Mascarade

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Il y a six ou sept ans de cela, je me procurai, je ne sais plus bien dans quelles circonstances, un jeu de société japonais, Warumono, un jeu de gangsters, ou plutôt de yakuzas. Le partage du butin ne s’est pas tout à fait passé comme prévu, quelques petits malins ayant voulu tout garder pour eux et refiler des faux billets à leurs collègues. Dans la confusion générale, nul ne sait plus très bien qui est parti avec le magot et qui n’a a que de la fausse monnaie dans sa valise. Chacun des gangsters veut donc récupérer les vrais billets avant de s’enfuir à l’étranger, en bateau ou en avion. Les pions circulent donc en ville, l’un se fait faire un passeport, l’autre achète un billet d’avion, et quand deux se croisent, ils s’échangent, ou pas, leurs mallettes, ce qui rend le butin assez difficile à suivre. Warumono est un excellent jeu familial, même si son thème ne l’est qu’à demi, aux systèmes très originaux. Parmi ceux-ci, la règle d’échange de la mallette sous la table – un joueur prend sa propre mallette et celle d’un autre joueur et, sous la table, les échange, ou pas.

Dès ma première partie, je savais qu’un jour je réutiliserai ce mécanisme dans un autre jeu, même si je ne savais encore ni lequel, ni quand. La première occasion se présenta lorsque, avec Hervé Marly, nous tentâmes de faire un jeu de cartes sur les crop circles, dont tout ce dont je me souviens est qu’il ne tourna jamais vraiment bien. Quelques années plus tard, il y eut un prototype avec une carte chat qu’il fallait retrouver, et qui s’appelait tantôt le chat du Cheshire, tantôt le chat de Schrödinger.

Lorsque j’abandonnai, dans un état très imprécis, le chat de Schrodinger, il me vint donc l’idée de mêler des personnages à la Citadelles avec le mécanisme d’échange de cartes de Warumono, pour obtenir un jeu minimaliste ne demandant qu’autant de cartes qu’il y a de joueurs. Après tout, s’il y a bien des cartes quartiers dans Citadelles, c’est presque uniquement avec les personnages que l’on joue. Il y avait devait donc bien y avoir moyen de faire un jeu qui se joue avec juste une carte par joueur, et qui ne soit pas un autre remake des Loups Garous. Si les rôles, cachés, passaient d’un joueur à l’autre au point que l’on ne savait parfois plus bien qui l’on était, le thème ne pouvait en être que la mascarade, le carnaval de Venise. Cette troisième occasion fut donc la bonne.

À partir de là, tout est allé très vite. La première version de Mascarade n’avait que six personnages, roi, reine, évêque, juge, voleur et espion, et les parties à 5 ou 6 joueurs s’avérèrent tout de suite très tendues. Pour des groupes de joueurs plus nombreux, j’ajoutais d’abord des paysans sans pouvoir particuliers, sortes de mistigris dont les joueurs essayaient de se débarrasser puis, au fur et à mesure des tests, il me vint quelques autres idées, et d’autres personnages furent aussi suggérés par des joueurs – la Sorcière par Bruno Cathala, beaucoup par l’équipe de Repos Prod après qu’ils eurent décidés de publier ce jeu. Les personnages devenant nombreux, il fallait des fiches d’aide de jeu, une carte tribunal pour y poser les amendes, et des pièces d’or de plus en plus nombreuses quand le jeu devenait praticable à dix, puis douze. Ce que Mascarade perdait en élégance minimaliste, il le gagnait cependant en richesse et en variété.

L’idée était dans l’air. Quelques mois après que j’avais signé le contrat de Mascarade, et alors que nous étions en train d’apporter au jeu ses derniers réglages, des amis revinrent d’Essen avec, dans leurs cartons, deux jolis petits jeux de cartes, Coup et Love Letter, dans lesquels chaque joueur joue avec une main d’une ou deux cartes personnages et cherche souvent à se faire passer pour qui il n’est pas. Je réalisai même que tous ces jeux avaient une sorte d’ancêtre commun, auquel j’ai joué dans les années quatre-vingt-dix, ou peut-être même quatre-vingt, mais auquel je n’avais absolument pas pensé en concevant Mascarade, Hoax – l’imposteur. Hoax, le précurseur, a un peu vieilli. J’ai joué à Love Letter, et ai adoré, mais c’est finalement très différent de Mascarade. Coup en est bien plus proche, mais je ne l’ai pas vraiment apprécié. Alors, lequel, de Love Letter, Coup et Mascarade deviendra un classique ? Ce sera à vous d’en décider, et j’espère que ce sera Le mien. Mascarade a au moins deux avantages sur ses concurrents. Il se joue de 2 à 13 joueurs, même si la règle pour 2 ou 3 joueurs, un peu bricolée, ne s’adresse qu’à ceux qui connaissent déjà bien les mécanismes du jeu. C’est aussi le seul des trois dans lequel non seulement on ne sait pas toujours qui sont les autres joueurs, mais on ne sait souvent même pas qui l’on est – comme dans la vraie vie.

Mascarade
Un jeu de Bruno Faidutti
Illustré par Jeremy Masson
2 à 13 joueurs –
30 minutes
Publié par Repos Production (2014)
Ludovox          Vind’jeu          Tric Trac         Boardgamegeek


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Illustrations de Jeremy Masson
Graphics by Jeremy Masson

I don’t remember how, six or seven years ago, i got a copy of Warumono, a Japanese gangster – or rather yakuza – game. A bank has been robbed, but the divying up of the loot ended in confusion when one of the robbers tried to leave with all the money. In the ensuing confusion, noone knows who left with the right case, the one with the banknotes, and who got an empty one. Each thief tries to get hold of the loot and to leave the country, by plane or boat. Players move their pawns in the city, occasionally bying a plane ticket or a fake passport, and when two thives meet, they swap – or not – their briefcases. It’s all mix-up and poker faces. Warumono is a very good and very original light game, even when the theme is not really family fare.

After the first game, i already knew that, some day, I’ll use in some other game the system of the secret swapping of briefcases under the table. The first try, together with Hervé Marly, was a card game about UFOs drawing crop circles – all I remember of it is that it didn’t work. A few years later, I had another prototype, with a cat card that had to be traced and found. It was called the Cheshire cat one day, the Schrödinger cat the other, depending on its ambiguous status.

I abandonned Schrödinger’s cat in some undetermined state and soon had another idea – mix the Citadels characters and the Warumono swapping rule, in order to design a minimalistic but convoluted game played with just one card for each player. There are district cards in Citadels, but the game is really played mostly with the character cards. I wanted to go farther and design a game played with just one card for each player – and not one more werewolf variant. With roles being secretly swapped between players, the setting was obvious – masquerade, the Venice carnival.

Things went really fast from here. The first Mascarade prototype had only 6 cards, King, Queen, Bishop, Judge, Thief and Spy, and the first five or six players games were very tense and challenging. For more players, I first added peon cards, with no specific powers, of which players had to get rid. During the first game sessions, many players suggested ideas for more characters. The first one was the witch, devised by Bruno Cathala. Later, the Repos Prod guys, after they decided to publish the game, added several other. With a dozen characters, players aids were becoming really necessary, as well as a tribunal card, and lots of money tokens. Mascarade was becoming less elegant and minimalistic, but it was also more fun and varied.

The idea was in the air. A few months after I had signed the contract for Mascarade, and while I was busy selecting and fine tuning the characters, friends came back from Essen with two light card games, Coup and Love Letter, in which every player has a hand of one or two character cards and sometimes pretends to be who he is not. I also realized that all these games had a common ancestor, or at least precursor – Hoax. I have played it in the nineties, or may be even the late eighties, but I never thought of it when designing Mascarade. Hoax didn’t age that well. I’ve now played Love Letter, and love it, but it’s not that similar with Mascarade. I’ve played Coup, and didn’t really care for it, though I admit it’s more similar with my own design. So, which one, Love Letter, Coup or Mascarade, will become a classic ? Your choice, of course – but I bet on mine ! Mascarade has at least two things for it. It plays with 2 to 13 players, even when the two and three players rules are second thought ones, and should not be tried if you haven’t already mastered the standard many players game. Also, it’s the only game in which players not only don’t know who the other players are, but often don’t know for sure who they are – like in real life.

Mascarade
A game by Bruno Faidutti
Art by Jeremy Masson
2 to 13 players – 30 minutes
Published by Repos Production (2013)
Boardgamegeek

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Cannes

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Je n’étais ni à New York, ni à Nuremberg, mais après un week-end ludique chez des amis en Bourgogne, je serai dans deux semaines au salon du jeu de Cannes. Certes, c’est moins grand, il y a surtout des éditeurs français, mais c’est un peu plus près de chez moi, et ce sont mes amis de Repos Prod qui m’invitent, et ils ne font pas les choses à moitié, hôtel de luxe et tout. Je serai donc la plupart du temps sur le stand de Repos Prod à présenter Mascarade, un jeu de cartes qui devrait sortir d’ici quelques mois et dont je viens de recevoir les premières illustrations, magnifiques. Ceci dit, je passerai aussi, avec Nathalie Grandperrin, sur le stand de Iello pour quelques parties de Speed Dating, et sur celui de FunForge pour présenter The Big Movie, et je crois que je n’oublie personne.

Surtout, j’aurai avec moi une dizaine de prototypes qui cherchent encore un éditeur, des jeux que j’ai fait tout seul, et des jeux que j’ai fait avec des amis, avec Nathalie, Sandra, Anja, Serge ou l’autre Bruno. J’aurai donc une boite avec une maman velociraptor et ses petits, une boite avec des bisons hilares et des pandas enrhumés, une boite avec des jongleurs et des ménestrels, deux boites avec des souris, des tigres et des éléphants, une boite avec Lance Armstrong, Dominique Strauss Kahn et Patti Smith, une boite avec des prothèses mammaires et des grenouilles d’Australie, une boite avec des amphores, une boite avec des tableaux, une boite avec une station spatiale en kit, et quelques autres trucs.

Avis, donc, à tous les éditeurs de passage – j’ai sûrement ce qu’il vous faut. Vous pouvez me retrouver sur le salon, je ne devrais pas être trop difficile à trouver, mais on peut aussi prendre rendez-vous – je serai sur le salon du jeudi au dimanche.


Quelques protos prêts pour Cannes, mais il m'en reste encore deux ou trois à imprimer. Prototypes ready for Cannes, and I've still to print one or two more.

Quelques protos prêts pour Cannes, mais il m’en reste encore deux ou trois à imprimer.
Prototypes ready for Cannes, and I’ve still to print one or two more.

I was neither in Nuernberg, nor in New York, but after a gaming week-end with friends in Burgundy, I’ll be at the end of the month at the Cannes game fair. It’s a much smaller event, with mostly French publishers,  but it’s nearer from home, and I’m invited by my friends from Repos Prod. this meand I’ll probably spend most of my time at the Repos Prod booth demoing Mascarade. I believe this fun and light card game will be a hit. i just received four first illustrations – king, witch, thief and cheater – and they are gorgeous. I will also demo Speed Dating, together with Nathalie Grandperrin, at Iello, and may be The Big Movie at FunForge. I hope i didn’t forget anyone.

More important, I’ll bring a dozen prototypes still looking for a publisher, games of mynown or games I codesigned with some friend, Nathalie, Sandra, Anja, Serge or the other Bruno. I’ll have a box with a mummy velociraptor and her kids, a box with laughing bisons and sneezy pandas, a box  with jugglers and minstrelsm two boxes with mice, tigers and elephants, a box with Lance Armstrong, Dominique Strauss Kahn and Patti Smith, a box with fake boobs and australian frogs, a box with amphoraes, a box with paintings, a box with a modular space station, and some more.

So, this is a notice to all publishers who might be passing by – I probably have just what you need in your line. You can look for me at Repos Prod, but we can also make an appointment – I’ll be on the fair from thursday afternoon to sunday.

Jeux de Trains
Train Games

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Si, dans quelques siècles, des historiens essaient d’imaginer la vie des hommes du début du XXIème siècle à partir d’une collection de jeux de société, ils déduiront logiquement des boites et des innombrables extensions des Aventuriers du Rail ou de Age of Steam, que le moyen de transport le plus populaire et le plus utilisé était le train. Ils ne verront sans doute dans l’automobile, considérée plutôt comme un sport, qu’un mode de transport très marginal. Bien sûr, la réalité est exactement inverse, la majorité de nos déplacements se faisant en voiture. Le trains ne parvient pas, malgré tous les discours plus ou moins écolo en sa faveur, à se débarrasser d’une image un peu vieillotte et ringarde. Comment expliquer alors que, dans la société de l’automobile, auteurs de jeux et joueurs soient si attirés par les trains? Sont-ils tous comme moi, qui aime les trains, qui s’y sent si bien qu’il s’endort à peine quitté la gare? Sans doute pas.

Une première raison tient sans doute à l’histoire, et en particulier à l’histoire de la Grande-Bretagne et des États-Unis. Les auteurs de jeux de train sont presque tous anglais ou américains, et certains ont publié un assez grand nombre de jeux de trains – Freight Train, Union Pacific, Santa Fe Rails et Ticket to Ride pour Alan Moon, Age of Steam, Last Train to Wensleydale, Steel Driver, Railroad Tycoon et une douzaine d’autres pour Martin Wallace, 1830 et quelques autres dates pour Francis Tresham. Tous ces jeux ont d’ailleurs été originellement conçus pour se jouer sur une carte de tout partie du territoire de la Grande Bretagne ou des États Unis, et ce n’est que lorsqu’un jeu de trains rencontre un réel succès, comme Les Aventuriers du Rail ou Age of Steam, que des cartes supplémentaires, d’abord de l’Europe continentale, puis si le succès se confirme de terres plus exotiques, jusqu’à l’Afrique Noire ou à Mars, sont ensuite publiées.

Ce que l’on retrouve dans le jeu de société, c’est donc une fascination de l’histoire populaire anglaise et américaine pour les trains, et en particulier les trains à vapeur.

Les Anglais les associent à la révolution industrielle, une période de l’histoire qui semble ne faire rêver qu’eux – comme le montre aussi la mode du steampunk victorien. L’un des premiers jeux de Martin Wallace s’appelait Lancashire Railways, et décrivait la construction des toutes premières voies ferrées commerciales autour de Manchester. Les jeux de Francis Tresham ont pour nom des dates qui, dans tout le reste de l’Europe, font plus penser à des révolutions qu’à des locomotives. Lorsque Reiner Knizia voulut faire un jeu de trains, il l’appela Stephenson’s Rocket, du nom de l’une des premières locomotives à vapeur.

Lorsqu’ils ne se jouent pas sur une carte de l’Angleterre au XIXème siècle, les jeux de trains utilisent le plus souvent une carte des États-Unis, et le thème devient alors la conquête de l’ouest, les rails sur la prairie. Il y a aux États-Unis, pays où les trains sont aujourd’hui rares, vieux et lents, un véritable fétichisme ferroviaire. J’ai parfois l’impression que pour les américains, tous les trains, jusqu’à notre TGV et au transsibérien, sont associés au mythe de la frontière. Un micro-éditeur, Winsome Games, ne publie même que des jeux au thème ferroviaire, généralement très laids.

Il y a aussi sans doute une explication plus pratique, plus technique, à l’usage excessif des trains et voies ferrées par les auteurs de jeux. L’automobile, et c’est d’ailleurs sans doute l’une des raisons pour laquelle elle reste le moyen de transport le plus utilisé dans les pays riches, malgré son coût individuel et collectif, donne une grande liberté de déplacement, permet de partir de n’importe ou pour aller n’importe ou, sans changement, sans rupture. Le train ne permet jamais que d’aller d’une gare à une autre, mais ce qui est une contrainte dans la vraie vie – le réseau, ses nœuds et ses limites – devient un élément structurant intéressant pour le concepteur de jeu. Je me permets de renvoyer ici à l’un de mes articles précédents, dans lequel je faisais remarquer que les cartes “en réseau” sont de plus en plus utilisées dans les jeux, et le réseau ferré est l’un des plus aisés à représenter.

Les jeux de train sont en effet généralement construits autour de trois mécaniques fondamentales, de trois usages du réseau, qui peuvent d’ailleurs se combiner. Les joueurs peuvent construire le réseau, souvent avec des tuiles hexagonales représentant les voies ferrées et leurs croisements et aiguillages, et c’est l’élément central de Age of Steam. Ils peuvent aussi, et c’est le cas des Aventuriers du Rail, chercher à acquérir des liaisons d’un réseau déjà dessiné sur la carte. Enfin, il arrive, plus rarement, qu’ils doivent déplacer un train, souvent pour livrer une marchandise dans telle ou telle gare qui en fait la demande.

Les jeux de train sont en effet joués sur une carte représentant le réseau ferré. Les joueurs n’y sont généralement pas les passagers d’un train, mais plutôt les gestionnaires d’une compagnie ferroviaire. Ce n’est pas le moindre paradoxe qu’alors que le plaisir du voyage en train, comme d’ailleurs du voyage en avion, vient en partie de l’enfermement dans la linéarité du parcours, de l’abandon de toute liberté de descendre, de s’arrêter, de changer d’avis, les jeux de trains soient au contraire des jeux très compétitifs, joués non sur une ligne mais sur un réseau complexe, une grille.

Reste l’automobile. Il y a des jeux de voitures, mais ils sont moins nombreux que les jeux de trains. Curieusement, ce sont eux qui, le plus souvent, se jouent sur un simple circuit fermé, linéaire. Ce n’est en effet plus de transport qu’il s’agit mais de course de vitesse, et une course de trains est impossible – vous avez déjà vu un train déboiter pour en doubler un autre?


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If, a few centuries from now, historians try to imagine our life in early XXIth century based on a collection of boardgames, they will probably deduce from the many boxes of Ticket to Ride and Age of Steam, and all their expansions, that the most popular means of transportation were trains. They will even guess that automobiles, while popular as a racing sport, were only marginally used for transportation. Of course, reality is the exact opposite. Despite all the ecological warnings, despite official discourse and, more and more, public opinion favoring public transport, the vast majority of our travels are still made by car. Trains are more marginal than ever, and feel a bit old fashioned. How come that, in the world of automobile, gamers and game designers are so attracted by trains? I actually like trains, and feel so good in a train that I usually fall asleep as soon as we leave the station, but I don’t think all game designers feel like this. There must be some other reasons.

The first ones can be found in history, and specifically in British and North American history. Most train games designers are British or American, and some of them have published several train-themed games. Alan Moon did Freight Train, Union Pacific, Santa Fe Rails and, last but not least, Ticket to Ride. Martin Wallace did Age of Steam, Railroad Tycoon, Last Train to Wensleydale, Steel Driver and a dozen more. Francis Tresham did 1830 and several other years in the XIXth century. All these games are usually played on a map of England, of the United States, or of some part of them. It’s only when a train game sells really well that other and more exotic maps are published, first of Europe and then of even stranger places, up to Black Africa or even Mars. Boardgames are affected by a fascination of British and American popular history for trains, and especially XIXth century steam trains.

In England, trains are seen as the main feature of industrial revolution, and therefore of British economic domination of the XIXth century. It might sound strange to dream of the industrial revolution and to want to reenact it, but British do – as is also indicated by the popularity of steampunk there. One of Martin Wallace’s first train games was called Lancashire Railways and described the building of the very first railway lines in England. Frances Tresham’s train games are named after years which, in the rest of Europe, usually refer to national revolutions and not to railway building. Reiner Knizia’s only train game is called Stephenson’s Rocket, after one of the first commercial Bitish steam locomotives.

When they are not played on a map of XIXth century industrial England, train games are played on a map of the United States, and the game is more or less about the American Frontier heading west, rails on the prairie. The US are now the country of aiplanes and automobiles, and american trains are rare, old and incredibly slow, but ironically the train fetish is stronger there than anywhere else, deeply embedded in the western frontier story. It’s a very broad minded fetish, and for Americans all trains, including the Orient Express, the Transsiberian and even the French TGV are more or less associated with the far west frontier mythology. There’s even a small publisher, Winsome games, who publishes only train games, usually rough editions with very cheap components.

There are also some technical, pragmatic reasons for the frequent use of trains in boardgames. The main reason why cars are still the most frequently means of transportation used in the rich countries, despite their high individual and collective costs, is that they give more freedom than public transports, allowing one to drive from anywhere to anywhere, without any need for transfer or connecting. Trains, on the other hand, move only from station to station. The network, its nodes and its limits are a strong constraint for the real world traveller, but can be a convenient structuring feature for the game designer. In one of my earlier posts, I discussed the use of maps in games, and noted that network maps are now frequently used on game boards, and most of my examples were railway networks.

Most train games are based on one or more of three game systems, three uses of the network. Players can build the network, often with hex tiles figuring the rails and their crossings, like in Age of Steam. They can also, like in Tiket to Ride, take control of the railway tracks between two cities, on a network already drawn on the board. They can also have to move a train from city to city to deliver goods.

Most train games are played on a complex map of the rail network. Players are not train drivers or passengers, but rail barons or railroad tycoons, managing a railway company. This is another paradox of train games. The pleasure of travelling by train (or by plane) derives from the linearity of the travel, from the impossibility to stop, to get off, to change one’s mind, from the abandonment of control, but train games are very competitive, all about control, and played not on a single track but on a complex network, a grid.

So what about car games ? There are car games, though much fewer than train games. Surprisingly, car games are more often played on a single track. Most of them are race games, and train racing games wouldn’t make sense – did you ever see a train pull out to pass another one ?

Speed Dating est partout
Speed Dating on TV and newspapers

Speed Dating était partout le mardi 8 janvier – en particulier dans un journal que je ne lis jamais, Le Parisien (qui n’est même plus libéré, tout se perd), et à la télé sur M6, dans une émission qui semble kitschissime, 100%Mag. Pour le coup, je l’ai regardée en entier, et le reportage sur les mille et une manières d’assaisonner les différentes variétés de pâtes n’est pas inintéressant. Ceci dit, si vous voulez sauter directement à Speed Dating, c’est à la 28ème minute !Bref, Nathalie et moi avons trouvé une éditrice qui assure pour la com grand public !

100% mag du 8 janvier sur M6 Replay

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Speed Dating was everywhere yesterday. There was a review of it in Le Parisien, a major miidle-of-the-road newspaper, and another on one on M6, one of the main French general audience TV, on a very kitsch show, 100% Mag. Well, there’s at least one other interesting feature in this emission, ten minutes about which sauces are best with which shapes of pasta.
Looks like Stéphanie, our publisher, is really good at mass market comunication. Let’s hope sales will follow !

100% mag on M6 Replay

L’équilibre et l’ennui
Balance is boring

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Dans les années quatre-vingt, quand je n’étais qu’un jeune auteur de jeu débutant, mes modèles et inspirations étaient le groupe Future Pastimes, auteurs de Cosmic Encounter et de quelques autres jeux que je pratiquais à l’occasion, Dune, Quirks, Darkover… Je citais fréquemment une phrase de l’un d’entre eux, Peter Olotka. Quand on lui avait fait remarquer que les pouvoirs de Rencontre Cosmique n’étaient pas équilibrés, il avait répondu « Pourquoi le seraient-ils ? L’équilibre est ennuyeux, la vie est injuste ». Ce n’est que plus tard que j’ai réalisé que, si cette évidence provocatrice avait du vrai, ce n’était qu’une partie de la vérité. Si les pouvoirs de Cosmic Encounter n’ont pas besoin d’être équilibrés, c’est surtout parce que le jeu est doté par ailleurs de deux puissants mécanismes d’équilibrage automatique, la complexité, ou chaos, et  les alliances. D’autres existent également, et cet article essaiera de passer les principaux en revue.

Le premier mécanisme d’équilibre automatique, au cœur de Cosmic Encounter, est le chaos, que l’on peut en première analyse assimiler à la complexité, au sens d’enchevêtrement et d’interaction de nombreux systèmes. Pour dire les choses simplement, plus il y a d’éléments, de systèmes, de mécanismes, tous clairement déséquilibrés, plus la probabilité qu’un même joueur soit avantagé dans tous les systèmes est faible. Il est donc moins paradoxal qu’il n’y paraît de voir dans le chaos un facteur d’équilibre, et l’histoire a montré que les systèmes les plus simples, les plus propres et les mieux rangés n’étaient pas toujours les plus justes.  Les jeux de cartes à collectionner, et en tout premier lieu Magic the Gathering, sans doute le plus ouvert et celui qui a le plus délibérément accumulé mécanismes et éléments variés, font aussi du chaos un principe d’équilibre.

Tous les joueurs de Diplomacy s’accordent à reconnaître que la position initiale des puissances centrales – en particulier, je crois, l’Italie – est bien moins puissante que celle d’autres états comme, par exemple, la Russie. Qu’importe. Les joueurs le savent, en tiennent compte, s’allient plus facilement avec l’Italie, ou s’en méfient moins, et ce sont finalement les alliances, et non la position initiale sur la carte, qui créent l’équilibre du jeu. Il n’est d’ailleurs pas nécessaire que les alliances soient formalisées comme dans Diplomacy ou Cosmic Encounter pour qu’elles jouent ce rôle de rééquilibrage plus ou moins automatique. Dans tous les jeux à plus de deux joueurs avec un peu de baston, ou même simplement d’interaction, il est souvent possible de faire bloc contre celui qui est en tête afin de redonner des chances à tous – jusqu’à un certain point quand même, car il faut bien que la partie se termine. Même dans un jeu aussi pacifique, familial et politiquement correct que les Colons de Catan, on peut ne pas vouloir échanger ses marchandises avec un joueur qui a quelques points d’avance, ou amener plus volontiers ses routes vers chez lui pour le bloquer.

Les personnages de Citadelles ne sont pas plus équilibrés que les pouvoirs de Cosmic Encounter. Certes, beaucoup dépend de la situation, du moment dans la partie, des choix des autres joueurs mais, de manière générale, deux personnages, le Marchand et l’Architecte, sont quand même plus puissants. Non seulement cela ne gêne en rien le jeu, mais cela contribue sans doute un peu à sa dynamique. On est souvent tenté de les prendre, mais on sait qu’ils sont aussi plus souvent qu’à leur tour la cible du voleur et, surtout, de l’assassin. Dans un autre de mes jeux, Mascarade, qui devrait sortir au printemps prochain, le Roi gagne trois pièces d’or par tour, la Reine en gagne deux… mais, de ce fait même, la reine a toutes les chances de conserver son trône plus longtemps.

La construction de deck de cartes par les joueurs eux-mêmes, que ce soit dans les jeux à collectionner inspirés de Magic the Gathering ou dans les jeux de deckbuilding à la Dominion, ou même dans les jeux de draft comme Seven Wonders, est aussi un mécanisme intéressant. Il ne crée pas nécessairement des jeux plus équilibrés que ceux, préconstruits, de Smash Up ou Summoner Wars, mais, en reportant la responsabilité du déséquilibre éventuel sur les joueurs eux-mêmes, il rend le jeu plus riche et plus intéressant tout en simplifiant grandement le travail de l’auteur. Il ne dispense cependant pas de la nécessité d’équilibrer à peu près les cartes, pour éviter que certaines ne soient jamais utilisées et que d’autres le soient trop fréquemment – à moins bien sûr de recourir à des enchères, ce qui permet là encore de laisser les joueurs s’en occuper.

Stabilisateur automatique

Les physiciens distinguent deux types d’équilibre, l’équilibre stable des volumes qui reviennent dans leur position initiale quand on les bouscule un peu, et l’équilibre instable de ceux qui s’écroulent dès qu’on les touche. L’équilibre d’un jeu doit être suffisamment stable pour que l’avantage pris par un joueur en début de partie n’apparaisse pas vite irrattrapable – le Monopoly est le type même du jeu qui se déséquilibre peu à peu car “rich gets richer”. Pour éviter cela, l’auteur peut utiliser des petits “stabilisateurs gyroscopiques”, des mécanismes qui détectent les déséquilibres en formation et tendent à les atténuer. Le plus classique est, comme je l’ai par exemple fait dans Lost Temple, de permettre au joueur le plus mal placé, le plus pauvre, le plus en retard, de jouer en premier. Le voleur de Catan, toujours utilisé pour gêner le joueur en tête, a la même fonction. La “choam charity” dans Dune, le petit frère de Cosmic Encounter, en est un autre. Tout comme certains systèmes rééquilibrent les positions des joueurs, d’autres rééquilibrent le coût des éléments de jeu, comme la règle qui, dans SmallWorld, fait baisser le prix des races qui ne sont pas achetées par les joueurs. L’équilibre doit quand même être suffisamment instable pour que les choix des joueurs aient un sens, et parfois pour que  la partie se termine. C’est le petit reproche que je ferai à Tokaido, de mon ami Antoine Bauza – il en a fait trop, et ce jeu est trop stable, trop équilibré pour moi.

Un jeu équilibré n’est pas nécessairement ennuyeux pour les joueurs, et les jeux de stratégie, en particulier, qu’ils soient ou non symétriques, doivent être équilibrés, c’est à dire donner des chances de victoire à peu près équivalentes aux adversaires, pour que ces derniers y prennent vraiment intérêt. C’est en fait surtout pour l’auteur de jeu, et pour ses amis testeurs, que l’équilibre est véritablement ennuyeux, au sens de pénible, car il demande énormément de travail, de réglages subtils, de parties répétées, même quand on aurait envie de passer à autre chose. C’est en rédigeant récemment mon article sur les jeux de faction que j’ai pris conscience de cet aspect. J’aime jouer à un jeu comme Summoner Wars, mais je ne m’imagine pas le concevoir, équilibrer avec soin toutes les factions, vérifier qu’aucune n’est automatiquement gagnante face à une autre, ajouter un point d’invocation ici, enlever un point de force là, et sans cesse tester de nouvelles configurations. Il est tellement plus facile et plus élégant de laisser les mécanismes du jeu équilibrer eux même tout cela.


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 In the eighties, when I was a young wannabe game designer, my models and inspirations were the Future Pastimes team, authors of Cosmic Encounter and of several other games I often played, such as Dune, Darkover or Quirks. I often quoted one of them, Peter Olotka, who, when asked why the alien powers in Cosmic Encounter were so unbalanced, answered “why should they? Balance is boring, life is unfair.” Only years later did I realize that, while this elegant and provocative statement was far from wrong, it was only part of the truth. If alien powers in Cosmic Encounter do not need to be balanced, it’s mostly because the game balance relies on two powerful “gyroscopic” self balancing systems, chaotic complexity and alliances. There are others, and I’ll try to discuss the main ones in this article.

The first of this mechanism is why Cosmic Encounter is best known among games : chaos. Chaos is complexity, but complexity created not by depth but by the interweaving and interaction of numerous more or less autonomous systems. To put it simply, the more unbalanced elements, systems and mechanisms there are in a game, the less likely it is that all of them will favor the same player. It can sound paradoxical to state that chaos is an equilibrium factor, but it is. History has shown that the simplest, cleanest and best ordered systems were usually not the fairest ones. Most collectible card games use chaos as a balancing tool, and specifically the first, most open and most varied of them, Magic the Gathering.

Diplomacy players all admit that the starting positions of the central powers – and most of all, if I remember well, that of Italy – is much weaker than that of peripheral states such as Russia. Never mind. Players know about it, take it in account when playing, are more likely to ally with Italy, or are less wary of her. In the end, the balance is generated not by the initial set up but by the alliances and dynamics of the game. Formal alliances and support like in Diplomacy or Cosmic Encounter are even not necessary, and this self-balancing effect can also work informally. In all games for more than two players with some fighting, or even just some player interaction, it is often possible to bash the perceived leader – up to a certain limit at least, because every game must come to an end at some point. Even in a peaceful, family fare and politically correct game like Settlers of Catan, all other players often spontaneously agree not to trade with the leading one, and are more likely to build their roads near his in an attempt to block his development.

The characters in Citadels are not more balanced than the aliens in Cosmic Encounter. Much depends on the moment in the game, and on the game situation, but two characters, the Merchant and the Architect, are usually more powerful. It doesn’t hinder the game, it even adds to its dynamic. One often wants to choose the Merchant or Architect, but one also knows that they are more often targeted by the Thief and the Assassin. In my upcoming card game Masquerade, the King gets 3 gold every round, while the Queen gets only 2… but that’s also why the Queen usually stays (or is it sits?) longer on the throne.

In collectable card games such as Magic the Gathering, in deckbuilding card games like Dominion, and even in drafting games like Seven Wonders, players build their deck or their hand of cards by themselves. It doesn’t necessarily make the games more balanced than the preconstructed ones of, say Smash Up or Summoner Wars. It makes the players themselves answerable for the game’s balance, which adds to the game’s depth and makes the designer’s job much easier. On the other hand, cards still have to be kept more or less balanced in strength and cost, or the same ones will always be selected by the players. Of course, the designer can this time rely on auctions, a very simple way to have the game and the players take care of costs balance.

Automatic Stabilizer

Gyroscopic Stabilizer

There are two kinds of equilibrium in physics, stable and unstable. A stable equilibrium moves back to its original position when it is pushed a bit, while an unstable one immediately crumbles. A game’s balance must be stable enough so that a player cannot take the lead at once and be unreachable. The reason why Monopoly is a bad game is its unstable balance, due to the “rich gets richer” mechanism. This can be prevented by implementing “gyroscopic stabilizers”, systems which automatically detect the disequelebriums and alleviate them. The most usual one is to allow the poorest, last in the race or otherwise losing player to play first, or chose his card first, like I did in Lost Temple. The thief in Settlers of Catan, invariably used to neutralize the leader’s cities, does the same. Choam Charity in Cosmic Encounter younger brother, Dune. While these systems  restore some balance between the players’ assets and positions, others restore balance between the costs of the various game elements, like  in Small World, when a race that is not bought by players becomes cheaper. Balance must however be unstable enough to make the players’ choices challenging, and to bring the game to an end. A good example of a clever game that might be a bit too well stabilized – at least for me – is Antoine Bauza’s Tokaido.

Balance is not necessarily boring for the players. Two players strategy games, no matter whether symmetrical or not, need to be well balanced, meaning to give both players almost the same odds of winning, to be really challenging. Balance is mostly boring, tiring and time consuming for the game designer, because it needs lots of work, fine tuning and testing, when the designer would often prefer to start something new. I realized this a few weeks ago, when writing my article about faction games. I’ve played a few games of Summoner Wars, and enjoyed them a lot, but I can’t imagine myself designing something like this, balancing all the factions, adding one strength point here, removing one cost point there, and testing all the possible combinations. It’s so much easier, and it feels so much satisfying, to have the game balance everything by itself.

Formula E

Assez régulièrement, je reçois des emails dans lesquels des auteurs de jeux connus ou inconnus me proposent de travailler avec eux sur un projet de jeu, souvent déjà assez avancé. Lorsqu’il y a des zombies ou quinze pages de règles, je réponds poliment que désolé, ce n’est pas mon style, mais bonne chance quand même. Dans les autres cas, je jette un coup d’œil avant, le plus souvent, de répondre poliment que, désolé, ça a l’air bien intéressant mais je n’ai vraiment pas le temps de me lancer dans un nouveau projet – mais bonne chance quand même. Et puis, une ou deux fois par an, quand aussi bien le sujet que les mécanismes m’amusent, quand j’ai le temps, et quand les auteurs ont l’air sympas, je réponds pourquoi pas.

Début 2011, j’ai ainsi reçu une proposition d’André Zatz et Sergio Halaban, auteurs brésiliens de deux petits jeux de bluff que j’apprécie beaucoup, Hart an der Grenze et Sultan. Ils y présentaient Indian Derby, un jeu de course d’éléphant qu’ils avaient réalisé quelques années auparavant, qui avait manqué de peu être publié par plusieurs éditeurs, et auquel ils pensaient qu’un regard neuf pourrait apporter un plus. Le jeu m’a tout de suite plu. Le thème, une course d’éléphant, était original et amusant, et permettait d’introduire des mécanismes de poussée inhabituels dans les jeux de parcours. Le moteur du jeu, des cartes de déplacement et des cartes action, me convenait très bien. Bref, nous avons quelque peu discuté, et nous sommes penchés ensemble – via email, parce que le Brésil, c’est un peu loin – sur un jeu que je voulais rendre plus léger, plus rapide, plus méchant. Après avoir unifié le système de gestion des cartes action et mouvement, simplifié les bousculades, ajouté quelques actions thématiques et amusantes, nous nous retrouvâmes quelques mois plus tard avec un jeu de course tactique et très enlevé, un peu dans l’esprit d’Ave Cesar, des bousculades, mais aussi des vaches sacrées, des tapis volants, des tigres et des charmeurs de serpents.

Le prototype d’Indian Derby commença alors à faire le tour des éditeurs et, assez rapidement, élit domicile chez Clever Mojo, l’éditeur de l’excellent Alien Frontiers. David MacKenzie eut l’idée amusante d’appeler le jeu Formula E. Mes amis d’Asmodée, l’éditeur de Formula D, acceptèrent bien volontiers à condition que le clin d’œil ne tourne pas à la confusion. Je pense qu’avec deux gros éléphants sur la boite, il n’y aura pas de problèmes.

Formula E
Un jeu de Sergio Halaban, André Zatz et Bruno Faidutti
Illustrations de Jacqui Davis
3 à 6 joueurs – 60 minutes
Publié par Game Salute
Tric Trac      Boardgamegeek


I regularly receive emails from both well known and completely unknown game designers asking me if I would like to work with them on some design, usually already well advanced. When it’s about zombies, or has fifteen or more pages of rules, I answer that I’m sorry, that’s not really my kind of game, but good luck anyway. In all other cases, I have a look and usually answer that I’m sorry, I’m already overbooked and wouldn’t find the time to start a new project, but good luck anyway. Once or twice every year, when both the setting and the game systems sound exciting, when I have time, and when the authors seem to be nice guys, I answer why not, let’s discuss the game.

Early in 2011, I got an email from André Zatz and Sergio Halaban, the Brazilian authors of two light double-guessing games I really like, Hart and der Grenze and Sultan. The subject of their email, Indian Derby was an elephant racing game they had designed a few years ago, which had raised some interest from several publishers but ultimately hadn’t been selected for publication. They wanted to rework it, and were thinking that a fresh look by a designer who wasn’t involved in the original design, could help.  I liked the game idea at once. The storyline, an Indian elephant race game, was new, and allowed for rules about pushing–something unusual in a racing game, and for fun thematic events. I had long wanted to design a card driven race game, so this was a good opportunity to jump in. We discussed the game and worked together via email–since Brazil is far from France–on new rules and events to make the game lighter, faster and nastier. We simplified the card management system and the jostling rules, we added some event cards, and we ended with a very dynamic and tactical racing game, in the style of Ave Caesar (one of my all-time favorites), but with lots of jostling and crushing, and also holy cows, flying carpets, snake charmers, monkeys and tigers.

The new version of Indian Derby was shown to several publishers and, very soon, Clever Mojo Games, the publisher of Alien Frontiers, decided to do it. David MacKenzie had the fun idea to name the game Formula E. I asked my friends at Asmodée, the publisher of Formula D, and they gracefully accepted as long as the pun doesn’t lead to confusion. With two large elephants on the box, I think there’s no great risk.

Formula E
A game by Sergio Halaban, André Zatz & Bruno Faidutti
Graphics byJacqui Davis
3 to 6 players – 60 minutes
Published by Game Salute
Boardgamegeek

La Carte et le Territoire
The Map and The Territory

…she has an original Parker Brothers map of the world.”
This was interesting, since the map represented the only view we had of the world before the Something That Happened. For some reason, its destruction had not been demanded under Annex XXIV.
“Does she adhere to the theory that it represents global Chromatic regions of the pre-Epiphanic world?”
“She does, although I’m doubtful myself. If we were regionally blue when Something Happened, there’d be more evidence of it now.”
“And the RISK acronym? What does she think that stands for?”
“Regional International Spectral Kolor . Yes, I know,” Mr. Lemon-Skye agreed when I looked doubtful, “it must be an archaic spelling. But get her to show you the map. It’s almost complete, you know-only the nations of Irkutsk and Kamchatka have been eaten by clodworms.”
Jasper Fforde , Shades of Grey


Si la représentation de l’histoire dans les jeux de société est un sujet de débat assez fréquent, l’usage très particulier qu’ils font de la géographie n’a jamais vraiment donné lieu à réflexion. Les auteurs de jeu sont pourtant, après les géographes, parmi les plus gros utilisateurs de cartes. Qui plus est, ils ne se satisfont généralement pas des cartes dressées par les géographes et dessinent les leurs, se souciant souvent plus de jouabilité que d’exactitude.

Les cartes utilisées par les concepteurs de jeux de société sont essentiellement de quatre types que j’appellerai, par analogie, les parcours, les puzzles, les réseaux et les grilles.

Les parcours sont faits d’une suite plus ou moins linéaire de cases, constituant soit un trajet de la case départ à la case d’arrivée, comme dans le Jeu de l’Oie ou dans mon Pony Express, soit un circuit fermé comme dans les jeux de course automobile, ou dans le Monopoly. Dans un jeu de course comme Formule Dé, la dessin des circuits peut être assez fidèle, dans d’autres, comme le Monopoly,  la pertinence géographique n’est même pas recherchée puisque c’est leur valeur immobilière, et non leur proximité, qui fait que certaines rues se retrouvent à côté d’autres.

Pony Express a l’un des plus beaux plateau de jeu que je connaisse, mais sous l’apparence d’une carte, ce n’est qu’une simple piste, comme au jeu de l’oie.

J’imaginais Lost Temple dans les montagnes des confins du Cambodge et du Laos, là ou Malraux situe l’action de la Voie Royale… j’ai été un peu surpris par la mer ajoutée par Pierô, mon ami illustrateur.

Le parcours peut être déformé, trituré, agrémenté de courbes et parfois de raccourcis pour donner l’apparence d’un plan plus que d’une ligne, mais il reste une ligne, une piste disent souvent les joueurs, qui disposent généralement d’un pion qu’ils doivent amener du départ à l’arrivée, ou auquel ils doivent faire faire un certain nombre de tours de circuit.

Le parcours d’Ave César, sans doute le meilleur jeu de course publié à ce jour, avec ses couloirs de ravitaillement et ses virages serrés, devait clairement dans l’esprit de son auteur voir s’affronter des formule 1 et non des chars romains.

Le deuxième type traditionnel de cartes utilisé dans les jeux est la carte politique, qui prend la forme d’un puzzle dont les pièces sont coloriées en quatre ou cinq couleurs différentes – rarement moins, quatre couleurs étant le plus souvent nécessaires, et toujours suffisantes, pour colorer les régions d’une carte sans que deux régions voisines ne soient de même couleur.
Certaines de ces cartes peuvent être en tous points identiques aux cartes politiques des géographes ou, plus souvent, des historiens. En effet, si la géographie sert d’abord à faire la guerre, selon la célèbre formule d’Yves Lacoste, elle sert aussi beaucoup à jouer à la guerre. Diplomacy se pratique ainsi sur une carte politique parfaitement exacte de l’Europe en 1914. Souvent pourtant, dans les jeux de guerre comme le Risk, dans les jeux de majorité comme El Grande, dans des jeux mêlant guerre et commerce comme Mare Nostrum, l’auteur de jeu est amené à prendre des libertés avec la réalité politique. Sur la carte du Risk, les États-Unis et le Canada sont ainsi divisés en plusieurs cases pour faire de l’Amérique du Nord un champ de bataille plus conséquent et plus susceptible d’être divisé. La vaste Sibérie voit elle aussi apparaître des subdivisions, Irkutsk et Yakoutie, tandis qu’un vaste royaume de Siam semble quelque peu anachronique.

10 Days in Europe anticipe l’indépendance de l’Écosse et du Pays de Galles…

Les provinces romaines, royaumes et cités antiques de Mare Nostrum, comme de tous les très nombreux jeux centrés sur une carte de la Méditerranée, portent des noms authentiques, même s’ils ne sont pas nécessairement contemporains les uns des autres, mais sont surtout de superficies à peu près équivalentes, ce qui est bien plus pratique lorsqu’il s’agit d’y placer des armées et des marchandises.

Olympos, la Grèce …et l’Atlantide.

Une toute autre localisation dans l’extension de Mare Nostrum…

Bien sûr, les univers imaginaires et fantastiques sont un bon moyen de contourner ces problèmes. Certains peuvent trouver à redire à tel ou tel détail de la carte d’Axis and Allies, nul ne peut reprocher la moindre inexactitude à celle de Conquest of Nerath.
Dresser une carte d’un continent imaginaire permet en outre de se concentrer sur l’intérêt ludique, ajoutant ici un large fleuve pour ralentir les armées ou accélérer le commerce, là une chaîne de montagne pour bloquer fermement tout passage autrement qu’à dos de dragon.

Personne ne viendra se plaindre de ce que la frontière entre Fullsome Pocket et Ellen’s Bight n’est pas bien placée.

Michael Menzel a réalisé de très nombreux plateaux de jeu panoramiques, pour Les Piliers de la Terre, L’Âge de Pierre, Andor et bien d’autres jeux…

Particulièrement intéressante sans doute pour les géographes comme pour les historiens est la carte de Viking Fury, réédité sous le nom d’Invasions. Si l’on est prétentieux, on peut y voir une tentative de représenter l’Europe “du point de vue des vikings”, mais il s’agissait sans doute pour les auteurs du jeu de dessiner l’Europe d’une manière qui permette de représenter les invasions vikings, quitte à prendre de nombreuses libertés avec la géographie physique. Le résultat est une étonnante carte un peu physique, un peu isochrone, un peu imaginaire.

La première carte de Viking Fury, une sorte de portulan viking.

Et sa luxueuse réédition, Invasions.

Un autre exemple de parti pris étonnant est la carte de Trajan, certes un jeu assez abstrait. La carte présente l’Europe septentrionale et occidentale vue depuis Rome, en mode panoramique, à la manière des plans de stations de ski. Géographiquement surprenante, elle l’est aussi pour l’historien – alors que Trajan s’est surtout battu contre les Daces et les Parthes, et qu’on lui a parfois reproché de favoriser sa Bétique natale, ni la Dacie, ni les provinces hispaniques n’apparaissent sur la carte. Il est vrai que le jeu est surtout destiné à être vendu en Germanie.

La carte panoramique de Trajan, l’Europe vue depuis le Forum.

Apparus dans les années quatre-vingt-dix, Les jeux de majorité sont un peu la version politiquement correcte des jeux de guerre. On ne s’y bat, pas on rivalise d’influence. On ne s’y tue pas, on s’expulse. Il y faut des cases peu nombreuses, une dizaine tout au plus, de préférence un peu irrégulières pour permettre des tactiques variées, et assez grandes pour que les intrigants des divers joueurs puissent y cohabiter.

La superbe carte d’El Grande, au style vaguement Renaissance a été dessinée par Doris Matthäus, qui a fait également celles, splendides, d’Elfenland, d’Elfenroads ou de Fugger, Welser, Medici.

Si Venise est particulièrement populaire parmi les auteurs de jeux, c’est sans doute parce que la ville fait rêver, mais c’est aussi parce que les canaux permettent de dresser très simplement les limites entre les quartiers.

Lorsque l’univers est assez vague, simplifié, symbolique, les régions prennent volontiers une forme géométrique, parfois carrée, notamment lorsque des cartes à jouer permettent de construire la surface de jeu, mais plus souvent hexagonale. Triangles, rectangles ou hexagones permettent tous de construire un dallage régulier d’une surface, mais l’hexagone est plus pratique. L’absence de contact par les coins facilite la conception de règles qui n’ont pas à définir précisément le caractère adjacent de deux régions, et les déplacements y ont un air moins rectiligne, donc moins abstrait, que sur un dallage carré. C’est le choix que j’ai fait dans La Vallée des Mammouths, où les six directions correspondent en outre au six faces du dé.

La Vallée des Mammouths

L’île de Pâques, tout en hexagones.

Des auteurs malins, comme Philippe Keyaerts, se sont même fait une spécialité des hexagones légèrement tordus ou déformés pour ne pas avoir l’air trop géométriques, comme dans Vinci ou Small World.

Antike, une carte où les frontières n’ont aucune pertinence géographique ou historique – il n’y a en fait que des hexagones.

Le bassin Méditerranéen est sans doute la partie du monde la plus cartographiée dans les jeux. Si le style de la carte de Méditerranée est original, c’est que le thème n’est plus la guerre dans l’antiquité, mais le commerce à la Renaissance. Et l’on retrouve des hexagones, du moins en mer.

Les hexagones honteux peuvent même, comme dans Cyclades, se déguiser en cercles.
Certes, les géographes n’ignorent pas la géométrie, et le célèbre diagramme de Christaller sur les hiérarchies urbaines est fondé sur les mêmes propriétés mathématiques de l’hexagone. Mais pour les géographes, il s’agit là d’un schéma dont chacun sait qu’il ne décrit que très imparfaitement la réalité. Pour un joueur, c’est la réalité du jeu.

Summoner Wars se joue sur un tablier, nom que l’on donnait autrefois à tous les plateaux de jeu géométriques utilisés dans les jeux traditionnels. Pourtant, l’éditeur a ressenti le besoin de dessiner le quadrillage sur un semblant de carte, sans fonction particulière dans le jeu.

L’utilisation de formes géométriques permet aussi de construire un plateau de jeu modulaire. Les deux demi-plateaux recto verso de la Vallée des Mammouths permettent de construire quatre cartes, quatre terrains de chasse, de pèche et de guerre différents. Poussée à l’extrème, la modularité d’un jeu comme Les Colons de Catan, ou pour prendre des exemples plus récents Kingdom Builder ou Archipelago, permet de renouveler presque sans limite un jeu en assemblant différemment les éléments du plateau de jeu.

Dans Tikal, Entdecker ou Carcassonne, les joueurs construisent la carte – et le territoire – au fur et à mesure du jeu, ce qui n’est pas toujours très thématique.

Bâtir une cité où on le souhaite peut sembler logique… mais placer une rivière ?

Les cartes en réseau, encore rares il y a une vingtaine d’années, sont aujourd’hui aussi répandues dans les jeux de société que les cartes politiques en puzzle. Ici, la carte ne dessine pas des frontières mais des liaisons entre des points sous forme de chemins, de routes, dans Elfenland ou Isla Dorada, de voies ferrées, dans Les Aventuriers du Rail, de lignes aériennes, dans Airlines, ou même de lignes à haute tension dans Megawatts. Dans certains jeux de trains, ce sont même les joueurs qui dessinent le réseau sur la carte avec des feutres effaçables.

Le plateau de jeu de Silk Road, quelque part entre parcours et réseau.

Même si l’action de beaucoup de ces jeux se déroule dans un lointain passé ou dans un univers féerique, ou pour les jeux de train au XIXème siècle, période de construction des grands réseaux ferrés, je ne peux m’empêcher de penser que la popularité récente de ces jeux “de réseau”, qui n’ont rien à voir avec les jeux en réseau, est liée à l’importance croissante attachée par nos sociétés modernes à l’idée de mobilité, et au relatif désamour pour les territoires, devenus un peu ringards. Il reste certes à expliquer pourquoi, même et surtout aux États-Unis, pays emblématique de l’automobile, les joueurs préfèrent les trains. Quoi qu’il en soit, en train, en voiture, en avion, le héros libéral hypermoderne ne conquiert pas, il voyage. En France, la distance à Paris ne se mesure plus en kilomètres mais en heures de train.

Le plateau d’Elfenland, remarquablement dessiné par Doris Matthäus, ressemble à une carte gravée de la Renaissance, avec les couleurs en plus.

J’ai dû modifier un peu le projet de carte d’Isla Dorada afin de regrouper les routes de montagne, désert et forêt dans les mêmes régions, et de rendre la carte plus cohérente. Ce n’est qu’après que Gorg a eu illustré la carte que j’ai réalisé qu’il y manquait un volcan.

Dans Inca Empire, la carte représente à la fois les régions et le réseau routier de l’empire inca. Quatre couleurs sont toujours suffisantes pour représenter les régions d’une carte de type puzzle sans que deux régions adjacentes par un côté ne soient de la même couleur.

Là encore, le souci de jouabilité peut souvent l’emporter sur celui d’exactitude. Les lignes ferroviaires représentées sur les diverses cartes des Aventuriers du Rail correspondent plus ou moins aux grandes lignes des années 1900 – mais plus ou moins seulement. Certaines villes peuvent même être quelque peu déplacées pour les besoins du jeu. Sur la première carte de Ticket to Ride, des joueurs américains se sont ainsi plaint que Duluth ait pris la place de Minneapolis. Duluth étant le grand nœud ferroviaire du Nord des États-Unis (et accessoirement l’un des meilleurs romans de Gore Vidal), cette cité ne pouvait pas être absente de la carte, et l’équilibre du jeu imposait de la déplacer un peu. De tels bricolages sont plus nombreux encore sur la carte européenne.

Je ne connais pas bien le réseau ferré suisse, mais je me suis laissé dire que la carte de la Suisse était la plus fidèle de toutes celles publiées à ce jour pour les Aventuriers du Rail.

L’excellente série des 10 Days in… , bien que jouée sur de bonnes vieilles cartes politiques, illustre elle aussi cette importance croissante du thème du voyage, de la mobilité, dans les jeux de société. Ce sont à ma connaissance les seuls jeux dans lesquels la carte géographique sert uniquement de référence, sans que l’on y place le moindre pion. Ces cartes sont donc des cartes politiques, et rien ne semble s’opposer à ce qu’elles soient rigoureusement exactes, et ce d’autant plus que les jeux se veulent vaguement éducatifs. Pourtant, dans 10 Days in Asia, j’ai été un peu surpris par les parcours des voies ferrées, originalité de cette édition, qui relient certains états. Je ne connais guère le réseau ferré asiatique, mais une rapide recherche sur internet a confirmé mon intuition : les lignes ferroviaires figurant sur le plateau de jeu n’ont rien en commun avec la réalité du réseau ferré, et ont donc été dessinées uniquement pour des raisons d’équilibre du jeu, pour rendre l’accès à certains états plus faciles. Je le regrette un peu, et aurait sans doute préféré un jeu moins équilibré joué sur une carte plus exacte.

Un exemple extrême: les lignes de bus représentées sur ce plan de Paris n’ont absolument rien à voir avec le réseau de la RATP. Paris Paris était un jeu abstrait, qui a été ensuite plaqué sur un plan de Paris.

En revanche, le réseau du London Underground dans Scotland Yard, un classique du jeu de déduction, est incomplet mais exact.

Tout comme celui de Metro 2033, jeu de science fiction russe dont l’action se déroule dans le métro de Moscou, et dont le plateau de jeu reprend le style graphique des plans du réseau.

Un plateau de jeu n’est pas qu’une carte que l’on regarde, on y place aussi des pions, on les déplace, on s’y bat ou on y fait la course, et dans un puzzle comme dans un réseau, cela entraîne des contraintes particulières. À l’heure d’Internet et des guerres informatiques plus ou moins fantasmées, il est d’ailleurs étonnant que les cartes réseau ne servent qu’à se déplacer, la guerre se jouant toujours sur de bonnes vieilles cartes puzzle.

Le plateau de jeu du Risk sous forme de graphique en réseau.

Les Colons de Catan sont un bon exemple des tendances actuelles en matière de représentation cartographique dans les jeux. On y trouve en effet à la fois des régions hexagonales, et une structure en réseau utilisant les côtés et les angles de ces hexagones, sur lesquels les joueurs bâtissent routes et cités.

Un autre type de cartes, que les joueurs appellent parfois, très significativement, géomorphiques, ressemblent à des cartes classiques de géographie physique relativement exactes, sur lesquelles est appliquée une grille orthogonale ou, plus souvent, hexagonale. Les jeux de guerre, notamment, font fréquemment appel à cette technique qui n’est alors qu’un outil pour représenter clairement les positions des unités sur la carte géographique, et mesurer les distances de tir ou de déplacement. Tout juste la nécessité que chaque case soit clairement et entièrement de montagne, de plaine, de forêt, de lac ou de marais, et que les rivières coulent sagement entre les hexagones, amène-t-elle à prendre parfois de très légères libertés avec la géographie. Les joueurs de jeux de figurines, eux, jouent même sur de véritables cartes, voire sur des maquettes en trois dimensions, et mesurent les distances de déplacement et de tir à l’aide de règles et de mètres rubans.

Age of Steam, où l’on construit des réseaux sur une grille d’hexagones, ce qui relativise pas mal ma savante classification.

Esthétiquement, les cartes de jeu essaient parfois d’avoir le style graphique associé à l’époque décrite par le jeu. Pour représenter les guerres de l’antiquité, on choisira un style sobre, comme dessiné sur un papyrus ou gravé sur une tablette. Pour les guerres ou le commerce de la Renaissance, on imite les gravures sur bois, et on abuse des caractères gothiques, etc…

Une carte sur papyrus, et historiquement assez pertinente, pour jouer la fin du triumvirat.

Une carte du bas Moyen-Âge pour raconter l’histoire du commerce hanséatique.

Et une carte qui semble réellement d’époque, et tromperait sans doute quelques historiens, pour rejouer la guerre américano-canadienne de 1812.

Parfois, le graphisme est vraiment raté, comme pour la carte du Yorkshire dans Last Train to Wensleydale, qui fait plutôt penser à la vue en coupe d’un poumon de troll.

C’est également vrai des lieux et des ambiances exotiques. Une carte du Japon aura souvent un look un peu japonisant, une carte du Moyen Orient un style arabisant, mais toujours dans un exotisme parfaitement assumé.

Une carte du japon magnifiquement réalisée : toute en hexagone, d’une clarté limpide, et dans un style qui, en Europe au moins, semble très japonais.

Si l’on veut rire un peu avec la cartographie ludique, c’est à la science fiction qu’il faut s’intéresser. Dans Mission Planète Rouge, La planète Mars est divisée en une dizaine de régions dont les noms ont été choisis parmi ceux que les scientifiques ont donné aux zones qu’y dessine la géographie physique – même si un correcteur orthographique facétieux a transformé Vastitas Borealis, les vastes plaines du nord, en Vasistas Borealis, la petite fenêtre du Nord. Ce n’est pourtant pas là l’erreur n’a plus notable. La Mars de Mission Planète Rouge n’est en effet pas une sphère mais un disque, plat, avec des régions sur sa circonférence et d’autres en son milieu.

Mars,un disque rouge flottant dans l’espace, avec trois régions intérieures et sept régions extérieures dont, au Nord (c’est à dire en haut…) la mal nommée Vasistas Borealis.

Rien d’étonnant d’ailleurs à cela puisque une rapide enquête parmi d’autres jeux de science fiction montre clairement que, de Twilight Imperium à Éclipse, en passant par tous les jeux de conquête, de découverte ou d’exploration spatiale qui semblent revenir à la mode ces temps-ci, c’est généralement tout l’espace qui est plat, réduit à deux dimensions. Plus étonnant encore, c’est aussi très souvent le cas dans les jeux informatiques, alors même qu’une modélisation en 3D est aujourd’hui tout à fait possible. la restriction de l’univers à deux dimensions a bien sûr des raisons pratiques, la surface plane du plateau de jeu, mais elle a donc aussi peut-être des raisons cognitives, notre esprit effectuant mal, surtout sans support visuel, les triangulations (ou pyramidisations) nécessaires à la mesure des distances dans un espace en trois dimensions.

C’est officiel – l’espace est plat.

… désespérément plat.

C’est une des raisons pour lesquelles je suis très fier de l’approche géographique choisie pour le plateau de jeu d’Ad Astra : tous les systèmes stellaires sont considérés comme équidistants, un passage par l’espace profond étant nécessaire pour aller de l’un à l’autre. C’est simple, et finalement plus réaliste qu’un espace plat, même figuré par une carte avec des milliers d’hexagones. Toutes les planètes d’un même système sont également équidistantes, et j’imagine assez mal un plateau de jeu avec des planètes qui tournent autour de leur soleil à des vitesses différentes, ne cessant de s’éloigner et de se rapprocher.

Le plateau de jeu est généralement le lieu de l’affrontement ou de la course entre les armées ou les pions des joueurs. Des limites techniques évidentes font que ce lieu est le plus souvent représenté par une surface plane, donc une carte ou plan. L’affinité entre cartes et jeux n’est cependant pas purement technique, elle a aussi une dimension plus psychologique. Les enfants le sentent bien, qui saisissent instinctivement la dimension ludique des cartes géographiques, et en font spontanément le support de jeux de guerre ou de voyage. La carte est une représentation volontairement simplifiée de l’espace réel, qu’il soit social ou physique. Le jeu est un système d’interactions sociales délibérément vain et simpliste. Rien d’étonnant à ce que le jeu prenne souvent appui sur la carte.


…she has an original Parker Brothers map of the world.”
This was interesting, since the map represented the only view we had of the world before the Something That Happened. For some reason, its destruction had not been demanded under Annex XXIV.
“Does she adhere to the theory that it represents global Chromatic regions of the pre-Epiphanic world?”
“She does, although I’m doubtful myself. If we were regionally blue when Something Happened, there’d be more evidence of it now.”
“And the RISK acronym? What does she think that stands for?”
“Regional International Spectral Kolor . Yes, I know,” Mr. Lemon-Skye agreed when I looked doubtful, “it must be an archaic spelling. But get her to show you the map. It’s almost complete, you know-only the nations of Irkutsk and Kamchatka have been eaten by clodworms.”
Jasper Fforde , Shades of Grey

The way history is represented in boardgames is very often discussed in gaming meetings and forums, but there has been very little thought on the specific use they make of geography, and geographic tools. Game designers are probably the biggest consumers of maps, of course after professional geographers. Even more, they usually don’t hold on maps drawn by geographers and draw their own, more concerned with “playability” than with accurateness.

 Game designers use mainly four different kinds of map, tracks, puzzles, networks and grids.

Tracks are made of an ordered succession of spaces, or sometimes dots, usually creating either a single path from the starting space to the finish line one, like in the game of Goose or in my Pony Express, or a circular track like in Monopoly, or in most car racing games. In a racing game like Formula D, the representation of actual car racing tracks is very accurate, while in Monopoly the geographic accuracy was not even aimed at, since the cities are grouped by real estate values and not by region.

Pony Express has a really nice board but what looks like a map is, in fact, just a track.

In my idea, Lost Temple was situated in the mountains on the Cambodge Laos border, where André Malraux placed the action of his novel The Royal Way. I was a bit surprised when I received a map with a large sea from the illustrator, my friend Pierô.

The track can be deformed, with add curves, sometimes even crossings and shortcuts, like in Snakes and Ladders, to look more like a plan than like a line, but it’s still basically one dimensional, the players usually having one single pawn that they must move from the start to the finish line, or a few times around the track.

The board of Ave Caesar, probably the best racing game ever designed, hassharp bends and stand stops. It was obviously designed as a car racing board and not a chariot one.

The second, and more frequent, kind of map is the traditional two-dimensional political map, which looks like a puzzle whose pieces are colored in four or five different colors – four colors are usually required, and are always sufficient, to color the different regions on a map without ever having two adjacent same-colored regions.
Some of these maps are perfectly identical with geographers’ or, more often, historians’ ones. If geography serves, first and foremost, as told Yves Lacoste, to wage war, it also serves to play war. Diplomacy is played on a perfectly accurate political map of Europe in 1914. However, in war games like Risk, in majority games like El Grande, in games with both war and trade like Mare Nostrum, the game designer often takes some liberties with the game’s geographical and historical setting. USA and Canada are divided in two or three spaces each on the Risk map, or even in the Axis and Allies one, to make for a more consequent, divided and competitive battleground. Risk has Irkutsk or Kamchatka look like Asian states, and a vast and somewhat anachronistic kingdom of Siam.

10 Days in Europe anticipates on Scotland and Wales independance.

The Roman provinces and antique states in Mare Nostrum, and in all the many games played on a map centered on the Mediterranean, have historical names, though not necessarily contemporary one with the others, and are all of similar size, which is more convenient when placing armies or trade goods on them.

Olympos, mapping Greece and Atlantis.

A different take on the issue in the Mare Nostrum expansion.

Both historians and geographers might be fascinated by the map for Viking Fury, and itsluxuous reissue, Fire and Axe. it can be pretentiously described as the world from a Viking point of view, but is more Europe and the Atlantic redrawn in a way to allow representation and play of the viking invasions, at the cost of strong deviations from actual geography. The result is a strange map, part physical, part isochrone, part fantasy.

The map of Viking Fury is a kind of Viking portulan.

More chrome – meaning wood – on the map of its gorgeous reissue, Fire and Axe.

Trajan is a very abstract boardgame with a very figurative map. It represents western and northern Europe viewed from Rome, a panoramic picture drawn like ski resorts maps. It’s geographically original, but also historically surprising. Trajan fought mostly against Dacians and Parthians, and has been suspected of valorising his native province, Baetica. Neither Dacia nor Hispania are on the map – but the game is mostly to be sold in Germania.

A panoramic view of Europe from the forum.

Imaginary and fantasy worlds are an obvious and easy way to circumvent geographical issues. One can find inaccuracies in the Axis and Allies map, but no one can find a single error in the Conquest of Nerath one. When drawing the map of an imaginary land, one can focus on playability, adding a wide river here to stop the armies or speed up the trade, a high mountain there to prevent any crossing unless on dragon’s back.

Noone will ever complain that the border between Fullsome Pocket and Ellen’s Bight has been misplaced.

One of the many games illustrated by Michael Menzel, who also designed the boards for Pillars of the Earth, StoneAge and many more.

Majority games appeared in the nineties, and are a kind of politically correct version of war games. There’s no fight, just (more or less) pacific rivalry. It’s not about war, it’s about influence. These games need large boards with few spaces, usually less than a dozen, but large enough for the many wooden cubes or meeples from several players.

The Renaissance-like map for El Grande was drawn by Doris Matthäus, who also made the gorgeous maps for Elfenroads, Elfenland or Fugger, Welser, Medici.

There are lots of games played on maps of Venice. It might be because of it’s charm and history, but it’s also because canals are very convenient as borders between districts.

When the setting is vague, simplified, symbolized, regions often have a geometrical shape. Squares or rectangles were old favorites, and are still used, especially when the map is made of adjacent cards, but hexagons are more hype. Triangles, rectangles and hexagons can all be used to draw a regular grid, but hexagons have many advantages. There’s no problem with corner adjacencies, and movement looks less rectilinear, and therefore less abstract, than on a square grid. In Valley of the Mammoths, it has another advantage, the six sides of the hexagons corresponding with the six faces of a die.

Valley of the Mammoths

Easter Island, all hexes.

Clever designers, like Philippe Keyaerts, sometimes draw hex grids and then twists the hexes a bit so that their maps don’t look too regular and geometric – see Vinci, Small World, even Olympos.

Probably the least accurate map of the Mediterranean. Borders are totally inaccurate, and all the regions are in fact hexagons.

This map, from The End of the Triumvrirate, is both nicer and more accurate.

The Mediterranean is probably the most cartographied place in games. Here the graphic style is different because, for once, the theme is not antique wars, but Renaissance trade.

Hexagons can even be disguised as circles, like in Cyclades.
Of course, geographers also use geometry, may be more than they should. The best known geographical diagram, Christaller’s central place theory, is based on the same properties of the hexagonal grid. For geographers, however, it’s an abstract diagram and they all know that reality is very different. For a gamer, it’s the game’s reality.

Summoner Wars is played on 6 x 8 checkered grid, but the publisher printed the grid on what looks like a map, or a battle plan, which has no particular use in the game.

Using geometrical shapes is also a good way to have modular maps, and therefore an ever different game. The two double faced half-boards of Valley of the Mammoths make for four different boards. More modular games like Settlers of Catan, or more recent ones like Archipelago or Kingdom Builder, have almost unnumerable ways of assembling the boatrd elements in different maps. 

In Tikal, Entdecker or Carcassonne, players build the map – and the territory – while playing the game. Not always logical, not always thematic, but very interesting.

Building a city where one wants makes sense… but placing a river ?

Network maps were very rare twenty years ago, but they are now used in boardgames almost as often as puzzle maps. A network track doesn’t have borders and regions, it has dots – usually cities – and tracks between them. These tracks can be roads, like in Elfenland or Isla Dorada, railway lines, in Ticket to Ride, Airlines in… Airlines , and even electric lines in PowerGrid. In the so called “crayon train games”, the players even draw the map on the board during the game with erasable markers.

The Silk Road board, still a track or already a network map ?

Even when the action in most of these games takes place in ancient history or in fantasy settings, and for train games in the XIXthe century, when most train networks were initially built, the recent popularity of network maps in boardgames is probably due to the increased social focus on the idea of mobility in the modern world, and the relative disaffection for territories. Interestingly, especially in the United States, where everyone moves by car and by plane, games are more often about trains. Anyway, by train, car or plane, the hypermodern hero doesn’t conquer any more, he travels. In France, distance from Paris are no more in kilometers, they are in hours, usually by train.

The Elfenland board was drawn by Doris Matthäus. it looks like a Renaissance map, but in color

I had to change the map design for Isla Dorada to group the desert, mountain and forest path in the same regions and make the map more consistent – and more spectacular. It’s only after the map was draw by Gorg that I realized it misses a volcano.

The Inca Empire map has both the districts and the road network of the Inca Empire. Four colors are always enough to color the pieces of a puzzle-map with no corner adjacency with no adjacent regions having the same color.

Once more, playability is more important than accurateness. The main tracks on the Ticket to Ride maps are more or less the big railway lines around 1900 – but nly more or less. Some cities have even be moved to make the board easier to use. There was much talk of the way Minneapolis has become Duluth on the original Ticket to Ride map. Since Duluth (by the way, my second favorite Gore Vidal’s novel) was one of the main railway lines nodes in the US, it had to be on the map, and the game balance imposed to move it a few miles. There are even more such approximations on the European map, and they don’t detract from the game.

I don’t know the Swiss rail network well enough, but I’ve been told the Switzerland map is the most accurate of all the Ticket to Ride maps.

The outstanding game series 10 Days in… is played with good old political maps, but also emphasizes the increasing trend of mobility and travel in boardgames. The 10 Days in… games are, as far as I know, the only one requiring a map on which no pawn or token is ever placed, and there seems to be no reason for it not to be perfectly accurate, especially when it also vaguely claims some educational value. When playing 10 Days in Asia, though, I was surprised by the tracks of the railway lines, which are the special feature of this map. I didn’t know anything about the Asian rail network, but I had no difficulty finding several maps of it – geographical maps – on the internet, and found out that the railway lines in the game have nothing to do with actual ones, and have probably been drawn only to balance the game and make some counties easier to reach. I would have preferred a more accurate map, even when less balanced.

An extreme example : The network in Paris Paris has nothing in common with actual bus lines. This was an abstract game, whose regular shape has been pasted on a map of Paris.

On the other hand, the underground network in Scotland Yard, a classic deduction game, is uncomplete but accurate.

And the same is true of the map of Metro 2033, a russian science fiction game whose action takes place in the Moscow undergound. The game board graphic style is directly inspired by the underground network map.

A game board is not just a map one looks at, it’s a map on which one moves trains, trades goods, fight wars, and this means specific constraints, no matter whether one designs a puzzle or a network map. In the age of the internet, and of fantasized (and probably real as well) computer wars, it’s surprising than war is still always played on good old political maps, with lots of borders and no information highways.

The Risk basic map as a network graph.

Settlers of Catan is a very good example of modernboardgame cartography. It has large hexes of plain, forest or mountains, but also makes use of the hexes edges and corners, where players build a network of roads and cities.

Geomorphic maps are also sometimes used in games. These are realistic and accurate maps with most of the landscape elements represented, on which an orthogonal or, once more, hexagonal grid is superimposed. Wargames and other simulation games often use such maps. The grid is just a tool to represent where the units are supposed to be in the “real world” and to measure movement and firing range. The necessity for each hex to be clearly either forest, or mountain, or sea, and for rivers to roll between hexes, make for very minor adjustments to relief reality.  Miniature wargamers even play on regular maps, of even on 3D maps, measuring distances with rulers.

Age of Steam, or building networks on an hex grid, and making all my carefully devised categories fall apart.

Illustrators often try, if not to copy old cards, at least to imitate the style of the period when the game’s action is supposed to take place. Antique war maps are drawn on papyrus or carved in stone. Mediaeval wars and trades are played on cards looking like wooden engravings, and all names are in gothic fonts.

A map painted on papyrus, and historically accurate, for the end of the triumvirate.

A fake and a bit ridiculous late mediaeval style for the hanseatic trade.

And a map that looks very historical, and could even deceive historians, to play the USA-Canadian war of 1812.

Sometimes, the graphics go completely wrong, like in the Yorkshire map in Last Train to Wensleydale, which looks more like a troll’s lung cross-section.

Of course, this is also, though less systematically, true of exotic settings – maps of Japan often try to look japanese, maps of China to look Chinese, maps of the Middle East to look arabic, though never in a very convincing way – the exoticism is perfectly assumed here.

A very well designed map of Japan : it’s all hexagons, it looks Japanese enough, and it’s very clear and neat.

The real fun in boardgame cartography, however, comes with science fiction. In Mission: Red Planet, Mars is divided in a doyen régions whose names are those of real Martian relief features – even when some facetious spelling corrector changed Vastitas Borealis, the great northern plains, into Vasistas Borealis, the small northern window. The most notable inaccuracy, however, is that the actual planet is a sphere, not a disk with center regions and peripheral ones.

Mars, a flat disk with three inner regions and seven outer ones, including the misnamed Vasistas Borealis (north, meaning up on the map).

Well, may be this is logical after all, since in most science fiction boardgames, including very complex ones such as Eclipse or Twilight Imperium, and no matter whether they are about space exploration, conquest or empire development, the whole space is desperately flat, 2D. It’s even often the case in sophisticated online games, when computers are now powerful enough to design consistent 3D worlds. Restricting space to two dimensions is of course due to obvious technical reasons, the flatness of the game boards, but might also have cognitive ones, our minds having trouble making the necessary triangulations (or is it pyramidizations?) to asses distances in a 3D space without any visual support.

That’s official – space is flat.

… desperately flat !

That’s one of the reasons why I’m quite proud of the way Serge Laget and I dealt with distance in Ad Astra : all sun systems are considered equidistant, and a movement through deep space is needed to move a spaceship from one to another. It’s simple, and more true than a flat space, even with thousands of hexes. All the planets in a given system are also considered equidistant – because we cannot have a board with perpetually rotating planets, whose distance from one another changes every round.

The game board is usually the place where the war or the race between the players pawns or tokens, armies or meeples, takes place. Because of obviousntechnical limitations, this place is most usually a flat board, therefore a map or plan. However, the affinity between games and maps is not only technical, it also has a psychological aspect. Children spontaneously use maps as support for games, games of war or of travel. Maps are deliberately simplified représentations of social or physical realities. Games are deliberately simplified systems of social interactions. It’s no wonder games can make use of maps.

Les nouveaux programmes de “sciences” économiques et sociales au lycée

Certains savent que je ne suis pas seulement auteur de jeux, mais que je suis aussi vaguement historien, et que j’enseigne l’économie et la sociologie au lycée. Les réformes mises en place depuis trois ans ont pour effet, et peut-être pour but, de détruire un enseignement qui me tient à cœur, et je tiens donc à exprimer publiquement mon point de vue.
Je ne pourrai malheureusement pas être mercredi prochain, à la manifestation parisienne des professeurs de sciences économiques et sociales des lycées contre les nouveaux programmes et les nouvelles épreuves du baccalauréat, cadeau empoisonné laissé par Luc Chatel avant son départ du ministère de l’éducation nationale à des enseignants soupçonnés – assez largement à tort – d’être de dangereux gauchistes. J’ai néanmoins pris le temps de rédiger la lettre suivante, que j’ai envoyée à mon inspection.

Professeur de “sciences” économiques et sociales en lycée depuis une vingtaine d’années, et passionné par l’enseignement, je suis presque dégoûté de mon métier par les nouveaux programmes de terminales ES, que j’essaie désespérément de mettre en œuvre cette année, et plus encore par les nouvelles épreuves du baccalauréat, auxquelles je dois préparer mes élèves. Ces programmes et ces épreuves me semblent l’aboutissement d’une logique dévoyée qui guide, avec plus ou moins de bonne foi, les évolutions de l’enseignement secondaire en France depuis, en gros, une trentaine d’années.

Le lycée dans les années soixante-dix, dans lequel j’ai fait mes études, était une structure de reproduction sociale dans laquelle tout était fait pour qu’un fils de bourgeois comme moi soit assuré de réussir. Les quelques prolétaires un peu malins qui arrivaient à tirer leur épingle du jeu, plus en sélectionnant les amis qu’il fallait qu’en travaillant avec acharnement, ne suffisaient pas à légitimer le système. La démocratisation de l’enseignement était donc un objectif louable, et même absolument nécessaire, mais certains des moyens vainement mis en œuvre pour tenter d’y parvenir se sont avérés particulièrement stupides. Parmi eux, l’insistance mise sur les efforts, sur le travail, au détriment de la réflexion. En gros, pour tenter d’éliminer le biais socio-culturel affectant les résultats scolaires, on a fait en sorte de ne plus juger les élèves sur leurs qualités d’analyse ou de synthèse, supposées trop liées à l’origine sociale, mais sur leurs efforts, sur la quantité de travail fournie. On a fait mine de croire que le travail était louable et souhaitable pour lui-même, indépendamment de ses résultats, idée dont les économistes devraient être les premiers à signaler la bêtise. C’est un peu comme si, dans une course, le vainqueur n’était pas le premier arrivé mais celui qui a le plus transpiré. Il en est résulté l’alourdissement des horaires scolaires et la dérive vers des programmes et des méthodes de plus en plus précis, pointus, académiques et systématiques. L’enseignement de la littérature était jusqu’ici le plus touché. On n’y demande plus aux élèves de sentir un texte, de découvrir le plaisir trop bourgeois de la lecture, mais de chercher des structures narratives et des figures de rhétorique, en évitant soigneusement tout ce qui risquerait de passer pour l’expression d’un goût, ou même simplement d’une idée personnelle. Le nouveau programme de “sciences” économiques et sociales de terminale, immense et incohérente liste de définitions qui évite avec soin tous les sujets de débat et présente comme indiscutables et stabilisés des concepts qui sont loin de l’être, va dans le même sens. Il encourage le bachotage, dans sa version la plus bête, et interdit la réflexion.

Depuis toujours sans doute, les enseignants se sont interrogés sur le degré de subjectivité de leur jugement, et de leur notation. Cette subjectivité était suspectée, en partie à raison, de favoriser elle aussi les fils de bourgeois à l’écriture élégante, et peut être accessoirement les jolies filles et les jolis garçons, et de discriminer tous les autres. Là encore, le remède a sans doute été pire que le mal. Pour rassurer des enseignants angoissés à l’idée de “mal” juger, ou simplement de juger, les élèves, pour rassurer des élèves angoissés de ne pas savoir exactement comment ils étaient jugés, on a voulu objectiver les notations des enseignants, et standardiser les contenus de leurs cours. Il en est résulté d’abord les ridicules listes de compétences à acquérir qui encombrent les livrets scolaires, et que fort heureusement personne ne prend très au sérieux. Il en est résulté aussi, avec des dégâts plus conséquents, une véritable déconstruction des épreuves du baccalauréat, avec l’apparition de “grilles de corrections”, parfois au demi-point près, de listes d’exigences, de mots clefs ou de concepts attendus dans une réponse. Cela amène, là encore, à juger les élèves non pas sur leurs capacités d’analyse ou de réflexion globale mais sur leur détermination à apprendre et réciter servilement un cours, et à appliquer systématiquement une technique, une méthode. Maîtrise des connaissances, réflexion, recul, imagination sont systématiquement découragés par des critères de notation qui ne prennent plus guère en compte que le « respect des consignes ». La nouvelle épreuve composée de sciences économiques et sociales  au bac, déjà surnommée la “salade composée” par les enseignants, dernière étape sans doute avant l’adoption du QCM, vise expressément cet objectif.

Les disciplines scolaires sont le résultat d’une histoire complexe et très française. Là où la plupart des pays regroupent ce que nous traitons en histoire, géographie, économie, sociologie, histoire de l’art, philosophie et parfois littérature dans un vaste domaine de « sciences sociales », de « sciences humaines » ou d’humanités, nous avons fait le choix dogmatique d’un découpage rigide, non seulement entre les enseignements, mais aussi à l’intérieur même de ceux-ci. En attendant le regroupement souhaitable, au moins au niveau secondaire, de toutes les sciences sociales dans un même corpus, nous pourrions déjà éviter d’introduire dès le lycée une distinction entre économie et sociologie – et la même remarque vaut sans doute pour l’histoire et la géographie. Ce découpage entre d’innombrables disciplines amène souvent à traiter et retraiter les mêmes sujets, avec des différences qui relèvent plus du vocabulaire que de la démarche scientifique – le développement durable est traité en géographie et en économie, l’innovation technique en économie et en histoire, les inégalités en sociologie et en géographie, et bien souvent en littérature, avec Balzac ou Zola. Ce découpage, et le vocabulaire inutilement et souvent ridiculement technique qui l’accompagne et permet à chaque discipline de se distinguer, contribue aussi à renforcer cette impression, dangereuse parce que fausse, de scientificité et d’objectivité des “humanités”.

Même si nous savons que la sélection se fait désormais largement après le lycée, que la distinction entre filières a en partie pris la relève de la distinction entre ceux qui allaient au lycée et ceux qui n’y allaient pas, que la mobilité ou la reproduction sociale se jouent de moins en moins dans le cursus éducatif, il est difficile aux enseignants de ma génération de nier que la démocratisation de l’école ait en partie réussi. Ce relatif succès, que nous devons au collège unique, à la carte scolaire, aux bourses, et un peu aussi au dévouement des enseignants, il nous suffit pour l’observer de comparer les classes que nous avons côtoyées comme élèves à celles que nous avons devant nous comme professeurs. Pour que ce succès soit vraiment satisfaisant, il faudrait pourtant que nous ayons le sentiment de pouvoir à la fois sélectionner les meilleurs de nos élèves, d’où qu’ils viennent, et apporter à tous autant de culture, de compétence et d’ouverture sur le monde que possible. De plus en plus, l’école semble ne vouloir ou ne savoir sélectionner que les plus dociles et les plus besogneux, et apporter à tous le désespoir de n’avoir d’autre choix que de rentrer dans le moule – ou de disparaître. Les nouveaux programmes et les nouvelles épreuves de “sciences” économiques et sociales sont une éloquente illustration de cette dérive.

(Sorry, I didn’t translate this in English. I neither have the time nor the skill to do it and, anyway, it’s about very French matters).

Femmes et jeu à la radio
Women and games on the radio

Après mes articles sur la représentation des femmes dans les jeux, et leur place dans le monde du jeu, j’ai été contacté par Audrey Sarradin, journaliste à LFM, “la plus féminine des radios”, qui m’a interviewé pour son émission “pure féministe” – rien que cela, si, si.

Vous pouvez m’écouter ici.

Et un petit dessin de mon ami Gérard Mathieu

After my blog posts about women in games and in the gaming world, I was interviewed by Audrey Sarradin, from the Parisian women’s radio LFM, in her “pure feminist” program.

You can listen to it there – in French