Cosmic Encounter, Vale of Eternity et bricoler ses jeux
Cosmic Encounter, Vale of Eternity and tinkering with games

Dans les années quatre-vingt, avec mon compère d’alors Pierre Cléquin, j’ai découvert le plaisir de la création ludique en modifiant, en bricolant des variantes de poker, et de nouveaux pouvoirs et cartes pour Rencontre Cosmique. Le poker ne se prenait pas encore trop au sérieux, ce qui permettait à chacun de le mettre à sa sauce sans que quiconque ne crie à l’hérésie. Les auteurs et éditeurs de Cosmic Encounter eux-mêmes encourageaient les joueurs à s’approprier leur création en vendant des paquets de cartes vierges. Bien sûr, cela était rendu plus facile par le petit nombre de jeux de société que nous connaissions, des jeux que nous jouions donc régulièrement et maitrisions bien. Je ne sais si notre petit groupe de joueurs était l’un des seuls à fonctionner ainsi, et si c’est pour cela que nous sommes ensuite devenus des auteurs de jeu, ou si tous les joueurs traitaient alors les jeux avec autant de légèreté, n’hésitant pas comme à en modifier, parfois en cours de partie, les règles qui ne nous plaisaient pas. Dans les années quatre-vingt-dix, c’est avec Pierre Rosenthal que j’avais bricolé une extension maison de Magic the Gathering, et Wizards of the Coast nous avait payé pour pouvoir en réutiliser les idées dans leurs futures extensions. Le Magicien, l’un des aliens que Pierre et moi avions imaginés pour Cosmic Encounter, s’est aussi retrouvé dans la plus récente édition du jeu.

Depuis une trentaine d’années, j’avais cependant cessé de bricoler les jeux des autres, tout en encourageant les joueurs à bricoler les miens. Les personnages et quartiers de la “grosse boite” de Citadelles proviennent ainsi en grande partie des idées d’un fan du jeu, Robin Corrèze, qui a su y porter un regard neuf. Beaucoup des nouveaux personnages de Mascarade ont aussi été imaginés par des amis ou des fans du jeu. Lorsqu’un jeu s’y prète, j’encourage mes éditeurs, s’il reste quelques cartes sur les planches d’impression, à ajouter quelques cartes vierges, mais je n’ai jamais eu beaucoup de succès.

L’une des raisons pour lesquelles je m’amuse moins aujourd’hui à bidouiller les jeux des autres auteurs est que ma pratique du jeu, et me semble-t-il la pratique du jeu en général, est devenue plus dispersée. On joue certes autant, mais on joue à des jeux de plus en plus nombreux, trouvant plus de plaisir dans la découverte que dans l’approfondissement, ce qui peut être un peu frustrant. Une autre raison est peut-être que les joueurs prennent aujourd’hui les jeux un peu trop au sérieux – c’est vrai des thèmes, je l’ai souvent écrit ici, mais c’est aussi vrai des mécanismes que l’on n’ose pas trop toucher.

Pour qu’un jeu me donne l’envie de le bricoler, d’inventer des cartes et des effets, il faut donc qu’il soit riche, ouvert aux extensions et développement, tout en restant suffisamment simple pour que quelques parties permettent de saisir la logique qui le sous-tend, les leviers à manipuler et, ce faisant, les équilibres à respecter. Beaucoup de jeux, aussi excellents qu’ils soient, sont soit d’emblée complets et fermés, soit trop baroques.

Le jeu qui m’a redonné envie de concevoir quelques cartes, et je vous invite à en faire autant, est The Vale of Eternity, d’Eric Hong. Ce jeu de draft, dans lequel les joueurs construisent peu à peu des combinaisons de cartes afin de marquer le plus de points possibles, n’apporte rien de vraiment nouveau ni dans son thème, ni dans ses mécanismes, mais il crée une sensation de profondeur, de variété et d’imbrication entre ses éléments avec très peu de mécanismes, des règles simples et une impressionnante fluidité.

Il y a eu tellement d’innovation dans les mécanismes ludiques depuis trente ans que la meilleure des nouveautés ne consiste plus tant aujourd’hui à faire des choses différentes qu’à faire les mêmes choses mais de manière plus fluide, plus légère. De ce point de vue, le jeu de Eric Hong est un chef d’œuvre.

Une partie de The Vale of Eternity, chez moi, avec deux autres auteurs de jeux, Hervé et Camille.

Le thème de cette vallée de l’éternité est très superficiel, pas vraiment original, mais il est traité avec une sympathique légèreté – on prend des créatures d’un peu toutes les mythologies, et on mélange tout. Je suis de plus en plus convaincu que, face aux fantasmes identitaires et aux tentations du repli sur soi, la seule démarche culturelle positive qui ait aujourd’hui du sens est cet universalisme désinvolte, qui enchevêtre tout sans rien prendre au sérieux. Quatre illustrateurs se sont partagé les cartes du jeu, Jiahui Gao dessinant les créatures de l’eau, Gautier Maia celles de la terre, Stefano Martinuz celles du feu et Erica Tormen celles de l’air. Ils ont tous fait quelques dragons, parce que c’est quand même trop classe de dessiner un dragon. Tous ont bien compris l’esprit du jeu, pas vraiment humoristique, mais pas vraiment sérieux non plus, et les très belles cartes contribuent aussi beaucoup à l’ambiance d’un voyage dans cette vallée de l’éternité.

Et une partie à Etourvy avec quelques pontes du milieu ludique.

Bien que les jeux soient mécaniquement et thématiquement très différents, Vale of Eternity m’a rappelé Cosmic Encounter, non dans sa version surdéveloppée actuelle mais tel que je l’avais découvert, il y a une quarantaine d’années. Dans les deux jeux, la combinaison de principes extrêmement simples, de règles peu nombreuses et d’interactions presque illimitées crée un effet « boîte à outils », donnant envie de bricoler, d’imaginer ses pouvoirs, ses cartes. Pour Cosmic, on pouvait fantasmer sur les races extra-terrestres, pour The Vale of Eternity, on peut faire appel aux innombrables créatures de tous les folklores et mythologies.

Les effets de la plupart des cartes n’ont pas de lien évident avec la nature des créatures représentées, mais cela encore facilite les bidouillages. Il était possible d’acheter des cartes vierges de Cosmic Encounter, sur lesquelles les joueurs pouvaient laisser libre cours à leur imagination. Aujourd’hui, avec les sleeves à dos opaque, ce n’est même plus nécessaire, et je me suis déjà amusé à bricoler une première petite extension d’une quinzaine de cartes, qui n’a été qu’assez peu testée jusqu’ici mais que je posterai sans doute sur ce site après quelques parties.

Si le succès de The Vale of Eternity se confirme, j’imagine que le jeu aura, comme Rencontre Cosmique, bien des extensions. La première, Artefacts, est déjà annoncée. Certaines n’apporteront seulement de nouvelles cartes, d’autres introduiront un ou deux mécanismes originaux, les possibilités semblent infinies, il faut juste prendre garde à ne pas trop compliquer les choses.

Et donc, après quelques tests, voici mes 24 nouvelles cartes pour Vale of Eternity. J’ai essayé de faire quelques trucs un peu nouveaux sans ajouter de règles ou de mécanismes au jeu. Il me semblait que le jeu favorisait un peu trop les stratégies construites autour dun “moteur” à point de victoire montant progressivement en puissance, au détriment des tactiques “coups d’un soir” s’efforçant de scorer un maximum à chaque tour, j’ai donc un peu plus insisté sur ce dernier aspect du jeu, avec plus de scoring immédiat et une proportion de dragons un peu plus forte que dans le jeu initial. Cela explique que je n’ai pas respecté la proportion de Dragons du jeu initial.



In the eighties, with my friend Pierre Cléquin, I discovered the fun of game design while tinkering with existing games, mostly designing poker variants and new aliens for Cosmic Encounter. Poker was not taken that seriously yet, which made easier to play crazy variants without being accused of heresy. The designers and publishers of Cosmic Encounter were even encouraging players to fiddle with their game, and even sold deck of blank cards. This was also made easier by the fact that we knew only a limited number of games, and therefore played them regularly and knew them intimately. I don’t know if our group was the only one. I don’t know if our gaming group was one of the few working that way, or if everyone was taking game rules so lightly, having no problem with changing the rules or adding to them, even in the middle of a game. In the mid-nineties, I designed with Pierre Rosenthal an alchemy-themed Magic the Gathering expansion which was deemed good enough by Wizards of the Coast to pay us so that they could recycle its ideas in future ofiicial expansions. The Magician, one of the many aliens Pierre and I had designed for Cosmic Encounter, made its way into the latest edition of the game.

These last thirty years, though, I had stopped tinkering with other designers’s games, though I kept encouraging people to do so with mine. Many of the new characters and districts cards in the Citadels big box come from the ideas of a game fan, Robin Corrèze, who could look at the game systems from a slightly different angle. Many of the new characters in the new edition of Mascarade were also suggested by friends and fans. When the game can easily support it, I encourage my publishers, if there are a few remaining spots on the printing card-sheets, to add a few blank cards. Unfortunately, I’ve rarely been successful.

One of the reasons why I now rarely tinker with other designers’ games is that the way I play games, and probably the way most gamers play games, has changed and become more scattered. We play as much, if not more, as before, but we don’t play the same game to death, we play many different games. We have more fun in discovery than in looking for hidden depth, which I sometimes find frustrating. Another reason might be that we tend to take games too seriously – it’s true of their settings, I’ve written many times about it, but it’s also true of their mechanisms, with which we don’t dare tinkering.

A game needs to be rich, intricate, open to expansions and development but at the same time simple enough  so that a few games allow you to grasp the logic behind it, the levers you can manipulate and the balance you should take care of. Most games, even the best ones, are either self-contained or too baroque.

The game which made me try again to design extra cards, and I invite you to do the same, is Eric Hong’s The Vale of Eternity. This drafting game in which players build step by step, card by card, comboes in order to score as many points as possible has nothing really new, neither in its theme or its mechanisms, but it generates a strong feeling of depth, variety and intricacy with few mecanisms, straightforward rules and an impressive fluidity. 

There has been so much innovation in game mechanisms these thirty last years that the real novelty now is not in making it different but in making it smoother, lighter. From this point of view, Eric Hong’s design is a masterpiece.

A game of The Vale of Eternity at y place in Paris, with two other game designers, Hervé and Camille.

The setting of The Vale of Eternity is extremely superficial and unoriginal, but it is dealt with a nice casualness – just take creatures from all folklores and mythologies and mix everything. I am everyday more convinced that, in a world which is prey to fantasies of identity and collective withdrawal, the only positive and meaningful cultural approach is this kind of casual universalism, which tangles everything and refuses to take anything seriously 

Four artists took charge of the illustrations. Jiahui Gao drew the water creaturesn Gautier Maia the earth ones, Stefano Martinuz the Fire ones and Erica Tormen the air ones. All four drew a few dragons each, because it’s so cool to draw dragons. All four artists got the spirit of the game really well, neither too serious nor too cartoony, and the gorgeous cards really create the mood for a trip in the Vale of Eternity. 

And a game in Etourvy with some big names of the French boardgaming world.

Even though both games are very different in their setting and mecanisms, The Vale of Eternity reminded me of Cosmic Encounter, may be not in its present overdevelopped version but as it was when I discovered it, forty years ago. Both games have straightforward systems and simple rules generating nearly unlimited interactions. This makes them the perfect tinkering toolboxes for who wants to design their own powers and cards. With Cosmic Encounter, one could fantasize various crazy deep space aliens, with The Vale of Eternity, one can use the inexhaustible bestiary of folklores and mythologies.

Most card effects in The Vale of Eternity don’t have obvious relations to the creature’s name, but this makes adding new ones even easier. It was possible to buy blank cards for Cosmic Encounter, we don’t even need that for The Vale of Eternity now that we can easily find opaque card sleeves. I’ve already designed my small 15 cards expansion, which I will probably post here after playtesting it a bit.

If The Vale of Eternity gets the success it deserves, there will probably be, like for Cosmic Encounter, many expansions. The first one, Artifacts, has already been announced. Some will only bring new cards, other ones will add one or two simple game elements. There seem to be infinite possibilities… designers must just be careful not to make things too complex.

After a few more playtests, here are the 24 new cards of my small fan expansion for Vale of Eternity. I tried to use a few unusual effects without adding any new rule or mechanisms.
I have a feeling that the game slightly favors “slow victory point engine building” strategies over successions of one shot big moves. I therefore tried to tweak the game a little bit in this last direction, with more “one night stand” scoring and more opportunities to disrupt opponent’s engines. This is why I have a slightly higher proportion of dragons than in the original game.

L’équilibre et l’ennui
Balance is boring

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Dans les années quatre-vingt, quand je n’étais qu’un jeune auteur de jeu débutant, mes modèles et inspirations étaient le groupe Future Pastimes, auteurs de Cosmic Encounter et de quelques autres jeux que je pratiquais à l’occasion, Dune, Quirks, Darkover… Je citais fréquemment une phrase de l’un d’entre eux, Peter Olotka. Quand on lui avait fait remarquer que les pouvoirs de Rencontre Cosmique n’étaient pas équilibrés, il avait répondu « Pourquoi le seraient-ils ? L’équilibre est ennuyeux, la vie est injuste ». Ce n’est que plus tard que j’ai réalisé que, si cette évidence provocatrice avait du vrai, ce n’était qu’une partie de la vérité. Si les pouvoirs de Cosmic Encounter n’ont pas besoin d’être équilibrés, c’est surtout parce que le jeu est doté par ailleurs de deux puissants mécanismes d’équilibrage automatique, la complexité, ou chaos, et  les alliances. D’autres existent également, et cet article essaiera de passer les principaux en revue.

Le premier mécanisme d’équilibre automatique, au cœur de Cosmic Encounter, est le chaos, que l’on peut en première analyse assimiler à la complexité, au sens d’enchevêtrement et d’interaction de nombreux systèmes. Pour dire les choses simplement, plus il y a d’éléments, de systèmes, de mécanismes, tous clairement déséquilibrés, plus la probabilité qu’un même joueur soit avantagé dans tous les systèmes est faible. Il est donc moins paradoxal qu’il n’y paraît de voir dans le chaos un facteur d’équilibre, et l’histoire a montré que les systèmes les plus simples, les plus propres et les mieux rangés n’étaient pas toujours les plus justes.  Les jeux de cartes à collectionner, et en tout premier lieu Magic the Gathering, sans doute le plus ouvert et celui qui a le plus délibérément accumulé mécanismes et éléments variés, font aussi du chaos un principe d’équilibre.

Tous les joueurs de Diplomacy s’accordent à reconnaître que la position initiale des puissances centrales – en particulier, je crois, l’Italie – est bien moins puissante que celle d’autres états comme, par exemple, la Russie. Qu’importe. Les joueurs le savent, en tiennent compte, s’allient plus facilement avec l’Italie, ou s’en méfient moins, et ce sont finalement les alliances, et non la position initiale sur la carte, qui créent l’équilibre du jeu. Il n’est d’ailleurs pas nécessaire que les alliances soient formalisées comme dans Diplomacy ou Cosmic Encounter pour qu’elles jouent ce rôle de rééquilibrage plus ou moins automatique. Dans tous les jeux à plus de deux joueurs avec un peu de baston, ou même simplement d’interaction, il est souvent possible de faire bloc contre celui qui est en tête afin de redonner des chances à tous – jusqu’à un certain point quand même, car il faut bien que la partie se termine. Même dans un jeu aussi pacifique, familial et politiquement correct que les Colons de Catan, on peut ne pas vouloir échanger ses marchandises avec un joueur qui a quelques points d’avance, ou amener plus volontiers ses routes vers chez lui pour le bloquer.

Les personnages de Citadelles ne sont pas plus équilibrés que les pouvoirs de Cosmic Encounter. Certes, beaucoup dépend de la situation, du moment dans la partie, des choix des autres joueurs mais, de manière générale, deux personnages, le Marchand et l’Architecte, sont quand même plus puissants. Non seulement cela ne gêne en rien le jeu, mais cela contribue sans doute un peu à sa dynamique. On est souvent tenté de les prendre, mais on sait qu’ils sont aussi plus souvent qu’à leur tour la cible du voleur et, surtout, de l’assassin. Dans un autre de mes jeux, Mascarade, qui devrait sortir au printemps prochain, le Roi gagne trois pièces d’or par tour, la Reine en gagne deux… mais, de ce fait même, la reine a toutes les chances de conserver son trône plus longtemps.

La construction de deck de cartes par les joueurs eux-mêmes, que ce soit dans les jeux à collectionner inspirés de Magic the Gathering ou dans les jeux de deckbuilding à la Dominion, ou même dans les jeux de draft comme Seven Wonders, est aussi un mécanisme intéressant. Il ne crée pas nécessairement des jeux plus équilibrés que ceux, préconstruits, de Smash Up ou Summoner Wars, mais, en reportant la responsabilité du déséquilibre éventuel sur les joueurs eux-mêmes, il rend le jeu plus riche et plus intéressant tout en simplifiant grandement le travail de l’auteur. Il ne dispense cependant pas de la nécessité d’équilibrer à peu près les cartes, pour éviter que certaines ne soient jamais utilisées et que d’autres le soient trop fréquemment – à moins bien sûr de recourir à des enchères, ce qui permet là encore de laisser les joueurs s’en occuper.

Stabilisateur automatique

Les physiciens distinguent deux types d’équilibre, l’équilibre stable des volumes qui reviennent dans leur position initiale quand on les bouscule un peu, et l’équilibre instable de ceux qui s’écroulent dès qu’on les touche. L’équilibre d’un jeu doit être suffisamment stable pour que l’avantage pris par un joueur en début de partie n’apparaisse pas vite irrattrapable – le Monopoly est le type même du jeu qui se déséquilibre peu à peu car “rich gets richer”. Pour éviter cela, l’auteur peut utiliser des petits “stabilisateurs gyroscopiques”, des mécanismes qui détectent les déséquilibres en formation et tendent à les atténuer. Le plus classique est, comme je l’ai par exemple fait dans Lost Temple, de permettre au joueur le plus mal placé, le plus pauvre, le plus en retard, de jouer en premier. Le voleur de Catan, toujours utilisé pour gêner le joueur en tête, a la même fonction. La “choam charity” dans Dune, le petit frère de Cosmic Encounter, en est un autre. Tout comme certains systèmes rééquilibrent les positions des joueurs, d’autres rééquilibrent le coût des éléments de jeu, comme la règle qui, dans SmallWorld, fait baisser le prix des races qui ne sont pas achetées par les joueurs. L’équilibre doit quand même être suffisamment instable pour que les choix des joueurs aient un sens, et parfois pour que  la partie se termine. C’est le petit reproche que je ferai à Tokaido, de mon ami Antoine Bauza – il en a fait trop, et ce jeu est trop stable, trop équilibré pour moi.

Un jeu équilibré n’est pas nécessairement ennuyeux pour les joueurs, et les jeux de stratégie, en particulier, qu’ils soient ou non symétriques, doivent être équilibrés, c’est à dire donner des chances de victoire à peu près équivalentes aux adversaires, pour que ces derniers y prennent vraiment intérêt. C’est en fait surtout pour l’auteur de jeu, et pour ses amis testeurs, que l’équilibre est véritablement ennuyeux, au sens de pénible, car il demande énormément de travail, de réglages subtils, de parties répétées, même quand on aurait envie de passer à autre chose. C’est en rédigeant récemment mon article sur les jeux de faction que j’ai pris conscience de cet aspect. J’aime jouer à un jeu comme Summoner Wars, mais je ne m’imagine pas le concevoir, équilibrer avec soin toutes les factions, vérifier qu’aucune n’est automatiquement gagnante face à une autre, ajouter un point d’invocation ici, enlever un point de force là, et sans cesse tester de nouvelles configurations. Il est tellement plus facile et plus élégant de laisser les mécanismes du jeu équilibrer eux même tout cela.


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 In the eighties, when I was a young wannabe game designer, my models and inspirations were the Future Pastimes team, authors of Cosmic Encounter and of several other games I often played, such as Dune, Darkover or Quirks. I often quoted one of them, Peter Olotka, who, when asked why the alien powers in Cosmic Encounter were so unbalanced, answered “why should they? Balance is boring, life is unfair.” Only years later did I realize that, while this elegant and provocative statement was far from wrong, it was only part of the truth. If alien powers in Cosmic Encounter do not need to be balanced, it’s mostly because the game balance relies on two powerful “gyroscopic” self balancing systems, chaotic complexity and alliances. There are others, and I’ll try to discuss the main ones in this article.

The first of this mechanism is why Cosmic Encounter is best known among games : chaos. Chaos is complexity, but complexity created not by depth but by the interweaving and interaction of numerous more or less autonomous systems. To put it simply, the more unbalanced elements, systems and mechanisms there are in a game, the less likely it is that all of them will favor the same player. It can sound paradoxical to state that chaos is an equilibrium factor, but it is. History has shown that the simplest, cleanest and best ordered systems were usually not the fairest ones. Most collectible card games use chaos as a balancing tool, and specifically the first, most open and most varied of them, Magic the Gathering.

Diplomacy players all admit that the starting positions of the central powers – and most of all, if I remember well, that of Italy – is much weaker than that of peripheral states such as Russia. Never mind. Players know about it, take it in account when playing, are more likely to ally with Italy, or are less wary of her. In the end, the balance is generated not by the initial set up but by the alliances and dynamics of the game. Formal alliances and support like in Diplomacy or Cosmic Encounter are even not necessary, and this self-balancing effect can also work informally. In all games for more than two players with some fighting, or even just some player interaction, it is often possible to bash the perceived leader – up to a certain limit at least, because every game must come to an end at some point. Even in a peaceful, family fare and politically correct game like Settlers of Catan, all other players often spontaneously agree not to trade with the leading one, and are more likely to build their roads near his in an attempt to block his development.

The characters in Citadels are not more balanced than the aliens in Cosmic Encounter. Much depends on the moment in the game, and on the game situation, but two characters, the Merchant and the Architect, are usually more powerful. It doesn’t hinder the game, it even adds to its dynamic. One often wants to choose the Merchant or Architect, but one also knows that they are more often targeted by the Thief and the Assassin. In my upcoming card game Masquerade, the King gets 3 gold every round, while the Queen gets only 2… but that’s also why the Queen usually stays (or is it sits?) longer on the throne.

In collectable card games such as Magic the Gathering, in deckbuilding card games like Dominion, and even in drafting games like Seven Wonders, players build their deck or their hand of cards by themselves. It doesn’t necessarily make the games more balanced than the preconstructed ones of, say Smash Up or Summoner Wars. It makes the players themselves answerable for the game’s balance, which adds to the game’s depth and makes the designer’s job much easier. On the other hand, cards still have to be kept more or less balanced in strength and cost, or the same ones will always be selected by the players. Of course, the designer can this time rely on auctions, a very simple way to have the game and the players take care of costs balance.

Automatic Stabilizer

Gyroscopic Stabilizer

There are two kinds of equilibrium in physics, stable and unstable. A stable equilibrium moves back to its original position when it is pushed a bit, while an unstable one immediately crumbles. A game’s balance must be stable enough so that a player cannot take the lead at once and be unreachable. The reason why Monopoly is a bad game is its unstable balance, due to the “rich gets richer” mechanism, which makes for a very unstable balance. This can be prevented by implementing “gyroscopic stabilizers”, systems which automatically detect the disequelebriums and alleviate them. The most usual one is to allow the poorest, last in the race or otherwise losing player to play first, or chose his card first, like I did in Lost Temple. The thief in Settlers of Catan, invariably used to neutralize the leader’s cities, does the same. Choam Charity in Cosmic Encounter younger brother, Dune. While these systems  restore some balance between the players’ assets and positions, others restore balance between the costs of the various game elements, like  in Small World, when a race that is not bought by players becomes cheaper. Balance must however be unstable enough to make the players’ choices challenging, and to bring the game to an end. A good example of a clever game that might be a bit too well stabilized – at least for me – is Antoine Bauza’s Tokaido.

Balance is not necessarily boring for the players. Two players strategy games, no matter whether symmetrical or not, need to be well balanced, meaning to give both players almost the same odds of winning, to be really challenging. Balance is mostly boring, tiring and time consuming for the game designer, because it needs lots of work, fine tuning and testing, when the designer would often prefer to start something new. I realized this a few weeks ago, when writing my article about faction games. I’ve played a few games of Summoner Wars, and enjoyed them a lot, but I can’t imagine myself designing something like this, balancing all the factions, adding one strength point here, removing one cost point there, and testing all the possible combinations. It’s so much easier, and it feels so much satisfying, to have the game balance everything by itself.