Jeux éducatifs
Educational Games

J’ai deux casquettes, celles de créateur de jeu et de professeur de lycée, et cela me vaut régulièrement des sollicitations pour travailler sur des “jeux éducatifs” ou pour parler sur le caractère éducatif du jeu. J’ai toujours décliné la première offre, et s’il m’arrive parfois d’accepter la seconde, c’est pour tenir des propos qui ne sont pas ceux attendus d’un enseignant créateur de jeu, et qui vont à l’encontre de la mode du “ludo-éducatif”.

Je tiens en effet le jeu éducatif pour un oxymore, comme le montre d’ailleurs fort bien le fait que les meilleurs jeux ne prétendent rien de plus qu’être des jeux, et que les jeux qui se veulent éducatifs sont généralement d’un intérêt ludique extrèmement limité. La volonté de faire des jeux éducatifs part de l’hypothèse – en partie discutable, d’ailleurs – que les djeuns n’aiment pas apprendre, mais qu’ils aiment tous jouer. On va donc les faire apprendre en leur faisant croire qu’ils jouent. C’est oublier d’une part que personne, pas même un djeuns, n’apprécie d’être pris pour un con, et d’autre part que gratuité et vanité sont des composantes essentielles du jeu. Si l’on joue dans un but autre que se faire plaisir en s’immergeant dans le jeu, on ne joue plus vraiment, et le plaisir a tôt fait de disparaître. Si l’on croit apprendre sans travailler, on se fait de confortables illusions.

Alors, bien sûr, on entraîne sa mémoire en jouant au memory, et l’on apprend les probabilités en jouant au poker. Il reste que si l’on fait un memory pour entraîner sa mémoire, ce n’est plus un jeu, et qu’apprendre les probabilités avant de se mettre au poker semble plus judicieux que l’inverse. Alors de grâce, messieurs les pédagogues, laissez les joueurs jouer avec des jeux pour jouer, et laisser les apprenants apprendre pour apprendre.


I wear two hats, those of game author and high school teacher, and I am therefore often requested to design “educational games” or to talk about the educational use of games. I’ve always turned down the first proposal, and if I sometimes accept the second one, I usually don’t tell what is expected from a teacher – game author.

I think that “educational game” is an oxymoron – the best proof being that the best games don’t pretend to be anything else than games, and that the so-called educational game are usually not very exciting as games. The demand for educational games is due to the ideas, which can both be discussed, that youth don’t like to learn, but that they all like to play games. So we’ll make them learn while thinking they are only gaming. This cannot work, because youth, no more than you and me, don’t like to be taken for fools, and because futility and uselessness are an essential characteristic of a game. If you don’t play a game just for the sake of gaming, just for fun, you don’t play at all, and there’s no fun more. If you think you can learn without working, you’re just fooled – and probably fooled by the ones who are actually working.

Of course, you improve your memory with playing memory, and you learn probabilities when playing poker. On the other hand, if you play memory just to improve your memory, it’s no more a game, and it would probably be more clever to learn some probabilities before starting to play poker.