Jeux de coopération et de compétition, un paradoxe politique
Cooperative and competitive games, a political paradox

teamwork arrow

J’étais, il y aune dizaine de jours, à un très sérieux colloque international sur les jeux et l’éducation. J’y ai principalement exprimé ma méfiance face à la mode du jeu éducatif, y compris le “serious games” informatique, qui bien souvent n’est plus perçu comme un jeu par les élèves, qui privilégie la réflexion analytique et stratégique déjà trop présente dans l’univers scolaire au détriment de la pensée critique, et qui, tout comme les envahissants powerpoints, finit par interdire l’improvisation et l’innovation au nom même de l’innovation. Il faudrait que je reprenne les vagues notes qui ont servi de base à mon intervention pour en faire un article rédigé et construit, mais j’avoue avoir un peu la flemme. je voudrais plutôt aborder l’une des tendances qui m’ont frappé lors des divers ateliers et débats auxquels j’ai pu prendre part – la mise en avant systématique des jeux de coopération et de collaboration.

orchard

Quel enfant n’a pas joué au Verger, publié par Haba dans sa grosse boite jaune avec plein de jolis fruits en bois . Déjà présents depuis bien longtemps dans les jeux pour enfants, le jeu de coopération a sauté le pas il y a une petite dizaine d’années pour passer dans les jeux de société pour adultes. Reiner Knizia a ouvert la voie avec le Seigneur des Anneaux, d’autres ont suivi, avec notamment Les Chevaliers de la Table Ronde ou Pandémie. Moi même, qui ne suis pas un fan du genre, ait commis le faussement politiquement correct Terra et le très peu politiquement correct Sauvez le Kursk Novembre Rouge.

lord+of+the+rings+front

Nous sommes véritablement dans le “politiquement correct”. Le jeu de coopération – et ce n’est pas par hasard que l’on préfère ce mot à celui de collaboration – est particulièrement bien vu dans deux milieux qui se recoupent assez largement, et dans lesquels je me reconnais d’ailleurs largement, les écologistes et autres anti-capitalistes un peu bobo, et les profs de gauche. Il y a à cela des raisons d’ordre moral et éthique, voire simplement esthétique, relevant de la non-violence, comme si un jeu de compétition était réellement violent. Il y a surtout des motifs politiques et économiques sur lesquels je voudrais m’attarder car ils me semblent découler assez largement d’une erreur d’analyse. L’idée, en gros, serait que le vilain capitalisme mondial est le monde de la compétition sauvage, représenté par les jeux traditionnels, auquel nous devrions opposer le monde de la gentille collaboration pour bâtir un avenir meilleur et un développement durable, illustré par les jeux coopératifs. Si je suis bien d’accord pour dire que l’on ne bâtira sans doute pas un monde meilleur à coups de fusils d’assaut et d’épées à deux mains, je pense que l’analyse du capitalisme contemporain comme un univers de pure compétition est largement, et parfois délibérément, trompeuse. Les grandes multinationales qui emploient le jeu lors de leurs formations internes utilisent aussi beaucoup les jeux de coopération pour encourager le “travail d’équipe” très productif, les “synergies”, l'”émulation”, la “culture d’entreprise” toujours hypocrite et toutes ces sortes de foutaises. Comme l’avait vu Marx, le capitalisme met bien les prolétaires en compétition les uns avec les autres, et l’aggravation récente de cette tendance remet peut-être dans l’actualité les analyses en termes de paupérisation du prolétariat.  Mais, comme l’avait vu Schumpeter, dont tous ceux qui ne connaissent que le thuriféraire de l’entrepreneur innovateur oublient qu’il se revendiquait socialiste, le capitalisme moderne n’est pas seulement l’univers de la concurrence, c’est aussi celui de la connivence – des arrangements, de la combinazione diraient nos amis italiens, pas toujours non-violents. Et puis, pour changer le monde, il y a aussi des moments où il faut se révolter et se battre. Faire du jeu de compétition la métaphore de la guerre et de la concurrence sauvage et du jeu de coopération celle de la paix dans le monde et du développement durable est une gentille mais monumentale erreur d’analyse.

2219_60192954883_200_n

Certes, me répondront les gentils éducateurs, mais du moins les jeux de coopération permettent-ils d’encourager la discussion, le débat, la construction collective d’une stratégie plutôt que le chacun pour soi. Ce sont d’ailleurs des jeux où tout le monde gagne (ou perd) – contre le vilain corbeau noir ou l’œil de Sauron – et ou aucun perdant ne se sent personnellement humilié. Je leur rappellerai d’abord que, sauf cas pathologiques, le perdant d’un jeu de compétition n’a aucune raison de se sentir humilié, ni le vainqueur de se sentir fier puisque, par définition, ce n’est qu’un jeu. Dans un jeu, si l’on cherche toujours à gagner, on se moque bien au fond, ensuite, de savoir qui a gagné. Ce qui se passe dans bien des jeux de coopération est plus problématique – il n’y a ni vainqueur, ni vaincu, mais il y a souvent un leader, un guide (j’arrête les traductions avant d’atteindre le point Godwin).  Les vrais jeux de coopération, et notamment ceux destinés aux plus jeunes comme Le Verger, sont en fait souvent des jeux pour un seul joueur, avec une stratégie optimale. Parfois, des joueurs d’âge, d’intérêt et de capacités équivalents vont débattre pour s’adapter aux circonstances et découvrir cette stratégie optimale mais, bien souvent, l’un d’entre eux va prendre le leadership, expliquer ce qu’il faut faire, pourquoi il vaut mieux que le corbeau mange des prunes s’il reste plus de prunes, et l’initiation à la collaboration devient entrainement au leadership et à la soumission.

les-chevaliers-de-la-table-ronde

Certes,  des jeux tentent de contourner ce problème. Pour les plus jeunes, des jeux de construction ou d’adresse – je pense par exemple à Burgritter – obligent les joueurs à effectuer des actions à plusieurs. Dans les jeux pour adultes, l’introduction d’un possible traître, comme dans les Chevaliers de la Table Ronde ou Battlestar Galactica introduit la suspicion et empêche la franche discussion collaborative. Je trouve personnellement que cela donne à ces jeux une dimension psychologique très intéressante, mais je ne suis pas certain que la délation et la chasse au mouton noir soient précisément ce que les naïfs pédagogues vantant les jeux de coopération cherchent à encourager. Ça n’empêche pas toutes les colonies de vacances de jouer aux Loups Garous de Thiercelieux, et c’est tant mieux. On peut aussi, et c’est le choix d’Antoine Bauza dans Hanabi, qui fait beaucoup parler de lui en ce moment, interdire toute communication entre les joueurs – mais là, c’est le débat collaboratif qui en prend un coup. Et je ne parle pas de Space Cadets, ou chacun fait son petit jeu dans son coin – même si ça a l’air d’être un jeu diablement amusant.

werewolves

Restent les jeux par équipe – un genre que j’aime assez pratiquer mais avec lequel je suis suffisamment mal à l’aise pour ne m’y être jamais vraiment essayé comme créateur. Dans un jeu par équipe – et c’est notamment vrai dans le sport – il y a à la fois de la collaboration, entre partenaires, et de la compétition, avec les autres. C’est sans doute pour cela que les sports d’équipe sont si fréquemment utilisés et mis en scène à l’école, mais eux aussi produisent des leaders et, surtout, créent un univers de jeu divisé en deux camps – pas du tout politiquement correct, ça!

Alors quoi ? Alors, sans doute, faut-il accepter une bonne fois pour toutes que l’on s’en moque, qu’un jeu n’est fait et ne peut être fait ni pour enseigner la compétition, ni pour apprendre la collaboration, mais simplement pour divertir les joueurs, et que l’on peut se divertir très innocemment l’un contre l’autre ou l’un avec l’autre tant que, justement, on ne pense pas être là pour apprendre quoi que ce soit.


teamwork arrow

A dozen days ago, i hold a conference at a very serious international symposium on games and education. I mostly expressed my wariness with the recent fashion in educative games, including the strangely named “serious games” all of which are never really considered games by students and focus on analytic and strategic thinking, which are already far too present in school, and largely discard as irrelevant any form of critical thinking. Like powerpoints, games tend to limit teachers’ improvisation and therefore innovation in learning, in the very name of innovation. I should take the bunch of notes I used in my speech and write a consistent article out of them, but i’m a bit lazy about it and would rather discuss one of the emphasis I noticed there – on cooperative and collaborative gaming.

family-pastimes-secret-door-game

Cooperative children games have been popular for years. Every kid in Europe has played The Orchard, a basic and mostly luck driven cooperative published by Haba with lavish wooden bits. Many American kids have played one of the – usually bad – Family Pastimes boardgames. Cooperative boardgames entered adult boardgaming with Reiner Knizia’s Lord of the Rings, and many authors followed suit with, among others, shadows over Camelot or Pandemic. Even when I’ve never been very dedicated to the genre, I designed two, the superficially and falsely politically correct Terra and the totally unpolitically correct Save the Kursk Red November.

pandemic_box-art

Cooperative games are the epitome of liberal political correctness. They are very popular in two circles to which I undoubtedly belong, ecologists and similar anti-capitalists and leftist teachers – and calling them cooperative games rather than collaborative games is, especially in Europe, not a neutral choice. There are moral and ethical, if not simply esthetic, reasons to this – cooperative game looks like a non violent sort of gaming, as if competitive games were really violent. There are mostly political and economical reasons which, i think, derive from a popular but erroneous analysis. Broadly speaking, the idea is that the evil world capitalism is based on fierce competition, and is represented in competitive games, and that we ought to oppose to it the world of friendly cooperation and sustainable development embedded in collaborative games. While I agree that chainsaws and two-handed swords might not be the  best fitted tools to build a better tomorrow, i also think that the prevalent analysis of contemporary capitalism as a world of pure competition, as in Mankiw’s catechism, is largely and may be deliberately misleading. Global corporations also make a heavy use of cooperative games – though they prefer to talk of collaborative gaming –  to promote “team spirit” and enforce “corporate culture” and other similar bullshit. As Marx has rightly observed, capitalists tend to create competition between workers, and the recent globalization might be reviving his analysis about the gradual impoverishment of the working class. Schumpeter is often quoted nowadays as the champion of small capitalist innovators, while we forget that he was also a self proclaimed socialist and champion of state monopolies, and he was also right in describing modern capitalism as the world not only of competition, but also of arrangements, cartels, connivence – combinazione, to use the italian world, not necessarily associated with non violence. Furthermore, revolt might be necessary to change things, and can’t be always non-violent. Stating that competitive gaming is a metaphor of war or savage capitalism, and cooperative games a tool for peace in the world and sustainable development is a cute idea but a major error in reasoning.

red-november-box

Of course, nice and well meaning teachers might answer that, at least, collaborative games teach discussion, debate, and the collective building of a strategy rather than the usual every man for himself. Since everyone wins, or sometimes loses, against the dark raven or the evil eye of Sauron, no individual loser can feel humiliated, no individual winner can feel particularly proud of himself. Well, a common characteristic of all games is that they are just games and that winning and losing, while being fundamental when playing, doesn’t matter anymore once the game is over. What happens with many cooperative games is more problematic – there’s no winner or loser, but there’s often a leader, a guide (let’s stop with translations before we reach the Godwin point) who takes all the real decisions for all players. True cooperative games,  and especially those aimed at younger players like the ubiquitous Orchard, are in fact single player games with an optimal strategy. Players of the same age, energy and abilities might collaborate to find this strategy, but most times one will seize the leadership, explain why it’s better to have the raven eat plums when there are mostly plums left, and what was designed as a tool for learning collaboration becomes a tool for learning leadership and submission.

Of course, there are technical ways to avoid the leadership issue. Some children games, like the building game Burgritter, require gamers to really act as a team when fulfilling some tasks. In adult games, the introduction of a possible traitor, like in Shadows over Camelot or Battlestar Galactica, creates strong suspicion and prevents totally open discussion. I think it brings a very interesting psychological dimension to these games, but I’m not sure denunciation and hunt for the black sheep are exactly what leftist educators want to teach. Anyway, this doesn’t prevent most summer camps to play werewolf, and that’s for the best. One can also, like Antoine Bauza did in Hanabi, forbid any communication between players – so much for collaborative debate. And I don’t talk of Space Cadets, in which each player plays his own little solo game – even when it seems to be a pretty fun game.

hanabi

Team games are a genre of their own. I like playing them, but I’ve never really known how to design them. In a team game – including most sports – there’s both collaboration between partners and competition against the opposing team. That’s probably why sports are so regularly used at school – though I used to hate them as a student. The problem is that they also encourage leadership, and create a game world divided in two sides – not very politically correct either.

So what ? Let’s agree that we don’t really care, that a game is never designed to teach competition or collaboration but just to give the players some fun or excitement, and that it’s perfectly healthy to play one against the other or one with the other, as long as it’s just a game and noone thinks he’s learning anything.

Bug Fest

BF63D logo

On ne parle guère de Toc Toc Toc! mais c’est un petit jeu de bluff sans prétention qui, en France, continue tout doucement à se vendre, avec sans doute une pointe au moment d’Halloween, et qu’Asmodée réimprime assez régulièrement. L’édition américaine, Knock Knock!, parue chez un sympathique petit éditeur, Jolly Roger, n’a en revanche pas été un franc succès.
En 2008, Gwenaël et moi avions signé un contrat avec un éditeur taiwanais, Kanga Games, pour une édition en chinois. Et puis, le temps a passé, et nous avions complètement oublié cette édition chinoise… jusqu’à apprendre cette semaine qu’elle était en cours d’impression et allait sortir dans les semaines qui viennent, sous le nom de “la fête des insectes”. Ce ne sont en effet plus des monstres qui font la fête, mais des insectes, fourmis, scarabées et cafards. Les petits garçons sont devenus des araignées, les croque morts des grenouilles, les citrouilles des lucioles. Outre qu’elle est très bien illustrée, cette édition en chinois introduit trois nouvelles cartes optionnelles, la libellule, la punaise et le termite.
Il est assez amusant d’avoir, pour un même jeu, trois éditions différentes – qui toutes les trois reprennent en couverture le visuel de la porte à laquelle on frappe, ce qui est effectivement le gimmick du jeu – Toc toc toc, qui est là ? Trois styles donc, qui ne sont pas particulièrement américain, européen ou chinois, juste différents.

Print

Knock Knock ! is not my most popular card game, is not talked about a lot on the web, but, at least in France, it sells steadily – probably mostly around Halloween – and is regularly reprinted by Asmodée. The US edition, made by a friendly small publisher, Jolly Roger, didn’t sell that well and was not reprinted.
In 2008, Gwenaël and I signed with a Taiwanese publisher, Kanga Games, for a Chinese version of the game. Time went by, it didn’t show up, and I had forgotten about it when, last week, I learned that it was being printed and will hit the shelves soon. It’s called, in Chinese, Bug Fest. It’s still about having a party, but the monsters, ghosts and vampires have become insects – ants, beetles and cockroaches. Nerds are now spiders, grim reapers frogs, and headless horsemen are fireflies. There are even three new optional cards to bring more action in the game, sink bug, termite and damselfly.
It is quite funny to have, for a little known game, three different editions, with completely different graphics – though the cover all emphasize the “knock knock at the door” gimmick which is the base of the game. Three styles, not really american, european or chinese, just different, and I like it. 

Knock Knock - Box    Toc Toc Toc - boite

Turtle Wushu – l’art martial des tortues
Turtle Wushu – Turtles martial art

Je ne suis pas sportif. Les sports, et notamment les sports d’équipe,  sont des jeux, mais des jeux qui demandent trop de force physique et, surtout, qui tournent trop aisément à la compétition, où le plus important devient rapidement non de chercher à gagner en s’amusant, mais de savoir qui est le meilleur. C’est aussi le cas, souvent, de jeux de stratégie, comme les échecs. Bon, mon argumentaire est peut-être un peu hypocrite, et je serais peut-être plus sportif si j’étais plus costaud, mais je n’en suis pas certain.

En revanche, j’aime bien les jeux d’extérieur qui s’apparentent quelque peu aux sports mais peuvent difficilement être pris au sérieux, et j’essaie chaque année d’en découvrir un nouveau pour le faire découvrir lors des rencontres ludopathiques. Cette année, ce fut Turtle Wushu – hybride anglo-chinois signifiant l’art martial des tortues – une invention un peu loufoque d’un gang d’allemands bien allumés, que je ne connais pas mais dont je suis avec beaucoup de curiosité les délires urbains sur internet, Invisible Playground.

Le principe est assez simple. Chaque joueur pose une tortue en plastique sur le dessus de sa main droite et le but est, en utilisant sa main gauche, de faire tomber la tortue de l’adversaire. À Étourvy, nous avons joué par équipes, trois ou quatre équipes d’une douzaine de joueurs selon les parties, avec des jetons de poker de couleur différente pour chaque équipe. Le résultat était très amusant et, surtout, très photogénique. Les positions des joueurs, entre danse ninja et attaque de zombie, sont en effet assez étonnantes. Fort heureusement, puisque j’étais l’arbitre, je ne suis pas sur les photos….

Un article de Mops présentant Turtle Wushu sur Tric Trac – il a fait très fort, il a découvert le jeu aux ludopathiques, mais m’a largement pris de vitesse pour en causer sur le web!

12342_0

I’m not a sportsman. Sports, and especially team sports, are games. Unlike other games, however, they require a strong physical strength, which I have not. My main issue with sports, however, is that they tend to become too competitive – meaning that they are not just about the fun and challenge of trying to win, but about being the winner. Well, may be I would enjoy sports more if I were stronger, but I’m not sure. 

On the other hand, I enjoy playing outdoor games which look a bit like sports, but cannot be taken too seriously. Every year, I try to discover a new one and to have all the attendees at the ludopathic gathering play it. This year, it was Turtle Wushu – Wushu is the Chinese generic word for martial arts – a zany game created by a German urban group games designers, Invisible Playground. I’ve never met them, but I follow their frenzic and poetic designs on the web for a few months.

The basic idea is quite simple. Each player has a plastic turtle on the top of his hand, and the goal is to have the other players’ turtle fall while keeping one’s safe. We played with three or four teams of a dozen players, using poker chips in different colors for the different teams. It was incredibly fun, and terribly photogenic. The players’ positions and movements, between ninja and zombie, are very surprising. Luckily, since I was the referee and organizer, I’m not on the pictures.

Turtle Wushu on Ludocity

Rencontres ludopathiques 2013
2013 Ludopathic Gathering

306152_252341441530845_1168001769_n

Je ne sais pas trop comment rédiger un compte rendu des rencontres ludopathiques, le week-end dernier à Étourvy, qui ne soit pas une simple répétition de ceux des années précédentes. Comme chaque année, tout le monde s’est beaucoup amusé, ce qui était l’objectif principal, et certains ont un peu causé business, ce qui était un objectif annexe. Ceux qui voulaient jouer à des jeux idiots ont pu fouiller dans des sacs en tissu, lancer des dés obscènes, faire exploser des ballons de baudruche et mimer des chauve-souris perverses et des poules affamées. Ceux qui préféraient conquérir la galaxie, gérer des réseaux ferrés, traquer Jack l’éventreur ou pratiquer la terraformation à outrance n’ont pas été en reste non plus. Bref, il y en a eu pour tous les goûts, même si l’on aurait aimé un peu plus de soleil pour les assiettes picardes, le battletag et le turtle wushu. Tout cela n’empêchait ni les uns, ni les autres, de parler un peu affaires, et j’ai même signé un contrat sur place; l’autre Bruno m’a battu, il en a signé deux. Une auteur de jeux plus romantique opta pour une promenade matinale dans les bois, se perdit et revint deux heures plus tard, en ayant vu quelques biches.

59625_10151625799349884_1119167927_n

Passant entre les tables, il m’a parfois semblé voir plus de prototypes plus ou moins aboutis, que de jeux joliment édités, au point que je me demande s’il est encore utile que j’apporte des boites de jeux aux ludopathiques. J’en apporterai de toute façon moins, puisque j’en ai bien moins, ayant distribué environ la moitié de mon stock aux divers participants – je n’avais pas la place pour tout ça dans mon petit appartement parisien.

Côté nouveautés, ma découverte à moi est Le Petit Prince, de Bruno et Antoine. J’apprécie particulièrement l’humour un peu pervers qui leur a fait concevoir un jeu particulièrement méchant – pour parler poliment – à partir du plus gentillet – pour parler poliment – des livres. Mais l’essentiel est que c’est un sacré bon jeu. Ayant beaucoup fait tourner mes prototypes, et passé pas mal de temps à m’occuper de l’organisation, des gens, des lieux et des sous, je n’ai pas essayé d’autres nouveauté notable, mais j’ai entendu énormément de bien de Alles Käse, Terra Mystica, Robinson Crusoe, Kemet et quelques autres. On a aussi beaucoup joué à Boom Boom Balloon, très idiot et donc très bon, et à Schlongo, même si je ne suis pas vraiment sûr que ce soit un excellent jeu. Il s’est même trouvé des joueurs pour prendre un gobelet de poker dice et imaginer un Schlongo à l’enculette – ce qui a effectivement une certaine logique.

487970_10151625676704884_83242666_n

Côté prototypes, j’ai beaucoup fait tourner Mascarade et La Mouette Rieuse, deux jeux en cours d’édition, et avec un immense succès. On m’a beaucoup parlé d’une chauve-souris perverse, mais je ne crois pas qu’il y ait de photos. J’ai beaucoup travaillé ces derniers temps avec Anja Wrede, et nous avions de nombreux prototypes qui ont eux aussi rencontré leur petit succès, un jeu de réflexe, un jeu de mémoire, un jeu de reconnaissance tactile, avec toujours les jolis animaux qu’Anja dessine si bien – au fait, quelqu’un a un contact chez Djeco ? Mes jeux de cartes plus classiques, Jongleurs et Ménestrels et, surtout, National Museum, ont aussi été très appréciés. Pas moins de trois éditeurs m’ont demandé une maquette de ce dernier après y avoir joué, mais il faut d’abord que je fasse quelques menus réglages, car ils l’ont tous trouvé un peu long. La nouvelle version d’Argo tourne vraiment bien, l’éditeur ayant fait un boulot de développement remarquable.

15264_10201235081344550_1305192735_n

Bien sûr, je n’étais pas seul, l’un des objectifs des rencontres étant de mélanger joueurs, éditeurs et, surtout, auteurs. Il y avait donc aussi tous les prototypes des autres – je me suis beaucoup amusé à prendre plein de photos sans rien comprendre à ce qu’elles représentent. Parmi ceux dont je sais vaguement quelque chose, il y avait bien sûr le prototype révolutionnaire top secret de Manu Rozoy, auquel je n’ai toujours pas joué et donc toujours rien compris. Hervé Marly avait un truc bizarre avec un bâton et des pilules – et je ne vous raconterai pas ce que l’on fait avec le bâton. il y avait aussi de la science fiction polonaise, des ânes dans le désert, un safari délirant dans la jungle, un parc de loisirs italiens qui devrait être illustré par Marie Cardouat, le futur gros jeux de Days of Wonder dont les photos ne permettent pas de se faire la moindre idée, et sans doute plein de trucs que j’ai ratés. Il y avait même un jeu portugais expliqué en français par un allemand à partir de règles en mauvais anglais – le simple fait qu’ils soient parvenus à y jouer prouve que ça doit tenir la route.

305773_10151625670919884_1322151910_n

La grosse bêtise en extérieur du week-end était donc le tournoi de Turtle Wushu par équipe, une invention des allemands d’Invisible Playground, dont j’espère que des videos compromettantes apparaîtront bientôt sur le web. Bravo encore à Marc pour avoir plongé dans l’eau froide du canal pour récupérer un jeton de poker, montrant que le spécialiste mondial de la puberté des chimpanzés s’y connaissait également en cygnes.

525460_10151625798544884_495071608_n

Je rentre donc pour mes dernières semaines avignonnaises avec pas mal de boulot ludique – et ce n’est pas un oxymore. Il faut mettre un peu à jour les règles de score de Rumble in the Jungle. Il faut corriger Grabbit pour tenir compte du fait que dans l’imaginaire français, les ânes peuvent manger des carottes, mais les chevaux mangent de l’herbe. Il faut refaire les cartes et les règles de National Museum qui plait à tous les éditeurs mais qu’ils trouvent trop long et un peu trop chaotique, en imprimer quatre ou cinq boites. Il faut se repencher sur Argo. il faut enfin réfléchir au jeu de bluff que j’ai construit toit seul dans ma tête entre Avignon et Etourvy – working title Wanka Tanka – et à celui que nous avons imaginé avec Anja entre Etourvy et Paris – pas encore de titre. Ah, oui, il y a aussi les cours qui reprennent lundi…

Merci à tous, à l’année prochaine !

Et merci à tous les éditeurs qui étaient là, ou qui ont envoyé des jeux pour la table de prix : Zoch, Abacus, Ares, Edge, Cranio, Gigamic, Letheia, Argentum, Iello, Funforge, Matagot, Flatlined games, Asmodée, Siebenschläffer, Lui-même, Repos Prod, Libellud, Space Cowboys et je suis sûr que j’en oublie….


306152_252341441530845_1168001769_n

This report of the last ludopathic gathering, which took place last week-end in Etourvy, somewhere in the deep French countryside, will probably sound like all the reports I wrote in the former years. Like every year, we all had fun, which was the main goal of the event, and we also talked business, which was a secondary but not negligible issue. Those who were there to play stupid game could look for various stuff in large bags, roll obscene dice, explode balloons and mime horny bats and hungry crocodiles. Those who prefer serious stuff could invade the galaxy, manage railway companies, and practice terraforming. We missed the sun, which was there the day before and came back just when we were leaving, so there were few outdoor games, just some one big battletag game and some team games of turtle wushu. As for business, I signed a contract on the spot, but the other Bruno beat me and signed two. A more romantic game designer went for a short walk in the forest, got lost, met deer (wow, I just found out that deer is both singular and plural!) and came back two hours later.

310892_10151625688484884_916870090_n

Walking between game tables, I saw more prototypes, more or less finalized, than published games, and I’m starting to wonder if I still need to bring hundreds of games. Anyway, I have a few hundreds less now, since half of my collection ended on the prize table. There’s not enough room for all of it in my small Parisian flat where I will move in the next months.

The best new game I played was The Little Prince, by Bruno and Antoine. There’s some perverse humor in designing such a nasty game from such a cute and nice enough book. Anyway, it’s a great game, and that’s the main point. Since I spent some time organizing and dealing with people, places and money, I didn’t play many other new games, but I heard raving comments on Alles Käse, Terre Mystica, Robinson Crusoe, Kemet and a few more. There were many games of Boom Boom Balloon, good stupid fun, and of Schlongo – not a really good and innovative game, but that’s not the point. We even designed a liar’s dice Schlongo variant, but this was mostly to justify an obscene and untranslatable French pun.

603795_10151625672579884_974574629_n

I mostly played my own prototypes. Mascarade and Sitting Bull / Laughing Seagull, who are both going to be published, were great hits. Sorry, no picture of the horny bat. I worked a lot with German game designer Anja Wrede these last months, and we had several new prototypes which all went very well – an action and dexterity game, a memory game and the mysterious blue bag game. I also had two card games in my usual style, Jugglers and Minstrels and National Museum. The latter was a hit, since three publishers want a copy of it, but I have first to streamline it a bit, since they found it a bit too long. The new version of Space Station Argo works great – thanks to the publisher, who made most of the new developments.

63103_10151625688139884_874332933_n

Of course, I was not alone, since one of goals of this gathering is to bring together gamers, publishers and game authors. I had much fun taking pictures of mysterious prototypes with no idea what was going on. There was the much expected new revolutionary game by Manuel Rozoy, but I still haven’t played it and still don’t understand what it really is. Hervé Marly had a zany game with a wooden stick and little pills. There was Polish science fiction, donkeys in the Chinese desert, Jungle safaris, an Italian theme park to be illustrated by Marie Cardouat. There was also the next big game by Days of Wonder, and a Portuguese game whose rules were written in bad English and explained in French by a German guy – since they managed to play it, it must be quite good.

163520_10151625691849884_2014573843_n

The big outdoor game this year was Turtle Wushu, designed by the German team of Invisible Playground. I hope there will be some compromising videos of it on the web. Kudos to Marc who plunged in the canal to prevent a swan from swallowing a poker chip. He seems to know as much about swans than about chimps.

12484_10151625673759884_1168946609_n

I’m back for my last weeks in Avignon, with lots of gaming work to do – and that’s not an oxymoron. I must update the rules for Rumble in the Jungle. I must correct the rules of Grabbit because while German horses eat carrots, French ones eat only grass – luckily, our donkeys eat carrots, so the game can be saved. I must update all the cards and rules of National Museum and send four or five boxes to various publishers. I must write down the ideas I had while driving from Avignon to Etourvy for a bluffing card game – working title Wakan Tanka – and the ideas we had together with Anja when driving from Etourvy to Paris – no working title yet. And I’m supposed to get back to work next Monday.

Thanks everybody, see you next year !

And thanks to all the publishers who were there, or who sent games for the prize table : Zoch, Abacus, Ares, Edge, Cranio, Gigamic, Letheia, Argentum, Iello, Funforge, Matagot, Flatlined games, Asmodée, Siebenschläffer, Lui-même, Repos Prod, Libellud, Space Cowboys, and I certainly forgot one or two.

Les quatre circuits de Formula E
The four Formula E race tracks

FE_Board34
Voila, j’ai maintenant les images des quatre circuits de Formula E, dessinés par la talentueuse Jacqui Davis. Pour les deux circuits d’origine, l’éditeur avait demandé à l’illustratrice de représenter des paysages de jungle et de montagne.
Pour les deux circuits supplémentaires, en principe réservés à ceux qui ont souscrits pour cela sur Kickstarter, il fallait faire autre chose, et on a opté pour des paysages plus urbains. Nous avons donc une ville animée et bariolée sur le plateau pour 3 et 4 joueurs, et le Taj Mahal, rien de moins, sur celui pour 5 ou 6 joueurs. Mes préférés ? je crois que ce sont la montagne, avec le temple, et la cité multicolore.
FE_Board56
Pour ces deux nouveaux plateaux, il fallait aussi imaginer de nouvelles règles. Il y a donc de nouvelles cases sur la plateau de jeu. Les manguiers permettent deux points de déplacement supplémentaires, y compris en diagonale. Les cabanes permettent de piocher une carte pour l’utiliser immédiatement si cela est possible. Les abords de la rivière ralentissent les éléphants, qui piétinent un peu dans la boue. Tout cela rend le jeu plus varié, plus dynamique, et parfois plus méchant. Bien sûr, les bananiers qui font piocher des cartes en plus, sont toujours là.

Le site de l’illustratrice, Jacqui Davis


FE_Board_ex34
I now have final pictures of the four tracks for Formula E, illustrated by the talented Jacqui Davis. The two original tracks, that will be in the basic box, were in forest and mountains. For the two new tracks aimed at those who pladged for them on Kickstarter, the publisher asked her for more urban settings. So we have a 3-4 players track in a bustling and colorful city, and a 5-6 players one around the Taj Mahal. May favorites are probably the original montain board, and the expansion city one.
FE_Board_ex56
For these new boards, Sergio, André and I were asked to devise some new rules. So there are Mango trees, giving two extra movement points, including diagonally, there are market stalls allowing one to draw a card and use it at once if possible, and there are muddy riverbanks, making the movement of heavy elephants much slower. All this makes the game more varied, and sometimes nastier. Of course, banana trees are still there.

Jacqui Davis’ blog and portfolio

Le plateau de l'extension de Formula E - et plein de boites de proto au premier plan. Playtesting the Formula E expansion board, with dozens of prototype boxes in the foreground.

un test de l’extension de Formula E – avec plein de boites de proto au premier plan – à Ludinord.
Playtesting the Formula E expansion board, with dozens of prototype boxes in the foreground, at the Ludinord game fair.

Les jeux aussi ont des auteurs
Games also have authors

ASHA-Logo_2_F

Je n’ai jamais été très regardant sur les contrats d’édition. Je les survole à peine, généralement trop content d’avoir trouvé un éditeur pour ma dernière création, et très conscient que le plus important n’est pas ce que l’on signe, mais avec qui on le signe. Il y a bien quelques points que je vérifie. Je demande une avance, même symbolique, pour être certain que l’éditeur s’investit bien dans le projet. Je vérifie que j’ai bien droit à une dizaine d’exemplaires d’auteur, car j’en offre généralement à mes testeurs, et à mes amis, et ils partent vite. Je suggère systématiquement des droits d’auteur progressifs, par exemple 6% sur les premières boites, puis 8% au delà d’un certain seuil, puis 10% au delà d’un autre seuil généralement assez improbable ; il me semble en effet logique de demander moins à l’éditeur lorsqu’il lance un jeu, supporte des coûts fixes importants et prend plus de risques financiers que moi, et de lui demander plus lorsque le jeu est un succès, et qu’il n’a plus qu’à passer un coup de téléphone pour lancer un nouveau tirage. Pour le reste, je passe rapidement sur les paragraphes techniques auxquels je ne comprends pas grand chose, les histoires de responsabilité et de droits dérivés, et tous ces passages abscons écrits en langage juridique – d’ailleurs très spécifiques aux contrats français, car les contrats d’édition américains ou allemands tiennent généralement en deux pages et vont droit au but.
Je ne suis pas pinailleur, et peux même être assez arrangeant avec les éditeurs qui pour une raison ou une autre me sont sympathiques. Pour vous dire, nous venons de nous rendre compte avec l’éditeur de Bongo que nous n’avions jamais signé de contrat d’édition…. .
Il y a pourtant quelques principes auxquels je tiens. Je veux, notamment, mon nom sur la boite – pour impressionner mes amis, certes, mais aussi car c’est une reconnaissance de la qualité d’auteur, au sens littéraire ou artistique du mot, du créateur de jeu. Je ne me sens pas un inventeur, un découvreur, un technicien, un bricoleur – même s’il y a parfois un tout petit peu de bricolage physique et mathématique dans la conception d’un jeu. L’activité d’auteur de jeu, telle que je la perçois, est très proche de celle du romancier ou, plus encore sans doute, du scénariste de cinéma. Je tiens donc à être reconnu en tant qu’auteur.

C’est pourquoi je suis très inquiet de ce qui se passe en Allemagne, qui était pourtant jusqu’ici le pays d’Europe où les auteurs de jeux, peut-être parce qu’il y sont assez nombreux, semblaient avoir le mieux réussi à obtenir leur reconnaissance comme auteurs de créations culturelles. Un consortium d’éditeurs de jeux, parmi lesquels d’ailleurs des éditeurs français et américains, y a en effet décidé de refuser par principe le statut d’auteur aux créateurs de jeu. Si le statut d’auteur devait un jour être dénié aux créateurs de jeux français, un fonctionnaire comme moi n’aurait même tout simplement plus le droit de créer, ou en tout cas de publier, des jeux !
J’ai donc signé la pétition de la SAZ, syndicat d’auteurs de jeux originellement allemand, mais auquel adhèrent désormais des auteurs du monde entier, moi y compris, pour demander à ce groupement d’éditeurs de revenir sur leur position et de reprendre, sur la base de la reconnaissance du statut d’auteur des créateurs de jeux de société, les discussions avec la SAZ sur le contenu des contrats d’édition.

Quelques explications sur le site de la SAZ
Pour signer la pétition – même si vous n’êtes pas un auteur de jeu
Un article de Mops sur Tric Trac


saz-authors

I’ve never been very attentive when checking publishing agreements. I read them in a very cursory way, usually glad enough that I’ve found a publisher for my last game, and aware that the most important is not what I’m signing, but with whom I’m signing it. I check a few points – I want an advance, even a very symbolic one, as token of the publisher’s interest in the game. I check that I will get enough author copies – ten or twelve – to give to my playtesters and some friends. I always suggest progressive royalties – i.e. 6% on the first copies, 8% once a given number of copies have been sold, and 10% once an even greater, and very optimistic, number of copies have been sold. It sounds fair and logical to me to get little money when the publisher is producing a new game, paying for graphics and other fixed costs, and taking more risks than me, and to get more once all the fixed costs have been paid and a phone call is enough to start a new print run. I don’t really read all the legalese about liabilities and secondary rights – which are, however, very specific to French contracts, which are usually twenty pages long when US or German ones are two pages long, clear and straightforward.
I’m not a hair-splitting negotiator, and I can even be quite accommodating with people I like or admire. I just signed the publishing agreement for Bongo, meaning the game was in print for several years without ever thinking of making a formal contract.
There are, however, a few principles I hold to. I want my name on the box – to impress my friends, but also because it is the best possible acknowledgement of my status as an author, as with a book or any piece of art. I’m not an inventor, a discoverer, a technician, a handyman – even when there can be some technical or mathematical makeshift job in designing a game. I have always felt that designing a game was like writing a novel, or may be even more like writing a movie script. That’s why I want to be recognized as an author.

And that’s why I am highly concerned with what is now happening in Germany, and even more when Germany seemed so far to be the European country where game designers had managed to have the stronger status, and to be considered authors of original cultural creations. A game publishers group, among which some French and US publishers, has decided to deny the author, or originator, status to game designers. If such a point were accepted in France, state workers like me would simply not be allowed to design and publish games!
That’s why I’ve signed the petition by the SAZ. The SAZ is the mostly German game designers’ union, even when it has now several members from various other countries, including me. The SAZ has formally asked the game publishers’ group, the Fachgruppe Spiel, to reconsider their position, to acknowledge game designers as authors, and to start discussing with the SAZ on standard publishing agreements.

More details on the SAZ website
Sign the petition – even if you’re not a game author.

644461_264396047030520_1564001480_n

D’autres éditeurs allemands, généralement plus modestes, ont formé le groupe “Fairlag” pour exprimer leur soutien à la position des auteurs de jeux.
A group of other – and mostly smaller – publishers have created the “Fair lag” initiative to express their support of the game designers position.

Ludinord

Mascarade à 12 joueurs Mascarade with 12 players

Mascarade à 12 joueurs
Mascarade with 12 players

Au festival Ludinord, j’ai découvert quelques jeux bien sympa et à paraître prochainement, comme Wink et Les Trois Petits Cochons, et d’autres récemment parus, comme Noblemen et Robot Troc. Mais j’ai surtout fait quelques parties de Speed Dating, et fait tourner Mascarade, dont la table de démonstration ne désemplissait pas. il y a eu des parties, à dix, onze ou même, comme sur la photo ci-dessous, à 12 joueurs. Mascarade tourne en effet de 2 à 13 joueurs – même si je le préfère à 5 ou plus.

Les trois petits cochons, c'est plus mignon que Zombie Dice. Three little pigs, more cute than zombies.

Les trois petits cochons, c’est plus mignon que Zombie Dice.
Three little pigs, more cute than zombies.

At the Ludinord game fair, I’ve played the final prototypes of two wonderful light games to be ublished in the coming weeks or months, Wink and Three Little Pigs. I’ve also discovered two really good already published games, Robot Troc and Noblemen. But I mostly played my own games, Speed Dating and, most of all, Mascarade. There was only one table to demo it, and it was always full. We played games with 10, 11 or even, as on the picture here over, 12 players. Mascarade plays well with 2 to 13 players, though I prefer it with 5 or more.

ludinord3

Le plateau de l’extension de Formula E – et plein de prototypes au premier plan.
The Formula E expansion board, and a dozen prototypes in the foreground.

 

Le retour des dés disparus
Dice lost and found

titre

Publié en 2000, Bongo est un petit jeu de logique et de rapidité très amusant. Les joueurs y sont des touristes visitant un parc dans la savane africaine. Un jet de dés détermine quel animal – antilope, gnou ou rhinoceros – est visible dans la forêt, et le premier joueur à annoncer le bon animal marque un point. Bongo se vendait assez bien, et aurait sans doute pu être régulièrement réimprimé.

En 2006, Lorenz, l’un des principaux fabricants allemands de pions, de dés et de petits animaux en bois, fit faillite. Un an plus tard, lorsque les stocks de Bongo se trouvèrent épuisés et que vint le moment de le réimprimer, l’éditeur réalisa que les dés spéciaux étaient fabriqués chez Lorenz, et que les formes de gravure, sortes de moules à bois, utilisés à cet effet avaient disparu dans la liquidation de Lorenz. Plutôt que de refaire des formes, ce qui est assez cher, il entreprit d’essayer de les retrouver, partant de l’idée que personne d’autre n’en avait l’usage. Je n’y croyais plus du tout lorsque, la semaine dernière, je reçus un email m’annonçant qu’après six ans d’enquête, les formes de découpe avaient finalement été retrouvées, ce qui devrait permettre une assez rapide réédition de ce jeu devenu introuvable !

Bongo
Un jeu de Bruno Faidutti
Illustré par Frank Stark

2 à 8 joueurs – 10 minutes
Publié par Heidelberger Spielverlag (2000)
Tric Trac        Boardgamegeek


Bongo

Bongo, published in 2000, is a light and fun game of logic and rapidity – a speed pattern matching game, a bit like Set meets Pit. Players are tourists visiting a wildlife park in Africa. A dice roll determines which animal – antelope, gnu or rhinoceros – can be seen in the forest, and the first player to shout the right answer scores one point. The sales of Bongo were good enough to grant it a regular reprint.

In 2006, Lorenz, one of the main German companies  making wooden pawns, dice and little animals, unexpectedly went out of business. One year later, when Bongo went out of stock at the publisher, we realized that the wooden engraving shapes used to manufacture the game’s special dice had been lost in Lorenz’s liquidation sales. Making new shapes was quite expensive, so my friends at Heidelberger tried to track down the old ones, which could not be of any use for anyone else. After seven years, I had given up hope, but last week I got an email from Heidelberger telling me that the Bongo dice engraving shapes had resurfaced, and that they are now planning a reprint. This is really an unexpected comeback.

Bongo
A game by Bruno Faidutti
Art by Frank Stark

2 to 8 players – 10 minutes
Published by Heidelberger Spielverlag (2000)
Boardgamegeek

hidden+leopard

Aliens et sorciers, même combat
Aliens and Wizards, same battle

twilight-imperium-3D-layout

Lorsque je réfléchis à l’exploitation dans les jeux de société d’un thème particulier, comme je l’ai fait récemment pour l’univers Steampunk, je commence généralement par une comparaison avec la littérature, peut-être parce que je connais assez mal les mondes, sans doute plus proches, du cinéma, du jeu video et de la bande dessinée. La fonction du thème dans les jeux de société est pourtant assez particulière, parce que les mécanismes y sont plus importants, plus rigoureux, plus incontournables que dans un film ou un roman – il n’y a guère que Pérec qui ait écrit des livres comme Reiner Knizia fait des jeux, en partant des mécanismes et non du thème, et je ne trouve pas le résultat, une sorte de littérature abstraite, très convaincant. Dans un autre style, cependant, j’aime bien Mallarmé…

L’auteur de jeu, même lorsqu’il part d’un thème, doit rapidement se préoccuper de mécanismes, de systèmes de jeu. Les meilleurs jeux sont même souvent ceux dont le thème et la mécanique sont inséparables, car ils ont été d’emblée conçus ensemble. Et là, on se rend vite compte que certaines thématiques reviennent facilement, de manière presque paresseuse.

Deux univers sont particulièrement pratiques pour les auteurs de jeux, et en particulier ceux qui, comme moi, aiment introduire des effets un peu farfelus ou inattendus sans renoncer à la cohérence de l’univers. Ce sont l’Heroic Fantasy et la science fiction.

Il y a une dizaine d’années de cela, il y avait dans presque tous mes jeux des sorciers et des dragons. Bien sûr, le fait que j’ai fait pas mal de GN et lu un peu de littérature fantastique y était pour quelque chose, mais c’était aussi un choix extrêmement pratique, technique. Avec la magie, tout est possible. Tout ce qui est intéressant du point de vue de la mécanique de jeu, des interactions entre joueurs, des choix tactiques ou stratégiques, peut trouver une justification thématique, toujours la même : c’est magique. Si Richard Garfield a choisi pour Magic the Gathering le thème de l’Heroic Fantasy la plus générique, la plus floue, la plus vaste, c’est par ce que c’était le seul univers dans lequel il était possible de donner un vague sens à toutes les cartes, à tous les effets imaginables, pour peu qu’on leur trouve un nom aux sonorités vaguement féériques.

Avec la science fiction, comme avec le fantastique, tout peut assez facilement trouver une justification thématique. La technologie, surtout lorsqu’elle est extra-terrestre, ne s’explique pas et peut donc tout expliquer. Les pions passent d’un bout à l’autre du plateau de jeu, au travers de portes stellaires ou de fractures du continuum spatio-temporel. Les cartes circulent d’un joueur à l’autre grâce aux pouvoirs télékynésiques de civilisations lointaines. Rencontre Cosmique, de très loin le meilleur jeu de science fiction jamais publié, illustre à merveille toutes les possibilités permises par ce thème.

D’autres thèmes qui peuvent sembler beaucoup plus cadrés, plus précis, sont également très utilisés dans le monde du jeu de société. Les jeux pour deux joueurs représentent très fréquemment la guerre, les jeux pour des joueurs plus nombreux préférant l’exploration, la gestion de ressources, la construction d’une cité ou d’un royaume. Mais quand on parle d’un jeu de guerre, de gestion, d’exploration, est-on encore dans le thème ou déjà dans la mécanique ? Une guerre peut être antique, médiévale, contemporaine, fantastique ou spatiale, tout comme le commerce, tout comme la gestion d’un empire ou même d’un village. On peut explorer une forêt, un souterrain, une galaxie. Tout cela peut donc être situé dans un univers historique, ou relativement abstrait, mais là encore, le fantastique et la science-fiction apportent toujours plus de libertés à l’auteur de jeu, surtout s’il a, comme moi, l’esprit quelque peu baroque. Si l’archétype du gros jeu pour joueurs est un jeu d’exploration spatiale, de construction et de gestion de son empire et de sa flotte, puis, comme dans un orgasme final, de bataille intergalactique avec les flottes adverses, ce n’est pas parce que les joueurs sont particulièrement fans de Space opera baroque, un genre littéraire marginal et ennuyeux, même s’il passe mieux au cinéma. C’est parce que seul le Space Opera permet de tout mettre, tout caser, tout faire rentrer dans une boîte de jeu – même s’il faut souvent une très grosse boîte, comme dans Twilight Imperium ou Eclipse.

Pour les gros jeux, les jeux pour joueurs, science-fiction et fantastique sont donc des thèmes particulièrement faciles, surtout pour qui veut concevoir un jeu un peu alambiqué, un peu chaotique, un peu touffu. On pourrait sans doute expliquer de la même manière pourquoi les jeux de gestion de ressources, avec des cubes en bois de toutes les couleurs, ont si souvent un thème médiéval ou Renaissance. Quoi de plus évident que de faire des cubes de couleur du bois, de la pierre, du métal, et tout le nécessaire pour construire des châteaux des palais, qu’il faudra faire plus beaux que ceux du voisin ?. Quant aux jeux plus familiaux, voire enfantins, ce sont le domaine des animaux, et très souvent ces animaux n’ont qu’une activité principale – ils mangent, que ce soit des cartes carottes ou des jolies carottes de bois.


eclipse

When I try to think on the uses of some specific setting in boardgames, as I made in a recent article about Steampunk, I often start with a comparison with literature, may be in part because I don’t know that much about movies, comics and video-games, even when their universes might be more similar with those of boardgames. It would be wrong to assume, however, that the function of the theme/setting and mechanisms/systems are the same in a novel and in a game. Perec is the only author I can think of who wrote books like Knizia designs games, starting from a mechanism idea, and I’m not really convinced by his nearly abstract literature. Well, on the other hand, I quite like Mallarmé…

The game author, even when he starts from a theme, must almost from the beginning think of the game systems, the machanisms that wil go with it. The best games are often those in which setting and mechanism cannot be set apart, because they were devised together. Two settings are very convenient to work simultaneously on story and systems, especially for authors like me who like to add zany and unexpected effects while keeping the game universe consistent. These are Heroic Fantasy and Science Fiction

Ten or twelve years ago, all my games had wizards and dragons. Of course, this was also the time I was playing larps and reading fantasy, but this may not be the main reason. There was also a very technical explanation – magic makes everything possible, and therefore almost everything consistent. Any game system that can be interesting because if brings tactical choices, strategic decisions, bluffing opportunities, can find a thematic justification. In fact, the justification is always the same – it’s magic! Richard Garfield choose generic heroic fantasy as a setting for Magic the Gathering because it was the only way to give a vague thematic sense to all the zany card effects he had in mind, as long as he gave each one of them some meaningless fantasy name.

It is the same with Science Fiction, which can also give some meaning to any game event or effect. Technology, and especially alien technology, cannot be explained and therefore can explain everything. Tokens can jump from one part of the board to another through stellar gates or tears through the space-time continuum. Cards move from one player to the other due to the telekinetic powers of far away civilizations, and so on. Cosmic Encounter, my favorite science fiction game, is a good illustration of the infinite possibilities of alien cultures.

There are also some more precise, more limited, more mundane settings that are often used in boardgames – but the question here is what exactly is still theme or setting and what is already mechanism or system. Two players games are often about war, multiplayer games about resource management, building castles, kingdoms or empires, or exploration. But is war, resource management, exploration a mechanism or a theme ? It is neither one nor the other, and a bit of both. A war can be antique, medieval, modern, fantasy of in deep space, and the same is true of resource trading or management. Explorers can enter a cave, a forest or a galaxy. All these subjects – war, exploration, trade, development – can fit with many settings but, once more, science fiction and fantasy allow for more variety, more opportunities, more freedom for the designer – especially the baroque minded one. The archetypal heavy gamers game is a game of space exploration, development and empire management, with a intergalactic war as final climax. This doesn’t mean that hardcore gamers are all fans of space opera, a rather boring and repetitive literary genre, even when it can make for impressive movies. This is just because it’s the only setting that allows to put everything in the same game box – even when it often needs a very big box, such as with Twilight Imperium or Eclipse.

Heroic Fantasy and Science Fiction are very useful settings for boardgame designers wanting to make something a bit heavy, a bit convoluted, a bit chaotic. It might be possible to explain in a similar way why so many wooden cubes – ressource management – worker placement eurogames are about building medieval or Renaissance castles, palaces or churches : wooden cubes seem destined to represent wood, stone, metal, and therefore to be used in some kind of old style building trade. As for kids games, the obvious theme is animals – and often these animals have just one main activity, they eat. So you have rabbit cards, and carrot cards, or sometimes carrot tokens…

runewars