La Mémoire
Memory

Ce n’est qu’après coup que j’ai réalisé que mes quatre derniers jeux publiés, Small Détectives, Junggle, Chawai et Dragons, ainsi que plusieurs des projets sur lesquels je travaille en ce moment, avaient en commun de faire appel à la mémoire des joueurs. Elle joue un rôle essentiel dans Small Detectives, secondaire dans Dragons et mineur dans Chawaii, et elle est au cœur de celui des petits jeux de Junggle que je préfère, Perdu dans la Jungle. Il doit bien y avoir une raison.

Drame familial

Je ne suis pas vraiment un soutien fidèle de ce qu’il est convenu d’appeler les « valeurs familiales », mais j’apprécie de plus en plus les « jeux familiaux ». Cette expression, trompeuse car très restrictive, désigne en fait tout simplement des jeux pouvant être joués sans trop se prendre la tête entre personnes d’âge et de style différents, ce qui heureusement n’arrive pas que dans les familles. Les anglo-saxons parlent aussi de “casual games”, ce qui me semble plus adapté. Quoi qu’il en soit, c’est dans ces jeux que la mémoire trouve le plus facilement sa place, pour deux raisons principales.

Les jeux de pur hasard sont vite ennuyeux, car un jeu ne devient vraiment excitant que lorsque le joueur y exerce un certain contrôle, et a l’impression qu’il peut être récompensé s’il joue bien. Le problème est que, pour des raisons tant biologiques que culturelles, les adultes sont toujours plus forts que les enfants aux jeux faisant largement appel au sens tactique, au calcul stratégique, et même à l’adresse. La mémoire à court terme, celle qui est requise dans les jeux, est l’une des rares compétences pour laquelle les plus jeunes sont à égalité avec les adultes, voire même un peu avantagés. Cela permet à tout le monde de jouer vraiment, c’est à dire de chercher à gagner.

Quelques très bons vrais jeux de mémoire, dont un qui n’est pas vraiment familial

La mémoire est par ailleurs plutôt moins valorisée dans le monde moderne, ou du moins moins prise au sérieux, que d’autres capacités intellectuelles plus construites. Les joueurs qui considèrent comme supérieurs les jeux purement stratégiques, sans hasard, ont souvent du jeu une conception assez sinistre, résumée par la formule « que le meilleur gagne! ». Le jeu s’y résume à une compétition destinée à déterminer le plus intelligent, donc le meilleur, comme si l’intelligence empêchait d’être con. Rien de tel avec les jeux de mémoire, celui qui a la meilleure mémoire immédiate étant plutôt vu comme une curiosité que comme un être supérieur. Une partie de Memory n’a jamais la dimension dramatique d’une partie d’échecs.

Un peu de tout, et plus, c’est moins

Avec les toutes premières ébauches de Small Detectives, j’avais imprimé des fiches pour noter les armes et suspects que l’on avait vu. Les mémoriser s’est avéré si facile que nous y avons très vite renoncé. Là où la mémorisation entre réellement en jeu, c’est quand il faut se rappeler ce qui était ou, et suivre les mouvements des tuiles lorsque sont jouées des cartes déménagement. L’un des charmes de ce jeu est donc que, les tuiles bougeant fréquemment, la mémorisation demande une gymnastique intellectuelle un peu différente de celle du memory classique. En outre, les déplacements et le jeu simultané des cartes apportent au jeu une dimension de tactique et de psychologie permettant aux joueurs qui ont du mal à suivre, surtout s’ils ont un peu de chance au bar, de revenir dans la course. Il y a sans doute dans Small Détectives un peu de mémoire, un peu de chance, un peu de tactique et un peu de psychologie.

 

Il n’y a pas un peu plus de choses à mémoriser dans Dragons, il y en a beaucoup plus, ce qui est un peu comme s’il y en avait moins. Avec plusieurs piles de cartes, et plusieurs objets sur chaque carte, il est absolument impossible de tout mémoriser, et cela est délibéré. Du coup, la vraie question est combien de trucs va-t-on essayer de mémoriser, ce qui relève de la prise de risque, et lesquels, ce qui relève de la tactique. C’est pourquoi je suis un peu énervé de lire, dans certaines critiques, que Dragons est un jeu de mémoire, alors que c’est surtout un jeu de prise de risque basé sur des décisions simples et rapides, un peu de la famille de Diamant.
Lorsque j’ai présenté Dragons à des éditeurs, l’un d’eux m’a proposé que les cartes des différentes piles soient toutes laissées visibles, expliquant que cela allégerait le jeu en dispensant les joueurs de faire des efforts de mémoire. C’est très exactement l’inverse qui se produit, le jeu cartes visibles devant vite prise de tête, les joueurs ne cessant de calculer ce que leur rapporterait précisément telle ou telle pile de trésors.

En matière de mémoire, plus est donc parfois moins. Lorsque les informations pouvant être mémorisées deviennent trop nombreuses, on doit choisir, et on commence à se tromper, ce qui est toujours amusant. Du coup, le jeu est paradoxalement plus léger et plus facile que si toutes les informations étaient visibles ou s’il y avait moins de choses à mémoriser.
Il en va parfois un peu de même dans les jeux stratégiques à information parfaite. Lorsque les éléments à prendre en compte deviennent trop nombreux, il devient à peu près impossible de tout calculer, et les joueurs doivent faire des choix et prendre des risques. Malheureusement, certains joueurs un peu pénibles peuvent prendre le temps de calculer plus que les autres, ralentissant le jeu, allant même parfois jusqu’à la terrible analysis paralysis. Les jeux de mémoire n’ont heureusement pas ce problème, car on ne souvient pas mieux en cherchant plus longtemps.

Dans Chawai non plus, il ne saurait être question de retenir toutes les cartes jouées. Tout au plus peut-on essayer de se rappeler qui a utilisé son 1 ou son 12, et ce n’est même souvent pas nécessaire pour gagner. Là encore, si les cartes jouées par chacun étaient visibles, si toute l’information était disponible, le jeu deviendrait bien plus complexe et calculatoire.

Celui des cinq petits jeu de Junggle que je joue le plus souvent est « Perdu dans la Jungle », qui est en fait une combinaison de Memory et de prise de risque.

 

Et avant ?

Quand je jette un coup d’œil aux étagères qui encerclent mon bureau, je n’y vois pas beaucoup de jeux plus anciens faisant vraiment appel à la mémoire. Waka Tanka (l’un de mes préférés), Ostriches, Bugs & Co, Fearz!, De l’Orc pour les Braves, et dans une moindre mesure Mascarade et Secrets, et c’est à peu près tout. C’est donc récemment et inconsciemment que je me suis mis à utiliser plus souvent cet ingrédient dans mes recettes. C’est peut-être parce que je cherche de plus en plus à alléger mes créations, à les rendre moins stratégiques sans qu’elles ne deviennent trop aléatoires, et qu’une pincée de mémoire peut grandement aider à cela.


It’s only after they were released that I’ve realised that my four last published games, Small Détectives, Junggle, Miaui and Dragons, as well as some of tue projects I’m working on at the moment, all more or less relied on the players’ memory. Memory is essential in Small Detectives, has a secondary role in Dragons, a minor one in Chawai, and is the core element of my favorite in the five Jungle mini games, Lost in the Jungle. There must be a reason.

Family drama

Though I’m not really a supporter of « family values », I’m more and more enjoying, and trying to design, what is often called « family boardgames ». I don’t like this very restrictive expression. I’d rather use « casual games » to describe games that can be played by people of different ages and styles, which luckily happens not only in families. Memory can be very useful and enjoyable in these casual games, for two reasons.

Random games, based entirely on luck, can be boring because what makes a game exciting is the players’ control, the feeling that one’s good play is likely to be rewarded. Unfortunately, for both biological and cultural reasons, adults are usually much better than kids at games relying heavily on skills like tactics, strategy or even dexterity. On the other hand, the short term memory used in games is probably the only skill at which kids are as good, if not better, than adults. This makes for a level playing field, and therefore for really fun and challenging games for the whole, well, ok, family.


A few good memory games, including one which is not really for families

In the modern world, memory is also less valued, or at least taken less seriously, than other intellectual abilities. Those who always praise deep strategy games and consider them intrinsically superior often have a sad understanding of gaming – let the best man win, as if the goal of a game ought to be to determine who’s the best, and as if winning at games was a mark of intellectual superiority. Well, one can be both intelligent and stupid.
There’s nothing like this with memory games, because those who are good at short term memory are more considered funny and curious than really superior. There’s as much skill in game of memory as in a game of chess, but there’s much less drama.

A bit of everything, and more is less

The first prototypes of Small Detectives had pads to cross out the suspects and weapons that a player had viewed. It was soon obvious that memorising them was easy, even automatic, and that notepads were not required. The real memory element in Small Detective enters play when house tiles start to move around the board. The charm of this game probably comes in part from the fact that, site tiles are always moving, the memorisation required is not exactly the same as in classical static memory. Also, the simultaneous card play and the detectives’ moves around the board make for psychological and tactical elements which balance the memory aspect and give to the players who feel lost some opportunities to come back – especially if they’re lucky listening to the rumours at the pub. Small Detectives is part memory, part luck, part tactics and part double-guessing.

 

There is much, much more to memorise in Dragons, so much more that it’s a bit as if there were less. With several piles of cards, and different numbers and kinds of objects on every card, memorising everything is impossible, which is deliberate. The true question when playing Dragons is how much one tries to memorize, with the risk or mixing everything, and what one tries to memorize, which is a tactical choice. That’s why I’m a bit angry at some reviewers who write that Dragons is mostly a memory game, when it is mostly a risk taking and push your luck game based on simple decisions, a bit like Diamant / Incan Gold.
One of the publishers to which I had shown Dragons decided, after reading the rules but before he had even played the game once, to have all cards in piles stay visible. He thought that getting rid of the memory part will make the game feel lighter. The result was the exact reverse, the game with all cards in the iles face up becoming extremely technical and brain burning, with players always counting and recounting how much they would score with this or that pile will.

When it comes to memory, more often means less. when there are many things to memorize, players have to choose what to memorize, and start to make mistakes, which is always fun. The game becomes paradoxically lighter and easier than if every information was open, or if there were less stuff to memorize.
The same can happen with perfect information strategy games. When there are too many elements to reckon, it becomes impossible and players must chose on what to focus, and take risks. Unfortunately, there’s always one or two players who chose to take more time than the other, to reckon more elements, which slows the game and can lead to the terrible analysis paralysis. There’s nothing like this with memory game, one doesn’t remember best when focusing longer on it.

It’s not possible either to memorize every card played in Miaui, though one can try to remember who has played their 1 or 12. Anyway, it’s not even necessary to win the game. Chawai would also feel much heavier and more involved if all the information were public, if all he cards played by all players were kept visible.

Dans Chawai non plus, il ne saurait être question de tout mémoriser. tout au plus peut-on essayer de se rappeler qui a joué son 1 ou son 12, et ce n’est même souvent pas nécessaire pour gagner. Là encore, si les cartes jouées par chacun étaient visibles, si toute l’information était disponible, le jeu deviendrait bien plus complexe et calculatoire.

There are five ini games in the Junggle box, and only one is a memory game, but it’s the one I play most often and I always use to introduce the game. Lost in the Jungle isa very simple mix of Memory and risk taking, and it works really well.

 

Why now ?

When I look at all my published games on the shelves behind my desk, I don’t see that many older games using a strong memory element – Waka Tanka (a personal favorite), Ostriches, Bugs & Co, Fearz!, to a much lesser extent Mascarade and Secrets, and little more. It looks like I started to make a more systematic use of memory elements only in he recent years. This is probably because I try to make my designs lighter, more casual, without relying too much on luck. Memory is a one of the good ways to do this.

L’autre Bruno
The Other Bruno

L’autre Bruno, Bruno Cathala, vient de recevoir le plus prestigieux des prix ludiques, et le seul sans doute qui ait un impact mesurable sur les ventes, le Spiel des Jahres, pour son jeu Kingdomino, édité par Blue Orange. Bruno est un auteur talentueux avec qui j’ai beaucoup travaillé, que j’ai aidé et qui m’a aidé. Cela m’a donc semblé une bonne occasion de faire un petit article sur lui, ses créations et nos collaborations. J’aurais pu l’interviewer comme je l’ai fait souvent ces derniers temps avec les illustrateurs, mais j’imagine qu’il a déjà une douzaine de demandes d’entretiens. J’ai donc décidé non pas de faire les questions et les réponses mais de raconter ses jeux par le petit bout de ma lorgnette.

Jamaica avec, entre autres, Serge Laget et Christian Martinez.

J’ai connu Bruno Cathala au début des années 2000. Le monde et le marché du jeu de société n’étaient pas encore ce qu’ils sont devenus aujourd’hui, mais j’y étais déjà un peu connu et recevais déjà, de temps en temps des emails de jeunes auteurs cherchant à avoir un avis sur leurs créations ou se demandant comment contacter les quelques éditeurs. Bruno avait conçu deux jeux de cartes. Du premier, je ne me souviens que du thème, des vers dans des pommes. C’est le second, Sans Foi ni Loi, qui me plut vraiment et que je décidai de montrer à l’équipe de Jeux Descartes, qui venait de publier quelques un des mes jeux. Il faut dire que, de toutes les créations de Bruno Cathala, cela reste celle qui ressemble le plus à un jeu de Bruno Faidutti.


Bruno Cathala présente Guerre & Beeh

Le contact se fit fort bien, Bruno signa pour son jeu de cow-boys, et conçut dans la foulée pour le même éditeur une série de petits jeux à deux joueurs qui furent les premiers parus, Drake & Drake, Tony & Tino et Guerre & Beeh, ce dernier étant mon préféré.


Sébastien Pauchon et Bruno Cathala jouent à l’une des premières versions de Senji

Quelques années plus tard, Bruno qui était ingénieur dans l’industrie perdait son emploi et décidait de se consacrer à plein temps à la création ludique. S’il avait établi des relations solides et amicales avec les éditeurs français, et en particulier Days of Wonder, il n’avait pas encore de grand succès. C’était donc un pari très risqué, qui lui valut quelques années de vaches maigres avant de rencontrer le succès grace à Mr Jack, Les Chevaliers de la Table Ronde, puis surtout Five Tribes et de pouvoir vivre à peu près correctement de ses droits d’auteur.


Bruno Cathala et Antoine Bauza, un peu fatigués après une longue journée de travail.

Il reste que Bruno, s’il sait prendre des risques, est quelqu’un d’anxieux, et même parfois d’un peu anxiogène. Il y a quelques mois encore, il me disait encore s’inquiéter de ne pas avoir, comme moi avec Citadelles, de jeu dont il soit sûr qu’il sera encore là dans dix ans. Je lui avais répondu que Kingdomino, simple et élégant, pourrait bien être le « classique » qui manquait à sa ludographie. Il semble que le jury du Spiel des Jahres partage mon opinion.


Le prototype de Five Tribes

C’est d’autant plus remarquable que Kingdomino n’est pas seulement un excellent jeu, c’est aussi un jeu typiquement cathalesque. Les règles en sont simples mais laissent la place à bien des subtilités dans le choix et le placement des dominos, qui relève de la tactique, de la stratégie et parfois de la prise de risque. Le hasard, présent dans les dominos disponibles à chaque tour, est fortement contrebalancé par un astucieux système d’ordre du tour. Les dominos dessinent en outre des plateaux quadrillés, très abstraits, comme dans la plupart des jeux de Bruno, qui semble ne pas apprécier les hexagones (peut-être parce qu’il est le seul auteur de jeu à utiliser Powerpoint pour dessiner ses prototypes). Kingdomino est un jeu très tactique, un peu calculatoire, mais chacun construit son domaine dans son coin, et ce n’est donc pas un jeu méchant. Si j’avais fait ce jeu, j’aurais ajouté des catapultes pour détruire les maisons, des saboteurs pour inonder les plaines adverses et mettre le feu aux forêts, et du coup je n’aurais pas eu le Spiel.

Le succès de Kingdomino a poussé Bruno à concevoir une version plus sophistiquée et plus stratégique, de son jeu. Queendomino, le Kingdomino advanced, devrait paraître dans les mois qui viennent.


Bruno Cathala et Serge Laget

Bruno et moi avons des styles très différents. Mes jeux sont en général plus chaotiques, plus interactifs, les siens plus tactiques, plus équilibrés, plus proches de ce qu’il est convenu d’appeler l’école allemande.


Un prototype mystérieux avec Yoann Levet

Nous avons cependant en commun d’apprécier le travail à plusieurs, et surtout d’apprécier travailler en duo, et le plus souvent des auteurs au style bien différent du nôtre. Tout comme moi, Bruno a donc collaboré avec de nombreux autres auteurs de jeux, vieux de la vieille ou petits jeunes. Il a fait entre autres Les Chevaliers de la Table Ronde et Senji avec Serge Laget, Cyclades, Mr Jack et Dice Town avec Ludovic Maublanc, Le Petit Prince et Seven Wonders Duel avec Antoine Bauza, Abyss et Kanagawa avec Charles Chevalier, Yamataï avec Marc Paquien, Histrio avec Christian Martinez, Manchots Barjots avec Matthieu Lanvin, et je pourrais continuer la liste.


Bruno joue à l’un des premiers prototypes de Takenoko avec Antoine Bauza. Un éditeur passe…

Je me permettrai d’être plus exhaustif sur les jeux que nous avons commis ensemble. Les plus connus sont sans doute Mission: Planète Rouge, qui est surtout un jeu de Bruno Faidutti, et Raptor, qui est surtout un jeu de Bruno Cathala, mais il y a aussi Le Collier de la Reine, La Fièvre de l’Or, Tomahawk, et ceux dont vous n’avez jamais entendu parler, Chicago Poker, Iglu Iglu, Ostriches et Piraci.

Je vois moins Bruno depuis que je suis redevenu parisien, et nous n’avons pas de projet commun en cours, mais il reste un habitué, chaque printemps, de mes rencontres ludopathiques, dont il n’a raté à ce jour – c’est lui qui me l’a assuré – qu’une seule édition, celle de 2017. Du coup, je sais où aller chercher des photos pour illustrer cet article.


Raptor


The other Bruno, Bruno Cathala, has just been awarded the most prestigious of all board game awards, and the only one with a measurable impact on sales. The German Spiel des Jahres goes to Kingdomino, published by Blue Orange. Bruno is a talented and friendly designer with whom I really enjoy working. This sounded like a good opportunity to write a short blogpost about him, his games, and our collaboration. Interviewing him, like I usually do with illustrators, would certainly have been a bad idea when he probably already has a dozen requests for interviews here and there. That’s why I’ve rather decided to tell his story from my point of view.


Shadows over Camelot prototype

I first heard of Bruno Cathala around the year 2000. The board gaming world and market was much smaller than it has become since, but I was already one of its minor celebrities and used to receive emails from young wannabe designers asking for an advice about their designs or for ways to contact the few publishers. Bruno had designed two card games. Of the first one, I only remember the theme, worms eating apples. The second was a wild west themed card game which I liked it enough to show it to Jeux Descartes, who had just published three small card games of mine. No wonder I liked it, it’s probably the Bruno Cathala game which feels most like a Bruno Faidutti game.
It went very well. Bruno signed for his cow boy card game, Lawless, and almost at once for three small two player boardgames, Drake & Drake, Tony & Tino and War & Sheep – the latter being a personal favorite.


Playtesting Atlas & Zeus with Oriol Comas

A few years later, Bruno, who worked as an industrial engineer, lost his job and decided to design games full-time. Though he already had solid and friendly relations with some French publishers, especially Days of Wonder, he had no real hit under his belt yet, and it was risky move. He had a few lean years before he could live correctly off his royalties, thanks to Mr Jack, then Shadows over Camelot, and most of all Five Tribes.


Playtesting Noah

Bruno can take risks, but he is an anxious guy, sometimes even an anxiogenic one. I remember him a few months ago telling me he was worried not to have a regular seller like my Citadels, a game which had good odds to be still there ten years from now. I had answered him that Kingdomino, a game simple, elegant and deep, could well be the « classic » missing from his ludography. It looks like the Spiel des Jahres jury agrees with me.


Dice Town‘s prototype

What makes it even more of an achievement is that Kingdomino is not only a great game, it’s the archetypal Cathala game. It has simple rules, but some tactical and strategic depth in choosing and placing one of the available dominoes. The luck of the draw of the available tiles is balanced by a clever turn order system. Tiles create near abstract square-patterned domains, like in many of Bruno’s games, since he is very reluctant to use hexagons (may be because he draws his prototypes using Powerpoint). Kingdomino is tactical and computational, but every player computes in his own small kingdom, with no mean and direct interaction. If I had designed this game, it would have had catapults to destroy houses and saboteurs to flood plains and set fire to forests, and I would not have gotten the Spiel.

After Kingdomino‘s success, Bruno has designed a more sophisticated and strategic variant. Queendomino, the advanced Kingdomino, will be published in the coming months.


Bruno Cathala & Gwenaël Bouquin

Bruno and I have different styles. My games are more chaotic and mean, his are more tactical, balanced, more in the « german school » of game design. We have however, one important thing in common, we like teamwork, and especially we enjoy four-handed design with designers having a style different from our own.


Ludovic Maublanc tries very hard to look serious.

Like me, Bruno has collaborated with many other game designers, seasoned old timers like young wannabe enthusiasts. He designed, among many others, Shadows over Camelot and Senji with Serge Laget, Cyclades, Mr Jack and Dice Town with Ludovic Maublanc, The Little Prince and Seven Wonders Duel with Antoine Bauza, Abyss and Kanagawa with Charles Chevalier, Yamataï with Marc Paquien, Histrio with Christian Martinez, Zany Penguins with Matthieu Lanvin, etc.


An early prototype of Yamatai. Yes, there are camels and palm trees, the action takes place in ancient Egypt.

Let me be more exhaustive about what we’ve done together. The best known of our common designs are probably Mission: Red Planet, which is more a Faidutti game, and Raptor, which is more a Cathala one, but there are several other ones, Queen’s Necklace, Boomtown, Tomahawk and those you’ve probably never heard about, Iglu Iglu, Chicago Poker, Ostriches and Piraci.

Since I’m back in Paris, I don’t see Bruno as often as I used to when I lived in the South of France, but he still regularly attends my ludopathic gathering every spring. He missed it this year for the first time, or so he says. This means I know where to look for pictures to illustrate this blogpost.

Ostriches

Quand on a la tête dans le sable, on ne voit plus très bien ce qu’il se passe autour. C’est pour cette raison que Bruno Cathala et moi avons appelé “les Autruches” ce petit jeu de stratégie et de mémoire pour deux joueurs.

Les Autruches, c’est donc un tout petit jeu abstrait pour deux joueurs. Le but du jeu est de faire parvenir vos autruches de l’autre côté du plateau de jeu, mais avec un plateau de jeu qui tourne, on finit par ne plus très bien savoir à qui appartient quelle autruche…

Ce jeu est publié par Nestor Games, un petit éditeur espagnol qui imprime “à la demande” et s’est spécialisé dans ces petits jeux malins au matériel relativement modeste. Il n’est donc pas vendu en boutique et doit être commandé sur le site de l’éditeur.

Ostriches
Un jeu de Bruno Cathala & Bruno Faidutti
Illustré par Mireia Muntes
2 joueurs –
5 minutes
Publié par NestorGames (2010)
Tric Trac    Boardgamegeek


 It’s hard to keep track of all that’s happening around when your head is buried in the sand. That’s the reason why Bruno Cathala and I have named this small strategy and memory game “Ostriches”.

Ostriches is a light two player abstract game. The goal of the game is to bring your ostriches to the other side of the board. It’s not that easy when parts of the board keep turning around and you have troubles keeping track of which ostriches are yours and which are not.

Ostriches is published by Nestor Games, a small Spanish publisher who prints games on demand and is specialized in light, cute and clever game with few components. It is therefore not sold in stores, and must be ordered directly from the publisher’s website.

Ostriches
A game by Bruno Cathala & Bruno Faidutti
Art by Mireia Muntes
2 players –
5 minutes
Published by NestorGames (2010)
Boardgamegeek

Minimalisme
Minimalism

À l’heure où l’occident en général, et la vieille Europe en particulier, semblent prendre une leçon de modestie depuis longtemps méritée, les auteurs de jeux sont en première ligne. Il me semble en effet deviner comme une tendance au minimalisme, non seulement dans la taille des boites, et dans leur prix, mais aussi dans la nature des mécanismes sinon des jeux publiés, du moins de ceux auxquels je m’intéresse.

De mes nombreuses sorties de ces derniers mois, le jeu qui se vend le mieux est Le Roi des Nains, un jeu que j’ai voulu drôle et varié, mais nullement ambitieux. Si les Loups Garous font figure de précurseurs, on voit aujourd’hui sortir bien des jeux qui développent stratégie ou bluff à partir d’un matériel et de règles réduits à leur plus simple expression. Sept cartes dans Blue Lion, le même nombre dans Copié Collé. Rumble in the House, même s’il a un peu plus de matériel, est aussi une superbe réussite de jeu de société avec, en tout et pour tout, deux règles. Je travaille actuellement sur un prototype constitué de dix cartes et quelques jetons.

Dans le jeu de société aussi, le temps du bling bling est peut-être terminé. Question de chômage et de pouvoir d’achat, peut-être, question d’air du temps, surtout. Le fond de l’air est maigre, et vert pâle.


The Western World, and specifically the old Europe, is now receiving a well deserved lesson in modesty. Game designers may have been among the first to feel it. There seem to be strong trend towards minimalism in box size, in price, but also in mechanisms, if not in the games published, at least in the games I’m interested in.

The Dwarf King is the best selling of my many recently published games; I wanted it to be fun and varied, but certainly not ambitious. The werewolves were precursors, but there are now very different games developing bluff or strategy with minimal components and minimal rulesets. There are just seven cards in Blue Lion, as in Copié Collé. There are some more components in Rumble in the House, but it’s still a great boardgame with just two rules. The prototype I’m working on at the moment has just ten cards and scoring tokens.

Bling Bling time is over. It might have something to do with unemployment and purchasing power, but it’s more deeply just the spirit of the day. In the 60s, we used to say in French that “le fond de l’air est rouge” – it’s rather red out. Now, it’s rather lean out, and pale green.