La bulle du jeu
The boardgame bubble

Shaman 1

Il y a vingt ans on nous annonçait l’extinction programmée des jeux de société traditionnels, condamnés par loi de la sélection naturelle à être remplacés par les jeux videos plus modernes, plus efficaces. Le marché du jeu de société ne s’est pourtant jamais aussi bien porté qu’aujourd’hui. Joueurs, auteurs et éditeurs sont chaque année plus nombreux, et les ventes ne cessent d’augmenter. Vivant moi-même très largement de mes droits d’auteur, et ayant eu il y a longtemps une vague formation d’économiste, je me suis donc demandé si nous avions affaire à un phénomène de « bulle » et s’il fallait s’attendre, dans les mois ou les années qui viennent, à un crash du jeu de société comparable à celui qui a affecté il y a quelques années, et affecte encore, le monde de la bande dessinée.
Le réflexe de l’historien est de rappeler que, lorsque l’on commence à parler de bulle, et surtout lorsque certains commencent à essayer d’expliquer avec véhémence, ici ou , qu’il n’y en a pas, c’est généralement le signe qu’il y en a une. Si l’on regarde les choses de près, cependant, il n’est pas facile de déterminer si la croissance actuelle du marché du jeu de société, tant du point de vue de la demande, c’est à dire des joueurs, que de l’offre, c’est à dire des auteurs et des éditeurs, est saine et durable, et si elle peut donc se poursuivre (et si j’ai des chances de pouvoir continuer à créer des jeux et gagner quelques sous).

Les professionnels du jeu comparent souvent la situation actuelle du jeu de société à celle de la bande dessinée il y a une dizaine d’années, avant un crash dont elle ne parvient encore pas à se remettre. Le parallèle, d’autant plus tentant que les deux milieux se ressemblent et se connaissent, se justifie d’abord par le fait qu’il s’agit dans les deux cas de produits culturels très sensibles à l’effet de mode.
Les jeux videos n’ont pas « ringardisé » les jeux de société, qui sont aujourd’hui un produit branché, socialement plus valorisant que les jeux videos, et qui séduit en particulier les milieux bobos, de trente ou quarante ans, qui sont sensibles à la mode et ont un pouvoir d’achat confortable. Si c’est une mode, elle peut passer comme elle est venue, et ne plus laisser alors qu’un public résiduel de passionnés un peu ridicules.
Cela ressemble en effet à la bande dessinée il y a une vingtaine d’années, avec cependant une nuance de taille. Les passionnés de BD étaient souvent des collectionneurs, achetant l’un après l’autre tous les tomes d’une même série, ce que les américains appellent des « completistes ». Il y avait en outre parfois chez certains une tentation spéculative, basée sur l’idée que les bandes dessinées des années quatre-vingt ne pouvaient que prendre de la valeur avec le temps comme l’avaient fait celles des années soixante, ce qui bien entendu ne s’est pas produit mais a contribué à entretenir la bulle. Collectionnite et spéculation sont largement absents du marché du jeu de société – Magic the Gathering étant l’exception qui confirme la règle – ce qui semblerait indiquer que la demande pour les jeux est moins susceptible de s’effondrer soudainement.

La popularité actuelle des jeux de société ne tient pas qu’à un effet de mode, même si celui-ci est indiscutable. Le jeu de rôle dans les années quatre-vingt, puis les jeux de cartes à collectionner dans les années quatre-vingt-dix, puis le poker dans les années 2000, et durant tout ce temps les jeux videos, ont contribué à faire enfin accepter l’idée que le jeu, de manière générale, n’est pas une activité réservée, ni même particulièrement destinée, aux enfants. Ayant une image plus « casual », plus décontractée, demandant un investissement moindre en temps et / ou en argent, le jeu de société a tout pour séduire durablement les anciens rôlistes ou joueurs de poker, de Magic et de jeux en ligne de toutes sortes. C’est aussi pourquoi le fait que le public des jeux de société modernes soit relativement âgé ne doit pas non plus trop inquiéter.

Le jeu video, qui était censé devoir éliminer des jeux en carton devenus obsolètes, a donc au contraire été l’un des principaux facteurs de leur nouvelle popularité des jeux de société. Les deux coexistent, très souvent pratiqués par les mêmes joueurs. Même si le jeu en ligne n’est plus une activité aussi solitaire que les anciens jeux informatiques, les joueurs sont encore le plus souvent seuls et concentrés devant leur machine. Le jeu de société, à l’inverse, est par nature une activité conviviale, amusante, qui se pratique entre amis, autour d’une table et souvent d’une bonne bouteille.
Il n’y a pas de différence entre écouter un vieux CD et écouter de la musique téléchargée, il y a très peu de différences entre lire un livre de papier et lire le même texte sur une liseuse, mais les expériences du jeu video et du jeu de société sont restées fondamentalement différentes. Tant qu’ils seront plus complémentaires que concurrents, il n’y a pas de raisons que les progrès du jeu informatique nuisent au jeu de société classique.
Cela peut changer. Il y a des jeux videos extrêmement interactifs, comme Space Team, mais ils sont l’exception, non la norme. On commence à voir apparaître des jeux hybrides, qui tentent de concilier la richesse technique et la versatilité du jeu video avec la convivialité des jeux de société. Je travaille moi-même à un jeu dans lequel les joueurs doivent courir en hurlant autour d’une tablette informatique. Mais il faudra encore bien du temps avant que les jeux videos ne menacent vraiment nos jeux en boite – les livres auront disparu avant.

J’ajoute que la convivialité des jeux de société bénéficie de son ambiguité. Le jeu étant un peu hors du monde, sortir un jeu de société, c’est un moyen de prendre du bon temps avec des amis sans avoir à parler de rien, ce qui est toujours agréable quand on n’a rien à se dire, ou quand on veut éviter de parler de politique (ce qui devient de plus en plus compliqué) ou de religion (ce qui devient presque interdit). Nos jeux, et en particulier les « party games » conviviaux et marrants, sont donc malheureusement de plus en plus nécessaires.

Beaucoup d’industries culturelles ont été très affectées ces dernières années par le piratage – le cinéma, la musique, dans une moindre mesure la littérature. La complexité matérielle des jeux de société, avec des cartes, des pions, un plateau de jeu, les protège quelque peu, mais peut-être pas pour très longtemps, contre ce danger. Ce n’est donc pas non plus par le téléchargement que l’informatique tuera le jeu de société, ou pas tout de suite.

L’Allemagne a été le premier pays occidental dans lequel les jeux de société modernes sont devenus populaires, presque vingt ans avant la France ou les États-Unis. Certes, l’Allemagne n’est plus l’eldorado du jeu, mais les ventes ne s’y sont pas effondrées et la crise du marché du jeu allemand semble plus liée à des problèmes d’offre que de demande – nous y reviendrons donc plus loin. À supposer que le marché français se stabilise à son tour, puis dans quelques années le marché américain, on peut penser que d’autres qui démarrent bien aujourd’hui – Pologne, Russie, Brésil, Corée, Japon, Chine même – prendront alors la relève, même si les éditeurs et les auteurs français, américains ou allemands y seront peut-être un peu plus à la peine.

Nous voila donc du côté de ceux qui créent les jeux, qui les publient, qui les vendent. Et c’est sans doute plutôt par là qu’il faut chercher la bulle.

Les jeux se vendent bien, beaucoup, et fort logiquement cela attire du monde. S’il y a là sans doute quelques margoulins qui espèrent se faire quelque argent en profitant de la mode, l’immense majorité sont des passionnés, des joueurs, qui rêvent de vivre du jeu de société, que ce soit en les créant, en les illustrant ou, surtout, en les publiant – la encore, comme cela s’était produit avec la BD.
Le jeu de société est en effet un secteur d’activité très ouvert, dans lequel quiconque a vu un peu de lumière peut facilement entrer.
Comparé notamment au jeu video, le jeu de société est une industrie dans laquelle le « ticket d’entrée » pour un éditeur, en temps comme en argent, est très bon marché, et le devient de plus en plus, et dans lequel le « point mort », le seuil de ventes à partir duquel une production devient rentable, est extrêmement faible. Un jeu video, c’est le plus souvent une équipe de plusieurs dizaines, voire centaines, de créateurs, un développement sur plusieurs années, et par conséquent un budget qui se compte en millions, voire en dizaine de millions d’euros; pour le rentabiliser, il faut aussi en vendre des millions. Un jeu de société, c’est parfois simplement un auteur, un illustrateur, un petit éditeur avec un ou deux salariés, un budget de quelques dizaines de milliers d’euros, et un modeste point mort à 3 ou 5000 copies, imprimées facilement et bon marché en Chine ou en Europe de l’Est. Rien d’étonnant donc à ce que beaucoup s’improvisent auteurs et/ou éditeurs, parmi lesquels d’ailleurs un nombre non négligeable de transfuges du jeu video, où tout le monde ne se porte pas très bien. Les chances de faire fortune sont plus faibles chez nous, mais celles de tout perdre aussi, car les risques sont négligeables, du moins tant que les nouveaux arrivants ne sont pas trop nombreux.

La crise du marché du jeu allemand est en effet née d’une concurrence trop forte entre des éditeurs trop nombreux produisant un trop grand nombre de jeux. Entre baisse des prix due à la concurrence et à la distribution en grandes surfaces, et baisse des tirages due à la multiplication des éditeurs et des nouveautés, les marges Outre-Rhin ont fondu, conduisant certains à fermer boutique ou à être repris par d’autres. Là encore, on pense à ce qui est arrivé en France (et aux États-Unis, si j’ai bien compris) à la bande dessinée.
Tout cela a d’autant plus de chances de se produire ailleurs que le développement actuel du crowdfunding permet de ne même plus passer par les cases banque et distributeur. Le jeu de société est sans doute le secteur d’activité qui a été proportionnellement le plus affecté par le développement du financement participatif, et notamment par Kickstarter. Cela a accéléré les tendances préexistantes, permettant à d’innombrables auteurs de s’improviser petit éditeur sans prendre le moindre risque, en trouvant un illustrateur pas trop cher sur internet et en contournant les problèmes de distribution et de financement.

Les auteurs de jeu, comme les écrivains, ont toujours eu, pour la majorité d’entre eux, un autre métier. Les éditeurs, en revanche étaient des professionnels, souvent venus de l’édition littéraire ou de la bande dessinée. Aujourd’hui, parce que le jeu est à la mode et donc valorisant, et parce que c’est facile, les éditeurs à compte d’auteur et/ou du dimanche se multiplient. Ils s’en sortent bien, ou souvent l’imaginent car ils n’ont pas besoin de dégager un salaire et sont contents de voir leur produit apprécié du petit monde des passionnés. Le risque est cependant que, comme pour la bande dessinée – qui a pourtant eu la chance d’exploser avant Kickstarter – cet éclatement finisse par peser sur les marges des vrais professionnels et que la multiplication des titres et, peut-être, une baisse de qualité des jeux ne finisse par décourager les acheteurs.
Pour l’instant, la qualité des jeux publiés reste excellente, plutôt meilleure que ce qu’elle était il y a une vingtaine d’années, mais je ne suis pas sûr que cette tendance se poursuive. La facilité à s’improviser auteur ou éditeur rend le secteur dynamique, les bonnes idées sont de plus en plus nombreuses, mais les jeux ne sont plus toujours sélectionnés et, surtout, développés comme ils l’étaient quand le secteur était plus concentré. C’est particulièrement frappant avec les petites publications via Kickstarter, dont j’achète un très grand nombre – je reçois quelques très bons jeux, mais aussi un grand nombre d’excellentes idées pas vraiment abouties dont je me dis qu’un éditeur professionnel, ou un auteur développeur avec un peu de bouteille, aurait pu tirer mieux. Les apprentis éditeurs s’amusent, et pour l’instant rentrent dans leurs frais, voire gagnent quelque argent, mais les joueurs pourraient bien se lasser et devenir plus exigeants.

Avec une offre trop nombreuse, éclatée, et composée pour partie d’éditeurs amateurs qui ne se soucient guère de leurs marges, le risque existe d’assister dans les années qui viennent à une paupérisation du milieu du jeu, semblable à celle qui touche aujourd’hui le monde de l’illustration.

Cela met un auteur comme moi dans une situation paradoxale.
D’un côté, tous ces jeunes auteurs et ces petits éditeurs, auxquels le dynamisme actuel du monde du jeu doit beaucoup, me sont des plus sympathiques, et je souhaite qu’ils aient leurs chances. Je souscris à deux ou trois jeux chaque mois sur Kickstarter, et je n’hésite pas à l’occasion à publier un de mes jeux chez un petit jeune lorsqu’il m’a l’air d’avoir les pieds sur terre.
D’un autre côté, je voudrais que la croissance du marché du jeu soit durable, et donc que l’on continue à y gagner de l’argent. Cela implique des marges solides, donc une industrie plus structurée, voire plus concentrée. Les gens d’Asmodée ou de Fantasy Flight Games ont fait tout autant, et avant, pour le monde du jeu, et sont aussi très sympathiques.

Les petits éditeurs ne sont en effet pas seuls sur le marché des jeux de société modernes. Le fait qu’un groupe comme Asmodée ait été repris par un gros fond d’investissement, et ait mené depuis une politique d’acquisition assez ambitieuse, montre que peuvent coexister, et même souvent collaborer, des logiques différentes. Des gens dont le seul objectif est de gagner beaucoup d’argent, et qui disposent d’outils d’analyse plus sophistiqués que les quelques intuitions sur lesquelles j’ai basé cet article dénué de chiffres, pensent que le marché du jeu a encore de l’avenir. Cela ne devrait effrayer personne, et c’est même plutôt rassurant.

Je ne pense pas avoir apporté dans cet article le moindre élément d’analyse original. J’ai surtout voulu rassembler, pour y voir clair, les nombreux arguments glanés ici et là ces derniers mois dans les discussions qui agitent le microcosme ludique. Il en ressort que si le marché du jeu ne connaîtra sans doute plus longtemps la croissance de ces dernières années, il y a des raisons de penser qu’il ne s’effondrera pas non plus.
Nous vivons actuellement un âge d’or du jeu de société, du point de vue des ventes mais aussi du point de vue de la créativité et de la qualité des jeux publiés, et les deux sont bien sûr liés. S’il ne s’est jamais vendu autant de jeux de société, c’est aussi parce qu’ils n’ont jamais été aussi bons. Si l’on veut que ça continue, il faut donc que l’on continue à faire du bon boulot ! D’ailleurs, je vais de ce pas m’y remettre.


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Twenty years ago, most analysts were predicting a complete extinction of traditional boardgames, going to be replaced by the more modern and efficient computer games – survival of the fittest. Twenty years later, the boardgame market looks healthier than ever. There has never been so many gamers, designers and publishers, and sales increase every year. Since I’m largely living from my designer royalties, and have been vaguely trained as an economist, I have been asking myself for some time if there is a boardgame bubble, and if we should expect, in the near future, a crash similar with what happened in the comics market a few years ago.
The historian’s instinctive reaction is to remind that when some people start to ask if there’s a bubble, and even more when some try to deny frantically that there’s one (like here and there ), this usually means that there’s one. At a closer look, however, it’s not easy to decide if the recent growth of the boardgame market, both on the demand side, the players, and on the supply one, the authors and publishers, is healthy and likely to be lasting. I hope it is, because I hope to keep on design games and make some money in the process.

Boardgame professionals often compare the actual situation in the boardgaming world with the situation in the comics business about fifteen years ago, before a violent crash from which it never really recovered (in France but also, from what I’ve been told, in the US, even when we don’t have the same comics). The parallel is made even more tempting by the fact that these two worlds are similar and connected, and because both comics and boardgames are cultural products strongly affected by fashion trends.
Video games didn’t throw boardgames out of the ark. Boardgames are now fashionable, socially more rewarding than video games, and mostly popular with 40 or 50 years old hipsters and upper-middle class, people with some purchasing power and much affected by fashion trends. If it’s a fashion, it will disappear and leave only a residual handful of ridiculous enthusiast geeks.
This sounds indeed a bit like comics fifteen years ago, but with one interesting difference. Comics fans were often collectors, buying all the books in a series, if not all the book by an author – what you Americans call “completists”, we have no similar word in French, may be because it’s less frequent in Europe. There might even have been some ill advised speculation by readers hoping that comics from the eighties would become rare and expensive items like it happened with comics from the sixties. It could not happen, of course, but it did help grow the bubble. There’s no, or very little, collecting or speculation in the boardgame market – Magic the Gathering being the one noticeable exception. That’s why the demand for boardgames is less likely to slump suddenly.  

The recent popularity of boardgames is not only a fad. Role playing games in the eighties, then collectable card games in the nineties, then the strange revival of poker these ten last years, as well as computer games for now thirty years, have finally made most people accept that games, all kinds of games, are not just for children, or even not more for children than for adults. Having a cooler and more casual image, and needing far less time and money to practice, boardgames are likely to keep attracting former RPG, CCG, poker or online games players. This is also the reason why we must not be too wary of the fact that the average boardgame player is relatively old.
This means that the development of computer games, which were supposed to make them obsolete, is paradoxically one of the main reason for the recent popularity of boardgames. Most dedicated gamers actually play both, because they don’t compete one against the other, they complement one another. Even when modern video games are no more the quasi-onanistic solitary activity they were twenty years ago, most players still play alone and seriously in front of their computer. Boardgames, on the contrary, are a very social and fun activity, usually played with friends around a table – and most times around a good bottle as well.
There’s no difference between listening to music on an old CD player or online, there’s very little difference between reading a book on paper and on an e-reader, but playing a boardgame and a computer game are still completely different experiences. As long as they are complementary and not competitors, there’s no reason why the development of computer games should harm the practice and sales of traditional boardgames.
This could change. There are some highly interactive computer games, like Space Team, but they are the exception, not the rule. There will certainly be more and more hybrid games, trying to get the best of both worlds, the technical depth and versatility of computer games and the conviviality of boardgames. I am presently working on a game in which players must run and shout around a tablet. I nevertheless think that cardboard boardgames won’t disappear in the next few years. Paper books are likely to disappear first.

There’s something ambiguous in boardgames’ friendliness. Since games are strictly separated from the real world, putting a boardgame on the table is a way to spend a nice time with friends without having to talk of anything, which is a nice thing when players don’t have anything to tell one another. It’s also a way to avoid talking politics, which is becoming more and more complex, and talking religion, which is becoming almost forbidden. That’s a sad reason why we will need more boardgames, and especially social party games.

Many cultural industries have been strongly affected these last years by pirating – movie, music and, to a lesser extent, literature. The relative complexity of boardgame components, with cards, tokens and board, makes them more complex to copy. There won’t be no ready to play downloadable boardgames in the next few years, so that’s the second way computers are not going to kill us soon. It will come, of course, like downloadable cars and pizzas, but it’s not there yet.

Modern board games first became popular in Germany, almost twenty years before they invaded France and the United States. Germany is no more the boardgame Eldorado it was ten years ago, but the sales didn’t really crash, they just stalled at a relatively high level. If there is a boardgame crisis in Germany, it’s more on the supply side – more about it later. The French and US market are likely to plateau soon as well, but other markets will take over, markets which are now emerging, like Poland, Russia, Brazil, Korea or even China. Of course, they won’t be as easy for French, German and US designers and publishers.

And indeed, if there is a bubble somewhere, it’s probably little to do with those who play games and more with those who design, publish and sell them. So let’s move to the other side, the supply.

Boardgames sell well, and this logically draws people into the business. There might be a few parasites who simply want to gamble on the fad and make some money, but the vast majority are dedicated gamers who dream of making a living from their hobby, be it with designing, illustrating or publishing games. This, once more, feels similar with what happened in comics.
We have a French proverbial expression about businesses with no or very low cost of entry – I just saw the light and came in. This applies perfectly to the boardgame industry, where both the cost of entry (in time and money) and the break even point are extremely low, especially when compared with the computer game industry.
Most times, a video game requires dozens, if not hundreds of developers, is years in the making, and requires a budget of several million dollars, if not hundred millions. To make it profitable, the publisher must also sell million copies. A boardgame needs just one designer, one illustrator, a small two or three persons publisher, and a budget in the five digits. The publisher can break even with selling 3 or 5 thousand copies cheaply printed in China or Eastern Europe. No wonder lots of people have their try at designing and publishing boardgames, and no wonder many of them come from the computer game industry, where the grass is not always green for everyone. The odds of making a fortune are lower, but so are the risks, as long as there are not too many people lured by the light.

The crisis of the German market these last years was caused by a strong competition between too many publishers printing too many games. Lower prices due to competition and sales to megastores, and lower print runs due to the increased number of publishers and new games, led to much lower margins and profit. Some publishers went out of business, some were taken over by bigger ones. Once more, this sounds a bit like what happened in France (and from what I’ve heard in the US) with comics.
The odds for the same thing to happen outside Germany are made much higher with the development of crowdfunding, which allows to pass over the bank and distributor spaces. No other industry has been as much affected by crowdfunding, and especially kickstarter, than the boardgame business. It accelerated the existing trend, making it even easier for hundreds of would be designers to become a small publisher, finding a cheap illustrator on the web, taking almost no risk and circumventing both banks and distributors.

Like writers, most game designers have always had another job, a day job. Publishers, on the other hand, were professionals, often coming from the literature or comics publishing business. Now, because boardgames are in fashion, and because it’s cheap and easy, many gamers are having a try at publishing, or self publishing, boardgames as a second job – what we call it in French “Sunday job”. Most think they are doing well, because they don’t need to pay themselves a full wage and are happy to see their game played and discussed online by fans. There is a risk, however, that, like it happened with comics (and remember, this was before kickstarter), the increased competition will reduce the margins of true professionals, while the explosion of new games and a decreasing quality will disconcert and discourage buyers.
So far, the quality of the games published is still very high, and probably higher than it was twenty years ago, but I’m not sure this trend will hold. The low cost of entry, which makes easy to become a game designer or publisher, makes the boardgaming world dynamic. There are more and more great ideas, but games are not selected and, most of all, developed as they were when the industry was more concentrated. This was especially striking with the many light boardgames I pledged on kickstarter. I’ve received some really great games, but also many outstanding ideas which felt not really finalized, and many times I thought that a professional publisher or a seasoned designer / developer could have made an even better game of them. Apprentice publishers have fun, and so far they manage to break even and sometimes to make some money, but gamers could get bored or become more demanding.

With a splitted, if not shattered, supply partly made of small amateurs publishers who don’t really care about their margins, there is a real risk that the boardgaming world will, in the coming years, be pauperized like it happens now in the world of illustration.

As a game designer, I am in an awkward and ambiguous position.
On the one hand, all these young designers and publishers make most of the fun and dynamism of today’s boardgaming world, and I wish them the best. I pledge two or three games every month on Kickstarter, and I sometimes publish my games with young small publishers, when they seem to be both nice and realistic guys.
On the other hand, I’d like the boardgame market to stay profitable and to keep growing this way. This means solid margins, and a more structured, if not concentrated industry. And after all, the guys at Asmodée or Fantasy Flight made even more for the boardgaming world, and made it first, and they are also really nice guys.

There are not only small publishers on the modern boardgame market. The fact that a big investment fund took over Asmodée and has since presided over an ambitious development strategy, including several acquisitions, shows that different strategies, and very different kind of people, can coexist and even often collaborate. People with lots of money, and with analysis tools far more sophisticated than this figureless blogpost based on vague feelings and intuitions, think that the boardgame market can still grow and be profitable. This should not frighten anyone, it’s rather reassuring.

I don’t think I’ve added a single new and original idea in this long post. I’ve mostly tried to gather together and balance the many arguments I’ve heard here and there these last months in the small bordgaming world. In the end, I think we can assume that, while the boardgame market won’t probably grow as fast as it did these last years, there’s no reason to anticipate a major crash.
We are in the golden age of boardgaming, a golden age for sales, and also a golden age for innovation and for the quality of games. Of course, all this comes together. If we sell more games than we ever did, it’s in the end because these games are good. If we want this to last, we must keep up the good work. That’s what I’ll try to do just now.

La Crise
Gaming in the Slump

Le jeu n’est pas seulement pour moi une passion. C’est aussi, un peu, mon métier, même si j’ai toujours pris soin de rester du côté créatif, évitant de m’impliquer dans les dimensions technique et commerciale de l’édition. Le climat économique actuel m’amène cependant à m’interroger sur les perspectives du marché du jeu de société.

J’ai reçu ces dernières semaines les droits d’auteur de mes jeux vendus sur la période de Noël 2008, et les ventes ne semblent pas avoir été plus mauvaises que pour Noël 2007. Je reste même relativement optimiste, plusieurs raisons me semblant favorables au jeu de société dans le contexte social et économique actuel.

Quand beaucoup semblent vouloir faire des économies, le jeu de société reste un loisir relativement bon marché. Une même boite de jeu, surtout si c’est un bon jeu, peut servir de nombreuses fois, tandis qu’une place de cinéma ne sert qu’une fois, et qu’il n’est généralement pas très excitant de relire aussitôt le même livre. Les éditeurs ne s’y sont d’ailleurs pas trompés qui semblent ces derniers temps privilégier les petites boites, les jeux relativement bon marché, et abandonnent, avec un certain regret, les pompes à fric qu’ont longtemps été les jeux de cartes ou de figurines à collectionner. Reste que si la situation venait encore à se dégrader, certains pourraient alors faire remarquer que les bons vieux jeux de 52 cartes, dont on peut faire bien des usages, sont d’une rentabilité encore supérieure.

En période de crise, d’inquiétude quant à l’avenir, on a souvent le réflexe réactionnaire qui consiste à s’éloigner de ce qui est nouveau, et à se replier à l’inverse sur des structures, des objets, des idées traditionnelles et rassurantes. Il y a certes là de quoi prendre peur, quand cela signifie le retour des idées rances, nations, religions, racines et identités de toutes sortes. À quelque chose pourtant malheur est bon, et cela pourrait aussi favoriser le jeu de société classique aux dépens des jeux plus modernes et technologiques. Ce n’est peut-être pas un hasard si certains des jeux les plus récemment publiés semblent cultiver un look un peu vieillot, presque ringard.

La crise actuelle me permet aussi de rebondir sur la vieille idée, que mes amis m’ont souvent entendue rabacher. Le jeu, avec ses règles simples, claires et connues de tous, serait une rassurante position de repli, ou du moins de repos, dans un univers devenu incompréhensible. Le monde n’est jamais aussi peu compréhensible qu’en temps de crise, qu’en temps d’ “entre deux mondes”, quand les vieilles règles ne fonctionnent plus et les nouvelles ne sont pas encore formulées. Le jeu nous est donc plus nécessaire que jamais.

Peut-être suis je exagérément optimiste, mais quoi qu’il arrive une chose est certaine – je ne vois aucune raison d’arrêter de jouer et d’imaginer des jeux.


Gaming is not only my hobby. It’s also, more or less, my job, even when I always took care to stay strictly on the creative side, and not to deal with the production or commercial aspects of game publishing. In the actual economical slump, however, I wonder what are the prospects for the boardgame market.

These last weeks, I received my royalties for the 2008 Christmas season, and they are as good as last year. I’m even reasonably optimistic for the future, since I see several positive factors for boardgames in the actual social and economic situation.

When many consumers try to reduce their spending, boardgames are a relatively cheap way of spending leisure time. A game, and especially a good one, can be played many times, while a seat at the movies is one use only, and there’s no point in rereading the same book over and over. Publishers are aware of this. They publish smaller and cheaper boxes, and are discontinuing the obsolete money pumps, collectible card or miniature games. On the other hand, if the economy falls farther, some may notice that the good old 52 cards deck are even more profitable.

In times of slump and anguish, there’s a natural reactionary reflex. People move away from what feels new and anguishing and look for shelter in good old reassuring structures, ideas and objects. Of course, this is awful if it means the comeback of  rancid ideas such as nation, religion, roots and all kinds of identities. Not exactly reassuring, but it can get in he way of modern, hi-tech games and bring traditional boardgames back in favor. It’s probably not a coincidence if some of the recently published boardgames have a corny look.

The crisis is also an occasion te rehash one of my favorite old ideas. Games, with their simple and unambiguous rules and goals, are a comfortable fallback position, or at least a comfortable rest position, when the actual world becomes too complex and incomprehensible. The world is less comprehensible than ever in times of crisis, in times “between two worlds”, when the old rules are obsolete and the future ones totally unknown. Game is more necessary than ever.

I may be excessively optimistic, but the certain thing is that I can see no reason to stop gaming and designing games.

Le péril jaune
Made in China

Si les Hasbro et autres Mattel, font depuis longtemps fabriquer en Chine ou dans d’autres pays d’Asie certaines pièces de leurs jeux, la plupart des éditeurs de jeux de société, tant en Europe qu’aux Etats-Unis, avaient coutume de produire leurs jeux chez eux. Quelques uns, comme Ravensburger, ont leurs propres usines, mais la plupart font appel à des cartiers, dont le plus important est le belge Carta Mundi, ou des à des cartonniers / imprimeurs / metteurs en boite / stockeurs et toutes ces sortes de choses, le plus connu étant l’allemand Ludofact.

Depuis deux ans environ, la tendance à la délocalisation de la fabrication des jeux, essentiellement vers la Chine, s’est très sensiblement accélérée, et ne concerne plus seulement les « majors » du jeu. C’est ainsi que si certains de mes jeux sont encore produits en Europe ou en Amérique, ils sont de plus en plus nombreux à porter quelque part au dos de la boite un discret « made in China ». L’édition américaine de Citadelles est maintenant imprimée en Chine, tout comme celle de La Fièvre de l’Or, les pièces du nouveau tirage de Babylone, et maintenant Warrior Knights.

Les éditeurs de jeux « coupables » de délocaliser ainsi leur production sont régulièrement critiqués sur les forums internet, et singulièrement sur les forums francophones. La question est pourtant bien plus complexe que pourraient le laisser croire les imprécations des donneurs de leçons.

La première critique porte sur la qualité de fabrication. Les cartes « made in China » seraient moins épaisses, moins bien vernies, difficiles à mélanger, et leurs couleurs, trop mates ou trop brillantes selon les cas, jamais fidèles. Les plateaux de jeu imprimés en Chine auraient trop souvent sur leur pliure ce vilain creux qui fut longtemps appelé « American Valley », les imprimeurs européens étant les seuls à maîtriser la très haute technologie du pliage de plateau de jeu en quatre. Certains intégristes peuvent même disserter sur la supériorité du « vrai » tramage des boites de jeux imprimées en Allemagne sur le « faux » tramage des boites imprimées en Chine. Moindre, la qualité serait aussi très irrégulière, ce qui obligerait à tout surveiller, tout vérifier, tout recompter en permanence pour éviter de voir arriver des boites auxquelles il manque des pions ou des dés. Pour le respect des délais, les chinois ont aussi plutôt mauvaise réputation, mais les belges ne valent pas toujours mieux. En cas de problèmes, qu’il s’agisse de qualité, de délais où de tout autre problème, les contacts sont en outre plus difficile qu’avec des voisins.

Rien de cela n’est tout à fait faux. Les problèmes de qualité et, surtout, de suivi, expliquent d’ailleurs que certains éditeurs, après avoir produit quelques jeux en Chine, reviennent au moins en partie vers l’Europe et les États-Unis. Je préfère donc généralement voir mes jeux produits en Europe qu’en Chine, car mes contacts occasionnels avec les gens de LudoFact ont toujours été très sympathiques, et car la qualité de fabrication reste généralement supérieure « chez nous ». Le succès de Diamant s’explique, entre autres, par le superbe matériel « made in Germany ». La comparaison n’est en revanche pas toujours favorable aux productions américaines (ou françaises), comme le montre le dernier tirage de l’édition en langue anglaise de Citadelles, imprimé désormais en Chine. Sa qualité reste moindre que celle des éditions européennes, mais est meilleure que celle des tirages précédents qui venaient, je crois, du Canada. Il est cependant clair que ce différentiel de qualité entre l’Europe et la Chine tend à disparaître et que, déjà, plus grand chose ne distingue un jeu produit en Chine d’un autre fabriqué en Europe.

Les critiques les plus fréquentes et les plus violentes ne portent cependant pas sur les jeux eux-mêmes, mais sur la logique économique derrière cette délocalisation. Les éditeurs qui font faire leurs jeux en Chine ne seraient tous que d’affreux capitalistes sans scrupules, coupables tout à la fois de profiter d’une main d’œuvre surexploitée et sous payée et de créer du chômage en Europe et aux Etats-Unis. Là encore, le raisonnement n’est pas entièrement faux, mais il est incomplet.

Oui, les délocalisations suppriment les emplois correspondants dans les pays riches, mais la baisse de prix qu’elles entraînent se traduit aussi par un transfert de pouvoir d’achat vers d’autres secteurs d’activité, transfert qui peut être créateur d’emploi, surtout si ces activités sont des services moins automatisés que l’impression et le découpage du carton. La question du bilan global en termes d’emploi est donc loin d’être simple, car lorsque vous payez vos jeux moins chers, vous en achetez plus ou, plus vraisemblablement, vous achetez plus d’autre chose.

Oui, la raison d’être des délocalisations, dans le jeu comme ailleurs, est dans le différentiel de coûts de production. Imprimer des jeux en Chine n’est intéressant que parce que c’est moins cher, et même suffisamment moins cher pour compenser les coûts logistiques supplémentaires, et cela s’explique avant tout par des salaires plus faibles, des horaires plus lourds et une protection sociale bien moindre. Non, cela ne signifie pas qu’il faudrait, comme je l’ai lu sur certains forums, soit exiger que les travailleurs chinois soient payés au tarif européen et bénéficient des mêmes avantages, soit renoncer entièrement à toute délocalisation. Procéder ainsi reviendrait en fait à neutraliser ce qui reste le principal avantage compétitif des industriels chinois, et donc ce qui permet à la Chine de connaître aujourd’hui une forte croissance. Leur retirer cet avantage au nom des normes sociales occidentales, c’est interdire le développement, et ses conséquences en termes de démocratisation et de progrès social, au nom du développement, de la démocratie et du progrès social – ce qui est soit naïf (à gauche), soit hypocrite (à droite).

Alors, bien sûr, il faut espérer que la Chine, en très forte croissance aujourd’hui, connaîtra bientôt des augmentations de salaires, verra apparaître une protection sociale digne de ce nom et se mettre en place un droit du travail plus protecteur, se souciera de plus en plus de l’environnement et verra sa monnaie se réévaluer de manière plus conséquente, tout cela devant bien sûr entraîner une hausse des coûts de production. Ce sera très certainement le cas, comme ce le fut pour le Japon dans les années 60, pour la Corée dans les années 80. Les premiers signes de cette évolution apparaissent déjà, même s’il est vrai que les dimensions de la Chine rendent tout beaucoup plus complexe. Quoi qu’il en soit, le processus ne peut venir que de l’intérieur – des ouvriers profitant des tensions naissantes sur le marché du travail pour s’organiser et réclamer leur part de la nouvelle richesse, de la moyenne bourgeoisie naissante qui va avoir envie de consommer et de jouer, des gouvernements et des industriels désireux d’éviter les problèmes sociaux et politiques en suscitant une demande locale. Chacun peut accompagner et encourager cette évolution, à laquelle nous avons d’ailleurs tout intérêt, en choisissant au mieux ses partenaires ; il serait stupide de l’empêcher en croyant, ou en prétendant, l’accélérer.

Ceux qui me connaissent savent que je suis loin d’être un libéral pur et dur, et n’adhère pas à la croyance quasi religieuse selon laquelle la libre concurrence et le jeu du marché conduiraient mécaniquement au meilleur des mondes possibles – jouez à Terra et vous verrez si ça marche. Je sais donc bien que le scénario rose que je décris ci-dessus n’est pas, loin de là, le seul possible. Les éditeurs de jeux, même s’ils vendent un produit culturel pour lequel le prix n’est pas le critère principal de choix, ne peuvent pourtant pas ignorer totalement l’environnement concurrentiel dans lequel ils vivent. Quoi qu’ils pensent des arguments que j’ai développés plus haut, ils n’ont souvent pas vraiment le choix. Du Balai, fabriqué en Chine alors que la plupart des jeux Asmodée sont produits en Europe, en est une excellente illustration. Le matériel très particulier, et notamment la boite-livre conçue sur mesure pou le jeu, n’aurait pu être fabriqué en Europe qu’à un coût tel que le jeu aurait été invendable. Le choix, dans ce cas particulier, n’était donc pas là entre la Chine et l’Europe, il était entre la Chine et rien.


Though Hasbro, Mattel and the likes have been manufacturing part of their games’ production in China or other Asian countries for years, most smaller boardgame publishers, in Europe and the USA, have historically been printing and producing their games “at home”. A few, like Ravensburger, have their own cardboard and printing facilities, but most rely on subcontractors, card printers like the Belgian Carta Mundi, or game manufacturers like the german company Ludofact, who can do everything from printing, cutting cardboard and sourcing the various components required for a game, to assembling all its components into the game box, and even warehousing the resulting game.

For two years now, the trend towards outsourcing the production of games, mostly in China, has increased, to the point where it now also affects also smaller publishers. While most of my own games are still printed in Europe, more and more now display a small “made in China” mark in a discreet corner of the box back. The American edition of Citadels is now printed in China, like the American edition of Boomtown and now Warrior Knights. The Babylone pieces now come from China as well.

Game publishers “guilty” of outsourcing to China are regularly bashed on internet forums, especially in France, as if the problem and its implications were simple. They are not.

The first criticism is usually directed at the components’ quality (or supposed lack thereof) of Chinese manufacturers. Chinese cards are reputed to be difficult to shuffle, the result of a cardboard too thin or too thick, of colors too bright or too dark, and/or of a thin and fragile varnish. The boards are said to be easily prone to warping, or to often feature an ugly and distinctively un-European “American valley” in their middle, so called because there was a time when European printers were the only ones mastering the high technology behind the cutting and flat folding of boardgame boards. Some can dissert for hours on the qualitative card stock differences between boxes and tiles printed in China versus Germany. More problematic, the quality is supposed to be erratic, which means constant checking and counting of everything in order to get game boxes in time, and with no missing part. Chinese printers are said to have a careless attitute toward timelines, though Belgians are not necessarily better. All this is made even worse by the fact that, in case of trouble, contacts and discussions are much more difficult than with neighboring partners.

All this is more or less true, and the quality problems are the main reason why some publishers, after printing a few games in China, have been coming back, at least for some of their products, to Europe and North America. I usually prefer to have my games produced in Europe than in China, because I have friendly relations with the people at Ludofact, and because the games still look a bit nicer. If Diamant was a hit in Germany, it’s in part due to the nice wood and cardboard components, typically “made in Germany”. The comparison, on the other hand, is not always in favor of the American (or French) productions. You can see this with the most recent print runs of Citadels, now manufactured in China, with a better result than older versions which were, I believe, manufactured in Canada. Nevertheless, the difference in quality between Europe and China is narrowing very rapidly, if it still exists.

The most frequent and violent criticisms, however, are not about the games themselves but about the business logic behind this outsourcing. Publishers who are printing their games in China are blamed for being unscrupulous capitalists, guilty on the one hand of taking advantage of underpaid and overexploited workers, and on the other of causing unemployment in Europe and the USA. Once more, it’s not wrong, but it’s also not so simple.

Obviously, outsourcing axes the outsourced jobs in rich countries, and this is true with games as with anything else. On the other hand, it results in lower prices, and therefore diverts purchasing power towards other activities, and this diversion can create jobs, especially when these activities are services which are more labor intensive than the largely automated printing and cutting of cardboard. The global effects in terms of jobs is not easy to tally, since when games are cheaper, you buy more or, more likely, buy more of something else.

Of course, lower production costs are the main reason behind this move toward outsourcing. Printing games in China is interesting only because it’s cheaper, and cheaper enough, for that matter, to balance the higher logistics and communication costs. This is indeed due to lower wages, longer working hours, and lower social security. This doesn’t imply that, as I have read it recently on a game forum, we ought either to demand that Chinese workers were paid at American rates and got the same protection European ones, either to give up outsourcing. This would result in canceling the only competitive advantage of the Chinese industry, and the only cause behind the economic growth of China. Canceling this advantage in the name of western social norms would mean forbidding development and its consequences, democratization and social progress, in the name of development, democracy and social norms. This is either naïve (on the left) or hypocritical (on the right).

We can only hope that China, due to its very fast growth, will soon see wages rise, social security develop, labor laws enacted and applied, environment become a real concern, and its money more substantially revalued, all this causing a rise in Chinese production costs. This will happen, like it happened with Japan in the sixties and with South Korea in the eighties. It has even already started, even though things might be more slow and complex due to China’s size. All this, however, can only come from the inside, from workers taking advantage of the rising tensions on the labor market to claim higher wages, their share of this new wealth; from a rising local middle-class avid of consuming and gaming; from a government and businessmen wanting to avoid social and political tensions by creating a local demand – which has always been the ultimate goal. We can accompany and may be encourage this trend, which is in our own interest, by taking care in choosing our business partners. It would be stupid to stop it while pretending to help it.

Those who know me are aware that I’m not a free marketer and that I don’t subscribe to the quasi-religious belief that free market and competition automatically lead to a best possible world. Play Terra and you will see.

I know very well that the optimistic scenario I’ve described is not the only possible one. On the other hand, game publishers, even when they sell a cultural product for which price is not the main criterion of choice, cannot ignore the competitive world in which they are living. No matter what they think of the arguments I have developed, they often have little choice. A good example is Du Balai, which is printed in China, while most Asmodée games are still made in Europe. This is due to the components, and specifically the book-like box design of this game. If produced in Europe, the manufacturing cost would have been so high that the game would have ended up priced out of its true market potential. In this specific case, it was not a choice between China and Europe, but rather a choice between China and nothing.