J’ai connu Serge Laget dans les années quatre-vingt, à Lyon. Son premier jeu, Le Gang des Traction, conçu avec Alain Munoz, venait de sortir, tout comme mon premier jeu, Baston, conçu avec Pierre Cléquin. Pendant près de quarante ans, nous nous sommes assez régulièrement retrouvés pour travailler ensemble, d’abord pour Castel, puis pour Mystère à l’Abbaye, puis pour Ad Astra, Kheops et Argo. J’étais monté à Paris peu après qu’il était decendu dans le Sud, et nous voyions moins depuis quelques années. Nous continuions à nous voir lors de rencontres ludiques en tous genres, et à discuter par mail des projets de réédition en route pour Mystère à l’Abbaye, Ad Astra et Castel, mais je ne savais même pas qu’il était sérieusement malade. J’ignorais qu’il était sérieusement malade, et sa mort a été une surprise. Serge était gentil, attentif et discret. Ne sachant pas trop quoi dire de plus, je poste juste quelques photos où on le voit jouer à pas mal de jeux. Il y a ses prototypes, ceux des amis et quelques jeux publiés – surtout des trucs assez costauds, on ne se refait pas.
I first met Serge Laget in the eighties, in Lyon. His first game, Le Gang des raction, designed with Alain Munos, was just out. So was also my first published design, Baston, designed with the late Pierre Cléquin. For almost forty years, we occasionally worked together, first on Castle, then on Mystery of the Abbey, then on Ad Astra, Kheops and Argo. I moved to Paris soon after he moved near Avignon, and we didn’t meet that often these last years. We were still meeting at gatherings and game fairs, and discussing via email about the new editions in the pipe for Mystery of the Abbey, Ad Astra and Castle. I did not know he was that seriously ill, and his death was a surprise.
Serge was a nice guy, mindful, attentive and discreet. I’ve little more to sau, so I will just ost a few pictures where he plays boardgames. He plays his prototypes, friends’ prototypes and some published games – mostly heavy stuff, each to his own.
Un éditeur que je ne nommerai pas m’a récemment raconté une histoire amusante au sujet d’un auteur que je ne nommerai pas non plus, au catalogue de jeux bien plus fourni que le mien. Lorsque cet auteur présente ses prototypes aux éditeurs, il refuse de préciser lesquels sont des créations nouvelles et lesquels des jeux anciens, déjà publiés, dont les les droits lui sont revenus. On peut juger cela un peu mesquin, mais on peut aussi y voir une certaine logique, un souci de s’assurer que chaque jeu est bien jugé pour lui-même, indépendamment des circonstances.
Mon catalogue plus modeste ne me permet pas de jouer à ce petit jeu. Je ne cherche pas nécessairement à faire rééditer toutes mes créations de ces quarante dernières années. Certaines ont mal vieilli et décevraient même ceux qui en ont un bon souvenir, mais d’autres, me semble-t-il, mériteraient une nouvelle vie, parfois avec un nouveau thème, parfois avec des règles mises au goût du jour, souvent avec de nouvelles illustrations.
D’excellents jeux ont pu manquer une première occasion et en saisir une deuxième. La première édition de Diamant, chez Schmidt, ne fut pas un grand succès, mais le jeu ressorti ensuite chez deux éditeurs différents, Iello en Europe et Gryphon games dans le reste du monde, est depuis devenu un classique dont les ventes ne baissent pas. Les deuxièmes éditions de Mystère à l’Abbaye et Mission: Planète Rouge se sont, elles aussi, mieux vendues que les premières.
Voici donc, à l’attention des éditeurs qui passent sur ce blog, quelques-unes de mes plus ou moins anciennes créations qu’il ne me semblerait pas idiot de rééditer. Si vous voulez en discuter plus avant, envoyez-moi un mail à faidutti@gmail.com – avec le nom du jeu dans le sujet, cela simplifie la gestion de mon courrier, merci !
Tonari est une adaptation d’un vieux jeu abstrait d’Alex Randolph, Veleno. Ma version n’est pas bien vieille, puisqu’elle a été publiée en 2019. L’édition en était très réussie, et le jeu a été bien reçu, mais il est mort-né lorsque son éditeur, IDW Games, a peu après décidé d’arrêter complètement les jeux de société.
C’est un peu la même histoire qui est arrivée à Kamasutra, un jeu d’ambiance un peu loufoque qui avait pas mal fait parler de lui à sa sortie, mais n’a jamais été très bien distribué et ne s’est vraiment bien vendu qu’au Japon. Vice Games n’existe plus, et j’aimerais bien que ce jeu revienne, toujours avec les mignonnes illustrations de David Cochard.
Junggle est un ensemble de petits jeux de cartes conçus avec mon amie Anja Wrede, tous basés sur le principe de l’éléphant qui fait peur au lion qui fait peur au tigre, etc, jusqu’à la petite souris qui fait peur à l’éléphant. Si ce jeu retrouve un éditeur, Anja est volontaire pour faire elle-même les illustrations.
De tous les petits jeux de cartes que j’ai créés, Waka Tanka reste sans doute mon préféré. Je suis convaincu que, avec un autre thème – peut-être les sorcières – cette variation amusante sur le bon vieux principe du jeu du menteur pourrait connaître un grand succès, et je regrette vraiment qu’elle soit passée inaperçue. Une nouvelle édition est prévue en Amérique du Sud, mais les droits pour le reste du monde sont disponibles.
La première édition d’ Attila a peut-être pâti d’un look un peu trop enfantin pour ce qui est, au fond, un petit jeu de stratégie abstrait, rapide et pas trop prise de tête. Je verrais bien une édition plus sobre, avec des cavaliers d’échecs comme pions.
Le Collier de la Reine et Mission: Planète Rouge, conçus avec Bruno Cathala, ont tous deux rencontré un certain succès. Ils ont connu chacun deux éditions différentes, mais ne sont plus disponibles aujourd’hui. De temps à autre, des éditeurs nous ont parlé vaguement de nouvelles versions, mais rien n’a encore été fait.
Isla Dorada était sans doute l’un de mes projets les plus ambitieux. Il a eu bon accueil critique mais est passé relativement inaperçu à sa sortie. Ce n’est que quelques années plus tard qu’il a commencé à être remarqué. Il se revend aujourd’hui très cher sur les sites de vente en ligne, ce qui est plutôt bon signe.
Double Agent conçu avec Ludovic Maublanc. C’est un petit jeu de double guessing pour deux joueurs, de la même famille que les excellents Schotten Totten ou Hanamikoji. Si ces jeux se vendent bien, le nôtre doit pouvoir se vendre aussi !
Pony Express, conçu avec Antoine Bauza, est un curieux mais très rigolo mélange de jeu de parcours, jeu de bluff et jeu d’adresse. Les dés de Poker Dice y servent en effet à avancer, à jouer au poker, et à tirer sur les indiens et les cow boys adverses.
Bongo est un petit jeu de dés sans le moindre hasard, puisqu’il ne s’agit que d’observation et de rapidité pour déduire des dés qui viennent d’être lancés quel animal a été vu dans la savane. Il a connu plusieurs éditions en Allemagne, et en Pologne, jamais en France ou aux Etats-Unis.
Silk Road, conçu avec Ted Cheatham est paru en 2006. Je reste assez fier de ce petit jeu de commerce, d’enchères et de programmation, assez méchant, publié dans une boite trop grande et sans doute un peu tristounette. Il faudrait remettre un peu les mécanismes au goût du jour, mais la base est bonne et, si quelqu’un est intéressé, je suis prêt à me pencher à nouveau dessus.
China Moon est le plus ancien des jeux cités ici, puisqu’il est paru en 1996, mais je trouve qu’il n’a pas mal vieilli. C’est un petit jeu de course familial mais taquin, dont je suis sûr qu’il surprendrait encore aujourd’hui.
Si le jeu auquel vous pensiez n’est pas dans cette liste, c’est sans doute parce qu’une nouvelle édition est déjà dans les tuyaux, peut-être chez un éditeur étranger qui serait intéressé pour travailler avec vous sur une localisation. Il y a des projets en cours, plus ou moins certains, plus ou moins avancés, pour Castel, l’Or des Dragons, Toc Toc Toc, Formula E, Lost Temple et Mystère à l’Abbaye, certains avec des éditeurs exotiques – c’est à dire ni francophones, ni anglophones – qui peuvent être intéressés par des propositions de localisations. Parlez m’en, et je vous mettrai en contact avec eux.
A publisher whom I shall not name recently told me a fun story about a famous game designer, whom I shall not name either, with a much larger catalog than mine. When this designer presents prototypes to publishers, he declines to say which ones are brand new designs and which ones are older games whose publishing rights reverted to him. It might sound a bit petty, but there’s a sound logic there, a will to have every game judged in itself, no matter the circumstances.
My catalog is too limited to play such a little game, but I sometimes wish I could. I don’t want all my older and out of print designs to be republished. Some didn’t age well and would disappoint even the players who remember them fondly. Others, though, might deserve a second chance, or a second life, for some with a new setting, or with updated rules, or just with new art.
Contrary to the general opinion, boardgames can sometimes be more successful in their second incarnation than in the first one. The first edition of Diamant, by Schmidt, didn’t sell that well and was soon discontinued; when the game was republished later, by Iello in Europe and by Gryphon games in the rest of the world, it became a hit whose sales are still very strong. To a lesser extent, the second editions of Mystery of the Abbey and Mission: Red Planet also sold much better than the first ones.
Here comes, for any interested publisher who happens to read this blog, a list of out of print games, some only a few years old, some much older, which I think would deserve a new edition. If you want to discuss one of them, just email me at faidutti@gmail.com – with the name of the game in the subject field, it really helps me with managing my emails !
Tonari is a reworking of an older abstract design by Alex Randolph, Veleno. My version is not that old, since it was published only in 2019. The edition looked really nice, and was well received, but the game was dead in the water since its publisher, IDW, decided very soon afterwards to quit the boardgame market.
A similar story happened to Kamasutra, a zany and provocative party game which was much discussed when it came out, but was never really well distributed and whose only solid sales have been in Japan. The publisher, Vice Games, doesn’t exist any more, and I really would like to see it back in shops, with the cute original art by David Cochard.
Junggle is a set of several light card games designed with my friend Anja Wrede, using the same deck and based on the same idea, the elephant frightens the lion, the lion frightens the tiger, etc, but of course the small mouse frightens the elephant. If we find a new publisher, Anja can make the art.
Waka Tanka is still my favorite of all the light card games I have designed. I am convinced that with a different theme, this clever variation on the old Nosey Neighbor principle can be a hit. A new edition is scheduled in South America, but the rights for the rest of the world are available.
Attila ’s first edition might have suffered from its childish look, which didn’t fit this fast, light abstract strategy game. A new edition should probably have a more sober look, with chess knights as pawns.
Queen’s Necklace and Mission: Red Planet, both designed with Bruno Cathala, have been relatively successful. Both have already had two different versions, but are now out of print. From time to time, publishers suggest they could be interested in redoing them, but nothing has happened yet.
Isla Dorada was probably my most ambitious game design. It got good reviews and ratings, but went nevertheless under radar when it was published. I am regularly asked if I still have extra copies for sale – I don’t – and it sells at very expensive prices on online shops. A good sign.
Double Agent, designed with Ludovic Maublanc, is a simple but tricky two player double guessing game, in the same style as Schotten Totten or Hanamikoji. These games sell, so this one can.
Pony Express, designed with avec Antoine Bauza, is a tongue in cheek mix of racing game, bluffing game and dexterity game. Poker dice are indeed used to move, to play poker, and to shoot Indians and opponent cowboys.Believe me, it’s fun.
Bongo is a light and simple dice game, but a dice game with no luck. It’s all about observation, deduction and fast reaction to guess what animal has been spotted in the savannah. It has had several editions in Germany and Poland, but none in France or the US.
Silk Road, designed with Ted Cheatham, was published in 2006. I’m still proud of this simple and relatively aggressive game of trade, bidding and programming. It was published in a large empty box, with bland graphics, and went totally unnoticed. The mechanisms certainly need some updating, but if someone is interested, I’m ready to work on it.
China Moon, originally published in 1996, is the oldest game in this list, but I think it aged well. It’s light and fast paced racing game, with lots of opportunities to block and hinder opponents. I’m sure it would still feel original today.
If the game you were thinking of is not in this list, it might be because a new edition is already in the pipe, may be by a foreign publisher who would be interested in a localization offer. There are such projects, in various states of advancement and certainty, for Castle, Dragons’ Gold, Knock Knock!, Formula E, Lost Temple and Mystery of the Abbey, some of them with exotic publishers who might be interested in localization proposals. Just email me, and I’ll put you in contact.
Ces dernières semaines, l’un des sujets les plus discutés dans le cadre de mes deux métiers, l’enseignement et le jeu, a été l’émergence, certes attendue mais plus précoce et plus rapide que prévue, des intelligences artificielles. S’ils peuvent encore plus ou moins repérer les devoirs rédigés par ChatGPT, les profs devinent que cela ne va pas durer et qu’il va falloir adapter d’abord nos procédés d’évaluation pour contrer les tricheurs, et assez rapidement le contenu des enseignements pour le rendre plus utile dans un monde ou les capacités de synthèse et de réflexion des machines sont en passe de dépasser les nôtres – en gros, moins de maths, de langues, de littérature et d’économie, et plus de bricolage, de mécanique, de cuisine et de couture. Côté jeu, ce sont surtout les illustrateurs qui s’inquiètent de perdre leur boulot, remplacés par Midjourney et ses potes, mais je pense que les auteurs de jeux comme moi devraient aussi commencer à se poser des questions. Ce blog étant plus destiné aux joueurs qu’à mes élèves et collègues enseignants, c’est de l’impact des IAs sur le monde du jeu, et des réactions possibles, que je vais surtout discuter ici.
L’arrivée brutale sur le web – enfin, sur Discord – de Midjourney, il y a un peu plus d’un mois, a suscité, dans l’ordre, la curiosité, la surprise, l’émerveillement puis l’inquiétude et, parfois, la révolte. Pour analyser correctement les impacts possibles d’une telle technologie, il faut certes certes être un peu sociologue et historien, ce que je suis, mais surtout spécialiste du cerveau de l’homme et de celui des ordinateurs, domaines où je suis totalement incompétent. Malgré ou à cause de cette double incompétence, il me semble pourtant que les commentaires lus ici et là proviennent soit d’artistes qui ne réalisent pas vraiment ce que font les ordinateurs, voire le disqualifient par principe, soit de geeks qui ne voient que la performance technique de ces logiciels, effectivement impressionante, en ignorant plus ou moins délibérément les dimensions sociales et humaines.
Sci Fi boardgame cover, by Midjourney
Tout le monde, donc tous les auteurs de jeu, tous les illustrateurs, tous les éditeurs, a fait joujou avec Midjourney, parfois aussi avec Stable Diffusion. Ces outils sont d’une puissance effrayante, du moins pour qui parvient à les apprivoiser car je semble être assez mauvais à ce petit jeu, qui demande peut-être un apprentissage pour lequel je ne suis guère motivé. Les éditeurs se sont pris à rêver de jeux aux illustrations vite faites et quasi-gratuites, les auteurs à de jolis prototypes et les dessinateurs ont commencé à cauchemarder. L’inquiétude est particulièrement forte chez les illustrateurs de jeux car l’un des principaux arguments imaginés par les artistes qui veulent se rassurer est que les images artificielles seraient destinées à rester sans âme, sans émotion, sans intention. Ces caractéristiques essentielles dans bien des domaines n’ont en effet jamais été exigées dans le jeu de société, où l’art ne cherche qu’à être illustratif.
Je crains malheureusement que même cet argument soit un peu vain, et que tous les artistes graphiques soient à relativement court terme menacés, pour beaucoup dans leur métier, pour tous dans la manière dont ils l’exercent. La question est en effet moins de savoir jusqu’où l’ordinateur peut imiter l’humain, que de savoir dans quelle mesure nous fonctionnons différemment des intelligences artificielles, nous sommes capables de faire des choses qui leur resteront étrangères. Comme je l’ai dit, je ne suis spécialiste ni du cerveau humain, ni du raisonnement des machines, mais je ne suis pas sûr que la différence soit si grande et que les émotions les plus subtiles restent longtemps hors de portée des logiciels de dessin – quiconque a regardé un coucher de soleil sur une plage sait qu’il n’est nul besoin de ressentir une émotion pour la transmettre. Côté texte, ChatGTP commence à faire de l’humour, même s’il manque encore de subtilité dans ce domaine.
Quoi qu’il en soit, même si les illustrateurs de jeux ne sont sans doute pas les seuls menacés, ils sont parmi les premiers sur la liste. La réaction néo-luddiste à laquelle on assiste sur les réseaux sociaux, les artistes demandant aux éditeurs de les rejoindre dans un refus d’avoir recours à des IAs « malhonnêtes » parce qu’elles travailleraient à partir d’une base de données d’œuvres existantes et pour beaucoup juridiquement protégées, me semble mal fondée, vaine, et sans doute contreproductive. Mal fondée parce que, du moins pour la plupart d’entre eux, les artistes humains ne fonctionnent pas différemment, s’inspirant de tout ce qu’ils ont vu, voire étudié, et ne font pas toujours plus original que les IAs. Vaine parce que si, à qualité équivalente, l’art artificiel est moins cher que l’art humain, il finira nécessairement par emporter la plus grande part du marché, les créateurs humains ne jouant plus qu’un rôle marginal, comme cela a été le cas dans le textile. Les artistes, j’en connais aussi, qui s’interrogent sur leur future complémentarité avec l’ordinateur, ou sur les marchés de niche qui resteront protégés, auront plus de chances de s’en sortir. Si les tisserands ont quasiment disparu, les traducteurs sont toujours là, certes moins nombreux qu’il y a quinze ans, et travaillent avec les machines car personne ne paie plus cher pour avoir une traduction authentique intégralement faite à la main. Et ne me dites pas que la traduction est une tâche purement technique, elle est bien souvent aussi littéraire que la simple écriture.
L’arrivée de Midjourney et ChatGPT m’a pris, comme tout le monde ou presque, par surprise. Bien peu semblent avoir anticipé le pourtant inévitable progrès des IA, et leur capacité à faire des tâches créatives de plus en plus complexes. À ce rythme, je ne serais pas étonné que, d’ici quelques années, voire seulement quelques mois, Midjourney nous peigne des Picasso et des Rembrandt de bonne tenue, et ChatGPT écrive des inédits de Shakespeare et de Dostoievski parfaitement crédibles. Ces IA sont pour l’instant spécialisées, mais les prochaines générations seront polyvalentes, et donc capables de s’attaquer aux domaines des touche-à-tout créatifs que sont, par exemple, les auteurs de jeu. J’espère avoir tort, mais si je devais parier sur quand les IAs seront capables de concevoir entièrement un jeu de société qui soutienne la comparaison avec ceux des auteurs professionnels comme moi, je dirais, au doigt mouillé, d’ici 1 ou 2 ans. Les machines seront aussi bientôt capables d’écrire un article comme celui-ci, plus fouillé, avec plus de références et moins de fautes de frappe.
Nous avons longtemps cru le travail artistique et intellectuel protégé d’un progrès technique qui n’aurait affecté que les tâches manuelles et répétitives. Dans le futur rêvé de mon enfance, celui des trente glorieuses, les robots construisaient les bâtiments, travaillaient en usine à la chaîne, s’occupaient parfois du nettoyage, mais il ne serait venu à l’idée de personne qu’ils peindraient bientôt des tableaux et écriraient des poèmes. C’est l’inverse qui se produit, et comme ce que l’on ne sait pas ou mal automatiser est aussi ce qui reste le plus cher, nous pourrions aller vers un monde où les plombiers, les livreurs et les femmes de ménage seront mieux payés que les artistes et les ingénieurs – ou à tout le moins aussi bien, ce qui ne serait pas nécessairement un mal. Malheureusement, la logique du capitalisme fait que l’alignement a plus de chances de se faire vers le bas. Il va falloir s’adapter – avec mes deux mains gauches, je suis mal barré.
En contrepoint à ces inquiétudes, on croise parfois aussi sur les réseaux sociaux, en particulier dans les milieux geeks, une vision plus optimiste de l’avenir que nous préparent les machines. Les intelligences artificielles seront peut-être capables de résoudre les problèmes écologiques et sociaux générés par l’intelligence, et surtout la connerie, humaine, mais ces problèmes ont peu à voir avec l’art. Si les robots s’occupent du travail manuel, et les ordinateurs du travail intellectuel, cela nous laisserait aussi plus de temps pour le sexe, la drogue, le rock’n roll et les jeux de société. Depuis Aristote impressionné par les progrès de l’agriculture antique, cette prédiction a déjà été faite quelques dizaines de fois, ce qui la rend peu crédible. Surtout, c’est négliger que les activités intellectuelles créatives, qu’il s’agisse de musique, de peinture, d’écriture ou de création de jeux, sont rarement vécues comme des travaux pénibles. La véritable peur des artistes n’est pas de perdre leurs droits d’auteur, c’est de perdre leur plaisir d’auteur. Si recourir aux machines pour échapper à des tâches pénibles est une bonne chose que nous semblons avoir plus de mal que prévu à faire, les voir prendre en charge les activités créatives en est une autre, plus problématique. Je n’irai pas plus loin ici sur les conséquences sociales de ces évolutions, qui dépendront grandement du contexte politique, lequel ne me semble pas nécessairement des plus favorables aux travailleurs.
J’espère un peu me tromper en estimant que les intelligences artificielles vont bientôt, au moins dans les domaines artistiques, produire des résultats aussi créatifs que ceux des artistes de chair et d’os, et indifférenciables de ces derniers. Quand bien même je me tromperais, je suis néanmoins convaincu que vouloir arrêter les IAs, ou se réfugier dans un petit monde où l’on ferait comme si elles n’existaient pas, est totalement vain – sans doute l’adjectif que j’ai le plus utilisé dans cet article – et ne bénéficiera donc à personne.
Comme tous les journalistes ayant récemment écrit sur les IAs, j’ai demandé son opinion à ChatGPT, mais contrairement à la plupart, j’ai choisi d’attendre d’avoir terminé de rédiger la mienne. Sa première réponse lorsque je lui demandé « quels seront les effets des IAs sur la création et l’illustration de jeux de société? » était centrée sur le contenu des jeux, point intéressant mais que je n’ai pas vraiment abordé dans mon article. Je je lui ai donc ensuite demandé « quels seront les effets des IAs sur le travail et l’emploi des auteurs et des illustrateurs de jeux de société ? ». Ses prévisions, que voici, sont plus mesurées que les miennes, ce qui est logique puisqu’elles sont fondées sur une sorte de moyenne des opinions exprimées jusqu’à la fin 2021 sur le sujet – mais l’ordinateur nous conseille quand même d’être formés et préparés !
Il est difficile de prédire exactement comment l’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) pourrait affecter le travail et l’emploi des auteurs et illustrateurs de jeux de société. Cependant, il est possible que l’IA puisse être utilisée pour automatiser certaines tâches de création de jeux de société, comme la génération de concepts de jeu ou la création d’illustrations de base. Cela pourrait entraîner une réduction de la demande de travailleurs humains pour ces tâches précises, mais il est important de noter que l’IA ne peut pas remplacer complètement l’ingéniosité et la créativité humaines. Il est possible que l’IA puisse également être utilisée pour améliorer le travail des auteurs et illustrateurs en leur fournissant des outils et des ressources pour faciliter leur travail. Par exemple, l’IA pourrait être utilisée pour générer des idées de jeux ou pour aider à la création de illustrations de haute qualité. Il est important de noter que, comme pour tous les domaines professionnels, l’utilisation de l’IA dans la création de jeux de société pourrait entraîner des changements dans les emplois et les carrières des auteurs et illustrateurs. Il est important de continuer à surveiller de près l’évolution de l’utilisation de l’IA dans ce domaine et de s’assurer que les travailleurs concernés sont formés et préparés à ces changements potentiels
These last weeks, one of the hottest discussion topics at my two jobs, teaching and game designing, has been the much faster than expected emergence of artificial intelligence. Teachers still can more or less spot the student assignments made with ChatGPT, but we know it won’t last. We will have first, and very fast, to adapt the way we evaluate the students performances to prevent cheating. Then we must think of a new curriculum which will be more useful in a world where machines’ synthesis and reflexion abilities outsmart ours – probably less maths, languages, literature and economics and more handiwork, mechanics, cooking and sewing. In the boardgaming business, illustrators are already afraid of losing their jobs to Midjourney and its pals, but I think boardgame designers like me should also start to consider the future differently. Since this blog is more often read by boardgamers than by my students and fellow teachers, I will mostly discuss below the possible effects of the new AIs on the boardgaming world, and our possible reactions.
The sudden arrival of Midjourney on the web – well, on Discord – , more or less a month ago, has generated first curiosity, then surprise, wonder, concern and, sometimes, revolt. To correctly analyze the possible effects of such a technology, one should of course be a bit of a historian and sociologist, which I am, but also a specialist in neuroscience and computer science, two domains in which I am largely incompetent. Despite, or because of, this double ineptitude, it seems to me that most of the comments I’ve read these last weeks come from artists who don’t really understand what computers are doing, or disqualify it on principle, or from geeks who see only the impressive technical performance and ignore, more or less deliberately, its human and social implications.
Fantasy family boardgame cover, by Midjourney
Everyone, including every boardgame designer, every boardgame illustrator, every boardgame publisher, has started toying with Midjourney, sometimes with Stable Diffusion. These tools are indeed impressively powerful, at least for those who easily learn how to use them, because I seem to be very bad at prompting and didn’t get anything really convincing. Anyway, publishers started to dream of nearly free and always delivered in time illustrations, designers of nice-looking prototypes, and illustrators got nightmares.
Game illustrators are among the most concerned because the main wishful thinking argument imagined by artists trying to reassure themselves is that artificial images are and will stay soulless, unable to convey intention or emotion. All this has never been required in boardgame art, which is usually purely illustrative. I’m afraid that even this argument is vain, and most graphic artists are threatened in a relatively short term, if not in their very job, at least in the way they do it. The question is not how far computers can imitate men, it is whether our brains work really differently from theirs, whether we will keep being able to do things that will stay alien to them. As I have said, I’m not a specialist of human or computer brains and reasoning, but I’m not sure differences are that deep, and I’m not sure conveying subtle emotions will long stay out of graphic AI’s range. Anyone who ever looked at a sunset on the beach knows that one doesn’t need to feel an emotion to convey it. ChatGPT, the text generating AI, is starting to show some humor, even if it’s not very subtle yet.
Anyway, even if boardgame illustrators are not the only one whose jobs are at stake, they are on the frontline. The reaction of most of my artist friends on social networks has been to ask publishers to restrain from using « dishonnest » AIs who use existing and often legally protected works in their database. This neo-luddism is ill-founded, vain and may be even counter-productive. It is ill founded because, for most of them, human artists don’t work very differently; they get their inspiration from existing art that they have seen and even sometimes studied, and never create in a cultural limbo. It is vain because, if artificial art is as good and cheaper than human one, it will inevitably get the biggest market share, as it happened despite Ludd in the textile industry. Other artists who are wondering about their future complementarity with AIs, or trying to find niche markets that will remain protected, have better odds of getting by. Weavers have almost disappeared, translators are still there, though fewer than fifteen years ago, and work with computers because no one is going to pay a higher price for an authentic hand made translation.
The emergence of Midjourney and ChatGPT took nearly everyone by surprise. We didn’t foresee the inevitable progress of AIs and, most of all, their ability to do ever more complex creative works. At this pace, I won’t be surprise if in a few years, if not a few months, Midjourney paints rather good Picassos and Rembrandts while ChatGPT writes perfectly credible Shakespeare plays and Dostoievsky novels. Online AIs are so far specialized, but the next generation will be more versatile and able to deal with the work of creative dabblers such as, for example, game designers. I hope I’m wrong, but my bet is that in one or two years such AIs will be able to design a complete boardgame as good as those created by a professional designer like me. Soon they will also be able to write an article like this one, with more references and examples, better spelling and better grammar.
We have long believed that artistic and intellectual jobs would never be threatened by technical progress and automatization, which could only replacing mundane manual tasks. In my youth, in the sixties, we were dreaming of a world in which robots would construct buildings, work at assembly lines, sometimes clean houses, but no one imagined they would someday draw paintings and write poetry. The reverse is happening, and since what we cannot have machines do for you is usually what’s well paid, we might be entering a world in which plumbers, delivery drivers and housemaids will be better paid than artists and engineers – or at least paid the same, not necessarily a bad thing. Unfortunately, due to the capitalist inner logic, downward changes are more likely than upward ones. Intellectuals will have to adapt; with two left hands, I’ve a feeling I’m not gonna make it.
Contrasting with these worries, one can also read here and there on social networks, especially from hardcore geeks, a more optimistic take on our future life with the machines. Artificial intelligences might be able to solve social and ecological problems created by human intelligences, and even more by human stupidity, but these have little to do with art and creation. If robots take care of manual labor and computers of intellectual tasks, this should leave us more time for sex, drugs, rock’n roll and boardgames. Since Aristotle, who was impressed by the technical progress in ancient agriculture, this prediction has been made several dozens of time, and there’s no reason to believe it will be more accurate this time. This also neglects a very important point : unlike most of the physical tasks executed by machines and robots, creative and intellectual activities are mostly pleasurable. The real issue for most artists is not author’s rights, it’s author’s fun. Having machines taking over mundane and painful tasks can be a good thing, but seems to be more difficult than we expected. Having them take over creative activities is another one, more problematic. I won’t go further about the social impact of these changes. It will strongly depend on the political context, which doesn’t seem to be very favorable to workers, even intellectual ones.
As I said above, I don’t know much about neuroscience or computer science. I might be wrong, and I hope I’m wrong, in thinking that artificial intelligence will soon do creative works as good as that of flesh and blood humans, and impossible to differentiate from it. Even if I’m wrong, however, I’m sure that trying to stop AIs, or to take refuge in a small world from which they are banned, won’t profit anyone.« Vain » is probably the adjective I’ve used the most frequently in this blogpost.
Like all the journalists who recently wrote about AIs, I have asked ChatGPT for its opinion. When asked « what will be the effects of AIs on the design and illustration of boardgames », its answer was mostly dealing with the content of games, an interesting point but not the one I have discussed here. I rewrote my question as « what will be the effects of AIs on the work and jobs of boardgame designers and illustrators? ». His predictions are less violent than mine, which didn’t surprise me since they are based on the average opinion on the issue expressed until the end of 2021. It nevertheless advises us to be « trained and prepared ».
It is difficult to predict exactly how the use of artificial intelligence (AI) will impact the work and jobs of board game designers and illustrators. However, it is possible that AI could be used to automate certain tasks related to board game creation, such as generating game concepts or creating basic illustrations. This could lead to a reduced demand for human workers for these specific tasks, but it is important to note that AI cannot completely replace human ingenuity and creativity. It is possible that AI could also be used to enhance the work of board game designers and illustrators by providing them with tools and resources to facilitate their work. For example, AI could be used to generate game ideas or help create high-quality illustrations. It is important to note that, as with all professions, the use of AI in board game creation may lead to changes in the jobs and careers of designers and illustrators. It is important to continue to closely monitor the evolution of AI in this field and ensure that affected workers are trained and prepared for these potential changes.
Je pense avoir acheté tous les jeux de Luis Brueh, ou du moins toutes les grosses boîtes, car il a peut-être fait des petits jeux de cartes dont je ne sais rien. Il y a à cela une raison très simple, je suis jaloux. Je ne rêve même pas de pouvoir un jour illustrer moi même l’une de mes créations. Même après quelques heures de discussion avec Midjourney, je suis bien incapable de me représenter, et plus encore de dessiner, les images que je voudrais voir accompagner l’un de mes jeux. Parfois, comme avec les illustrations d’Andrew Bosley pour Mission : Planète Rouge, de David Cochard pour Kamasutra, ou plus récemment d’Andrew Hartman pour Trollfest, j’ai la chance de trouver un artiste qui donne très précisément sinon vie, du moins forme et couleur à ce que j’imaginais. Ce n’est pas si fréquent, et j’aimerais tant pouvoir le faire moi-même. Certes, Luis Brueh n’est pas le seul auteur à souvent illustrer lui-même ses créations – il y a aussi Ryan Laukat, Dominique Ehrhard, ou mon amie Anja Wrede, mais les jeux de Luis sont un peu dans le style des miens, et ont juste les illustrations que j’aimerais souvent voir aussi dans les miens. Mais bon, jusqu’ici, ces jeux n’avaient pas eu beaucoup de succès dans mon entourage. J’avais bien aimé Dwar7s Winter et Dwar7s Spring, mais les amis avec qui j’y ai joué, amateurs de jeux de deckbuilding plus costauds et sans doute plus variés, étaient moins enthousiastes. Après une première sortie, les jolies boîtes colorées sont restées sur mes étagères.
J’ai insisté et tendu à mes amis joueurs un guet-apens. Je viens de les faire jouer à Night Parade of a Hundred Yokais, et cette fois, je crois que tout le monde a adoré. D’ailleurs, après une première partie, on en a fait une seconde pour essayer d’autres factions, ce qui n’est guère dans nos habitudes. Et ce jeu là ne va certainement pas moisir sur mes étagères. Bref, si vous pouvez vous procurer, si possible avec au moins l’extension Moonlight Whispers, ce jeu malin, original, rythmé et diablement bien illustré et édité, ne laissez pas passer l’occasion. C’est un plaisir à regarder et à jouer. Night Parade est un jeu d’Engine Building, dans lequel chaque joueur se construit trois petites séries de cartes démons, les yokais, dont il peut enchaîner les effets pour prendre le contrôle des îles. Les différents clans sont très thématiques, les ratons laveurs embrouillent, les chats se déplacent vite, les ours bastonnent, les tortues se planquent sous leur carapace, les grenouilles sont assez fortes en invocation de créatures diaboliques. Il se passe plein de trucs, mais les rangées de cartes bien visibles et l’iconographie limpide font que l’on sait toujours où l’on en est, ce qui n’est pas toujours le cas dans les gros jeux publiés ces dernières années. Bref, je recommande vivement. Je suis passé il y a quelques semaines dans les locaux de Iello, à Nancy, et j’ai vu quelques autres jeux de Luis Bruêh qui trainaient sur une table, peut-être le signe qu’ils vont sortir en français – je dis ça comme ça, je n’ai pas d’info particulière, ce serait chouette si ce post emportait la décision ?
I’ve probably bought all the games designed by Luis Bruêh, or at least all the big boxes, since he might have published a few small card games I’m not aware of. There is a simple reason to this – I am jealous. I don’t even dream of being able one day to draw the art for one of my designs. Even after hours of talk with Midjourney, I’m totally unable to draw, let alone to imagine, the art I would like to see on my games. Sometimes, like it happened with Andrew Bosley’s art for Mission: Red Planet, with David Cochard’s art for Kamasutra, or more recently with Andrew Hartman’s art for Trollfest, I have been lucky enough to see an artist give shape and color, if not life, to what I was imagining. It’s not always the case, and I deeply regret that I can’t do it myself. Luis Bruêh is not the only boardgame designer who draws his own art. I can think of Ryan Laukat, of Dominique Ehrhard, or of my good friend Anja Wrede, but Luis’s games are more or less in my style, and have just the art I would love to see in mine. Unfortunately, so far, these games had not been that successful with my gaming friends. I enjoyed Dwar7s Winter and Dwar7s Spring, but my fellow gamers more acquainted with heavier and more varied deckbuilding games were less enthusiastic. We had fun playing them once, but the boxes then stayed on my shelves.
I insisted, and lured my friends in a trap. We just played Night Parade of a Hundred Yokais, and this time everyone loved the game. After a first game, we played a second one to try the other clans, something we don’t do that often now. An this game won’t stay gathering dust on my shelves. So, if you have an opportunity to get this game, if possible with the Moonlight Whispers expansion, just buy it. It’s clever, original, fast paced and gorgeously illustrated. It’s a pleasure to look at, and a pleasure to play. Night parade is an Engine Building game, in which every player builds three lines, or parades, or Japanese demon cards, the yokais. Every round, each player uses the abilities of one line of yokais, in order, to take control of the islands. The different clans in the game are really different and thematic : the raccoons intrigue, the cats move fast, the bears fight, the turtles hide under their shell and the frogs are really good at magical invocations. There’s lots of things going on, but thanks to the nice art and clear iconography, it’s easy to keep track, something relatively unusual in recent games. I highly recommend Night Parade of a Hundred Yokais.
Je suis sans doute l’un des rares « acteurs du monde ludique » encore en activité à avoir connu l’internet ludique d’avant Tric Trac, celui d’Ankou, et d’avant le Boardgamegeek, celui du Gaming Dumpster. Ça nous fait pas jeunes, comme on dit. Tric Trac est appru il y a une vingtaine d’années. C’est peu dire que je n’appréciais guère le fondateur et webmaster “historique” de Tric Trac, qui me le rendait bien. Du coup, on n’y parlait guère de moi et je n’y mettais pas les pieds, mais ce fut pendant longtemps le centre du petit monde webo-ludique francophone. Disons que le site sur fond vert et son webmaster avaient du caractère. Et puis Tric Trac s’est fait dépasser par d’autres sites, plus jeunes et peut-être aussi plus lisses et consensuels.
Depuis trois ou quatre ans, je ne sais plus bien, Tric Trac avait déménagé d’Orléans à Paris et me semblait pourtant renaître d’une manière très sympathique, moins provocatrice et plus réfléchie. Alors même que je regarde très peu de videos, leur préférant systématiquement les textes, je me reconnaissais assez dans la nouvelle formule du Tric-Trac show, des émissions un peu « magazine », où un sympathique mix de nouvelles têtes et de vieux mandarins discutaient calmement, prenant du recul sur l’actualité ludique, et portant sur le jeu un regard intelligent, voire un peu intello. Ce n’était sans doute pas la tendance, ils ont peut-être pris le monde du jeu pour ce qu’ils voulaient qu’il soit, et que j’aurais aimé qu’il soit.
Et donc, c’est fini. Je devine que l’audience n’était pas au rendez-vous d’un show un peu trop ambitieux, un peu trop réfléchi, et que Tric Trac perdait trop d’argent, ou plus exactement perdait de l’argent depuis trop longtemps, pour qu’Asmodée continue à le soutenir. Je mentirais en disant que je suis vraiment surpris, mais je pensais que cela durerait encore quelques années. J’espère juste que François, Guillaume, Julien, Pénélope, Tarsa, trouveront tous un bon boulot dans un milieu ludique francophone auquel leur culture et leur subtilité risquent de manquer.
I’m one of the few people in the game business who still remembers what the boardgaming internet looked like before Tric-Trac, mostly with Ankou, and before the Boardgamegeek, mostly with the Gaming Dumpster. yes, I’m and old gamer and game designer.
Tric Trac appeared more or less twenty years ago, and my relations with it have long been very tense. The long time webmaster of Tric Trac and I strongly disliked each other, so I was rarely mentionned on a site which I carefully avoided. This green background website was nevertheless, for quite long, the center of the small French gaming world. Well, at least the site and its boss had some personality. And then Tric Trac was overtaken by the competition, by younger, and may be also blander and more consensual websites.
For three or four years now, Tric Trac had moved from Orléans to Paris. I really enjoyed its new formula, less provocative and more thought out. While I rarely watch videos, and prefer written articles, I enjoyed the Tric Trac show, where a nice mix of old gaming pundits and newer figures were discussing calmly, taking a step back from the crazy gaming news, and looking at the galing world in an intelligent, sometimes even a bit intellectual, way. It probably didn’t fit that well with recent trends….They have probably mistaken the gaming world for what they wanted it to be, and what I would also like it were.
Anyway, it’s over. I guess this too ambitious show didn’t reach a large enough audience and it was losing too much money, or rather was losing money for too long, for Asmodee to keep paying the bills. It would be a lie to say I am completely surprised, but I honestly thought it could stay a few years more. I only hope that François, Guillaume, Julien, Pénélope and Tarsa will all find a new and lasting in a French speaking gaming world which won’t be the same without their culture and subtlety.
Je viens d’avoir une conversation avec un journaliste qui souhaitait écrire un article sur une French Touch dans la création actuelle de jeux de société. Je l’ai sans doute un peu déçu en affirmant que s’il existait aujourd’hui une spécificité française en matière de jeu de société, c’était peut-être dans l’édition, mais certainement pas dans la création.
Si quarante ans d’enseignement dans des endroits bien différents m’ont appris une chose, c’est que les « différences culturelles » n’existent pas vraiment, ou du moins sont absolument négligeables en comparaison des différences individuelles. On a toujours tendance à exagérer des spécificités culturelles qui, lorsqu’elles existent, ne sont guère que des différences assez superficielles de langage, de codes sociaux et de références littéraires, culinaires et musicales. Un peu de la même manière, mon travail d’historien m’a surtout montré que les hommes de la fin du Moyen Âge et de la Renaissance ne pensaient pas bien différemment de nous.
Cette tendance à exagérer les différences est particulièrement absurde dans un domaine comme le jeu de société. Les jeux de société modernes sont en effet apparus assez récemment. C’est pourquoi, contrairement à ce qu’il se passe en littérature, en musique ou en peinture, les auteurs de jeux français, américains, japonais ou autres ont très exactement les mêmes références, Catan, Magic, Les Aventuriers du rail, tout ça. Parler de spécificités nationales en littérature ou en peinture a encore un certain sens, même si je pense que l’on en rajoute, mais cela n’en a plus aucun en matière de jeu de société. Mon style n’a, me semble-t-il, pas grand chose de commun avec celui de Bruno Cathala ou de Roberto Fraga, et serait sans doute plus proche de celui d’Alan Moon, de Seiji Kanai ou de Hisashi Hayashi. Et je ne vois absolument rien de commun entre les créations de Bruno et de Roberto, qui m’ont été cités comme deux éminents représentants de cette French Touch. Le monde de la création ludique est d’ailleurs très internationalisé, tout s’y fait en anglais, et j’ai côtoyé avec plaisir des auteurs allemands, italiens, grecs, américains, canadiens, brésiliens, coréens, iraniens, japonais, scandinaves, russes, polonais et autres, sans jamais avoir l’impression de me trouver face à une culture ludique différente de la mienne – ou en tout cas pas plus souvent qu’avec des auteurs français. En matière de création, la French Touch n’est donc qu’un argument commercial, que je trouve personnellement peu convaincant.
La spécificité, s’il y en a une, n’est pas du côté de la création, mais de celui du business et de l’édition, et l’explication relève plus du coup de bol que de la culture. Il se trouve que Asmodée est la grande success story de l’édition du jeu de société moderne, et que ce qui était une petite boite de passionnés de jeux de rôles, comme il y en avait à la même époque dans bien des pays, est devenu une grande multinationale du jeu de société, avec des centaines de filiales dans le monde entier. Par facilité, son expansion s’est faite plus rapidement en France que dans les autres pays, et surtout s’y est plus porté sur le côté créatif, éditorial, et moins sur l’aspect commercial. Toute une série d’éditeurs plus modestes se sont lancés dans la foulée d’Asmodée, rêvant de et souvent parvenant à être rachetés par le démon du jeu, ou plus récemment par Hachette qui semble vouloir l’imiter. Du coup, il est en effet devenu plus facile pour les auteurs français de rencontrer des éditeurs et de faire publier leurs créations. Cela a créé quelques vocations, mais ne fait en rien des auteurs de jeux français une catégorie culturellement à part.
Je sais que l’expression de French Touch est beaucoup utilisé dans le jeu video, mais elle y désigne une réalité qui relève à la fois de la création et de l’édition, les deux y étant beaucoup plus fortement imbriqués que dans le jeu de société. Il faudrait pour avoir l’équivalent dans le jeu de société que se crée un véritable bouillon de culture entre auteurs voisins à la fois géographiquement et intellectuellement. Ce n’est pas encore arrivé et dans le jeu comme dans bien d’autres domaines culturels, je pense que l’on gagne plutôt à tout mélanger. Je suis français, je suis un auteur de jeu, je ne suis pas un « auteur de jeu français » parce que cette catégorie ne signifie rien.
I just had a phone conversation with a journalist who is writing about a French Touch in boardgame design. He felt a bit disappointed when I answered that if there was something specifically French today in boardgames, it had more to do with publishing than with design.
Forty years of teaching in various places have taught me one thing, that “cultural differences” don’t really exist, or are extremely marginal when compared with individual differences. We always tend to exaggerate cultural specificities which are little more than differences in language, social codes and literary, culinary or musical references. Similarly, my research as a historian convinced me that people form the late Middle Ages and the Renaissance didn’t think very differently from us.
This exaggeration of differences is particularly absurd when discussing boardgames. Modern boardgames are a very recent thing. Therefore, unlike what happens with literature, music or graphic art, French, American Japanese and other boardgame designers have the exact same references – Catan, Magic the Gathering, Ticket to Ride and all that stuff. Talking of national styles in literature or painting still makes sense, even when I think we usually overdo them, but it doesn’t make any sense when discussing boardgames. My own design style has little in common with that of Bruno Cathala or Roberto Fraga, and is probably more similar with that of Alan Moon, Seiji Kanai or Hisashi Hayashi – and I don’t see the slightest thing in common between Roberto’s and Bruno’s designs. The boardgame design little world is very international, everything happens in English, and I’ve met publishers from dozens of countries such as Italy, USA, Canada, Brasil, Korea, Iran, Japan, Russia, Poland, Greece, Baltic and Scandinavian countries, without ever having the feeling that these people had a different gaming culture than mine – or not more often than with French designers. The French Touch in boardgame design seems to me to be only a marketing argument, and not a very convincing one.
If there is a French specificity with boardgames, it has to do with business, not design, and more with sheer luck than with culture. Asmodee happens to be the big success story of the boardgaming business. What was originally a small role playing publishing company founded by a few friends has become a big multinational company with hundreds of subsidiaries in the whole world. Its development started in France where, for practical reasons, it focused more on creation and development and less on distribution. Smaller companies followed suit, often with the more or less secret goal of being bought by Asmodee, or more recently by Hachette who is trying to follow suit. All this has made easier for French boardgame designer to meet publishers and have their creations published. It might have generated a few vocations, but it doesn’t make French designers a culturally specific category.
The expression French Touch comes from the video game industry, where it refers both to design and publishing, which are much more interwoven than in the boardgaming world. To have the same thing with boardgames, we would need a real cluster effect between designers both intellectually and geographically similar. It has not happened yet and, with boardgames like with many other cultural domains, I think it’s more rewarding to mix everything. I’m French, I’m a game designer, but I don’t like being called a “French game designer”, a category which doesn’t mean anything.
Célia Guin est une jeune illustratrice qui, pour son diplôme de fin d’études, a revisité Citadelles dans un style crayonné plein de charme. Cela ne sortira jamais, mais ça donnera peut-être à certains l’envie de l’embaucher pour illustrer un autre jeu. En tout cas, j’ai trouvé lidée très sympathique.
Celia Guin is a young artist. As a graduation diploma job, she revisited my Citadels. This will never get in print, but may be you can hire her o make the art for some other upcoming game… Anyway, I like it !
Un grand merci à Hervé qui a retrouvé dans un coin de son disque dur cette video du troisième épisode des rencontres ludopathiques, en 1995 où l’on voit quelques personnes que j’ai un peu perdues de vue – Nadine, Scarlett, Laure, Pierre, Anne (charmante avec son chapeau), Arno, Isabelle, Jean-Yves, Mireille, Sabine, Tristan, Nadine et quelques autres, et surtout Pierre qui nous manque beaucoup. Côté jeux, on voit Cambio, Ave Cesar, Il était une fois, Condottiere, Meurtre à l’Abbaye, Credo, Tribalance, Taboo, dictionnaire, Pusher, Intrigues à Venise, et quelques trucs que je ne reconnais même plus. Cela n’a pas tellement changé, mais j’avais plus de cheveuex. Et on fumait plus.
Many thanks to Hervé for this video of the third ludopathic gathering in Etourvy, in 1995, with a few friends I have not seen for years – Nadine, Scarlett, Laure, Pierre, Anne (really pretty with her hat), Arno, Jean-Yves, Isabelle, Mireille, Sabine, Tristan, Nadine and, most of all, Pierre whom I really miss. As for games, I’ve spotted The Pit, Ave Caesar, One upon a Time, Condottiere, Murder at the Abbey, Credo, Tribalance, Taboo, Dictionary, Pusher, Incognito and a few things I don’t really remember. It didn’t change that much – but I had more hair. And we were all smoking.
Ceux qui suivent ce blog régulièrement savent que je me méfie habituellement beaucoup des jeux à thème politique, et des jeux prétendant faire passer un message politique…. Il arrive pourtant que les jeux et la politique fassent bon ménage, comme le montrent ces deux videos récentes.
Those who regularly read my blog know that I am usually wary of games with a political setting, and of using games as political media… Sometimes, however, politics and games can fit together, as can be seen on these two recent videos.
Des iraniens s’amusent à faire tomber les turbans des mollahs. Iranians passers by play Mullah’s turban tossing.
Des activistes hollandais essaient de préserver un petit bout de climat en empêchant des jets privés de décoller. Dutch activists try to save a little bit of climate by preventing private jets to take off.
Je rentre d’un séjour de quatre jours en Pologne, à Puszczykowo, dans un charmant hôtel perdu dans les bois, dont l’ameublement date encore de l’époque communiste. Krzysztof Szafranski, Michal Gryn et l’équipe du collectif d’auteurs Pamper y organisaient une rencontre d’auteurs, certains édités et d’autres non, afin qu’ils puissent jouer et débattre de leurs prototypes entre eux, et les présenter à la petite dizaine d’éditeurs présents, des polonais surtout mais aussi quelques tchèques, baltes et autrichiens. J’étais le participant le plus exotique.
Ça va, ce n’était pas la saison des moustiques.
Le programme, assez chargé, alternait sessions de jeu et conférences en anglais. Anita Landgraf a, par exemple, présenté les avantages, réels pour les jeunes auteurs et peut-être aussi pour les plus vieux, à travailler avec un agent – et du coup je lui ai laissé un des mes prototypes, on verra bien. J’ai raté l’intervention d’Adam Kwapinski sur l’adaptation des jeux videos en jeux de société parce que j’étais tellement fatigué que je faisais la sieste. J’ai parlé des modifications que l’éditeur peut apporter à un jeu et des problèmes que cela pose souvent aux auteurs, sujet difficile dont je tirerai certainement un article un de ces jours.
Quand Anita m’a demandé si j’avais déjà demandé que l’on retire mon nom d’un jeu.
Un conseil aux jeunes auteurs
J’avais dans ma valise quelques petits jeux de cartes sur lesquels je travaille en ce moment, et y jouer avec des auteurs, donc des testeurs assez techniques et critiques, a permis de leur apporter quelques améliorations.
J’ai aussi bien sûr joué à pas mal d’autres prototypes. S’ils étaient pour le reste assez différents, il m’a semblé qu’ils avaient tous besoin d’une bonne coupe au rasoir d’Ockham. J’ai joué à un jeu qui était dans une grande boite, avec un plateau, une centaine de pions, des cartes surdimensionnées couvertes de texte décrivant des capacités spéciales, et qui serait sans doute bien meilleur sous la forme d’un petit jeu de cartes sans texte.
Des test sérieux, on boit de l’eau minérale et on prend des notes.
C’est un problème fréquent dans les jeux d’auteur débutants, et je profite de l’occasion pour donner ce conseil : faites simple, allez droit au but. Si les tests de votre jeu révèlent un problème, une lourdeur, un déséquilibre, un problème de rythme, avant d’essayer de le résoudre en ajoutant un mécanisme, une carte, des pions, demandez-vous si vous ne pouvez pas plutôt en enlever. Un bon auteur écrit en évitant soigneusement les mots qui n’ajoutent rien au sens de ses phrases; un ingénieur n’embellit pas ses machines avec des pièces inutiles; un développeur prend bien soin d’effacer les lignes de code qui ne servent plus à rien. Un auteur de jeux doit de même éviter toutes les règles, tous les éléments qui n’ajoutent rien, ou pas grand chose, d’intéressant au déroulement de la partie.
Femmes, business et hobby ?
J’ai été assez surpris du petit nombre de femmes, une dizaine à peine sur la centaine d’auteurs présents, une proportion bien moindre que dans les grands salons comme Essen, Cannes ou la Gen Con. J’ai d’abord pensé que cela était dû à un décalage de quelques années entre l’Est et l’Ouest de l’Europe, avant de réaliser que le public d’un événement comparable n’aurait sans doute pas été très différent en France ou aux États-Unis. En effet, si les femmes sont de plus en plus nombreuses parmi les joueurs, si elles sont depuis assez longtemps très présentes chez les éditeurs, que ce soit dans les postes éditoriaux ou commerciaux, elles sont au moins aussi nombreuses que les hommes dans l’illustration de jeux, mais elles restent partout rares parmi les auteurs. Nous avons résumé cela lors d’une discussion avec Anita Landgraf en une formule un peu réductrice, il y a plus de femmes dans le business que dans le hobby, sans être vraiment capables de l’expliquer.
Peandant que les français se mettent au Mollky finlandais, les polonais passent à la pétanque.
Petits et gros salons
Si je ne suis pas allé cette année à la Gen Con ou à Essen, c’est bien sûr d’abord pour des raisons techniques, le coût du transport et du séjour pour la Gen Con, les dates qui ne coïncident plus avec les vacances scolaires pour Essen. C’est peut-être aussi un peu parce que je suis fatigué de ces grands salons, qui, en tant qu’auteur, me semblent de plus en plus fatigants et de moins en moins utiles. Certes, on y croise beaucoup de monde, mais c’est très rapidement, dans le bruit, et plus pour boire quelques bières et raconter les potins du milieu ludique que pour jouer et parler jeux. Je préfère de plus en plus les rencontres moins nombreuses mais plus tranquilles et parfois plus inattendues que je peux faire sur de plus modestes réunions et conventions – à condition bien sûr de pouvoir quand même boire quelques bières.
I’m back from four days in Poland, at Puszczykowo, in a cute hotel lost in the woods, whose furniture probably had not been replaced since the communist era. Krzysztof Szafranski, Michal Gryn and the team at the Pamper game test group were organizing a meeting with about a hundred designers, some published and some not, where they could play and discuss their prototypes and show them to ten or so publishers, most of them polish but some czech, baltic or austrian. I was the most exotic attendee.
Luckily, it wasn’t mosquito season.
The busy schedule alternated playtest sessions with conferences in English. Anita Landgraf explained the advantages, for young but also for old designers, of working with an agent, and managed to convince me to let her one of my prototypes. I missed Ada Kwapinski’s talk about adapting video games into boardgames because I was so tired that I needed to have a nap. I talked about how the publishers often develop or modify a game, and of how the designers should deal with this. It’s a complex issue, and I’ll probably go back to my notes to write an article one of these days.
An advice to young boardgame designers
I had brought a few light card games on which I’m working at the moment. Playing them with other designers made for constructive and deconstructive criticism, and I come back with all of them somewhat improved. Of course, I also played other designers’ prototypes. They were all very different, but I felt they all needed a good Ockham razor’s beard trimming. I played a big box game, with a board, a hundred tokens, oversized cards covered with text which could have been a much better card game with no text at all.
It is a common issue with wannabe game designers prototypes. Here’s my advice : make everything as simple and straightforward as possible. If playtests reveal a problem with your game, be it clumsiness, unbalance, lack of rythm or depth, don’t try at once to solve it with adding elements, be they card, token or rule. Try first to remove stuff. It’s not always possible, but when it works, it’s always better.
A good writer avoid unnecessary words, words which don’t add anything to the meaning of sentences. An engineer doesn’t try to make machines look nicer with superfluous components. Good developers write short and fast code. Similarly, a good game designer must get rid of all rules or components which add little or nothing to the game flow.
Serious playtesters, taking notes. This was a really interesting game.
Women, the business and the hobby ?
I was surprised by how few women were among the attendees, ten at most among a hundred designers, a proportion much lower than in big game fairs such as Essen, Cannes or Gen Con. I first thought this was due to a few years gap between Eastern and Western Europe, before realizing things might not have been very different in France or the US. There are more and more women among boardgamers ; there are many, since much longer, working with publishers, both in editorial and commercial jobs ; there is more or less the same proportion of men and women among boardgame illustrators ; there are still, however, very few women among boardgame designers. Discussing this with Anita Landgraf, we summed up in a nice formula, there are more women in the business than in the hobby but we could not explain it.
Smaller and bigger events
The main reasons for which I didn’t go this year to Gen Con or Essen are extremely bland, the cost of transport and accomodation at Gen Con, the dates which don’t fit anymore with school holidays for Essen. It is also true, however, that I am less and less excited by these big events which, as a designer, I find more and more tiring and less and less useful. Yes, we can meet many people from the business, but all while runing from one hall to another, and often more to drink beer and exchange gossip than to play and discuss games. I probably enjoy more now smaller gatherings where people have more time to talk, where discussions are sometimes more unexpected, at least if I can still drink a few beers.
The speakers and the two organizers, Krzysztof Szafranski (left) and Michal Gryn (right). I got a copy of a game by Michal, Space Craft, which looks clever and challenging.