Vampire: The Masquerade – Vendetta

Je reçois assez régulièrement des emails de jeunes auteurs à la recherche de conseils, voire d’aide, dans la création de leur premier jeu. Si j’essaie de toujours répondre poliment, je ne peux m’appesantir à chaque fois en conseils personnalisés ni me lancer dans d’innombrables collaborations. Parfois, pourtant, le projet est assez original, sérieux ou séduisant pour que je m’y lance à fond.
Fin 2015, j’ai ainsi reçu un email d’un californien, Charlie Cleveland, me demandant si je voulais l’aider à développer un projet de jeu qui s’appelait alors Moonlight. Le thème des vampires, des créatures qui hésitent entre le snobisme et l’arrogance fin de race, ne m’attirait pas particulièrement, mais Charlie arrivait avec la recommandation de mon ami Éric Hautemont, le fondateur de Days of Wonder, et avec une solide expérience dans le jeu video, puisqu’il est l’auteur de Subnautica. Pour décrire son projet, il se référait en outre à Cosmic Encounter et au poker, deux jeux qui, si je ne les pratique plus guère, restent pour moi des références incontournables. Bref, je ne pouvais pas dire non, et je me suis ainsi laissé entraîner dans un projet qui allait s’avérer complexe, chronophage et plein de rebondissements.

Le premier prototype de Charlie

Moonlight était déjà un jeu bien abouti lorsque Charlie me le présenta, et portait clairement l’empreinte de Rencontre Cosmique. Les joueurs y étaient des vampires cherchant à subjuguer des humains mais aussi, si l’occasion se présente, à attaquer leurs adversaires. Chacun y disposait pour cela d’un pouvoir particulier, en attaque ou en défense, et les interactions entre ces pouvoirs faisaient, comme dans Cosmic Encounter, le sel du jeu.

Une partie avec Charlie (à droite) à Etourvy

En trois ans de développement, le jeu a beaucoup changé, et l’inspiration cosmique originelle s’est un peu effacée. C’est ainsi que les pouvoirs des vampires sont maintenant associés à des cartes action, mais qui restent peu nombreuses et bien différentes pour que chaque clan conserve une forte personnalité. Les humains, qui étaient à l’origine placés entre les joueurs, ce qui introduisait un facteur distance dans les combats, occupent maintenant des lieux placés au centre de la table. Tout cela s’est fait par étapes, avec des allers-retours, des centaines de tests, et pas mal de remarques d’éditeurs dont plusieurs ont été, à un moment ou un autre, intéressés par le projet. Moonlight, qui a un moment ou un autre est devenu Vampires, puis Vendetta, est resté un jeu d’affrontement et d’interactions, relativement simple mais tout entier construit autour de son thème. Très investi dans le projet, Charlie a même fait deux fois le déplacement à Etourvy, où nous avons pu jouer au prototype ensemble et le présenter aux éditeurs.

C’est à Etourvy, je crois, que Lorenzo Silva, a découvert Vampires et a décidé de le publier, surtout s’il parvenait à obtenir de Paradox les droits de l’univers du jeu de rôles Vampire – the Masquerade. Cela a pris quelques temps, mais les américains ont visiblement été séduits par ce qui n’était ni un vague projet, ni un truc abstrait cherchant un thème, mais bien un jeu déjà quasiment fini et entièrement construit autour du thème des vampires. Du coup, parce que Charlie, ayant des amis à Bologne, avait l’occasion de se rendre de temps à autre chez Horrible Games pour bosser sur le jeu, et parce que j’ignore tout de l’univers de la Mascarade, le développement final du jeu, et notamment l’adaptation finale au thème de la Mascarade, a été réalisé par Charlie et Lorenzo, aidé de son compère Hjalmar Hach.

Vampire: The Masquerade – Vendetta
Un jeu de Charlie Cleveland & Bruno Faidutti
Illustrations de Martin Mottet
3 à 5 joueurs  – 30 minutes
Publié par Horrible Guild
Boardgamegeek


I’m regularly contacted by wannabe boardgame designers looking for advice, and sometimes for help, in designing their first game. I try to always answer politely, but I cannot write every time a specific advice, and even less start a few new collaboration every other week. Sometimes, however, the project is exciting enough to make me plunge into it as once.

In late 2015, I got an email from an unknown californian guy, Charlie Cleveland, asking me to help him develop a card game whose working name was Moonlight. I’m not very interested in vampires, which always seem to hesitate between snobbery and end of race arrogance. Charlie, however, was recommended by Eric Hautemont, the creator of Days of Wonder, and had a solid experience in video games design, since he is the designer of Subnautica. When pitching his project, he was often referring to Poker and Cosmic Encounter, two games I don’t play that much any more, but which are my two basic references in game design. All this meant I could not decline the offer, and was dragged into what has been a complex, time consuming, exciting and action packed experience.

Playing with the future publisher, Lorenzo Silva.

Moonlight was already a well developed game when Charlie showed it to me, and was clearly inspired by Cosmic Encounter. Each player was a vampire aiming at subjugating humans but also, on occasion, attacking rival vampires. Every playing vampire had a specific ability and, like in Cosmic Encounter, the heart of the game was these abilities and how they were affecting the core engine.

A later prototype

After three years of development, the game has changed a lot and the original Cosmic inspiration has somewhat faded. Vampire abilities are now linked to action cards, which are numerous but also different enough for every clan to have a strong personality. Humans were originally placed between players, which means distance was an important factor in attacks; they are now in central locations equidistant from all players. There were many development steps, many variations, due to hundreds of tests, back and forth reports between France and the US, and remarks by several publishers who, at one point or another, have been interested in the game. At some point, the game’s name changed for Vampires, and later for Vendetta, but it always was a game about fight and interactions, with simple rules but entirely built from its theme. Charlie was incredibly involved in the project, and even went twice to Etourvy, where we could play together and show the game to publishers.

I think Lorenzo Silva played it there, and he soon decided to publish it if he could get from Paradox the rights to use the Vampire – The Masquerade RPG setting. It needed some time, but the Paradox team was finally convinced by what was neither a vague project nor an abstract game looking for a theme, but a well developed and nearly finished game entirely built on the Vampire idea. It happened that Charlie had friends in Bologna, which game him opportunities to visit the Horrible team to work on the game. For this reason, and also because I don’t know much about the Masquerade universe, the final development, and the adaptation to the role playing world, was made at Horrible Games by Charlie, Lorenzo and Hjalmar Hach

Vampire: The Masquerade – Vendetta
A game by Charlie Cleveland & Bruno Faidutti
Art by Martin Mottet
3 to 5 players  – 30 minutes
Published by Horrible Guild
Boardgamegeek

Stolen Paintings

L’idée de ce jeu m’est d’abord venue en lisant un épais livre d’art assez particulier, que m’avait prêté une amie, et dont j’ai oublié tant le titre que l’auteur. De tous styles et de toutes époques, les tableaux qui y étaient reproduits n’avaient en commun qu’une seule chose, d’avoir été volés. Le résultat était assez curieux, comme une vaste fresque d’histoire de la peinture à travers des œuvres comme tirées au sort, des tableaux classiques mais qui n’étaient le plus souvent pas les plus connus, pas ceux que l’on s’attendait à voir. Du coup, l’idée m’est venue assez vite d’en faire un jeu, dans lequel un joueur serait le voleur de tableaux et les autres les détectives essayant de les retrouver. Les textes accompagnant les reproductions expliquaient un peu comment se font ces recherches, et détaillaient notamment le rôle des détectives qui, à Londres – car c’est à Londres que cela se passe – faisaient le tout des ventes aux enchères en tentant de repérer, souvent de mémoire, les œuvres volées.

J’ai donc scanné de nombreuses images du livre, trouvé sur le web quelques autres reproductions de tableaux volés, et réalisé un petit jeu de mémoire assez amusant. Un tour de jeu commence par l’exposition, pour laquelle une vingtaine de tableaux sont placés sur la table. Les détectives ferment les yeux et le voleur en subtilise entre un et trois, avant de retirer tous les autres tableaux exposés. Vient ensuite la vente aux enchères, pour laquelle le voleur ajoute de nouveaux tableaux qu’il mélange avec les œuvres volées, les détectives devant ensuite, de mémoire, repérer parmi les huit tableaux en vente ceux qui proviennent de l’exposition initiale.

J’ai un faible pour les jeux de mémoire, peut-être parce que j’y ai longtemps été très bon, mais il n’est pas facile de leur trouver un éditeur. Il m’a fallu plusieurs années avant que, alors que je n’y croyais plus vraiment, Gryphon Games s’intéresse à mes Tableaux Volés. Gryphon games, qui publie déjà Incan Gold, la version américaine de Diamant, est un petit éditeur très sympathique, dirigé par Rick Soued, un Américain intello et europhile de la côte est, avec qui j’ai toujours plaisir à discuter. Je suis très content d’avoir un deuxième jeu chez eux.

Les problèmes de droits faisaient malheureusement qu’il était sinon impossible, du moins assez compliqué de publier le jeu avec uniquement, comme dans mon prototype, des tableaux ayant été volés. C’est envisageable pour un éditeur d’art, pas pour un petit éditeur de jeu. La boite de Stolen Paintings contient donc, plus classiquement, deux-cent cartes avec des œuvres représentant plus ou moins toute l’histoire de la peinture occidentale, le genre de lot d’images que l’on peut avoir facilement. L’ensemble est donc plus classique que dans prototype mais si le jeu marche vraiment, je proposerai d’en faire une version sur l’art japonais, ou sur les miniatures médiévales. Et du coup, puisque ce ne sont plus seulement des tableaux volés, nous avons travaillé avec l’éditeur à imaginer une dizaine d’autres règles de petits jeux pouvant être joués avec les mêmes cartes. Il y a donc des jeux où il faut mettre des tableaux dans l’ordre chronologique, deviner le tableau favori d’un autre joueur, construire des dialogues entre personnages, etc… Si vous avez d’autres idées, elles sont les bienvenues !

Sinon, je signale en passant qu’il existe un autre très bon jeu sur le thème du vol de tableau, Dice Heist, de Trevor Benjamin & Brett Gilbert. C’est un jeu de dés, de prise de risque, qui n’a rien à voir avec mon Stolen Paintings et dans lequel vous ne trouverez aucune reproduction de tableau, mais que je trouve vraiment très agréable.

Stolen Paintings
Un jeu de Bruno Faidutti
Illustrations de Alex Colby et de nombreux peintres
2  à 8 joueurs  – 30 minutes
Publié par Gryphon Games
Boardgamegeek


The idea for this game came from reading a strange art book, which a friend had loaned me, and whose title and author I have forgotten. It had paintings from all periods and all styles, which had only one ring in common, that they all had been stolen. The result was a strange collection, like a vast recap of art history through half-random paintings, sometimes well known, sometimes not, but never exactly the one one was expecting. Almost at once, I had the idea of making a game out of it, a game in which one player, the thief, will steal a few paintings and the other players, the detectives, will try to catch him. The book also explained a bit how this is done, mostly in London, with detectives checking art auctions and trying, often from memory, to recognize stolen art.

I scanned the pictures in the book, found a few more pictures of stolen art on the web, and designed a light and fun memory game. A game turn starts with an exhibition, with about twenty paintings placed on the table. Then the detectives close their eyes and the thief takes one, two or three paintings from the exhibit, and discards the other ones. After the exhibition comes the auction: the thief adds a few more paintings from the deck and the detective must find out, in the eight paintings on auction, which ones were in the former exhibition.

I actually like game with a strong memory element, may be because I’ve long been very good at them. Publishers are wary of them, and it took years to find one interested, Gryphon Games. Gryphon Games, who already publishes my Incan Gold, is a nice and small publisher owned by Rich Soued, an east-coast intellectual europhile, with whom I always enjoy discussing at game fairs. I’m really happy to have a second game there.

Legal issues made it difficult to publish the game with, like in my prototype, only stolen paintings, whose copyrights are dispersed among many owners. It’s possible for an art publishing company, not for a small boardgame publisher. The published game therefore has, in a much more traditional way, about 200 pictures of various pieces which tell more or less the whole story of western painting, most of which have never been stolen by anyone. The choice is therefore much more classical than in my origibal prototype, but it works really well – and if the game sells well, I’ll certainly suggest a Japanese art or a medieval manuscripts edition. Since the cards were now not stolen paintings, but just paintings, we worked together with the publisher to add a dozen more rules for various small games which can also be played with the same cards, games about arranging paintings in chronological order, guessing another player’s favorite piece of art, inventing dialogs between characters, etc…. Of course, any other ideas are welcome.

By the way, there’s a nother really cute game about stealing art, Dice Heist, by Trevor Benjamin & Brett Gilbert. It’s a dice game, almost a gambling game, with no art reproduction in it, but I really enjoy playing it.

Stolen Paintings
A game by Bruno faidutti
Art by many masters & Alex Colby
2  to 8 players  – 30 minutes
Published by Gryphon Games
Boardgamegeek

La Fauconnière
The Falconer

Je suis très content des premiers retours sur Ménestrels, un jeu très classique – après tout, il sort avec quatre ans de retard – mais qui plait beaucoup.  Deux questions, néanmoins, reviennent souvent, concernant la fauconnière et les égalités pour le décompte des points des femmes.

Pour le décompte des femmes, c’est très simple, elles sont une catégorie d’artiste comme les autres, et la règle en cas d’égalité est donc la même – le comte l’emporte s’il est en jeu, sinon les 4 points sont partagés entre les ex-æquo, et arrondis vers le bas.

La Fauconnière a une pièce d’or au verso mais pas au recto, ce qui est bien sûr dû à une erreur de maquette, qui sera j’espère corrigée dans les réimpressions. Ceci dit, ce n’est pas vraiment gênant, cela fait juste un peu cher quand on achète la carte face cachée. Du coup, j’ai trouvé une solution amusante : si un joueur achète la fauconnière face cachée, il récupère la pièce d’or qu’il venait de payer. On va dire que c’est le faucon, attiré comme les buses et pies par tout ce qui brille, qui a lui a rapportée.


I’m very happy with the first reactions on Ménestrels. The game has a very classical feel, which is not surprising given that it is four years late, but players really enjoy it. Two questions, however, come often, the tie breaker for women and the falconer cost.

If there’s a tie for the most women, the rule is the same with artist categories – The count wins the tie, and if he inst among the tied players, points are divided, rounded down.

The Falconer has a gold cin on the back but not on the front. This is, obviously, a pre-press bug. It doesn’t break the game, but it might feel a bit expensive when buying the card face down. This is why I suggest the following fun fix : when a player buys the falconer face down, they get their gold coin back. Let’s say falcons, like buzzrds and magpies, are attracted by everything shiny.

Ménestrels
Minstrels

J’ai rencontré Sandra Pietrini, il y a plus de vingt ans, dans la salle des manuscrits de la vieille Bibliothèque nationale, rue de Richelieu, où, les mains soigneusement gantées de blanc (je crois que cela ne se fait plus maintenant), nous feuilletions les manuscrits médiévaux les plus somptueux. Elle cherchait dans les marges et les miniatures des jongleurs, acteurs et musiciens, j’y chassais les licornes.
Si les dragons abondent dans mes créations ludiques, l’Or des Dragons, Fist of Dragonstones, et tout récemment et tout simplement Dragons, les licornes y sont rares et bien cachées. Je ne suis jamais parvenu à tirer un jeu de ma thèse mais, du coup, Sandra et moi nous sommes dit que nous pourrions essayer d’en bricoler un à partir de la sienne, sur les troupes d’artistes ambulants à la fin du Moyen-Âge. Les cartes y représenteraient des acrobates, musiciens, acteurs, chanteurs et autres montreurs d’animaux et chaque joueur chercherait à recruter la troupe permettant de monter le plus beau spectacle.

C’est ensuite que les difficultés ont commencé, lorsqu’il s’est agi de concevoir le système d’embauche des artistes, c’est à dire de prise de cartes. Il fallait rester simple, et nous sommes partis sur pas mal de fausses pistes, jonglant avec le mille bornes et les sept familles, avant d’avoir une règle de choix qui nous satisfasse. Pour le système de score, donc pour décider quelle troupe ou quel spectacle est le meilleur, ce fut plus facile, tant il était évident que cela serait en partie basé sur des majorités.

Les joueurs sont donc des nobles cherchant à recruter une troupe pour une fête en l’honneur du roi qui visite la région. Le mécanisme central de Ménestrels n’est guère original. Chacun à son tour prend l’une des quatre cartes visibles au centre de la table, ou pioche une carte cachée, le but étant d’être majoritaire dans les trois catégories d’artistes, les musiciens, les acrobates et enfin tous ceux qui parlent et qui chantent. Bien sûr, quelques cartes appartiennent à plusieurs catégories, ou à aucune comme les très appréciés montreurs d’animaux. D’autres ont des effets particuliers sur le jeu, comme le voleur ou l’imposteur. Chaque noble a en outre un petit pouvoir particulier, comme regarder la carte du dessus de la pioche, pouvoir par trois fois dire non à un joueur qui décide de prendre une carte donnée, débuter la partie avec un peu plus d’argent, nécessaire pour recruter les meilleurs artistes, ou simplement faire la fête en dernier, en sachant ce qu’ont présenté les autres joueurs. Ces pouvoirs rendent le jeu très légèrement asymétrique et lui donnent un charme particulier.

Ménestrels est sans doute celui de mes jeux dont l’édition a le plus tardé. Le contrat d’édition, chez Sweet Games, un petit éditeur sympathique qui a déjà publié mon Waka Tanka, a été signé en 2014, mais les retards se sont ensuite accumulés, pour toute une série de raisons. À quelque chose, malheur est bon, puisque cela a permis de fignoler le jeu, et même d’y intégrer quelques petites idées de cartes et de règles qui nous sont venues toutes ces années durant. Le résultat est donc un jeu qui n’est peut-être plus tout à fait dans l’air du temps, mais qui a été joué, rejoué et modifié des dizaines de fois – la version finale des règles porte le numéro 7.9. Les points de bonus pour la constitution des couples, par exemple, sont une idée de l’éditeur qu’il a eue dans les derniers mois, en voyant les illustrations. Même le directeur artistique, Benjamin Treilhou, s’en est mêlé en suggérant quelques réglages, notamment pour équilibrer les nobles.

Dans mon prototype, les deux personnages nains pouvaient être placés dans n’importe quelle catégorie mais ne comptaient que comme un demi-personnage. Je trouvais cela rigolo, et c’était tactiquement assez intéressant. L’éditeur a eu un peu peur que l’humour passe mal, et que cela diminue les chances de trouver un partenaire pour faire ce jeu aux États-Unis, et nous avons finalement abandonné cette règle – ce qui ne m’empêchera sans doute pas de continuer à jouer avec.

Quelques uns des premiers essais de David.

Les illustrations du jeu, justement, sont l’œuvre de mon ami David Cochard, qui avait déjà illustré Key Largo, Waka Tanka et Kamasutra. David a d’abord tâtonné un peu, cherchant un style, s’inspirant tantôt des miniatures médiévales, tantôt des vitraux, avant d’opter pour un dessin proche des préraphaélites. Ce n’est donc pas le Moyen-Âge historique, c’est un Moyen-Âge imaginaire, mais pas celui, surexploité, de la fantasy d’aujourd’hui. C’est le Moyen-Âge tel qu’il a été rêvé et reconstruit par les artistes anglais de la fin du XIXème siècle, auquel David a rajouté une bonne dose de monstres à la façon de Jérome Bosch. Quelques personnages, comme le Roi, font même franchement Renaissance tardive, mais on n’est pas dans un livre d’histoire.

Certains des artistes, notamment les musiciens, sont plutôt des années soixante-dix, vous les reconnaitrez sans doute – j’ai repéré tout de suite les rockers, il a fallu que l’on m’aide pour les jazzmen et les acteurs, qui sont moins de mon monde. D’autres personnages sont juste des amis de David, ou des personnalités qu’il aime bien ou n’aime pas trop, et avait envie de dessiner… Sandra et moi sommes représentés en nobles. D’autres cartes s’inspirent de tableaux célèbres, de Velasquez et Vinci notamment. Bref, l’illustrateur s’est fait plaisir, passant sur ce projet un temps considérable, et le résultat est un splendide et joyeux mélange comme je les aime entre références historiques et imaginaires, entre sérieux et moquerie.


Quelques nobles sont aussi des artistes…. The Duke, the Prince and the King.

Puisque nous n’arrivions pas à décider quelle illustration mettre sur la boite, et comme cela ne coûtait pas beaucoup plus cher, l’éditeur a décidé de faire trois boites différentes, avec un ventriloque, un acrobate, une échassière. Le contenu des boites, lui est toujours le même.

Ménestrels
Un jeu de Bruno Faidutti & Sandra Pietrini
Illustrations de David Cochard
2  à 5 joueurs  – 30 minutes
Publié par Sweet Games
Boardgamegeek


I first met Sandra Pietrini more than twenty years ago, in the manuscript room of the old Paris National Library, rue de Richelieu. Wearing white gloves (I don’t know if these are still used) we were browsing through gorgeous medieval illuminated manuscripts, looking at the same margins and pictures. She was looking for drawings of actors and musicians, I was hunting unicorns.
There has been many dragons in my game designs. These fiery beasts appear in Dragon’s Gold, Fist of Dragonstones, more recently just Dragons, but the unicorns are rare and well hidden. So far, I could not manage to make a game out of any part of my PhD dissertation, but Sandra and I thought we could try to do something out of hers, which deals with wandering artists in the late Middle Ages. Cards figuring acrobats, musicians, singers and various animal tamers sounded like a nice idea, and the goal would obviously be to gather the group that will carry the best spectacle.

Difficulties started almost at once. Hiring artists meant choosing cards, and we had some trouble designing a simple and interesting systems. We wanted to stay simple, so our first attempts were inspired by classics like Mille Bornes or Happy Families, and we tried lots of rules before getting the right one. The scoring system meant finding out which group or show was the best, and it was clear from the beginning that it will be based on categories and majorities.

Players are nobles hiring a group to hold a show for the king who is travelling through the province. The core drafting system in Minstrels is not very original. Each player on turn draws a card, either one of the four face up ones or the face down top of the drawing deck. The goal is to get the majority in one of the three categories of artists, musicians, acrobats and actors. Of course, a few cards belong to more than one category, and other ones belong to none like the highly popular animal tamers. Other ones have instant effects on the game, like the Thief or the Impostor. Each Noble also has a special ability, like being able to look at the face down card from the deck, being able to prevent another player to do a specific action, starting the game with some more money for recruiting artists, or simply being he last to hold a party, after having seen what the other nobles have done. the abilities are not game breaking, but they make the game slightly asymmetrical, which is really enjoyable.

None of my games has waited longer for publication than Minstrels. The publishing contract with Sweet Games, a small French publisher who already did my Waka Tanka, was published in 2014. Then came delay after delay, for various reasons. Out of bad comes good, and this allowed us to add to the game a few ideas from these last years, mostly new cards and small scoring rules. As a result, Minstrels might feel a bit outdated in some ways, but it has also been more finely tuned than any of my other designs – the final rule has the serial number 7.9. One of the last additions was the point bonus for artist couples, an idea the publisher, Didier, got when looking at the illustrations. Even the art director, Benjamin Treilhou, helped with the fine balancing of the noble powers and order.

In my prototype, the two dwarf characters could be added to any category, but counted only as half a character. I liked the joke, and it was tactically interesting. The publisher was a bit afraid that the joke could be considered not politically correct and could make more difficult to find a partner willing to publish it in the US. So we discarded this rule, but I’ll probably keep on playing with it.

Some of David’s first tries and sketches.

The gorgeous illustrations of Minstrels is by my friend David Cochard, who already did the art for my Key Largo, Waka Tanka and Kamasutra. David first hesitated a bit, looking for a style, copying first medieval miniatures, then glass paintings, and then finally settled for a style inspired by the pre-raphaelites. It’s not the historical Middle-Ages, but it’s not classical medieval fantasy either. it’s the Middle-Ages as it was dreamed and revisited by XIXth century English artists – with scores of Hieronymus Bosch tiny monsters added.

Some of the cards, including most of he musicians, are portraits of artists from the seventies or eighties. You’ll probably recognize them – I spotted most rockers at once, but had more difficulties with the jazzmen and the few actors . Other ones are just friends of David, or personalities he likes (or dislikes) and wanted to draw – Sandra and I are among the nobles. Other cards are inspired by famous paintings, among which Vinci and Velasquez. David probably spent too much time on this job, but the result is the kind of zany mix I like between historical and imaginary references, between seriousness and mockery. A few characters, like the King, are more late Renaissance than Middle-Ages, but this is not a history book.

Here’s the King. Guess who’s the Prince ?

We could not decide which character we should put on the box cover. Since it was not really more expensive, the publisher finally decided to make three different boxes with a stilt walker, an acrobat and a ventriloquist. The content of the boxes, however, is always the same.

There’s no plan for an English language version yet, but anyone interested in doing it should contact Sweet Games.

Ménestrels (Minstrels)
A game by Bruno Faidutti & Sandra Pietrini
Art by  David Cochard
2  to 5 players  – 30 minutes
Published by Sweet Games
Boardgamegeek

Maracas

Aimant beaucoup les petits jeux de l’éditeur japonais Oink, j’ai tenté il y quelques années d’imaginer un jeu qui pourrait entrer dans la même jolie gamme que Kobayakawa, Insider, Deep Sea Adventure et surtout A Fake Artist Goes to New York. La particularité des jeux Oink étant leur petite boite qui tient dans la main, il m’a semblé malin de vouloir faire un jeu qui utilise cette boite comme élément du jeu. L’idée, tout comme le nom du jeu, sont venus assez vite – Maracas. Une boite, un joueur qui place des trucs dedans, et on essaie de deviner ce qu’il y a en secouant la boite contre son oreille. Le principe n’est pas entièrement nouveau, puisqu’il existait déjà dans un jeu auquel j’ai beaucoup joué il y a une vingtaine d’années, Zapp Zerapp, mais l’idée était de le réduire à son plus simple élément, en utilisant une seule boite, et d’introduire un mécanisme de prise de risque à la manière de Perudo. C’est d’ailleurs sur ces histoires de scoring et de prise de risque que j’ai bloqué un moment, et que moi et mon équipe de joueurs du week-end nous sommes le plus cassé la tête, jusqu’à ce qu’un soir Hervé Marly ne propose la solution, ce qui lui vaut d’être le co-auteur du jeu.

De passage à Osaka, j’ai présenté le jeu à Jun et Laura, de Oink Games, mais ils n’ont pas été convaincus. Du coup, un peu dépité, je l’ai emporté à Cannes et à Essen pour le présenter à quelques autres éditeurs et il a séduit les gens de Blue Orange, qui ont tout de suite décidé de le présenter dans une maracas (ou dit-on une maraca?) en plastique, faisant de ce que je voyais comme une boite minimaliste un objet rigolo et coloré.

Maracas est un petit jeu rapide et malin, pour tous les âges, qui tient dans la poche et qui n’a même pas besoin d’une table.

Maracas
Un jeu de Bruno Faidutti & Hervé Marly
3 à 8 joueurs  – 10 minutes
Publié par Blue Orange (2020)
Boardgamegeek


I really like the small games by the Japanese publisher Oink. A few years ago, I tried to devise a light game which could fit in the same line as personal favorites such as Kobayakawa, Insider, Deep Sea Adventure and, above all, A Fake Artist goes to New York. The main characteristics of Oink game being their small box which can be held in one’s hand, I wanted to use this box as a part of the game. The basic idea, as well as the game’s name, came at once – Maracas. A box, a player places some stuff in it, and the other try to guess what there is with shaking the box next to their ear. This idea was already sed in an older game I played a lot twenty years ago, Zapp Zerapp, but I wanted to make it lighter, simpler, using only one box, and with a Liar’s Dice like risk taking system. This proved more complex than I had thought, and I experimented a lot with various scoring and reward systems until one night Hervé Marly came with a simple and legend solution, which is why he is the co-designer of the game.

When I happened to be in Osaka, I showed the game to Jung and Laura, from Oink games, but I failed to convince them. I was a bit sad, but brought it to Cannes and Essen to show it to other publishers. The Blue Orange team liked it at once, and soon decided to publish it, not in a small box like my prototype but in a real plastic maracas (or is-it a maraca?), changing what I imagined as a minimalistic design into a fun colorful toy.

Maracas is a light, fun and fast paced game for all ages, which doesn’t even need a gaming table.

Maracas
A game by Bruno Faidutti & Hervé Marly
3 to 8 players  – 10 minutes
Published by Blue Orange (2020)
Boardgamegeek

Vintage

Je joue toujours, de temps à autre, à de gros jeux de gestion, de baston ou d’expansion. Je suis néanmoins souvent un peu frustré par les jeux les plus récents, souvent conçus pour être joués chacun dans son coin, sans beaucoup de possibilités de nuire directement à ses adversaires. Du coup, comme j’avais un peu envie de me remettre à bosser sur une grosse boite, avec un plateau de jeu, des territoires et des routes, je me suis mis à chercher des mécanismes originaux et un peu méchants. Une idée intéressante m’est venue, l’obligation de poser une carte devant soi un tour à l’avance, laissant un tour entier aux adversaires pour vous la voler et la placer à leur tour devant eux avant que vous n’ayez pu l’utiliser pour attaquer par la mer, bâtir une cathédrale, traverser la montagne, invoquer un démon, chercher du minerai, lancer une fusée, acheter des moutons, corrompre un évêque. Le jeu dans une grosse boite, Trollfest, est finalement là, et j’espère qu’il sortira l’an prochain, mais ce mécanisme n’avait clairement rien à y faire. Du coup, plutôt que de faire de cette règle un système annexe d’un truc plus ambitieux, j’en ai fait le mécanisme central d’un petit jeu de cartes sans prétention. J’espère bien qu’un autre auteur l’exploitera dans un gros jeu, et qu’il m’en enverra une boîte, ne serait-ce que pour me prouver que j’avais raison de penser que ce système a de l’avenir.

Dans Vintage, les joueurs sont des brocanteurs, collectionneurs et un peu voleurs d’objets des années cinquante, soixante et soixante-dix. A son tour de jeu, un joueur peut d’abord placer dans sa pile de score l’une des cartes qu’il a devant lui, puis doit ensuite placer deux cartes devant lui, l’une qu’il choisit parmi deux cartes piochées, l’autre qu’il vole parmi les cartes de ses adversaires. Les cartes ont des caractéristiques différentes, type d’objet, couleur, valeur, période, qui rendent certaines plus intéressantes que d’autres. Si l’on veut pouvoir scorer une bonne carte, il faut d’abord la poser devant soi, au risque de la voir disparaitre de sa boutique avant que son tour ne revienne. Le dilemme est permanent, et les meilleures cartes sont soit immédiatement défaussées, soit à l’inverse volées et volées encore pendant des tours avant qu’un joueur ne puisse les ajouter à sa collection.


Le premier prototype du jeu avait 8 types d’objet et 8 couleurs. Les aspirateurs, et la couleur violette, ont disparu pour des raisons d’équilibre.

Vintage, c’est donc d’abord un mécanisme. Le thème, même s’il n’a pas changé depuis le premier prototype, est clairement second. Je l’ai choisi parce que l’idée de cartes à la fois exposées, volées et collectionnées me semblait coller assez bien avec la traditionnelle caricature des brocanteurs. Ils se trouvait aussi que j’avais dans un coin de chouettes illustrations faites par Tom Vuarchex pour un prototype abandonné de ce qui allait devenir Dolorès, dont j’ai réutilisé un assez grand nombre pour mon prototype. Le thème a ensuite eu en retour quelques effets sur les mécanismes, notamment sur le système de score, mais on pourrait sans doute en imaginer un autre.

Donc, Vintage, un petit jeu de cartes rapide et méchant pour 3 à 5 joueurs, très joliment illustré par Pilgrim Hogdson, publié chez Matagot.

Vintage
Un jeu de Bruno Faidutti
Illustré par Pilgrim Hogdson
3 à 5 joueurs  – 20 minutes
Publié par Matagot (2020)
Boardgamegeek


I still occasionally play heavy management, war or expansion games. However, I often feel a bit frustrated with recent boardgames, which often seem to be designed so that every player plays his own little game, with little or no interaction, no opportunities to play not only for oneself, but also against other players, which for me is an important par of the gaming fun. Last summer, I wanted to try again to design at least one big box game, dudes on a map with roads and territories, and tried to think of new and possibly mean mechanisms. The idea I got was to have a card driven game in which every card card must be played one turn in advance, giving every opponent an opportunity to steal them before one can use it. If he card is still here after a full table turn, then one can apply its effect, – attack by see, build a cathedral, shoot the sheriff, summon a demon, launch a spaceship, kill the witch, mine ore, buy sheep. The big box game is here, it’s called Trollfest, and I hope it will be published next year, but the « play your card one turn in advance » rule doesn’t fit in it. So I finally made this rule the core system of a small and unassuming card game instead of a side system of a big ambitious boardgame. I hope another designer will find a way to use it in heavier stuff and prove me right, and may be even will send me a copy.

Players in Vintage collect, sell and occasionally steal vintage items from the fifties, sixties and seventies. On their turn, a player can first place one of the cards in their display in their scoring pile, and then must place add new cards to their display, one chosen among two cards from the drawing pile, the other stolen from another player’s display. Cards have different characteristics, type, color, period, value, and some are obviously better than others. If you want to score a good card, you must first add it to your display, but the odds are high that it will be stolen from your display before you can score it. This makes for recuring dilemmas, and some of the best cards are sometimes discarded at once, or stolen and stolen again for turns before one can add it to their collection.


The first version of the game had 8 categories and 8 colors. For balance reasons, I had to remove one color – purple – and one category – vacuum cleaners.

Vintage is first and foremost a simple and, I think, new mechanism. The theme didn’t change since the first prototype, but it was nevertheless an afterthought. I’ve chosen it the idea of cards displayed, stolen and collected fitted well with the caricature image of second-hand items dealers. It also happened that I had many pics drawn by Tom Vuarchex when we were considering another setting for what was to become Dolores, and which I could use in my prototype. The setting then had a few reverse effects on the scoring rules, but one could certainly imagine another setting for this game.

Vintage is a small, fast and agressive card game for 3 to 5 players, nicely illustrated by Pilgrim Hogdson and published by Matagot.

Vintage
A game by Bruno Faidutti
Art by Pilgrim Hogdson
3 to 5 players  – 20 minutes
Published by Matagot (2020)
Boardgamegeek  

 

Poisons

J’ai rencontré Chris Darsaklis au salon d’Essen, sur le stand de Repos Production. Il y présentait When I Dream, son jeu d’associations d’idée très rigolo, et moi Secrets. Comme chaque fois, ou presque, que je croise un auteur de jeu, nous avons discuté d’une possible collaboration. Quelques mois plus tard, je recevais de Chris un powerpoint présentant une petite dizaine d’idées de jeux, dont l’une me semblait tout de suite amusante. L’un des joueurs y était le patron d’une entreprise, les autres ses salariés cherchant à se venger des petites humiliations quotidiennes en crachant discrètement dans son café.

Le thème corporate était original et rigolo, mais ne faisais pas rêver et je doutais qu’il puisse jamais convaincre un éditeur. C’était l’époque où tout le monde regardait Game of Thrones, et je proposais donc un univers plus romantique, et me semblait-il plus vendeur, des rois et reines réunis pour un banquet, portant des toasts et cherchant à s’empoisonner les uns les autres. Un autre jeu sur ce thème était certes sorti récemment, Raise your Goblets de Ian Page, mais les mécanismes en étant assez différents, cela ne me semblait pas un problème.

Le nouvel univers entraina d’emblée un changement important dans la structure du jeu. Si tous les joueurs sont des rois ou reines, ils sont en effet tous à la fois des assassins en puissance et de potentielles victimes.

Chaque joueur a donc un verre, représenté par une carte à sa couleur, des cartes de score, un certain nombre de cartes vin, et deux cartes uniques, poison et liqueur. Chacun révèle une carte de score, indiquant le nombre de points qu’il pourra marquer s’il boit sans être empoisonné. Les joueurs se passent ensuite les verres de main en main, plaçant en dessous de chacun une carte vin ou poison. Lorsque le tour de table est terminé, chacun, simultanément, décide de boire ou non le contenu de son gobelet. Un joueur qui ne boit pas marque un point; un joueur qui boit un verre non empoisonné marque autant de points, entre 2 et 5, que sur sa carte de score, plus un point par dose de liqueur dans son gobelet; un joueur empoisonné ne marque bien sûr aucun point. C’est le jeu auquel nous sommes assez rapidement arrivé, c’est resté le jeu de base, et il fonctionne très bien.
Comme cela nous semblait un peu léger pour les joueurs les plus exigeants, nous avons tenté d’y ajouter quelques autres éléments. D’abord, parce que c’est un peu ma spécialité, nous avons essayé d’attribuer à chaque joueur un pouvoir spécial. Il y avait l’ivrogne, le prêtre, la sorcière, le tastevin, mais c’était déséquilibré et ne fonctionnait pas très bien. Nous avons alors décidé de développer plus avant la carte liqueur, en en faisant une carte spéciale dont les effets seraient différents à chaque manche. Philtre d’amour, potion magique, antidote, cordial et quelques autres permettent donc de créer un jeu plus varié et plus amusant – mais comme cela devenait parfois un peu tordu, nous en avons fait une règle avancée, que je vous suggère néanmoins d’adopter très rapidement.

Trouver un éditeur pour ce jeu s’est avéré assez facile. Ankama était l’un des deux ou trois auxquels j’ai présenté ce jeu à Paris est Ludique, en juin 2018, et il ne leur a fallu que quelques semaines pour décider de le publier. Le développement a consisté essentiellement à modifier le nombre, les effets et le fonctionnement des cartes spéciales. Chris est marin, ce qui lui permet d’avoir des testeurs fidèles mais rend la communication un peu irrégulière, et c’est surtout moi qui me suis occupé des contacts avec l’éditeur, que je suis allé visiter plusieurs fois dans ses étonnants locaux de Tourcoing. Plusieurs jeux s’appelant déjà Poison, le nôtre est devenu Poisons, avec un s. Les illustrations ont été réalisées par Marion Arbona, une pointure de l’illustration de livres pour enfants, et le résultat est impressionnant, tout à la fois léger et inquiétant, à l’image de notre jeu.

Si vous aimez les jeux d’embrouille et de bluff, si vous appréciez Mascarade, Secrets ou Citadelles, vous aimerez certainement Poisons. L’un des joueurs qui l’a essayé au dernier salon d’Essen l’a résumé ainsi : au premier tour, on joue un peu au hasard; après on se venge.


Présentation de Poisons sur le stand d’Ankama, au salon d’Essen 2019

Poisons
Un jeu de Chris Darsaklis & Bruno Faidutti
Illustré par Marion Arbona
3 à 8 joueurs  – 15 minutes
Publié par Ankama (2020)
Boardgamegeek


I first met Chris Darsaklis at the Essen fair, on the Repos Prod booth, where he was demoing When I Dream, a really fun and seriously overproduced party game, while I was demoing Secrets. As almost every time I meet a new game designer, we discussed the possibility of a collaboration. A few months later, Chris emailed me a powerpoint presenting a dozen rough game ideas, one of which sounded really clever and fun. One of the players was a company boss, the other ones his employees trying to take revenge on small daily humiliation and losing the class struggle with discreetly spiting in the boss’ coffee.

The corporate theme was fun and original, but not really exciting and therefore hard to pitch to a publisher. It was the time when everyone was watching and discussing Game of Thrones, so I suggested a less original but more romantic setting, kings and queens gathered at a banquet, raising toasts to each other and (more or less) secretly trying to poison one another. There was already a game with this exact setting, Ian Page’s Raise your Goblets, but the game systems being completely different, I didn’t think it was a problem.

The change in setting had an immediate effect on the game structure. If all players are kings or queens, they were all would be murderers and possible targets.


Playing Poisons with Chris Darsaklis (left) at the 2019 Essen game fair

Each player has a glass card in their color, scoring cards, wine cards and two single cards, poison and liquor shot. Each player reveals a scoring card, giving the number of points they can score this round if the drink without getting poisoned. Players then pass their goblets around the table, adding either a wine or poison card under each goblet. When everybody gets their cards back, all players simultaneously decide whether they drink or not. Not drinking scores 1 point, drinking a non-poisoned glass scores the value on the player’s scoring card plus one for every liquor shot, drinking a poisoned glass scores nothing. This is the basic game we very soon had, it worked very well and we didn’t change much to it.
On the other hand, it felt a bit light for seasoned players, so we decided to add some stuff. We first tried my specialty, character abilities – there was a witch, a bishop, a winemaster, a drunkard, but it felt unbalanced and didn’t fit that well. So we developed the « liquor shot » card idea, replacing it with a special card whose effects will be different every round. Love potion, elixir, antidote, cordial and several more make the game more fun and varied. On the other hand, it can make it a bit more complex, so it became an optional advanced rule, but I suggest you adopt it after one or two games.

Finding a publisher for this game was relatively easy. Ankama was one of the two or three publishers I pitched the game to at Paris est Ludique, in June 2018, and they decided to publish it after a few weeks. Further development was essentially minor changes in the number and effects of special cards and the way they are chosen. Chris being a sailor, he has regular playtesters on board, but he’s not always reachable. I was the one discussing with the publisher, and even made a few trips to Tourcoing, visiting their impressive offices. Since there were already a few games named Poison, our was renamed Poisons, with a final s. The art by Marion Arbona, a well known French children book illustrator, is impressive, both light and dark, like our game..

If you like bluffing card games like my Mascarade, Citadels or Secrets, you will love Poisons. As one of the players who played it at the last Essen fair said :” first round is a bit random, and then it’s all about revenge”.

Poisons
A game by Chris Darsaklis & Bruno Faidutti
Art by Marion Arbona
3 to 8 players  – 15 minutes
Published by Ankama (2020)
Boardgamegeek


It’s German, it probably means something like Poison, but I think the word looks and probably sounds cool.

Gold River

Gold River est le nom de la nouvelle version de La Fièvre de l’Or, ou Boomtown, jeu d’enchères conçu avec Bruno Cathala et originellement publié en 2004 par Asmodée. Pour l’édition polonaise, Piraci, en 2010, nous n’avions rien changé aux règles et simplement modifié le thème du jeu.


Les quatre éditions du jeu.

Pour cette réédition chez Lumberjacks, petit éditeur français, nous sommes revenus au thème d’origine, qui nous semblait plus cohérent avec les règles d’enchères, mais modifié les réglages du jeu pour le rendre plus équilibré et plus rapide. Les nouvelles illustrations, dans un style plus léger que les précédentes qui me semble mieux coller à l’univers du jeu, sont l’œuvre de Jonathan Aucomte.


Crayonnés de Julien Aucomte pour la couverture du jeu

Dans Gold River, les joueurs sont des prospecteurs à la grande époque de la ruée vers l’or. Un système d’enchères original, idée si je me souviens bien de l’autre Bruno, permet, à chaque tour, de déterminer qui va, le premier, choisir une carte concession ou action dans une rivière (terme pour une fois parfaitement adapté) au centre de la table. Le meilleur enchérisseur paie son voisin de droite, qui reverse la moitié de ce qu’il reçoit à son voisin de droite, et ainsi de suite. Le choix, des cartes, en revanche, se fait en sens inverse, en commençant par le vainqueur puis en passant à son voisin de gauche, et ainsi de suite. Les premiers seront les derniers, tout ça – tiens, on a oublié de mettre un prédicateur parmi les cartes.

Gold River ne prétend pas être un jeu de haute stratégie. Il y a, comme dans la vraie vie, surtout à l’ouest, du hasard et de la méchanceté.
Du hasard à la Catan, puisque c’est la somme de deux dés qui indique à chaque tour dans quelles concessions on a trouvé de l’or. A chacun de choisir s’il préfère investir dans une concession à la production modeste mais assez fréquente ou dans une autre qui n ‘a qu’une petite chance de produire mais peut cacher un gros filon. Bien sûr, on peut préférer les concessions qui produisent souvent et beaucoup, mais il faut alors les payer cher. L’un des changements de cette nouvelle édition est d’ailleurs dans l’utilisation de dés en buchettes, à 4 faces au lieu des classiques dés cubiques 6 faces, ce qui aplatit un peu les probabilités et rend le jeu un peu moins imprévisible.

De la méchanceté, parce qu’un tiers des cartes environ ne sont pas des concessions mais des actions, personnages ou bâtiments permettant parfois d’améliorer l’équipement de votre petite mine mais aussi, bien plus souvent, d’embêter vos voisins et rivaux.
Si les mines sont le moyen principal de s’enrichir, on peut aussi essayer de s’emparer de la mairie de chacune des cinq villes du jeu, mairie qui va à celui qui a le plus grand nombre de concessions dans la cité. On peut aussi, une autre nouveauté de cette édition, gagner au poker – le joueur dont les cartes posées devant lui permettent, en fin de partie, de constituer la meilleure main de poker reçoit également un bonus conséquent.

Bref, Gold River est un jeu d’enchère rigolo et tactique, rapide et méchant, pour 3 à 5 joueurs – 2 à 5 même maintenant, car Bruno a comme il le fait toujours désormais bricolé une règle spéciale pour deux joueurs que, comme d’habitude, je n’ai même pas essayé – mais je lui fais toute confiance.

Gold River
Un jeu de Bruno Cathala & Bruno faidutti
Illustrations de Jonathan Aucomte
2  à 5 joueurs  – 30 minutes
Publié par Lumberjacks Studios
Boardgamegeek


Gold River is the name of the new version of Boomtown, the auction game by Bruno Cathala and I first published in 2004 by a short lived publisher, Face 2 Face. A rethemed Polish edition, Piraci, was published in 2010, with no changes in the rules.


The four versions of the game.

For Gold River, by a young French publisher, Lumberjacks, we went back to the original setting, which we felt was more consistent with the systems, but we fine tuned many of the game rules to make the game faster and better balanced. The new art by Jonathan Aucomte is also,much lighter.


Some of Julien Aucomte’s first sketches

In Gold River, players are prospectors during the great Gold Rush. An original auction system, which I think was devised by the other Bruno, determines whichj player will first chose a concession or actioncard in a river – for once this term sounds adequate – on the table. The highest bidder pays to his right number, who pays half to his right neighbor, and so on. Cards are chosen the other way, chosen first by the winner of the auction, then by his left neighbor, and so on. So the last shall be first, the first shall be last and all that stuff – ooops, we forgot to put a preacher among the action cards.

Gold River doesn’t claim to be a high strategy game. There’s lots of luck and nastiness in it, like there is in real life, and like there was probably even more in the wild west.
There’s luck a bit like in Catan, since every round the roll of two dice determines zhere gold hqs been found. Every player thus must decide between concessions with short odds of producing some gold and long odds of hitting big. Of course, there are also concessions with short odds of hitting big, but they are more expensive. One of the new features in this edition is the use of log-like four sided dice, which flattens a bit the odds and make the game slightly less unpredictable.

There’s nastiness as well, and one card in three is not a concession but an action, either a building improving your mine’s equipment or a character messing with your opponents.
Mines are the main way to get money, but there a few other ones. One can try to become the mayor of one of the five cities in the valley. One can also play poker – the player whose cards in play make the best poker hand at the end of the game also gets a big bonus.

Gold River is a fun and tactical auction game, fast and nasty, for 3 to 5 players. Since I’ve co-designed this with the other Bruno, there’s also a two player variant.He always designs one, but I didn’t even try it, I trust him on this.

Gold River
A game by Bruno Cathala & Bruno faidutti
Art by Jonathan Aucomte
2  to 5 players  – 30 minutes
Published by Lumberjacks Studios
Boardgamegeek

Reigns – The Council ou The King’s Dilemma ?
Reigns – The Council or The King’s Dilemma?

Je connais bien Lorenzo Silva et l’équipe de Horrible Games. Ce sont des habitués de mes rencontres ludopathiques, et j’ai un jeu qui devrait sortir chez eux l’an prochain, Vendetta, un jeu de cartes dans l’univers de Vampire – The Masquerade réalisé avec mon ami Charlie Cleveland.

À l’automne dernier, Hervé Marly et moi avons été recrutés par l’équipe responsable de Reigns, petit jeu sur téléphone rapide et rigolo, pour en faire une adaptation en jeu de société. Reigns – The Council, actuellement en souscription sur kickstarter, est un jeu de cartes rapide et rigolo qui recrée très bien l’ambiance un peu déjantée de Reigns. L’un des joueurs est le roi, les autres ses conseillers. À tour de rôle, les conseillers font leurs propositions au roi, tentant d’atteindre leurs objectifs secrets, tandis que le monarque cherche seulement à survivre le plus longtemps possible. C’est un jeu d’ambiance rapide et rigolo, dans lequel ce sont les joueurs eux mêmes qui inventent l’histoire.

Du coup, j’ai été un peu gêné lorsque j’ai entendu parler pour la première fois de The King’s Dilemma, jeu de Hjalmar Hachs et Lorenzo Silva, qui devrait paraître bientôt chez Horrible Games. De toute évidence, The King’s Dilemma s’inspire aussi clairement de Reigns, et les jeux ont beaucoup en commun, ne serait-ce que les objectifs secrets des conseillers et les pistes rendant compte de l’état du royaume, de ses finances, de son armée, de son église…

Fort heureusement, si l’inspiration est la même, Hervé et moi d’un côté, Hjalmar et Lorenzo de l’autre, sont partis des directions opposées, comme le laissent déjà deviner les deux images de couverture des boites de jeu, ci-dessus. Le même roi y est représenté dans des styles bien différents.

The King’s Dilemma est un « Legacy Game », conçu pour que les mêmes joueurs fassent une vingtaine de parties d’affilée. Le jeu est sérieux, assez complexe, et l’on imagine que le roi n’est pas le seul à s’y prendre la tête. Les événements auxquels le royaume fait face ne sont pas issus de l’imagination débridée des joueurs, ils sont décrits en détail sur les cartes. Aucun joueur ne joue le roi, ce sont les conseillers qui votent chacune des décisions du conseil, le monarque se rangeant sagement à l’avis de la majorité.

D’une certaine manière, The King’s Dilemma est plus proche de la logique mécanique de Reigns, même s’il la complexifie un peu, tandis que Reigns – The Council est plus proche de son esprit décalé. Maintenant, c’est à vous de choisir – mais si The King’s Dilemma sera dans les boutiques, Reigns – The Council n’est, pour le moment, que sur Kickstarter.


I know quite well Lorenzo Silva and the Horrible Games team. They are regulars at my yearly ludopathic gathering, and they even ought to publish one of my games in a few months, Vendetta, a card game in the Vampire – The Masquerade universe designed together with my friend Charlie Cleveland.

Last fall, Hervé Marly and I have been asked by the team behind Reigns, the fun best)-selling phone game, to adapt it as a boardgame. The result of this collaboration, Reigns – The Council is now on kickstarter. It’s a fun and light card game which aims at recreating the zany feel of the video game. One of the players plays the king, the other ones are his counsellors. Each counsellor on turn makes a proposition to the king, who must accept it or not. Counsellors have different secret goals, while the king is only trying to keep his throne as long as possible. It’s a fun and fast paced party game, in which the players themselves are telling the story.

I was obviosuly a bit concerned when I first heard of The King’s Dilemma, a game by Hjalmar Hachs and Lorenzo Silva soon to be published by Horrible Games. The King’s Dilemma is also obviously inspired by Reigns, and it clearly has some elements in common with our, like the counsellors’ secret goals, or the tracks used to show the state of the kingdom, its treasury, its army, its church…

The inspiration was the same but, luckily, Hjalmar and Lorenzo went in a direction opposite to the one Hervé and I had chosen. Well, you probably guessed it with looking at the two cover pics above, which have very different styles, even when both show the King.

The King’s Dilemma is a « Legacy game » designed to be played in seasons of about twenty games, with the same players. The game is serious, involved, somewhat complex, and the king might not be the only to scractch his head. The events are not imagined by the players, they are carefully described on the game cards. There’s no king player, the counsellors vote and the king is supposed to follow the majority.

In a way, The King’s Dilemma is more true to the algorithmic logic of the Reigns video game, while Reigns – The Council is more true to its spirit. Now, it’s your choice – but while King’s Dilemma will be in the shops, Reigns – The Council is only on Kickstarter so far.

Reigns sur Kickstarter
Reigns on Kickstarter

Reigns – The Council est un jeu de cartes rigolo et théâtral conçu avec mon ami Hervé Marly et inspiré du petit jeu sur téléphone Reigns. L’un des joueurs, le roi, cherche à maintenir l’harmonie du royaume pour régner le plus longtemps possible, tandis que ses conseillers poursuivent chacun des objectifs personnels et, bien sûr, secrets.
Reigns est en financement participatif sur kickstarter jusqu’au 1er octobre.

Reigns, The council is a fun and theatrical card game designed with my friend Hervé Marly and based on the fun and light phone game Reigns. One player is the King or Queen, trying to maintain harmony in the realm and to reign as long as possible. The other players, the monarch’s advisors, try to influence them towards their own personal – and secret – goals. Reigns is on Kickstarter until october, 1st.