L’année 2012 a été, pour moi, assez féconde en termes de création ludique, surtout si je la compare avec les deux précédentes. Si j’ai conçu pas mal de jeux, c’est parce que j’y ai consacré de nouveau beaucoup de temps et d’énergie, mais c’est aussi parce que je me suis un peu spécialisé sur les jeux légers, simples, et notamment les “party games”, qui demandent certes plus d’idées, plus d’imagination, mais aussi moins de tests et de réglages, moins de travail. Peut-être parce que j’avais un peu délaissé la création auparavant, les idées sont venues assez aisément, et cela a donné Devine qui vient dîner ce soir, Speed Dating, Mascarade, The Big Movie, Rumble in the Jungle et quelques autres – certains édités ou en passe de l’être, d’autres non.
Cela a donné surtout un jeu délirant, dont le nom hésita longtemps entre Mouette Rieuse et Sitting Bull, mais pourrait aussi être Hérisson Amoureux, Bison Futé ou Yéti enrhumé. La Mouette Rieuse est, après Speed Dating, le deuxième jeu que j’ai imaginé avec Nathalie Grandperrin. Nous venions de mettre la dernière main à notre première série de cartes de Speed Dating, nous étions plutôt contents de nous et, devant quelques bières dans un bar d’Avignon, nous avons commencé à penser à d’autres manières de combiner des cartes pour obtenir des résultats improbables et farfelus. Nous pensâmes aux marabouts, retour immédiat de l’être aimé et réussite aux examens, aux gourous et aux religions, puis aux chats, à leurs humeurs et leurs émotions. Les chats, c’est tendance, c’est mignon, et Nathalie les aime bien, mais c’était quand même un peu limité et nous élargîmes donc rapidement le sujet à l’ensemble des animaux. À partir de là, tout est allé très vite – en quelques jours, nous avions une liste d’une centaine d’animaux et d’une centaine d’adjectifs, qui n’ont guère changé depuis permettant de faire des combinaisons dont nous n’avons pas tout de suite réalisé qu’elles pouvaient être aussi des noms totémiques scouts ou indiens. Tout de suite, allez savoir pourquoi, le jeu s’est appelé La Mouette Rieuse – mais cela aurait pu être la guêpe en colère. On a pensé aussi, pour faire indien à Sitting Bull, mais c’était moins drôle en français, et à Totem, mais Tom aurait râlé.
Animal Suspect, puisque c’est finalement son nom, est sans doute mon préféré parmi les jeux sur lesquels j’ai travaillé l’an dernier. Lors des soirées auxquelles j’ai apporté mes assez nombreux prototypes, il a toujours été très apprécié, les parties commençant à quatre ou cinq et se terminant avec, autour de la table, une douzaine de personnes jouant dans un certain désordre. C’est un jeu d’ambiance rapide et jubilatoire, plein de mimes et de bruits d’animaux, permettant de mêler les plus jeunes aux plus âgés.
Même si Nathalie était plus prudente, j’étais certain que, comme cela avait été le cas pour Speed Dating, Sitting Bull allait immédiatement convaincre le premier éditeur auquel nous allions le montrer. Cela n’a pas été le cas. Entre ceux dont la programmation était pleine pour les deux ou trois années à venir, ceux qui ont déjà un jeu de mime dans leur catalogue et craignaient de le cannibaliser, ceux qui ne veulent pas de jeu “language dependent”, personne ne semblait vouloir de ce petit jeu de cartes sans prétention, pourtant amusant et plutôt facile à éditer. Avec d’autres jeux, j’aurais sans doute renoncé, mais je croyais suffisamment à celui-ci pour insister lourdement et, notamment, relancer régulièrement la jolie Mathilde de Gigamic. Quelques jours avant le salon de Cannes, elle a fini par y jouer; on a refait une partie sur la salon – Mathilde était très bien en Moustique en rut – et, une dizaine de jours plus tard, la décision était prise, et La Mouette en vol pour les terres du Nord.
Je connais depuis bien longtemps l’équipe de Gigamic. Il y a une vingtaine d’années de cela, alors que j’habitais à Lille et qu’ils étaient encore avant tout les éditeurs de l’excellent Quarto, nous nous croisions assez régulièrement. Leur politique éditoriale, d’abord focalisée sur les jeux de stratégie abstraits, puis sur une gamme très familiale, a rarement collé avec mes créations, et nous désespérions un peu de réussir un jour à travailler ensemble. Je suis bien content qu’Animal Suspect nous ait finalement réunis!
Animal Suspect
Un jeu de Bruno Faidutti & Nathalie Grandperrin
Illustré par Swal
3 à 8 joueurs
Publié par Gigamic
Ludovox Vind’jeu Tric Trac Boardgamegeek
2012 was a very productive year for me, at least if compared with the two former ones. I designed more games because I devoted more time and energy to it, but also because I focused on lighter designs, and specifically party games. These require more ideas, and clear ideas, but also less testing, less tuning, less work. Ideas came easily, probably because I had stocked them in the former, less creative years. The result was a series of lighter designs – Guess who’s coming for dinner, Speed Dating, The Big Movie, Mascarade, Rumble in the Jungle – some have been or will be published, some are still looking for a publisher.
Last but not least was a zany card game whose name was one day Sitting Bull, the next day Laughing Seagull, but could also be Hungry Panda, Charming Bigfoot or Gay Hedgehog. Sitting Bull is the second game I designed together with Nathalie Grandperrin. We had just finished our first batch of 300 Speed Dating cards, were quite proud of ourselves, and were drinking beers in an Irish pub in Avignon, trying to find other ways of combining cards to generate fun and unexpected combos. We thought of the fun parisian african healers and sorcerers flyers, of gurus and zany religions, of cats qnd their mysterious ways and emotions. Cats are trendy and cute, and Nathalie loves them, but it was a bit limited as a game theme, so we broadened the topic and decided to use all kinds of animals. Things went very fast from there, and a few days later we had a long list of about hundred animals and their possible emotions. We didn’t realize at once that these combos could also be native american names, and the game possibly have an indian setting. For some reason, we soon called the game “Laughing Seagull”, though I adapted this into Sitting Bull when I made an english language prototype, and the publisher renamed it Animal Suspect.
Animal Suspect is probably my favorite among the several games I worked on last year. At my gaming nights, and at the several conventions and gaming week-ends I attended this year, it was my most popular prototype. Game sessions started with 4 or 5 players and end with a dozen people laughing and shouting in a complete mess around the gaming table – the token of a great game. Sitting Bull is a fast paced and incredibly fun party game, which can bring together all generations.
Nathalie was more skeptical, but I believed that, like Speed Dating (which, by the way, is still looking for an English language publisher), Animal Suspect will immediately win over the first publisher who will see it. It didn’t. Some had already a full schedule for the next years, especially with party games, others didn’t want a mime game that could cannibalize the sales of another one in their catalog, others didn’t want a game strongly language dependent, and of which no international edition was possible – even when they all admitted it was incredibly fun and quite easy to produce. With other designs, I would probably have given up, but I really believed in this one and regularly fostered Mathilde, the pretty commercial at Gigamic. A few days before the Cannes festival, she finally emailed me that she had played the game and liked it a lot. We played another game during the fair – Mathilde played an impressive Horny Mosquito – and a dozen days later she had convinced everyone at Gigamic that they had to publish our Laughing Seagull. I know the people at Gigamic for more than twenty years, having met them often when I used to live in Northern France. Unfortunately, they focused first on abstract strategy games, which are not my cup of tea, and then on vert light family games when I was mostly designing more complex and geeky stuff. I wanted to work with them, they wanted to work with me, but it never fitted so far. That’s why I’m really happy that, in the end we made it with Animal Suspect.
Animal Suspect
A game by Bruno Faidutti & Nathalie Grandperrin
Graphics by Swal
3 to 8 players
Published by Gigamic
Boardgamegeek