J’ai toujours eu une certaine fascination pour les jeux minimalistes, ceux qui parviennent à créer une forte tension avec peu de règles et peu de matériel. C’est de cet intérêt que sont nés des jeux comme Attila, devenu Licornes, mais aussi Babylone / Soluna, Maracas, et plus récemment de petits jeux de cartes comme 6 Suspects. Et, bien sûr, puisque c’est leur spécialité, j’ai régulièrement essayé de placer plusieurs de ces jeux chez Oink Games, l’éditeur japonais des excellents Deep Sea Adventure ou A Fake Artist Goes to New York. Si le premier jeu que j’ai placé chez Oink, Whale to Look, n’était pas tellement minimaliste, le second, Wriggle Roulette, l’est clairement.
Curieusement, alors que j’ai fait des études plutôt littéraires, les enseignements scolaires dont je me souviens le mieux, et dont je garde le meilleur souvenir, sont ceux de mathématiques. Dans les années soixante-dix, les programmes de maths de première et de terminale faisaient une très large place aux problèmes de probabilité et de dénombrement. Très souvent, ces problèmes très abstraits supposaient que l’on pioche dans un sac contenant des billes blanches et noires. Et, donc, me suis-je dit, pourquoi ne pas faire un jeu entièrement construit sur cette idée, un sac duquel les joueurs, à tour de rôle, piochent des billes qui ont une certaine probabilité d’être blanches ou noires, probabilité modifiée à la marge par chaque bille déjà tirée.
Playing the prototype with the Oink team at the Taiwan Boardgame expo.
Mon premier prototype, dont le titre hésitait entre Back to Black et Into the Black, était donc constitué d’un sac contenant des pions blancs et noirs – des pions, parce que les billes, ça a tendance à rouler sur la table. À chaque tour, le sac faisait un tour de la table et chacun des joueurs à son tour piochait, sans les regarder, un certain nombre de billes, ou décidait de ne rien piocher et de s’arrêter là. Bien sûr, c’était un jeu de prise de risque, le but du jeu étant de s’arrêter juste avant qu’un certain nombre de billes noires n’aient été piochées. Des probabilités, donc, mais aussi un peu de pari sur ce que font les autres joueurs.
J’ai apporté ce premier prototype à la Taiwan Boardgame Expo, à l’automne 2024, et y ai fait jouer une partie de l’équipe d’Oink. Ils ont suffisamment apprécié pour que nous y rejouions un mois plus tard en Allemagne, à Essen, avec le reste de l’équipe. Il y avait cependant encore un petit problème avec le décompte des points, un peu trop tarabiscoté pour ce type de jeu. C’est Jun Sasaki qui a eu l’idée de simplifier encore le système de score, fen faisant un vrai jeu minimaliste. On a signé le contrat et, comme toujours avec Oink, tout est allé très vite, puisqu’il se sera écoulé huit mois entre la présentation du prototype à Taipei et la sortie du jeu pour le Tokyo Games Market.
Je pensais que ce jeu allait rester abstrait, noir et blanc, et ai été assez surpris lorsque j’ai découvert le thème choisi par l’équipe japonaise, la pêche aux anguilles, et les couleurs noir et rouge, mais pourquoi pas. Il s’agit maintenant de pêcher le plus possible d’anguilles, noires, en évitant de rapporte des vipères, rouges. Baleine, anguilles, il semble décidément qu’il y ait une thématique à mes jeux japonais !
Wriggle Roulette – ウナギかエビか Un jeu de Bruno faidutti et Jun Sasaki 2 à 8 joueurs – 20 minutes Publié par Oink Games Boardgamegeek
I’ve always had a fascination for minimalistic games, games which manage to generate a real tension with few rules and few components. This is why and how I designed games such as Attila, now republished in Poland as Unicorns, but also Baylon / Soluna, Maracas and, more recently, card games like 6 Suspects. Of course, since it is what they do best, I regularly try to pitch these games to Oink, the Japanese publisher of the outstanding Deep Sea Adventure and A Fake Artist Goes to New York. In the end, the first game of mine published by Oink, Whale to Look, was not that minimalist, but the second one, Wriggle Roulette, clearly is.
Playing the prototype with the Oink team at the Taiwan Boardgame expo.
Surprisingly for someone who ended making mostly literary and social science studies, the school lectures I most enjoyed and best remember were those of mathematics. In France in the seventies, the high school math curricula were heavy on probability and combinatorics. Many of the examples and problems we had at school involved drawing from a bag containing white and black marbles. So, I thought, why not a game entirely based on this, with just a bag from which players, on turn, draw white or black marbles, the probability of drawing one or the other being slightly modified with every new marble drawn.
My first prototype, called sometimes Back to Black, sometimes Into the Black, was just that, a bag and black and white tokens – tokens because marbles tend to roll on the table and disappear under furniture. Every round, every player would either draw some tokens from the bag or just stop and leave the game. Since the goal was to stop just before a certain number of black tokens were drawn, this was a game of probability, of risk taking, but also of double guessing.
I brought this new prototype in Fall 2024 at the Taiwan Boardgame Expo, and played it with some of the Oink team. They liked enough to ask me to play it again one month later, in Essen, with the rest of the team. There was still, however, an issue with the scoring system, slightly too convoluted for that type of game. The final scoring system, which makes this game truly minimalistic, was Jun Sasaki’s idea. Then we signed the contract and, like always with Oink, things went very fast, since there has been only eight months between my first demo of the game in Taipei and its publication at the Tokyo Game Market.
I thought the game would stay in black and white, and was a bit surprised when I discovered the setting – fishing eels in the mud – and the colors – red and black – chosen by the Japanese team. It is now about fishing the most black eels, the best ones, without drawing nasty red vipers. Whale, eels, there seems to be something fishy with my Japanese games !
Wriggle Roulette – ウナギかエビか A game by Bruno Faidutti & Jun Sasaki 2 to 8 players – 20 minutes Published by Oink Games Boardgamegeek
(Oui, je sais, j’ai déjà écrit à ce sujet sur ce blog, il y a une dizaine d’années, j’avais oublié et ne m’en suis aperçu qu’après avoir rédigé ce nouvel article)
Lorsque, dans les années quatre-vingt, j’ai commencé à m’intéresser aux jeux de société, ceux-ci appartenaient à deux écoles bien distinctes, que nous avions baptisées simplement américaine et allemande. Les jeux américains, comme Dune, Britannia, Junta ou Cosmic Encounter, avaient de longues règles rédigées en anglais, et imprimées en tout petits caractères. Les jeux allemands, comme Scotland Yard ou Le Lièvre et la Tortue, et plus tard Les Colons de Catan, nous parvenaient avec des règles plus courtes et aérées mais rédigées en allemand, et ce même lorsque leurs auteurs, comme David Parlett ou Alex Randolph, étaient anglo-saxons. Comme nombre de mes amis joueurs, j’avais d’abord étudié l’allemand au lycée, choix apparemment absurde qui était en fait une espèce de code secret de la bourgeoise française permettant de regrouper ses enfants dans les mêmes classes des lycées publics. Nous nous sentions pourtant déjà bien plus à l’aise avec les règles plus complexes et plus longues des jeux américains.
Lire des règles en anglais
Aujourd’hui, alors que le marché a explosé et que la quasi-totalité des jeux sont disponibles en français, je préfère encore, lorsque cela ne me coûte pas beaucoup plus cher, me procurer des éditions anglaise ou américaine. Je regrette beaucoup que cela soit devenu plus difficile, Philibert ayant, entre autres, largement cessé de vendre les versions en anglais des jeux disponibles en français.
Le texte anglais est généralement le texte d’origine, celui sur lequel auteur et éditeur ont travaillé – et pas seulement lorsque auteur et éditeur sont anglais ou américains. Ce livret de règles est donc plus soigné, plus précis, relu et testé avec soin, ce qui est rarement le cas des traductions. La version française, le plus souvent traduite de l’anglais, peut contenir des imprécisions, des ambiguïtés, des lourdeurs, voire des erreurs de traduction. Il y a encore une dizaine d’années, les règles françaises étaient souvent truffées d’erreurs et, même dans le cas où elles n’étaient pas traduites, de fautes de grammaire rendant la lecture difficile et souvent le sens ambigu. Il y a eu de nets progrès ces dernières années, les éditeurs font de plus en plus appel à des traducteurs, rédacteurs et même relecteurs compétents, mais je n’en continue pas moins à préférer lire les règles dans ce qui me semble être leur langue naturelle, l’anglais.
Écrire des règles en anglais
Parmi les conseils aux jeunes auteurs que je donne assez régulièrement, celui qui surprend parfois le plus mais pour lequel on m’a ensuite souvent remercié est de rédiger, dès la toute première version du jeu, cartes et règles, en anglais. C’est ce que je fais depuis une trentaine d’années, et cela n’empêche absolument pas d’utiliser le français lorsque l’on explique ces mêmes règles à ses amis joueurs.
Bon, d’accord, il y a des bons jeux dont traduire la règle ne présente guère d’intérêt.
Une langue plus adaptée
Je ne crois pas à la théorie bizarre qui voudrait que chacun pense dans sa langue, et que ceux qui pratiquent une langue différente pensent différemment. Cela me semble être au mieux de la pensée magique, au pire un dernier avatar du « racisme scientifique » (ces gens-là ne pensent pas comme nous, ils ne sont donc pas comme nous). Il n’en reste pas moins que si le langage n’influe guère sur la pensée qui le précède, il permet et contraint à la fois la communication qui la suit. On peut tout dire dans toutes les langues, mais certaines sont mieux adaptées à certains usages. C’est ce que Voltaire appelait « le génie de la langue », et c’est pour cette raison que son pote Frédéric II parlait « en espagnol à Dieu, en français aux hommes, en italien aux femmes et en allemand à son cheval ».
L’anglais est plus adapté, mieux équipé que le français pour la rédaction de textes techniques et directifs comme une règle de jeu. Tous ceux qui ont essayé de lire en français le mode d’emploi d’un appareil électro-ménager ou d’un logiciel savent que c’est une tâche difficile, là où le texte anglais est généralement limpide. À en croire les auteurs de jeux italiens avec qui j’ai abordé cette question, leur langue serait encore pire que le français. Mes rudiments de latin, polonais, japonais et allemand ne me permettent pas de me prononcer avec certitude, mais j’ai le sentiment que, à l’exception peut-être de la dernière, ces langues ne sont pas très adaptées non plus.
Pour rester simple
Une autre raison, qui ne contredit pas la précédente, est que rédiger en anglais, langue que je maîtrise à peu près mais bien moins que le français, m’aide à écrire des règles simples, directes, sans fioritures inutiles. C’était déjà utile il y a une vingtaine d’années, cela l’est plus encore aujourd’hui, sur un marché passablement encombré, et alors que la qualité de conception et de rédaction des règles a progressé. Un jeu trop complexe, ou dont les règles sont présentées de manière trop alambiquée, a bien peu de chances de trouver un éditeur, et moins encore de rencontrer le succès. En travaillant en anglais, les auteurs non anglophones comme moi se forcent à aller droit au but, avec des règles claires, directes, complètes mais aussi brèves que possible.
Pour tout le monde
Ils se donnent aussi plus de chances de rencontrer des éditeurs. La principale raison pour écrire les règles en anglais est en effet de pouvoir ensuite présenter facilement son jeu aux éditeurs du monde entier, français compris. Le petit monde de l’édition ludique est en effet très international, bien plus que celui de l’édition littéraire. Il y a certes encore quelques petites différences régionales, plus d’ailleurs dans le graphisme et la présentation des jeux que dans leur nature, mais l’éditeur princeps d’un jeu imaginé par un auteur français, brésilien ou japonais peut très bien être américain, coréen ou polonais, et inversement. Tous ces gens-là discutent, et le plus souvent travaillent, en anglais. Même un éditeur français préfèrera le plus souvent un prototype en anglais, parce que, comme je l’ai expliqué plus haut, les règles en seront plus claires, mais aussi parce que cela lui permettra de présenter facilement le jeu à des étrangers intéressés par une licence ou un contrat de distribution.
Contre-argument
Paradoxalement, la seule raison pour écrire des règles de jeu en français, ou dans votre langue maternelle, quelle qu’elle soit, est que vous devrez finalement, au moment de présenter le jeu à des éditeurs, le traduire en anglais. La traduction est en effet très souvent l’occasion de repérer les petits oublis dans les règles, les passages inutiles ou redondants, voire même, cela m’arrive encore un peu trop souvent, les résidus d’anciennes versions.
Deux jeux qui traitent de traduction. Il faudrait que j’en fasse un aussi.
(Je reprends à peu près la conclusion d’un autre article de ce site, écrit il y a une dizaine d’années, car je n’ai pas grand-chose à y ajouter ou à en retirer)
Il existe en France un lobby (devrais-je dire groupe de pression ?) autoproclamé, paranoïaque et influent de « défenseurs de la langue française » qui voient dans tout usage de la langue anglaise par un français un acte de trahison. Leur conception de la culture comme un jeu à somme nulle où ce qui est gagné par les uns serait perdu par les autres est, au regard de l’histoire, d’une grande naïveté. L’anglais est aujourd’hui devenu un vecteur culturel, un outil qui, en facilitant les contacts entre les hommes, les textes, les cultures, ne peut que les enrichir tous. Il remplit en ce sens la même fonction que le latin à la Renaissance, et la remplit sans doute mieux encore puisque son usage ne se limite plus aujourd’hui aux milieux lettrés. On peut trouver ironique que l’anglais soit aujourd’hui la seule lingua franca, mais il vaut mieux se réjouir qu’il y en ait une, et en faire le meilleur usage, que perdre son temps en vains regrets et son énergie en excommunications et combats d’arrière-garde.
(Yes, I know, I have already written a blogpost on this topic, a dozen years ago. I had forgotten about it and only found out after having nearly finished this new one. I’m fascinated by languages and language theory, which explained why I often come back to it.)
When, in the eighties, I started getting interested in modern boardgames, the ones I had access to belonged to two different design schools, which me and my friends called American and German. American school games such as Dune, Britannia, Junta or Cosmic Encounter had relatively long rules written in English, and in a very small font. German games such as Scotland Yard or Hare and Tortoise, and soon Settlers of Catan, had shorter rules with a more airy layout, but the editions we had access to were written in German, even when their designers, like David Parlett or Alex Randolph, were English speaking. Like many of my friends, I had first studied German in school, a seemingly absurd choice which was in fact a kind of secret code used by the French upper class to put all their kids in the same classes of state schools. Despite this, we were all much more at ease with the longer and more complex rules of American games.
Reading rules in English
Even now, when the marker has skyrocketed and most games are available in French, I prefer, when it’s not much more expensive, to get English language versions of new games. It is unfortunately becoming more and more difficult, especially since Philibert has nearly stopped selling English language versions of games they also have in French.
The English text of the rules is usually the one on which designer and publisher have worked, and not only when they are both American or English. The English language rulebook is therefore more carefully written, more precise, proofread and playtested many times, which is rarely the case with translations. The French version, usually translated from the English one, can have ambiguities, heavy wordings, even mistranslations. Ten years ago, French rules, even when they were not translated, used to be full of grammar errors, making them painful to read and often ambiguous. There has been much progress these last ten years, French publishers having gotten used to rely on professional translators, redactors and even proofreaders, but I nevertheless still prefer to read rules in what feels to me like their natural language, English.
Writing rules in English
One of the advice I regularly give to wannabe (non English speaking) game designers is to write every element of their prototype, be it rules or cards, in English, and to do this from the start, from the first iteration of the prototype. It is also the advice for which I have been thanked the most often. That’s what I do for thirty years now, and it doesn’t prevent anyone to use their native language when explaining the game to their playtester friends.
OK, there are a few really good games it would be pointless to translate.
A better fitting language
I don’t believe in the strange trendy theory according to which everyone thinks in their native language and people using different languages therefore think differently. It seems to me to be at best magical thinking, at worst the last avatar of “scientific racism” – these people don’t think like us, so they cannot be like us. Nevertheless, while language barely affects thought, because thought largely precedes it, it both allows and constrains the communication of thought. We can say more or less everything in every language, but some languages are better fitted to certain uses. Voltaire used to call this the “genius of language”, and it is why his buddy the King of Prussia Friedrich II said that “I speak in Spanish to God, in French to men, in Italian to women and in German to my horse”.
English is better fitted to the writing of technical and prescriptive texts, such as game rules. Anyone who has tried to decipher the French version of some household appliance or computer software instructions knows that it is nearly impossible, when the English version is usually crystal clear. I’ve discussed this with Italian game designers who maintain that their language is even worse than French. My very basic knowledge of Latin, Polish, Japanese and German doesn’t allow me to say it with certainty, but I have the feeling that, with the possible exception of the last one, these languages are not very suitable either.
Keeping it simple
Another reason, which does not contradict the former one, is that using English, a language I don’t master as well as French, helps me to write simple, direct, straight to the point rules. This was already useful twenty years ago, it is even more now. The market is becoming overcrowded, the average quality both of the games themselves and of their rules has vastly increased. A game whose rules feel too convoluted, no matter whether they are indeed complex or just badly written, is unlikely to find a publisher, and even more unlikely to be a hit. For non-native speakers like me, English can help to write clear, direct, simple and short rules.
A language for everyone
Most of all, English rules helps when contacting publishers. The main reason for using English is that it makes possible to show one’s game to publishers from any country, France and other exotic markets included. The small game publishing world is largely, if not globalized, at least internationalized, far more than the book publishing one. There are still minor local differences, more in the art and packaging than in the games themselves, but the princeps publisher of a game designed by a French, Brazilian or Japanese designer can be American, Korean or Polish, and vice versa. All these people talk with each other, and often work, in English. Even a French publisher is more likely to consider an English language prototype, because its rules will be clearer, as I explained above, but also because it makes easier to show the game to foreigners who might be interested in localizing or distributing it.
Counter-argument
Paradoxically, the only good reason to start with rules in French, or un your own language, is that, in the end, you will have to translate everything in English in order to show it to publishers. Translating a text is a very efficient way to check small omissions and redundancies in the rules, or even, it stil occasionally happens to me, small residues from older versions which should have been deleted.
Two games about language and translation. I should design one someday.
(This conclusion is almost copy-pasted from the one I wrote ten years ago, because unfortunately I have little to add or remove to it. )
We have in France a self-proclaimed, paranoid and influential lobby of “champions of the French language” who regard every use of the English language by a French as an act of treason. They naively consider culture to be always a zero-sum game, where what is won by some is necessarily lost by others. English is now a cultural tool that helps contacts between people, between texts, between cultures, and it’s an all-win game. English works a bit like Latin during the Renaissance, and works even better because its use is not limited to well-read scholars. Of course, there’s something ironic in English being the only lingua franca, but we ought to rejoice that there’s one, and make the best use of it, rather than waste time in vain regrets and energy in excommunications and rearguard actions.
De retour du petit et très sympathique salon du jeu de Taipei, le Taiwan Original Boardgame Expo, je vais avoir un peu de temps pour rédiger dans l’avion un petit compte rendu. Les tensions internationales ont en effet un peu allongé les voyages vers et depuis l’Asie, et j’ai bêtement laissé mes pilules magiques pour dormir dans ma valise en soute.
Taipei sous la pluie, depuis la montagne de l’éléphant. Taipei in the rain, viewed from the elephant mountain.
Je n’étais jamais allé à Taiwan, mais n’ai été qu’à demi dépaysé. Je m’y suis en effet senti un peu dans le même univers qu’en Corée ou au Japon. Bien que la période, en pleine saison de pluies, se prête assez peu au tourisme, j’ai quand même pris un peu de temps pour me promener, sous des trombes d’eau et dans une chaleur étouffante, dans une ville pleine de vie, où se côtoient dans un certain désordre les styles et les époques.
Un soir où il ne pleuvait pas…. One night without rain.
J’ai aussi pu vérifier que l’on mangeait très bien à Taiwan, ce dont je me doutais un peu puisque c’est avec une prof taiwanaise que j’avais, il y a une dizaine d’années, pris quelques cours de cuisine chinoise. Je n’irai cependant pas aussi loin que mes amis japonais qui assurent que c’est le seul endroit où l’on mange mieux qu’au Japon.
Le salon, organisé par une petite équipe locale de passionnés, ressemble un peu à ce qu’étaient il y a encore quelques année les game markets japonais – je ne suis jamais allé à celui de Tokyo mais ai participé deux fois à celui d’Osaka – avant leur succès international. Différence importante cependant, alors que les participants aux salons japonais, ou au moins de celui d’Osaka, étaient pour la très grande majorité d’entre eux japonais, ou parfois coréens, ceux du salon de Taipei viennent de toute l’Asie orientale.
Au restaurant avec mes prototypes et l’équipe de Swan Panasia Restaurant with the Swan Panasia team, and my prototypes.
Il y avait là des éditeurs et des auteurs de Taiwan, mais, au moins aussi nombreux, d’autres venus de Singapour, de Hong Kong, du Vietnam, de Thaïlande, de Malaisie, et j’en oublie sans doute. Il y avait bien sûr aussi beaucoup d’exposants japonais que, pour nombre d’entre eux, je connaissais déjà un peu. Tout ce petit monde m’a semblé partager plus de complicité que ce n’est le cas en Europe, peut-être parce que les marchés asiatiques, à l’exception de la Corée et du Japon, restent modestes. Le TOBE m’a semblé un peu un salon panasiatique, impression encore renforcée par l’absence presque totale des éditeurs ou auteurs européens et américains.
Le stand du sympathique éditeur vietnamien Ngũ Hành Games. Je voulais acheter Hoi Pho, un jeu de cartes personnages très mouvementé que j’avais joué et apprécié à Cannes, mais il n’y en avait plus. Je suis donc raparti avec leurs deux autres jeux. The booth of a nice Vietnamese publisher, Ngũ Hành Games. I wanted a copy of Hoi Pho, a chaotic character cards game I had played and enjoyed in Cannes, but it’s out of print, so I bought their two other games.
Cela faisait un peu de moi la vedette, et les stands sur lesquels on m’a offert un jeu lorsque je passais ont été assez nombreux. Comme, chaque fois que cela se produisait, je me sentais alors obligé d’en acheter un autre, je rentre avec une grosse valise de petites boîtes, dont je ne suis pas tout à fait certain qu’elles contiennent toutes des règles en anglais. Des petites boites parce que n’ayant qu’une valise, j’ai évité de m’encombrer de grosses, mais aussi parce que les éditeurs asiatiques privilégient clairement les jeux relativement simples et rapides présentés dans un petit format – le minimalisme n’est pas seulement japonais.
Démo de Diamant sur le stand de Swan Panasia. Demoing Diamant on the Swan Panasia booth..
Les grosses boites de jeux encombrées de cubes en bois et de figurines ne sont visiblement ici qu’un marché de niche, et ce n’est pas moi qui vais m’en plaindre. Il m’a semblé aussi que les jeux des auteurs locaux étaient plus interactifs, avec une bonne dose de bluff et d’agressivité, qui se sont fait plutôt rares chez nous ces dernières années. Côté thème, pas trop d’arbres et d’animaux sauvages, c’est plutôt le commerce, la mythologie, et plus étonnament, la cuisine qui semblent à la mode. J’avais bien sûr apporté mes prototypes, et il n’est pas impossible que l’un ou l’autre d’entre eux se retrouve bientôt, comme cela a déjà été le cas pour Venture Angels après mon passage en Corée, et pour Whale to Look au Japon, publié d’abord en Asie.
Anthony Pérone, auteur français vivant à Taipei, me fait essayer son dernier jeu, l’excellent et oxymorique Lone Wolves, qui pour l’instant n’est sorti qu’ici, mais ça changera surtout après le Seal of Excellence de Dice Tower. Anthony Perone, a French game designer living in Taipei, made meply his next game, the excellent and oxymoric Lone Wolves. It’s only available in Taiwan at the moment, but this is likely to change after a Dice Tower seal of excellence.
Un grand merci à tous ceux qui m’ont aidé à organiser ce chouette séjour dans un pays dont on parle pas assez – Yoyo et Wen-Chi Lee de Swan Panasia, Smoox, le chef d’orchestre du salon, et Anthony Pérone, auteur et développeur de jeu talentueux. Et maintenant, il faut que je prépare Essen….
Sachant quelle part importante a le transport aérien dans les causes du réchauffement climatique, j’ai toujours assez mauvaise conscience en prenant l’avion. Bien sûr, je me rassure en me disant que le vol partira quoi qu’il en soit, que toutes les places soient occupées ou non, mais cet argument, n’étant pas généralisable, est un peu sophistique. Je me dis surtout que la solution n’est pas individuelle mais collective. Elle suppose sans doute l’interdiction des vols privés et la disparition des business et premières classes, pour caser le plus de monde possible dans chaque vol, l’interdiction des vols à petite distance pouvant être remplacés par le train, et une très forte taxation des autres vols. Je n’ai malheureusement pas l’impression que l’on aille dans cette direction.
Back from the small and nice Taipei boardgame fair, the Taiwan Original Boardgame Expo, I will have some time in the plane to write a short report. International tensions have indeed made travels to and from Asia a bit longer, and I stupidly left in my suitcase the magic pills I usually take to sleep a few extra hours.
Taipei la nuit Taipei by night.
I had never before been to Taiwan, but was not really disorientated. It felt to me a bit like Korea and Japan. The raining season is not the best time for tourism, but I nevertheless took some time to walk through this lively city, where styles and times seem to collide everywhere in a complete disorder, under torrents of rain and in a suffocating warmth.
Un labyrinthe de petites rues. A labyrinth of small street.
Having taken, ten years ago, a few Chinese cooking lectures with a Taiwanese teacher, I suspected that the local food was great, and it indeed was, though I won’t go as far as some of my Japanese friends who tell that it’s the only place where food tastes better than in Japan.
The game fair is organized by a small team of dedicated gamers and feels a bit like the Japanese game markets a few years ago, before they became a world boardgaming sensation – I’ve never been to the Tokyo game market, but I’ve twice attended the Osaka one. There is a big difference, though. While most of the attendees at the Japanese game markets, or at least at the Osaka one, were Japanese and sometimes Korean, there were in Taiwan publishers and designers from all East Asia.
L’excellent Hanamikoji, l’un de mes jeux à deux préférés, est, je crois, le seul jeu taiwanais à avoir rencontré un succès mondial. Playtesting with the Oink games team, who was only here for the beginning of the show.
There were exhibitors from Taiwan but there were more from Singapore, Hong Kong, Vietnam, Thailand, Malaysia or some other ones I forget or missed. There were of course also many Japanese, many of which I already more or less knew. All this little world seemed to be more casually friendly than their European counterparts, may be because the East-Asian markets are still, except for Japan and Korea, relatively marginal. The TOBE felt a bit like a Panasian game fair, where American and European designers and publishers were almost totally absent.
On m’a fait essayer un jeu de cartes sur le zodiaque chinois. I was asked to playtest a card game about the Chinese zodiac.
This made me a kind of local star, and many publishers gave me a game when I happened to pass by their booth. Since I usually felt bound to buy them another one afterwards, I’m coming back with a big luggage full of small game boxes, several of which might not even have English rules. Small boxes only because I have only one luggage and limited space, but also because East-Asian publishers seem to favor relatively fast and simple games in a small format – minimalism is not just a Japanese thing.
Discussions sur la création ludique animée par Anthony, avec des questions inattendues. Discussion about game design led by Anthony, with unexpected questions.
Big boxes filled to the rim with giant miniatures or wooden cubes seem to be only a very niche market here, and I won’t complain about it. As for settings, there were no games about planting trees and saving wild animals like we have here. The most popular settings seem to be trade, mythology and, more original, cooking. This is also very good. I had brought several prototypes, also small boxes, and it is therefore not impossible that, like it happened with Venture Angels after a Korean trip, and more recently with Whale to Look in Japan, one or the other will again be first published in Asia.
Les jeux que j’ai rapportés de Taipei. The games I brought back from Taipei.
Many thanks to all those who helped me organize this nice trip – Yoyo and Wen-Chi Lee from Swan Panasia, Smoox, the big organizer of the fair, and Anthony Perone, a talented game designer and developer. And now, let’s put things in order for Essen.
I know how important is the contribution of commercial aviation to global warming, and always feel a bit guilty when on a plane. Of course, I tell myself that the plane will depart anyway, even if some seats empty, but this argument cannot be generalized and is therefore a bit sophistic. Most of all, I think the solution, if there’s one, can only be a collective one. It probably means a global interdiction of private planes and the abolition of first and business class in order to cram as many people as possible in a single plane, the abolition of short distance flights which can be replaced by train, and a heavy taxation of all other flights. I’m not sure we’re moving in this direction.
Jednorożce – les licornes en polonais- est une nouvelle édition de Attila, un petit jeu de stratégie pour deux joueurs, très simple et rapide, du genre que l’on penserait plutôt sorti du cerveau de l’autre Bruno, Bruno Cathala. Sur un plateau dont les cases disparaissent une à une, chacun à son tour fait bondir un pion à la manière d’un cavalier d’échecs, le but du jeu étant d’être le dernier à pouvoir se déplacer. J’avais écrit l’histoire de la conception de ce jeu en 2015, lors de la sortie de la première édition chez Blue Orange, je n’ai pas grand-chose à y ajouter.
Toutes les pièces se déplaçant comme le cavalier du jeu d’échecs, les thèmes possibles tournent tous autour de la même idée, cavalcade, tournoi. Curieusement, je n’avais pourtant pas pensé à faire des ces chevaux des licornes, c’est la petite équipe polonaise de Moduko qui me l’a proposé, et je pouvais difficilement refuser.
Moduko n’a en principe les droits sur ce jeu que pour la Pologne, mais si vous voulez publier ça ailleurs avec les jolis dessins de licornes dans les nuages de Tomasz Larek, contactez-moi, on peut certainement s’arranger.
Jednorożce Un jeu de Bruno Faidutti Illustré par Tomasz Larek 2 joueurs – 10 minutes Publié par Moduko (2024) Boardgamegeek
Jednorożce – Unicorns in Polish – is a new version of Attila, a light and fast paced two-player strategy game which probably feels a bit like it was designed by the other Bruno, Bruno Cathala. On a board whose spaces vanish one after the other, each player on turn moves a piece like a Chess knight, the goal being to be the last player able to make a move. You can read more details about the game’s idea in the design diary I wrote when the first edition was published, in 2015 – I have very little to add.
Since all pieces move like a Chess knight, all possible settings for his game have horses. Surprisingly, the idea of changing these horses into unicorns was not mine. It came from the small polish team at Moduko, but it’s the kind of offer I can’t refuse.
Theoretically, Moduko has only the Polish rights for this game, but if you want to publish it anywhere else with the cute unicorns in the clouds art by Tomasz Larek, just email me, I’m sure we can arrange something.
Jednorożce A game by Bruno Faidutti Art by Tomasz Larek 2 players – 10 minutes Published by Moduko (2024) Boardgamegeek
Elephant Rally est une nouvelle version de Formula E, un jeu de course d’éléphants que j’avais conçu avec Sergio Halaban et André Zatz, les deux auteurs brésiliens de Sheriff of Nottingham et quelques autres jeux. C’est un jeu de parcours assez méchant, où il faut bien gérer sa main de cartes, un peu dans l’esprit d’Ave Cesar ou du Lièvre et la Tortue – un éléphant, c’est large et têtu et cela a vite fait de bloquer la route.
Voici ce que j’écrivais à propos du jeu lors de la sortie de la première version, en 2014 (l’article complet est ici) :
Assez régulièrement, je reçois des emails dans lesquels des auteurs de jeux connus ou inconnus me proposent de travailler avec eux sur un projet de jeu, souvent déjà assez avancé. Lorsqu’il y a des zombies ou quinze pages de règles, je réponds poliment que désolé, ce n’est pas mon style, mais bonne chance quand même. Dans les autres cas, je jette un coup d’œil avant, le plus souvent, de répondre poliment que, désolé, ça a l’air bien intéressant mais je n’ai vraiment pas le temps de me lancer dans un nouveau projet – mais bonne chance quand même. Et puis, une ou deux fois par an, quand aussi bien le sujet que les mécanismes m’amusent, quand j’ai le temps, et quand les auteurs ont l’air sympas, je réponds pourquoi pas. Début 2011, j’ai ainsi reçu une proposition d’André Zatz et Sergio Halaban, auteurs brésiliens de deux petits jeux de bluff que j’apprécie beaucoup, Hart an der Grenze et Sultan. Ils y présentaient Indian Derby, un jeu de course d’éléphant qu’ils avaient réalisé quelques années auparavant, qui avait manqué de peu être publié par plusieurs éditeurs, et auquel ils pensaient qu’un regard neuf pourrait apporter un plus. Le jeu m’a tout de suite plu. Le thème, une course d’éléphant, était original et amusant, et permettait d’introduire des mécanismes de poussée inhabituels dans les jeux de parcours. Le moteur du jeu, des cartes de déplacement et des cartes action, me convenait très bien. Bref, nous avons quelque peu discuté, et nous sommes penchés ensemble – via email, parce que le Brésil, c’est un peu loin – sur un jeu que je voulais rendre plus léger, plus rapide, plus méchant. Après avoir unifié le système de gestion des cartes action et mouvement, simplifié les bousculades, ajouté quelques actions thématiques et amusantes, nous nous retrouvâmes quelques mois plus tard avec un jeu de course tactique et très enlevé, un peu dans l’esprit d’Ave Cesar, des bousculades, mais aussi des vaches sacrées, des tapis volants, des tigres et des charmeurs de serpents.
Paru il y a maintenant 10 ans, en 2014, sans doute au mauvais moment et peut-être chez le mauvais éditeur, Formula E n’a été qu’un succès d’estime. L’édition était belle, a reçu de bonnes critiques, mais ne s’est guère vendue au delà du tirage initial via Kickstarter.
Dix ans plus tard, le jeu revient sous le nom d’Elephant Rally chez l’un des principaux éditeurs brésilien, Conclave Editora. La version a été astucieusement mise au goût du jour par l’équipe brésilienne, les quatre plateaux du jeu d’origine étant remplacés par un système de circuit modulable, permettant plus de variété avec moins de matériel. Elephant Rally n’est pour l’instant disponible qu’au Brésil, mais si quelqu’un veut le publier dans une autre langue, il n’y a que les règles à traduire et cela peut certainement s’arranger.
Elephant Rally Un jeu de Sergio Halaban, André Zatz et Bruno Faidutti Illustré par Marcelo Bastos 2 à 6 joueurs – 60 minutes Publié par Conclave Editora (2024) Boardgamegeek
Elephant Rally is a new version of Formula E, an elephant racing game I designed with Brazilian designers Sergio Halaban and Andre Zatz, now mostly known for Sheriff of Nottingham. It’s a card driven racing game with lots of opportunities to meddle with rivals plans, in the style of good old Hare and Tortoise or Ave Caesar. Elephants are large and stubborn, which means they can easily block the road.
Here’s what I wrote when the first edition was published, in 2014. You can read the full article here.
I regularly receive emails from both well known and completely unknown game designers asking me if I would like to work with them on some design, usually already well advanced. When it’s about zombies, or has fifteen or more pages of rules, I answer that I’m sorry, that’s not really my kind of game, but good luck anyway. In all other cases, I have a look and usually answer that I’m sorry, I’m already overbooked and wouldn’t find the time to start a new project, but good luck anyway. Once or twice every year, when both the setting and the game systems sound exciting, when I have time, and when the authors seem to be nice guys, I answer why not, let’s discuss the game. Early in 2011, I got an email from André Zatz and Sergio Halaban, the Brazilian authors of two light double-guessing games I really like, Hart and der Grenze and Sultan. The subject of their email, Indian Derby was an elephant racing game they had designed a few years ago, which had raised some interest from several publishers but ultimately hadn’t been selected for publication. They wanted to rework it, and were thinking that a fresh look by a designer who wasn’t involved in the original design, could help. I liked the game idea at once. The storyline, an Indian elephant race game, was new, and allowed for rules about pushing–something unusual in a racing game, and for fun thematic events. I had long wanted to design a card driven race game, so this was a good opportunity to jump in. We discussed the game and worked together via email–since Brazil is far from France–on new rules and events to make the game lighter, faster and nastier. We simplified the card management system and the jostling rules, we added some event cards, and we ended with a very dynamic and tactical racing game, in the style of Ave Caesar (one of my all-time favorites), but with lots of jostling and crushing, and also holy cows, flying carpets, snake charmers, monkeys and tigers.
Formula E was published 10 years ago, in 2014, probably at the wrong time by the wrong publisher. It was a critical success but didn’t really sell after the initial Kickstarter print run.
Ten years later, the game comes back as Elephant Rally, published by one of the main Brazilian boardgames publishers, Conclave Editora. The game has been cleverly updated by the Brazilian team, the four tracks being replaced with a modular track, allowing for more variety with fewer components. Elephant Rally is only available so far in Brazil, but if someone is interested in localizing it elsewhere, it should not be a problem. There’s no text on the cards, the only part needing a translation is the rules.
Elephant Rally A game by Sergio Halaban, André Zatz & Bruno Faidutti Art by Marcelo Bastos 2 to 6 players – 60 minutes Published by Conclave Editora (2024) Boardgamegeek
I didn’t get my designer copies yet, so this pictures witha cute silver elephant are taken from a brazilian boardgame group, nerdkreativa.
Dans les années quatre-vingt, avec mon compère d’alors Pierre Cléquin, j’ai découvert le plaisir de la création ludique en modifiant, en bricolant des variantes de poker, et de nouveaux pouvoirs et cartes pour Rencontre Cosmique. Le poker ne se prenait pas encore trop au sérieux, ce qui permettait à chacun de le mettre à sa sauce sans que quiconque ne crie à l’hérésie. Les auteurs et éditeurs de Cosmic Encounter eux-mêmes encourageaient les joueurs à s’approprier leur création en vendant des paquets de cartes vierges. Bien sûr, cela était rendu plus facile par le petit nombre de jeux de société que nous connaissions, des jeux que nous jouions donc régulièrement et maitrisions bien. Je ne sais si notre petit groupe de joueurs était l’un des seuls à fonctionner ainsi, et si c’est pour cela que nous sommes ensuite devenus des auteurs de jeu, ou si tous les joueurs traitaient alors les jeux avec autant de légèreté, n’hésitant pas comme à en modifier, parfois en cours de partie, les règles qui ne nous plaisaient pas. Dans les années quatre-vingt-dix, c’est avec Pierre Rosenthal que j’avais bricolé une extension maison de Magic the Gathering, et Wizards of the Coast nous avait payé pour pouvoir en réutiliser les idées dans leurs futures extensions. Le Magicien, l’un des aliens que Pierre et moi avions imaginés pour Cosmic Encounter, s’est aussi retrouvé dans la plus récente édition du jeu.
Depuis une trentaine d’années, j’avais cependant cessé de bricoler les jeux des autres, tout en encourageant les joueurs à bricoler les miens. Les personnages et quartiers de la “grosse boite” de Citadelles proviennent ainsi en grande partie des idées d’un fan du jeu, Robin Corrèze, qui a su y porter un regard neuf. Beaucoup des nouveaux personnages de Mascarade ont aussi été imaginés par des amis ou des fans du jeu. Lorsqu’un jeu s’y prète, j’encourage mes éditeurs, s’il reste quelques cartes sur les planches d’impression, à ajouter quelques cartes vierges, mais je n’ai jamais eu beaucoup de succès.
L’une des raisons pour lesquelles je m’amuse moins aujourd’hui à bidouiller les jeux des autres auteurs est que ma pratique du jeu, et me semble-t-il la pratique du jeu en général, est devenue plus dispersée. On joue certes autant, mais on joue à des jeux de plus en plus nombreux, trouvant plus de plaisir dans la découverte que dans l’approfondissement, ce qui peut être un peu frustrant. Une autre raison est peut-être que les joueurs prennent aujourd’hui les jeux un peu trop au sérieux – c’est vrai des thèmes, je l’ai souvent écrit ici, mais c’est aussi vrai des mécanismes que l’on n’ose pas trop toucher.
Pour qu’un jeu me donne l’envie de le bricoler, d’inventer des cartes et des effets, il faut donc qu’il soit riche, ouvert aux extensions et développement, tout en restant suffisamment simple pour que quelques parties permettent de saisir la logique qui le sous-tend, les leviers à manipuler et, ce faisant, les équilibres à respecter. Beaucoup de jeux, aussi excellents qu’ils soient, sont soit d’emblée complets et fermés, soit trop baroques.
Le jeu qui m’a redonné envie de concevoir quelques cartes, et je vous invite à en faire autant, est The Vale of Eternity, d’Eric Hong. Ce jeu de draft, dans lequel les joueurs construisent peu à peu des combinaisons de cartes afin de marquer le plus de points possibles, n’apporte rien de vraiment nouveau ni dans son thème, ni dans ses mécanismes, mais il crée une sensation de profondeur, de variété et d’imbrication entre ses éléments avec très peu de mécanismes, des règles simples et une impressionnante fluidité.
Il y a eu tellement d’innovation dans les mécanismes ludiques depuis trente ans que la meilleure des nouveautés ne consiste plus tant aujourd’hui à faire des choses différentes qu’à faire les mêmes choses mais de manière plus fluide, plus légère. De ce point de vue, le jeu de Eric Hong est un chef d’œuvre.
Une partie de The Vale of Eternity, chez moi, avec deux autres auteurs de jeux, Hervé et Camille.
Le thème de cette vallée de l’éternité est très superficiel, pas vraiment original, mais il est traité avec une sympathique légèreté – on prend des créatures d’un peu toutes les mythologies, et on mélange tout. Je suis de plus en plus convaincu que, face aux fantasmes identitaires et aux tentations du repli sur soi, la seule démarche culturelle positive qui ait aujourd’hui du sens est cet universalisme désinvolte, qui enchevêtre tout sans rien prendre au sérieux. Quatre illustrateurs se sont partagé les cartes du jeu, Jiahui Gao dessinant les créatures de l’eau, Gautier Maia celles de la terre, Stefano Martinuz celles du feu et Erica Tormen celles de l’air. Ils ont tous fait quelques dragons, parce que c’est quand même trop classe de dessiner un dragon. Tous ont bien compris l’esprit du jeu, pas vraiment humoristique, mais pas vraiment sérieux non plus, et les très belles cartes contribuent aussi beaucoup à l’ambiance d’un voyage dans cette vallée de l’éternité.
Et une partie à Etourvy avec quelques pontes du milieu ludique.
Bien que les jeux soient mécaniquement et thématiquement très différents, Vale of Eternity m’a rappelé Cosmic Encounter, non dans sa version surdéveloppée actuelle mais tel que je l’avais découvert, il y a une quarantaine d’années. Dans les deux jeux, la combinaison de principes extrêmement simples, de règles peu nombreuses et d’interactions presque illimitées crée un effet « boîte à outils », donnant envie de bricoler, d’imaginer ses pouvoirs, ses cartes. Pour Cosmic, on pouvait fantasmer sur les races extra-terrestres, pour The Vale of Eternity, on peut faire appel aux innombrables créatures de tous les folklores et mythologies.
Les effets de la plupart des cartes n’ont pas de lien évident avec la nature des créatures représentées, mais cela encore facilite les bidouillages. Il était possible d’acheter des cartes vierges de Cosmic Encounter, sur lesquelles les joueurs pouvaient laisser libre cours à leur imagination. Aujourd’hui, avec les sleeves à dos opaque, ce n’est même plus nécessaire, et je me suis déjà amusé à bricoler une première petite extension d’une quinzaine de cartes, qui n’a été qu’assez peu testée jusqu’ici mais que je posterai sans doute sur ce site après quelques parties.
Si le succès de The Vale of Eternity se confirme, j’imagine que le jeu aura, comme Rencontre Cosmique, bien des extensions. La première, Artefacts, est déjà annoncée. Certaines n’apporteront seulement de nouvelles cartes, d’autres introduiront un ou deux mécanismes originaux, les possibilités semblent infinies, il faut juste prendre garde à ne pas trop compliquer les choses.
Et donc, après quelques tests, voici mes 24 nouvelles cartes pour Vale of Eternity. J’ai essayé de faire quelques trucs un peu nouveaux sans ajouter de règles ou de mécanismes au jeu. Il me semblait que le jeu favorisait un peu trop les stratégies construites autour dun “moteur” à point de victoire montant progressivement en puissance, au détriment des tactiques “coups d’un soir” s’efforçant de scorer un maximum à chaque tour, j’ai donc un peu plus insisté sur ce dernier aspect du jeu, avec plus de scoring immédiat et une proportion de dragons un peu plus forte que dans le jeu initial. Cela explique que je n’ai pas respecté la proportion de Dragons du jeu initial.
In the eighties, with my friend Pierre Cléquin, I discovered the fun of game design while tinkering with existing games, mostly designing poker variants and new aliens for Cosmic Encounter. Poker was not taken that seriously yet, which made easier to play crazy variants without being accused of heresy. The designers and publishers of Cosmic Encounter were even encouraging players to fiddle with their game, and even sold deck of blank cards. This was also made easier by the fact that we knew only a limited number of games, and therefore played them regularly and knew them intimately. I don’t know if our group was the only one. I don’t know if our gaming group was one of the few working that way, or if everyone was taking game rules so lightly, having no problem with changing the rules or adding to them, even in the middle of a game. In the mid-nineties, I designed with Pierre Rosenthal an alchemy-themed Magic the Gathering expansion which was deemed good enough by Wizards of the Coast to pay us so that they could recycle its ideas in future ofiicial expansions. The Magician, one of the many aliens Pierre and I had designed for Cosmic Encounter, made its way into the latest edition of the game.
These last thirty years, though, I had stopped tinkering with other designers’s games, though I kept encouraging people to do so with mine. Many of the new characters and districts cards in the Citadels big box come from the ideas of a game fan, Robin Corrèze, who could look at the game systems from a slightly different angle. Many of the new characters in the new edition of Mascarade were also suggested by friends and fans. When the game can easily support it, I encourage my publishers, if there are a few remaining spots on the printing card-sheets, to add a few blank cards. Unfortunately, I’ve rarely been successful.
One of the reasons why I now rarely tinker with other designers’ games is that the way I play games, and probably the way most gamers play games, has changed and become more scattered. We play as much, if not more, as before, but we don’t play the same game to death, we play many different games. We have more fun in discovery than in looking for hidden depth, which I sometimes find frustrating. Another reason might be that we tend to take games too seriously – it’s true of their settings, I’ve written many times about it, but it’s also true of their mechanisms, with which we don’t dare tinkering.
A game needs to be rich, intricate, open to expansions and development but at the same time simple enough so that a few games allow you to grasp the logic behind it, the levers you can manipulate and the balance you should take care of. Most games, even the best ones, are either self-contained or too baroque.
The game which made me try again to design extra cards, and I invite you to do the same, is Eric Hong’s The Vale of Eternity. This drafting game in which players build step by step, card by card, comboes in order to score as many points as possible has nothing really new, neither in its theme or its mechanisms, but it generates a strong feeling of depth, variety and intricacy with few mecanisms, straightforward rules and an impressive fluidity.
There has been so much innovation in game mechanisms these thirty last years that the real novelty now is not in making it different but in making it smoother, lighter. From this point of view, Eric Hong’s design is a masterpiece.
A game of The Vale of Eternity at y place in Paris, with two other game designers, Hervé and Camille.
The setting of The Vale of Eternity is extremely superficial and unoriginal, but it is dealt with a nice casualness – just take creatures from all folklores and mythologies and mix everything. I am everyday more convinced that, in a world which is prey to fantasies of identity and collective withdrawal, the only positive and meaningful cultural approach is this kind of casual universalism, which tangles everything and refuses to take anything seriously
Four artists took charge of the illustrations. Jiahui Gao drew the water creaturesn Gautier Maia the earth ones, Stefano Martinuz the Fire ones and Erica Tormen the air ones. All four drew a few dragons each, because it’s so cool to draw dragons. All four artists got the spirit of the game really well, neither too serious nor too cartoony, and the gorgeous cards really create the mood for a trip in the Vale of Eternity.
And a game in Etourvy with some big names of the French boardgaming world.
Even though both games are very different in their setting and mecanisms, The Vale of Eternity reminded me of Cosmic Encounter, may be not in its present overdevelopped version but as it was when I discovered it, forty years ago. Both games have straightforward systems and simple rules generating nearly unlimited interactions. This makes them the perfect tinkering toolboxes for who wants to design their own powers and cards. With Cosmic Encounter, one could fantasize various crazy deep space aliens, with The Vale of Eternity, one can use the inexhaustible bestiary of folklores and mythologies.
Most card effects in The Vale of Eternity don’t have obvious relations to the creature’s name, but this makes adding new ones even easier. It was possible to buy blank cards for Cosmic Encounter, we don’t even need that for The Vale of Eternity now that we can easily find opaque card sleeves. I’ve already designed my small 15 cards expansion, which I will probably post here after playtesting it a bit.
If The Vale of Eternity gets the success it deserves, there will probably be, like for Cosmic Encounter, many expansions. The first one, Artifacts, has already been announced. Some will only bring new cards, other ones will add one or two simple game elements. There seem to be infinite possibilities… designers must just be careful not to make things too complex.
After a few more playtests, here are the 24 new cards of my small fan expansion for Vale of Eternity. I tried to use a few unusual effects without adding any new rule or mechanisms. I have a feeling that the game slightly favors “slow victory point engine building” strategies over successions of one shot big moves. I therefore tried to tweak the game a little bit in this last direction, with more “one night stand” scoring and more opportunities to disrupt opponent’s engines. This is why I have a slightly higher proportion of dragons than in the original game.
Citadelles et Diamant sont sans doute mes deux jeux qui se vendent le mieux et le plus régulièrement. Ce sont aussi les deux seuls pour lesquels, pour diverses raisons, j’ai plusieurs contrats d’édition, selon les zones géographiques. J’en ai quatre pour Citadelles, même si trois des éditeurs concernés ont fini dans le giron d’Asmodée. Alan Moon et moi avons un contrat avec Iello qui publie Diamant en Europe, et un autre avec Gryphon Games pour Incan Gold, qui est le même jeu, dans le reste du monde.
Les deux éditeurs sont très sympathiques, font du bon boulot et entretiennent de bonnes relations, même s’ils se retrouvent un peu en concurrence, ayant tous les deux une version du jeu en langue anglaise, l’une pour le marché anglais et l’autre pour le marché américain.
Un peu par hasard, ils viennent tous deux d’annoncer une nouvelle édition du jeu. La nouvelle boite Iello est un peu plus petite,et un peu moins chère que la précédente, mais le matériel est toujours aussi luxueux, voire plus, et les illustrations pleines d’humour. La nouvelle boite Gryphon Games comprend l’extension Mise en garde et Trahison, qui est aussi disponible séparément pour ceux qui ont l’ancienne version du jeu. Si j’ai bien compris, cette extension restera publiée à part en Europe.
Diamant Un jeu de Bruno Faidutti & Alan R. Moon Illustré par Paul Mafayon 3 à 8 joueurs – 30 minutes Publié par Iello Boardgamegeek
Incan Gold Un jeu de Bruno Faidutti & Alan R. Moon Illustré par Mila Harbar 3 à 8 joueurs – 30 minutes Publié par Gryphon Games Boardgamegeek
Citadelles and Diamant / Incan Gold are my best sellers or, at least, my game which sell the most regularly. They are also the only game for which, due to old stories, I have different publishing contracts for different geographical areas. I have four contracts for Citadels, even when three of the publishers ended being bought by Asmodee. Alan Moon and I signed one contract with Iello for the European Market, where the game is sold as Diamant, and one with Gryphon games for the rest of the world, where it is known as Incan Gold.
Both publishers are nice people doing a good job, and they are in friendly terms even when they both sell an English language version of the game, one for the English market and one in the US.
It happens that they both announced, at the same time, new versions of the game. The new iello Diamant box is slightly smaller and cheaper than the old one, but the components are as gorgeous, if not more, and the art bright and humorous. The new Incan Gold edition includes the new Dangers expansion, which is also available separately for owners of the older versions. If I got it right, the expansion will still be sold separately in Europe.
Diamant A game by Bruno Faidutti & Alan R. Moon Art by Paul Mafayon 3 to 8 players – 30 minutes Published by Iello Boardgamegeek
Incan Gold A game by Bruno Faidutti & Alan R. Moon Art by Mila Harbar 3 to 8 players – 30 minutes Published by Gryphon Games Boardgamegeek
J’aime beaucoup la démarche de Polgara dans son podcast ludique, faite d’expérimentations et de prises de risque. Dans sa dernière émission, enregistrée juste avant le salon de Cannes, elle m’a demandé quels étaient les cinq jeux qui avaient le plus influencé mes créations personnelles. Si vous voulez le savoir, c’est là.
I really like Polgara and her boardgaming podcast, in which she takes risks and always tries new formulas – but always in French. In her last podcast, recorded just before the Cannes game fair, she asked me which five games had the most influence on my designs. It’s there – but in French.
Iain Cheyne a récupéré, grace à la machine à voyager dans le temps d’Internet, The Wayback Machine, l’ensemble des critiques de jeux que j’avais publiées sur mon site dans les années 2000, sous le nom un peu prétentieux de ludothèque idéale.
Les raisons pour lesquelles j’avais cessé de mettre à jour, puis entièrement effacé, cet ensemble de 700 et quelques petites critiques de jeux de société sont multiples. Il y a bien sûr une explication technique, le site et la base de données étaient obsolètes et devenaient difficiles à mettre à jour, mais ce n’est pas l’essentiel. La ludothèque idéale avait du sens à une époque où il était encore possible à une personne isolée comme moi de plus ou moins tout savoir sur les jeux de société publiés, et donc d’en présenter une vision encyclopédique. J’ai donc cessé lorsque les sorties sont devenues trop nombreuses. La seule démarche encyclopédique possible aujourd’hui, quand il sort plus de mille jeux par an, est celle de sites communautaires comme le Boardgagegeek. Enfin, concevoir des jeux est peu à peu devenu mon métier. Même en me restreignant comme je le faisais délibérément à ne publier que des critiques positives, être à la fois auteur et critique me mettait de plus en plus souvent en porte à faux.
Beaucoup ont regretté la disparition de ces critiques de jeux. Récupérées par Iain Cheyne et publiées aujourd’hui sur le boardgamegeek, elles ont surtout un intérêt historique. Elles nous renvoient à une époque où les jeux étaient moins nombreux et, pour la plupart, plus méchants et moins sophistiqués – ce qui peut être un bien ou un mal. En scrollant rapidement dans la très longue page reprenant toutes ces critiques, je constate avec surprise que j’ai entièrement oublié une grande partie de ces jeux que j’avais pourtant suffisamment aimé pour en faire des critiques élogieuses. Je suis aussi assez étonné de voir que mon anglais, dont je pensais qu’il avait surtout progressé ces dernières années, n’était déjà pas si mauvais.
Using the internet time travel machine, The Wayback Machine, Iain Cheyne managed to get back all the boardgame reviews I published on my website in the 2000s under a rather pretentious title, the ideal game library.
The ideal game library was a database of more than 700 short boardgame reviews, in French and broken English. had removed it from my website for several reasons. First, there was a technical issue. the website and the game database were becoming obsolete. Maintaining and updating them was time consuming. This was not, however, the main reason. The ideal game library made sense in a time when it was still possible for one single and dedicated person to know more or less everything about the games that were published, and to present them in a more or less encyclopedic way. I had to stop when the number of new publications became too high. With a thousand new games published every year now, the only way to keep maintaining a kind of encyclopedia or catalog of games, or even only of good games, is through a communautary website, like the Boardgamegeek. Last, designing games has progressively become my main professional activity. Even when restricting myself to discuss games I was really enjoying, this was putting more and more often in awkward situations.
Many gamers have expressed their regret about the disappearance of these game reviews. Iain Cheyne got them back and has now published all of them on the Boardgamegeek. their main interest now is historical. They send today’s gamers back to a time when there were fewer boardgames, and when most of them were nastier and less sophisticated – which can be both good and bad. I’ve scrolled rapidly through the long new ideal game library listing. I’m surprised to realize that I don’t remember anything of more or less half of these games I had liked enough to praise them in my reviews. I also notice that my written English was not as bad I thought it was, which also means it didn’t imrpove that much these last years.