Captain Pirate

Captain Pirate est un petit jeu de cartes, simple et rapide, ont la principale originalité est que les joueurs doivent se mettre à deux pour constituer des équipages de pirates et monter des expéditions. Bref, une sorte de jeu par équipe où les équipes changent tout le temps et où chacun essaie en permanence de rouler son partenaire. Une bonne ambiance de piraterie, quoi.

Histoire du jeu

Les jeux de Gwenaël Bouquin, connu sous le pseudo de Yaourth sur les forums ludiques, ont ceci en commun d’être tous des jeux relativement légers, et souvent des jeux de cartes. J’aime beaucoup son Okaido, dont j’espère qu’il trouvera bientôt un éditeur, et j’avais beaucoup apprécié de travailler avec lui sur Toc Toc Toc!, un jeu sans grande prétention mais bien amusant.

Pour Captain Pirate, aussi surprenant que cela puisse paraître au vu du résultat final, nous sommes partis du thème. Nous voulions faire un jeu de pirates, ou plus précisément un jeu sur le thème de la carte au Trésor à déchiffrer. L’idée de la carte au Trésor que les joueurs doivent peu à peu déchiffrer me trotte dans la tête depuis des années, et je ne compte plus les ébauches de jeu plus ou moins basées sur cette idée.

Avec Gwenaël, nous sommes partis d’un principe simple. Plusieurs cartes au trésor ont été déchirées, découpées en un certain nombre de morceaux. Les joueurs sont des pirates qui se retrouvent à la taverne, chacun avec ses feuillets déchirés, et qui vont devoir négocier et s’allier pour reconstituer les pièces des différents puzzles et partir ensuite déterrer les trésors cachés. Cette idée toute bête, après quelques faux départs, a débouché sur un jeu de cartes au mécanisme central simple et original – un jeu de style ramy, mais dans lequel un joueur ne peut jamais faire de combinaison tout seul et doit toujours s’allier avec un rival auquel il offre de partager les points s’il apporte les cartes qui lui manquent.

Avec une cinquantaine de cartes, le jeu avait le format des kangourous d’Asmodée ou des petites boite métalliques de Cocktail Games. C’est Matthieu qui s’est décidé, et c’est donc chez Cocktail Games qu’il est sorti, sous le nom de Captain Pirate. Le thème des pirates a bien été conservé, mais il ne s’agit plus de réunir les différents fragments d’une carte mais plutôt de recruter un équipage complet. La Carte au Trésor est donc devenue Captain Pirate, un titre qui a par ailleurs l’avantage d’être international.

Les illustrations de Captain Pirate font beaucoup pour le charme du jeu. Les personnages, une vingtaine de pirates et un perroquet, ont été dessinés avec talent par Gérald Guerlais, un nouveau venu dans le monde de l’illustration ludique. C’est beau, drôle, typé et original. J’espère bien retrouver un de ces jours la patte et la signature Gérald Guerlais sur d’autres de mes jeux, ou simplement sur d’autres jeux.

Captain Pirate
Un jeu de Gwenaël Bouquin & Bruno Faidutti
Illustrations de Gérard Guerlais
4 à 7 joueurs – 20 minutes
Publié par Cocktail Games (2009)
Tric Trac   Boardgamegeek


Captain Pirate a short and fast paced card game. Its main originality is that player cannot launch an expedition alone and always have to get the help from another player in order to gather a pirate team and put off the sea. This means it’s a kind of team game with ever changing teams in which each partner is always trying to double cross the other – a good piracy atmosphere

History of the game

Gwenaël Bouquin’s game designs have one thing in common – they are all light games, and most of them are card games. I especially like his Okaido, and hope it will soon find a publisher. I had great fun working with him on Knock Knock!, a modest but really fun game.

Believe it or not, Captain Pirate’s design started from the theme and not the mechanism. We wanted to design a pirate game, or more specifically a game about treasure maps. For years, I have been tinkering with treasure maps ideas, and I started several designs in which the different parts of the map were discovered while the game goes on, or in which each player had only some of the informations and had to get the rest from his rivals.

With Gwen, we started from a simple idea. Several treasure maps have been teared in four or five pieces. Players are pirates gathered in a tavern. They must negociate and make alliances to bring together the different parts of the puzzles and then launch expeditions to unearth the hidden treasures. After a few false starts and trials, this idea led us to a very simple system – a set collection card game in which you can’t make a collection alone but must ask for some help from your rivals, giving them opportunities to score points with you.

With about fifty cards, this game had the perfect size for the small square boxes either of Asmodée, either of Cocktail Games, both publishers with which I have friendly relations. Matthieu was the first to answer, so Captain Pirate was published by Cocktail Games, in a small metallic box. The publisher kept the pirate theme but altered it a bit. The goal is no more together the different parts of a treasure map, it is to recruit a full pirate team to launch a ship. That’s why our Teasure Map has been renamed Captain Pirate, which is also a more international title.

The graphics in Captain Pirate have been drawn by a young Parisian artist Gérald Guerlais. I think it’s the first time he illustrates a game, and I hope I will find his name and style on other games of mine, or just on other games. The twenty cartoony pirates, and the parrot, are all great characters.

Captain Pirate
A game by Gwenaël Bouquin & Bruno Faidutti
Art by Gérard Guerlais
4 to 7 players – 20 minutes
Published by Cocktail Games (2009)
Boardgamegeek

Chicago Poker

Le poker était très à la mode au milieu des années 2000, et Bruno et moi avons donc, nous aussi, imaginé notre jeu de cartes empruntant quelques mécanismes au poker. Notre inspiration est cependant, comme il y a quelques années avec mon Corruption, à chercher plutôt du côté du stud 5 que du hold’em. Ce dernier, je crois, n’existait d’ailleurs pas dans les années 20, où se situe l’action de Chicago Poker.

Chicago Poker est un jeu de cartes faisant appel autant à la tactique qu’au bluff, dans lequel le but est de prendre le contrôle des principaux établissements de la ville – speakeasies, salles de jeu, clubs de jazz et brasseries – en jouant, tantôt visibles et tantôt cachées, des cartes formant des combinaisons de poker. Comme souvent ce genre de jeu, c’est très tactique à deux, et plus incontrôlable à six, mais ça marche aussi bien dans un cas que dans l’autre.

Si Chicago Poker emprunte au poker l’ordre des combinaisons, et au stud 5 les cartes parties visibles et parties cachées, cela reste fondamentalement un jeu de “gestion de sa main” (pas trouvé mieux pour rendre “hand management”), et non une variante du poker. Son esprit est donc finalement plus proche de jeux de cartes comme Schotten Totten ou Cesar et Cléopatre, que du poker.

Histoire du jeu

Je joue au poker depuis bien longtemps, bien avant la mode actuelle du Hold’Em, et cela se ressent inévitablement dans certaines de mes créations. Dans Corruption, déjà, j’avais utilisé un mécanisme de pose des cartes directement inspiré du stud poker. On le retrouve aussi, exploité bien différemment, dans Chicago Poker.

Chicago Poker est né de l’échec d’un projet de jeu de parcours sur le thème de l’Aéropostale qui, malgré bien des tests, bien des bonnes idées et bien des versions successives, n’a jamais débouché sur un prototype réellement convaincant, peut-être parce que trop d’auteurs y étaient impliqués. L’aventure nous a quand même laissé, Bruno et moi, avec le sentiment qu’il y avait encore bien des choses à faire à partir du poker.

Nous sommes donc aussitôt repartis sur une piste entièrement différentes, un jeu de cartes un peu dans l’esprit de Corruption, dont le thème permettrait d’exploiter naturellement les règles et les combinaisons du poker. Le thème était évident, la guerre des gangs aux Etats-Unis sous la prohibition. Comme souvent les bons jeux, celui-ci fut bouclé en quelques semaines. Nous situâmes l’action de à New York, et baptisâmes le jeu Broadway. Je me documentais sur les personnalités locales de l’époque, les Arnold Rothstein, Owney Madden, Texas Guinnan pour mettre les noms qu’il fallait sur les cartes, et nous crûmes même avoir rapidement trouvé un éditeur, Asmodée.

Quelques mois plus tard, Asmodée, dont la politique éditoriale avait en effet un peu trop tendance à partir dans tous les sens, décidait de renoncer à pas mal de projets, dont celui-ci, et nous nous mîmes en quête d’un autre éditeur. Avec sept prototypes à imprimer et découper de retour du salon d’Essen, Broadway fut, parmi nos jeux, l’un des deux qui suscita le plus d’intérêt chez les édieturs. Bruno et moi sommes bien content que ce soit finalement Phalanx qui se soit décidé le premier, parce que l’on aime vraiment beaucoup Henning, et qu’Uli, que l’on connaît moins, à l’air aussi très sympathique.

Désireux de pouvoir mettre le visage d’Al Capone sur les cartes, Phalanx a rebaptisé le jeu Chicago Poker et nous a demandé de resituer l’action à Chicago. Toute la documentation était à refaire, les noms des chefs de gang, des clubs de jazz et des speakeasies à changer ! Arnold Rothstein, Dutch Schultz ou Legs Diamond sont ainsi devenus Al Capone, Bugs Moran et Dion O’Bannion, mais les mécanismes du jeu sont restés inchangés.

L’éditeur a en outre procédé à quelques changements aparemment sans importance mais qui, selon moi, affaiblissent considérablement la cohérence thématique du jeu. La carte qui donne droit à une action supplémentaire durant son tour de jeu était la mitraillette Thompson – la fameuse « Chicago Typewriter ». S’agissant d’une carte présente dans le jeu en un seul exemplaire, et permettant d’accélérer une fusillade, cela était parfaitement logique. Elle est devenue un simple colt, ce qui n’a guère de sens car cela n’a plus grand chose de spécial, tous les gangsters ayant à priori un colt sur eux, et ne suggère pas la même idée de rapidité. La carte action permettant de regarder les cartes jouées faces cachées par un adversaire était, fort logiquement, l’informateur. Elle est devenue, sans aucune explication logique, une descente de police – même si j’ai triché et laissé l’intitulé informateur dans la traduction française. Si l’on avait voulu mettre une carte Descente de Police, ce qui n’est pas nécessairement une mauvaise idée, nous lui aurions donné un effet adéquat, par exemple de virer toutes les cartes jouées par tous les joueurs devant un établissement. Donc, si vous voulez jouer au jeu tel que nous l’avions imaginé, essayez de vous convaincre que le dessin du colt représente une mitraillette Thompson, et que la carte “Descente de Police” s’appelle Informateur. Vous verrez que tout devient alors plus cohérent et, par conséquent, plus amusant.
Ce n’est pas la première fois que j’ai ce genre de problème. Les éditeurs européens semblent, contrairement aux américains, avoir un peu de mal à réaliser que le thème d’un jeu, ce n’est pas seulement un titre et de jolis dessins, c’est aussi et surtout un ensemble de clins d’oeil et de références dans les noms et les effets de tous les éléments du jeu. C’est cela qui rend un jeu amusant.

Chicago Poker
Un jeu de Bruno Faidutti & Bruno Cathala
Illustré par Czarnè
2 à 6 joueurs – 45 minutes
Publié par Phalanx (2007)
Ludovox         
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It was the poker craze around 2055, so Bruno and I tried, like many others, to design a game borrowing some elements of poker. However, our inspiration, like a few years ago when I designed Corruption, lies more in stud poker, specifically stud 5, than in Texas Hold’Em. I even think the latter didn’t exist yet in the prohibition era, which is the setting of Chicago Poker.

Chicago Poker is a card game with some tactics and much bluffing, in which the goal is to take the control of the main businesses of the town – speakeasies, game rooms, jazz clubs and breweries – with playing cards, sometimes face up and sometimes face down, to make poker hands. Like very often this kind of game, it’s highly tactical with two players and a bit chaotic with six – but in works as well in both cases.        

Chicago Poker makes use of the poker hand ranks, and the stud 5 mix of face up and face down cards, but it is more a classical german style hand management card game than a real poker variant. When playing, it feels more like Schotten Totten or Caesar and Cleopatra than like poker.

History of the game

I’ve been playing poker for long before the recent Hold’em craze, and you can feel its influence in many of my game designs. I had already used, in Corruption, a card playing system directly borrowed from stud poker. The same system is used, in a very different way, in Chicago Poker.

First there was the project of a big box race game about the airmail lines between France and South America in the twenties and thirties. Despite many clever ideas, many tests, many versions, we never managed to make a convincing prototypes, may be because there were too many authors involved. Bruno and I, however, left with the feeling that there were still many things to do using poker mechanisms.

So we immediately started to work on a very different idea, a smaller card game in the line of Corruption, where the setting, gang wars during the prohibition, will make feel natural the use of poker rules and hand rankings. As it often happens with good game ideas, the design was finalized in a few weeks. We placed the action in New-York, and called the game Broadway. I read some books about the local celebrities of the time, people like Arnold Rothstein, Owney Madden, Texas Guinan and found the right names to put on all the cards. We even thought we had found a publisher, Asmodée.

A few months later, Asmodée decided to make its publishing policy cleaner and clearer, and resigned with this project, as well as with a few other ones. So we started to look for another publisher. Back from Essen 2006, I had seven prototypes of Broadway to print, paste and cut, meaning it was one the two games of ours that raised the most interest on publishers. Bruno and I are really happy that it has first been taken by Phalanx, since Henning is a true friend and Uli, which we don’t know as well yet, seems to be a really nice guy as well.

Since Phalanx wanted to put the face of Al Capone on the box cover, the game was renamed Chicago Poker, and the action moved to Chicago. This meant all my documentation was obsolete, and the names of all gang bosses, speakeasies, jazz clubs and the like had to be changed. Arnold Rothstein, Dutch Schultz and Legs Diamond became Al Capone, Dion O’Bannion and Bugs Moran, but the game systems didn’t change a bit.

The publisher also made a few changes which look cosmetic but, in the end, have a bad effect on the game’s thematic consistency. The card that gives you one extra action this turn was the sub-machine gun – the Chicago Typewriter. For a card of which there’s only one in the deck, and which has the effect of accelerating a shoot-out, it was perfectly logical. Now it’s a standard Colt gun, which has absolutely nothing rare or special, every gangster probably carrying one, and which doesn’t suggest the same idea of acceleration. The action card that allowed you to look at an opponent’s face down card was, logically, the informer. It’s now, with no logical reason, called Police Raid. If we had wanted to put a Police Raid card, which may have a been a good idea, we would have found a consistent effect for it, such as discarding all gangsters played on one business. So, if you want to play the game as we had designed it, try to imagine that the picture of a colt is, in fact, a Tommy Gun, and that the “Police Raid” card is called informer. You’ll find out that everything becomes more fluent and coherent and, therefore, more fun.
It’s not the first time I have this kind of problem with a game I designed. It seems that, unlike American ones, european publishers don’t realize that a game’s theme is not only a title and nice pictures, but also, may be even more, the many allusions and links between the general story and the different elements of the game – that’s were lies most of the fun of a game.

Chicago Poker
A game by Bruno Faidutti and Bruno Cathala
Art by Czarnè
2 to 6 players  – 45 minutes
Published by Phalanx (2007)
Boardgamegeek

Histoire de deux cités
A Tale of Two Cities
Chronica sive historia de duabus civitatibus

Le prototype de Castel
Castle prototype

Le prototype de Citadelles
First Citadels prototype

Nous étions en hiver, et j’habitais encore à Paris. Un soir, au téléphone, je causais avec Serge Laget, l’ami lyonnais avec lequel j’avais conçu Meurtre à l’Abbaye. Pour ce jeu, nous avions travaillé chacun de son côté, testant avec des équipes différentes, et faisant un usage intensif de la poste et du téléphone pour rendre compatible ses réflexions tactiques compatibles avec mes délires chaotiques. Pourquoi ne pas reprendre une formule qui avait si bien réussi? Quelques heures, et quelques coups de téléphone plus tard, un nouveau projet – bientôt baptisé Citadelle (sans s) – était né. Les bases semblaient claires: il y aurait, dans un univers médiéval, des cartes représentant des lieux (château, tour, auberge…) et d’autres figurant des personnages (roi, magicien, princesse…), ces derniers permettant au joueur d’effectuer diverses actions (le roi commande et lève des impôts, le magicien échange des cartes, la princesse séduit…). C’est donc le thème qui était premier et non la mécanique, et cela explique peut-être le demi échec – ou le double succès – qui allait suivre.

Chacun réalisa quelques cartes et fit quelques premières parties avec ses amis. Mais au téléphone, il devint vite évident que Serge ne comprenait plus bien ce que je faisais, et que je ne comprenais plus bien ce qu’il faisait. Rien de grave, pensions-nous, nous allions facilement mettre tout cela en commun puisque, en avril, nous devions nous retrouver à mes rencontres ludopathiques. Entretemps, mon jeu prit forme plus rapidement que prévu. Les premiers tests étant concluants, une version presque définitive fut vite achevée. Cyrille Daujean, enthousiasmé, conçut une superbe maquette, qui allait rester presque inchangée jusqu’à la version finale, et parvint à convaincre ses voisins de Multisim de s’engager dans la publication du jeu. Frank Branham traduisit Citadelles en anglais et emmena sa maquette au Gathering of Friends d’Alan Moon, où elle rencontra un succès d’estime qui me valut un abondant courrier et quelques propositions d’éditeurs allemands.

Lorsque je retrouvai Serge à Étourvy, en avril 99, nous ne pûmes que constater ce que nous avions déjà pressenti: nos deux jeux n’avaient rien à voir. C’était un peu comme si, ayant décidé de travailler tous deux sur les courses automobiles, j’avais créé le Mille Bornes et lui Formule Dé. J’avais huit cartes personnages et soixante lieux, il avait cinq lieux et soixante personnages. À quoi bon tenter une impossible synthèse puisque mon Citadelles – un jeu de bluff – fonctionnait fort bien et que celui de Serge – plus tactique – semblait plein de promesses. Trop occupé à faire des bises, servir des zakouskis et ramasser des bouteilles de bière vides, je ne trouvais pas le temps d’essayer son jeu durant le week-end. Le dimanche soir, je lui laissai donc une maquette de mon jeu, et repartai avec le sien pour l’étudier de plus prêt.

Les premiers tests montrèrent que, si sa piste valait bien la mienne, son jeu avait encore des lenteurs, et menait trop souvent à des situations de blocage. Le Citadelles lyonnais, avec ses 60 cartes ayant toutes des effets différents, demanderait infiniment plus de réglages que le Citadelles parisien avec ses huit personnages. Le jeu était très prometteur, et profondément original, mais il avait besoin d’un regard neuf et c’est moi qui procédai, sur une mécanique inchangée, aux réglages définitifs. Le Donjon disparut, beaucoup de personnages acquirent des pouvoirs nouveaux, de nouvelles restrictions au placement firent leur apparition pour permettre des combinaisons de cartes. Je m’aperçus bientôt que je ne jouais plus guère à mon Citadelles et que celui de Serge, que j’avais tellement modifié était un peu devenu le mien. Cette fois, nous parvinmes à travailler en commun pour “finaliser le produit”. Le jeu séduisit Henri Balczesak, de Jeux Descartes, et le contrat fut bientôt signé, sans que le jeu – qui ne pouvait pas s’appeler Citadelles – ait trouvé de nom. Camelot était déjà pris et Tintagel semblait une marque de lessive. Forteresse faisait un peu lourd. Ce fut finalement Castel, un terme français un peu vieillot pour château.

Et voilà comment je me suis retrouvé à publier, presque simultanément, deux jeux sur le même thème, avec des traitements graphiques similaires, mais aux mécanismes totalement différents. Citadelles est, fondamentalement, un jeu de bluff et de psychologie. Castel est un jeu de tactique et de combinaisons de cartes, qui n’est pas sans rappeler certains jeux de cartes à collectionner. La première année, c’est Castel qui s’est bien vendu, tandis,que Citadelles peinait à trouver son public. Puis Castel à disparu avec son éditeur, tandis que Citadelles devenait un succès mondial, traduit en une trentaine de langues et vendu à plus de deux millions d’exemplaires. Cela aurait sans doute pu être l’inverse.

Castel
Un jeu de Bruno Faidutti & Serge Laget
Illustré par Emmanuel Roudier

2 à 5 joueurs – 45 minutes
Publié par Jeux Descartes (2000)
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Citadelles
Un jeu de Bruno Faidutti
Illustré par Julien Delval, Florence Magnin, Jesper Eising, Didier Graffet, Jean-Louis Mourier

2 à 8 joueurs – 30 à 60 minutes
Publié par Ubik, Hans im Glueck, Fantasy Flight Games , etc… (2000)
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 It was wintertime and I was still living in Paris. One evening I was chatting on the phone with Serge Laget, the friend from Lyon with whom I’d invented Murder in the Abbey. For that game weíd each worked on our own, playtesting with different groups of people and making extensive use of the mail and the phones, in order to integrate his thoughts about tactics with my passionate ravings. Why not revive a formula that had been so successful? Several hours and a few phone calls later, a new project–soon christened Citadelle (without the s)–was born.The premise seemed clear: there would be a medieval world made up of “place” cards (castle, tower, inn …) and “character” cards (king, magician, princess …); the latter would allow players to accomplish various actions (the king could impose and collect taxes, the magician could switch cards, the princess could seduce …). Thus it was the theme that was dominant and not, as in Murder in the Abbey, the mechanics of the game-play; and that may explain the semifailure–or double success–that was about to follow

We each came up with some cards and had a few preliminary game-testing parties with friends. But over the phone it quickly became clear that Serge no longer had a clear idea of what I was doing and I no longer had a clear idea of what he was doing. No problem, we thought; we could easily get ourselves back on the same track since in April weíd be together at my Ludopathic Gathering (my very own little private game convention).In the meantime, my game took form more quickly than anticipated. After conclusive game-testing, a nearly final version was completed. Cyrille Daujean, with much enthusiasm, came up with a superb prototype that remained almost unchanged right up to the final version, and he managed to convince his friends at MultiSim to come out with the game. Frank Branham translated Citadelles into English and brought his version to Alan Moonís Gathering of Friends, where it was given a warm reception that brought me a great deal of mail, and a great interest from some german publishers.

When I got together with Serge in Etourvy in April ’99, we had to admit what we’d already suspected: our two games had nothing to do with each other. It was as if, both of us having decided to work on car racing games, I had created Mille Bornes and he Formula De. I had eight character cards and 60 locations, he had five locations and 60 characters. Why bother attempting an impossible synthesis, given the fact that my Citadelles–a bluffing game–was working quite well and Serge’s–more tactical– seemed full of promise. Too busy pecking cheeks, serving hors d’oeuvres, and cleaning up empty beer bottles, I never found time to try his game during the weekend. So Sunday evening I left him a sample of my game and headed home with his, to study it up close.

The initial tests showed that, although the trip around his game board was as interesting as mine, his game still had some snags that caused it to bog down too often and end up in gridlock. The Lyonnais Citadelles, with its 60 cards all with different abilities, would need considerably more tweaking than the Parisian Citadelles with its eight characters. The game was very promising, and extremely original, but it needed a new look; while keeping the same basic strategy, I did the necessary fine-tuning. The dungeon disappeared, many characters acquired new powers, and new restrictions on placement appeared, allowing cards to be combined. I soon noticed that I was hardly playing my Citadelles anymore; I had adopted Serge’s, and I’d modified it so much it had sort of become mine. This time, though, we managed to work together to come up with the final product. The game attracted Henri Baczesak, of Jeux Descartes, and the contract was soon signed, although the game–which we couldn’t call Citadelles–didnít yet have a name. Camelot was already taken, Tintagel (King Arthur’s birthplace) sounded like a brand of laundry detergent; and Fortress seemed a little heavy. Finally, it became Castel, a somewhat old-fashioned French word for castle – and Castle in English.

That’s how I found myself publishing, almost simultaneously, two games on the same theme, with similar graphics, but mechanically entirely different. Citadels is, fundamentally, a bluffing and double guessing game. Castle is a game of tactics and card combos, somewhat reminiscent of collectible card games. In the first year, Castle was the best seller, but it then disappeared together with its publisher, Jeux Descartes. Then Citadels became a world hit, with more than two millions copies sold in two dozens different languages. I can’t help thinking it could have been the reverse.

Castle
A game by Bruno Faidutti & Serge Laget
Art by Emmanuel Roudier

2 to 5 players – 45 minutes
Published by Jeux Descartes (2000)
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Citadels
A game by Bruno Faidutti
Art by Julien Delval, Florence Magnin, Jesper Eising, Didier Graffet, Jean-Louis Mourier

2 to 8 players – 30 à 60 minutes
Published by Ubik, Hans im Glueck, Fantasy Flight Games , etc… (2000)
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La Fièvre de l’Or
Boomtown

Dans La Fièvre de l’Or, vous commencez la partie comme ça :

Et votre but est de finir comme ça :

Et non comme ça :

Pour cela, vous devrez acheter aux enchères les meilleures concessions, espérant avoir la chance d’y trouver de l’or. Vous pourrez aussi tenter de devenir maire d’Abalone ou de San Narciso, afin de toucher ensuite votre petit pourcentage sur les ventes, ou ouvrir un saloon où les prospecteurs chanceux iront dépenser leurs pépites. Si les affaires ne vous sourient guère, un hold-up, une attaque de diligence pourront aussi contribuer à vous remettre en selle, tandis qu’un bâton de dynamite bien placé peut aider à régler vos autres petits problèmes.

Dans La Fièvre de l’Or, il y a des enchères, il y a des dés, et il y a plein de cartes action pour embêter vos petits camarades.

Histoire du jeu

Le Collier de la Reine avait été conçu en quelques semaines, juste avant le salon d’Essen 2002, et avait trouvé un éditeur presque immédiatement. Fort de cette expérience, Bruno et moi avons décidé de remettre ça l’année suivante, en concevant un petit jeu de cartes vite fait sur le gaz juste avant le salon – ce fut La Ruée vers l’Or.

Thème et mécanique

Le jeu lui même est parti d’une mécanique qui me fut décrite un soir au téléphone par Bruno Cathala. C’était un système d’enchères original, dans lequel le vainqueur payait à son voisin de droite, qui gardait la moitié de la somme, et ainsi de suite, tandis que les choix des joueurs se faisaient en sens inverse, commençant par celui qui avait payé et terminant par celui qui avait reçu le plus d’argent. Il imaginait plutôt cela comme base d’un gros jeu, qui aurait sans doute pu ressembler un peu à Goa.
Je gambergeai quelques jours là dessus, et imaginai rapidement le thème des concessions minières – sans bien savoir si elles seraient occupées par des nains ou des cow-boys – et ajoutai le système de production plus ou moins emprunté aux Colons de Catan, car je trouve qu’il n’y a plus assez de jets de dé dans les jeux les plus récents, et j’aime bien jeter les dés. Quant aux maires, ils sont là pour l’interaction, et pour donner un petit côté Monopoly – on paie quand on tombe chez quelqu’un.
La toute première version du jeu était un peu plus complexe, chaque mine ayant à la fois un dé de production et un dé d’explosion, mais il apparut rapidement que cela faisait trop d’éléments à prendre en compte. Les dés d’explosion ne subsistent dans la version finale que sous la forme des deux mines dangereuses.
Les mécanismes de base étant au point, les tests suivants n’eurent plus comme objectif que de permettre un choix judicieux d’événements. Là encore, un peu lassés des jeux d’enchères dans lesquelles les enchères sont le seul moyen d’interaction entre les joueurs, nous décidâmes de privilégier systématiquement tout ce qui permettait d’embêter son voisin, hold up, dynamite, élections municipales et toutes ces sortes de choses. La question la plus discutée fut ensuite celle des noms des villes – il y avait dans notre protrotype Abalone, Dry Gulch, San Narciso, Cactus Junction et Coyote City, mais les éditeurs français et américains ont un peu chamboulé tout cela…

Illustrations

La Fièvre de l’Or a été illustrée par Kara, qui s’il était jusque là inconnu dans le petit monde du jeu, s’était déjà fait un nom dans la BD, avec un style mi-manga, mi réaliste (enfin, c’est ce que l’on m’a dit, car je ne connais et ne comprend pas grand chose à la BD, dont l’univers me reste très étranger).L’éditeur a dû brider un peu la tendance de Kara à mettre partout des squaws ou des girls à la poitrine généreuse, mais ils ont eu l’intelligence d’en laisser ici et là quelques unes, qui font beaucoup pour le charme du jeu.

Cowboys et Pirates

La Fièvre de l’Or s’est assez bien vendu, mais pas assez pour que Asmodée le maintienne très longtemps dans sa gamme de petits jeux de cartes, régulièrement renouvelée. Quant à l’édition américaine, son éditeur, Face to Face, a disparu sans laisser d’adresse. N’est plus disponible aujourd’hui qu’une édition polonaise, rethématisée dans l’univers de la piraterie.

La Fièvre de l’Or
Un jeu de Bruno Cathala & Bruno Faidutti
Illustré par Kara

3 à 5 joueurs – 30 minutes
Publié par Asmodée (2004)
Tric Trac    Boardgamegeek


In Boomtown, you start the game like this :

And your goal is to end it as this :

And not as this :


To do this, you’ll have to buy the best mining concessions, hoping to find gold veins. You can also try to become the Mayor of Whiskey River or San Narciso, in order to get a small cut on concessions sales, or build a saloon where lucky prospectors will spend their nuggets in moonshine whisky. If business is really bad, you can still rely on bank or stagecoach hold-ups to reestablish you. A well placed stick of dynamite can also solve some minor problems.

Boomtown is game with auctions, dice, and some fun and nasty action cards to play on your fellow gold diggers.

History of the game

Queen’s Necklace had been designed in a few weeks, just in time for the 2002 Essen fair, and did find a publisher almost at once. No wonder Bruno and I wanted to try it again next year, and design a small card game just before the 2003 fair – this one was Goldrush.

Theme and Setting

The game started from an auction system idea that Bruno Cathala described to me on the phone. The idea was that the auction winner pays to his right neighbour, who keeps half and pays the rest to his right neighbour, and so on, and then players chose items in reverse order, starting with the player who payed, and ending with the player who received the most money. In Bruno’s idea, this was probably intended to become a bigger game, something a bit like Goa. I thought a few days on this, and almost immediately came up with the mining setting and the chosing of concessions – though I didn’t know yet if these concessions will be occupied by western gold diggers or by dwarves. I also added a production system inspired by Settlers of Catan, mostly because I think recent games have not enough die rolls, and I like to roll dice. As for the mayors, they are here for more interaction, and to give a slight monopoly taste to the game – when you land on someone else’s property, you must pay.
The very first version of the game was slightly more complex, since each mine had both a production die and an explosion die, but we soon found out that there were too many elements to check after each die roll. Explosion dice were removed, and subsist only for the two dangerous mine.
Since the basic systems worked at once, we could focus on the various event cards and side rules. Since we were both a bit tired of auction games in which bidding is the only interaction between players, we decided to focus on ways of directly attacking other players, such as hold-ups, dynamite or mayor polls. The next question, which was discussed at length, was the town names – our final prototype had Abalone, Dry Gulch, San Narciso, Cactus Junction and Coyote City, but the publishers changed all this.

Graphics

Boomtwon was illustrated by Kara, who was so far unknown in the little gaming world, but is already an established comics artist, with a half-manga, half-realistic style – well, that’s what I’ve been told by friends who have a greater comics culture than I do, since I know very little about this universe.
Kara was prone to put everywhere big breasted squaws or saloon girls, and the french publisher had to restrain him a bit, but was clever enough to let a few ones here and there – and they give a specific charm to this game.

From Cowboys to Pirates

La Fièvre de l’Or sold honorably, but not enough for Asmodée to keep it long in its small box card games line, which is regularly updated. As for the US edition, Boomtown, its publisher, Face to Face, simply vanished in the air.

Boomtown
A game by Bruno Cathala & Bruno Faidutti
Art by Kara
3 to 5 players – 30 minutes
Published by Face 2 Face Games (2004)
Boardgamegeek

Castel
Castle

Au château, il n’y a pas de place pour tout le monde. Il va donc falloir jouer serré pour y installer tous les personnages – les cartes – que vous avez en main. Heureusement que chacun d’eux dispose d’un pouvoir particulier qui, utilisé judicieusement, doit lui permettre de se faire une place et de s’incruster. Mais vos adversaires ont des personnages tout aussi puissants que les vôtres. Ils peuvent même éjecter ceux que vous avez réussi à caser… Une sacrée bousculade en perspective!

Les cartes de Castel ont toutes des effets différents, ce qui en fait un jeu de combinaisons dans lequel il ne faut pas laisser passer la bonne occasion. Les aller-retours des cartes entre les mains des joueurs et le plateau de jeu modifient sans cesse la physionomie du jeu.

C’est à la fin des années quatre-vingt dix, quand la folie de Magic the Gathering avait envahi le monde du jeu, que Serge et moi avons conçu Castel. Si Castel n’est pas un jeu de cartes à collectionner, c’est néanmoins un jeu de combinaisons, avec des cartes presque toutes différentes dont les effets s’entremêlent, se combinent, se répondent pour permettre des coups pendables et des retournements de situation inattendus. Avec Castel, nous voulions faire un jeu tactique varié et dynamique procurant les mêmes sensations et la même variété que les jeux à collectionner comme Magic, mais sans demander le même investissement en temps et en argent. La preuve que nous avons réussi est que, depuis, nous n’avons cessé d’imaginer de nouvelles cartes pour renouveler le jeu. Une nouvelle version de ce jeu, avec plus de cartes, plus d’effets, plus d’action, plus de personnages est à la recherche d’un éditeur.

Castel
Un jeu de Bruno Faidutti & Serge Laget
Illustré par Emmanuel Roudier

2 à 5 joueurs – 60 minutes
Publié par Jeux Descartes (2000)
Tric Trac    Boardgamegeek


In the courtyard, there’s not enough place for all who want to get in. You’ll have to make place to play all the character cards in your hand. Happily, each character has some special ability that, if judiciously used, may help him to find a place and to keep it. But beware, your opponent’s characters are as powerful as yours, and may even eject those that you already managed to place.

All cards have different abilities, and Castle is a cunning placement and card-combination game, in which you must grab every opportunity. The various cards, coming from the player’s hands to the virtual board, and back, make it very dynamic. 

Serge and I designed this game in the late nineties, when, like all our friends, we were mostly playing Magic the Gathering. Castel is not a collectible card game, but it feels a bit like one, and this deliberate. It’s all about card combos, about various card effects interacting in dozens of different ways, allowing for unexpected turnarounds and comebacks. We wanted to nasty design a stand-alone game with all the fun, the chaos and the variety  of CCGs. We did it and, ten years after it was first published, we are still eventually discussing new card ideas. The new version of Castle, with more cards, more action, more characters, more variety is now looking for a publisher.

Castle
A game by Bruno Faidutti & Serge Laget
Art by Emmanuel Roudier
2 to 5 players – 60 minutes
Published par Jeux Descartes (2000)
Boardgamegeek

Diamant
Incan Gold

Diamant / Incan Gold s’est d’abord appelé “Le Temple Maudit”, un titre bien plus évocateur, qui avait pour l’éditeur l’inconvénient de ne pas être international. Chaque joueur y est un aventurier qui explore une grotte abritant de riches trésors, quelque part dans la jungle. À chaque instant se pose donc la même angoissante question : Faut-il prendre le risque de continuer un peu plus loin, sachant que bien des dangers vous guettent, ou vaut-il mieux rentrer sagement au camp avec les richesses amassées jusque là.

Diamant / Incan Gold est ma deuxième collaboration avec Alan Moon – La première, De l’Orc pour les Braves, sans doute trop originale, n’a pas eu un grand succès, en partie du fait d’une édition maladroite.

Alan Moon et moi avons beaucoup d’admiration pour Can’t Stop, l’excellent jeu de Sid Sackson, et caressions donc depuis longtemps l’idée de faire, nous aussi, un jeu de “Quitte ou Double?”, un jeu dans lequel des joueurs angoissés doivent sans cesse choisir entre conserver sagement leurs gains, ou tenter de gagner plus, au risque de tout perdre.
Notre premier essai, La Grotte du Dragon, était un jeu de parcours dans un réseau souterrain, dont les mécanismes de déplacement tenaient un peu du Black Jack. Le jeu fonctionnait bien, mais il lui a sans doute manqué le petit quelque chose qui fait la différence, et qui séduit les éditeurs.
Après que tous nos prototypes de ce premier jeu nous fussent revenus, nous décidâmes donc de tout reprendre à zéro, et je suggérai l’idée d’un “common pool Can’t Stop” – ou d’un “common pool Black Jack” -, un jeu dans lequel tous les joueurs, à partir d’une situation identique, pourraient prendre des décisions différentes, certains prenant plus de risques que d’autres. L’idée d’une équipe de personnages s’aventurant ensemble dans une grotte, un labyrinthe, un temple, une pyramide ou les attendent de l’or, des diamants, des trésors archéologiques mais aussi des pièges, des monstres, des momies. nous vint alors naturellement à l’esprit. Le jeu avait trouvé son thème, quelque part entre Indiana Jones et Alan Quatermain, et son nom – le Temple Maudit.

Une partie test du Temple Maudit aux rencontres ludopathiques, avec deux jolies filles que je n’ai plus vues depuis bien longtemps, Birgit et Camille.

Je réalisais donc une première maquette, sur une vague thématique de temple inca ou maya. Les dangers étaient des bruits – Sssssss!, Pltoch !, Crac ! -, le danger lui même ne se réalisant que lorsqu’un bruit inquiétant était entendu pour la seconde fois. J’ai un peu regretté que l’éditeur abandonne cette idée du “bruit inquiétant” qui me semblait beaucoup faire pour l’ambiance du jeu. Lorsqu’un trésor ne pouvait être divisé équitablement entre les explorateurs, le reste de la division était simplement retiré du jeu, et seule la peur poussait donc les aventuriers à fuir. Ce sont des testeurs qui, chez Marc Laumonnier, ont suggéré que le reste soit laissé sur place et ramassé par les premiers fuyards. Cette petite règle de rien du tout a immédiatement donné une nouvelle dimension au jeu – il y avait maintenant deux raisons de partir, la peur et la cupidité. D’autres essais d’ajouts de règles, notamment avec des cartes action dans les mains des joueurs, se sont avérés décevants et furent vite abandonnés.

L’ultime réglage du jeu fut suggéré par Friedemann Friese lors des Xèmes rencontres ludopathiques. Il imagina en effetde retirer du jeu la carte danger ayant provoqué la fin de la manche, faisant ainsi monter la tension tout au long de la partie, comme dans tous ces jeux où il est plus facile de marquer des points dans les derniers tours que dans les premiers, ce qui crée du suspense et pousse à prendre des risques.

La première édition européenne de Diamant, chez Schmidt, en 2005

Ce jeu fut d’abord publié en Europe par Schmidt, dans une version assez luxueuse, avec des pions aventuriers en bois et de superbes petits coffres pour y ranger les trésors. Je n’ai jamais bien compris pourquoi, alors que les ventes étaient très honorables, l’éditeur a rapidement renoncé à le réimprimer. Fort heureusement, les gens de Iello s’en sont aperçu et en ont publié en 2016 une nouvelle version, superbement illustrée par Paul Mafayon – j’en parle plus en détail ici.

Aux États-Unis, au Japon et en Chine, le jeu est publié sous le nom d’Incan Gold, par Gryphon Games, dans une version au look plus franchement inca, mais aussi très américain. Plus de jolis coffres ou d’aventuriers en bois, le matériel est moins luxueux que dans l’édition européenne, mais cela permet aussi un prix de vente plus modeste. Les règles du jeu n’ont pas changé, excepté par l’ajout de cartes d’objets précieux, les reliques, dont la valeur ne peut pas être divisée entre les joueurs. Là encore, il y a eu plusieurs versions, dont seule la dernière, avec le couple d’aventuriers sur la couverture, a de jolis petits pions en bois.

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Au Brésil est d’abord parue une version “pirate” de ce jeu, Risco Total, plus tard rebaptisée Tensao Total, sur le thème de l’exploration sous- marine. L’éditeur a par la suite cherché à régulariser la situation, un arrangement à été trouvé et Alan et moi touchons désormais des royalties. Le thème de l’exploration sous-marine, auquel nous n’avions pas pensé lorsque nous avons imaginé le jeu, est d’ailleurs assez bien trouvé. Requins, pieuvres géantes, accidents de plongée et manque d’oxygène font des dangers aussi crédibles que serpents, scorpions et éboulements, et le jeu est tout aussi tendu – même si le matériel est de moins bonne qualité que  celui d’Incan Gold ou de Diamant.

Diamant / Incan Gold
Un jeu de Bruno Faidutti & Alan R. Moon
3 à 8 joueurs – 20 minutes
Publié par Schmidt (2005), Gryphon Games (2006), Iello (2016)
Tric Trac    Boardgamegeek


Diamant / Incan Gold was first called “The Temple of Doom”, a much more evocative title, but unfortunately one that could make for intellectual properties issues. Each player is an adventurer taking part in the exploration of a treasure cave, deep in the jungle. Every turn, the same anguished question : will you take the risk of going deeper into the dangerous and treacherous cave, or will you go back to the base camp with the gems you’ve already found ?

Diamant / Incan Gold  is my second collaboration with Alan R. Moon. The first one, De l’Orc pour les Braves went largely unnoticed, which is a shame because it was really a fun game.

Alan Moon and I hold Sid Sackson’s Can’t Stop in great esteem, and for long we wanted to design our own “double or quits?” game, a game in which anguished players will always have to choose between keeping what they have, and trying to get more, at the risk of losing everything.
Our first attempt, Dragon’s Maze, was a race game in an underground maze, where the movement of the players pawns was using a card system similar with Black Jack. The game worked well, but was not exciting enough to convince publishers.
After getting back all our prototypes of this first game, we decided to start it all over again and I suggested a kind of “common pool Can’t Stop”, or “common pool Black Jack”. the idea was to design a game were all players were in the same situation, but could take different decisions, some of them opting for quits, other ones for double. Obviously, the pawns had to be adventurers entering together a cave / labyrinth / maze / temple / pyramid, hoping to find gold / treasures / gems / antiquities but at the risk of traps / monsters / mummies. The theme was obvious, somewhere between Indiana Jones and Alan Quatermain, as was the name – The Temple of Doom.

A test game of The Temple of Doom at the ludopathic gathering, with two pretty girls I’ve not seen for years, Birgit and Camille.

I made a first prototype, using an inca or maya temple setting. Danger cards were frightening noises – Sssss!, Plotch !, Crack ! – that could be heard in the cave, the real danger causing players to bust happening when the same noise was heard a second time. I’m a bit sad the publisher gave up this noise idea, since it helped the game ambiance. When a treasure could not be equally divided between the players, the rest from the division was simply removed from the game, and the only incentive to leave the cave was the fear of a second identical noise. Gametesters suggested that the rest stay in the cave and was divided among the first players to leave the cave. this made now for two incentives to leave the cave – fear and cupidity – and really added a new dimension to the game. Other attempts to add elements to the game, such as action cards, were not successful.

The last little tuning was added by Friedemann Friese, when he played the game at the Xth ludopathic gathering. He suggested we removed from the game the card that triggered the bust, thus making it easier to score in the last turns. Like in many games, this make for more suspense and a higher tension in the endgame.


The two successive european editions of Diamant

This game was first published in Europe by Schmidt, in a gorgeous edition with wooden adventurer pawns and nicely designed cardboard chests for the players’ treasures. I never really understood why, when the game was selling quite well, Schmidt decided to discontinue it. Luckily, the guys at Iello Noticed this and decided to publish a new edition, with gorgeous art by Paul Mafayon – more about it there.

In the US, Japan and China, Incan Gold is published by Gryphon games. The graphics look more incan, but also more american. There are no more nice cardboard chests, but this allows the game to be sold at a much lower price than the  European edition. Only the most recent print runs, the ones with the couple of explorers on the box, has the nice wooden pawns for taking decisions.

An unauthorized edition was published in Brasil under the name Risco Total, then Tensao Total, but the publisher later decided to settle things right. An arrangement was eventually found, and Alan and I now get some royalties from this game. The game has been revamped and rethemed about underwater diving. Surprisingly, Alan and I didn’t consider a submarine setting when designing the game. It fits the game systems very well. Sharks, giant octopus, lack of oxygen and other diving hazards are very realistic dangers which create the same tension as snakes, scorpions and mine collapse. The components of Risco Total, on the other hand, are not on par with Diamant or Incan Gold.

Diamant / Incan Gold
A game by Bruno Faidutti & Alan R. Moon
3 à 8 joueurs – 20 minutes
Published by  Schmidt (2005), Gryphon Games (2006), Iello (2016)
Boardgamegeek

Isla Dorada

C’est sans doute son côté un peu daté, un peu classique, qui fait que je suis si attaché à Isla Dorada. Même si ses mécanismes sont sur bien des points originaux, c’est un jeu qui n’aurait sans doute guère surpris s’il était arrivé sur les tables de jeu il y a une quinzaine d’années, à l’époque des Catan, Tikal , San Marco ou autres Elfenland. Ce n’est pas complètement un jeu à l’allemande, puisque l’on y trouve un peu du chaos et de l’interaction qui sont, paraît-il, ma marque de fabrique, mais c’est un jeu à l’ancienne, poids moyen, convivial et sans doute consensuel. Paru il y a dix ans, il serait peut-être devenu « un classique ». Peut-être peut-il encore le devenir, comme c’est arrivé à un autre jeu fabuleux paru dix ans trop tard, Les Aventuriers du Rail, le chef d’œuvre de mon ami Alan R. Moon.

Les joueurs sont d’intrépides aventuriers dont le zeppelin vient de s’écraser au centre d’une île mystérieuse et inexplorée, où la légende veut que d’anciennes civilisations aient laissé d’incroyables richesses.
Pas d’autre choix, donc, que rester groupés et d’entamer l’exploration de l’île. Au cœur des ténèbres, les explorateurs vont traverser la jungle à dos de gorille, affronter pygmées cannibales et monstres marins, faire face à de terribles malédictions et, si tout va bien, rentrer dans le vieux monde avec de fabuleux trésors.

Si vous avez regardé attentivement le logo d’Isla Dorada, en haut de cette page, vous avez sans doute remarqué trois noms, en plus petits caractères, en dessous du titre du jeu. Le premier est celui d’Alan R. Moon, auteur notamment des Aventuriers du Rail et d’Elfenland, et avec lequel j’ai travaillé sur Diamant et De l’Orc pour les braves. Les deux suivants sont ceux d’Andrea Angiolino et Pier-Giorgio Paglia, surtout connus pour le jeu de combat aérien Wings of War.

Elfenroads, d’Alan R. Moon, et plus tard son successeur Elfenland, ont toujours été parmi mes jeux de société préférés. Il fut un temps où j’y jouais presque chaque semaine. J’appréciais non seulement le jeu, mais aussi les superbes plateaux de jeu dessinés par Doris Matthäus. Ces plateaux me plaisaient tant que je tentais d’imaginer d’autres jeux qui puissent se jouer sur la carte routière du pays des elfes.

Un soir, après avoir joué pour la première fois à Ulysses, d’Andrea et Pier Giorgio, l’idée était là. Le plateau d’Elfenland, les chemins d’Elfenland, les cartes d’Elfenland, mais un unique pion pour tous les joueurs, que chacun chercherait à manœuvrer à son avantage, comme les dieux de l’Olympe jouant avec les vents pour pousser le vaisseau d’Ulysse. Je travaillais alors déjà, avec Ted Cheatham, à la Route de la Soie, qui utilise également un pion unique pour tous les joueurs, et j’avais aussi joué à La Fureur des Dieux, de Dominique Ehrhard, mais la manière dont le vaisseau d’Ulysse était déplacé dans le jeu d’Andrea et Pier-Giorgio convenait parfaitement au pays des elfes. Quelques jours plus tard, j’avais rédigé une ébauche de règle et imprimé les cartes objectifs de « Ulysses in Elfenland », sans doute le meilleur titre de jeu depuis « Merchant of Venus ». Les tests suivirent aussitôt. Le jeu tournait bien, mais il n’était pas exceptionnel, et je ne savais plus trop qu’en faire. Cela valait-il la peine de consacrer du temps et de l’énergie à un projet qui me séduisait, mais qui était très largement inspiré de deux jeux existants.

J’en parlais donc avec Alan Moon, et avec les auteurs d’Ulysses. Alan n’était guère intéressé par un autre jeu joué sur le plateau d’Elfenland, peut-être parce qu’il craignait que les joueurs ne comparent les deux jeux et ne préfèrent le mien. Le risque était pourtant bien faible, tant Elfenland (et plus encore Elfenroads) est un jeu fabuleux, alors que mon projet n’était qu’un assez bon jeu, en partie peut-être parce que le plateau n’avait pas été vraiment conçu pour lui. J’étais en particulier gêné par la cité isolée de Kiroma.

J’entrepris donc de dessiner un plateau spécifique pour « Ulysses in Elfenland », qui était entretemps devenu « la caravane des marchands ». Parce que l’idée m’amusait, et parce que cela permettait de maintenir quand même l’idée initiale, je concevai un plateau bien plus approprié à mon jeu, mais sur lequel il restait possible de jouer à Elfenland. Avec l’accord d’Alan, Andrea et Pier-Giorgio, je proposai « la Caravane des marchands » à Amigo, suggérant qu’ils le publient tout à la fois comme un jeu à part et comme une extension d’Elfenland. Après bien des hésitations, Amigo déclina l’offre, sans doute avec raison car mon jeu n’était pas aussi bon qu’Elfenland et aurait souffert en comparaison, et car la nouvelle carte n’apportait pas grand chose à Elfenland. Je conservai cette version quelques années, y jouant occasionnellement. Je l’aimais bien, certains de mes testeurs l’aimaient beaucoup, mais il y manquait toujours quelque chose.

L’étape suivante fut de renoncer à ce qui avait été l’idée originale du jeu – la compatibilité avec Elfenland. Cela me permit de résoudre, en quelques semaines, tous les problèmes que j’avais depuis des années avec la Caravane des marchands. Je réduisis le nombre de cités, réunis les routes de plaine et de forêt, changeai la répartition des terrains, et finis même par faire du pays des elfes une grande île avec des ports de mer permettant de se rendre rapidement d’un coin à un autre du royaume. Andrea et Pier Giorgio s’impliquèrent alors aussi dans le projet, faisant de nombreuses suggestions de cartes et de règles, dont certaines provenaient directement de la nouvelle version d’Ulysses sur laquelle ils travaillaient en même temps. Nous implentâmes donc rapidement tous les ajustements qui auraient dû être faits depuis longtemps, et ne l’avaient pas été tant que j’étais coincé par la compatibilité avec Elfenland. La capitale, Elfenburg, devint Kingsburg, ce qui me permit de rebaptiser d’autres cités du nom de jeux de la ludothèque idéale. On pouvait voyager de Key Largo à Yspahan, de Carcassonne à Funkenschlag.

Cette nouvelle version suscita plus d’intérêt chez les éditeurs, notamment chez mes amis de Days of Wonder. Le prototype finit par atterrir chez un des leurs amis et voisins, Philippe Nouhra, de Funforge, qui décida de le publier. Philippe appréciait le système de jeu mais il trouvait cependant, avec raison sans doute, que déplacer une caravane de marchands dans un royaume médiéval vaguement fantastique n’était pas quelque chose de très excitant. Il eut alors une idée géniale : faire des joueurs des explorateurs sur une île oubliée, dans un univers à la Tarzan. De l’avis de tous les joueurs, le nouveau thème est bien plus amusant et tout aussi cohérent que l’ancien – même si nous ne savons toujours pas très bien pourquoi l’expédition a installé son camp de base au centre de l’île et non sur la côte où elle a débarqué (bon, je viens de recevoir un mail de Philippe dans lequel il m’explique que le dirigeable des explorateurs, pris dans une tempête, s’est crashé à cet endroit là).

Je suis habituellement très critique des éditeurs qui souhaitent modifier le thème d’un jeu, mais je dois admettre que, cette fois-ci, cela a rendu le jeu bien meilleur, plus exotique, plus drôle.
Le nouvel univers, plus décalé, permit aussi d’imaginer de nombreuses nouvelles cartes, pygmées cannibales, pandas tueurs, singes volants et même dirigeables. Ces cartes ne rendent pas seulement le jeu plus thématique, elles le rendent aussi plus fluide, plus dynamique, en ajoutant des possibilités d’interaction et en permettant des mouvements plus rapides. Et l’illustrateur des cartes Naiiade, s’en est donné à cœur joie!

J’ai travaillé plus de dis ans sur ce jeu. Il y a eu des dizaines de versions, des centaines de tests. Aucun de mes autres projets ne m’a demandé autant d’efforts À vous, maintenant, de me dire si cela en valait la peine. Le jeu publié a finalement bien peu en commun avec Elfenland, si ce n’est l’allure générale du plateau de jeu et le fait que les cartes y représentent des moyens de transport. En revanche, on y trouve toujours l’idée centrale de Ulysses, les enchères à l’aide de cartes pour déterminer ou le navire, la caravane, l’expédition va se rendre.

Isla Dorada
Un jeu de Bruno Faidutti, Andrea Angiolino, PierGiorgio Paglia, Alan R. Moon,
Illustré par Naiiiade et Gorg
3 à 6 joueurs – 90 minutes
Publié par FunForge (2010)
Tric Trac    Boardgamegeek


Isla Dorada is one of my favorite designs, probably because of its old style feel, its classic look. Even when some of its game systems are quite original, this game would not have surprised gamers if it had been published fifteen years ago, in the times of Catan, Tikal, San Marco or Elfenland. Isla Dorada is not completely a “German style” game, since it has some of the typical Faidutti chaos and interaction, but it’s an old style, middle weight, convivial and family-fare boardgame. If published ten years ago, it might have become “a classic”. Well, may be it still can – after all, that’s what arrived to another game published ten years after its time, Alan R. Moon’s masterworks, Ticket to Ride.

Players are bold explorers whose zeppelin just crashed in the center of a mysterious and unexplored island where legends tell that ancient civilizations have left fabulous treasures.
Together, players will enter the heart of darkness and explore the unknown island, cross the jungle on gorillaback, witness savage rituals, avoid the lake monsters and deal with the the many vicious animals and other dangers of Isla Dorada, the Gold Island. Then, if they are valorous and lucky enough, they will find the treasures and bring them back to the old world.

If you’ve had a close look at the game’s logo at the top of this page, you’ve probably noticed three other game designers names, in smaller fonts, under the Isla Doarada. The first name is Alan R. Moon, the author of Ticket to Ride, of Elfenland, and with whom I codesigned Diamant and For a few Orcs more.  Then come Andrea Angiolino and Pier-Giorgio Paglia, mostly known for Wings of War.

Alan Moon’s Elfenroads, and later Elfenland, have always been among my favorite boardgames, and there was a time when I played one of them almost every week. I liked the games, and  I also liked the gorgeous Elfenroad and Elfenland boards, both painted by Doris Matthäus. I liked them so much that I wanted to use them more and started to think of other games that could be played on the Elfenroads or Elfenland board.

One day, after playing for the first time Andrea Angiolino & Pier Giorgio Paglia‘s Ulysses, I knew the game was here – the Elfenland board, the Elfenland tracks, the Elfenland transportation cards, but only one pawn for all players, like Ulysse’s ship, that all player will try to move in different directions, to different cities, like the Greek gods playing with the Mediterranean winds. I was already working on the Silk Road, which also used a common caravan pawn for al players, and I had met another Ulysses Ship in Dominique Ehrhard’s Odysseus, but the way this system was used in Ulysses obviously fitted perfectly with the Elfenland board. A few days later, I had written the rules and printed the cards of “Ulysses in Elfenland”, which could have been the best game title since Avalon Hill’s “Merchant of Venus”. The game was good, but not great, and I didn’t really know what to do with it, and if t was worth working more on it, since it was mostly a deliberate derivative from two existing games.

I talked about it both with Alan Moon and with Ulysses’ authors, Andrea Angiolino and Pier-Giorgio Paglia. Alan didn’t like the idea of another game to be played on the Elfenland board, may be because he was afraid some players will compare both games and prefer mine – which was, in fact, very unlikely since Elfenland is a real masterwork (well, I still prefer Elfenroads) and Ulysses in Elfenland was just an OK game, in part due to the fact that the board had not originally been devised for it. There was, among others, a problem with the isolated city of Kiroma.

So, the next step was to make a board specifically designed to fit “Ulysses in Elfenland”, which in he meantime had been renamed “Merchants Caravan”. Mostly because I found the idea fun, as a kind of tribute, I made a board which was much better for Merchants Caravan, but on which you could also playe Elfenland, and with Alan, Andrea and Pier-Giorgio’s agreement, proposed it to Amigo, who already published Elfenland, suggesting they publish it both as an original game and an Elfenland expansion. After a long hesitation, Amigo declined it. They were probably right in doing so, since my game wasn’t as good as Elfenland and would have suffered in the comparison. Also, the new board didn’t add much to Elfenland. I kept this version of the game a few more years, playing it occasionally. I liked it, some of my friends liked it a lot, but I always had the feeling something was still missing.

This allowed me to solve quite easily, in a few weeks, most of the problems I had for years with Merchant Caravan. I reduced the number of cities, merged the plain and forest tracks, changed their distribution for something more even, moved the kingdom to a large island with seaports where you could take a ship to the other side of the board. Andrea and Pier Giorgio also became more involved in the design at this point, probably feeling the the game was, at last, becoming worth of all the work that had been put in to it. They took part in the tests, sent me some comments, suggested cards and adjustments, some of which came directly from the new version of Ulysses on which they were simultaneously working. So we made all the changes I should have made for years to improve the flow and balance of the game, and which I could not do as long as I was stuck by the Elfenland compatibility. The capital, Elfenburg, became Kingsburg, and I took the opportunity to rename all the other cities on the board from various boardgames I like. There were cities named Carcassonne, Yspahan, Elasund and even Funkenschlag.

This version raised some interest from several publishers, was very seriously considered by my friends of Days of Wonder. Anyway, they finally did not make it but it’s a friend and neighbor of them, Philippe Nouhra of Fun Forge, who finally decided to publish it. Philippe liked the system and the flow of the game but he rightly thought that moving a merchant caravan in a half fantasy mediaeval kingdom was not something extremely exciting. Philippe had an idea for the new theme, an expedition of treasure hunters on a lost island, in a Tarzan-like universe, and asked me to implement it. This new storyline fitted as well as the original, except that we still have to find why the expedition has its base camp in the center of the island and not on the coast (Just got an email from Philippe in which he explains that the explorers’ airship was caught in big storm and crashed in the center of the island).

Im’ usually weary of publishers trying to change the theme of a game, but I must admit that, this time, it was a really great idea which makes the game feel completely different, more fun, more exotic. The new setting allowed us to add cards such as airship, cannibal pygmies, shaman and tribe war make the game much more exotic, dynamic and eventful. Not only do these cards add to the exotic feel of the game, but they also make the system much more fluent and dynamic, with more opportunities for interaction and for fast movement. And they really inspired Naiiade, the illustrator who drew the card pictures.


This game has been in the work for ten years. None of my designs have had so many versions, so many tests. There’s no other game design on which I have worked so much and for so long. I hope it was really worth it. It has now very little in common with Elfenland, mostly the overall look of the board and the fact that it uses transportation cards, but it still has the core idea of Ulysses, the card auction to decide where the ship, or the caravan, or the expedition will move to.

Isla Dorada
A game by Bruno Faidutti, Andrea Angiolino, PierGiorgio Paglia, Alan R. Moon,
Graphics by Naiiiade & Gorg
3 to 6 players – 90 minutes
Published by FunForge (2010)
Boardgamegeek

Corruption

Corruption est un jeu de cartes à base de bluff (beaucoup) et de stratégie (un peu), que j’ai conçu dans les années quatre-vingt dix, à une époque où je jouais beaucoup au poker, et en particulier au stud, dont l’influence se retrouve clairement dans les mécanismes. Tout le jeu repose en effet sur le fait que certaines cartes sont jouées faces visibles, d’autres faces cachées, permettant d’intimider ses adversaires, ou de les induire en erreur.

A la tête d’une entreprise de bâtiment et travaux publics, vous devez corrompre les décideurs pour construire tramways, barrages, centrales électriques, etc… Tout cela se fait avec des cartes: des cartes enveloppes que vous déposez sur les comptes en suisse des puissants, des cartes juges et journalistes pour mettre des bâtons dans les roues de vos adversaires, et même des cartes tueurs pour vous débarrasser des encombrants juges et journalistes.

Tout cela se passe dans l’Amérique des années 30, et toute ressemblance avec des événements récents ne saurait être qu’accidentelle. D’ailleurs, dans mon jeu, les juges sont incorruptibles.

L’édition française est épuisée, mais l’édition américaine est, je crois, encore disponible en cherchant un peu.

Corruption
Un jeu de Bruno Faidutti
3 à 7 joueurs – 45 minutes
Publié par Atlas Games et Jeux Descartes (2000)
Tric Trac    Boardgamegeek


Corruption is a card game of bluff (mostly) and strategy (a little bit). I designed it in the late nineties, in a time when I used to play poker regularly, and mostly stud poker. This influence is obvious in the mechanisms of Corruption, entirely based on partial information. Some cards are played face up, other face down, and this gives plenty of opportunities to intimidate or bluff opponents.

Corruption combines poker’s crafty deception with the crooked milieu of the Gilded Age. In Corruption, you discreetly fork over bribes to the powers that be – specifically, the powers that award lucrative construction contracts. If your bribes are sufficient, your firm will get good contracts and its bottom line will swell. If your competitors’ lucre shines brighter, though, you’ve lost opportunities, profits, and the satisfaction that some bureaucrat’s Caribbean tour on your dime was at least good for something.

Any similarity with the real world is purely coincidental (moreover, in my game, judges are incorruptible).

Corruption
by Bruno Faidutti
3 to 7 players  – 45 minutes
Published by Atlas Games (2000)
Boardgamegeek

Marcel & Emanuele

Emanuele Ornella et Marcel-André Casasola-Merkle sont deux auteurs de jeux de société renommés. Emanuele est l’auteur, entre autres, d’Oltre Mare, d’Assyria et, surtout, d’Hermagor, l’un des meilleurs gros jeux de gestion à l’allemande. Marcel a publié des jeux très divers, parmi lesquels j’apprécie tout particulièrement Verräter, un petit jeu de cartes qui a quelque peu inspiré Citadelles, et Taluva, un jeu de stratégie très méchant. Tous deux sont des habitués de mes rencontres ludopathiques, où ils ont découvert Kheops., qu’ils ont tous deux beaucoup apprécié – un avis d’experts.

Emanuele Ornella and Marcel-André Casasola-Merkle are both well known game authors. Emanuele designed, among others, Oltre Mare, Assyria and, most of all, Hermagor, one of my favorites big german style management game. Marcel has designed games in very different styles, among which my preferred ones are probably Verräter, which inspired my Citadels, and Taluva, a nasty strategic game. Both are regulars at my ludopathic gathering, where they discovered Kheops, and both liked it a lot – experts advice.

C’est facile au début
Easy at first.

Mais très vite, il faut réfléchir…
But it soon becomes a brain burner

Marcel recompte le score, mais Emanuel sait qu’il a gagné…
Marcel checks the scores, but Emanuele knows he won…

Silk Road

La Route de la Soie est un jeu de commerce, dans lequel les joueurs sont des marchands dans la même caravane, partie de Chine pour rejoindre l’Europe. Chacun cherche donc à amener la caravane dans les cités qui l’intéressent le plus, et cherche surtout, à chaque arrêt dans un marché, à faire les meilleures affaires avec les commerçants locaux. Orientaux ou Occidentaux, selon qu’ils ont choisi de parcourir la route dans un un sens ou dans l’autre, les joueurs sont toujours des commerçaux, et le vainqueur est donc le plus riche à l’arrivée, lorsque la caravane parvient à Antioche ou Changan.

Histoire du jeu
Regulièrement, je reçois des emails de jeunes auteurs me demandant si je voudrais travailler avec eux sur une idée de jeu. Ma réponse habituelle est “désolé, je peine déjà à trouver le temps de finir tous mes projets en cours”. Ted Cheatham a eu de la chance, son email est arrivé au bon moment, et son ton était vraiment amical,
J’imprimai donc un prototype de son “Valencia”, un jeu de commerce dans lequel les joueurs étaient des joaillers achetant, échangeant, vendant et parfois volant des pierres précieuses. Je fis donc une partie avec quelques amis, sur un joli plateau dessinné par gail Schloesser, Greg’s wife. La partie confirmait ce que pensait Ted. Il y avait de bonnes idées, mais le jeu tombait un peu à plat, en partie du fait d’un thème peu convaincant.

Valencia Board

La science fiction est un univers fort pratique pour le créateur de jeu, permettant de justifier assez facilement n’importe quel mécanisme. Je suggérai donc de faire des joailliers de Valencia des compagnies minières rivales s’efforçant d’extraire les ressources naturelles de lointaines planètes. Nous partîmes dans cette direction, et parvinmes bientôt à un prototype, Nebula’s Hoard assez intéressant mais un peu trop chaotique, qui fut provisoirement mis de côté. Retour à la case départ, et une nouvelle idée, la Route de la Soie, qui modifiait considérablement le jeu en introduisant une notion de parcours, qui en était jusque là absente.

Le thème était séduisant et assez original, et a permis de donner au jeu un nouveau départ. En quelques semaines, nous avions des règles et des prototypes qui, de l’avis de tous les testeurs tant américains que français, marquaient un progrès sensible sur les versions précédentes. Quelques menus réglages suivirent et, en avril 2003, je rencontrai Ted Cheatham pour de vrai au Gathering of Friends d’Alan Moon. Après avoir essayé le jeu ensemble pour la première fois, nous décidâmes qu’il était digne de faire la tournée des éditeurs, en commençant par ceux qui étaient là.

La maquette de La Route de la Soie suscita pas mal de curiosité chez les éditeurs européens auxquels je le montrais, mais tous finirent par renoncer, même si je gardais longtemps espoir de voir le jeu publié par Asmodée. Ce fut finalement Ted, aux États-Unis, qui entra en contact avec Zev Schlasinger, de Z-Man games, qui prit sa décision très rapidement. Peut-être vendu un peu cher, dans une boîte inutilement grande, La Route de la Soie à été un succès critique, mais pas un succès commercial – c’est un peu dommage.

Zev et ses amis ont apporté quelques modifications au jeu tel que Ted et moi le lui avions envoyé. Les tuiles bonus imprimées sur le plateau de jeu pour le chef de la caravane sont une idée fantastique qui rend le jeu plus riche et plus animé. En revanche, le bonus final pour la majorité de cubes dans chaque couleur me semble finalement une mauvaise idée, qui complique inutilement le calcul du score final, et je regrette un peu d’avoir cédé là dessus. D’ailleurs, j’ai très vite abandonné cette règle et vous invite à faire de même. De même, il n’y a pas tout à fait assez de pièces d’or dans la boite, mais il suffit pour régler le problème de décider qu’une pièce d’or vaut 7 pièces d’argent et non 5.

Silk Road
Un jeu de Ted Cheatham & Bruno Faidutti
3 à 6 joueurs  – 60 minutes
Publié par Z-man Games (2006)
Tric Trac    Boardgamegeek


The Silk Road is a kind of “pick up and deliver” game where all players are in the same caravan going east to west, from China to Europe. Each player tries to have the caravan travel to the cities that fit him best, and once the caravan is stopped in acity, to make the best deals with the local traders. The players can be oriental or european traders, depending whether they start on the eastern or the western side of the board, but they are always merchants – so the goal is simply to be the richest player in the end, when the caravan reaches Antioch or Changan.

History of the Game
Regularly, I receive emails from would-be designers asking me to work with him on a game idea. My usual answer is “sorry, but I’ve really no time for it, I’m already busy with too many games in progress”. Ted Cheatham was lucky, his email came at the right time, and sounded friendly enough.
So, I printed a prototype of his “Valencia”, an abstract feeling trading game in which players were supposed to be jewelers buying, trading, selling and sometimes stealing precious gems one from the other. I played it with some friends, on the nice board illustrated by Gail Schloesser, Greg’s wife, and it confirmed what Ted had suggested – there were really good ideas in there, but it felt a bit flat, partly because the theme was not convincing.

Valencia tile

Science fiction is a very convenient theme for game authors, since almost anyt mechanism can fit with it, any effect can find its more or less thematic explanation. I suggested to change the Valencia jewelers into space mining companies vying to extract precious ore from various planets. We started this way, and soon designed a game, Nebula’s Hoard, which was interesting but a bit too chaotic, and was set aside for a while. Then came a new setting idea, the Silk Road, which implied a critical change in the game system, since there was now to be a route, with the caravan traveling from one world to the other.

The theme was cute and original, and the design took a new start. After a few weeks, we had a prototype which, according to bboth european and american playtesters, was a great improvement over the preceding versions. We made some minor changes and tunings and, in april 2003, I met Ted for the first time at Alan Moon’s gathering. Of course, we wanted to play “our” game together and, after a single game, we decided it was worth showing to publishers, starting with the few who were there.

There was much interest in this game from the european publishers to whom I showed it, but all finally declined, even when I though for a while that Asmodée could make it. In the end, Ted got in contact with Zev Schlasinger, of Z-Man games, who decided almost at once to do it. The Silk Road got good reviews, and I still think it’s a great game, but it didn’t sell very well. I still regret it.

Zev and his friends have added a few twists to the game that Ted and I had sent him. The extra bonus tiles printed on the board for the caravan leader are a really great idea and make the game more tense and more balanced. On the other hand, the extra points at the end for the majority in each color are an unncessary addition, and make the final reckoning a bit too complex. I soon gave up with this rule, and I suggest you do the same.  Also, there are not enough gold pieces in the game, but the problem is easy to solve – just decide that 1 gold is worth 7 silver, and not 5.

Silk Road
by Ted Cheatham & Bruno Faidutti
3 to 6 players  – 60 minutes
Published by Z-man Games (2006)
Boardgamegeek


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