeu et d’avoir enfin des parties vraiment différentes les unes des autres, donnant enfin au jeu la rejouabilité qui lui manquait. Les cases qui disparaissent suggéraient l’herbe qui ne repousse pas, ce qui donna au jeu son thème et son nom, Attila. Bien sûr, il semblerait thématiquement plus cohérent que ce soit toujours la case d’où le dernier cheval a sauté qui soit détruite, mais vous pouvez essayer, cela ne fonctionne pas.
Attila est donc un jeu de stratégie abstrait mais, comme Soluna, c’est un jeu simple et très rapide, qui se joue en une quinzaine de coups, et dans lequel le vainqueur est donc celui qui aura su anticiper un coup plus tôt que l’adversaire, ou celui qui aura su rapidement se créer plus d’ouvertures, plus de « libertés ».

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C’est donc avec un plateau de 5 x 5 cases, six cavaliers d’échecs, et quelques jetons pour indiquer les cases à l’herbe piétinée, que j’arrivais fin 2013 à Essen – où le jeu convainquit aussitôt l’équipe de Blue Orange. Thierry Denoual, lui-même auteur de jeux de stratégie comme Gobelet ou Dragon Face, eut ensuite l’idée du plateau de jeu modulaire, qui permet là encore de donner aux parties physionomies très différentes.
J’ai été assez surpris lorsque j’ai reçu les premières croquis de l’éditeur. Attila étant un jeu de stratégie abstrait, je m’attendais à un traitement sobre et classique, avec des cavaliers d’échecs beige set bruns, et pas du tout à des petits mickeys. J’aimais beaucoup, mais j’ai quand même demandé aux gens de Blue Orange s’ils étaient sûrs de leur coup, et s’ils pensaient qu’un style léger, rappelant vaguement Astérix, pouvait convenir à un jeu de ce type. Ils m’ont répondu que ça avait l’air de marcher pour Battle Sheep, et qu’ils avaient donc très consciemment fait le choix de continuer comme cela. C’est leur métier, ils savent ce qu’ils font !

Attila
Un jeu de Bruno Faidutti
Illustré par Cyril Bouquet
2 joueurs – 10 minutes
Publié par Blue Orange Games (2015)
Ludovox    Tric Trac    Boardgamegeek


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In 451 AD, the westward expansion of the Hun, nomads coming from Central Asia, was suddenly stopped at the battle of the Catalaunian plains, in Champagne. The Battle opposed the Roman army led by the general Flavius Aetius and the horde of Attila, but it was not, as we imagine it now, a clash of two worlds ignorant of each other, of civilization and barbarism. There were probably more visigoths riders than roman legionaries in Aetius’ army, and, surprisingly, the two generals knew each other well. The young Aetius had been sent as a hostage to the Hun court of Alaric, between 405 and 408. Then, between 408 and 412, the Hun prince Attila had been a hostage at the Roman court, where the two young aristocrats came to know each other, and became friends.
Aetius won the battle, but the Huns were still strong and menacing, launching successful raids into northern Italy. It’s only after Attila’s sudden death during his wedding night with his fifth or sixth wife, in 453, that the Huns split up and retreated into Asia. As for Aetius, he was assassinated under orders from the emperor Valentinian, who saw a possible rival under the victorious general. According to one of his counselors, the Emperor had cut his right hand with his left one.

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Card games in which imperfect information can be more or less manipulated by the players have become my specialty, but they have never been my only trade. A few decades ago, I was quite a good player at Chess, Go or Awele. I’m still more or less interested in abstracts, especially stacking, alignment and blocking games, especially simple and fast paced ones.
This passing interest didn’t produce many games, because it’s indecisive, because I have few opportunities to play two players games, and because it’s easy to have ideas for abstract games, but very rare to have really original ones. Fifteen years ago, I devised a light trilogy, a series of three minimalistic abstract strategy games. One has been published as Babylon, then improved to become Soluna. I had to abandon the second one when I found out it was nearly identical with Steffen Mühlhaüser’s Six – but that’s how I got in contact with Steffen, who now publishes Soluna. The third one was first named Cavalcade.

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Like Babylon / Soluna, Cavalcade / Attila is a blocking game in which the player who can’t play loses the game. The first version was played on a 3 x 3 square board. Each player had three pieces moving like Chess knights, starting from one side of the board. You can try – it’s boring and repetitive if knights can move backwards, and automatic and uninteresting if they cannot. I long kept this idea in a corner of my head (can you say this in English ?). Ten years ago, I adapted for an ambitious collective project that was never finalized, a compendium of rules that can be played with the components of the Babylonian game of Ur, whose exact rules are not known – though it very probably was a race game of the Backgammon family. Lately, two years ago, I thought of adding a second system to my game, a shrinking board with disappearing spaces, an idea borrowed from a game I played as a child, Bernd Kinietz’s Isola. Combined with a much larger board, this made for more variety and replayability. The disappearing spaces also gave the game a fitting theme, Attila, who is supposed to have said that « where my horse has passed, grass doesn’t grow again ». Of course, it would be thematically better if the space removed from the board were always the space left by the moved knight, but unfortunately it makes the game less interesting – you can try if you want.
Attila is an abstract strategy game but, like Soluna, it’s a very light and fast paced one. A full game is about fifteen moves. To win, one must anticipate one more move than the opponent, or manage to always keep one more possible move, one more liberty – like in Go.

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I arrived at the 2013 Essen fair with a small box containing a 5 x 5 board, six chess knights and a few black trampled grass tokens. The Blue Orange team liked it at once, and we had a deal before the end of the fair. Thierry Denoual, who has designed great abstract games like Gobblet or Dragon Face, had the idea of the modular board, adding even more variety.
I was surprised when I received the first sketches from the publisher. Since Attila is an abstract game, I was imagining something very sober and classic, with beige and brown chess like knights, not Disneyish cartoons. I asked the Blue Orange guys if they were confident such a light and humorous style could fit with an abstract game. They answered that it seemed to work for Battle Sheep, so they had very consciously decided to do it again. Well, that’s their job, let’s hope they were right !

Attila
A game by Bruno Faidutti
Graphics by Cyril Bouquet
2 players – 10 minutes
Published by Blue Orange Games (2015)
Boardgamegeek

Attila Hun