Le péril jaune
Made in China

Si les Hasbro et autres Mattel, font depuis longtemps fabriquer en Chine ou dans d’autres pays d’Asie certaines pièces de leurs jeux, la plupart des éditeurs de jeux de société, tant en Europe qu’aux Etats-Unis, avaient coutume de produire leurs jeux chez eux. Quelques uns, comme Ravensburger, ont leurs propres usines, mais la plupart font appel à des cartiers, dont le plus important est le belge Carta Mundi, ou des à des cartonniers / imprimeurs / metteurs en boite / stockeurs et toutes ces sortes de choses, le plus connu étant l’allemand Ludofact.

Depuis deux ans environ, la tendance à la délocalisation de la fabrication des jeux, essentiellement vers la Chine, s’est très sensiblement accélérée, et ne concerne plus seulement les « majors » du jeu. C’est ainsi que si certains de mes jeux sont encore produits en Europe ou en Amérique, ils sont de plus en plus nombreux à porter quelque part au dos de la boite un discret « made in China ». L’édition américaine de Citadelles est maintenant imprimée en Chine, tout comme celle de La Fièvre de l’Or, les pièces du nouveau tirage de Babylone, et maintenant Warrior Knights.

Les éditeurs de jeux « coupables » de délocaliser ainsi leur production sont régulièrement critiqués sur les forums internet, et singulièrement sur les forums francophones. La question est pourtant bien plus complexe que pourraient le laisser croire les imprécations des donneurs de leçons.

La première critique porte sur la qualité de fabrication. Les cartes « made in China » seraient moins épaisses, moins bien vernies, difficiles à mélanger, et leurs couleurs, trop mates ou trop brillantes selon les cas, jamais fidèles. Les plateaux de jeu imprimés en Chine auraient trop souvent sur leur pliure ce vilain creux qui fut longtemps appelé « American Valley », les imprimeurs européens étant les seuls à maîtriser la très haute technologie du pliage de plateau de jeu en quatre. Certains intégristes peuvent même disserter sur la supériorité du « vrai » tramage des boites de jeux imprimées en Allemagne sur le « faux » tramage des boites imprimées en Chine. Moindre, la qualité serait aussi très irrégulière, ce qui obligerait à tout surveiller, tout vérifier, tout recompter en permanence pour éviter de voir arriver des boites auxquelles il manque des pions ou des dés. Pour le respect des délais, les chinois ont aussi plutôt mauvaise réputation, mais les belges ne valent pas toujours mieux. En cas de problèmes, qu’il s’agisse de qualité, de délais où de tout autre problème, les contacts sont en outre plus difficile qu’avec des voisins.

Rien de cela n’est tout à fait faux. Les problèmes de qualité et, surtout, de suivi, expliquent d’ailleurs que certains éditeurs, après avoir produit quelques jeux en Chine, reviennent au moins en partie vers l’Europe et les États-Unis. Je préfère donc généralement voir mes jeux produits en Europe qu’en Chine, car mes contacts occasionnels avec les gens de LudoFact ont toujours été très sympathiques, et car la qualité de fabrication reste généralement supérieure « chez nous ». Le succès de Diamant s’explique, entre autres, par le superbe matériel « made in Germany ». La comparaison n’est en revanche pas toujours favorable aux productions américaines (ou françaises), comme le montre le dernier tirage de l’édition en langue anglaise de Citadelles, imprimé désormais en Chine. Sa qualité reste moindre que celle des éditions européennes, mais est meilleure que celle des tirages précédents qui venaient, je crois, du Canada. Il est cependant clair que ce différentiel de qualité entre l’Europe et la Chine tend à disparaître et que, déjà, plus grand chose ne distingue un jeu produit en Chine d’un autre fabriqué en Europe.

Les critiques les plus fréquentes et les plus violentes ne portent cependant pas sur les jeux eux-mêmes, mais sur la logique économique derrière cette délocalisation. Les éditeurs qui font faire leurs jeux en Chine ne seraient tous que d’affreux capitalistes sans scrupules, coupables tout à la fois de profiter d’une main d’œuvre surexploitée et sous payée et de créer du chômage en Europe et aux Etats-Unis. Là encore, le raisonnement n’est pas entièrement faux, mais il est incomplet.

Oui, les délocalisations suppriment les emplois correspondants dans les pays riches, mais la baisse de prix qu’elles entraînent se traduit aussi par un transfert de pouvoir d’achat vers d’autres secteurs d’activité, transfert qui peut être créateur d’emploi, surtout si ces activités sont des services moins automatisés que l’impression et le découpage du carton. La question du bilan global en termes d’emploi est donc loin d’être simple, car lorsque vous payez vos jeux moins chers, vous en achetez plus ou, plus vraisemblablement, vous achetez plus d’autre chose.

Oui, la raison d’être des délocalisations, dans le jeu comme ailleurs, est dans le différentiel de coûts de production. Imprimer des jeux en Chine n’est intéressant que parce que c’est moins cher, et même suffisamment moins cher pour compenser les coûts logistiques supplémentaires, et cela s’explique avant tout par des salaires plus faibles, des horaires plus lourds et une protection sociale bien moindre. Non, cela ne signifie pas qu’il faudrait, comme je l’ai lu sur certains forums, soit exiger que les travailleurs chinois soient payés au tarif européen et bénéficient des mêmes avantages, soit renoncer entièrement à toute délocalisation. Procéder ainsi reviendrait en fait à neutraliser ce qui reste le principal avantage compétitif des industriels chinois, et donc ce qui permet à la Chine de connaître aujourd’hui une forte croissance. Leur retirer cet avantage au nom des normes sociales occidentales, c’est interdire le développement, et ses conséquences en termes de démocratisation et de progrès social, au nom du développement, de la démocratie et du progrès social – ce qui est soit naïf (à gauche), soit hypocrite (à droite).

Alors, bien sûr, il faut espérer que la Chine, en très forte croissance aujourd’hui, connaîtra bientôt des augmentations de salaires, verra apparaître une protection sociale digne de ce nom et se mettre en place un droit du travail plus protecteur, se souciera de plus en plus de l’environnement et verra sa monnaie se réévaluer de manière plus conséquente, tout cela devant bien sûr entraîner une hausse des coûts de production. Ce sera très certainement le cas, comme ce le fut pour le Japon dans les années 60, pour la Corée dans les années 80. Les premiers signes de cette évolution apparaissent déjà, même s’il est vrai que les dimensions de la Chine rendent tout beaucoup plus complexe. Quoi qu’il en soit, le processus ne peut venir que de l’intérieur – des ouvriers profitant des tensions naissantes sur le marché du travail pour s’organiser et réclamer leur part de la nouvelle richesse, de la moyenne bourgeoisie naissante qui va avoir envie de consommer et de jouer, des gouvernements et des industriels désireux d’éviter les problèmes sociaux et politiques en suscitant une demande locale. Chacun peut accompagner et encourager cette évolution, à laquelle nous avons d’ailleurs tout intérêt, en choisissant au mieux ses partenaires ; il serait stupide de l’empêcher en croyant, ou en prétendant, l’accélérer.

Ceux qui me connaissent savent que je suis loin d’être un libéral pur et dur, et n’adhère pas à la croyance quasi religieuse selon laquelle la libre concurrence et le jeu du marché conduiraient mécaniquement au meilleur des mondes possibles – jouez à Terra et vous verrez si ça marche. Je sais donc bien que le scénario rose que je décris ci-dessus n’est pas, loin de là, le seul possible. Les éditeurs de jeux, même s’ils vendent un produit culturel pour lequel le prix n’est pas le critère principal de choix, ne peuvent pourtant pas ignorer totalement l’environnement concurrentiel dans lequel ils vivent. Quoi qu’ils pensent des arguments que j’ai développés plus haut, ils n’ont souvent pas vraiment le choix. Du Balai, fabriqué en Chine alors que la plupart des jeux Asmodée sont produits en Europe, en est une excellente illustration. Le matériel très particulier, et notamment la boite-livre conçue sur mesure pou le jeu, n’aurait pu être fabriqué en Europe qu’à un coût tel que le jeu aurait été invendable. Le choix, dans ce cas particulier, n’était donc pas là entre la Chine et l’Europe, il était entre la Chine et rien.


Though Hasbro, Mattel and the likes have been manufacturing part of their games’ production in China or other Asian countries for years, most smaller boardgame publishers, in Europe and the USA, have historically been printing and producing their games “at home”. A few, like Ravensburger, have their own cardboard and printing facilities, but most rely on subcontractors, card printers like the Belgian Carta Mundi, or game manufacturers like the german company Ludofact, who can do everything from printing, cutting cardboard and sourcing the various components required for a game, to assembling all its components into the game box, and even warehousing the resulting game.

For two years now, the trend towards outsourcing the production of games, mostly in China, has increased, to the point where it now also affects also smaller publishers. While most of my own games are still printed in Europe, more and more now display a small “made in China” mark in a discreet corner of the box back. The American edition of Citadels is now printed in China, like the American edition of Boomtown and now Warrior Knights. The Babylone pieces now come from China as well.

Game publishers “guilty” of outsourcing to China are regularly bashed on internet forums, especially in France, as if the problem and its implications were simple. They are not.

The first criticism is usually directed at the components’ quality (or supposed lack thereof) of Chinese manufacturers. Chinese cards are reputed to be difficult to shuffle, the result of a cardboard too thin or too thick, of colors too bright or too dark, and/or of a thin and fragile varnish. The boards are said to be easily prone to warping, or to often feature an ugly and distinctively un-European “American valley” in their middle, so called because there was a time when European printers were the only ones mastering the high technology behind the cutting and flat folding of boardgame boards. Some can dissert for hours on the qualitative card stock differences between boxes and tiles printed in China versus Germany. More problematic, the quality is supposed to be erratic, which means constant checking and counting of everything in order to get game boxes in time, and with no missing part. Chinese printers are said to have a careless attitute toward timelines, though Belgians are not necessarily better. All this is made even worse by the fact that, in case of trouble, contacts and discussions are much more difficult than with neighboring partners.

All this is more or less true, and the quality problems are the main reason why some publishers, after printing a few games in China, have been coming back, at least for some of their products, to Europe and North America. I usually prefer to have my games produced in Europe than in China, because I have friendly relations with the people at Ludofact, and because the games still look a bit nicer. If Diamant was a hit in Germany, it’s in part due to the nice wood and cardboard components, typically “made in Germany”. The comparison, on the other hand, is not always in favor of the American (or French) productions. You can see this with the most recent print runs of Citadels, now manufactured in China, with a better result than older versions which were, I believe, manufactured in Canada. Nevertheless, the difference in quality between Europe and China is narrowing very rapidly, if it still exists.

The most frequent and violent criticisms, however, are not about the games themselves but about the business logic behind this outsourcing. Publishers who are printing their games in China are blamed for being unscrupulous capitalists, guilty on the one hand of taking advantage of underpaid and overexploited workers, and on the other of causing unemployment in Europe and the USA. Once more, it’s not wrong, but it’s also not so simple.

Obviously, outsourcing axes the outsourced jobs in rich countries, and this is true with games as with anything else. On the other hand, it results in lower prices, and therefore diverts purchasing power towards other activities, and this diversion can create jobs, especially when these activities are services which are more labor intensive than the largely automated printing and cutting of cardboard. The global effects in terms of jobs is not easy to tally, since when games are cheaper, you buy more or, more likely, buy more of something else.

Of course, lower production costs are the main reason behind this move toward outsourcing. Printing games in China is interesting only because it’s cheaper, and cheaper enough, for that matter, to balance the higher logistics and communication costs. This is indeed due to lower wages, longer working hours, and lower social security. This doesn’t imply that, as I have read it recently on a game forum, we ought either to demand that Chinese workers were paid at American rates and got the same protection European ones, either to give up outsourcing. This would result in canceling the only competitive advantage of the Chinese industry, and the only cause behind the economic growth of China. Canceling this advantage in the name of western social norms would mean forbidding development and its consequences, democratization and social progress, in the name of development, democracy and social norms. This is either naïve (on the left) or hypocritical (on the right).

We can only hope that China, due to its very fast growth, will soon see wages rise, social security develop, labor laws enacted and applied, environment become a real concern, and its money more substantially revalued, all this causing a rise in Chinese production costs. This will happen, like it happened with Japan in the sixties and with South Korea in the eighties. It has even already started, even though things might be more slow and complex due to China’s size. All this, however, can only come from the inside, from workers taking advantage of the rising tensions on the labor market to claim higher wages, their share of this new wealth; from a rising local middle-class avid of consuming and gaming; from a government and businessmen wanting to avoid social and political tensions by creating a local demand – which has always been the ultimate goal. We can accompany and may be encourage this trend, which is in our own interest, by taking care in choosing our business partners. It would be stupid to stop it while pretending to help it.

Those who know me are aware that I’m not a free marketer and that I don’t subscribe to the quasi-religious belief that free market and competition automatically lead to a best possible world. Play Terra and you will see.

I know very well that the optimistic scenario I’ve described is not the only possible one. On the other hand, game publishers, even when they sell a cultural product for which price is not the main criterion of choice, cannot ignore the competitive world in which they are living. No matter what they think of the arguments I have developed, they often have little choice. A good example is Du Balai, which is printed in China, while most Asmodée games are still made in Europe. This is due to the components, and specifically the book-like box design of this game. If produced in Europe, the manufacturing cost would have been so high that the game would have ended up priced out of its true market potential. In this specific case, it was not a choice between China and Europe, but rather a choice between China and nothing.

Jeux de jambes et sports de l’esprit
Mind Sports and Body Games

La revendication récurrente de certains joueurs, et souvent de leurs “fédérations”, demandant que le bridge, les échecs, et peut-être d’autres que j’oublie, soient considérés comme des « sports de l’esprit » étonne et inquiète ceux qui, comme moi, sont convaincus que ce sont des jeux et n’envisagent pas qu’ils ne le soient plus. Elle amène aussi à s’interroger sur ce qui sépare, et surtout ce qui rapproche, le jeu du sport.

Si l’on entend par jeu une activité intellectuelle, déconnectée du réel, caractérisée par un système de règles arbitraires, on réalise bien que de nombreux sports en sont très proches. Ce sont en effet des activités physiques, déconnectées du réel, et caractérisées par un système de règles arbitraires. Beaucoup d’activités demandant à la fois des capacités physiques et intellectuelles, la frontière entre sport et jeu peut alors être très floue, comme le montrent les statuts ambigus du billard ou de la pétanque. Aucune raison objective ne justifie que le Ping Pong soit un sport (pour parler sportivement et politiquement correct, il faut, paraît-il, dire tennis de table), et que Carabande soit un jeu, ni que le football soit un sport et la balle au prisonnier un jeu.

Tous les sports ne sont pourtant pas également proches du jeu. Ce n’est pas pour rien que l’on parle de « jouer au football » ou de « jouer au tennis », mais pas de « jouer au ski » ou de « jouer à la course ». Les sports qui s’apparentent le plus clairement au jeu sont alors ceux ou la compétition est présente, mais relève plus de l’interaction réglée avec un autre joueur, une autre équipe, que de la simple recherche de performance. Les sports où l’on affronte un adversaire, ou une équipe adverse, en tentant de marquer des buts ou des points, sont des jeux. Ceux où l’on essaie seulement de faire mieux que ses rivaux, ou simplement de faire de son mieux, en courant plus vite ou en sautant plus haut, le sont sans doute un peu moins

Tout cela montre bien le ridicule de la revendication d’une absurde catégorie des « sports de l’esprit », car un sport de l’esprit, cela s’appelle un jeu, et un jeu plutôt physique, cela s’appelle un sport. Si le bridge, le scrabble ou les échecs sont des sports de l’esprit, c’est tout aussi vrai du morpion, des Aventuriers du rail ou de Citadelles – et mieux vaut alors continuer à parler de jeu pour être sûr d’être compris et ne pas tout mélanger.

Pourquoi donc cette curieuse volonté, chez certains joueurs, de voir leur jeu préféré assimilé à un sport ? On devine des motivations très terre à terre, mais compréhensibles, comme la volonté de passer plus souvent à la télévision, d’obtenir plus facilement des subventions, de séduire plus aisément des sponsors. Le poker a pourtant récemment montré qu’un jeu pouvait avoir un grand succès dans les médias, et attirer des financements conséquents, sans se faire passer pour un sport. Plus regrettable, et c’est pour cela que cette revendication m’attriste, elle révèle une volonté de se distinguer des autres jeux, tenus pour moins nobles, voire pas vraiment sérieux, et sous entend que le terme même de jeu serait presque insultant. Peut-être aussi faut-il y voir le souci de mettre plus encore l’accent sur la compétition, généralement plus présente dans le sport que dans le jeu – même s’il y a des exceptions dans les deux camps. Or si un peu de compétition est sans doute nécessaire au jeu, un jeu ne fonctionnant que si chacun fait tout son possible pour gagner, trop de compétition tue l’esprit ludique en brisant la frontière nécessaire entre le monde du jeu et le monde réel, dans lequel le vainqueur du jeu ne doit pas avoir d’importance, de crédit ou de renommée particulière – car dès lors ce n’est plus tout à fait un jeu.

C’est paradoxalement cette proximité entre jeu et sport qui explique sans doute le peu de succès des jeux à thème sportif, la fausse bonne idée la plus récurrente chez les auteurs et éditeurs de jeux de société. On ne compte plus les jeux sur le football ou sur le cyclisme et, quels que soient leur qualité, leur niveau de complexité, l’élégance du matériel ou la puissance du réseau de distribution, aucun n’a jamais été un succès commercial. Un jeu sur le sport, c’est un peu un jeu sur le jeu, et le sport apparaît donc aux joueurs comme un thème fort peu exotique – même pour quelqu’un qui, comme moi, n’a pas pratiqué le moindre sport depuis bien longtemps.


Regularly, some dedicated players of chess, bridge or some other game, as well as their “official” federation demand that their game be considered a sport – a “brain sport”. This demand is very unsettling for those, like me, who are deeply convinced they are just games, and don’t want them to be anything else. It is also a good reason to think on what makes the difference between game and sport.

If a game is an intellectual activity, disconnected in time and aim from the real world, and with a set of arbitrary rules, it is clear many sports are not far from it – they are physical activities, disconnected in time and aim from the real world, and with a set of arbitrary rules. Since many activities require both physical and intellectual abilities, the limit between game and sport is necessarily blurred, as you can see with activities like pool and snooker – game or sport ? There’s no objective reason making ping pong (now politically and “sportively” correctly called table-tennis) a sport and Carabande a game, making football a sport and catch the flag a game.

All sports are not as gamey. You play football or tennis, you don’t play ski or running. The sports that are the more similar to games are those where competition lies more in the regulated interaction with another team or another player than in the pursuit of performance. Sports in which you face another team, trying to score goals or points, are also games. Those in which you just try to do better, faster or higher than anyone else, or than you use to do, are not really games.

Requesting some games to be considered “brain sports” is therefore meaningless. A brain sport is called game, and a physical game is usually called a sport. If chess, bridge or scrabble are brain sports, then Five in row, Ticket to Ride and Citadels are as well. Better keep on speaking about games, so that everyone understands.

Why, then, this strange request from players who want their favorite game to be called a sport ? There are obvious and very trivial reason, such as more opportunities to be on TV, and may be to attract state or town subsidies. Poker has nevertheless recently managed to go on TV and attract much media attention without disguising itself as a sport. A more sad and worrying point is that this demand is also a try at making these games different from others, which are to stay plain games. This pretense may also hide a will to focus more on competition, since there is usually more competition in sports than in games – even when there are exceptions in both worlds. Some competition is probably necessary in a game, since a game doesn’t really work if players don’t make all they can to win, but too much competition breaks the game with breaking the necessary firm limit between the game world and the real one, in which the winner of the game must not matter in any way – if it does, it’s not a game anymore.

The proximity between sport and games is probably the main reason why sport games don’t sell. Sport themed games is probably the most common bad idea among authors and publishers. Dozens of games about soccer or cycling have been published in France these last years and, no matter their quality, their complexity, their components, their publisher or distributor, they all were flops. A game about sport, it’s something like a game about gaming, and there’s nothing less exotic for a gamer – even someone like me who didn’t practise any sport for years.

Un thème, pour quoi faire ?
A theme, what for ?

Deux des nouveautés les plus remarquées de la fin 2005, toutes deux assez rapidement oubliées depuis, amènent à se demander à quoi peut bien servir un thème dans un jeu de société.
Big Kini est un excellent jeu de majorité, aux mécanismes dynamiques et bien conçus, mais qui souffre visiblement d’un thème inadapté. Les parties sont intéressantes et disputées, mais ces histoires de ministres en shorts et de barons en tongs, ces exportations de cigares dans des îles ignorant qu’elles ont des voisins, ces colons qui font ou ne font pas d’enfants selon l’îlot où ils s’installent, tout cela n’a guère de sens et n’aide pas à entrer dans la logique du jeu. Après ma première partie, j’en discutai un peu dans les allées du salon d’Essen. J’appris ainsi que le prototype de l’auteur était un jeu de conquête et d’exploration spatiale dont l’éditeur, pour des raisons commerciales (qui se limitent sans doute à la légende selon laquelle« la science fiction ne se vend pas »), avait déplacé l’action dans le monde exotique et ensoleillé des îles du Pacifique. Le jeu reste bon malgré un mauvais thème, mais c’est quand même dommage tant il serait de toute évidence meilleur, car plus naturel et plus fluide, dans son univers d’origine.
Paru également pour Essen 2005, Mesopotamia, est un jeu de points d’action à la Tikal, qui tourne bien qui m’a laissé assez dubitatif. L’une des raisons de mon peu d’enthousiasme est, là encore, un thème maladroit qui n’a même pas, comme dans Big Kini, la vague excuse d’un vague humour. Pourquoi diable avoir situé en Mésopotamie un jeu sur le plateau duquel ne coule ni deux, ni même un seul fleuve, mais où fument en revanche de nombreux volcans ? La couleur locale mésopotamienne s’y limite à quelques jolis dessins de prêtres aux barbes huilées et tressées, et à une pyramide aztèque rebaptisée en hâte temple de Marduk. On devine aisément que l’auteur avait d’abord situé l’action quelque part en Amérique du Sud et que, parmi les offrandes à amener au temple pour l’emporter, il y avait sans doute quelques sacrifices humains. Les civilisations précolombiennes étant habituellement censées plutôt bien se vendre, le changement de thème laisse perplexe.

Update : Après avoir rédigé cet article, j’ai été orienté vers quelques articles fort sérieux expliquant que, selon les théories historiques les plus récentes, il y aurait sans doute eu des volcans en activité en Asie mineure dans la haute Antiquité. Je l’ignorais, comme l’ignoraient sans doute la plupart des joueurs, et ce plus en termes de plausibilité historique n’en est donc pas vraiment pour l’imaginaire des joueurs. Peut-être un paragraphe expliquant ce point n’aurait-il pas été déplacé à la fin des règles. Quoi qu’il en soit, cela n’explique pas l’absence des deux fleuves.

Ces deux thèmes inadaptés, rapidement plaqués sur des jeux conçus pour conter d’autres histoires et décrire d’autres univers, sont autant d’erreurs éditoriales. L’intention de l’éditeur ou de l’auteur croyant rendre le jeu plus attractif en lui donnant un thème qu’il pense plus vendeur est bien sûre louable, mais lorsque cette modification nuit à l’intérêt du jeu, je crains qu’elle ne soit contre-productive, y compris d’un simple point de vue commercial.
Certains jeux, ceux qui sont fondés sur un mécanisme unique et simple, supportent aisément un changement de thème, car ils n’ont pas réellement besoin d’un thème pour fonctionner. J’aime bien l’aspect de Babylone, et la référence à la tour de Babel que l’on ne peut pas bâtir jusqu’au bout, mais reconnais bien volontiers que cette histoire n’est en rien nécessaire au jeu.
Lorsque les jeux sont plus complexes, intègrent plusieurs mécanismes, le thème devient plus qu’un décor. Il est ce qui donne sens au jeu, ce qui fait la cohérence interne du système de règles, et ce pas seulement pour les jeux qui ont été dès l’origine construits à partir du thème. Dans Big Kini, un ministre à cheval sur deux îles n’a aucun sens, mais dans le prototype – que je reconstruis en imagination sans l’avoir jamais vu – un vaisseau spatial naviguant dans l’espace entre deux planètes était sans nul doute à sa place, et c’est parce que c’était sa place que l’auteur l’avait mis là.

De nombreux éditeurs ne semblent pas comprendre la fonction du thème dans la création ludique. S’ils admettent qu’il soit l’essence d’un jeu de rôle ou de simulation, ils n’y voient dans un jeu de société qu’un élément décoratif, voire une simple astuce pédagogique pour présenter les règles de façon moins abstraite. Je crois même avoir entendu Stefan Brück, pourtant un éditeur et un développeur talentueux, exprimer très exactement ce point de vue. Le thème permettrait de parler de cochons, de wagons ou de chevaliers au lieu de variables mathématiques A, B et C, de prestige, d’influence ou de haricots au lieu de points de victoire, mais n’aurait aucune autre fonction et ne serait, à la limite, pas vraiment nécessaire à un jeu qui existerait, dans l’absolu, en dehors de lui.
C’est parfois vrai. Toc Toc Toc !, tel que Gwenaël Bouquin et moi l’avons soumis aux éditeurs, contait l’histoire d’auberges à la croisée des chemins, où les aventuriers s’arrêtaient pour boire quelques chopes et passer la nuit. Hollywood tel que nous l’avions imaginé avec Michael Schacht était une histoire de nobles en quête de riches terres et de titres prestigieux. Si nous avons accepté de modifier le thème de ces petits jeux de cartes, c’est qu’ils étaient au fond assez abstraits, et que le nouveau thème y faisait autant sens que l’ancien – même s’il est un peu curieux que les vamps de Toc Toc Toc ! ne restent jamais dans une fête. J’ai en revanche systématiquement rejeté les propositions du même type pour Citadelles ou La Vallées des Mammouths – et personne n’a encore osé en faire pour Mystère à l’Abbaye.

Il reste que dans les meilleurs jeux, les plus complets, les plus aboutis, ceux qui ont demandé un réel travail de développement, le thème a tant influencé les mécanismes que peu à peu, à force d’influences réciproques, les deux ont fini par se confondre. Le thème n’est alors plus une seulement un artifice de présentation d’un système fondamentalement abstrait, mais devient le support d’un ensemble de références et de clins d’œil qui sont un élément essentiel de l’expérience ludique – sans que cela fasse nécessairement du jeu une simulation. Vouloir garder tels quels les mécanismes et les équilibres d’un jeu en en changeant le thème, c’est accepter de se retrouver avec des mécanismes ne faisant pas sens avec le récit, ce qui ne peut que nuire à l’expérience du joueur. Dans le Monopoly du Seigneur des Anneaux, vous pouvez bâtir un hôtel en Mordor.

Cela ne signifie pas qu’il faille toujours s’interdire de modifier le thème des jeux de société un peu complexes. Himalaya, anciennement Marchands d’Empire, ou Shogun, réincarnation de Wallenstein, sont des exemples de changements de thème réussis, un peu par chance sans doute, mais aussi parce que le nouveau thème a été longuement réfléchi, et parce que l’auteur a pris soin de trouver de nouvelles références, de nouveaux clins d’œil, parfois de nouveaux petits points de règles, pour que le jeu conserve son sens, c’est à dire continue à raconter une histoire, dans le nouvel univers. On peut aussi, comme Richard Borg l’a fait pour créer Memoir 44, puis Battlelore, à partir de Battle Cry, reprendre presque à zéro le développement pour adapter le principe général du jeu au nouvel univers, avec de nouvelles unités, de nouveaux pouvoirs, de nouvelles règles et de nouveaux tests. – mais là, ce n’est plus le même jeu.

Trop souvent cependant, le changement opéré par un éditeur se limite à un simple rechercher/remplacer dans les règles, et le résultat confine alors souvent au ridicule, au point d’ôter toute clatré et tout intérêt au jeu..
Alan R. Moon et Richard Borg avaient, il y a quelques années de cela, conçu un magnifique jeu de guerre et de majorité dans l’univers du japon médiéval. Je suis convaincu que si l’empereur n’avait pas été changé en ancêtre et le shogun en ancien, si les lanciers et samurais n’étaient pas devenus des Tschurungas carrés et cylindriques, Wongar, qui s’appellerait sans doute Shogun, serait aujourd’hui un grand classique. Tel qu’il fut publié, on l’a oublié, comme on oubliera Mesopotamia et Big Kini. La même mésaventure est arrivée à Dominique Ehrhard, dont l’ excellent jeu de course de bateaux à aubes sur le Mississipi a été étrangement déplacé dans le Val de Loire, région que seuls des Autrichiens peuvent trouver vaguement exotique, puis agrémenté d’illustrations qui feraient plutôt penser à la Vallée du Rhin. Un jeu qui laisse ainsi passer sa première chance en rencontre rarement une seconde – c’est bien dommage pour Nottingham, dont j’ai récemment traduit les règles, et qui a l’air bien astucieux. Cette histoire de brigands qui attaquent une diligence pour contraindre les passagers à échanger leurs bijoux contre des chandeliers n’est pas très convaincante.

Pour d’autres exemples de jeux dont le thème a été changé par l’éditeur, et une discussion des résultats de ces transformations, vous pouvez consulter la liste que j’ai créée à ce sujet sur le Boardgamegeek.


Two of the most noticed games at the 2005 Essen fair, Big Kini and Mesopotamia, have been largely forgotten since. I think I know why, and this will be an occasion to discuss the function of the theme in a board or card game.
Big Kini is a cleverly designed and very dynamic majority game, but it obviously suffers from an ill-fitted setting. Games are fun and challenging, but this stories of barons in flip-flops and ministers in shorts, these islands exporting cigars while they don’t know they have neighbors, these settlers making children or not depending on the islet where they build their camp, all this doesn’t make any sense, and therefore doesn’t help players to get in the game’s logic. After my first game, I discussed it here and there in the Essen fair’s alleys, and soon learned that the author’s prototype was a space exploration and conquest game. The publisher, for commercial reasons – Science Fiction games are not supposed to sell – decided to move the game’s action in the sunny and exotic southern seas. Well, despite a forced theme, the game is still really good, but I don’t doubt it would be better, because more natural, more fluid, more evident, in its original world.
Mesopotamia also appeared at Essen 2005. This action points game, of the Tikal family, works well but left me a bit cold. The main reason for my lack of enthusiasm is probably not in the game systems, they are good, but, once more, an ill fitted theme. At least, in Big Kini, the theme was treated with some humor and sometimes tried to make fun of itself. Why call “Mesopotamia” a game with neither two, nor even one, river, but with lots of smoking volcanoes? The only local color elements in the game are a few priests with braided beards and an Aztec pyramid hastily renamed Marduk temple. It is obvious the action was first intended to take place somewhere in South America, and there were some human sacrifices among the offerings to be brought to the pyramid temples. Since pre-colombian civilizations are supposed to sell well, I wonder what were the reasons for the change.

Update : After I wrote this article, I was sent the urls of some recent articles explaining that, according to the latest historic theories, there were probably active volcanoes in the Middle-East in the High Antiquity. Like most players, I didn’t know this, and it means that this might make the game more historically accurate, but doesn’t make it more accurate to our imagination. Well, it could have worked with a paragraph explaining this at the end of the rules, but there’s none. And it doesn’t explain why there are no rivers in Mesopotamia.

These two themes, hastily pasted on games that were obviously designed to tell other stories, to describe other settings, are obvious editorial mistakes. I can understand the intent of the author or publisher who wants to make the game more attractive with changing the setting for one that’s supposed to sell better. I’ afraid that, when the result is to make the game weaker, it is counterproductive, even on a purely commercial point of view.
Some games, mostly those based on a single and simple mechanism, can easily have their setting changed, because it’s just a setting and not a real theme, and they don’t need it to work. I like the look of Babylon, and the underlying story of the Babel tower that you can never build to the end, but I’m the first to admit it’s not necessary to the game.
When games are more complex, and involve many game systems, the theme becomes much more than a background setting. It becomes what gives a meaning to the game’s action, what makes the game coherent – and this is true not only for the games that were designed starting from the theme. In Big Kini, a baron standing with one flip-flop on an island and the other on a second island makes no sense, but in the prototype – which I’ve never seen and now reconstruct in my mind – a spaceship in deep space between two planets of the same system certainly made sense – and it had been put there because it made sense.

Many publishers don’t seem to understand what the theme stands for in a boardgame. They admit that the theme is critical in a role playing or a simulation game. In a card or board game, they think it’s just added color, or at best a kind of pedagogic tool to explain the rules in a less abstract way. I think I remember Stefan Brück, who is talented game publisher and developer, saying exactly this. He explained that the only use of the theme was to help writing the rules, and to have names such as pigs, trains or knights instead mathematical variables A, B or C, and beans, prestige or influence for victory points. He thoughtthink For him, the essence of the game existed without the theme, and a good game could even work without theme.
It’s sometimes so. When Gwenaêl Bouquin and I submitted Knock Knock! to publishers, the game was about taverns at a fantasy forest crossroads, where adventurers stopped for the night. The Hollywood card game as Michael Schacht and I had designed it was about mediaeval barons in search of rich fiefs and nobility titles. We accepted to have the setting of these small card games changed because they were, in fact, abstract games, and the new setting made as much sense as the old one – even when I still find a bit strange that Knock Knock’s vamps never stay at a party. On the other hand, I always refused proposal to change the theme of Citadels or vally of the Mammoths – and noone dared to suggest a change of theme in Mystery of the Abbey.

In the best games, the richest ones, the ones which have been really developed, the theme has had so much influence on the systems that they have become one, and that it’s impossible to remove the theme without violence. The theme has become much more than an artificial pedagogic tool, pasted up setting. It is now the basis for all the references and “eye winks” which make for most of the fun of gaming – and this doesn’t make that the game has to become a simulation. Keep the systems and change the theme, and you get a game where the structure doesn’t make sense with the background story, and which can only feel unsatisfying. Ever wanted to build a hotel in Mordor? You can in Monopoly – Lord of the Rings edition.

This doesn’t mean you must never change the theme in a complex boardgame. Himalaya, a reworking of Marchands d’Empire, or Shogun, the new edition of Wallenstein, are examples of successful theme changes. There may be some luck in it. There’s probably more – the new theme has been chosen carefully to fit most of the existing systems, and the author has added new winks, new references, and usually a few thematic rules, so that the game still tells a coherent story in its new setting. Another way is to make like Richard Borg when he reworked Battle Cry to design Memoir 44 and then Battlelore. This means starting the development from the beginning, with not only a new setting, but also new units, new effects, new rules, new tests – but then, it’s really a new game.

Most time, a theme change made by a publisher is little more than a “search and replace” in the rules. The result can be ridiculous, and often removes most of the interest from the game.
A few years ago, Alan R. Moon and Richard Borg had designed a wonderful war and majority game settled in Mediaeval Japan. I’m confident that, if the Emperor had not become an ancestor and the shogun an elder, if lancers and samurais had not become square and round Tjurungas, Wongar, probably as Shogun, would have become a classic. As published, it was quickly forgotten, as will Mesopotamia dn Big Kini. The same misadventure happened to Dominique Ehrhard, whose Mississipi steamboats game has been moved to the Loire valley, a place only Austrian people can find exotic, and then illustrated with graphics that look more like the Rhine valley. A game that misses its first chance rarely finds a second one. It’s a pity for Nottingham, a game which rules I recently translated into French, and which sounds clever. This story of brigands attacking the stagecoach to force the passengers to trade their candlesticks for necklaces is definitely unconvincing.

For other examples of game whose theme has been changed, for good or for bad, by the publisher, see this boardgamegeek list.

Jeux éducatifs
Educational Games

J’ai deux casquettes, celles de créateur de jeu et de professeur de lycée, et cela me vaut régulièrement des sollicitations pour travailler sur des “jeux éducatifs” ou pour parler sur le caractère éducatif du jeu. J’ai toujours décliné la première offre, et s’il m’arrive parfois d’accepter la seconde, c’est pour tenir des propos qui ne sont pas ceux attendus d’un enseignant créateur de jeu, et qui vont à l’encontre de la mode du “ludo-éducatif”.

Je tiens en effet le jeu éducatif pour un oxymore, comme le montre d’ailleurs fort bien le fait que les meilleurs jeux ne prétendent rien de plus qu’être des jeux, et que les jeux qui se veulent éducatifs sont généralement d’un intérêt ludique extrèmement limité. La volonté de faire des jeux éducatifs part de l’hypothèse – en partie discutable, d’ailleurs – que les djeuns n’aiment pas apprendre, mais qu’ils aiment tous jouer. On va donc les faire apprendre en leur faisant croire qu’ils jouent. C’est oublier d’une part que personne, pas même un djeuns, n’apprécie d’être pris pour un con, et d’autre part que gratuité et vanité sont des composantes essentielles du jeu. Si l’on joue dans un but autre que se faire plaisir en s’immergeant dans le jeu, on ne joue plus vraiment, et le plaisir a tôt fait de disparaître. Si l’on croit apprendre sans travailler, on se fait de confortables illusions.

Alors, bien sûr, on entraîne sa mémoire en jouant au memory, et l’on apprend les probabilités en jouant au poker. Il reste que si l’on fait un memory pour entraîner sa mémoire, ce n’est plus un jeu, et qu’apprendre les probabilités avant de se mettre au poker semble plus judicieux que l’inverse. Alors de grâce, messieurs les pédagogues, laissez les joueurs jouer avec des jeux pour jouer, et laisser les apprenants apprendre pour apprendre.


I wear two hats, those of game author and high school teacher, and I am therefore often requested to design “educational games” or to talk about the educational use of games. I’ve always turned down the first proposal, and if I sometimes accept the second one, I usually don’t tell what is expected from a teacher – game author.

I think that “educational game” is an oxymoron – the best proof being that the best games don’t pretend to be anything else than games, and that the so-called educational game are usually not very exciting as games. The demand for educational games is due to the ideas, which can both be discussed, that youth don’t like to learn, but that they all like to play games. So we’ll make them learn while thinking they are only gaming. This cannot work, because youth, no more than you and me, don’t like to be taken for fools, and because futility and uselessness are an essential characteristic of a game. If you don’t play a game just for the sake of gaming, just for fun, you don’t play at all, and there’s no fun more. If you think you can learn without working, you’re just fooled – and probably fooled by the ones who are actually working.

Of course, you improve your memory with playing memory, and you learn probabilities when playing poker. On the other hand, if you play memory just to improve your memory, it’s no more a game, and it would probably be more clever to learn some probabilities before starting to play poker.