IAs, illustration et création de jeux de société
AIs, boardgame illustration and boardgame design

Ces dernières semaines, l’un des sujets les plus discutés dans le cadre de mes deux métiers, l’enseignement et le jeu, a été l’émergence, certes attendue mais plus précoce et plus rapide que prévue, des intelligences artificielles. S’ils peuvent encore plus ou moins repérer les devoirs rédigés par ChatGPT, les profs devinent que cela ne va pas durer et qu’il va falloir adapter d’abord nos procédés d’évaluation pour contrer les tricheurs, et assez rapidement le contenu des enseignements pour le rendre plus utile dans un monde ou les capacités de synthèse et de réflexion des machines sont en passe de dépasser les nôtres – en gros, moins de maths, de langues, de littérature et d’économie, et plus de bricolage, de mécanique, de cuisine et de couture. Côté jeu, ce sont surtout les illustrateurs qui s’inquiètent de perdre leur boulot, remplacés par Midjourney et ses potes, mais je pense que les auteurs de jeux comme moi devraient aussi commencer à se poser des questions. Ce blog étant plus destiné aux joueurs qu’à mes élèves et collègues enseignants, c’est de l’impact des IAs sur le monde du jeu, et des réactions possibles, que je vais surtout discuter ici.

L’arrivée brutale sur le web – enfin, sur Discord – de Midjourney, il y a un peu plus d’un mois, a suscité, dans l’ordre, la curiosité, la surprise, l’émerveillement puis l’inquiétude et, parfois, la révolte. Pour analyser correctement les impacts possibles d’une telle technologie, il faut certes certes être un peu sociologue et historien, ce que je suis, mais surtout spécialiste du cerveau de l’homme et de celui des ordinateurs, domaines où je suis totalement incompétent. Malgré ou à cause de cette double incompétence, il me semble pourtant que les commentaires lus ici et là proviennent soit d’artistes qui ne réalisent pas vraiment ce que font les ordinateurs, voire le disqualifient par principe, soit de geeks qui ne voient que la performance technique de ces logiciels, effectivement impressionante, en ignorant plus ou moins délibérément les dimensions sociales et humaines.

Sci Fi boardgame cover, by Midjourney

Tout le monde, donc tous les auteurs de jeu, tous les illustrateurs, tous les éditeurs, a fait joujou avec Midjourney, parfois aussi avec Stable Diffusion. Ces outils sont d’une puissance effrayante, du moins pour qui parvient à les apprivoiser car je semble être assez mauvais à ce petit jeu, qui demande peut-être un apprentissage pour lequel je ne suis guère motivé. Les éditeurs se sont pris à rêver de jeux aux illustrations vite faites et quasi-gratuites, les auteurs à de jolis prototypes et les dessinateurs ont commencé à cauchemarder. L’inquiétude est particulièrement forte chez les illustrateurs de jeux car l’un des principaux arguments imaginés par les artistes qui veulent se rassurer est que les images artificielles seraient destinées à rester sans âme, sans émotion, sans intention. Ces caractéristiques essentielles dans bien des domaines n’ont en effet jamais été exigées dans le jeu de société, où l’art ne cherche qu’à être illustratif.

Je crains malheureusement que même cet argument soit un peu vain, et que tous les artistes graphiques soient à relativement court terme menacés, pour beaucoup dans leur métier, pour tous dans la manière dont ils l’exercent. La question est en effet moins de savoir jusqu’où l’ordinateur peut imiter l’humain, que de savoir dans quelle mesure nous fonctionnons différemment des intelligences artificielles, nous sommes capables de faire des choses qui leur resteront étrangères. Comme je l’ai dit, je ne suis spécialiste ni du cerveau humain, ni du raisonnement des machines, mais je ne suis pas sûr que la différence soit si grande et que les émotions les plus subtiles restent longtemps hors de portée des logiciels de dessin – quiconque a regardé un coucher de soleil sur une plage sait qu’il n’est nul besoin de ressentir une émotion pour la transmettre. Côté texte, ChatGTP commence à faire de l’humour, même s’il manque encore de subtilité dans ce domaine.

Quoi qu’il en soit, même si les illustrateurs de jeux ne sont sans doute pas les seuls menacés, ils sont parmi les premiers sur la liste. La réaction néo-luddiste à laquelle on assiste sur les réseaux sociaux, les artistes demandant aux éditeurs de les rejoindre dans un refus d’avoir recours à des IAs « malhonnêtes » parce qu’elles travailleraient à partir d’une base de données d’œuvres existantes et pour beaucoup juridiquement protégées, me semble mal fondée, vaine, et sans doute contreproductive. Mal fondée parce que, du moins pour la plupart d’entre eux, les artistes humains ne fonctionnent pas différemment, s’inspirant de tout ce qu’ils ont vu, voire étudié, et ne font pas toujours plus original que les IAs. Vaine parce que si, à qualité équivalente, l’art artificiel est moins cher que l’art humain, il finira nécessairement par emporter la plus grande part du marché, les créateurs humains ne jouant plus qu’un rôle marginal, comme cela a été le cas dans le textile. Les artistes, j’en connais aussi, qui s’interrogent sur leur future complémentarité avec l’ordinateur, ou sur les marchés de niche qui resteront protégés, auront plus de chances de s’en sortir. Si les tisserands ont quasiment disparu, les traducteurs sont toujours là, certes moins nombreux qu’il y a quinze ans, et travaillent avec les machines car personne ne paie plus cher pour avoir une traduction authentique intégralement faite à la main. Et ne me dites pas que la traduction est une tâche purement technique, elle est bien souvent aussi littéraire que la simple écriture.

L’arrivée de Midjourney et ChatGPT m’a pris, comme tout le monde ou presque, par surprise. Bien peu semblent avoir anticipé le pourtant inévitable progrès des IA, et leur capacité à faire des tâches créatives de plus en plus complexes. À ce rythme, je ne serais pas étonné que, d’ici quelques années, voire seulement quelques mois, Midjourney nous peigne des Picasso et des Rembrandt de bonne tenue, et ChatGPT écrive des inédits de Shakespeare et de Dostoievski parfaitement crédibles. Ces IA sont pour l’instant spécialisées, mais les prochaines générations seront polyvalentes, et donc capables de s’attaquer aux domaines des touche-à-tout créatifs que sont, par exemple, les auteurs de jeu. J’espère avoir tort, mais si je devais parier sur quand les IAs seront capables de concevoir entièrement un jeu de société qui soutienne la comparaison avec ceux des auteurs professionnels comme moi, je dirais, au doigt mouillé, d’ici 1 ou 2 ans. Les machines seront aussi bientôt capables d’écrire un article comme celui-ci, plus fouillé, avec plus de références et moins de fautes de frappe.

Nous avons longtemps cru le travail artistique et intellectuel protégé d’un progrès technique qui n’aurait affecté que les tâches manuelles et répétitives. Dans le futur rêvé de mon enfance, celui des trente glorieuses, les robots construisaient les bâtiments, travaillaient en usine à la chaîne, s’occupaient parfois du nettoyage, mais il ne serait venu à l’idée de personne qu’ils peindraient bientôt des tableaux et écriraient des poèmes. C’est  l’inverse qui se produit, et comme ce que l’on ne sait pas ou mal automatiser est aussi ce qui reste le plus cher, nous pourrions aller vers un monde où les plombiers, les livreurs et les femmes de ménage seront mieux payés que les artistes et les ingénieurs – ou à tout le moins aussi bien, ce qui ne serait pas nécessairement un mal. Malheureusement, la logique du capitalisme fait que l’alignement a plus de chances de se faire vers le bas. Il va falloir s’adapter – avec mes deux mains gauches, je suis mal barré.

En contrepoint à ces inquiétudes, on croise parfois aussi sur les réseaux sociaux, en particulier dans les milieux geeks, une vision plus optimiste de l’avenir que nous préparent les machines. Les intelligences artificielles seront peut-être capables de résoudre les problèmes écologiques et sociaux générés par l’intelligence, et surtout la connerie, humaine, mais ces problèmes ont peu à voir avec l’art. Si les robots s’occupent du travail manuel, et les ordinateurs du travail intellectuel, cela nous laisserait aussi plus de temps pour le sexe, la drogue, le rock’n roll et les jeux de société. Depuis Aristote impressionné par les progrès de l’agriculture antique, cette prédiction a déjà été faite quelques dizaines de fois, ce qui la rend peu crédible. Surtout, c’est négliger que les activités intellectuelles créatives, qu’il s’agisse de musique, de peinture, d’écriture ou de création de jeux, sont rarement vécues comme des travaux pénibles. La véritable peur des artistes n’est pas de perdre leurs droits d’auteur, c’est de perdre leur plaisir d’auteur. Si recourir aux machines pour échapper à des tâches pénibles est une bonne chose que nous semblons avoir plus de mal que prévu à faire, les voir prendre en charge les activités créatives en est une autre, plus problématique. Je n’irai pas plus loin ici sur les conséquences sociales de ces évolutions, qui dépendront grandement du contexte politique, lequel ne me semble pas nécessairement des plus favorables aux travailleurs.

J’espère un peu me tromper en estimant que les intelligences artificielles vont bientôt, au moins dans les domaines artistiques, produire des résultats aussi créatifs que ceux des artistes de chair et d’os, et indifférenciables de ces derniers. Quand bien même je me tromperais, je suis néanmoins convaincu que vouloir arrêter les IAs, ou se réfugier dans un petit monde où l’on ferait comme si elles n’existaient pas, est totalement vain – sans doute l’adjectif que j’ai le plus utilisé dans cet article – et ne bénéficiera donc à personne.

Comme tous les journalistes ayant récemment écrit sur les IAs, j’ai demandé son opinion à ChatGPT, mais contrairement à la plupart, j’ai choisi d’attendre d’avoir terminé de rédiger la mienne. Sa première réponse lorsque je lui demandé « quels seront les effets des IAs sur la création et l’illustration de jeux de société? » était centrée sur le contenu des jeux, point intéressant mais que je n’ai pas vraiment abordé dans mon article. Je je lui ai donc ensuite demandé « quels seront les effets des IAs sur le travail et l’emploi des auteurs et des illustrateurs de jeux de société ? ».  Ses prévisions, que voici, sont plus mesurées que les miennes, ce qui est logique puisqu’elles sont fondées sur une sorte de moyenne des opinions exprimées jusqu’à la fin 2021 sur le sujet – mais l’ordinateur nous conseille quand même d’être formés et préparés !

Il est difficile de prédire exactement comment l’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) pourrait affecter le travail et l’emploi des auteurs et illustrateurs de jeux de société. Cependant, il est possible que l’IA puisse être utilisée pour automatiser certaines tâches de création de jeux de société, comme la génération de concepts de jeu ou la création d’illustrations de base. Cela pourrait entraîner une réduction de la demande de travailleurs humains pour ces tâches précises, mais il est important de noter que l’IA ne peut pas remplacer complètement l’ingéniosité et la créativité humaines.
Il est possible que l’IA puisse également être utilisée pour améliorer le travail des auteurs et illustrateurs en leur fournissant des outils et des ressources pour faciliter leur travail. Par exemple, l’IA pourrait être utilisée pour générer des idées de jeux ou pour aider à la création de illustrations de haute qualité.
Il est important de noter que, comme pour tous les domaines professionnels, l’utilisation de l’IA dans la création de jeux de société pourrait entraîner des changements dans les emplois et les carrières des auteurs et illustrateurs. Il est important de continuer à surveiller de près l’évolution de l’utilisation de l’IA dans ce domaine et de s’assurer que les travailleurs concernés sont formés et préparés à ces changements potentiels


These last weeks, one of the hottest discussion topics at my two jobs, teaching and game designing, has been the much faster than expected emergence of artificial intelligence. Teachers still can more or less spot the student assignments made with ChatGPT, but we know it won’t last. We will have first, and very fast, to adapt the way we evaluate the students performances to prevent cheating. Then we must think of a new curriculum which will be more useful in a world where machines’ synthesis and reflexion abilities outsmart ours – probably less maths, languages, literature and economics and more handiwork, mechanics, cooking and sewing. In the boardgaming business, illustrators are already afraid of losing their jobs to Midjourney and its pals, but I think boardgame designers like me should also start to consider the future differently. Since this blog is more often read by boardgamers than by my students and fellow teachers, I will mostly discuss below the possible effects of the new AIs on the boardgaming world, and our possible reactions. 

The sudden arrival of Midjourney on the web – well, on Discord – , more or less a month ago, has generated first curiosity, then surprise, wonder, concern and, sometimes, revolt. To correctly analyze the possible effects of such a technology, one should of course be a bit of a historian and sociologist, which I am, but also a specialist in neuroscience and computer science, two domains in which I am largely incompetent.  Despite, or because of, this double ineptitude, it seems to me that most of the comments I’ve read these last weeks  come from artists who don’t really understand what computers are doing, or disqualify it on principle, or from geeks who see only the impressive technical performance and ignore, more or less deliberately, its human and social implications.

Fantasy family boardgame cover, by Midjourney

Everyone, including every boardgame designer, every boardgame illustrator, every boardgame publisher, has started toying with Midjourney, sometimes with Stable Diffusion. These tools are indeed impressively powerful, at least for those who easily learn how to use them, because I seem to be very bad at prompting and didn’t get anything really convincing. Anyway, publishers started to dream of nearly free and always delivered in time illustrations, designers of nice-looking prototypes, and illustrators got nightmares.

Game illustrators are among the most concerned because the main wishful thinking argument imagined by artists trying to reassure themselves is that artificial images are and will stay soulless, unable to convey intention or emotion. All this has never been required in boardgame art, which is usually purely illustrative. 
I’m afraid that even this argument is vain, and most graphic artists are threatened in a relatively short term, if not in their very job, at least in the way they do it. The question is not how far computers can imitate men, it is whether our brains work really differently from theirs, whether we will keep being able to do things that will stay alien to them. As I have said, I’m not a specialist of human or computer brains and reasoning, but I’m not sure differences are that deep, and I’m not sure conveying subtle emotions will long stay out of graphic AI’s range. Anyone who ever looked at a sunset on the beach knows that one doesn’t need to feel an emotion to convey it. ChatGPT, the text generating AI, is starting to show some humor, even if it’s not very subtle yet.  

Anyway, even if boardgame illustrators are not the only one whose jobs are at stake, they are on the frontline. The reaction of most of my artist friends on social networks has been to ask publishers to restrain from using « dishonnest » AIs who use existing and often legally protected works in their database. This neo-luddism is ill-founded, vain and may be even counter-productive. It is ill founded because, for most of them, human artists don’t work very differently; they get their inspiration from existing art that they have seen and even sometimes studied, and never create in a cultural limbo. It is vain because, if artificial art is as good and cheaper than human one, it will inevitably get the biggest market share, as it happened despite Ludd in the textile industry. Other artists who are wondering about their future complementarity with AIs, or trying to find niche markets that will remain protected, have better odds of getting by. Weavers have almost disappeared, translators are still there, though fewer than fifteen years ago, and work with computers because no one is going to pay a higher price for an authentic hand made translation.  

The emergence of Midjourney and ChatGPT took nearly everyone by surprise. We didn’t foresee the inevitable progress of AIs and, most of all, their ability to do ever more complex creative works. At this pace, I won’t be surprise if in a few years, if not a few months, Midjourney paints rather good Picassos and Rembrandts while ChatGPT writes perfectly credible Shakespeare plays and Dostoievsky novels. Online AIs are so far specialized, but the next generation will be more versatile and able to deal with the work of creative dabblers such as, for example, game designers. I hope I’m wrong, but my bet is that in one or two years such AIs will be able to design a complete boardgame as good as those created by a professional designer like me. Soon they will also be able to write an article like this one, with more references and examples, better spelling and better grammar. 

We have long believed that artistic and intellectual jobs would never be threatened by technical progress and automatization, which could only replacing mundane manual tasks. In my youth, in the sixties, we were dreaming of a world in which robots would construct buildings, work at assembly lines, sometimes clean houses, but no one imagined they would someday draw paintings and write poetry. The reverse is happening, and since what we cannot have machines do for you is usually what’s well paid, we might be entering a world in which plumbers, delivery drivers and housemaids will be better paid than artists and engineers – or at least paid the same, not necessarily a bad thing. Unfortunately, due to the capitalist inner logic, downward changes are more likely than upward ones. Intellectuals will have to adapt; with two left hands, I’ve a feeling I’m not gonna make it.

Contrasting with these worries, one can also read here and there on social networks, especially from hardcore geeks, a more optimistic take on our future life with the machines. Artificial intelligences might be able to solve social and ecological problems created by human intelligences, and even more by human stupidity, but these have little to do with art and creation. If robots take care of manual labor and computers of intellectual tasks, this should leave us more time for sex, drugs, rock’n roll and boardgames. Since Aristotle, who was impressed by the technical progress in ancient agriculture, this prediction has been made several dozens of time, and there’s no reason to believe it will be more accurate this time. This also neglects a very important point : unlike most of the physical tasks executed by machines and robots, creative and intellectual activities are mostly pleasurable. The real issue for most artists is not author’s rights, it’s author’s fun. Having machines taking over mundane and painful tasks can be a good thing, but seems to be more difficult than we expected. Having them take over creative activities is another one, more problematic. I won’t go further about the social impact of these changes. It will strongly depend on the political context, which doesn’t seem to be very favorable to workers, even intellectual ones.

As I said above, I don’t know much about neuroscience or computer science. I might be wrong, and I hope I’m wrong, in thinking that artificial intelligence will soon do creative works as good as that of flesh and blood humans, and impossible to differentiate from it. Even if I’m wrong, however, I’m sure that trying to stop AIs, or to take refuge in a small world from which they are banned, won’t profit anyone. « Vain » is probably the adjective I’ve used the most frequently in this blogpost.

Like all the journalists who recently wrote about AIs, I have asked ChatGPT for its opinion. When asked « what will be the effects of AIs on the design and illustration of boardgames », its answer was mostly dealing with the content of games, an interesting point but not the one I have discussed here. I rewrote my question as « what will be the effects of AIs on the work and jobs of boardgame designers and illustrators? ». His predictions are less violent than mine, which didn’t surprise me since they are based on the average opinion on the issue expressed until the end of 2021. It nevertheless advises us to be « trained and prepared ».  

It is difficult to predict exactly how the use of artificial intelligence (AI) will impact the work and jobs of board game designers and illustrators. However, it is possible that AI could be used to automate certain tasks related to board game creation, such as generating game concepts or creating basic illustrations. This could lead to a reduced demand for human workers for these specific tasks, but it is important to note that AI cannot completely replace human ingenuity and creativity.
It is possible that AI could also be used to enhance the work of board game designers and illustrators by providing them with tools and resources to facilitate their work. For example, AI could be used to generate game ideas or help create high-quality illustrations.
It is important to note that, as with all professions, the use of AI in board game creation may lead to changes in the jobs and careers of designers and illustrators. It is important to continue to closely monitor the evolution of AI in this field and ensure that affected workers are trained and prepared for these potential changes.

Luis Bruêh, Night Parade of a Hundred Yokais

Je pense avoir acheté tous les jeux de Luis Brueh, ou du moins toutes les grosses boîtes, car il a peut-être fait des petits jeux de cartes dont je ne sais rien. Il y a à cela une raison très simple, je suis jaloux. Je ne rêve même pas de pouvoir un jour illustrer moi même l’une de mes créations. Même après quelques heures de discussion avec Midjourney, je suis bien incapable de me représenter, et plus encore de dessiner, les images que je voudrais voir accompagner l’un de mes jeux. Parfois, comme avec les illustrations d’Andrew Bosley pour Mission : Planète Rouge, de David Cochard pour Kamasutra, ou plus récemment d’Andrew Hartman pour Trollfest, j’ai la chance de trouver un artiste qui donne très précisément sinon vie, du moins forme et couleur à ce que j’imaginais. Ce n’est pas si fréquent, et j’aimerais tant pouvoir le faire moi-même.
Certes, Luis Brueh n’est pas le seul auteur à souvent illustrer lui-même ses créations – il y a aussi Ryan Laukat, Dominique Ehrhard, ou mon amie Anja Wrede, mais les jeux de Luis sont un peu dans le style des miens, et ont juste les illustrations que j’aimerais souvent voir aussi dans les miens. Mais bon, jusqu’ici, ces jeux n’avaient pas eu beaucoup de succès dans mon entourage. J’avais bien aimé Dwar7s Winter et Dwar7s Spring, mais les amis avec qui j’y ai joué, amateurs de jeux de deckbuilding plus costauds et sans doute plus variés, étaient moins enthousiastes. Après une première sortie, les jolies boîtes colorées sont restées sur mes étagères.

J’ai insisté et tendu à mes amis joueurs un guet-apens. Je viens de les faire jouer à Night Parade of a Hundred Yokais, et cette fois, je crois que tout le monde a adoré. D’ailleurs, après une première partie, on en a fait une seconde pour essayer d’autres factions, ce qui n’est guère dans nos habitudes. Et ce jeu là ne va certainement pas moisir sur mes étagères.
Bref, si vous pouvez vous procurer, si possible avec au moins l’extension Moonlight Whispers, ce jeu malin, original, rythmé et diablement bien illustré et édité, ne laissez pas passer l’occasion. C’est un plaisir à regarder et à jouer.
Night Parade est un jeu d’Engine Building, dans lequel chaque joueur se construit trois petites séries de cartes démons, les yokais, dont il peut enchaîner les effets pour prendre le contrôle des îles. Les différents clans sont très thématiques, les ratons laveurs embrouillent, les chats se déplacent vite, les ours bastonnent, les tortues se planquent sous leur carapace, les grenouilles sont assez fortes en invocation de créatures diaboliques. Il se passe plein de trucs, mais les rangées de cartes bien visibles et l’iconographie limpide font que l’on sait toujours où l’on en est, ce qui n’est pas toujours le cas dans les gros jeux publiés ces dernières années. Bref, je recommande vivement.
Je suis passé il y a quelques semaines dans les locaux de Iello, à Nancy, et j’ai vu quelques autres jeux de Luis Bruêh qui trainaient sur une table, peut-être le signe qu’ils vont sortir en français – je dis ça comme ça, je n’ai pas d’info particulière, ce serait chouette si ce post emportait la décision ?


I’ve probably bought all the games designed by Luis Bruêh, or at least all the big boxes, since he might have published a few small card games I’m not aware of. There is a simple reason to this – I am jealous. I don’t even dream of being able one day to draw the art for one of my designs. Even after hours of talk with Midjourney, I’m totally unable to draw, let alone to imagine, the art I would like to see on my games. Sometimes, like it happened with Andrew Bosley’s art for Mission: Red Planet, with David Cochard’s art for Kamasutra, or more recently with Andrew Hartman’s art for Trollfest, I have been lucky enough to see an artist give shape and color, if not life, to what I was imagining. It’s not always the case, and I deeply regret that I can’t do it myself.
Luis Bruêh is not the only boardgame designer who draws his own art. I can think of Ryan Laukat, of Dominique Ehrhard, or of my good friend Anja Wrede, but Luis’s games are more or less in my style, and have just the art I would love to see in mine. Unfortunately, so far, these games had not been that successful with my gaming friends. I enjoyed
Dwar7s Winter and Dwar7s Spring, but my fellow gamers more acquainted with heavier and more varied deckbuilding games were less enthusiastic. We had fun playing them once, but the boxes then stayed on my shelves.

I insisted, and lured my friends in a trap. We just played Night Parade of a Hundred Yokais, and this time everyone loved the game. After a first game, we played a second one to try the other clans, something we don’t do that often now. An this game won’t stay gathering dust on my shelves.
So, if you have an opportunity to get this game, if possible with the Moonlight Whispers expansion, just buy it. It’s clever, original, fast paced and gorgeously illustrated. It’s a pleasure to look at, and a pleasure to play.
Night parade is an Engine Building game, in which every player builds three lines, or parades, or Japanese demon cards, the yokais. Every round, each player uses the abilities of one line of yokais, in order, to take control of the islands. The different clans in the game are really different and thematic : the raccoons intrigue, the cats move fast, the bears fight, the turtles hide under their shell and the frogs are really good at magical invocations. There’s lots of things going on, but thanks to the nice art and clear iconography, it’s easy to keep track, something relatively unusual in recent games. I highly recommend Night Parade of a Hundred Yokais.

Tric Trac, c’est fini
Tric Trac, the end

Je suis sans doute l’un des rares « acteurs du monde ludique » encore en activité à avoir connu l’internet ludique d’avant Tric Trac, celui d’Ankou, et d’avant le Boardgamegeek, celui du Gaming Dumpster. Ça nous fait pas jeunes, comme on dit.
Tric Trac est appru il y a une vingtaine d’années. C’est peu dire que je n’appréciais guère le fondateur et webmaster “historique” de Tric Trac, qui me le rendait bien. Du coup, on n’y parlait guère de moi et je n’y mettais pas les pieds, mais ce fut pendant longtemps le centre du petit monde webo-ludique francophone. Disons que le site sur fond vert et son webmaster avaient du caractère. Et puis Tric Trac s’est fait dépasser par d’autres sites, plus jeunes et peut-être aussi plus lisses et consensuels.

Depuis trois ou quatre ans, je ne sais plus bien, Tric Trac avait déménagé d’Orléans à Paris et me semblait pourtant renaître d’une manière très sympathique, moins provocatrice et plus réfléchie. Alors même que je regarde très peu de videos, leur préférant systématiquement les textes, je me reconnaissais assez dans la nouvelle formule du Tric-Trac show, des émissions un peu « magazine », où un sympathique mix de nouvelles têtes et de vieux mandarins discutaient calmement, prenant du recul sur l’actualité ludique, et portant sur le jeu un regard intelligent, voire un peu intello. Ce n’était sans doute pas la tendance, ils ont peut-être pris le monde du jeu pour ce qu’ils voulaient qu’il soit, et que j’aurais aimé qu’il soit.

Et donc, c’est fini. Je devine que l’audience n’était pas au rendez-vous d’un show un peu trop ambitieux, un peu trop réfléchi, et que Tric Trac perdait trop d’argent, ou plus exactement perdait de l’argent depuis trop longtemps, pour qu’Asmodée continue à le soutenir. Je mentirais en disant que je suis vraiment surpris, mais je pensais que cela durerait encore quelques années. J’espère juste que François, Guillaume, Julien, Pénélope, Tarsa, trouveront tous un bon boulot dans un milieu ludique francophone auquel leur culture et leur subtilité risquent de manquer.

L’annonce par l’équipe sur le site de Tric-Trac

Mon dernier passage au Tric Trac Show

I’m one of the few people in the game business who still remembers what the boardgaming internet looked like before Tric-Trac, mostly with Ankou, and before the Boardgamegeek, mostly with the Gaming Dumpster. yes, I’m and old gamer and game designer.

Tric Trac appeared more or less twenty years ago, and my relations with it have long been very tense. The long time webmaster of Tric Trac and I strongly disliked each other, so I was rarely mentionned on a site which I carefully avoided. This green background website was nevertheless, for quite long, the center of the small French gaming world. Well, at least the site and its boss had some personality. And then Tric Trac was overtaken by the competition, by younger, and may be also blander and more consensual websites.

For three or four years now, Tric Trac had moved from Orléans to Paris. I really enjoyed its new formula, less provocative and more thought out. While I rarely watch videos, and prefer written articles, I enjoyed the Tric Trac show, where a nice mix of old gaming pundits and newer figures were discussing calmly, taking a step back from the crazy gaming news, and looking at the galing world in an intelligent, sometimes even a bit intellectual, way. It probably didn’t fit that well with recent trends…. They have probably mistaken the gaming world for what they wanted it to be, and what I would also like it were.

Anyway, it’s over. I guess this too ambitious show didn’t reach a large enough audience and it was losing too much money, or rather was losing money for too long, for Asmodee to keep paying the bills. It would be a lie to say I am completely surprised, but I honestly thought it could stay a few years more. I only hope that François, Guillaume, Julien, Pénélope and Tarsa will all find a new and lasting in a French speaking gaming world which won’t be the same without their culture and subtlety.

French Touch

Je viens d’avoir une conversation avec un journaliste qui souhaitait écrire un article sur une French Touch dans la création actuelle de jeux de société. Je l’ai sans doute un peu déçu en affirmant que s’il existait aujourd’hui une spécificité française en matière de jeu de société, c’était peut-être dans l’édition, mais certainement pas dans la création.

Si quarante ans d’enseignement dans des endroits bien différents m’ont appris une chose, c’est que les « différences culturelles » n’existent pas vraiment, ou du moins sont absolument négligeables en comparaison des différences individuelles. On a toujours tendance à exagérer des spécificités culturelles qui, lorsqu’elles existent, ne sont guère que des différences assez superficielles de langage, de codes sociaux et de références littéraires, culinaires et musicales. Un peu de la même manière, mon travail d’historien m’a surtout montré que les hommes de la fin du Moyen Âge et de la Renaissance ne pensaient pas bien différemment de nous.

Cette tendance à exagérer les différences est particulièrement absurde dans un domaine comme le jeu de société. Les jeux de société modernes sont en effet apparus assez récemment. C’est pourquoi, contrairement à ce qu’il se passe en littérature, en musique ou en peinture, les auteurs de jeux français, américains, japonais ou autres ont très exactement les mêmes références, Catan, Magic, Les Aventuriers du rail, tout ça. Parler de spécificités nationales en littérature ou en peinture a encore un certain sens, même si je pense que l’on en rajoute, mais cela n’en a plus aucun en matière de jeu de société.
Mon style n’a, me semble-t-il, pas grand chose de commun avec celui de Bruno Cathala ou de Roberto Fraga, et serait sans doute plus proche de celui d’Alan Moon, de Seiji Kanai ou de Hisashi Hayashi. Et je ne vois absolument rien de commun entre les créations de Bruno et de Roberto, qui m’ont été cités comme deux éminents représentants de cette French Touch. Le monde de la création ludique est d’ailleurs très internationalisé, tout s’y fait en anglais, et j’ai côtoyé avec plaisir des auteurs allemands, italiens, grecs, américains, canadiens, brésiliens, coréens, iraniens, japonais, scandinaves, russes, polonais et autres, sans jamais avoir l’impression de me trouver face à une culture ludique différente de la mienne – ou en tout cas pas plus souvent qu’avec des auteurs français.
En matière de création, la French Touch n’est donc qu’un argument commercial, que je trouve personnellement peu convaincant.

La spécificité, s’il y en a une, n’est pas du côté de la création, mais de celui du business et de l’édition, et l’explication relève plus du coup de bol que de la culture. Il se trouve que Asmodée est la grande success story de l’édition du jeu de société moderne, et que ce qui était une petite boite de passionnés de jeux de rôles, comme il y en avait à la même époque dans bien des pays, est devenu une grande multinationale du jeu de société, avec des centaines de filiales dans le monde entier. Par facilité, son expansion s’est faite plus rapidement en France que dans les autres pays, et surtout s’y est plus porté sur le côté créatif, éditorial, et moins sur l’aspect commercial. Toute une série d’éditeurs plus modestes se sont lancés dans la foulée d’Asmodée, rêvant de et souvent parvenant à être rachetés par le démon du jeu, ou plus récemment par Hachette qui semble vouloir l’imiter. Du coup, il est en effet devenu plus facile pour les auteurs français de rencontrer des éditeurs et de faire publier leurs créations. Cela a créé quelques vocations, mais ne fait en rien des auteurs de jeux français une catégorie culturellement à part.



Je sais que l’expression de French Touch est beaucoup utilisé dans le jeu video, mais elle y désigne une réalité qui relève à la fois de la création et de l’édition, les deux y étant beaucoup plus fortement imbriqués que dans le jeu de société. Il faudrait pour avoir l’équivalent dans le jeu de société que se crée un véritable bouillon de culture entre auteurs voisins à la fois géographiquement et intellectuellement. Ce n’est pas encore arrivé et dans le jeu comme dans bien d’autres domaines culturels, je pense que l’on gagne plutôt à tout mélanger. Je suis français, je suis un auteur de jeu, je ne suis pas un « auteur de jeu français » parce que cette catégorie ne signifie rien.


I just had a phone conversation with a journalist who is writing about a French Touch in boardgame design. He felt a bit disappointed when I answered that if there was something specifically French today in boardgames, it had more to do with publishing than with design.

Forty years of teaching in various places have taught me one thing, that “cultural differences” don’t really exist, or are extremely marginal when compared with individual differences. We always tend to exaggerate cultural specificities which are little more than differences in language, social codes and literary, culinary or musical references. Similarly, my research as a historian convinced me that people form the late Middle Ages and the Renaissance didn’t think very differently from us.

This exaggeration of differences is particularly absurd when discussing boardgames. Modern boardgames are a very recent thing. Therefore, unlike what happens with literature, music or graphic art, French, American Japanese and other boardgame designers have the exact same references – Catan, Magic the Gathering, Ticket to Ride and all that stuff. Talking of national styles in literature or painting still makes sense, even when I think we usually overdo them, but it doesn’t make any sense when discussing boardgames.
My own design style has little in common with that of Bruno Cathala or Roberto Fraga, and is probably more similar with that of Alan Moon, Seiji Kanai or Hisashi Hayashi – and I don’t see the slightest thing in common between Roberto’s and Bruno’s designs. The boardgame design little world is very international, everything happens in English, and I’ve met publishers from dozens of countries such as Italy, USA, Canada, Brasil, Korea, Iran, Japan, Russia, Poland, Greece, Baltic and Scandinavian countries, without ever having the feeling that these people had a different gaming culture than mine – or not more often than with French designers.
The
French Touch in boardgame design seems to me to be only a marketing argument, and not a very convincing one.

If there is a French specificity with boardgames, it has to do with business, not design, and more with sheer luck than with culture. Asmodee happens to be the big success story of the boardgaming business. What was originally a small role playing publishing company founded by a few friends has become a big multinational company with hundreds of subsidiaries in the whole world. Its development started in France where, for practical reasons, it focused more on creation and development and less on distribution. Smaller companies followed suit, often with the more or less secret goal of being bought by Asmodee, or more recently by Hachette who is trying to follow suit. All this has made easier for French boardgame designer to meet publishers and have their creations published. It might have generated a few vocations, but it doesn’t make French designers a culturally specific category.

The expression French Touch comes from the video game industry, where it refers both to design and publishing, which are much more interwoven than in the boardgaming world. To have the same thing with boardgames, we would need a real cluster effect between designers both intellectually and geographically similar. It has not happened yet and, with boardgames like with many other cultural domains, I think it’s more rewarding to mix everything. I’m French, I’m a game designer, but I don’t like being called a “French game designer”, a category which doesn’t mean anything.

Diplôme de Citadelles
Citadels graduation diploma

Célia Guin est une jeune illustratrice qui, pour son diplôme de fin d’études, a revisité Citadelles dans un style crayonné plein de charme. Cela ne sortira jamais, mais ça donnera peut-être à certains l’envie de l’embaucher pour illustrer un autre jeu. En tout cas, j’ai trouvé lidée très sympathique.


Celia Guin is a young artist. As a graduation diploma job, she revisited my Citadels. This will never get in print, but may be you can hire her o make the art for some other upcoming game… Anyway, I like it !

Etourvy 1995

Un grand merci à Hervé qui a retrouvé dans un coin de son disque dur cette video du troisième épisode des rencontres ludopathiques, en 1995 où l’on voit quelques personnes que j’ai un peu perdues de vue – Nadine, Scarlett, Laure, Pierre, Anne (charmante avec son chapeau), Arno, Isabelle, Jean-Yves, Mireille, Sabine, Tristan, Nadine et quelques autres, et surtout Pierre qui nous manque beaucoup. Côté jeux, on voit Cambio, Ave Cesar, Il était une fois, Condottiere, Meurtre à l’Abbaye, Credo, Tribalance, Taboo, dictionnaire, Pusher, Intrigues à Venise, et quelques trucs que je ne reconnais même plus. Cela n’a pas tellement changé, mais j’avais plus de cheveuex. Et on fumait plus.

Many thanks to Hervé for this video of the third ludopathic gathering in Etourvy, in 1995, with a few friends I have not seen for years – Nadine, Scarlett, Laure, Pierre, Anne (really pretty with her hat), Arno, Jean-Yves, Isabelle, Mireille, Sabine, Tristan, Nadine and, most of all, Pierre whom I really miss. As for games, I’ve spotted The Pit, Ave Caesar, One upon a Time, Condottiere, Murder at the Abbey, Credo, Tribalance, Taboo, Dictionary, Pusher, Incognito and a few things I don’t really remember. It didn’t change that much – but I had more hair. And we were all smoking.

Jeux et politique…
Games and politics

Ceux qui suivent ce blog régulièrement savent que je me méfie habituellement beaucoup des jeux à thème politique, et des jeux prétendant faire passer un message politique…. Il arrive pourtant que les jeux et la politique fassent bon ménage, comme le montrent ces deux videos récentes.

Those who regularly read my blog know that I am usually wary of games with a political setting, and of using games as political media… Sometimes, however, politics and games can fit together, as can be seen on these two recent videos.

Des iraniens s’amusent à faire tomber les turbans des mollahs.
Iranians passers by play Mullah’s turban tossing.

Des activistes hollandais essaient de préserver un petit bout de climat en empêchant des jets privés de décoller.
Dutch activists try to save a little bit of climate by preventing private jets to take off.

Un week-end de créateurs de jeux à Puszczykowo
A game designer week-end in Puszczykowo.

Je rentre d’un séjour de quatre jours en Pologne, à Puszczykowo, dans un charmant hôtel perdu dans les bois, dont l’ameublement date encore de l’époque communiste. Krzysztof Szafranski, Michal Gryn et l’équipe du collectif d’auteurs Pamper y organisaient une rencontre d’auteurs, certains édités et d’autres non, afin qu’ils puissent jouer et débattre de leurs prototypes entre eux, et les présenter à la petite dizaine d’éditeurs présents, des polonais surtout mais aussi quelques tchèques, baltes et autrichiens. J’étais le participant le plus exotique.

Ça va, ce n’était pas la saison des moustiques.

Le programme, assez chargé, alternait sessions de jeu et conférences en anglais. Anita Landgraf a, par exemple, présenté les avantages, réels pour les jeunes auteurs et peut-être aussi pour les plus vieux, à travailler avec un agent – et du coup je lui ai laissé un des mes prototypes, on verra bien. J’ai raté l’intervention d’Adam Kwapinski sur l’adaptation des jeux videos en jeux de société parce que j’étais tellement fatigué que je faisais la sieste. J’ai parlé des modifications que l’éditeur peut apporter à un jeu et des problèmes que cela pose souvent aux auteurs, sujet difficile dont je tirerai certainement un article un de ces jours. 

Quand Anita m’a demandé si j’avais déjà demandé que l’on retire mon nom d’un jeu.

Un conseil aux jeunes auteurs

J’avais dans ma valise quelques petits jeux de cartes sur lesquels je travaille en ce moment, et y jouer avec des auteurs, donc des testeurs assez techniques et critiques, a permis de leur apporter quelques améliorations. 

J’ai aussi bien sûr joué à pas mal d’autres prototypes. S’ils étaient pour le reste assez différents, il m’a semblé qu’ils avaient tous besoin d’une bonne coupe au rasoir d’Ockham. J’ai joué à un jeu qui était dans une grande boite, avec un plateau, une centaine de pions, des cartes surdimensionnées couvertes de texte décrivant des capacités spéciales, et qui serait sans doute bien meilleur sous la forme d’un petit jeu de cartes sans texte.

Des test sérieux, on boit de l’eau minérale et on prend des notes.

C’est un problème  fréquent dans les jeux d’auteur débutants, et je profite de l’occasion pour donner ce conseil : faites simple, allez droit au but. Si les tests de votre jeu révèlent un problème, une lourdeur, un déséquilibre, un problème de rythme, avant d’essayer de le résoudre en ajoutant un mécanisme, une carte, des pions, demandez-vous si vous ne pouvez pas plutôt en enlever. Un bon auteur écrit en évitant soigneusement les mots qui n’ajoutent rien au sens de ses phrases; un ingénieur n’embellit pas ses machines avec des pièces inutiles; un développeur prend bien soin d’effacer les lignes de code qui ne servent plus à rien. Un auteur de jeux doit de même éviter toutes les règles, tous les éléments qui n’ajoutent rien, ou pas grand chose, d’intéressant au déroulement de la partie.

Femmes, business et hobby ?

J’ai été assez surpris du petit nombre de femmes, une dizaine à peine sur la centaine d’auteurs présents, une proportion bien moindre que dans les grands salons comme Essen, Cannes ou la Gen Con. J’ai d’abord pensé que cela était dû à un décalage de quelques années entre l’Est et l’Ouest de l’Europe, avant de réaliser que le public d’un événement comparable n’aurait sans doute pas été très différent en France ou aux États-Unis. En effet, si les femmes sont de plus en plus nombreuses parmi les joueurs, si elles sont depuis assez longtemps très présentes chez les éditeurs, que ce soit dans les postes éditoriaux ou commerciaux, elles sont au moins aussi nombreuses que les hommes dans l’illustration de jeux, mais elles restent partout rares parmi les auteurs. Nous avons résumé cela lors d’une discussion avec Anita Landgraf en une formule un peu réductrice, il y a plus de femmes dans le business que dans le hobby, sans être vraiment capables de l’expliquer. 

Peandant que les français se mettent au Mollky finlandais, les polonais passent à la pétanque.

Petits et gros salons

Si je ne suis pas allé cette année à la Gen Con ou à Essen, c’est bien sûr d’abord pour des raisons techniques, le coût du transport et du séjour pour la Gen Con, les dates qui ne coïncident plus avec les vacances scolaires pour Essen. C’est peut-être aussi un peu parce que je suis fatigué de ces grands salons, qui, en tant qu’auteur, me semblent de plus en plus fatigants et de moins en moins utiles. Certes, on y croise beaucoup de monde, mais c’est très rapidement, dans le bruit, et plus pour boire quelques bières et raconter les potins du milieu ludique que pour jouer et parler jeux. Je préfère de plus en plus les rencontres moins nombreuses mais plus tranquilles et parfois plus inattendues que je peux faire sur de plus modestes réunions et conventions – à condition bien sûr de pouvoir quand même boire quelques bières.


I’m back from four days in Poland, at Puszczykowo, in a cute hotel lost in the woods, whose furniture probably had not been replaced since the communist era. Krzysztof Szafranski, Michal Gryn and the team at the Pamper game test group were organizing a meeting with about a hundred designers, some published and some not, where they could play and discuss their prototypes and show them to ten or so publishers, most of them polish but some czech, baltic or austrian. I was the most exotic attendee.

Luckily, it wasn’t mosquito season.

The busy schedule alternated playtest sessions with conferences in English. Anita Landgraf explained the advantages, for young but also for old designers, of working with an agent, and managed to convince me to let her one of my prototypes. I missed Ada Kwapinski’s talk about adapting video games into boardgames because I was so tired that I needed to have a nap. I talked about how the publishers often develop or modify a game, and of how the designers should deal with this. It’s a complex issue, and I’ll probably go back to my notes to write an article one of these days.

An advice to young boardgame designers

I had brought a few light card games on which I’m working at the moment. Playing them with other designers made for constructive and deconstructive criticism, and I come back with all of them somewhat improved. Of course, I also played other designers’ prototypes. They were all very different, but I felt they all needed a good Ockham razor’s beard trimming. I played a big box game, with a board, a hundred tokens, oversized cards covered with text which could have been a much better card game with no text at all.

It is a common issue with wannabe game designers prototypes. Here’s my advice : make everything as simple and straightforward as possible. If playtests reveal a problem with your game, be it clumsiness, unbalance, lack of rythm or depth, don’t try at once to solve it with adding elements, be they card, token or rule. Try first to remove stuff. It’s not always possible, but when it works, it’s always better.

A good writer avoid unnecessary words, words which don’t add anything to the meaning of sentences. An engineer doesn’t try to make machines look nicer with superfluous components. Good developers write short and fast code. Similarly, a good game designer must get rid of all rules or components which add little or nothing to the game flow. 

Serious playtesters, taking notes. This was a really interesting game.

Women, the business and the hobby ?

I was surprised by how few women were among the attendees, ten at most among a hundred designers, a proportion much lower than in big game fairs such as Essen, Cannes or Gen Con. I first thought this was due to a few years gap between Eastern and Western Europe, before realizing things might not have been very different in France or the US. There are more and more women among boardgamers ; there are many, since much longer, working with publishers, both in editorial and commercial jobs ; there is more or less the same proportion of men and women among boardgame illustrators ; there are still, however, very few women among boardgame designers. Discussing this with Anita Landgraf, we summed up in a nice formula, there are more women in the business than in the hobby but we could not explain it. 

Smaller and bigger events

The main reasons for which I didn’t go this year to Gen Con or Essen are extremely bland, the cost of transport and accomodation at Gen Con, the dates which don’t fit anymore with school holidays for Essen. It is also true, however, that I am less and less excited by these big events which, as a designer, I find more and more tiring and less and less useful. Yes, we can meet many people from the business, but all while runing from one hall to another, and often more to drink beer and exchange gossip than to play and discuss games. I probably enjoy more now smaller gatherings where people have more time to talk, where discussions are sometimes more unexpected, at least if I can still drink a few beers.  

The speakers and the two organizers, Krzysztof Szafranski (left) and Michal Gryn (right). I got a copy of a game by Michal, Space Craft, which looks clever and challenging.

Traductions françaises, quand l’éléphant se prend les pieds dans le plat
French translations, when the elephant puts its feet in the dish

J’écoute peu de podcasts et regarde peu de videos consacrées aux jeux de société, qu’il s’agisse de critiques ou de discussions plus générales, leur préférant les textes écrits. C’est cependant avec beaucoup de curiosité que, il y a quelques semaines, j’ai écouté mes amis de Tric Trac et leurs invités débattre de la traduction des jeux de société dans leur émission hebdomadaire, le Tric Trac show. J’espérais un peu que quelqu’un allait mettre les pieds dans le plat – ou en anglais, même si ce n’est pas exactement la même chose, parler de l’éléphant qui est dans la pièce – en dénonçant la médiocrité de beaucoup de traductions françaises. Il n’en a malheureusement rien été, mais pour de très bonnes raisons puisqu’ils n’avaient invité que quelques-unes des rares personnes qui font ça bien. Je vais donc parler de l’éléphant.

Je ne suis pas très doué pour les langues étrangères. L’anglais est la seule que je maîtrise à peu près – et à l’écrit seulement, car j’ai beaucoup plus de mal à l’oral. Mes rudiments d’allemand, de latin et de polonais sont aussi modestes que lointains, et mes efforts plus récents pour apprendre le japonais semblent rester assez vains. J’ai toujours cependant été passionné par les problématiques de langue et de traduction, comme on peut le voir aussi dans mon livre sur les licornes.

Des traductions consternantes

C’est avec étonnement que, il y a une trentaine d’années, j’ai constaté que les règles présentes dans les traductions françaises de jeux de société étaient d’une qualité bien inférieure aux originaux anglais ou allemands, et même aux traductions anglaises de jeux allemands. C’est avec consternation que je constate que, excepté chez quelques éditeurs, surtout des gros, cela n’a pas beaucoup changé. 
Ce matin encore, Antoine Prono partageait fièrement sur Twitter un message d’un joueur le remerciant pour une traduction irréprochable. Cela montre surtout que les joueurs français sont tellement habitués aux traductions médiocres qu’une bonne, qui devrait être la norme, leur semble une exception.

Cette médiocrité a deux aspects. 
D’une part, comme également un certain nombre de règles rédigées directement en français, ces traductions sont le plus souvent écrites dans une langue lourde et désagréable, confondant emphase et élégance. C’est assez ironique lorsque cela vient de gens qui prétendent vouloir faire reconnaître le caractère culturel du jeu de société – à moins bien sûr que dans « caractère culturel » ils n’entendent que « TVA du livre ». 
D’autre part, et cela est plus spécifique aux traductions, les erreurs sont fréquentes, et les ambiguïtés récurrentes.

Deux exemples d’erreurs trop fréquentes :
•  Il n’existe pas d’équivalent français au pronom anglais « any ». Dans de très nombreuses règles de jeu de société françaises, l’expression anglaise « any player » est traduite systématiquement par « n’importe quel joueur », toujours au singulier. Selon le contexte et la structure de la phrase, elle signifie pourtant « un joueur quelconque » (c’est quand même plus élégant que « n’importe quel joueur »), « un ou plusieurs joueurs » ou « tous les joueurs ». Lorsque l’on ne comprend pas bien une carte en français parlant de « n’importe quel joueur », il faut donc essayer d’imaginer l’original anglais avec « any player ». Souvent, cela prend alors sens.
• Les jeux d’influence et de majorité sont à la mode. Quand une règle en français dit qu’un joueur doit être majoritaire dans une zone du plateau de jeu, il n’est souvent pas précisé s’il s’agit de majorité absolue ou relative. La raison en est que l’éditeur a trop rapidement traduit Majority, qui signifie majorité absolue, par majorité. Majorité relative se dit en anglais Plurality (et, pour les curieux, pluralité se dit Diversity).
C’est parce qu’il n’y a pas toujours de correspondance parfaite entre les mots d’une langue et ceux d’une autre qu’il faut éviter la facilité de la traduction trop proche du texte, voire mot à mot.

On peut certes trouver des explications. Il est plus facile de rédiger des règles en anglais qu’en français, et c’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles je fais tous mes prototypes directement en anglais. La traduction est parfois faite en urgence, pour pouvoir ajouter quelques milliers de boîtes à un tirage multilingue et obtenir un meilleur prix de l’imprimeur.Si la règle dans la langue d’origine a été testée et relue des centaines de fois tout au long du développement, la règle traduite n’est pas toujours relue et rarement testée auprès de joueurs. La raison principale est cependant que trop d’éditeurs font encore la traduction vite fait chez eux, ou la font faire à des joueurs payés en boîtes de jeux, quand ce n’est pas par le stagiaire de quatrième. Cela dénote un certain mépris des jeux, des joueurs, des auteurs, de la langue d’origine et de la langue française.

Ces explications, surtout la dernière, ne sont pas des excuses, et auraient dû depuis longtemps pousser les éditeurs à prendre le travail de traduction plus au sérieux. 

Il y a quand même un problème dont la responsabilité est plus souvent du côté de l’auteur, les changements de dernière minute. Je reconnais en avoir fait quelques-uns. Lorsqu’un point de détail est modifié au dernier moment, alors que la règle est déjà partie en traduction, et que l’on fait passer le mot à tous les traducteurs, cela peut encore provoquer quelques erreurs. En tout cas, les traducteurs n’aiment pas !

Des solutions simples

Une règle de jeu est à la fois un texte littéraire et un texte technique, cela fait deux raisons de la faire traduire par une personne compétente, c’est à dire le plus souvent un traducteur professionnel qui soit aussi joueur. Ce peut-être Antoine Prono qui intervenait sur la vidéo du Tric Trac Show, mais je connais aussi un peu Mathieu Rivero ou Birgit Irgang, et il y en a d’autres. Oui, c’est un coût supplémentaire, mais si de plus en plus d’éditeurs le font, c’est qu’ils ont compris ce qu’ils avaient à y gagner en termes de « jouabilité », de réputation et donc de ventes. 
Une règle de jeu est à la fois un texte technique et un texte littéraire, ce qui fait aussi deux bonnes raisons de la faire relire par un correcteur ; lorsque c’est en outre une traduction, cela fait trois bonnes raisons. Je vous conseille les services de mon amie Camille Mathieu, avec qui j’ai conçu Trollfest, l’une des rares correctrices professionnelles qui soit aussi une joueuse de jeux de société.

Les éditions multilingues, mais elles sont rares, permettent aux joueurs, en cas de doute, d’aller chercher le texte princeps à partir duquel ont été faites les traductions, généralement la version anglaise. Cela signifie malheureusement plus de papier, et n’est pas vraiment possible pour les jeux, souvent les plus amusants, où du texte figure non seulement sur les règles, mais aussi sur les cartes.

Les petits jeux japonais sont à la mode. Une particularité de leurs règles est que la distinction traditionnelle entre le texte qui explique et les graphiques qui illustrent n’y est pas aussi nette qu’en Occident. Du coup, même lorsque les traductions sont fidèles, il peut arriver que le joueur occidental manque un point de règle qui était expliqué dans un schéma que l’on a sauté à la lecture. Cela ne signifie pas nécessairement qu’il faudrait entièrement les réécrire, mais il vaut mieux connaître cette particularité avant de lire les règles, par exemple, des petites boîtes de chez Oink.

Que peuvent faire les joueurs

Les éditeurs anglo-saxons font généralement le boulot de traduction assez sérieusement. Les traductions en anglais de jeux français sont généralement de bien meilleure qualité que les traductions en français de jeux américains. Même les jeux allemands sont presque toujours mieux traduits en anglais qu’en français.

Cela fait donc maintenant une dizaine d’années que, lorsque je veux me procurer un nouveau jeu venu d’Amérique, d’Allemagne ou d’ailleurs, je cherche systématiquement une édition en anglais, quitte à payer un peu plus cher. Il m’est même arrivé de racheter en anglais des jeux que l’éditeur m’avait offert en français. Malheureusement, Philibert qui était ma source principale de nouveautés en anglais, semble de plus en plus ne vendre que des éditions françaises ; cela m’a obligé récemment à commander en Angleterre, ce qui revient encore plus cher. 

Malgré cela, j’encourage tous ceux qui, comme moi, ont été découragés par des règles françaises difficilement compréhensibles, au point d’aller  chercher les règles en anglais sur le Boardgamegeek, à faire de même, et à le faire savoir. Peut-être cela décidera-t-il les éditeurs francophones à faire un petit effort pour fournir de meilleures traductions.

Le paradoxe de l’auteur français

Je me suis placé jusqu’ici du point de vue du joueur. Pour l’auteur, la situation peut devenir carrément absurde. Pour plusieurs de mes jeux, j’ai écrit les règles en anglais mais pas celles en français. 

Lorsqu’un éditeur allemand ou américain publie l’un de mes jeux avec des règles multilingues, ce qui n’arrive que pour des petits jeux aux règles claires et simples, il me demande le plus souvent de rédiger les règles en français, quitte à les faire ensuite relire par un correcteur. Et c’est logique.
Il m’est en revanche arrivé plusieurs fois qu’un éditeur français ayant acquis auprès d’un éditeur original américain les droits pour la version française d’un de mes jeux, fasse lui-même ou fasse faire par quelqu’un d’autre une traduction, sans me prévenir ni, à fortiori, demander mon accord. Souvent, je l’ai appris trop tard pour pouvoir relire et corriger efficacement. 

Un point de droit : Contrairement au droit américain, le droit français distingue le droit moral de l’auteur du droit patrimonial. Le droit patrimonial est cédé à l’éditeur, en échange généralement du versement de droits d’auteur, mais le droit moral est inaliénable. Cela signifie qu’aucun éditeur ou distributeur ne peut modifier substantiellement l’œuvre sans l’accord de l’auteur. C’est pour cette raison que des réalisateurs de cinéma ont parfois pu obtenir que leur film montré en France respecte leur montage original, quand celui distribué dans le reste du monde était le montage du studio de production, et que des écrivains peuvent interdire à l’éditeur de couper dans leur texte. Il y a sans doute là une base légale pour qu’un auteur de jeu français puisse interdire à un éditeur de ne pas utiliser sa propre version française des règles, ou de traduire n’importe comment.

Même s’il est trop tard, je proteste systématiquement auprès des éditeurs lorsque cela se produit. Leurs réactions sont parfois étonnantes. La plupart s’excusent, et expliquent tout simplement que, n’ayant pas l’habitude de traduire en français des auteurs français, ils n’avaient tout simplement pas penser à me contacter. J’ai un peu de mal à y croire car je suis loin d’être le seul auteur francophone à avoir de temps à autre des jeux qui reviennent d’Outre Atlantique. Quelques-uns ne comprennent pas le problème. L’un d’entre eux m’a même récemment répondu qu’il n’avait pas de contrat avec moi mais seulement avec mon éditeur américain et qu’il se moquait donc totalement de mon point de vue. Je lui souhaite le succès qu’il mérite.

Je me suis déjà retrouvé deux ou trois fois dans la situation absurde où j’avais écrit les règles anglaises d’un jeu, même si elles avaient été un peu corrigées par l’éditeur, mais pas ses règles françaises.  Je ne dis pas que l’auteur original devrait toujours être en charge de la traduction dans sa langue, mais il me semble évident que, ne serait-ce que par politesse, on devrait toujours commencer par lui demander son avis. Il m’est arrivé souvent, surtout lorsque le jeu avait connu beaucoup de modifications chez l’éditeur et que les règles à traduire n’étaient plus vraiment les miennes, de préférer qu’un traducteur professionnel s’en charge, mais à condition d’être en contact avec lui et d’avoir tout le temps nécessaire pour relecture et correction. C’est comme cela que nous avons procédé l’an dernier avec Iello pour la version française de Vampire – The Vendetta. Le résultat me semble à la hauteur, et je garde de l’expérience un très bon souvenir. 

Un problème plus vaste

Le problème que j’ai mis en avant dans cet article n’est qu’en partie spécifique aux traductions. Les règles de jeux francophones sont, de manière générale, rédigées dans une langue moins soutenue et moins claire que les versions anglaises et, me suis-je laissé dire car je suis bien incapable d’en juger, allemandes. La syntaxe est approximative, les phrases longues et encombrées d’adverbes inutiles. Un texte mal écrit, ampoulé ou fautif est toujours désagréable à lire et souvent difficile à comprendre ; on ne peut pas dans une règle de jeu, comme dans un livre, sauter les passages que l’on ne comprend pas vraiment. Lorsqu’à cela s’ajoutent des erreurs ou maladresses de traduction, le résultat peut devenir incompréhensible et éloigner de potentiels joueurs du jeu de société. J’aimerais que les éditeurs consacrent aux règles, à leur rédaction et à leur traduction, autant de soin et de sérieux qu’aux illustrations et à la maquette. On en est encore très loin alors que, pour le jeu et pour les joueurs, c’est quand même beaucoup plus important. 

Et maintenant, je vais traduire ce texte en anglais. Ma traduction sera loin d’être parfaite, et je ne la fais pas relire. Mais, bon, je ne vous fais pas payer pour lire cet article, et une imprécision n’empêchera pas de le lire et de le comprendre comme elle peut empêcher de jouer correctement à un jeu.


I rarely listen to podcasts or watch videos about boardgames. I prefer written articles or reviews. I nevertheless listened with great curiosity, a few weeks ago, when my friends at Tric-Trac and their guests discussed the translation of boardgames into French in their weekly video, the Tric Trac Show. I was hoping that someone will address the elephant in the room – in French we say « put their feet in the dish » – and tell about the disheartening mediocrity of most French rules translations. This was unfortunately not the case, tough for good reasons, since the people they had invited are among the few who do this job well. So, I’ll put my feet in the dish.

I’m not very good at languages. I can more or less write in English, but speaking is another matter. At various moments in my life, I learned some Latin, German and Polish, but forgot most of It. I’m vainly trying to get the basics of Japanese. I was nevertheless always much interested in the everything that deals with language and translation, and this also shows in my work on unicorns.

Bad translations

I was surprised when, thirty years ago, I realized that the French game rules translations put by publishers in their boxes were vastly inferior not only to the French or English original rules, but also to the English translation of German games. I am horrified to see that, except for a few publishers, mostly big ones, it didn’t change much.
This morning, Antoine Prono was sharing on Twitter a message he got from a French gamer, thanking him for a flawless translation. A flawless translation should be the norm, but it has become so exceptional that gamers notice it and thank the translator !

The mediocrity of French translated rules has two facets.
First, but this also true of many rules directly written in French, these translations are written in a faulty, heavy and pompous French, mistaking grandiloquence for elegance. This is very ironic coming from publishers who claim that games should be recognized here as a « cultural item » – unless of course what they mean by « cultural » is only « lower VAT rate ». 
Furthermore, and this is specific to translations, errors are common, and ambiguities are everywhere.

Two examples of recurrent English to French rules translation errors :
•  There is no exact equivalent in French to the English pronoun « any ». In many French game rules, « any player » is systematically translated as « n’importe quel joueur », always in the singular. Depending on the context and the sentence structure, it should be translated as « un joueur quelconque », « un ou plusieurs joueurs » ou « tous les joueurs ». As a result, when one reads « n’importe quel joueur » on a French language card, the best way to understand it is usually to try to imagine the English sentence with « any player ». 
• Many modern game are about vote, influence and majority. The English word « Majority » translates as « majorité absolue », while Plurality translates as « Majorité relative » (and Diversity sometimes translates as Plurality). Unfortunately, in most translations, Majority simply becomes majorité, and the reader has no way to guess if this « majorité » is « absolue » or « relative ».  

Of course, one can find explanations. The English language is more precise and better fitted to rules writing, which is the main reason why I do all of my prototypes directly in English. Often, the translation is done in a hurry, to add a few thousand copies to a multilingual print run and get a lower unit price from the printer. While the original rule had been tested and proof read a few hundred times during development, the translation is not always proof-read and rarely tested with actual players. The true reason, however, is that many publishers do the translation by themselves, or ask players to do it for a few copies of the game, which shows some contempt for games, players and,  game designers and of course languages.

These explanations, however, are not excuses. It is great time publishers, and especially French ones, start taking rules translations seriously.

Last minute changes by the publisher or, more often, the designer can also be a problem. I admit having made a few ones. When a small rule is modified after the ruleset has been sent for translation, all translators must be informed and apply this small change. It can cause errors and inconsistencies. Translators hate it.

Simple fixes

A game rule is both a literary and a technical text. These are two reasons to have it translated by a skillful person, usually a professional translator who is also a gamer. For French translations, I suggest Antoine Prono, who is talking on the Tric Trac Show video, but I also know Mathieu Rivero and Birgit Irgang, and there are more. Yes, it’s an added cost, but if more and more publishers are starting to pay for it, it’s because they understand what they have to win in terms of playability, reputation and, of course, sales.
A game rule is both a literary and technical text. These are also two good reasons to have a professional proof-reader correct it; when it’s also a translation, that’s one more reason to do it. For French rules, I suggest my friend Camille Mathieu, co-designer of Trollfest, one of the few French professional proofreaders who really knows boardgames well.

There are very few multilingual editions. They allow players, in case of doubt, to check the original rule, usually the English ones. Unfortunately, this means more paper in every box, and is not really possible for the many games, often the most fun ones, which have text not only in the rules but also on the cards.

Small Japanese games are trendy. A specificity of Japanese rules is that the distinction between text and diagrams is not as strict as in the West. Even when the translation is faithful and well made, the western gamer can miss a point which is explained only in a diagram. This doesn’t necessarily mean that these games must be fully reorganized to translate them in French or English, but better know about this before reading, for example, the rules of the small Oink games.

What can gamers do ?

American publishers usually take translating rules seriously. English language translations of French games are usually much better than French translations of US games. Even german games have much better translations in English than in French. 

For about ten years now, when I want to buy a new game coming from the US, from Germany, from Poland, Japan or anywhere else, I systematically look for an English language edition, even when it’s more expensive. I’ve even bought English language copies of games the publisher had sent me in French. Unfortunately, Philibert, which was my main source for English language new games, is more and more selling only French editions, and I recently had to order games from Britain, at a higher price.

Despite this, I urge all those who, like me, have been put off by unreadable French translations and have looked for the English rules on the Boardgamegeek, to do the same. May be this will encourage French publishers to put some effort in making correct translations.   

The paradox of the translating a French game in French

This article has been written so far mostly from the gamer’s point of view. From the game designer’s one, it can become totally absurd. There are several games for which I wrote the English rules but not the French ones.

When a german or US publisher publishes a multilingual version of one of my games, which happens mostly for lighter games with short and simple rules, I am usually asked to writhe the French version, which is then corrected by a proofreader. It’s sound and logical.
Often, when a french publisher gets from a foreign publisher, usually US, the rights for the french translation of one of my games, they make the translation by themselves, or ask someone to do it, without asking for my agreement, without even telling me. Several times, I learned about it too late to proofread and correct the rules accurately.

Legal point : Unlike US law, French law divides the author’s right into two parts, patrimonial and moral. The patrimonial right is sold by the author to a publisher, in return for royalties, but the moral right cannot be sold. This means that no publisher or distributor can substantially modify a creation without the author’s agreement. This law has been used a few times by directors to have a movie shown in French venues with their original cut, despite the studio showing its own cut in most of the world, and by writers to prevent publishers to shorten their text. This might be a legal way to prevent a publisher from refusing to use the designer’s own French rule set.

Even when it’s too late, I systematically protest to the publisher when this happens. The publishers reactions can sometimes be surprising. Most of them apologize, then argue that they didn’t think about contacting me because they were not used to translate french designers into French. I don’t really believe it, since I’m far from being the only french game designer whose games sometimes cross the Ocean backwards. Other Publishers don’t see the problem. One recently answered me that he didn’t have a contract with me but with my US publisher, and that he didn’t care about my qualms. I hope he’ll get all the success he deserves. 

A few times, I even ended in the absurd situation of having written the English rules of a game, but not the French ones. I’m not saying the original designer should always be in charge of the translation in their original language, but asking them first about their opinion should be the least of courtesies. Often, especially when the game has been modified a lot with the publisher and the rules to be translated are not really mine any more, I prefer to have a professional translator deal with it, providing I have enough time for proofreading and correction. That’s how we deal last year with Iello for Vampire – The Vendetta, and the process was smooth, efficient and highly enjoyable.

A larger issue

The problem is not only with translations. French language game rules are often terribly written, with long and faulty sentences full of unnecessary adverbs. English language rules, on comparison, are short, clear and elegant. I can’t really judge, but I’ve been told most German ones are also good.  A convoluted or badly written text is unpleasant to read and hard to understand. One cannot, in a game rule, skip the unpleasant or unclear parts like in a novel, an essay or a blogpost. When there are translation errors and ambiguities on top of that, it can easily discourage people to start playing boardgames. I wish game publishers, especially French ones, were as careful with rules, their writing and their translation, as they are with art and layout. We’re very far from it when, for games and gamers, it’s much more important. 

I’ve translated the text in English by myself, and it has not been proofread by anyone. I know the result is far from perfect. I dare to do this because you don’t pay to read it, and because it’s not a game rule, it’s a blogpost. Even when a sentence is not perfectly clear, it will not prevent you from going forward and seeing the general point, like it could have done in game rules.

Un week-end au chalet rouge
A week-end at the red cabin

Je reviens d’un bref week-end dans le chalet rouge de Martin et Aline Vidberg, à Amathay Vesigneux, en Franche Comté, c’est à dire au milieu de nulle part, dans un coin où il doit faire froid l’hiver. Aline était institutrice, Martin est dessinateur de presse, mais ils sont surtout tous deux passionnés de jeux de société et ont décidé, il y a quelques années de cela, de lancer Un monde de jeux, blog puis surtout chaîne YouTube consacrés aux jeux de société. Depuis un an, ils ont ouvert le Chalet rouge où ils hébergent quelques auteurs de passage comme moi et surtout les éditeurs qui passent présenter leurs nouveautés et les faire un peu tourner dans un petit public de spécialistes.

Je les aime bien et cela fait longtemps que j’avais envie d’y aller. Cela fait aussi longtemps qu’ils avaient envie de me recevoir, mais, peut-être parce que je me fais vieux et suis de moins en moins dans l’actualité ludique, ou parce qu’ils avaient peur que je dise des bêtises, aucun de mes éditeurs n’avait encore décidé de financer un passage avec moi au Chalet Rouge. On en a discuté à Etourvy au mois de mai et décidé que, bon, tant pis pour leur business model, je passerais quand même un jour ou l’autre durant l’été, quand il n’y a personne.
C’est donc fait, et je me suis tout à la fois reposé, mis au vert, et bien amusé à jouer et discuter.

Bien qu’elle ne soit pas disponible en français, on a tourné une petite video de présentation de ma dernière grosse nouveauté, Trollfest, conçue avec Camille Mathieu. Si elle pouvait donner à un éditeur français l’envie de faire venir ici non seulement ce jeu, mais aussi tout ou partie de la gamme de Trick or Treat games, ce serait très chouette. Si vous êtes intéressé, vous pouvez me demander leurs coordonnées.

Même s’il publie régulièrement des videos sur les sorties du moment, Martin aimerait échapper un peu au culte du neuf. Il m’avait donc aussi demandé de présenter un ou deux jeux plus anciens dont je pense qu’ils mériteraient une deuxième chance. J’ai choisi Waka Tanka, un jeu de bluff moins enfantin qu’il n’en a l’air, qui n’a pas connu de grand succès mais reste l’une de mes créations préférées, et dont j’espère qu’un éditeur voudra bien un jour lui donner une nouvelle chance – une nouvelle édition est prévue en Amérique du Sud, mais pas dans le reste du monde.

J’ai aussi présenté Venture Angels, petit jeu de bluff et d’enchères qui n’est disponible que dans une version bilingue coréen-anglais et dans une édition en persan, et dont j’aimerai bien aussi qu’il attire l’œil d’un éditeur de chez nous. Bref, j’avais plus les éditeurs que les joueurs en tête en faisant mon choix, mais j’espère que ces jeux seront bientôt disponibles en France.

Nous avons surtout tourné une plus longue vidéo, partant de mes souvenirs de dinosaure du jeu de société, puisque je dois être l’un des auteurs les plus vieux encore en activité. Elle s’est terminée en discussion à bâtons rompus sur un sujet auquel je m’intéresse beaucoup en ce moment, les soucis d’écriture et surtout de traduction des règles de jeu, un problème récurrent de l’édition française auquel je pense consacrer un prochain post sur ce blog.

Je ne sais pas trop quand toutes ces videos seront en ligne, j’espère que ça ne sera pas trop long. C’était en tout cas très agréable à enregistrer, avec des hôtes adorables. Même s’ils tournent des videos, et essaient avec difficulté d’en vivre, Martin et Aline m’ont confié que, comme moi, ils regrettaient un peu que l’écrit disparaisse du monde de la critique ludique. La video a bien sûr d’énormes avantages, la spontanéité, la possibilité de mettre en scène débats et discussions, l’image qui permet de montrer le matériel et le déroulement d’un jeu. L’écrit en a d’autres, l’argumentation construite, l’approfondissement, la précision du vocabulaire, la quantité d’informations que l’on peut faire passer en un temps limité, et surtout la possibilité de se relire et se corriger. On devrait pouvoir trouver de la place pour les deux.

Le chalet, car c’en est bien un, est plein de charme et surtout de jeux. La collection de Martin et Aline est certainement bien mieux rangée que la mienne.  Elle est sans doute aussi plus importante, du moins en ce qui concerne les jeux récents. Nous pouvions jouer à tout ou presque. J’ai donc fait jouer Trollfest, Venture Angels et Waka Tanka, ainsi qu’un prototype dont je ne peux pas vraiment parler.

Ils m’ont fait découvrir quelques jeux que je ne connaissais pas. J’ai beaucoup apprécié Blitzkrieg, de Paolo Mori, un petit jeu de guerre à deux joueurs, sans plateau géographique, aux mécanismes très originaux.  Ma découverte du Week End est incontestablement Le club des aventuriers, de Henrik Havighorst et Mathias Spaan, un jeu mignon et malin, à la Dixit, et pas seulement pour les enfants. La boîte ne paie pas de mine et dont personne n’a parlé, et je l’aurais certainement laissé passer si mes hôtes n’avaient pas insisté pour me le faire découvrir. J’en ai déjà commandé une boîte et je suis certain qu’il va devenir un grand classique de mes soirées jeux parisiennes.

Je me trouve rarement à la même table que d’autres amateurs de jeux de lettres, ils m’ont donc montré un petit jeu de cartes un peu déconcertant, Dictopia, de Yoann Brogol, avant que nous ne fassions une partie d’Enigma / Decipher, des auteurs de Cosmic Encounter, que j’apprécie toujours autant.

Les résultats du Spiel des Jahres, sans doute le prix ludique le plus renommé, sont tombés pendant le week-end. Nous avons donc joué à Cascadia, de Randy Flinn, avant de refaire un Akropolis pour s’assurer que, dans le même style, le jeu de Jules Messaud est quand même infiniment plus intéressant, plus cohérent, plus lisible et plus joli. Je regrette un peu que le très mignon Scout n’ai pas eu le prix – il manquait certes d’originalité, mais on ne peut pas dire que ses concurrents Top Ten et Cascadia en aient eu beaucoup non plus. Si j’étais resté un jour de plus, on m’aurait sans doute fait jouer à Living Forest.

Après ce bref week-end au vert et au frais, je suis de retour pour quelques jours à Paris sous la canicule. Avis à tous mes éditeurs : j’espère avoir bientôt d’autres occasions de passer chez Martin et Aline. Je suis certain que vous y serez, comme moi, agréablement dépaysés.

Et voici les videos enregistrées lors de mon passage :



I’m back from a short week-end in Amathay-Vesigneux, a small French village right in the middle of nowhere, in Franche Comté, near the Swiss border. It must be very cold in winter. Aline was a teacher, Martin is a press cartoonist, but they are also both boardgame enthusiasts. A few years ago, they started  Un monde de jeux, a French language boardgame blog, which soon became mostly a You Tube channel. A year ago, they opened Le chalet rouge – The red cabin – , a place where they host game designers like me and, most of all, publishers willing to show their new stuff and play it with a small group of dedicated reviewers.

I really like Martin and Aline, and I was willing to go there for some time. They also hoped for it but, may be because I’m getting old and less productive, or because they were afraid I might say some bad stuff, none of my publishers so far has been willing to pay for a trip there with me. So, we discussed it in Etourvy in May and decided that, never mind their business model, I will go there one or two days in summer, when there are fewer visitors.
It’s now done. I enjoyed my calm days in the countryside, and we had fun playing and discussing games.

Even though it’s not available in French yet, we shot a video presentation of my last big box game, Trollfest, designed with Camille Mathieu. Let’s hope it will convince some French publisher to carry it there, may be with other stuff from the line of its really nice new publisher, Trick or Treat games.

Martin regularly publishes video about the new games hitting the shelves, but he also would like to escape from the cult of the new. He asked me to present one or two older games which, in my opinion, deserved a second chance. I first chose Waka Tanka, a bluffing game which didn’t sell that well but is still one of my favorite designs. I hope a new publisher would be willing to give it another chance, probably with a different setting. A new edition is in the pipe, but only for South America.

I also showed Venture Angels, a bluffing and auction games of which they are only two versions, a Korean-English bilingual one and a Persian one. May be someone will want to bring it to the rest of the world. In short, I made my choice with publishers in mind, more than gamers. Let’s hope some of them will get interested by one or the other of these games.

We also shot a longer video which started about my history as one of the last dinosaurs of boardgaming – I’m probably one of the oldest still active boardgame designers. It ended with a casual on a subject I’m very interested at the moment, the issues with writing and translating rules, something French publishers have lasting problems with. I plan to write a long blogpost about it one of these days.

I’ve no idea when all these videos will be online, I hope it won’t be long. Recording them with nice and subtle hosts was a great fun. Even when they now mostly shoot videos, and try to make a living out of it, Martin and Aline told me that, like me, they are bit worried with the wane in written reviews and articles in the boardgaming world. Videos have obvious advantages. They are spontaneous, they can have real debates and discussions, they can use pictures of game elements and short reels of games in progress. Written text has advantages too. Written text too has advantages too. Reasoning is deeper and more consistent, vocabulary is more precise, it’s always possible to go back and correct a text, more information can be made accessible in a much shorter time. There should be room for both.

The chalet rouge is an authentic alpine cabin, full of charm and, of course, of games. Martin and Aline’s collection is much better organized than mine. It is also bigger, at least with recent games, and we could play almost anything.

I taught them Trollfest, Venture Angels, Waka Tanka, and a prototype I cannot tell about yet. They also showed a few games I didn’t know. I really enjoyed my play of Blitzkrieg, a two player mapless wargame by Paolo Mori. My discovery of the week-end was The club of adventurers, by Henrik Havighorst and Mathias Spaan, a cute and clever dixit-like party game, not only for kids. I had never heard of it before, and would certainly still ignore it if my hosts had not insisted in playing it with me. I’ve already ordered a copy and I’m confident it will become a staple of my Parisian game nights.

I rarely meet other word and letter games fans, so we had to play a few ones. They showed me a strange vocabulary game, Yoann Brogol’s Dictopia, and we then played Decipher, by the Cosmic Encounter team, which I always enjoy.

The german Spiel des Jahres is still the most important boardgame prize. It was announced while I was there, so we had to play a game of Randy Flinn’s Cascadia. It was followed by a game of Jules Messaud’s Akropolis to make sure that the latter is similar but much more interesting, consistent, nice looking and easy to play. I regret a bit that Kei Kajino’s Scout didn’t get the award. Yes, I know, it’s not very original, but Cascadia and Top Ten are not either. If I had stayed another day, we would certainly have played Living Forest.

After this refreshing week-end, I’m back in Paris, under the heat wave. Like my videos, this will be mostly aimed at publishers : I hope I’ll soon have other opportunities to visit Martin and Aline. It will be a pleasure for me, and for you.