J’ai toujours eu une certaine fascination pour les jeux minimalistes, ceux qui parviennent à créer une forte tension avec peu de règles et peu de matériel. C’est de cet intérêt que sont nés des jeux comme Attila, devenu Licornes, mais aussi Babylone / Soluna, Maracas, et plus récemment de petits jeux de cartes comme 6 Suspects. Et, bien sûr, puisque c’est leur spécialité, j’ai régulièrement essayé de placer plusieurs de ces jeux chez Oink Games, l’éditeur japonais des excellents Deep Sea Adventure ou A Fake Artist Goes to New York. Si le premier jeu que j’ai placé chez Oink, Whale to Look, n’était pas tellement minimaliste, le second, Wriggle Roulette, l’est clairement.
Curieusement, alors que j’ai fait des études plutôt littéraires, les enseignements scolaires dont je me souviens le mieux, et dont je garde le meilleur souvenir, sont ceux de mathématiques. Dans les années soixante-dix, les programmes de maths de première et de terminale faisaient une très large place aux problèmes de probabilité et de dénombrement. Très souvent, ces problèmes très abstraits supposaient que l’on pioche dans un sac contenant des billes blanches et noires. Et, donc, me suis-je dit, pourquoi ne pas faire un jeu entièrement construit sur cette idée, un sac duquel les joueurs, à tour de rôle, piochent des billes qui ont une certaine probabilité d’être blanches ou noires, probabilité modifiée à la marge par chaque bille déjà tirée.
Playing the prototype with the Oink team at the Taiwan Boardgame expo.
Mon premier prototype, dont le titre hésitait entre Back to Black et Into the Black, était donc constitué d’un sac contenant des pions blancs et noirs – des pions, parce que les billes, ça a tendance à rouler sur la table. À chaque tour, le sac faisait un tour de la table et chacun des joueurs à son tour piochait, sans les regarder, un certain nombre de billes, ou décidait de ne rien piocher et de s’arrêter là. Bien sûr, c’était un jeu de prise de risque, le but du jeu étant de s’arrêter juste avant qu’un certain nombre de billes noires n’aient été piochées. Des probabilités, donc, mais aussi un peu de pari sur ce que font les autres joueurs.
J’ai apporté ce premier prototype à la Taiwan Boardgame Expo, à l’automne 2024, et y ai fait jouer une partie de l’équipe d’Oink. Ils ont suffisamment apprécié pour que nous y rejouions un mois plus tard en Allemagne, à Essen, avec le reste de l’équipe. Il y avait cependant encore un petit problème avec le décompte des points, un peu trop tarabiscoté pour ce type de jeu. C’est Jun Sasaki qui a eu l’idée de simplifier encore le système de score, fen faisant un vrai jeu minimaliste. On a signé le contrat et, comme toujours avec Oink, tout est allé très vite, puisqu’il se sera écoulé huit mois entre la présentation du prototype à Taipei et la sortie du jeu pour le Tokyo Games Market.
Je pensais que ce jeu allait rester abstrait, noir et blanc, et ai été assez surpris lorsque j’ai découvert le thème choisi par l’équipe japonaise, la pêche aux anguilles, et les couleurs noir et rouge, mais pourquoi pas. Il s’agit maintenant de pêcher le plus possible d’anguilles, noires, en évitant de rapporte des vipères, rouges. Baleine, anguilles, il semble décidément qu’il y ait une thématique à mes jeux japonais !
Wriggle Roulette – ウナギかエビか Un jeu de Bruno faidutti et Jun Sasaki 2 à 8 joueurs – 20 minutes Publié par Oink Games Boardgamegeek
I’ve always had a fascination for minimalistic games, games which manage to generate a real tension with few rules and few components. This is why and how I designed games such as Attila, now republished in Poland as Unicorns, but also Baylon / Soluna, Maracas and, more recently, card games like 6 Suspects. Of course, since it is what they do best, I regularly try to pitch these games to Oink, the Japanese publisher of the outstanding Deep Sea Adventure and A Fake Artist Goes to New York. In the end, the first game of mine published by Oink, Whale to Look, was not that minimalist, but the second one, Wriggle Roulette, clearly is.
Playing the prototype with the Oink team at the Taiwan Boardgame expo.
Surprisingly for someone who ended making mostly literary and social science studies, the school lectures I most enjoyed and best remember were those of mathematics. In France in the seventies, the high school math curricula were heavy on probability and combinatorics. Many of the examples and problems we had at school involved drawing from a bag containing white and black marbles. So, I thought, why not a game entirely based on this, with just a bag from which players, on turn, draw white or black marbles, the probability of drawing one or the other being slightly modified with every new marble drawn.
My first prototype, called sometimes Back to Black, sometimes Into the Black, was just that, a bag and black and white tokens – tokens because marbles tend to roll on the table and disappear under furniture. Every round, every player would either draw some tokens from the bag or just stop and leave the game. Since the goal was to stop just before a certain number of black tokens were drawn, this was a game of probability, of risk taking, but also of double guessing.
I brought this new prototype in Fall 2024 at the Taiwan Boardgame Expo, and played it with some of the Oink team. They liked enough to ask me to play it again one month later, in Essen, with the rest of the team. There was still, however, an issue with the scoring system, slightly too convoluted for that type of game. The final scoring system, which makes this game truly minimalistic, was Jun Sasaki’s idea. Then we signed the contract and, like always with Oink, things went very fast, since there has been only eight months between my first demo of the game in Taipei and its publication at the Tokyo Game Market.
I thought the game would stay in black and white, and was a bit surprised when I discovered the setting – fishing eels in the mud – and the colors – red and black – chosen by the Japanese team. It is now about fishing the most black eels, the best ones, without drawing nasty red vipers. Whale, eels, there seems to be something fishy with my Japanese games !
Wriggle Roulette – ウナギかエビか A game by Bruno Faidutti & Jun Sasaki 2 to 8 players – 20 minutes Published by Oink Games Boardgamegeek
Je ne suis, en principe, pas trop fan des jeux de Roll and Write, ni d’aucun type de jeu où les joueurs jouent chacun dans son coin, cherchant juste à obtenir un meilleur score que les adversaires. Je préfère qu’ils interagissent, que ce soit pour s’affronter ou pour coopérer. J’aime beaucoup, en revanche, les jeux de lettres, même s’ils ont un peu moins à la mode ces dernières années.
Il y a quand même un jeu de Roll & Write que je sors assez régulièrement, le plus simple et peut-être le plus ancien, High Score / Wurfel Bingo de Heinz Wuppen, dont j’ai même acheté plusieurs boites pour pouvoir jouer nombreux. Un jour, je me suis dit que ce jeu pourrait très bien fonctionner avec, à la place des lancers de dés et des combinaisons de poker, des cartes lettres et des mots de cinq lettres. Voilà, À la lettre, que j’avais alors baptisé Scrumble, était né.
J’ai présenté le jeu à pas mal d’éditeurs, et tous m’ont répondu, à raison d’ailleurs, que les jeux de lettres ne se vendaient plus. Depuis, il y a eu le succès mondial de Wordle, auquel je continue à jouer quasiment tous les jours, donc ça va peut-être revenir. Quoi qu’il en soit, mes voisins de Don’t Panic Games, le seul éditeur auquel je peux rendre visite à pied, ont finalement décidé de publier mon jeu. Ça a trainé un peu, six ans entre le contrat et la sortie du jeu, mais ils ont fait un superbe travail graphique et ont ajouté quelques petits mécanismes amusants.
Le jeu arrive. Les règles sont des plus simples, les joueurs doivent placer une à une sur leur grille de 5 x 5 les lettres piochées, cherchant à faire le plus de mots de 5 lettres possible. Quelques cases à cocher permettent de refuser une carte, d’inverser des lettres, de noircir une case, mais tout cela reste très simple. Bien sûr, la répartition des lettres est adaptée à la langue française, et le jeu n’est pour l’instant pas jouable dans une autre langue. Si des éditions dans d’autres langues sortent un jour, il faudra peut-être aussi redessiner la boîte, une belle boîte à lettres jaune des PTT, façon années soixante-dix, avec dans un coin un joli facteur avec sa casquette bleue. Dans les coins où les boîtes sont rouges et les facteurs verts, ou l’inverse, ça risque de faire bizarre, ou très frenchy.
Couleur des boîtes aux lettres dans le monde.
Et une chouette variante à laquelle je n’ai pensé que trop tard, pour 2 à 5 joueurs : Chaque joueur a une main se sept cartes. Chacun à son tour joue une carte de sa main, que tout le monde doit mettre dans sa grille, puis pioche une carte.
À la lettre! Un jeu de Bruno Faidutti Illustré par Frank Ferrandis 2 à 99 joueurs – 30 minutes Publié par Don’t Panic Games Boardgamegeek
I’m not a fan of Roll and Write games, nor of any type of multiplayer solitaire games in which every player tries to maximize their score on their own small sheet of paper. I prefer games in which players interact, either to fight or cooperate. On the other hand, I really enjoy letter and word games, even when they have been less popular for two or three decades.
There is still a roll and write game I regularly play and enjoy, probably the oldest and simplest one, Heinz Wuppen’s High Score / Wurfel Bingo. I even got several copies to play with many players. And one day, I thought that this game could well work with letter cards and five letter words instead of dice and poker combos. This is how À la Lettre, which was then called Scrumble, came to be.
I showed the game to many publishers, who usually answered, rightfully, that letter and word games did not sell. Then came the world Wordle craze, so things might change – and I still play Wordle almost every day. Anyway, my neighbors at Don’t Panic, the only publisher I can visit by foot, finally decided to make it. It took some time, six years between the contracts and the publication, but they did a great graphic work and added a few fun small mechanisms.
The game is here. The rules are extremely simple, players must place the drawn letters in their 5 x 5 grid, trying to make as many 5 letter words as possible. A few check boxes allow you decline a letter, to swap letters, to blacken a space, but it stays extremely simple. Of course, the letter distribution is designed for French, and the game cannot so far be played in any other language. I hope there will be editions in other languages, but they might require a different box art. The original has a typical seventies yellow French letter box, with a postman in a blue uniform. In countries where letter boxes are red and postmen green, or the reverse, this might look strange, or very French. Anyway, if you are interested in making this game in any other language, just contact my friends at Don’t Panic Games.
Letter box colors in the world.
A nice 2 to 5 players variant, but I got the idea too late, when the game was already published: Each player has a hand of 7 cards. Each player on turn plays a card, which everyone must add to their grid, then draws a card from the deck.
À la lettre! A game by Bruno Faidutti Art by Frank Ferrandis 2 to 99 players – 30 minutes Published by Don’t Panic Games Boardgamegeek
Ceux qui me connaissent un peu, ou suivent mon actualité sur ce site web, savent que j’ai été déçu par la sortie de Dreadful Circus. L’éditeur avait en effet non seulement changé le thème du projet que je lui avais confié, ce qui pouvait se comprendre, mais aussi et surtout profondément modifié le système de score et la plupart des équilibres du jeu. Je ne me reconnaissais plus dans le jeu publié. L’équipe de Portal étant composée de gens sympathiques, que je connais depuis fort longtemps et avec lesquels je n’avais pas envie de me fâcher, nous avons discuté calmement pour trouver une solution. Ils avaient des torts, puisque ce sont eux qui ont fait tous ces changements sans les discuter préalablement avec moi, mais aussi des excuses, notamment la période du Covid qui avait rendu les tests difficiles. J’avais des torts, n’ayant pas été aussi vigilant que j’aurais dû et n’étant pas intervenu à temps pour reprendre en main le développement du jeu. Bref, nous nous sommes mis d’accord pour que je récupère les droits au 1er janvier 2023, et j’ai rapidement commencé à chercher un nouvel éditeur pour mon « jeu des coffres ». Un peu échaudé par l’expérience de Dreadful Circus, je ne cherchais plus un gros éditeur, mais plutôt quelqu’un qui accepte de publier le jeu tel que je l’avais imaginé et développé – et aucun de mes jeux n’a été autant testé, modifié, bricolé avec soin que celui-ci, que je considère comme mon chef d’œuvre – au sens propre du terme, pas nécessairement le meilleur, mais celui dans lequelon retrouve tout mon style et ma technique.
Une partie du prototype dans mon ancien appartement de la rue de Belleville. Au centre, côté mur, Camille, avec qui j’ai fait Trollfest, et plus récemment Trollympics, qui sort également chez Trick or Treat.
Trollfest, conçu avec Camille Mathieu, venait de sortir. Le travail avec la petite équipe de l’éditeur américain avait été très agréable, et j’étais particulièrement content du résultat final. Trick or Treat a donc été l’un des premiers auxquels j’ai de nouveau proposé de publier mon jeu des coffres, et je suis extrêmement heureux qu’ils aient accepté, même si je sais fort bien qu’ils en vendront moins que de gros éditeurs mieux installés. Tout s’est passé comme pour Trollfest, avec un forum en ligne auquel participaient toutes les personnes impliquées dans l’édition, auteur compris, et je pense vraiment que c’est la formule, simple, souple et efficace, que devraient utiliser tous les éditeurs.
Mécanisme, matériel, thème
On demande souvent aux auteurs de jeu s’ils partent habituellement d’un thème ou d’un mécanisme. Je réponds généralement que cela dépend, et qu’il arrive aussi que le déclic initial soit un élément ou une contrainte matérielle. Pour le trésor des nains, le points de départ est le mécanisme des enchères. En 2017, j’avais commencé à travailler, avec Eric Lang, sur un gros jeu de plateau dans lequel des magiciens répondaient aux appels d’offre des autres joueurs en faisant des propositions sous forme de cartes insérées dans une petite enveloppe. Le jeu était intéressant, mais beaucoup trop long et lent. Nous l’avons abandonné, mais j’avais gardé en tête l’idée des offres secrètes présentées dans des enveloppes.
Un des premiers prototypes de Wizardopolis
Un peu plus tard, en 2018 ou 2019, j’avais acheté au BHV un lot de boîtes en papier mâché, de diverses tailles et formats. Elles sont longtemps restées sur mon bureau, et m’ont inspiré quelques idées de jeux – dont Maracas, publié chez Blue Orange.. Repensant au système d’enveloppes de Wizardopolis, je me suis alors dit que des boites pourraient être plus pratiques à manipuler, à condition d’y mettre des jetons et non des cartes.
Des jetons, c’est à dire des pièces d’or, peut-être des gemmes ou divers objets. Qui imagine-t-on conserver son trésor dans des coffres? Des dragons, à la rigueur, mais surtout des nains. Ce n’est pas le thème le plus original qui soit, je l’ai déjà exploité dans Le Roi des Nains, mais il colle parfaitement aux mécanismes du jeu. J’ai vaguement essayé de trouver autre chose, mais toutes mes idées, et celles de mes amis joueurs, étaient finalement moins amusantes et moins cohérentes. Mieux vaut être efficace qu’original. L’ordre d’apparition des trois éléments constitutifs du jeu est donc ici le mécanisme, le matériel, et finalement le thème. Tout n’a ensuite été que réglages, même si ces réglages ont pris des années.
Comme vous pouvez le voir sur les photos, il n’y avait pas d’écran dans mon prototype; chaque joueur y avait deux boîtes, une plus grosse, le coffre, et une plus petite, la boîte. C’est plus pratique et thématiquement plus cohérent, mais les boîtes, comme tous les éléments de jeu un peu originaux, coûtent cher, et elles ont donc été remplacées par des écrans dans le jeu édité. Je ne serais pas étonné d’apprendre que les auteurs de Time Capsule, que j’ai vu tourner l’an dernier aux rencontres ludopathiques et que je compte bien me procurer un de ces jours, sont aussi partis des mêmes petites boites.
Une partie à Etourvy.
Bluff, enchères et combos
Je suis, me suis-je laissé dire, l’un des auteurs de jeux dont le style particulier se reconnaît le plus aisément. Alors que les ordinateurs de plus en plus puissants et malins ouvrent au jeu des voies nouvelles et inattendues, je m’efforce de concevoir des jeux permettant encore de rassembler des joueurs nombreux autour d’une table avec quelques bières. Ces jeux auxquels il ne serait pas vraiment possible de jouer en ligne sont parfois des jeux où l’on rit de bon cœur, parfois des jeux où l’on regarde ses adversaires en silence, les yeux dans les yeux. Les meilleurs, ou en tout cas ceux que je préfère, sont les deux à la fois, drôles et tendus. Ceux qui apprécient mon style ne seront donc pas déroutés par ce Trésor des Nains, un jeu d’enchères, de bluff et de combinaisons simple et fourbe, qui fonctionne avec la même efficacité de 3 à 8 joueurs – bon, disons de 4 à 8, c’est peut-être un peu moins bien à 3.
En résumé, les nains ne sont pas des héros, mais des gens calculateurs qui savent fort bien la valeur de l’argent ; certains, plein de roublardise et de rouerie, sont peu recommandables, alors que d’autres sont tout à fait dignes d’estime, pourvu qu’on ne leur en demande pas trop.
J.R.R. Tolkien, Le Hobbit
Treasure of the Dwarves est un jeu d’enchères, avec un mécanisme original. À chaque tour de jeu, un ou deux joueurs mettent chacun une carte en vente. Chacun doit faire une offre pour l’une des cartes proposées, en mettant un certain nombre de pièces ou de gemmes dans un petit coffre. Treasure of the Dwarves est un jeu de bluff. Le vendeur regarde le contenu des coffres dans l’ordre de son choix, mais ne peut revenir sur une offre qu’il a déjà refusée. Ce serait en effert contraire aux très rigides règles de politesse naine, qui sont à peu près aussi strictes que les japonaises – et nul n’a envie de se faire hara-kiri avec une hache de bataille. Un nain plus malin que les autres, et tous les nains sont assez malins, peut parfois s’en sortir en faisant une offre médiocre et en espérant qu’elle sera consultée en dernier, quand le vendeur n’aura plus le choix qu’entre cela et rien. Treasure of the Dwarves est un jeu de combinaison, dans lequel chacun accumule des ressources, en gemmes, en métal et en cartes et construit ses propres conditions de victoire au fil de la partie, un peu comme dans un jeu que j’aime beaucoup, Fantasy Realms. Treasure of the Dwarves est très interactif, voire carrément méchant, les opportunités de manipuler les adversaires, voire de saboter leurs trésors adverses ne manquant pas. Treasure of the Dwarves est donc un jeu tout à la fois tactique, quand on essaie de miser juste ce qu’il faut pour avoir les bonnes cartes et coincer ses adversaires, et stratégique quand on prépare son scoring final.
Il n’y a, je crois, aucune création dans laquelle je me sois personnellement autant investi que dans Treasure of the Dwarves, et aucune qui soit aussi représentative de mon style, de mon idée du jeu de société. En cinq ans de développement, j’ai fait des centaines de parties avec des dizaines de testeurs, équilibrant soigneusement les effets des cartes et les points rapportés par les gemmes, les pièces et les cartes. Plusieurs testeurs y ont apporté leur grain de sel, notamment Vincent Pessel, très fort pour repérer les petits déséquilibres, et Croc, qui a eu l’idée des deux enchères simultanées, permettant d’accélérer les parties avec des joueurs nombreux. Si l’on exclut les jeux d’ambiance, il y a peu de jeux de société qui, comme le trésor des nains, tournent vraiment bien jusqu’à 8 joueurs, sans temps mort pour aucun des joueurs..
“Je pensais que les nains aimaient l’or,” dit Angua. “Ils disent ça pour l’attirer dans leur lit.”
Terry Pratchett, Pieds d’argile.
Les illustrations
Deux artistes, Roland MacDonald et Donald Crank, ont contribué aux illustrations de Treasure of the Dwarves. L’illustration de couverture, qui aurait pu illustrer un roman de Tolkien, donne de la société naine une image très classique. Les objets magiques, sans doute très anciens, laissent en revanche deviner une lointaine et inattendue influence culturelle des hommes lézards vivant près des fleuves et lacs souterrains. L’un des nains sur les boites a même un peu l’air d’un étranger qui n’est pas de chez nous. Après tout, que savons nous réellement des origines du monde nain ? Dans les traditions germaniques, les nains vivent sous des montagnes creuses, mais sont aussi des créatures associées aux lacs et rivières.
Nains et objets magiques
Treasure of the Dwarves n’a pas pour thème la mythologie. Pendant quelques temps, pourtant, j’ai joué avec l’idée de donner à quelques artefacts des noms tirée des mythologies nordique et germanique, dans lesquelles les nains sont des créatures souterraines petites mais puissantes, spécialisées dans la fabrication et la garde de trésors magiques. Sur l’histoire de ces traditions, je recommande le livre de Claude Lecouteux, Les nains et les elfes au Moyen Âge, même s’il est parfois un peu daté, ainsi que, dans un contexte très britannique, celui de Francis Young, Twilight of the Godlings.
Si j’ai assez vite abandonné l’idée de références mythologiques ou littéraires précises, c’est d’une part parce que cela aurait donné à ce jeu une apparence de sérieux qui ne me semble pas conforme à son esprit, et d’autre part parce qu’il m’a semblé plus important que tous les noms des objets suggèrent, d’une manière ou d’une autre, leur effet.
L’Edda en prose, écrit au début du XIIIe siècle, conte comment le dieu Loki coupa et vola la magnifique chevelure dorée de Sif, l’épouse de Thor. Thor, en colère, exigea de Loki qu’il les lui rende, ce qui n’était possible qu’en faisant appel aux forgerons nains, dans leur antre souterrain de Svartheim. Loki s’adressa d’abord aux trois frères, fils du grand forgeron nain Ivaldi. Ils firent une chevelure d’or fin pour Sif, mais ne s’arrêtèrent pas là. Ils forgèrent ensuite Gungnir, une lance que rien ne peut bloquer, puis Skíðblaðnir, un navire pliable que son propriétaire peut ranger dans sa poche, ce qui est bien pratique en voyage. Loki s’en vont ensuite voir deux autres artisans nains, Brokkr et Eitri, qu’il mit au défi de réaliser pour les dieux de plus beaux objets encore. Ils relevèrent le défi et fabriquèrent trois autres objets, Gullin-börsti, un sanglier de métal qui brille dans l’obscurité, Draupnir, un anneau ou bracelet qui se copie lui-même tous les neuf jours, et enfin Mjöllnir, un marteau au manche malheureusement trop court (encore la faute à Loki, mais ce serait long à expliquer) qui brise tout ce qu’il touche. Les dieux jugèrent que Loki avait perdu son pari, Frey conserva le sanglier et le bateau, Odin prit l’épée et l’anneau, et Thor, comme chacun sait, le marteau. Bien sûr, Loki trouva un moyen de s’en sortir et de continuer à jouer aux dieux des tours pendables.
Illustration d’Arthur Rackham pour Le chant des Nibelungen, 1910
D’autres passages de l’Edda content comment les nains créèrent Gleipnir, la laisse souple comme la soie et solide comme l’acier qui retient le féroce loup Fenrir. Gleipnir est faite du bruit de pas d’un chat, de la barbe d’une femme, des racines d’une montagne, des tendons d’un ours, du souffle d’un poisson et du crachat d’un oiseau. Ce sont aussi les artisans nains qui forgèrent Huliðshjálmr, le heaume d’invisibilité, Thrymgyöll, la grille fermant les enfers, Brisingamen, le torque d’or de Freya, ainsi que Járngreipr, les gants d’acier que doit utiliser Thor pour brandir son marteau au manche trop court. L’Edda poétique conte comment les nains Dvalinn et Durinn forgèrent l’épée à la garde d’or Tyrfing, qui ne ne rouille pas, ne manque jamais son but et tranche la pierre et le métal aussi aisément que la toile mais qui, une fois sortie de son fourreau, ne peut y être rangée avant qu’elle n’ait tué un homme et causé trois grands malheurs. Il en va de même d’une autre épée naine, Dáinsleif, l’épée du roi Högni, qui fut dégainée au moins une fois, après l’enlèvement de sa fille.
Alberich vole l’or du Rhin. Carte à collectionner allemande, 1905.
Le chant germanique des Nibelungen, écrit quelques décennies plus tard, est un peu la continuation de cette histoire, avec un peu moins de dieux et d’objets magiques, mais avec un dragon, Fafnir, qui sera tué par Sigfried d’un coup de l’épée magique Gram, ou Nothung, ou Balmung, forgée ou au moins reforgée par les nains. Les Nibelung, premiers propriétaires du trésor du Rhin, sont souvent décrits comme des nains, et le trésor est ensuite gardé par le nain Alberich. Parmi les objets du trésor se trouvent aussi une cape d’invisibilité que Sigfried utilise pour remplacer le mari Günther lors de la nuit de noces de Bünnhild, et une baguette magique qui donne rien de moins que le pouvoir absolu sur toutes choses mais ne semble curieusement intéresser personne. Dans les versions postérieures, jusqu’au Ring der Nibelungen de Richard Wagner, ces objets deviennent Tarnhelm, le heaume de métamorphose, et bien sûr l’anneau éponyme, porteur de grand pouvoir et d’une terrible malédiction.
C’est bien sûr ce qui inspira J.R.R. Tolkien. Dans le Hobbit et Le seigneur des anneaux, les nains n’ont pas créé les anneaux, mais ils ont forgé bien d’autres puissants artefacts comme Narsil, l’épée d’Elendil, le Heaume du dragon de Dor-lòmin, etmême la tunique de Mithril offerte à Bilbo. Ils ne sont pas seulement forgerons, puisqu’ils sont aussi les créateurs de l’Arkenstone qui brille dans l’obscurité, ou des instruments de musique joués par Thorin et ses compagnons après la prise d’Erebor. Dans le Silmarillion, l’un des trois silmarils est enchassé dans Nauglàmir, le bracelet des nains.
L’idée que les nains n’ont pas recours à la magie, voire en ignorent tout, est devenue assez populaire dans les univers des jeux de rôles de Fantasy. Elle provient d’un contresens littéraire et historique. Dans la mythologie, et même dans l’œuvre de Tolkien, si les nains sont assez imperméables à la magie, c’est parce qu’ils sont eux-mêmes des créatures magiques. L’opposition entre une magie elfique proche de la nature et faite de sortilèges et une magie naine « incarnée » dans des objets est aussi une idée très récente – les textes les plus anciens ne distinguent même pas très clairement les nains des elfes.
Les nains forgeaient au soir pour le héros futur. L’enclume sous leurs coups sonnait dans la clairière, Et l’étincelle chue au choc du marteau dur Posait son escarboucle aux tentures de lierre.
Les nains forgeaient, avec l’épée aux quillons d’or, La targe d’airain noir où s’acharnait la guivre, Le casque où le griffon tentait un vain essor Et le cor triomphal ouvert en fleur de cuivre.
Les Kobolds martelaient et les licornes blanches Éblouissant la nuit de soudaines clartés, De leur corne trouaient le rideau vert des branches Et frissonnaient au bruit des marteaux enchantés.
Mais quand les nains sentant se clore leur attente Haussèrent vers le ciel le fer qui resplendit Les licornes vers eux hennirent d’épouvante. Et lointain, dans la brume, un cheval répondit.
— Léon Vérane, Les licornes, 1911
Si les nains des traditions nordiques et germaniques sont, au send étymologique du terme, autochtones, ceux de Tolkien, les 12 nains à la recherche de leur royaume perdu, sont aussi un peu juifs. Du coup, j’aurais pu ajouter l’Arche d’Alliance et quelques autres trucs, mais là, ça aurait commencé à devenir n’importe quoi….
Introduire tout ou partie de ces allusions mythologiques et littéraires dans ce jeu, avec bien sûr une certaine légèreté, aurait pu être une occasion d’affirmer que si les références culturelles ne peuvent certes pas être ignorées, elles ne doivent pas pour autant être toujours prises au sérieux. Malheureusement, les merveilleuses propriétés de ces « authentiques » objets magiques ne collaient généralement pas avec les mécanismes du jeu. Les références seraient en outre passé à côté des joueurs qui, dans leur quasi totalité, ne connaissent pas plus ces objets que je ne les connaissais avant de commencer à travailler sur ce jeu. J’ai jugé plus important de donner aux cartes des noms qui rappellent leurs effets que de faire quelques références érudites. En outre, dans la plupart de ces histoires, si les artefacts magiques sont forgés ou frappés par les nains, ils passent rapidement dans le monde des dieux ou des hommes. Il n’empêche qu’un jeu avec des nains et des trésors magiques, c’est toujours un peu un jeu sur les Eddas, sur les Nibelung, sur Tolkien, sur le bon vieux D&D, et il vaut toujours mieux mélanger un peu tout ça, comme l’a excellemment fait, en littérature, Terry Pratchett.
La langue naine a plus de mille mots pour “or”, mais en cas d’urgence, comme lorsqu’ils voient de l’or qui ne lui appartient pas, un nain peut utiliser n’importe lequel d’entre eux.
Terry Pratchett, Soul Music.
Il y a quand même un Graal, parce que si personne ne sait ce qu’est le Graal, tout le monde en a entendu parler, et une référence un peu plus obscure, l’œil de Zoltar. Cet artefact a été ajouté au jeu lors des derniers tests. Son effet étant similaire a celui de l’œil multicolore (Colored Eye), je voulais en faire aussi un œil. Cela aurait bien sûr pu être l’œil d’Odin, mais c’était un peu prétentieux. J’ai donc opté pour l’œil de Zoltar, titre d’un délicieux petit roman fantastique de Jasper Fforde. Je venais de lire le livre suivant, la grande guerre des trolls, et n’ai pas pu résister à faire un peu de pub à l’excellente série de la dernière tueuse de dragons. Ce qui peut sembler au premier abord n’être qu’une autre série de fantasy pour adolescentes est bien plus que cela, une suite de bouquins terriblement drôles et intelligents.
Des nains et des dragons
Si les dragons sont présents dans nombre de mes jeux, à commencer par L’or des Dragons, Les pierres des dragons, et plus récemment Dragons, c’est bien sûr parce que je m’inspire de l’univers médiéval fantastique générique dans lequel j’ai pas mal baigné et que je continue à apprécier. Je ne pouvais pas vraiment mettre de dragons dans Le trésor des nains, où il n’y a jamais vraiment de combat, mais il est bien évident que nombre des gemmes, des pièces et des objets brillants ou magiques que s‘échangent les nains ont appartenu à un moment ou à un autre à un dragon. Il y a donc des écailles de dragon, et même une dent de dragon, reliques auxquelles les nains attachent d’autant plus d’importance que la tradition dit que le premier dragon, Fafnir, était originellement un nain, que la peur et l’avarice ont peu à peu transformé en monstre .
Un magnifique rubis gros comme l’œuf d’une oie. Il appartenait à un magicien pour qui j’ai une grande admiration. Vous pouvez retrouver…. l’œil de Zoltar.
Jasper Fforde, L’Œil de Zoltar.
Les joyaux de la couronne
Bien loin des forêts germaines ou nordiques, les nains ont bien failli partir au Japon pour les regalia. Ayant décidé, pour des raisons d’équilibre du jeu, que trois ou quatre cartes représenteraient les joyaux de la couronne du roi sous la montagne, il fallait choisir quels seraient ces joyaux. Pour un français, et je pense pour tous les occidentaux, les joyaux auxquels on pense d’abord sont ceux de la couronne britannique, de loin la plus médiatisée. Leur liste est assez fluctuante, et ils sont de toute façon trop nombreux. Restaient deux sets officiels de trois joyaux. Ceux de l’empereur du Japon, qui n’ont jamais été montrés au public, sont un miroir, une épée et une courbe et mystérieuse pièce de jade. Ceux de l’empereur d’Autriche, visibles au Schatzkammer Museum de Vienne, sont une couronne, une orbe et un sceptre.
J’ai d’abord pensé mettre un miroir, une épée et un morceau de jade, parce que je suis toujours partisan, pour des raisons autant esthétiques que politiques, de mélanger les cultures de la manière la plus ironique et désordonnée possible. Le problème était le miroir, sans doute le plus connu de ces joyaux, car ill était évident que seule une carte copiant les effets d’une autre pouvait être appelée ainsi. J’ai donc choisi de m’inspirer plutôt des joyaux austro-hongrois, peut-être moins connus, que j’avais découverts en écrivant ma thèse sur les licornes – le manche du sceptre impérial, en effet, est en corne de licorne. Et puis l’Autriche est dans le monde germanique, les Nibelungen, tout ça, donc ça passe mieux, tant pis pour les mélanges et l’ironie.
Toujours plus loin
Il y a une trentaine d’années, j’essayais systématiquement, le plus souvent sans succès, de convaincre les éditeurs d’inclure dans mes jeux quelques cartes vierges sur lesquelles les joueurs pourraient laisser dériver leur imagination. Après tout, c’est comme cela, en imaginant cartes et pouvoirs pour Rencontre Cosmique, que j’ai pris goût à la création ludique. Je n’insiste plus aujourd’hui, car si l’on apprécie et pratique un jeu suffisamment pour vouloir y ajouter des éléments, on l’apprécie et pratique aussi assez pour utiliser des sleeves, ces pochettes protectrices pour cartes à jouer, dont il existe des versions à dos opaque permettant de personnaliser n’importe quel jeu. C’est ainsi que j’ai récemment ajouté une quinzaine de cartes de mon cru à ma boite de Vale of Eternity. Quoi qu’il en soit, le Trésor des Nains se prête assez facilement à ce petit jeu, et vous pouvez m’envoyer vos meilleures idées. Prenez garde cependant à ne pas trop déséquilibrer le jeu. Certaines cartes peuvent bien sûr être meilleures que d’autres, c’est ce qui fait le sel des enchères, mais pas trop, ou pas tout le temps, ou pas pour tout le monde. Surtout, prenez soin de préserver l’équilibre global entre les trois manières de marquer des points, les pièces, les gemmes et les cartes.
Avec l’équipe de Trick or Treat Games à la GAMA 2025, pour la sortie de Treasure of the Dwarves et Trollympics.
Treasure of the Dwarves Un jeu de Bruno Faidutti Illustré par Roland MacDonald & Donald Crank 3 à 8 joueurs – 45 minutes Publié par Trick or Treat Studios Parution début 2025
From one publisher to another
Those who know me a bit, and follow this blog, know that I’ve been disappointed with a recent game of mine Dreadful Circus. The publisher changed the setting of the game, something I can understand, but also and more critically modified most of the scoring systems and the game balance. I didn’t like the result. I really like Portal, I know Merry and Ignacy for quite long, and I didn’t want to fall out with them. We discussed calmly and friendly to find a solution. They had wrongs, since they did all these groundless changes, but they also had excuses, especially the Covid period which made playtesting difficult. I had wrongs, since I was not careful enough and didn’t jump in in time to take the development back in hand. Anyway, we agreed that I would get the rights on the game back at the end of 2022, and I started to look for another publisher for my “dwarven chest game”. Having been frustrated by the Dreadful Circus experience, I didn’t look for a big publisher but rather for someone who would agree at once to publish my game as I had designed it. None of my games has been tested, fine-tuned, tinkered with more than this one, and I hold it to be my masterwork – in the original sense, not necessarily the best one but certainly the one in which I have invested all my style and experience.
Playing the prototype in my new apartment, rue de la Villette.
Trollfest, designed with Camille Mathieu, was just out. I had really enjoyed working with the small team at Trick or Treat Games and was really pleased with the result. Trick or Treat was one of the first companies I submitted this game to, and I am extremely pleased they liked it and wanted to do it, even when I know quite well they will probably sell less than big and installed publishers. Like with Trollfest, we worked through an online forum where most of the people involved in the publication took part, including the designer, and I know think this is the simple, flexible and efficient process most publishers should use.
Mechanism, components, setting
Game designers are regularly asked if their designs usually start from a setting or from a mechanism idea. I usually answer that it depends, and that the initial spark can also be a component. The Treasure of the Dwarves started from a mechanism idea, the “no coming back” auction system. In 2017, I had started working, with Eric Lang, on a relatively heavy boardgame in which magicians were answering to other players’ adjudications with sets of cards placed in a small envelope. The game was challenging, but far too long and too slow. We gave up, but I had kept in mind the idea of secret offers presented in envelopes.
Wizardopolis prototype
Later, in 2018 or 2019, I bought a set of papier mâché boxes of various shapes and sizes in a Parisian department store, thinking I might use them in future prototypes. They stayed on my desk for quite long, and inspired a few games, including Maracas, later published by Blue Orange. Remembering the Wizardopolis envelope auction system, I thought that small boxes might be easier to manipulate, but could only contain tokens, no cards.
Tokens, of course, meant coins, may be gems and various items. Who is known to keep coins, gems and other treasures in chests ? Dragons, may be, but most of all dwarves. It’s nothing new but it fits the systems. I tried to find something more original, but all of my and my playtester friends’ ideas were either less fun or less consistent, and often both. Better efficiency than originality at all cost In this case, the order of appearance was mechanism, component, and finally setting. Then it was only design and fine tuning, but it lasted for years.
As you can see on the pictures, there were no screens in my prototypes. Each player has two boxes, a big one, the chest, and a smaller one, the box. It is more convenient, and thematically more consistent. Unfortunately boxes, like any unusual component, are relatively expensive. That’s why the bigger chests have been replaced by screens in the published game. I’ve seen a copy of Time Capsule played last year at my ludopathic gathering, and I would not be surprised to learn that its designers also started from the same kind of tiny boxes. Anyway, I plan to buy and play this game one of these days.
A late prototype in a nice Parisian game café, Le Duchesse.
Bluffing, auctions and combos
I’ve been told that I am one of the boardgame designers whose style is the easiest to spot when playing a new game. While computers create new and sometimes unexpected ways of gaming, I try to design social games, games which still allow to get several people around a wooden table, if possible with a few beers. These games which cannot satisfactorily be played online are either games in which players are laughing at each other, or games in which players are silently looking in each other’s eyes. The best ones, or at least the ones I prefer, are both – fun and tense. If you like my style, you won’t be disappointed with Treasure of the Dwarves, a game of auction, bluffing, combos and deceit which works as well with 3 to 8 players – OK, may be with 4 to 8, it’s less fun but still very tense at 3.
Dwarves are not heroes, but a calculating folk with a great idea of the value of money. Some are tricky and treacherous and pretty bad lots; some are not but are decent enough people , if you don’t expect too much.
J.R.R. Tolkien, The Hobbit
A computer rendering of the final components.
Treasure of the Dwarves is an auction game with an original bidding system. Every round, one or two players auction a magical item card. Each player must make an offer for one of the available cards with putting one or more coin or gem in a small chest. Treasure of the Dwarves is a bluffing game. The seller looks at the content of the chests in any order, but cannot go back to a box they have already seen. It would indeed go against the dwarven etiquette rules, which are even stricter than the Japanese ones, and no one wants to do hara-kiri with a battleaxe. A clever dwarf, and dwarves are usually clever, can sometimes get an item at a good price with a mediocre offer, hoping it will be looked at last. Treasure of the Dwarves is a combo game, in which players accumulate resources in gems, coins and cards, and use cards to build their own scoring systems during the game. This “scoring rules building” feels a bit like in a game I really like, Fantasy Realms. Treasure of the dwarves is a mean and highly interactive, with many opportunities for deceit and take-that. One can both manipulate opponents and sometimes sabotage their treasures. Treasure of the Dwarves is therefore both a tactical and a strategy game. It is tactical when trying to make the right bid for the right card. It is strategic when planning one’s final scoring.
“I thought dwarfs loved gold,” said Angua. “They just say that to get it into bed.”
Terry Pratchett, Feet of Clay.
I don’t think there’s a single boardgame which I have more playtested, developed, fine-tuned than this one. It is certainly the most representative of my design style, my idea of what a boardgame should be. Over five years, I have played it hundreds of times, carefully balancing and rebalancing the scorings for coins, gems and cards. Several playtesters added their grain of salt to it, especially Vincent Pessel, who is very good at spotting small imbalances and rules issues, and Croc, who had the idea of two simultaneous auctions. This is what makes possible to play a fast and fun 8 player game, something relatively rare with non-party games.
The art
Two artists, Roland MacDonald and Donald Crank, have contributed to the art in Treasure of the Dwarves. The cover art, which could have featured in an illustrated edition of Tolkien, gives the traditional image of the dwarven society. The many magic items are more surprising. One can imagine that they are very old, and show traces of the distant cultural influence of some other underground people, may be the lizard men living near the underground lakes and rivers. At least one of the dwarves on the boxes above looks definitely suspicious. After all, what do we really know of the origins of dwarven culture ? In German traditions, dwarves live in hollow mountains, but are also linked with rivers and springs.
Should it rather be Treasure of the Dwarfs ?
No reviewer (that I have seen), although all have carefully used the correct dwarfs themselves, has commented on the fact (which I only became conscious of through reviews) that I use throughout the ‘incorrect’ plural dwarves. I am afraid it is just a piece of private bad grammar, rather shocking in a philologist; but I shall have to go on with it. Perhaps my dwarf – since he and the gnome are only translations into approximate equivalents of creatures with different names and rather different functions in their own world – may be allowed a peculiar plural. The real ‘historical’ plural of dwarf (like teeth of tooth) is dwarrows, anyway: rather a nice word, but a bit too archaic. Still I rather wish I had used the word dwarrow.
Letter from J.R.R. Tolkien, 1938
Dwarves and magical items
Treasure of the Dwarves is not really, or not seriously, about mythology, and the magical items in it have been given names that suggest their in-game abilities. For some time, however, I toyed with the idea of using items from the Norse and German mythologies, in which dwarves are described as small but powerful underground creatures specialized in crafting and guarding magic stuff. The English word dwarf comes from the old Norse dverg. To learn more about the cultural history of these creatures, I recommend Claude Lecouteux’s Hidden History of Elves and Dwarfs, even when its approach is old fashioned, as well as, in a more specifically British context, Francis Young’s recent book, Twilight of the Godlings, in which I’ve found this marvelous explanation, by Sir Walter Scott, of the origins of dwarfs and of their affinities for caves and metals – dwarves are basically Baltic pygmy refugees.
There seems reason to conclude that these duergar [dwarves] were originally nothing else than the diminutive natives of the Lappish, Lettish, and Finnish nations, who, flying before the conquering weapons of the Asae [Asians] , sought the most retired regions of the north, and there endeavoured to hide themselves from their eastern invaders. They were a little diminutive race, but possessed of some skill probably in mining or smelting minerals, with which the country abounds; perhaps also they might, from their acquaintance with the changes of the clouds, or meteorological phenomena, be judges of weather, and so enjoy another title to supernatural skill. At any rate, it has been plausibly supposed, that these poor people, who sought caverns and hiding-places from the persecution of the Asae, were in some respects compensated for inferiority in strength and stature, by the art and power with which the superstition of the enemy invested them. These oppressed, yet dreaded fugitives, obtained, naturally enough, the character of the German spirits called Kobold, from which the English Goblin and the Scottish Bogle, by some inversion and alteration of pronunciation, are evidently derived.
— Sir Walter Scott, Letters on Demonology and Witchcraft,1830
There’s defijnitelty a book waiting to be written about euhemerism gone mad.
I soon abandoned the idea of precise mythological references, of magical artifacts drawn from myths or literature. It would have given to the game a serious feel which didn’t fit with its spirit. Also, and this is probably the most important, I wanted to give to most items names that would refer to their in-game effects, not names which refered vaguely to vaguely known stories.
The prose Edda, written at the beginning of the XIIIth century, tells how Loki cut and stole the wonderful hair of Sif, Thor’s wife. Thor got angry and requested Loki to get them back, which he could only do with the help of the dwarven goldsmith in their underground lair of Svartheim. Loki first went to three dwarf brothers, the sons of the great dwarven smith Ivaldi. They made shining golden hair for Sif, but didn’t stop there. They kept on working and forged Gungnir, a spear that could not be blocked in any, and Skíðblaðnir a ship that could be folded and kept in its owner’s pocket. Loki then went to see two other dwarves craftsmen, Brokkr and Eitri, and bet them his head that they could not make three nicer magical items than those. They took the bet and forged three other items, Gullin-Börsti, a magic golden pig which glows in the dark, Draupnir, a golden ring or armband that copies itself every nine days, and Mjöllnir, a short handle hammer that breaks everything it touches. The gods judged that Loki had lost his bets, and Frey kept the pig and the ship, Odin kept the sword and the ring, and Thor, as everyone knows, took the hammer. Of course, Loki found a way out of this so that he could keep playing nasty tricks to fellow gods.
Art by Arthur Rackham for The Ring of the Nibelung, 1910.
Other stories in the Edda tell that the dwarves created Gleipnir, the leash, soft as silk and solid as iron, who was used to hold the mighty wolf Fenris. Gleipnir is made from the sound of a cat’s footfall, the beard of a woman, the roots of a mountain, the sinews of a bear, the breath of a fish and the spittle of a bird. The dwarves also forged Huliðshjálmr, the helmet of invisibility, Thrymgyöll, the iron gate of the underworlld, Brisingamen, Freya’s amber torque, as well as Járngreipr, the iron gloves that Thor needs to wield Mjölnir, due to its too short handle – one more of Loki’s nasty tricks.The poetic Edda tells how the two dwarves Dvalinn and Durinn forged the golden hilt sword Tyrfing. It never misses, never rust and cuts through stone and iron as easily as through cloth, but once taken out of its sheath, it cannot be put back until it has killed a man and caused three great evils. The same is true of another dwarven sword, Dáinsleif, which has been offered to King Hörni and drawn at least once, when his daughter had been kidnapped.
The German song of the Nibelung, written a few decades later, is, in some ways, the continuation of this story, with fewer magic stuff but with a dragon, Fafnir. The dragon is killed by Sigfried with a single blow of the magic sword Gram, or Nothung, or Balmung which as been forged, or at least reforged, by dwarves. The Niebelung, the original owners of the Rhine treasure, are often described as dwarves, and the treasure is now guarded by a dwarf, Alberich. Among the items in the treasure are an invisibility cloak, which Siegfried uses to replace her husband Gunther during Brünnhild’s wedding night, and a magic rod which gives absolute power over everything but in which no one seems to be really interested. In later versions, such as Wagners Ring der Nibelungen, these become Tarnhelm, the helmet of shapeshifting, and the eponymous Ring, carrying both great power and a terrible curse.
The Rhine maidens after Alberich and the dwarves have stolen the rhinegold. German collectible card, 1905.
These, of course, inspired J.R.R. Tolkien. In the Hobbit and the Lord of the Rings, dwarves didn’t create the Ring, but they forged other powerful artefacts such as Narsil, the sword of Elendil, the dragon-helm of Dor-lòmin, and the Mithril Shirt which which was offered to Bilbo. They didn’t do only metal, since they also created the Arkenstone which glows in the dark, the magical music instruments played by Thorin and his companions after seizing Erebor. In the Silmarillion, one of the three silmarils is set on the Nauglàmir, the necklace of the dwarves.
The dwarves of yore made mighty spells, While hammers fell like ringing bells In places deep, where dark things sleep, In hollow halls beneath the fells.
On silver necklaces they strung The light of stars, on crowns they hung The dragon-fire, from twisted wire The melody of harps they wrung.
J.R.R Tolkien, The Hobbit
While dwarves from the nordic and germanic legends were, even in the etymological sense, autochtonous, Tolkiens’s ones, the twelve dawrves looking for their lost kingdom, are also somewhat jewish. So I could even have added the Ark of the Covenantand some more, but it would have started to get messy.
The idea that dwarves don’t use magic, or even avoid it, which has become popular in fantasy role-playing games, comes from a literary and historical misinterpretation. In mythology, and even in Tolkien’s books, when dwarves are impervious to magic, it’s because they are very good at it, not because they are inherently non-magical. Opposing an elven magic made of spells and a dwarven magic embodied in objects is also a very recent idea.Ancient texts don‘t even make a clear difference between dwarves and elves.
Adding these mythical and literary references in the game, in a tongue in cheek way, could have been an opportunity to state once more that cultural references are not to be ignored, but also not to be taken too seriously. Unfortunately, the magical properties of these « authentic » items didn’t always fit well with my game mechanisms and, anyway, the references wouldn’t have meant anything for players who didn’t know the items beforehand. I thought more important to give every card a name that could suggest its effect on the game than to add a few erudite winks. Also, in most of these stories, while dwarves forge, cast or mould magical artifacts, they don’t keep or trade them; swords and jewels usually end in the hands of gods, or sometimes of petty humans. Nevertheless, a game about dwarves and treasures is necessarily a bit about the Edda, a bit about the Niebelung, a bit about Tolkien, a bit about good old D&D – and better mix them all, like Terry Pratchett did in literature.
Dwarfs have thousands of words for ‘gold’ but will use any of them in an emergency, such as when they see some gold that doesn’t belong to them. Terry Pratchett, Soul Music.
The two only direct references I made on the cards are the Grail, because while noone knows what the grail is, everyone knows about it, and the Eye of Zoltar. The latter was added during the latest revision of the game, and I wanted to call it an eye because its effect was similar with that of the Colored Eye, and another eye which I finally removed. Of course, I could have named it the Eye of Odin, but it would have felt a bit serious and pretentious. I finally went for the Eye of Zoltar, from Jasper Fforde’s eponymous novel. I had just read The Great Troll War, the next book in the Last Dragonslayer series, and could not resist quoting it. I urge you all to read the whole funny and clever series. Yes, it’s fantasy for teenage girls, a crowded genre, but it’s also much more than that.
A magnificent pink ruby the size of a gooses’e egg. It belonged to a wizard I admire greatly. You may find me… the eye of Zoltar.
Jasper Fforde, The Eye of Zoltar
Dwarves and dragons
There are dragons in several of my games, including of course Dragons Gold, Fist of Dragonstones and, more recently, Dragons. The reason is, of course, that I am often inspired by the generic medieval fantasy setting in which I wallowed as a teenager, and which I still enjoy. I could not bring living dragons in Treasure of the Dwarves, where there is no violent fight, but most if not all of the coins, gems and shining or magical items traded must have belonged to a dragon at some time. They certainly have great value for dwarves, especially since old tales say that the first dragon, Fafnir, was originally a dwarf, gradually changed into an ugly monster by his fear and avarice.
The crown jewels
Far from the Germanic or Nordic forests, the dwarves seriously considered sailing to Japan to get regalia. Having decided, for game balance reasons, that there would be three or four different crown jewels of the King under the mountain, I had to decide what exactly they were. In France, and I think in most western countries, the first regalia we think of are those of the British crown. Unfortunately, the list is vague and there are, anyway, way more than three. This let me with two official sets of three items. Those from the Japanese emperor, which have never been shown to the public, are a sword, a mirror and a curved and mysterious jade stone. Those from the Austrian emperor, which can be seen in Wien in the Schatzkammer Museum, are a crown, an orb and a scepter.
I was first tempted to call my cards mirror, sword and jewel, because I believe, for more political than aesthetic reasons, that we should always try to mix cultural references in the most ironic and messy way possible (or should I write the most ironic and messy possible way?). My Japanese friends would have enjoyed the wink. The problem was the mirror, since it was obvious to me that only a card copying another card’s effect could be called mirror. So I went for the less known austro-hungarian jewels, crown, orb and scepter, which I had discovered when writing my PhD about unicorns – believe it or not, the scepter is made of unicorn horn. And since Austrian is in the Germanic world, it fits better with the Nibelungen and all that stuff, never mind mixing and irony.
Going farther
Thirty years ago, I often, usually in vain, suggested that publishers add a few blank cards in my games, so that players could try and add their own stuff. After all, that’s how I started enjoying game design, with adding alien powers and card effects in Cosmic Encounter. I don’t insist now, because if one likes and plays a game enough to want to add their own card effects, one also likes and plays it enough to buy card sleeves, and there are opaque back ones which allow one to personalize any game.That’s how I recently added a homemade cards to my copy ofVale of Eternity. Anyway, it’s relatively easy to do this with Treasure of the Dwarves, and you can email me your best ideas. Be wary, however, not to break the game’s balance. Some cards can be better than other ones, that’s what makes auctions meaningful, but not too much, or not always, or not for everyone. Be careful also with the global balance between the three main ways to score, coins, gems and cards.
First demos of the final game at Gama 2025.
Treasure of the Dwarves A game by Bruno Faidutti Art Roland MacDonald & Donald Crank 3 to 8 players – 45 minutes Published by Trick or Treat Studios Due in early 2025
Comme la majorité des parisiens, et la quasi-totalité des bobos intellos, j’étais plutôt hostile aux jeux olympiques, dans lesquels je voyais un spectacle coûteux et un peu vulgaire et, surtout, la cause de l’annulation de la quasi totalité des habituels événements culturels estivaux de la capitale – y compris, dans le domaine du jeu, Paris est Ludique. J’en voulais beaucoup à Anne Hidalgo, la compétente et courageuse maire de Paris, de s’être laissée entraîner dans cette galère.
Après coup, même si beaucoup des causes de mes réticences sont toujours là, j’ai un peu changé d’avis. Cela a commencé avec la cérémonie d’ouverture. M’attendant soit à un festival de mièvrerie bien-pensante, soit à des « reconstitutions » historiques lourdingues façon Puy du Fou, je ne l’ai regardée intégralement que quelques jours plus tard, après en avoir vu des extraits intéressants, pour découvrir un spectacle provocant et intelligent, même si, comme l’éternité, c’était un peu long, surtout sur la fin.
J’aurais bien aimé que ce type soit représenté dans notre jeu, mais les illustrations ont été faites avant la cérémonie.
La frontière entre le sport et le jeu de société est extrêmement ténue, et parfois arbitraire Curieusement pourtant, le sport ne m’a jamais vraiment intéressé, ni comme activité, ni comme spectacle. Si certains sports ne sont que de simples et ennuyeuses mesures de performance, où l’on cherche juste à savoir qui court le plus vite ou saute le plus haut, beaucoup, notamment ceux où s’affrontent deux joueurs ou deux équipes, sont structurellement des jeux. Ce qui différencie le sport du jeu de société est bien sûr l’importance de la force physique, mais la tactique, la stratégie, la chance et même le bluff sont loin d’être absents des compétitions sportives. Certaines activités, qui mettent souvent en jeu la dextérité, comme la Pétanque ou même le Mollky, ont un statut ambigu, classés tantôt parmi les sports, tantôt parmi les jeux. Il n’y a pas qu’en français que le même verbe, jouer, est utilisé pour les jeux et pour de nombreux sports, et on parle d’ailleurs des jeux olympiques. Si de nombreux sportifs professionnels sont aussi adeptes des jeux de société, c’est parce que les deux activités répondent à la même angoisse, au même besoin de sortir du réel en se fixant des objectifs totalement arbitraires et dénués de sens.
Une autre différence importante entre sport et jeux de société, et c’est elle qui me gêne un peu, est l’importance donnée à la victoire. Le champion sportif est fêté, peut même recevoir une médaille, devenir célèbre, ce qui rompt le « cercle magique », la séparation stricte d’avec le monde réel qui est au cœur du jeu. Cela peut arriver dans certains jeux, et c’est sans doute la principale raison qui m’a fait renoncer au jeu d’échecs, mais c’est quand même plus rare et moins prégnant. Il y a des tournois de jeux de société mais, dès le lendemain, on a oublié qui a été vainqueur. Il y a des joueurs, des auteurs, des éditeurs de toutes nationalités, mais personne n’y attache trop d’importance. C’est différent dans le sport et, pour les jeux olympiques, j’avais peur que la combinaison de la compétition exacerbée et du spectacle flamboyant amène à une mise en scène un peu obscène des nationalités des athlètes, voire à une sorte d’hystérie nationaliste. C’est viscéral, je n’aime pas les nations.
Ayant pris soin de quitter Paris pendant les jeux, je n’ai donc pas assisté aux épreuves, et ne suis pas allé jusqu’à en regarder à la télévision, mais il me semble que ce piège a été largement évité. Les athlètes vedettes, ceux dont les images tournent en boucle sur les réseaux sociaux, ne sont pas toujours les vainqueurs mais aussi ceux dont l’attitude a semblé particulièrement sympathique, comme ce tireur turc avec la main dans sa poche. Si j’en crois les amis qui ont assisté à une ou deux épreuves, et quelques images vues ici et là, le nationalisme des supporters était aussi très ludique, personne ne prenant ça au sérieux. Les spectateurs maquillés aux couleurs de leurs drapeaux en deviennent même sympathiques, quand ils montrent, voire crient, que l’idée même de nation ne peut et ne doit pas être prise très au sérieux.
Bref, je ne vais pas me mettre à faire de la boxe ou regarder des matchs de foot, mais c’était finalement un beau spectacle. L’intelligence de la cérémonie d’ouverture a aussi finalement fait passer le fait que tant d’autres spectacles culturels ont été annulés l’été dernier.
Au fait, j’ai conçu, avec mon amie Camille Mathieu, un jeu de cartes et de dés sur les jeux olympiques, ou plutôt Trollympiques. L’action de Trollympics se déroule dans le même univers que celle de notre jeu Trollfest, avec des épreuves de rodeo licorne et de lancer de nain. Nous n’avons pensé que trop tard au crowdsurfing synchronisé. Rien de si extraordianire, en fait – saviez-vous que parmi les disciplines représentées aux vrais jeux olympiques ont figuré, à une date ou une autre, le tir aux pigeons vivants, le toilettage de caniches, le tir à la corde, le plan d’urbanisme et la peinture artistique ?
Trollympics avait été imaginé avant Trollfest, mais nous avions d’abord signé avec un éditeur hollandais qui a cessé son activité, nous rendant les droits sur le jeu. Étant très heureux de l’édition de Trollfest, et notamment des splendides dessins de David Hartman, nous avons récupéré les droits, nous avons tout naturellement contacté Trick or Treat games, et tout est allé assez vite – pas assez cependant pour rattraper le retard dû à l’épisode hollandais et sortir au moment des jeux olympiques.
Comme Trollfest, Trollympics est un jeu « poids moyen », ce que l’on appelle parfois un jeu « familial », même si l’on y joue surtout entre amis. Tout comme Trollfest a parfois été décrit comme « les Aventuriers du rail avec de l’humour et de l’interaction », on pourrait décrire Trollympics comme « Seven Wonders avec de l’humour et une brouette de dés ». Une partie se déroule en deux manches, les jeux d’hiver puis ceux d’été. À chaque manche, les joueurs se constituent en « draftant » une écurie d’athlètes qu’ils vont ensuite assigner aux différentes épreuves, qui ne sont pas toujours exactement celles qui étaient prévues. Bien évidemment, un nain sera plus performant dans l’épreuve de coupe de bois, et un elfe dans celle de patinage artistique. Ajoutez à cela quelques cartes pour embêter ses adversaires, voire tricher un peu et corrompre les jurés, et un système de paris, et cela donne un jeu de cartes et de dés rapide et mouvementé.
C’est après avoir terminé cet article que j’ai réalisé que j’aurais peut-être mieux dû comparer les jeux de Trollympics à ceux de la Grèce antique qu’à ceux d’aujourd’hui. Les jeux des trolls, des nains et des elfes sont en effet sans doute plus proche de ceux des Athéniens et des Thébains – on arrête de se foutre sur la gueule une quinzaine de jours et pour pouvoir se saouler la gueule ensemble au soleil.
Like most Parisians, and almost all Parisians intellectual hipsters, I was originally hostile to Olympic games. I considered them an expensive and rather vulgar event and, most of all, the reason why almost all Parisians summer cultural events had been cancelled, including boardgame events such as Paris est Ludique. I was a bit angry against our excellent and courageous mayor, Anne Hidalgo, wondering how she got lured into this mess.
After the event, while some of my reservations are still there, I have nevertheless changed my mind. It started with the opening ceremony. I was expecting either a soppy and cutesy ballet, or a succession of clumsy Disneyish pseudo-historical reconstructions, something at which French parks like the Puy du Fou are very good. As a result, I didn’t bother to watch it at once, and only saw it a few days later after having seen a few strange extracts. It was a clever and thought-provoking spectacle, even if, like eternity, it felt a bit long, especially near the end.
I would have liked to see this guy featured in our game, but the art was made before his appearance in the ceremony.
Surprisingly, while the distinction between sports and games is razor-thin and sometimes arbitrary, I have never been much interested in sport, neither as an activity nor as a spectacle. Indeed, while some sports are just plain and boring contests on who runs the fastest or jumps the highest, many, especially those in which two opponents or two teams are facing each other, have the same structure as boardgames. Of course, what makes them different is the main role of physical strength or ability, but tactics, strategy, luck and even bluff are also part of most matches. Some activities, often based on dexterity like Bocce or Mollky, even have an ambiguous status and depending on the social context are called sometimes games, sometimes sport. In many languages, the same verb – to play in English – can be used for both activities. And, of course, we’re now talking of the Olympic “games”. The reason why so many sportsmen are also avid boardgamers is indeed that both activities give more or less the same answer to the same existential anguish, being an opportunity to leave reality for a while with focusing on arbitrary and meaningless goals.
What has always bothered me with sports, and it’s a difference with boardgames, is the excessive importance of victory. The winner is celebrated, can even win a medal and become a star, which breaks the « magic circle », the strict separation with reality which is at the heart of any game. It can happen with boardgames, and is probably the main reason why I gave up chess, but it’s not as systematic and never as strong. There are boardgames tournaments, but no one ever remembers who won them. There are gamers, game designers, game publishers from different parts of the world, but no one tries to oppose them and find out who is better. I was really afraid that, with Olympic games, the mix between exacerbated competition and public performance could lead to an unhealthy staging of athletes’ nationalities, or even to a kind of nationalist hysteria. I viscerally dislike nations.
This is why I carefully left Paris during the games, didn’t attend any olympic event and didn’t even watch a single one on TV. I might have been wrong, since it seems that the nationalist competitive trap has mostly been avoided. The most celebrated athletes, those whose image I saw on social networks, are not always the winners but also those whose attitude looked nice, like this Turkish hand-in-pocket shooter. If I am to believe my friends who attended a few events, and the pictures I’ve seen here and there, the supporters’ nationalism was very lighthearted and playful. This even makes the spectators with make-up in their national flag colors look nice and clever, showing that the nation idea itself cannot and should not be taken seriously.
I’m not going to start watching boxing or football matches, but I must admit that it was, by all accounts, a nice and healthy show. And the clever opening ceremony made me forget that so many other cultural events had been cancelled last summer.
And, by the way, I’ve designed with my friends Camille Mathieu a card and dice game about the Olympic, or rather the Trollympics, games. Trollympics is set in the same universe as our Trollfest, and has events such as Unicorn Rodeo, Dwarf Tossing, and Standing on the Shoulders of Giants. Unfortunately, it was too late when tought of adding synchronized crowdsurfing, which would have fitted well.Nothing so outstanding – did you know that, at one date or another, Live pigeon shooting, poodle clipping, tug of war, town planning and artistic painting have been olympic sports ?
Trollympics was designed before Troillfest, but we had first signed with Dutch publisher which went out of business before it could publish it. Since we were really happy with the edition of Trollfest, Camille and I then logically contacted Trick or Treat games. Everything went relatively fast, but not fast enough to make for the delay caused the Dutch episode and publish the game in time for the Paris Olympics.
Like Trollfest, Trollympics is a light and casual game, more suited to family and friends than to hardcore boardgamers. Trollfest has sometimes been described as “Fantasy Ticket to Ride with humor and interaction”, Trollympics could similarly be described as “Fantasy Seven Wonders with humor and tons of dice”. A game of Trollympics is made of two successive parts, Winter and Summer games. In both parts, players first draft a hand of athlete cards which are later sent to the various events, which are not always the ones originally scheduled. Of course, a Dwarf is likely to be better at Timber Cutting and an elf at Figure Skating. With a few action cards to meddle with opponents’ plans, or even cheat and corrupt the jury, and even a betting system, it makes for a fun and fast paced card and dice game.
It’s only after having finished this article that I realized I should may be rather have compared the Trollympics to the ancient Olympice games than to the modern ones. The games of trolls, dwarves and elves are indeed probably more similar with those of Anthenians and Thebans – people just stop fighting each other for real for one or two weeks to have fun getting drunk together in the sun.
Les « microgames », des jeux au matériel minimalistes, une vingtaine de cartes, parfois deux ou trois pions, vendus à un prix lui aussi très modeste, sont depuis assez longtemps à la mode au Japon, où le plus connu est sans doute Love Letter, de Seiji Kanai. S’ils existent depuis longtemps aussi en Europe en aux Etats-Unis, avec par exemple dans les années 1990 de petites perles comme Pico ou Flinke-Pinke, ils n’avaient pas jusqu’ici rencontré le même succès. Ils semblent depuis deux ou trois ans devenir à la mode, peut-être en réaction contre les kickstarters surproduits, surchargés de plastique et de règles. Le format initié par Button Shy, 18 cartes dans une pochette de carte bleue, s’avère particulièrement efficace. 18 cartes, c’est un tiers de 54, ce qui permet d’imprimer trois exemplaires du jeu sur une planche de jeu de cartes classique. Une pochette de carte bleue, c’est assez classe, on dirait vaguement du cuir. Cela donne des jeux à l’a présentation élégante qui peuvent pourtant être vendus pour un prix très modeste, moins de 10$ ou €.
Du coup, j’ai acheté toute la série des jeux Button Shy, avant de me rendre compte qu’un tiers d’entre eux étaient des jeux solo, auxquels je ne jouerai jamais parce que, seul, je préfère toujours prendre un livre. Heureusement, d’autres, notamment parmi les jeux à deux joueurs, sont excellents. J’ai notamment apprécié Avignon, Les Bons Contes ou Hiérarchie, mais il en reste de très nombreux auxquels je n’ai pas encore joué. D’autres éditeurs se lancent aussi dans ce format, à commencer par mes amis de Matagot, qui distribuent déjà en France les jeux de Button Shy. Ils ont débuté l’an dernier avec Western Legends Showdown, un jeu à deux dont Bruno Cathala dit beaucoup de bien, il va falloir que j’y joue. Ils publient aujourd’hui 6 Suspects.
je me suis donc lancé le défi de réaliser moi aussi quelques petits jeux dans ce format 18 cartes Sur les quatre que j’ai imaginé jusqu’ici, deux ont trouvé un éditeur mais ont vu leur nombre de cartes augmenter un peu pour être jouable à 3 ou 4 et non seulement à 2 comme mes premières versions. Ce sont Migo et Cocktails de fruits, tous les deux publiés par Ghost Dog. Un tel bricolage n’était pas nécessaire pour 6 Suspects, l’un des rares jeux de 18 cartes pouvant être joué sans changement de règle de 2 à 8 joueurs.
6 Suspects est un jeu d’observation, de déduction logique et de mémoire. Les cartes représentant les six suspects éponymes, Albert, Brigitte, Charles, Denise, Eric et Francine (l’action doit se passer en France dans les années 60 ou 70), sont alignées sur la table. Sous chacune d’entre elles sont placées deux cartes indice, faces cachées. Le suspect dont les deux cartes indice ont la valeur totale la plus élevée est le coupable, mais une bonne partie des cartes ont des effets spéciaux, se recopiant, s’annulant ou déplaçant d’autres cartes. Chacun à son tour regarde l’une des douze cartes indice, puis la remet en place. Lorsqu’un joueur pense connaître le coupable, les autres regardent encore une carte et, simultanément, tous les joueurs désignent l’un des suspects. On révèle alors tous les indices et, après quelques calculs, on voit qui avait raison.
Eric est coupable.
Si les règles sont simplissimes, le processus de déduction est parfois un peu tarabiscoté, et c’est là que réside l’intérêt d’un jeu qui encourage à la prise de risque. Pour devancer ses adversaires, il faut souvent déclencher la fin de partie avant d’être sûr de son fait, et du coup, il peut arriver que l’on se trompe.
Les illustrations décalées de Gjermund Bohne situent l’action dans le même univers qu’un gros jeu paru il y a deux ou trois ans chez Matagot, Bad Company, auquel il va aussi falloir que je joue un de ces jours.
6 Suspects Un jeu de Bruno Faidutti Illustré par Gjermund Bohne 2 à 8 joueurs – 10 minutes Publié par Matagot Boardgamegeek
Microgames, games with a minimalistic content, usually more or less twenty cards and sometimes two or three tokens, are relatively common in Japan, the best known being Seiji Kanai’s Love Letter. There has also been such cheap light games in Europe and in the US for a while, for example forgotten gems like Pico or Flinke Pinke in the nineties, but they didn’t have the same success so far. These last years, though, they are becoming more popular, may be as a reaction against overproduced kickstarters, overcharged with rules and plastic. The format introduced by Button Shy games, 18 cards in a credit card sleeve, seems to be especially efficient and successful. 18 cards is one third of 54, which means it’s possible to print three copies of a game on a standard 54 cards plate. Credit card sleeves also look vaguely like leather. This makes for elegant looking and cheap to produce games, usually sold for less than 10 $ or €.
As a result, I bought the whole Button Shy line, before noticing than a third of them are solo games which I will probably never play – when I’m alone, I find a book more challenging and entertaining than a game. Luckily, there are a few gems among the other ones, mostly two player games such as Wonder Tales, Avignon or Hierarchy, and there are still many I have not tried yet. Other publishers are starting to follow and publish games in this format, among them my friends at Matagot, who are already distributing Button Shy in France. They started with a two player game, Western Legends Showdown, which Bruno Cathala highly recommended to me but which I’ve not found an opportunity to play yet. They are now publishing my 6 Suspects.
Two years ago, I decided to give at designing games in this very specific format. I’ve designed four so far, but two have seen the number of cards increase so that they can accommodate more than two players. These are Migo and Fruit Cocktails, both published by a young French company, Ghost Dog. This was not necessary for 6 Suspects, which can be played from 2 to 8 players with the same 18 cards.
6 Suspects is an observation, deduction and memory whodunnit game. The six eponymous suspect cards, Albert, Brigitte, Charles, Denise and Francine (looks like it happened in France in the sixties) are placed in a row on the table. Under each suspect cards are dealt two face down clue cards. The suspect whose two clue cards have the highest total value is the culprit, but half of the cards have special effects, such as copying, cancelling or swapping other cards. Each player on turn secretly looks at a card and places it back face down. Once a player thinks they know the culprit, all other players can look at one more card and, simultaneously, every player designates the character they think did it. All clue cards are then revealed to determine the culprit.
This one is really tricky, but Brigitte and Denise did it together.
While the rules are extremely simple, the deduction process can be a bit convoluted due to the many special effect cards. This brings into the game some logical thinking, but also some risk taking. Even when you are not sure who did it, ending the game can be a good move if you think you have better odds than your rivals at finding the criminal. Of course, it doesn’t always work….
The six suspects were drawn by Gjermund Bohne, in the same style and universe as those of another Matagot game, Bad Company, which I also have to play one of these days.
6 Suspects A game by Bruno Faidutti Art by Gjermund Bohne 2 to 8 players – 10 minutes Published by Matagot Boardgamegeek
Jednorożce – les licornes en polonais- est une nouvelle édition de Attila, un petit jeu de stratégie pour deux joueurs, très simple et rapide, du genre que l’on penserait plutôt sorti du cerveau de l’autre Bruno, Bruno Cathala. Sur un plateau dont les cases disparaissent une à une, chacun à son tour fait bondir un pion à la manière d’un cavalier d’échecs, le but du jeu étant d’être le dernier à pouvoir se déplacer. J’avais écrit l’histoire de la conception de ce jeu en 2015, lors de la sortie de la première édition chez Blue Orange, je n’ai pas grand-chose à y ajouter.
Toutes les pièces se déplaçant comme le cavalier du jeu d’échecs, les thèmes possibles tournent tous autour de la même idée, cavalcade, tournoi. Curieusement, je n’avais pourtant pas pensé à faire des ces chevaux des licornes, c’est la petite équipe polonaise de Moduko qui me l’a proposé, et je pouvais difficilement refuser.
Moduko n’a en principe les droits sur ce jeu que pour la Pologne, mais si vous voulez publier ça ailleurs avec les jolis dessins de licornes dans les nuages de Tomasz Larek, contactez-moi, on peut certainement s’arranger.
Jednorożce Un jeu de Bruno Faidutti Illustré par Tomasz Larek 2 joueurs – 10 minutes Publié par Moduko (2024) Boardgamegeek
Jednorożce – Unicorns in Polish – is a new version of Attila, a light and fast paced two-player strategy game which probably feels a bit like it was designed by the other Bruno, Bruno Cathala. On a board whose spaces vanish one after the other, each player on turn moves a piece like a Chess knight, the goal being to be the last player able to make a move. You can read more details about the game’s idea in the design diary I wrote when the first edition was published, in 2015 – I have very little to add.
Since all pieces move like a Chess knight, all possible settings for his game have horses. Surprisingly, the idea of changing these horses into unicorns was not mine. It came from the small polish team at Moduko, but it’s the kind of offer I can’t refuse.
Theoretically, Moduko has only the Polish rights for this game, but if you want to publish it anywhere else with the cute unicorns in the clouds art by Tomasz Larek, just email me, I’m sure we can arrange something.
Jednorożce A game by Bruno Faidutti Art by Tomasz Larek 2 players – 10 minutes Published by Moduko (2024) Boardgamegeek
Le marché du jeu de société est un peu compliqué en ce moment. La demande continue certes à augmenter, mais l’offre a progressé plus vite encore. Les boutiques spécialisées sont de plus en plus, en particulier pour les grosses boîtes de jeu destiné à un public averti, concurrencées par les Kickstarter et autres Gamefound. Quelques grands groupes ont certes repris des maisons d’édition de taille moyenne pour en faire des « studios de création », mais des amateurs ont simultanément monté de nombreuses petites boites dont on ne sait parfois plus très bien à quel écosystème elles appartiennent. Face à une pléthore de nouveautés, les joueurs et même les boutiques qui ne peuvent tout caser sur leurs rayons doivent faire des choix. Devenus prudents, de plus en plus d’éditeurs hésitent à produire des jeux ambitieux qui risquent de ne pas trouver leur place sur un marché encombré. Lassés des lourds kickstarters aux figurines encombrantes et aux règles boursouflées, des joueurs reviennent vers des jeux moins prétentieux mais souvent plus efficaces, et dont le prix tout comme l’empreinte écologique sont plus modestes
Ce sont quelques raisons, il y en a d’autres, au grand retour des « microgames », des jeux aux règles simples, au matériel modeste, vendus dans de toutes petites boites. Le format « 18 cartes », facile à produire puisque l’on peut caser trois jeux sur une planche standard de 54 cartes, et que l’on peut vendre à bas prix présenté dans une pochette de cartes bancaires, semble particulièrement apprécié. Au début de l’année 2023, je me suis donc lancé le défi de réaliser quelques jeux dans ce format. Il en a résulté quatre projets, dont trois ont trouvé un éditeur. 6 Suspects, un jeu de déduction, sortira fin 2024 chez Matagot. J’ai signé chez Ghost Dog, jeune éditeur français, pour deux petits jeux de cartes ; Migo est le premier à paraître, le second, pour le titre duquel nous hésitions entre Fruit of the Doom, Fruit Salad et Fruit Cocktail est prévu pour la fin de l’année.
Soirée de test dans mon quartier, au bar à jeux Le Duchesse.
Deux éditeurs étaient intéressés par mon jeu de Yetis. J’ai préféré celui qui acceptait de conserver le thème d’origine, les abominables hommes des neiges attaquant des cordées d’alpinistes, à celui qui voulait les remplacer par des dragons. J’aime bien les dragons, mais j’ai déjà fait trop de jeux avec des reptiles et des pièces d’or, je n’en avais aucun avec des yetis et des bonnets de laine. Le format choisi autorisant une trentaine de cartes et quelques jetons, j’ai pu développer un peu le projet. Le prototype initial ne se jouait en effet qu’à deux joueurs, le jeu finalement publié fonctionne désormais aussi bien à trois, et presque aussi bien à quatre. Comme il y avait déjà pas mal de jeux s’appelant Yeti, le mien a été rebaptisé Migo, qui signifie Yeti en tibétain et est également le nom d’un personnage de jeune yeti dans le dessin animé Yeti et compagnie.
Les joueurs incarnent donc des abominables migos qui, pour embellir leurs grottes, collectionnent le matériel d’alpinisme – piolets, crampons, cordes et, surtout, bonnets de laine particulièrement décoratifs. Les yetis les plus respectés accrochent aussi à l’entrée de leurs grotte les drapeaux que les expéditions espéraient planter sur les sommets. Les bouteilles d’alcool, qui aident à supporter le froid hivernal, sont aussi une gâterie très appréciée.
Parfaitement insérés dans l’économie tibétaine, les migos entretiennent des relations amicales avec les communautés locales. Ils font même à l’occasion un peu de troc avec les sherpas, ceux-là même qui les avaient informés à l’avance du lieu et de l’heure d’arrivée des expéditions.
Première partie sur le jeu édité, aux rencontres ludopathiques d’Etourvy.
Comme il convient à ce genre de petit jeu de cartes, les règles sont très simples mais laissent pas mal de place à la tactique. Migo est un jeu de prise de cartes, ce que les américains appellent un jeu de draft, terme qui est généralement employé dans un sens plus restrictif par les joueurs francophones. Chaque yeti à son tour attaque (et sans doute dévore, mais il ne faut pas le dire si on joue avec des enfants) l’un des alpinistes en tête de cordée, et s’empare de son matériel. Cela rend les grimpeurs suivants, et leurs équipements, disponibles pour les joueurs suivants. Comme souvent, la contrainte initiale, ici le petit nombre de cartes, s’est avérée source d’inspiration pour les mécanismes du jeu. N’ayant qu’une vingtaine de cartes à ma disposition, j’ai en effet cherché à en utiliser à la fois le recto et le verso. Cela introduit beaucoup de variation dans les configurations initiales, certains équipements pouvant être plus rares que d’autres, et est à l’origine du mécanisme des sherpas, qui permettent de retourner une carte, souvent pour s’emparer d’une majorité.
J’ai eu récemment la chance d’avoir un jeu, le mignon Whale to Look, conçu avec Jun Sasaki, publié dans la très belle collection de petites boites au graphisme minimaliste de l’éditeur japonais Oink. Avec leur format très proche, les « feux follets » de Ghost Dog s’en inspirent clairement, et je leur souhaite le même succès – d’autant plus que j’ai un autre jeu à paraître cet automne dans la même série, dont on n’a pas encore décidé s’il s’appellerait Fruit of the Doom,Fruit Salad ou Fruit Cocktail.
Une partie de Fruit of the Doom – Fruit Sala – Fruit Cocktail avec Antoine, l’éditeur, à gauche.
Migo Un jeu de Bruno Faidutti Art by Maxime Morin 2 à 4 joueurs – 20 minutes Publié par Ghost Dog Games Boardgamegeek
Navigating the boardgame market has recently become a bit complex. Demand for new games is still growing, but supply, meaning the number of new games, is increasing even faster. Local game stores are facing a growing competition from Kickstarter and now Gamefound, especially for big, expensive (and therefore profitable) boxes. A few big publishers have taken over smaller one, often changing them into « creative studios », but even more newcomers have started new companies, about which we often know very little. Faced with a plethora of new games, gamers and even shops with limited shelf place must make choices.
Many publishers are becoming wary of producing ambitious games which might not find a place on an overcrowded market. Tired of heavy kickstarters with cumbersome miniatures and bloated rulesets, some players are back to less ambitious but often more efficient games, which also come at a much lower price and ecological footprint.
These are some of the reasons – there are a few other ones – for the comeback of « microgames », boardgames with simple rules and few components in a very small box. The trendy format is 18 cards which can be sold a very low price – one can fit three copies of the game on a standard poker game sheet, and it fits in a credit card wallet. In the first months of 2023, I decided to give it a trying challenged myself to design a few such games. I ended up with four prototypes, three of which have now found a publisher. 6 Suspects, a light deduction and memory game, will be published by Matagot in late 2024. I signed with Ghost Dog, a new small French publisher, for two games, and Migo is the first one to hit the shelves.The second one is due later this year, and we still hesitate on its title, Fruit of the Doom, Fruit Salad or Fruit Cocktail.
Soirée de test dans mon quartier, au bar à jeux Le Duchesse.
Two publishers sere interested my Yeti game. I chose the one who was ready to keep my yeti setting over the one who wanted to replace the snowmen with dragons. I love dragons, but I’ve already had too many published games featuring dragons and gold coins, I had none so far with yetis and woolen caps. The publisher’s format allowing for a few tokens and up to 25 cards, I developed the gameplay a bit. My initial prototype was only a two-player game, the final version is just as good with three, and almost as good with four. Since there are already a few games named Yeti, mine has been renamed Migo, which means Yeti in Tibetan and was the name of a young snowman in the Yeti & Co cartoon.
Players are yetis who decorate their caves with climbers equipment – ropes, crampons, pick axes, carabiniers and, most of all, cute colored woolen caps. They also hang flags at their front doors, which climbers intended to plant at the mountains summits. Vodka bottles are also a much appreciated treat, helping to deal with the cold climate of the Himalayas.
Migos are well integrated in the Tibetan economy, and have friendly relations with local communities. They even sometimes trade stolen equipment with the sherpas, the very same sherpas who had informed them on the coming expeditions in the first place.
First game with the printed game at the Etourvy Ludopathic Gathering.
The rules for Migo are very simple, but leave place for some tactical moves. Migo is a card drafting game. Each yeti on turn attacks (and probably devours, but you should not reveal it when playing with kids) one of the climbers in front of the arriving expeditions, stealing their equipment. This makes the climber just behind it available for the next players, and so on. As often happens, the initial constraint, in this case the small number of cards, ended up generating mechanical ideas. With a only about twenty cards available, I decided to use both sides. This makes for a great variety in the initial setups, some equipments being often much rarer than other ones. It also inspired the sherpa mechanism, flipping a card to the other side usually to steal a majority, which is probably my favorite feature in this game.
I recently had a game, Whale to Look, designed with Jun Sasaki, published in the cute small box series of the Japanese publisher Oink games. The Ghost Dog small box games are clearly inspired by the Oink line, and I hope they will achieve the same level of success – especially since I have another game coming next fall in the same series. We have not decided yet if it will be called Fruit of the Doom, Fruit Salad or Fruit Cocktail.
Playtesting Fruit Cocktail – Fruit Salad – Fruit of the Doom
Migo A game by Bruno Faidutti Illustré par Maxime Morin 2 to 4 players – 20 minutes Published by Ghost Dog Games Boardgamegeek
Anja Wrede est une sympathique autrice allemande avec laquelle, il y a une douzaine d’années, j’avais pas mal travaillé, sur des jeux le plus souvent peu ambitieux mais assez originaux.
Trois de nos collaborations, Fearz, Junggle! et Le Petit Poucet, ont déjà été publiées, mais Grabbit s’est fait attendre plus longtemps. Le jeu reprend un mécanisme que nous avions déjà utilisé dans le Petit Poucet, celui du sac dans lequel, à tâtons, les joueurs doivent reconnaitre des formes. Le sac est ici plus grand, puisque tous les joueurs le fouillent en même temps à la recherche des lettres permettant d’écrire leur nom – enfin, celui de l’animal figurant sur la carte qu’ils ont piochée. Le sac, bleu, représente le lac de Komantutapel, dont les eaux font perdre la mémoire. Les joueurs ne trouvent jamais toutes les lettres, il n’y en a pas suffisamment. Animots est donc un jeu coopératif, dans lequel il faut savoir s’arrêter au bon moment pour que, ensemble, les joueurs puissent parvenir, à partir de quelques lettres, à retrouver le nom de chacun.
Anja Wrede, right, playing the prototype in Etourvy.
Anja étant plutôt spécialisée dans les jeux pour enfants, domaine qui m’est assez étranger, nous avons voulu travailler ensemble sur des idées qui pourraient plaire aussi bien aux petits qu’aux grands. La reconnaissance tactile, comme la mémoire, est l’une de ces compétences que les plus jeunes maîtrisent aussi bien que les plus grands. Tous peuvent alors jouer ensemble avec intérêt sans que les grands n’aient à tricher pour laisser gagner les petits. Oui, je sais, les adultes sont meilleurs ensuite pour trouver les mots.
Notre premier prototype, Grabbit n’était pas un jeu coopératif. Les joueurs étaient des animaux, le sac contenait leur nourriture, et le but était d’être le premier à être parvenu à rassasier un certain nombre de bestioles. C’était très amusant, mais le prototype, qui avait beaucoup de succès auprès de mes testeurs adultes, était difficile à placer chez les éditeurs. C’était en effet un jeu pour adultes qui ressemblait à un jeu pour enfants. Ce sont les années de développement avec l’équipe de Space Cow qui ont apporté d’abord l’idée du passage aux lettres et aux nom d’animaux, puis la phase de devinette coopérative. Grabbit est alors devenu Animots, un jeu pour petits et grands.
Une carte du prototype
et une du jeu publié
Animots Un jeu de Anja Wrede et Bruno Faidutti Illustré par Emerson Santiago 2 à 6 joueurs – 20 minutes Publié par Space Cow Boardgamegeek
Anja Wrede is a nice German game designer with whom, a dozen years ago, I worked on a reins of lighter, unambitious but original games.
Three of our codesigns, Fearz, Junggle! and Lost in the Woods have already been published, but Grabbit took more time bot to find a publisher and to be fully developed. It is based on a mechanism we already used in Lost in the Woods, a bag in which players must feel around for pieces of different shapes. The bag in Animots is bigger, much bigger, since all players must be able to put their hands in it simultaneously, searching for the letters needed to write the name of the animal on the card they drew. The blue bag figures the lake of Whatsyourname, whose water make who drinks it to lose their memory. Since there is a limited number of every letter, players usually cannot find all the letters they need. Animots is a cooperative game in which one must sometimes decide to stop so that players can, all together, try reconstruct everyone’s name.
Anja (green sleeves on the right) playing the prototype in Etourvy.
Anja designs mostly children games, something I very rarely deal with, so we tried to design games which can be easily be played by adults and children together, while being interesting for everyone. Touch recognition, like memory, is one of these skills at which young kids are as good as adults. All can play together, without adults having to cheat to let children win. Well, yes, adults are then better at finding words.
The final game played in Etourvy.
Our first prototype, Grabbit, was not a cooperative game. Players already had animal cards, but in the bag was their food, and the goal was to be the first to feed a given number of animals. It was fun, but while the prototype was a hit with my adult playtesters, publishers were skeptical, claiming it was an adult game masquerading at a children one. It was during the years of development with the Space Cow team that the idea of replacing food with letters emerged, and then logically the cooperative guessing phase. That”s how Grabbit became Animiots, a game for everyone, old and young.
A card from the prototype
and a card from the final game
Animal Words A game by Anja Wrede & Bruno Faidutti Art by Emerson Santiago 2 -6 players – 20 minutes Published by Space Cow Boardgamegeek
Elephant Rally est une nouvelle version de Formula E, un jeu de course d’éléphants que j’avais conçu avec Sergio Halaban et André Zatz, les deux auteurs brésiliens de Sheriff of Nottingham et quelques autres jeux. C’est un jeu de parcours assez méchant, où il faut bien gérer sa main de cartes, un peu dans l’esprit d’Ave Cesar ou du Lièvre et la Tortue – un éléphant, c’est large et têtu et cela a vite fait de bloquer la route.
Voici ce que j’écrivais à propos du jeu lors de la sortie de la première version, en 2014 (l’article complet est ici) :
Assez régulièrement, je reçois des emails dans lesquels des auteurs de jeux connus ou inconnus me proposent de travailler avec eux sur un projet de jeu, souvent déjà assez avancé. Lorsqu’il y a des zombies ou quinze pages de règles, je réponds poliment que désolé, ce n’est pas mon style, mais bonne chance quand même. Dans les autres cas, je jette un coup d’œil avant, le plus souvent, de répondre poliment que, désolé, ça a l’air bien intéressant mais je n’ai vraiment pas le temps de me lancer dans un nouveau projet – mais bonne chance quand même. Et puis, une ou deux fois par an, quand aussi bien le sujet que les mécanismes m’amusent, quand j’ai le temps, et quand les auteurs ont l’air sympas, je réponds pourquoi pas. Début 2011, j’ai ainsi reçu une proposition d’André Zatz et Sergio Halaban, auteurs brésiliens de deux petits jeux de bluff que j’apprécie beaucoup, Hart an der Grenze et Sultan. Ils y présentaient Indian Derby, un jeu de course d’éléphant qu’ils avaient réalisé quelques années auparavant, qui avait manqué de peu être publié par plusieurs éditeurs, et auquel ils pensaient qu’un regard neuf pourrait apporter un plus. Le jeu m’a tout de suite plu. Le thème, une course d’éléphant, était original et amusant, et permettait d’introduire des mécanismes de poussée inhabituels dans les jeux de parcours. Le moteur du jeu, des cartes de déplacement et des cartes action, me convenait très bien. Bref, nous avons quelque peu discuté, et nous sommes penchés ensemble – via email, parce que le Brésil, c’est un peu loin – sur un jeu que je voulais rendre plus léger, plus rapide, plus méchant. Après avoir unifié le système de gestion des cartes action et mouvement, simplifié les bousculades, ajouté quelques actions thématiques et amusantes, nous nous retrouvâmes quelques mois plus tard avec un jeu de course tactique et très enlevé, un peu dans l’esprit d’Ave Cesar, des bousculades, mais aussi des vaches sacrées, des tapis volants, des tigres et des charmeurs de serpents.
Paru il y a maintenant 10 ans, en 2014, sans doute au mauvais moment et peut-être chez le mauvais éditeur, Formula E n’a été qu’un succès d’estime. L’édition était belle, a reçu de bonnes critiques, mais ne s’est guère vendue au delà du tirage initial via Kickstarter.
Dix ans plus tard, le jeu revient sous le nom d’Elephant Rally chez l’un des principaux éditeurs brésilien, Conclave Editora. La version a été astucieusement mise au goût du jour par l’équipe brésilienne, les quatre plateaux du jeu d’origine étant remplacés par un système de circuit modulable, permettant plus de variété avec moins de matériel. Elephant Rally n’est pour l’instant disponible qu’au Brésil, mais si quelqu’un veut le publier dans une autre langue, il n’y a que les règles à traduire et cela peut certainement s’arranger.
Elephant Rally Un jeu de Sergio Halaban, André Zatz et Bruno Faidutti Illustré par Marcelo Bastos 2 à 6 joueurs – 60 minutes Publié par Conclave Editora (2024) Boardgamegeek
Elephant Rally is a new version of Formula E, an elephant racing game I designed with Brazilian designers Sergio Halaban and Andre Zatz, now mostly known for Sheriff of Nottingham. It’s a card driven racing game with lots of opportunities to meddle with rivals plans, in the style of good old Hare and Tortoise or Ave Caesar. Elephants are large and stubborn, which means they can easily block the road.
Here’s what I wrote when the first edition was published, in 2014. You can read the full article here.
I regularly receive emails from both well known and completely unknown game designers asking me if I would like to work with them on some design, usually already well advanced. When it’s about zombies, or has fifteen or more pages of rules, I answer that I’m sorry, that’s not really my kind of game, but good luck anyway. In all other cases, I have a look and usually answer that I’m sorry, I’m already overbooked and wouldn’t find the time to start a new project, but good luck anyway. Once or twice every year, when both the setting and the game systems sound exciting, when I have time, and when the authors seem to be nice guys, I answer why not, let’s discuss the game. Early in 2011, I got an email from André Zatz and Sergio Halaban, the Brazilian authors of two light double-guessing games I really like, Hart and der Grenze and Sultan. The subject of their email, Indian Derby was an elephant racing game they had designed a few years ago, which had raised some interest from several publishers but ultimately hadn’t been selected for publication. They wanted to rework it, and were thinking that a fresh look by a designer who wasn’t involved in the original design, could help. I liked the game idea at once. The storyline, an Indian elephant race game, was new, and allowed for rules about pushing–something unusual in a racing game, and for fun thematic events. I had long wanted to design a card driven race game, so this was a good opportunity to jump in. We discussed the game and worked together via email–since Brazil is far from France–on new rules and events to make the game lighter, faster and nastier. We simplified the card management system and the jostling rules, we added some event cards, and we ended with a very dynamic and tactical racing game, in the style of Ave Caesar (one of my all-time favorites), but with lots of jostling and crushing, and also holy cows, flying carpets, snake charmers, monkeys and tigers.
Formula E was published 10 years ago, in 2014, probably at the wrong time by the wrong publisher. It was a critical success but didn’t really sell after the initial Kickstarter print run.
Ten years later, the game comes back as Elephant Rally, published by one of the main Brazilian boardgames publishers, Conclave Editora. The game has been cleverly updated by the Brazilian team, the four tracks being replaced with a modular track, allowing for more variety with fewer components. Elephant Rally is only available so far in Brazil, but if someone is interested in localizing it elsewhere, it should not be a problem. There’s no text on the cards, the only part needing a translation is the rules.
Elephant Rally A game by Sergio Halaban, André Zatz & Bruno Faidutti Art by Marcelo Bastos 2 to 6 players – 60 minutes Published by Conclave Editora (2024) Boardgamegeek
I didn’t get my designer copies yet, so this pictures witha cute silver elephant are taken from a brazilian boardgame group, nerdkreativa.
L’un de mes derniers jeux publié, Whale to Look, est sorti en 2023 chez Oink Games. Il est cosigné avec Jun Sasaki, qui est aussi le patron de ce petit éditeur japonais dont les petites boites colorées sont aisées à repérer dans les boutiques. J’ai toujours beaucoup aimé la gamme d’Oink Games, avec ses petits jeux souvent très originaux, aux règles et au graphisme minimaliste, et cela faisait des années que j’essayais de caser un jeu chez eux. J’en avais même imaginé un spécialement conçu pour leur format de boite, Maracas, qui a finalement terminé chez Blue Orange. Je suis donc particulièrement heureux de Whale to Look, qui semble en outre très bien se vendre. J’en ai donc profité pour réaliser une petite interview de Jun Sasaki, que voici. J’avais déjà croisé Jun aux États-Unis, à la Gen Con, puis à deux reprises au Game Market d’Osaka. Je ne vais plus aussi souvent au Japon qu’il y a quelques années, et cette interview a donc été réalisée par mail.
À la Gen Con 2019
Bruno :Parlez-nous des origines de Oink. Depuis quand jouez-vous aux jeux de société ? Quels jeux vous ont marqué et donné envie de créer les vôtres ?
Jun : Vers 2005, j’ai commencé à jouer à des jeux de société autres que les classiques Monopoly et Catan. J’étais à cette époque impliqué dans le développement de jeux vidéo. La simplicité de jeux comme Diamant ou Le poker des cafards m’a d’autant plus impressionné qu’elle allait à l’inverse de la tendance des jeux videos, qui devenaient de plus en plus lourds et longs. Dans les années qui ont suivi, j’ai joué à des centaines de jeux de société modernes et, vers 2009-2010, j’ai décidé d’essayer d’en créer un moi-même. C’est de cette envie qu’est né Oink Games.
B: Quand avez-vous créé Oink ? Qu’est-ce qui vous a poussé à vouloir créer vos propres jeux, et à vouloir les publier ? Avez-vous créé Oink d’emblée pour publier vos propres jeux, ou avez-vous d’abord décidé de vous lancer dans l’édition de jeux de société ?
J: J’ai choisi la marque Oink Games pour présenter mes premières créations au Tokyo Game Market en 2010. Je n’avais jamais publié de jeu de société auparavant, et ai été désagréablement surpris par les coûts d’impression des cartes à jouer. J’ai très vite compris que, même si mon jeu se vendait bien lors du Game Market, j’allais finir dans le rouge. Il faut en effet imprimer de plus grandes quantités pour obtenir coûts de production assez bas. Afin de continuer à vendre mes jeux après le Game Market, j’ai enregistré Oink Games en tant que société, ajouté un code-barres sur les boîtes, et me suis lancé dans la distribution. C’est ainsi qu’est née la société Oink games, qui existe encore aujourd’hui. Sans le Tokyo Game Market et mon envie de publier mes créations, notamment In a Grove, Oink Games n’existerait pas.
B: Beaucoup de petits éditeurs préfèrent passer par l’intermédiaire d’éditeurs occidentaux pour publier leurs jeux sur les marchés américain et européen. Vous avez fait le choix inverse, celui de publier et produire vous-même pour le monde entier. Quand et pourquoi avez-vous fait ce choix ? faites-vous encore la plupart de vos ventes au Japan ?
J: A l’automne 2010, mon jeu Yabu no naka (dans un bosquet), a été remarqué par un éditeur européen, Asmodée, qui l’a publié en Europe, sous le nom de Hattari (bluff en japonais), en changeant la taille de la boite et les illustrations. Je ne m’y suis bien sûr pas opposé, pensant qu’ils avaient leurs méthodes et connaissaient le marché européen, mais je ne pouvais m’empêcher de me demander pourquoi ce jeu ne pouvait pas trouver sa place avec les illustrations d’origine. Les ventes en Europe ont été médiocres, ce qui n’a fait que renforcer mes doutes. Ce fut un peu la même chose lorsque, en 2013, Kobayakawa a été également publié en Europe. Dès lors, mon envie de publier les jeux Oink dans le monde entier a pris le dessus et, en 2015, Oink a pour la première fois pris un stand au salon d’Essen, pour vendre ses jeux directement.
B: Quel est votre best seller ? Est-ce Scout, Deep Sea Adventure ou mon préféré, A Fake Artist Goes to New York ? Ou un autre que je ne suspecte pas ?
J: Deep Sea Adventure est celui des jeux Oink qui s’est le mieux vendu, mais Scout est en passe de le rattraper. Ensuite vient A Fake Artist Goes to New York. Au Japon, Nine Tiles se vend également très bien.
B: Les jeux Oink ont un look très particulier, avec de petites boites et un graphisme extrêmement simple. Pourquoi ce choix ? Vos petites boites collent parfaitement avec l’un des clichés les plus répandus en Occident sur la culture japonaise, celui du minimalisme. Pour vous, le minimalisme japonais est-il une réalité culturelle, ou juste un fantasme occidental ?
J: J’apprécie, en effet, les choses simples, épurées, minimales. Je me sens proche de la manière traditionnelle japonaise de concevoir les temples, et de la philosophie zen. Je ne suis pas sûr, cependant, que cela soit du « minimalisme japonais » – c’est juste un style que j’apprécie.
Note de Bruno : J’ai posé cette question car j’ai entendu des Japonais expliquer que le minimalisme japonais n’existait pas vraiment et était une invention de designers californiens, et d’autres assurer que c’était le cœur de la culture nippone….
Les jeux Oink dans une petite boutique de jeu japonaise.
B: Quand je regarde le listing des jeux Oink sur le Boardgamegeek, j’ai l’impression que vos quelques tentatives pour publier des jeux dans de plus grandes boîtes n’ont guère rencontré de succès. Ai-je raison ? Pensez-vous désormais vous en tenir à votre petit format emblématique, ou avez-vous d’autres projets pour Oink ?
J: Je ne dirai pas que « nous avons essayé et cela n’a pas marché ». Aujourd’hui encore, si nous voulons publier un jeu qui nécessite une plus grande boite, nous le publierons dans une grande boite. Cependant, j’aime bien les petites boites Oink, uniformes et minimalistes. Si ce format permet à Oink games de se différencier, et de vendre, je ne vois pas pourquoi changer de méthode.
B: La moitié environ des jeux Oink ont des auteurs japonais, les autres des auteurs occidentaux. Pensez-vous qu’il y a des différences significatives dans la manière dont les uns et les autres conçoivent les jeux ? Ou dans la manière dont nous jouons ?
J: En présentant les choses de manière un peu abstraite, j’ai souvent l’impression que les jeux créés par des auteurs japonais sont plus centrés sur eux-mêmes, et les jeux des auteurs occidentaux plus tournés vers l’extérieur, les deux démarches ayant des avantages. Pour le dire autrement, les auteurs japonais créent des jeux en pensant à eux-mêmes et à leurs proches, tandis que les auteurs occidentaux considèrent un public plus large. Ce n’est cependant qu’une impression, je me trompe peut-être.
Note de Bruno : la dichotomie entre ce qui est tourné vers l’extérieur et vers l’intérieur est souvent mise en avant par les Japonais, et difficile à rendre en français. En ce qui me concerne, si je prends parfois en compte ce que je pense être les souhaits des éditeurs, j’ai toujours l’impression de créer des jeux pour moi et mes amis. Et mon impression personnelle est qu’il n’y a pas vraiment de différence dans la manière dont nous créons des jeux.
B: Le Japon et la Corée, et depuis peu d’autres pays d’Asie orientale, représentent une part de plus en plus importante du monde ludique, que ce soit parmi les joueurs, les éditeurs ou les auteurs. Comment expliquez-vous cela ? Pensez-vous que cela va continuer ?
J: La culture des jeux de société a en effet commencé à se répandre dans les pays d’Asie, et beaucoup commencent à créer et publier, d’abord dans leur propre pays, des jeux de société. Je pense cependant que le grand public n’est pas encore conscient du charme et de l’intérêt de ces jeux. Ce n’est donc qu’un début, et le nombre de créateurs et d’éditeurs asiatiques va, je pense, encore augmenter.
B: Beaucoup des jeux que vous publiez sont vos propres créations, parfois en collaboration avec d’autres auteurs. Comment décidez-vous si vos propres créations méritent d’être publiées ? Prenez-vous part à la décision, ou faites-vous confiance au reste de l’équipe ?
J: Je fais d’abord confiance à mon intuition. Si je pense « ce jeu mériterait d’être chez Oink », alors le publier est la bonne décision. Je fais bien sûr également confiance aux avis des autres membres de l’équipe et à mes amis joueurs.
Le prototype de Constellations
Whale to Look
B: Vous avez développé Whale to Look à partir d’un de mes prototypes qui avait un tout autre thème, les étoiles dans le ciel, et pas mal de différences de règles. Cela a été plus un relais qu’une collaboration, puisque j’ai fait la première moitié du travail avant que vous ne fassiez la dernière. Nous n’avons quasiment pas travaillé ensemble sur le jeu. Travaillez-vous souvent ainsi ? Ou collaborez-vous habituellement dès le début de la conception d’un jeu ?
J: J’ai travaillé avec d’autres auteurs de la même manière. Je n’ai jamais eu l’occasion de commencer à réfléchir ensemble avec un autre auteur dès le début de la conception du jeu.
Note de Bruno : c’est un peu la même chose pour moi.
B: Cela fait des années que je propose des jeux à Oink, sans succès. Qu’avez-vous aimé dans le prototype de Constellation, qu’est-ce qui vous a donné envie de le développer ?
J: Cela faisait un certain temps que je m’intéresse à la prise de décision rapide à partir d’informations incertaines, et ce jeu devait donc m’intéresser. Dès les premières parties sur le prototype, l’équipe a senti qu’il y avait dans ce jeu quelque chose de profond, qui donnait envie d’y jouer et d’y rejouer encore.
B: En regardant au dos de mes boîtes Oink, je remarque certaines sont imprimées au Japon, d’autres en Chine, sans différences visibles entre les unes et les autres. Faites-vous les petits tirages au Japon et les gros en Chine, ou fabriquez-vous certains jeux au Japon et d’autres en Chine en fonction du matériel ?
J: Le plus souvent, le premier tirage, pour laquelle la communication et les délais d’impression sont essentiels, est produit au Japon. Ensuite, lorsque des milliers ou des dizaines de milliers de boites doivent être fabriqué, cela est fait en Chine, où les coûts sont plus faibles. Pour nous assurer que la qualité est la même dans les deux cas, nous échangeons très régulièrement avec les imprimeurs.
B: Puisque vous imprimez à la fois au Japon et en Chine, la baisse du Yen est-elle pour vous une bonne ou une mauvaise chose ? Si elle se poursuit, pensez-vous qu’elle rendra la fabrication au Japon plus compétitive pour vous et peut-être pour d’autres éditeurs ?
J: Pour nous, les coûts d’impression en Chine ont augmenté, mais les profits sur les ventes à l’étranger augmentent également. Cela a donc des avantages et des inconvénients et, au bout du compte, je ne pense pas que cela ait beaucoup d’impact. Il y a d’excellents imprimeurs au Japon, et j’aimerais que les éditeurs étrangers se tournent aussi vers eux. Quoi qu’il en soit, nous souhaite continuer à produire au Japon, comme je l’ai toujours fait.
B: Vous avez, au moins parmi les joueurs occidentaux, une image de petit éditeur indépendant. Ayant maintenant un jeu dans votre gamme, j’ai été très agréablement surpris par les tirages et les ventes, qui ne sont pas si petits. Alors, quelle est vraiment la taille d’Oink ? Combien de personnes travaillent dans l’entreprise au Japon ? Et hors du Japon – je connais Laura, mais il y en a sans doute d’autres.
J: Moi compris, 15 personnes travaillent chez Oink Games au Japon et 3 en Allemagne. Cependant, 8 des membres de l’équipe japonaise, donc à peu près la moitié, travaillent sur des jeux videos, que ce soit à la programmation ou dans la réalisation graphique. Il n’y a donc à Oink, dans le monde entier, qu’une dizaine de personnes travaillant dans le jeu de société.
Le stand Oink at UKGE 2024
B: En quinze ans d’activité comme éditeur de jeux, quels changement notables avez-vous vécu ? Dans le travail d’édition, dans la création, dans vos goûts en matière de jeux.
J: J’ai vraiment commencé par créer des jeux tout seul pour les vendre au Game Market. Je faisais alors tout moi-même, production, communication et vente. Il y a maintenant toute une équipe, en particulier pour la communication, les ventes et la distribution, mais le processus de conception des jeux n’a pas beaucoup changé. Je suis cependant très heureux de pouvoir aujourd’hui m’appuyer sur les avis de toute l’équipe. Il en va de même dans le jeu video, qui a toujours été un travail d’équipe. Les ventes d’Oink Games ont été multipliées par 15 au cours des 10 dernières années. Je n’ai quasiment plus de travail en contact avec les clients, et peux désormais me concentrer sur le développement des jeux. Mes goûts en matière de jeux on peu changé, mais je suis cependant un peu déçu de passer moins de temps à jouer, en raison des changements dans ma famille et mon entourage.
B: Quelles sont vos relations avec les autres éditeurs japonais ? L’an dernier à Essen, vous avez partagé un stand avec d’autres éditeurs indépendants japonais – je crois qu’il s’agissait de itten et Saashi & Saashi, corrigez-moi si je me trompe. Pensez-vous continuer ainsi ?
J: Nous avons des relations amicales avec d’autres éditeurs, parmi lesquels itten et Saashi & Saashi. Cependant, Oink Games souhaite rester indépendant. Je crois qu’il vaut parfois mieux être seul pour pouvoir faire ce en quoi l’on croit.
B: Avez-vous déjà été approché par de plus grands éditeurs – pas nécessairement Asmodée – désireux de vous racheter ? Si cela n’est pas encore arrivé, quelle serait votre première réaction face à une telle proposition ?
J: Je n’ai jamais été approché par un éditeur de jeux de société. J’ai eu une proposition, que j’ai refusée, dans le domaine du jeu video. Si une telle offre nous était faite un jour, je ne nous vois pas vraiment devenir une filiale d’un grand groupe. Nous avons les moyens financiers pour continuer à développer et produire des jeux comme nous le faisons actuellement. Nous ne cherchons pas à maximiser nos profits, mais à continuer à créer des jeux avec plaisir, et il est préférable pour cela de rester financièrement indépendant.
One of my last games, Whale to Look, has been published in 2023 by Oink Games. It is cosigned with Jun Sasaki, the boss of this small Japanese publisher whose small brightly colored boxes are easy to spot in game shops. I’ve always liked the Oink Games line. The games are often really original, with simple rules and cute minimal art, and I’ve been trying to land a game there for years. I even designed one specifically for their box format, Maracas, which was finally published by Blue Orange. Having a game published there is therefore an achievement, even more since the game seems to sell well. I therefore seized the oportunity to ask Jun Sasaki a few questions. I have met him once at Gen Con, years ago, then twice at the Osaka Game Market. Unfortunately, I don’t travel to Japan as often as I used to, so this interview was made by email.
At 2019 Gen Con
Bruno: Tell us about the origins of Oink. Since when do you play boardgames? What games brought you into the hobby ?
Jun: Around 2005, I started playing boardgames other than the classic and popular Monopoly and Catan. At that time, I was already involved in video game development. I was very much impressed by the simplicity, the straightforwardness of games like Incan Gold and Cockroach Poker, all the more because it went completely opposite to the trend in videogames, which were becoming longer and more complex. Over the next few years, I played hundreds of modern board games, and around 2009-2010, I thought of designing one myself. This was the beginning of Oink Games.
B: When did you create Oink? What brought you into boardgame design and boardgame publishing? Did you start the company to publish your own designs, or did you first decide to start a publishing company?
J: I chose the Oink Games brand name for selling my first games at the 2010 Tokyo Game Market. I had never published a game before, and was appalled by the cost of printing cards. I realized that it meant that, even if my game sold dozens at the Game Market, I would probably end up in the red. To keep on selling after the Game Market, I registered Oink Games as a company and added barcodes for distribution. This became the Oink Games company which still exists today. The trigger for starting board game design, and for publishing my first games, was clearly the Game Market. Without it, Oink Games would not exist.
B: Many small companies like yours license games to Western publishers, but you’ve decided to publish by yourself in the whole world. When and why did you decide to start directly selling games out of Japan? Are most of your sales still done in Japan?
J: In late 2010, my game Yabu no naka (In a Grove) caught the attention of a European publisher. It was published in Europe by Asmodee, under the name Hattari (bluff in Japanese), with a different artwork and box size. I didn’t complain at that time, thinking that they had their ways and knew the European market better, but I already wondered if this game could not stand the competition with its original artwork. Sales in Europe were disappointing, which deepened the question. The same thought occurred to me when Kobayakawa was released in Europe in 2013. My desire to show my creations to the world market in their original form kept growing stronger and, in 2015, Oink set up a booth at Essen Spiel where we started to publish and sell the game by ourselves.
B: Just curious – I don’t need numbers, but what is your bestseller? Is it Scout, Deep Sea Adventure or my favorite, A Fake Artist Goes to New York? Or some other ones I don’t suspect?
J: While Oink’s best-seller is Deep Sea Adventure, Scout is rapidly catching up. Then comes A Fake Artist Goes to New York. In Japan, Nine Tiles also sells really well.
B: Your games have a very specific look, small boxes and very simple art. Why this choice? Your small boxes fit very well in one of the Western clichés about Japanese culture, that of minimalism. Do you think Japanese minimalism is really a thing, or is it just Western fantasy?
J: I like a simple, pared down, minimal style, and I empathize with things like the traditional Japanese temple building style and the zen philosophy. I’m not sure, however, that this can be labeled Japanese minimalism – I just happen to like such things.
Bruno’s note : I asked this question because I’ve heard both Japanese people stating that Japanese minimalism didn’t exist and was an invention of Californian architects and furniture designers, and other ones explaining that it was the very heart of Japanese culture.
Oink games on display in a small Japanese gameshop.
B: When looking at the listing of Oink Games at the Boardgamegeek, I have a feeling that the few times you tried to do bigger boxes, it didn’t go that well. Am I right? Does this mean you will now stay with your emblematic line of small boxes? Or do you have other projects for Oink?
J: It’s not that “we tried to make big boxes and it didn’t work out.” Even now, if we have a game suitable for a big box, we are willing to release it in a big box. However, I like the Oink Games small, minimal, uniform boxes. If that results in Oink Games’ uniqueness, and in sales, I see no reason to change our approach.
B: More or less half of the games published by Oink have Japanese designers, and the other half Western designers. Do you think there are differences in the way we design games? In the way we play them?
J: In abstract terms, it seems to me that Japanese game design is inward-facing. Conversely, Western game design seem outward-facing. I think both have good points. More specifically, Japanese designers seem to create works for themselves and those close to them, while Western designers aim at a wider audience. However, this is just the impression I get, and I might be wrong.
Brunos notes: The opposition between what’s inward and outward facing is very often used by Japanese people, and it has a very general meaning. Anyway, even when I often consider what I think publishers are looking for, I always feel like I am also designing games mostly for me and my friends. And my personal feeling is that there is no significant difference in the way we design games.
B: Japan and Korea, now followed by other East-Asian countries, are representing an ever-growing part of the board gaming world – meaning gamers, publishers and designers. How do you explain this? Do you think it will continue growing?
J: The culture of board games is now spreading to people in Asian countries as well, and many are therefore staring to design and publish games in their own countries. However, I think that the general public in Asia is still largely unaware of the charm and interest of boardgames. This means it’s only the beginning, and more creators will probably emerge in the coming years.
B: Many of the games you publish are your own designs or co-designs. How do you decide if your own designs are worthy of being published? Do you take part in the decision or trust your gaming friends?
J: I only trust my own senses! If I think “this is worth releasing by Oink Games,” then I believe that is the right decision. Of course, I also trust team members and game friends and ask for their opinion.
Constellations prototype
Whale to Look
B: Thinking of co-designs, you developed Whale to Look from a prototype of mine which had a completely different setting, looking at stars in the sky, and major rules differences. This was a case of “relay” co-design, since I did more or less the first half and you did the final one, but we never really worked together. Do you often work this way? Or do you usually co-design from the beginning?
J: I have worked this way with other designers. Starting from scratch together with another designer is something I have not done yet.
Bruno’s note : Same with me, and I think it’s the most usual for of boardgame co-design.
B: I’ve submitted games to Oink for years, with no success. What did you like in my original Constellation prototype that you found interesting enough to develop it?
J: I have thought for quite long about decision making within uncertain information, so I had to be interested in this game. From the beginning, we felt it had a depth that made us want to play it again and again.
B: Looking at the back of my collection of Oink games, I notice that some of them are printed in Japan and some in China, with no visible difference between them. Do you print smaller print runs in Japan and bigger ones in China, or do you print some games in Japan and other ones in China depending on the components?
J: The first print run, for which communication and short printing delays are critical, is usually made in Japan. Further print runs of thousands or tens of thousands of copies are usually made in China, where printing costs are lower. To maintain the same quality in either case, we communicate closely with the factory and repeatedly check the quality.
B: Since you print both in Japan and China, is the weak yen a good or a bad thing for Oink? If it goes on, do you think it will make manufacturing in Japan more interesting for Oink and maybe for other publishers?
J: Printing costs in China are getting higher, but the profit on overseas sales is also increasing. There are both good and bad points, and the overall impact is not significant. There are many excellent printing companies in Japan, and I would like overseas publishers to consider them. Anyway, I want to continue using Japanese factories at least as much as before.
B: You have, at least among Western gamers, an image of small publisher. Having now a game published by you, I’ve been happily surprised by your sale numbers, which are not that small. So, how big is really Oink? How many people work for the company in Japan? And outside Japan – I know Laura, but there are probably other ones ?
J: There are 15 people working at Oink games in Japan, including me, and 3 in Germany. However, half of the Japanese team members are working on video games, including programming and digital art creation. There are only about 10 people worldwide at Oink who are fully working in boardgames.
Oink booth at UKGE 2024
B: In your almost fifteen years as a game publisher, what major changes did you experience? In the business aspect, in your design process, in your tastes about games?
J: I really started with making games by myself and selling them at the Game Market. I was doing everything by myself, from production to advertising and sales. Now, I rely on the team a lot, especially for communication, sales, and distribution, but the game design process hasn’t changed much. I am however very grateful that there are more people around me who can help me with their opinions. As for video games, it has always been a team effort, both then and now. Annual sales have increased 15 times over the past 10 years. Personally, I have almost no client work now, and I am able to focus on game development at Oink Games. My tastes in games didn’t change much either. However, I regret having less time to play games, due to changes in my family and environment.
B: What are your relations with other Japanese game publishers? Last year in Essen, you shared a booth with Japanese indie game publishers – I think it was Itten and Saashi, correct me if I’m wrong, do you intend to go on with this?
J: We have friendly relations with a few other publishers, including Itten and Saashi & Saashi. However, Oink Games generally tends to keep some distance from other companies. I believe that it’s sometimes better to be solitary in order to quietly and steadily follow what you believe in.
B: Have you ever been approached by bigger companies wanting to buy you out – be it Asmodee or anyone else, you don’t have to give me names? If it didn’t happen yet, what would be your first reaction if this happens someday?
J: I have never been approached by boardgame companies. I was once approached for an acquisition of our videogame activity, but I declined the offer. If such an offer were made to us in the near future, I don’t think we would consider seriously becoming a subsidiary of a bigger group. As it is, the company is profitable enough to keep on developing and producing games as it has done so far. The goal is not to make tons of money, but to keep on making games in an enjoyable way. For this, it is more convenient to be financially independent.