Les jeux et l’argent
Money and games

Je prendrai au mois de février 2024 ma retraite de l’éducation nationale. Cela me donnera sans doute l’opportunité de travailler un peu plus ou un peu différemment dans le petit monde du jeu, et je suis d’ailleurs ouvert sur ce point à toutes les propositions. En attendant, je me retrouve pour ma dernière année au lycée à préparer un programme d’économie que je n’avais plus enseigné depuis longtemps, celui de première. Si je le trouve globalement moins intéressant que celui de terminale, il y a quelques chapitres que j’ai plaisir à traiter, dont celui sur la monnaie. Si l’histoire et la théorie monétaire m’intéressent, c’est peut-être parce que la très réelle monnaie a quelque chose à voir avec les univers virtuels du jeu.

La monnaie un peu comme un jeu

On me demande souvent lors des interviews quelle est ma définition du jeu. Je m’en tire généralement par une pirouette, expliquant n’avoir pas plus besoin d’une définition du jeu pour concevoir des jeux de société que je n’ai besoin d’une définition de l’éducation pour donner des cours. De fait, je suis un peu face au jeu comme Saint Augustin face au temps – je sais parfaitement de quoi il s’agit tant que l’on ne me demande pas de l’expliquer. Lorsque j’essaie vaguement d’y répondre, c’est donc moins par nécessité que… par jeu.

Je ne vais pas revenir sur les définitions les plus souvent citées, celles de Johan Huizinga et Roger Caillois, deux auteurs qui se sont aussi un peu intéressés aux licornes, ou plus récemment par le philosophe Colas Duflo. Faute d’une définition satisfaisante qui saisisse l’essence ou la fonction du jeu, je me contente généralement de la combinaison des deux caractéristiques les plus souvent citées, un système de règles arbitraires et une stricte séparation du monde réel, ce que certains appellent le « cercle magique ». À ces deux critères, il faudrait peut-être ajouter un troisième, à moins qu’il ne soit la synthèse des deux précédents, simplicité et compréhensibilité – par opposition au réel, complexe, incompréhensible et vraisemblablement absurde, le jeu est simple, compréhensible et clairement absurde.

Si la question de la définition du jeu présente quelque intérêt pratique, c’est surtout pour discuter des cas limites. Il existe des systèmes de règles simples et plus ou moins arbitraires dont la séparation avec le réel est relative ou discutable, comme les loteries et jeux d’argent, les jeux éducatifs et autres serious games, le sport de compétition, les duels, la roulette russe, les rituels et croyances religieux et une bonne partie de ce que les mathématiciens discutent dans leur théorie des jeux. Il y a donc parfois « du jeu » entre le jeu et le réel. D’autres univers séparés du réel ne pouvant que très partiellement être décrits par un ensemble de règles, comme les jeux de rôle ou les jeux videos ouverts, relèvent un peu du jeu mais peut-être aussi un peu de la littérature – qu’il faudrait alors aussi définir.

La « gamification » consiste à introduire des mécanismes, des règles, des conventions empruntés au monde ludique dans des cadres réels afin de les simplifier, parfois pour les rendre plus aisés à comprendre et à naviguer, plus souvent pour faire oublier leur nature et leurs « enjeux » réels. Très à la mode dans les années 2000, le procédé n’est cependant pas nouveau. Le système de notes utilisé depuis bien longtemps dans le cadre scolaire, l’un des cas de gamification les plus systématiques, montre bien qu’elle ne débouche pas toujours sur quelque chose de très amusant. La monnaie joue un peu le même rôle.

Les économistes définissent la monnaie par ses trois fonctions, intermédiaire des échanges, mesure de la valeur et réserve de valeur. Dans un système capitaliste comme le nôtre, il faudrait en ajouter une quatrième que les joueurs connaissent bien : la monnaie est un système de score – ce que les sociologues américains appellent un signe de statut social. Ces quatre fonctions font de la monnaie le moteur et le carburant de ce que l’on pourrait appeler la « gamification capitaliste ». La monnaie, comme le disait Jean-Baptiste Say, est un voile qui recouvre la complexité des utilités, des valeurs et des rapports sociaux. Encourageant les échanges et mettant les individus en concurrence, l’unité de compte unique et universelle fait de la société un simulacre de jeu. Elle amène à vivre selon un système de règles, celles de l’échange marchand, et pour un but arbitraire, être plus riche que son voisin. Elle a certainement contribué à pacifier les relations sociales et à améliorer nos conditions de vie mais, devenue sinon le seul système de score, du moins le principal moyen de mesurer un succès qui ne peut plus être qu’individuel, ´est un peu elle nous fait aujourd’hui entrer dans une spirale autodestructrice dont il n’est pas du tout certain que nous parvenions à échapper.

La monnaie et les jeux

Il reste que si la monnaie présente quelques caractéristiques du jeu, elle n’en est pas un. Elle est une convention, une pure règle, mais elle s’échange contre des biens et services très réels, et est au cœur de la vie sociale. Ne faisant pas vraiment travailler l’imagination, on s’attendrait à ce qu’elle soit peu présente dans des univers ludiques dont la seule fonction est de nous fournir une échappatoire consciente et passagère au réel. Elle est pourtant partout dans les jeux de société et dans les jeux videos, le plus souvent sans même chercher à se cacher. La raison est simple et purement technique : elle y remplit plus ou moins les mêmes fonctions que dans le monde réel, permettant de mesurer la valeur des éléments de jeux, cartes ou pions, et de faire des échanges avec le jeu – en anglais comme en français, on dit souvent avec la banque – et parfois avec les autres joueurs. Même lorsque le but du jeu n’est pas de s’enrichir, les échanges restent souvent au cœur de ses mécanismes.
Alors même que relativement peu d’entre nous ont jamais participé à une vente aux enchères, que ce soit comme vendeur oui acheteur, les enchères sont un système très présent dans les jeux de société. Elles permettent en effet de créer une forte concurrence entre les joueurs, et de les impliquer tous simultanément – et là encore, s’il y a des enchères, il faut de la monnaie. Bon, je ne vais pas faire la liste de tous les jeux d’enchères que j’ai conçu, c’est sans doute l’un des genres que j’apprécie le plus et auquel j’ai le plus contribué.

Jeux d’argent

Toutes les définitions du jeu insistant sur la stricte séparation avec le monde réel, l’idée de « jeux d’argent » comme le poker ou le blackjack, a quelque chose de paradoxal. S’il m’est arrivé, lors de discussions de fin de soirée à Essen ou Indianapolis, d’entendre arguer que les jeux d’argent ne devaient pas être considérés comme des jeux, ceux qui défendaient ce point de vue de principe ne les avaient le plus souvent jamais pratiqués. Tous ceux qui ont joué au poker, et j’y ai beaucoup joué, savent bien que c’est un jeu, que les sensations qu’il procure sont pour l’essentiel de même nature que celles générées par d’autres jeux de société – même si, et cela renforce encore le paradoxe, le jeu ne fonctionne plus s’il est joué avec des allumettes. Les joueurs d’échecs de haut niveau sont aussi souvent d’excellents joueurs de poker, et rien n’empêche de jouer aux échecs pour de l’argent. Quant au backgammon, il est difficile de défendre l’idée qu’il ne serait plus un jeu dès lors que l’on y ajoute un videau, mécanisme éminemment ludique.

Si les jeux d’argent sont bien des jeux, et même des jeux particulièrement efficaces, c’est parce qu’ils restent, malgré leur enjeu, bien séparés du temps et du monde ordinaire. Ils ont un début et une fin, un espace de jeu délimité, et surtout des règles de distribution de la monnaie qui n’ont rien à voir avec celles du monde réel. L’argent gagné (ou perdu) au jeu n’est pas un revenu du travail ou du capital, c’est un revenu du jeu. Cet enjeu réel ne fait que renforcer l’étrangeté, l’ivresse voire l’ironie ressenties par les joueurs. C’est sans doute pour renforcer cette séparation, ce « cercle magique » que la réalité monétaire pourrait mettre à mal, que les jeux d’argent sont toujours très abstraits.
Même si l’on n’y gagne pas que de la monnaie, on peut assimiler aux jeux d’argent les lotos et autres loteries. Là encore, ils ne fonctionnent comme jeux de hasard que parce qu’ils sont inscrits dans un temps et, le plus souvent, un lieu limité – et parce que la réalité, elle, n’est pas entièrement gouvernée par le hasard.

Les joueurs professionnels d’échecs, ou de football car beaucoup de sports sont aussi des jeux, pratiquent bien le même jeu que les amateurs, même si c’est pour des enjeux différents. De même, étant auteur de jeu de société, les parties que je fais, de mes jeux et d’autres, font partie de mon activité professionnelle, et je déclare d’ailleurs tous les jeux que j’achète comme frais professionnels – mais pas les bières et le whisky.

Que dire des jeux de cartes à collectionner, de Magic the Gathering, de Pokemon, bientôt peut-être de Lorcana ? La monnaie n’est pas dans la partie elle-même, mais elle est tout autour, celui qui dépense le plus d’argent ayant plus de chances de gagner…. Je ne sais pas si les plus gros acheteurs sont des joueurs ambitieux ou des collectionneurs compulsifs, il y a sans doute les deux.

Je ne parlerai pas ici des jeux videos, avec ou sans s, sujet que beaucoup connaissent mieux que moi. Un raisonnement similaire pourrait sans doute s’appliquer à ceux, assez nombreux, dans lesquels il est possible d’acheter cartes, objets ou compétences avec de monnaie réelle, voire pour lesquels existe un taux de change, officiel ou non, entre la monnaie du jeu et celle de l’extérieur. Qu’il y ait un peu de contrebande le long de la frontière avec le réel ne la fait pas disparaître.

Des textes comme La loterie, de Shirley Jackson, la loterie de Babylone, de Jorge Luis Borges, ou la loterie solaire, premier roman écrit par Philip K. Dick, jouent d’ailleurs de l’absurdité qu’il y a à voir le jeu devenir le monde.

La monnaie peut-elle être elle-même le support du jeu ? On pense bien sûr à pile ou face, d’un intérêt ludique très limité, et qui n’est pas vraiment un jeu d’argent. Les jeux d’adresse de type carrom ou crokinole joués avec des pièces de monnaie n’en sont pas non plus.
Je vous conseille plutôt ce que les américains appellent poker menteur, qui n’a rien à voir avec le jeu qui porte ce nom en Europe et se rapproche plutôt du Perudo. Je l’ai découvert dans un roman de l’un de mes auteurs préférés, Robert Russo, The Risk Pool.

Deux joueurs prennent chacun un billet de banque de même valeur, et parient à tour de rôle sur le nombre total d’occurence d’un chiffre donné sur les numéros de série de leurs deux billets. Si un joueur annonce « quatre 6 », par exemple, son adversaire peut surenchérir en annonçant soit le même nombre d’occurrences d’un chiffre supérieur, « quatre 7 », quatre 8 », etc, soit un plus grand nombre d’occurrences de n’importe quel chiffre , « cinq 3 », « cinq 6 », six 8 », etc. Un joueur peut aussi refuser la proposition de son adversaire, et on révèle alors les numéros de série. Le vainqueur du pari conserve les deux billets. En tournoi, comme j’en avais organisé un il y a une dizaine d’années, le vainqueur d’un duel peut choisir pour la manche suivante soit son billet de départ, soit l’un de ceux qu’il a déjà remportés.

Inflation

La théorie mathématique des jeux, qui ne traite pas de tous les jeux et traite de beaucoup de situations qui, quelle que soit la définition qu’on en donne, n’ont rien à voir avec le jeu, porte très mal son nom. Elle peut cependant aider à comprendre certains jeux, en particulier parmi ceux qui font usage de monnaie. Elle distingue les jeux à somme nulle et les jeux à somme positive.

Un jeu fermé joué avec de la monnaie réelle, comme le poker, ne peut être qu’un jeu à somme nulle. Tout ce qui est gagné par un joueur est simultanément perdu par un autre. La fausse et enivrante impression d’inflation dans une nuit de poker n’est due qu’à l’excitation, aux recaves successives, parfois à l’alcool. Les processus à somme positive existent dans la réalité, en économie notamment, mais ce ne sont pas des jeux.

Les jeux faisant appel à des monnaies fictives peuvent en revanche, comme le plus célèbre d’entre eux, le Monopoly, être à somme positive. Les mécanismes même du jeu, chacun recevant de l’argent de « la banque », c’est à dire du jeu, lorsqu’il repasse par la case départ, lorsqu’il vole une banque, lorsqu’il découvre un trésor, font que les sommes augmentent au fur et à mesure de la partie, et que tous les joueurs peuvent s’enrichir. Du coup, dans les échanges ou dans les enchères, les prix augmentent à un rythme qui pousserait au suicide un ministre des finances ou un directeur de banque centrale. Dans les jeux de paris, ce sont les enjeux qui augmentent. Cas extrême, dans un jeu comme QE – pour quantitative easing -, ce sont les joueurs qui créent la monnaie, sans aucune limite. Le jeu ne fonctionne que grâce à une astuce peu réaliste, le meilleur enchérisseur étant mis de côté, c’est toujours le second qui l’emporte.

Pour l’auteur de jeu, l’inflation n’est pas un monstre à éviter, elle est un mécanisme intéressant. Pour maintenir l’intérêt des joueurs tout au long de la partie, il faut à la fois que toutes les phases du jeu soient importantes et que ceux qui sont mal partis aient toujours, ou au moins pensent avoir, une chance de se refaire. Une manière d’y parvenir sans changer les règles au cours de la partie est alors d’augmenter régulièrement les enjeux en introduisant des sommes de plus en plus importantes à chaque tour, comme Léo Colovini et moi l’avons très délibérément fait dans Vabanque.

Mes réserves pour les prototypes

Le but du jeu

Au Monopoly, mais aussi dans tous les jeux de société s’en inspirant plus ou moins créés durant les trente glorieuses, l’argent n’est pas seulement le nerf de la guerre ou le carburant du commerce, il est le but du jeu. Le plus riche est vainqueur. C’est encore parfois le cas, et il y a toujours lors de l’explication des règles un petit malin pour dire « comme dans la vraie vie » – parce que, justement, c’est un peu plus compliqué dans la vraie vie. En français, on parle de « gagner sa vie » sans pour autant jamais prendre la vie pour un jeu.

Parmi les jeux auxquels j’ai contribué, dans Draco and Co, Silk Road, Key Largo, Vabanque, Santa’s Little Elves et sans doute quelques autres qui ne me reviennent pas à l’esprit maintenant, celui qui a le plus d’argent à la fin de la partie est vainqueur.

Le but du jeu est d’être le plus riche. Cela marche pour les hommes, mais aussi pour les dragons.

Parfois, il peut y avoir des embrouilles. Dans Draco and Co, les ex-æquo sont éliminés, ce qui n’a aucun sens thématique mais permet quelques interactions amusantes dans un jeu où les scores sont assez réduits et « granuleux ». Dans Cléopatre et la société des architectes, de Bruno Cathala et Ludovic Maublanc, le plus riche gagne, certes, mais après que le plus corrompu a été jeté aux crocodiles. Dans The Rich and the Poor, de Carlo Rossi, c’est celui qui a le moins donné aux bonnes œuvres qui est éliminé. L’objectif des auteurs n’est bien sûr pas de donner une vision plus morale du capitalisme, ni même de s’en moquer, juste d’introduire un mécanisme amenant les joueurs à prendre des risques et les empêchant de savoir avec certitude qui est en tête.

A l’inverse, dans High Society, de reiner Knizia, les joueurs doivent dépenser leur argent pour acquérir la plus belle collection d’objets d’art, mais sans en faire trop car, en fin de partie, le plus pauvre est éliminé avant de déterminer le vainqueur.

Dans d’autre cas, plus fréquents, la monnaie est toujours là mais n’est plus guère utilisée que pour effectuer des échanges avec la « banque » ou avec ses rivaux. Elle n’est plus le but du jeu, mais elle en reste le moteur, ou au moins le carburant. Parfois, l‘argent qu’il reste aux joueurs en fin de partie ne vaut plus rien, et apparaît donc comme une occasion gâchée. Souvent, il peut être converti en points de victoire, mais à un taux assez faible pour ne plus être qu’un élément parmi tous ceux qui, combinés, permettent de l’emporter. C’est le cas, par exemple, dans un jeu de gestion que j’ai pas mal joué ces derniers temps et que j’apprécie beaucoup, Iki.

Dans l’une de mes créations préférées, le Trésor des Nains, qui sortira l’année prochaine, le système de score a été réglé de telle manière que l’argent, sous forme de pièces d’or, d’argent et de cuivre, représente à peu près un tiers du score des joueurs, les deux autres tiers provenant de deux autres éléments du jeu. Je pourrais citer des dizaines d’autres exemples, car dans une salade de points, il y a toujours un peu de monnaie. J’aime beaucoup le système de Raja of the Ganges, d’Inka et Markus Brand, où les deux pions de score de chaque joueur, représentant fortune et prestige, tournent en sens inverse, le but étant d’être le premier à les faire se croiser – on peut gagner en étant plus cool que riche, ou plus riche que cool, mais les deux sont importants.

Toutes sortes de monnaie

Qu’ils soient des petits cœurs ou de petites étoiles, lorsque points de prestige, d’influence de victoire peuvent être dépensés pour effectuer telle ou telle action, pour acheter telle ou telle carte, ils sont une monnaie qui ne dit pas son nom. Parfois, il y a une bonne explication thématique, comme dans les jeux dans l’univers de Dune, qui font tous de l’épice une monnaie. Parfois, c’est jusque parce que le mot monnaie semble devenu un peu grossier, un peu honteux. Dans Kemet, de Jacques Bariot et Guillaume Montiage, les pièces d’or sont devenues des points de prière; on peut y trouver une certaine logique, les dieux sont naïfs et corruptibles et l’on achète leurs faveurs en priant. Dans Smallworld, de Philippe Keyaerts, les points de victoire, des jetons qui ressemblent vraiment beaucoup à des pièces d’or, peuvent être dépensés dans des enchères pour, notamment, acheter sa place dans l’ordre du tour. On ramasse ainsi des gemmes dans Diamant, des diamant de valeur 5 et des rubis de valeur 1, mais c’est tout à fait comme si l’on ramassait des pièces. L’édition américaine s’appelle d’ailleurs Incan Gold et non Incan Gems.

D’autres éléments du jeu peuvent être utilisés comme monnaie. Dans Night Parade of a Hundred Yokais, de Luis Brueh, ce sont les spermatozoïdes esprits qui peuvent acheter les faveurs des esprits. Dans Patchwork, d’Uwe Rosenberg, les boutons, qui ont un peu l’aspect de pièces, sont à la fois monnaie et points de victoire. Dans Race for the Galaxy, de Tom Lehman, toutes les cartes du jeu peuvent être utilisées comme monnaie. Dans les jeux avec des arbres et des animaux mignons, des thèmes consensuels et donc très prisés ces derniers temps par les éditeurs, on peut payer en noisettes, en myrtilles…..

À l’inverse, mais c’est plus rare, il arrive que la monnaie n’en soit pas vraiment une. Les roupies de Jaipur, les dollars d’Union Pacific, ne peuvent rien acheter, ne sont jamais dépensés, et sont donc juste des points de victoire.

Pièces et billets

Cette monnaie qui, dans les jeux de mon enfance se présentait systématiquement sous forme de billets de couleurs différentes, sur le modèle du Monopoly, est aujourd’hui plutôt constituée de pièces en carton, ou même de simples jetons de bois ou de plastique jaune (or), gris (argent) et marron (bronze ou cuivre, cela dépend et n’a guère d’importance). Lorsqu’un éditeur veut « deluxifier » – cela se dit en anglais – un jeu, la première idée qui lui vient à l’esprit est généralement de faire des pièces métalliques, de presque vraies pièces.

La première explication qui vient à l’esprit est bien sûr que les jeux des années soixante et soixante-dix, périodes d’optimisme et de croissance économique, avaient principalement des thèmes contemporains. Ceux d’aujourd’hui, quand présent et futur proche ne font plus guère rêver, se situent plutôt dans des univers historiques ou fantastiques, souvent médiévaux. Comme on n’imagine guère un dragon assis sur une pile de billets de banque hautement inflammables, les billets de Ponzi Scheme, de Jesse Li, sont devenus des pièces d’or et d’argent dans sa nouvelle version, Dragon Interest. La devise utilisée n’a souvent même pas de nom, il y a juste des pièces de 10, 5 et 1 – c’est même le cas, à mon grand regret, dans Oliver Twist, de Bruno cathala et Sébastien Pauchon, alors que cela aurait quen même été plus drôle avec des guinées, livres, shillings, pennies et farthings.

La monnaie dans quelques jeux pris, un peu au hasard, sur mes étagères.

Ce n’est pourtant pas si simple, et de nombreux jeux au thème sinon contemporain du moins assez récent, surtout parmi ceux que l’on appelle les « eurogames », utilisent des pièces en carton. On trouve dans les boites de Suburbia, de Ted Alspach, de Machi Koro, de Masao Suganuma, des pièces d’or, d’argent et de cuivre qui ne semblent guère à leur place dans les banlieues d’aujourd’hui. L’éditeur de Happy City, de Toshiki Sato, leur a substitué de vilains jetons de casino, qui font un peu plus d’époque mais ne sont pas plus réalistes pour autant.
Pour la science-fiction, tout est possible, et dans Terraforming Mars, de Jacob Fryxelius, jeu à l’esthétique pourtant très réaliste, la monnaie est représentée par des cubes… d’or, d’argent et de bronze !

Je me souviens que, pour la première édition de Key Largo, en 2005, nous avions discuté du choix entre billets et pièces. L’action du jeu se situant dans l’époque contemporaine, j’étais partisan des billets. Les trésors rapportés par les plongeurs étaient plus anciens, les pièces n’étaient pas absurdes pour autant. Les éditions française, puis américaine, ont eu recours à des billets, remplacés par des pièces en carton dans la version polonaise.

Les billets imprimés, comme ceux du Monopoly, sur du papier fin, ressemblent en effet plus à de la vraie monnaie d’aujourd’hui. Ils donnent aux jeux au thème contemporain un côté réaliste, surtout lorsque la mécanique est un peu inflationniste. Si elle se déprécie vraiment trop vite, comme dans QE, la monnaie ne peut plus être qu’une écriture comptable. Lorsque les joueurs doivent discrètement remplir et se passer des enveloppes, comme dans Intrige, de Stefan Dorra, les billets de banque s’imposent également.

L’utilisation de pièces pour représenter de grosses sommes, ce qui n’est plus le cas dans les sociétés actuelles, aide à sortir le jeu du réel. C’est encore plus vrai lorsque ces pièces ont un look un peu exotique – c’est facile, il suffit de faire un trou carré au milieu. On les retrouve donc dans des jeux à thème historique ou fantastique, mais aussi dans des jeux où l’argent n’est pas le cœur du système, comme Scythe, de Jamey Stegmaier, dont les pièces sont particulièrement réussies. Les étranges pièces triangulaires de la nouvelle édition de Mascarade contribuent à l’ambiance exotique et multiculturelle, bien différente de l’univers médiéval un peu sombre de la première édition. Mais, bon, le plus dépaysant, ce sont sans doute les jolies perles d’Abyss, de Bruno Cathala et Charles Chevalier.

Il y a bien sûr aussi des raisons plus triviales au choix des éditeurs. Les billets coûtent un peu plus cher à imprimer que les pièces et ont, à tort me semble-t-il car je n’ai jamais eu ce problème, la réputation de mal vieillir, de devenir poisseux. Ayant généralement, comme les dollars, tous la même taille, ils permettent plus facilement aux joueurs de cacher leur richesse; c’est un problème dans quelques jeux, mais c’est dans la plupart un avantage. Lorsque les auteurs souhaitent que la fortune de chacun soit clairement visible de tous, ils peuvent, comme dans Raja of the Ganges, la représenter par un pion sur une piste.

Quand la monnaie disparaît

On imagine toujours une économie médiévale, fantastique ou non, irriguée de pièces d’or et d’argent, écus, couronnes, florins, ducats et doublons. L’un des coups de génie de Klaus Teuber dans Les Colons de Catan est sans doute de s’être débarrassé de la monnaie. Faute d’équivalent universel, les joueurs en sont ramenés au troc, du bois contre du blé, du blé contre des moutons, des moutons contre des briques, et la difficulté à trouver le bon partenaire pour les échanges est l’un des éléments qui font le charme et l’intérêt du jeu. Bon, c’est quand même plus réaliste dans l’Âge de Pierre, il n’y avait sans doute pas de monnaie à la préhistoire.

Ad Astra, récemment réédité aux Etats-Unis sous le nom de Artemis Odyssey, est inspiré de Catan. Serge Laget et moi avons pris soin de conserver cet aspect. Il n’y a pas de monnaie, de crédits galactiques ou de dollars de l’espace, juste de l’énergie, de l’eau, de la nourriture et des minerais. Il est vrai que l’action est censée se dérouler dans un futur un peu angoissant, alors que la terre est en train de mourir, et les économies en crise ou en guerre retournent parfois au troc.
Petite remarque en passant, j’ai remarqué que, même dans les jeux où il n’y a pas de monnaie et dont le thème n’a rien à voir avec la finance, les joueurs ont tendance à appeler « banque » les stocks de cartes et pions non utilisés.

La mauvaise monnaie chasse la bonne

Pour l’auteur de jeu, la monnaie est de moins en moins un passage obligé, de plus en plus un outil que l’on peut bricoler, adapter, et le plus souvent limiter, pour mettre les joueurs devant des choix difficiles. Les monnaies des jeux sont donc de plus en plus souvent de mauvaises monnaies, qui s’échangent mal, se conservent mal, mesurent mal la valeur, se font concurrence.

L’inflation, dont j’ai déjà parlé, est souvent délibérément introduite par les mécanismes du jeu, pour augmenter les enjeux et permettre aux joueurs distancés de se refaire. C’est facile, il suffit de faire augmenter le stock de monnaie de tour en tour, de plus en plus rapidement. Je suis assez content de la manière dont cela est géré dans Vabanque.

Un autre moyen d’euthanasier les rentiers est simplement de les empêcher de conserver et faire fructifier leur argent. Certains jeux – aucun exemple ne me vient à l’esprit, mais je suis certain d’avoir déjà vu cela – limitent les sommes qui peuvent être conservées d’un tour sur l’autre. Dans d’autres, comme Citadelles, les plus riches deviennent presque automatiquement la proie des voleurs. Dans l’Or des Dragons, Michael Schacht et moi avons utilisé la légende de l’or des fées, qui disparait au lever du jour et doit donc être dépensé rapidement.

Pour contraindre les joueurs à ne pas mettre tous leurs œufs dans le même panier, pour les obliger à faire des choix, un jeu peut faire appel à plusieurs formes de monnaie qui ne sont pas convertibles entre elles. C’est le cas bien sûr dans Alhambra, de Dirk Henn, avec ses dinars, dirhams, ducats et florins (pourquoi pas doublons? dommage), ou Peanut Club, de Henri Kermarec, où les monnaies sont les chameaux, les cacahuètes et les millions de dollars. La limite entre monnaie et « ressource », un terme vague très utilisé dans les règles de jeu, peut alors être floue. Les cinq couleurs de mana de Magic the Gathering sont-elles de la monnaie ? Si oui, que dire des cinq ressources de Catan ?

Décréter que la banque ne fait pas et ne rend pas la monnaie est un astuce fort peu réaliste, mais techniquement très intéressante car elle peut obliger certains joueurs, souvent les plus riches, à faire des sacrifices. Il en va ainsi dans Kuhhandel, de Rüdiger Koltze, dans High Society de Reiner Knizia, dans Space Base, de John D. Clair, et dans bien d’autres jeux. Cela accélère également le déroulement du jeu en évitant des manipulations.

Je suis assez content de la monnaie du Trésor des Nains, qui devrait paraître en 2024. On y trouve les classiques pièces d’or, d’argent et de cuivre, mais il peut arriver que certaines pièces n’aient pas la même valeur pour tous les joueurs. Les enchères peuvent être payées en monnaie, mais aussi avec des gemmes qui fonctionnent comme une sorte de monnaie parallèle obéissant à des règles différentes, notamment pour le calcul du score. Le système monétaire un peu tarabiscoté, principe que j’avais déjà exploité dans Aux Pierres du Dragon, oblige les joueurs à des choix incessants et difficiles, puisqu’il ne suffit pas de savoir combien l’on est prêt à payer, il faut aussi savoir comment.

Les règles du jeu peuvent parfois illustrer des mécanismes financiers plus subtils, en donnant aux joueurs la possibilité d’épargner ou, plus souvent, d’emprunter. On peut hypothéquer ses propriétés au Monopoly, mais cela signale généralement que la faillite approche. Dans des jeux de gestion économique complexes, comme les nombreux jeux de trains américains de la série 18XX, ou Tokyo Metro de Jordan Draper, les joueurs en difficulté ou ayant des projets ambitieux peuvent emprunter à la banque, capital et intérêt étant dûs à la fin de la partie. On retrouve même cette idée dans des jeux plus simples, comme l’excellent Manila, de Franz-Benno Delonge, ou Homesteaders de Alex Rockwell. Dans Big Shot, un vieux jeu d’Alex Randolph qui mériterait une réédition, les taux d’intérêt augmentent même tout au long de la partie, ce qui peut pousser à s’endetter vite et parfois trop. Dans At the gates of LoYang, d’Uwe Rosenberg, les emprunts font directement perdre des points de victoire. À l’inverse, dans Iki, un joueur qui s’arrête à la banque peut échanger une grosse somme d’argent contre une somme plus grosse encore, ce qui n’est pas une mauvaise simulation du prêt à intérêt.

La monnaie comme thème

Dans certains jeux, peu nombreux il est vrai, la monnaie n’est pas seulement un élément, un mécanisme du jeu, elle en est le cœur et le thème. Il n’est alors question que de devises, de prêts, de taux de change ou d’intérêt, d’actions et d’obligations, de spéculation, voire d’achat à terme et d’effet de levier. J’ai parlé ici ou là dans cet article de QE, pour Quantiative Easing, un jeu sur la politique monétaire – si, si, et le jeu est surprenant. Ponzi Scheme et Dragon Interest sont des jeux de spéculation dans lesquels il faut savoir jusqu’où aller trop loin. Beaucoup de jeu assez anciens comme Acquire, de Sid Sackson, portent sur le marché des actions. La bourse faisant de moins en moins rêver, ces jeux se font aujourd’hui plus rares ou plus ironiques, comme Panique à Wall Street de Britton Roney. Chinatown, de Karsten Hartwig, et Lords or Vegas, de James Ernest et Mike Selinker, sont des jeux de spéculation immobilière bien plus modernes et intéressants que le Monopoly.

L’argent et la bourse peuvent aussi être le thème de petits jeux dont les cartes représentent soit des billets, soit des actions, sans être réellement intégrés aux mécanismes. Les exemples qui me viennent tout de suite à l’esprit sont deux de mes jeux de début ou de fin de soirée préférés, le Pit et le Big Deal. Le Pit, l’un des plus anciens jeux de société modernes puisqu’il fut publié en 1903, recrée l’ambiance de la bourse au temps où l’on hurlait autour de la corbeille. The Big Deal, ou Cover your Assets, de Brent et Jeffrey Beck, traite avec un certain humour des « signes extérieurs de richesse ». J’ai commis un jeu de carte sur le thème des investissements dans des startups technologiques, Venture Angels, qui n’a malheureusement été distribué qu’en Corée; mes amis japonais d’Oink games en ont un autre que j’aime beaucoup, Startups. On pourrait leur ajouter le bien nommé Money, de Reiner Knizia, plus abstrait, et quelques autres de moindre intérêt. Même lorsque les cartes représentent des billets de banque, elles n’y sont cependant pas vraiment utilisées pour faire des achats.

Lorsque j’ai commencé à réfléchir à cet article, je pensais pouvoir opposer assez clairement une « antiquité du jeu”, une époque où la monnaie était partout dans des jeux dont le but était de s’enrichir, l’exemple type étant le monopoly, et une période moderne, commençant dans les années quatre-vingt dix avec les Colons de Catan, qui aurait vu la monnaie presque disparaître. Comme vous l’avez vu, je me trompais. La monnaie est devenue plus discrète, mais elle reste très présente notamment dans tous les jeux de gestion ou de développement, des choses qui effectivement ne se font pas sans argent.

Et, oui, je sais, il faudrait faire une comparaison avec les jeux videos, qui font de la monnaie des usages un peu différents et très intéressants. Je ne connais pas assez bien le sujet pour m’y engager.



I plan to retire from my day job teaching economy in high school in February 2024. This might be an opportunity to try working more and differently in the small world of games. Since I don’t know what exactly I want to do then, I’m open to all kind of proposals… In the meantime, for my last year in front of students, I have to tackle with a curriculum I didn’t teach for quite long, and which I don’t like much, except for a few chapters, among which the one about money. The reason why I have long been interested in the history and theory of money might be that, in some way, the very real money has something in common with the virtual worlds of games.

What money has in common with games

I’m often asked about my definition of games. I usually dodge the question and explains that I don’t need a definition of gaming to design games, no more than I need a definition of education to teach. I feel with gaming a bit like Saint Augustine with time – I know very well what it is as long as I’m not asked to explain it. And when I try, like I will do here, to explain it, it’s not by necessity but by play.

I won’t discuss here the many definitions of games which have been proposed by historians and philosophers, like, in French, Johan Huizinga, Roger Caillois or more recently Colas Duflo. There is certainly also an English language intellectual tradition of discussing the nature of games, I didn’t look into it. Having not found a satisfying definition of the essence or function of games, I usually do with an empirical one, made of two characteristics, an arbitrary set of rules and a complete separation from the real world, the latter being sometimes called the “magic circle” of gaming. Unless we consider it to be the synthesis of the two first ones, a third characteristic might be need, simplicity and understandability. Reality is complex, incomprehensible and probably absurd, games are simple, understandable and certainly absurd.
The main interest in defining what exactly a game is is to discuss the few borderline cases. There are simple and more or less arbitrary sets of rules whose separation from reality is partial and/or debatable, such as lotteries and gambling games, educative and other “serious” games, competitive sports, duels, Russian roulette, religious beliefs and rituals, and a good deal of what mathematicians discuss in their so-called “game theory”. There is some play between game and reality. There are also virtual worlds, clearly separated from reality, who can only partially be described by a set of rules, such as role playing games and some video games – are they games or literature ? It also depends on how we define literature…

“Gamification” is the process of using in real life rules and processes borrowed from game, sometimes in order to make the reality easier and simpler to navigate, more often to hide its true nature and stakes. It was all the craze in the years 2000, but it’s nothing really new. The whole system of marks and grades used in school is one of the most systematic cases of gamification, and not really fun. Money works in a very similar way.

Economists define money by its three main functions, medium of exchange, unit of account, storage of value. In our capitalistic system, it also has a forth function that players may see more clearly than other people because they are used to it – it’s a scoring system, what sociologists call a “sign of social status”. Through these four functions, money is both the engine and the fuel – a gas – of what we should call “capitalistic gamification”. Money is, quoting the words of XIXth century economist Jean-Baptiste Say, a veil covering the complexity of relative prices, utilities and social relations. Fostering trades and pitting people in competition with each other, money transforms social reality into a sham game. It makes people live according to a set of rules, that of market exchange, and for an arbitrary goal, being richer than one’s neighbor. It certainly helped pacify human relations and improve living standards. Unfortunately, having become the only way to measure success, and having made success an individual matter, it is now one of the mechanisms throwing earth and humanity into a self-destructive spiral, with no way out in view.

Money and games

Anyway, if money has some characteristics of a game, it is not one. It is a pure convention, a ruleset, a scoring system, but it is traded for very real stuff and is at the heart of very real social relations. Most of all, it doesn’t really foster imagination. It is therefore a bit surprising to find it everywhere in games whose only goal is to give us a short-lived and conscious break from reality. The explanation is not ideological but technical : Money has in boardgames and video games more or less the same functions as in real life. It is used to reckon the value of cards, tokens and other stuff. It is used to trade with other players and with the game – which, in this case, is significantly often nicknamed “the bank”, both in English and in French – I’m curious ti know if it’s the same in other languages. Even when getting rich is not the goal of the game, these trade systems are often an essential part of the gameplay.
Most of the gamers have never taken part in an auction, neither as a seller or a buyer. There are, however, many auction games. the reason is simple – auctions are an easy and dynamic way to generate tensions between the players, and to have all players engaged simultaneously. And where there are auctions, money is needed. I won’t give the whole list of the auction games I’ve designed or co-designed, it’s one of my favorite genres and probably the one I’ve most contributed to.

Playing games with money

All the definitions of gaming I’ve seen have one element in common, the idea of a strict break from reality. This make the idea of gambling games, games played with actual money like poker or blackjack, paradoxical. I’ve sometimes heard, in late half-drunk discussions in Essen or Indianapolis, people arguing that they should not be labelled games, that gaming and gambling were two different things. Those who say this have usually never played any gambling game. Those who play poker, and I used to play it a lot, know quite well that is a game, that the feeling it generates is very similar to that generated by other boardgames – even when, and this brings back the paradox, poker played for nuts or matches doesn’t work. Good chess players are often good poker players as well. And what about backgammon ? It’s not possible to argue that it stops being a game when you add a doubling dice, which is a very gamey mechanism.

Gambling games are games. They are even very efficient games because, even when the stakes are real, they are clearly apart from normal time and life. They have a beginning and an end and, more importantly, the way they distribute money among players has nothing in common with that of the real world. The money won or lost at games is not a labor or capital income, it’s a gaming income. The strong reality of the stakes only reinforces the game tension, and doubles it with a kind of drunken and tragic irony. If gambling games have no theme, are purely abstract, it is to remind everyone of the “magic circle”, of the separation from the real.
Even when winners don’t always get money, the same could be said of bingos and lotteries – they only work as games of luck because they happen at a specific time, often in a specific place, and because reality is not entirely governed by chance.

A game is still a game even when it is also a job. Professional chess players, or football players because many sports are also games, play the same game as amateurs, with the same rules, even when the stakes are higher. Similarly, since I am a boardgame designer, playing games is part of my job. I write down all the games I buy as business expanses, though not the beer and whisky I dring when playing. I nevertheless still play the same games as all other players around the table.

What can I say if collectable card games – Magic the Gathering, Pokemon, may be soon Lorcana ? Money is not is not in the game itself, but is all around. The player who spends the most real money in cards is most likely to win. I don’t know, though, if the biggest buyers are players or pure collectors – probably both.

I won’t talk here about video games, which many gamers know much better than I do. The same reasoning could probably apply to the many video games in which real money can be spent to buy cards, items or abilities, and even to all those for which there is an exchange rate, official or not, between real and game currency. There is some smuggling at the boarder between game and reality, but it’s not enough to make this boarder disappear.

Texts like Shirley Jackson’s The Lottery, Jorge Luis Borges The lottery in Babylon, or Philip K. Dick’s first novel, Solar Lottery, show the absurdity of letting the game becoming the world.

Currency itself can even be the only game component. Of course, there’s Head or Tails, but it is rather weak game and not really a gambling one. Crokinole like games played with coins don’t qualify either.
What’s more interesting is
Liar’s Poker – not the dice game played in Europe, but the banknote game similar to Perudo. I learned about in a novel by one of my favorite American writers, Robert Russo, The Risk pool.

Here are the rules, if you don’t know them:
The two players each bring a banknote of the same value. Players in turn announce a minimal number of occurrences of a given digit on the two serial numbers. The opponent must then either challenge the claim or make a higher one. challenge the bet. If, for example, a player bets “four 6es”, their opponent can call the same number of a higher digit, say “four 7s” or “four 9s”, or a higher number of any digit, “five 4s”, “five 6s”… This goes on until a player challenges their opponent, and serial numbers are revealed. Of course, the winner of the bet keeps both banknotes. In a tournament, I remember organizing one a dozen years ago, the winner of a duel can either keep their banknote or change for one they have won in earlier duels.

Inflation

What mathematicians strangely call game theory doesn’t deal with all games, and doesn’t deal only with games. It can nevertheless help to understand some games, especially those who use money. One of the interesting distinction it makes is between zero-sum games and positive-sum games, or win-win situations.
Closed games played with real money, like poker, are necessarily zero-sum games. Every cent a player wins has been lost by another, and vide versa. The illusory feeling of inflation is only due to rebuys, and sometimes intoxication. There are real money win-win, and lose-lose, situations in real life, but these are not games.

On the other hand, games using a virtual currency, the best known being Monopoly, are often positive-sum. The very game mechanisms – for example getting money when you pass through the starting space, when you rob a bank, when you fin a hidden treasure – regularly increase the amount of money in the game, and everyone can get richer. As a result, the prices paid in trades between players, or in auctions, tend to increase at a rate that would push to suicide any finance minister or central bank CEO. In betting games, stakes increase. The extreme case is probably QE – for Quantitative Easing – in which players can create money as they wish, with no limit. The game only works thanks to an unrealistic twist, the highest bidder is always ignored, and the second highest wins the auction.

For game designers, inflation is not a scary monster, and can even be a useful feature. It is hard to maintain, or even increase, the tension in a long game. It requires on the one hand that all phases of the game are critical, and on the other hand that a losing player can always come back – or at least think they can. A simple way to do thus without tweaking the rules is to regularly up the stakes with bringing more money from the “bank” into the game, like Leo Colovini and I did in Vabanque.

Prototyping stuff

Money, it’s a gas

In Monopoly, but also in all of the games it inspired during the post-war boom, money is not only the “sinews of war”, as in a French proverb, or the fuel of trade, it is also the goal of the game. Richest player wins. It is still the case, and when the rules are explained, there’s always some clever guy adding “like in real life” – because, luckily, it’s still a bit more complex in real life. In French, earning a living is « winning one’s life ».

Among the games I’ve contributed to, in Draco and Co, Silk Road, Key Largo, Vabanque, Santa’s Little Elves and probably a few others that don’t come to my mind now, whoever has the most money at the end of the game is the winner.

Dragons are very human-like – they also just want to get the most money.

Sometimes, it can get a little confusing. In Draco and Co, tied high-scores are eliminated, which makes no sense thematically, but does allow for a few nasty tricks in a game where the scores are fairly small and grainy. In Cleopatra and the Society of Architects, by Bruno Cathala and Ludovic Maublanc, the richest player wins, but only after the most corrupt has been thrown to the crocodiles. In Carlo Rossi’s The Rich and the Poor, the one who has given the least to charity is eliminated. The authors of these games are not aiming at giving a moral vision of capitalism. They might want to poke fun at it, but most of all they introduce a mechanism that encourages players to take risks and prevents them from knowing for sure who’s winning.

Conversely, in High Society, by Reiner Knizia, players must spend their money to acquire the best art collection, but without overdoing it, since at the end of the game, the poorest player is eliminated before checking who wins.

More often, money is still there but is mostly used to trade with “the bank” or with other players. It is no longer the goal of the game but it is its fuel. In some games, money left at the end of the game has no value, and feels like a wasted opportunity. Often, it can be converted into victory points, at a more or less interesting rate, remaining one of the many elements which must be combined to win the game. A good example is the management game Iki, which I have played a lot these last months.

In one of my favorite own designs, Treasure of the Dwarves, which will be out next year, Money, made of gold, silver and copper coins, has been tuned to count for roughly one third of players’ scores, the two other third being made with other parts of the game. I could easily find many other examples since money is an ingredient of most point salads.

In Inka & Markus Brand’s Raja of the Ganges, each player has two scoring tokens for money and prestige, which rotate in opposite directions. The goal os to have both tokens cross paths, which can be achieved with being more cool than rich or more rich than cool.

All kinds of money

Be they hearts, stars or anything, when Prestige, Influence or Victory points can be spent to play one more action, to buy a card, a resource or a meeple, they are a currency, money by another name. There are sometimes sound thematic reasons for this, and all the Dune themed boardgames use spice as money. Sometimes, it’s just that the word money has become unsexy and even a bit shameful. In Jacques Bariot and Guillaume Montiage’s Kemet, they are victory points, which makes sense if you see Gods as gullible and corruptible beings whose favors can be bought with praying. In Philippe Keyaerts’ Smallworld, victory points look very much like gold coins and are spent in a tun order auction. In Diamant, for example, players pick up gems – diamonds worth 5 and rubies worth 1 – but it’s just like picking up coins. The American edition is even called Incan Gold, not Incan Gems.

Some other game resource can be used as money. In Luis Brueh’s Night Parade of a Hundred Yokais, spermatozoids spirits can buy the Yokai’s favors. In Uwe Rosenberg’s Patchwork, buttons are both money and victory points. In Tom Lehman’s Race for the Galaxy, any card can be spent as money. These two or three last years, publishers have favored consensual settings with big trees and cute animals, where the money can be berries or nuts – btw, in French, hazelnut is a cute slang word for money.

Conversely, sometimes what is called money in fact isn’t. Rupees in Jaipur, Dollars in Union Pacific cannot buy anything and are just victory points.

Coins and banknotes

In the few games I played as kid, money was usually made of paper banknotes in different colors and denominations, like in Monopoly. Nowadays, it is more often made of cardboard printed coins, or sometimes of simple wooden or plastic coins in two or three colors – yellow is gold, grey silver, brown is copper or bronze, it depends and doesn’t matter. When a publisher want to “deluxify” a game, the first and easiest step is usually to ad nice metal coins, almost true ones.

The first explanation that comes to mind is that games of the sixties and seventies, times of optimism and economic growth, had mostly contemporary settings. Now that present and near future are no more something to dream about, most games have historical or fantasy settings. One cannot imagine a dragon seated over a pile of highly inflammable paper notes and, in the recent remake of Jesse Li’s Ponzi Scheme as Dragon Interest, banknotes have been replaced with metal coins. The currency is not always named, there are often just coins of value 10, 5 and 1. It’s even the case in Sebastien Pauchon & Bruno Cathala’s Oliver Twist, which would have been more fun and thematic, though not necessarily as easy to play, with pounds, guineas, shillings, farthings and pennies.

Money in a random selection of games from my shelves.

It’s not that simple though, and many games in a contemporary or relatively recent setting, especially among the so called “eurogames” use cardboard coins. Ted Alspach’s Suburbia, or Masao Suganuma’s Machi Koro, have gold, silver and copper coins which feel a bit incongruous in today’s suburbs. In Toshiki’s Sato Happy City, they are replaced with ugly casino-like tokens which feel more contemporary but not quite appropriate either
Everything is possible in Science Fiction. Jacob Fryxelius’
Terraforming Mars has a very realistic graphic style, but money is represented by gold, silver and bronze cubes !

I remember that, for the first edition of Key Largo, in 2005, we discussed the choice between paper currency and cardboard coins with the publisher. I favored banknotes, because the game’s action takes place somewhere between the forties and the nineties, but coins would not have been incongruous either, since the treasures brought back by the divers were supposed to be much older. The French and US versions use banknotes, but they have been replaced with cardboard coins in the Polish edition.

Printed banknotes on thin paper, like in Monopoly, look a bit like today’s money, and give games a realistic feel. Inflation, especially, feels more realistic with banknotes than with coins. but, when inflation start spiralling out of control, like in QE, money can only be kept track of through writing. Banknotes are also the way to go when players must discreetly pass banknotes to each- other, like in Stefan Dora’s Intrige.

Conversely, the use of coins to represent large sums of money can make the game feel less realistic. This is even more true when these coins look exotic – that’s easy, just make a square hole in the center. That’s why we find them not only in fantasy or historical games, but also in games where money is not the heart of the system, like Jamey Stegmaier’s Scythe, whose coins are really cute. The triangular coins in the new edition of Mascarade make it feel more exotic than the older one, with its European medieval setting. Shiny pearls money also make for a nice change of scene in Bruno Cathala & Charles Chevalier’s Abyss.

Of course, there are also more trivial reasons for the publishers’ choices. Banknotes are slightly more expensive to print than cardboard coins. Some players don’t like them because they’re supposed to become sticky with use, and issue I’ve never encountered with my own games. Having usually all the same size, banknotes make easier for players to hide their fortune; it’s a necessity with some games, a problem with other ones. Anyway, when the designer and publisher really want everyone’s fortune to be visible to all, the only way is to have a money track with one pawn for every player.

When money disappears

We imagine medieval and fantasy settings with gold and silver money, be they crowns, doubloons guldens or florins. One of Klaus Teuber’s genius strokes in Settlers of Catan was to get rid of all this. With no universal mean of exchange, players have to barter, make arrangements to trade wood for wheat, wheat for sheep, sheep for bricks, etc. The difficulty in finding trading partners is one of the highlights of the game – even when this sounds more realistic in a prehistory themed game like Stone Age.


Ad Astra, recently revamped and republished in the US as Artemis Odyssey, is inspired by Catan. Serge Laget and I deliberately kept this feature. There are no space dollars or galactic credits, only energy, water, food and various ores. It can make sense – the action takes place in an stressful future, when the earth is dying, and economies under stress or at war often go back to barter.
Anyway, even in games with no actual money and a setting which has noting to do with finance, I’ve noticed that players tend to call “bank” the stock of cards, tokens and other resources.

Bad money drives good one out

For game designers, money has become a tool which can be adapted, twisted, often limited, to generate challenging players choices. This is why so many recent games have what economists would call bad or incomplete moneys – money which are difficult to trade, difficult to stock, difficult to use to measure value.

I’ve already talked of inflation, which is often deliberately introduced in the game, so that stakes get higher when the game goes on and losing players get some chances to come back. This is very easy to implement, just bring more money in the game every round. I really like the way we did it in Vabanque.

Another way to euthanize the rentiers is to prevent them from keeping their cash. Some games – I’ve no example in mind at the moment, but i know there are a few – have a limit on the amount of money or money-like resource that can be kept from round to round. In many games, like in Citadels, the more cash you keep, the likelier it becomes that you will be robbed. In Fist of Dragonstones, Michael Schacht and I introduced fairy gold which, like in the fools gold legend, disappears at the end of the day and must therefore be spent at once.

To prevent players from putting all their golden eggs in one basket, to force them to make choices, a game can have several kinds of non-convertible currencies. The best known example is Alhambra with its dinars, dirhams, ducats and guldens – why not doubloons ? -, another one is Henri Kermarec’s Peanut Club, where currencies are camels, peanuts and millions of dollars. In such cases, the difference between money and “resource”, a vague wording overused in game rules, becomes blurried. Can we consider that the five colors of mana in Magic the Gathering are money ? If they are, what about the five resources in Catan ?

An unrealistic but very interesting twist is to decide that the bank doesn’t make change and doesn’t give change back. It forces players, and especially the richest ones, to optimize the way they spend their cash. This is a relatively common rule, which can be found for example in Rüdiger Koltze’s Kuhhandel, in Reiner Knizia’s High Society or in John D. Clair’s Space Base. It also makes the game play faster.

I am quite proud of the way I dealt money in my upcoming game Treasure of the Dwarves, which should arrive in 2024. It has the usual gold, silver and copper coins, but their relative values can differ between players. Bid for auctions are made with money, but also with gems which are a kind of parallel currency with different scoring rules. The convoluted monetary system, an idea that was already in Fist of Dragonstones, forces the players to make difficult choices. It’s not only about how much to pay, it’s also about how to pay.

The game rules can even go into more complex money mechanisms, allowing players to loan or, more often, borrow money. Monopoly player’s can mortgage their properties, though it’s rarely a good move. In complex economic management games such as the train games of the 18XX series, or in Jordan Draper’s Tokyo Metro, players short on cash or with ambitious investment projects can borrow from the bank and pay back capital and interest at the end of the game. It is sometimes even the case in simpler games, like Franz-Benno Delonge’s masterwork Manila, or Alex Rockwell’s Homesteaders. In Alex Randolph’s Big Shot, an old game which would deserve a new edition, interest rates raise from turn to turn, encouraging players to borrow early, and sometimes too much. In Uwe Rosenberg’s At the Gates of Loyang, players lose points for every loan. Conversely, in Yamata Kooda’s Iki, a rich player can stop at the bank to trade lots of money for even more money, not a bad simulation of short term interest.

Money as a theme

There are a few games in which money is not just one element, one mechanism, but is the heart and the theme of the action. These games are all about currencies, loans, interest or exchange rates, stocks, speculation or even forward purchase and leveraging. I have already talked a bit about QE, a game about central banks monetary policy – it doesn’t sound very sexy, but the game is actually fun. So are Ponzi Scheme and Dragon Interest, two speculation games in which players must know when to stop borrowing. Many games from the seventies and eighties, like Sid Sackson’s Acquire, deal with the stock exchange market. Since stocks don’t make us dream any more, they have become rarer, or ironic like Britton Roney’s Panic on wall Street. If you want a modern and interesting take on the real estate market Karsten Hartwig’s Chinatown and James Ernest & Mike Selinker’s Lords of Vegas revisit the monopoly story in much more challenging ways.

Currency and stock exchange are also the settings of many small cardgames whose cards represent either banknotes or company shares, but whose mechanism have little to do with actual money or speculation. The two example which come to mind are two of my favorites game night opening or closing games, The Pit and The Big Deal. The Pit, one of the earliest modern board games since it was published in 1903, recreates Wall Street’s feel in the time when traders were really shouting around the pit. The Big Deal, aka Cover your Assets, by Brent & Jeffrey Beck, is a humorous take on wealth as a status symbol. I have designed a game about investing in startups, Venture Angels, and y friends at Oink games another one, Startups. Reiner Knizia did several, the best know being simply called Money. Even when these games’ cards figure banknotes, they are not used to buy other stuff and are therefore not really money.

When I started writing this article, I imagined two ages of money in boardgames. The antiquity, when money was omnipresent, the archetypal game being Monopoly, and the moderne era, starting in the 1990s with Settlers of Catan, when money started to disappear. I was wrong. Money has become more discreet, often subsumed in more complex economic systems, but it’s still there, mostly but no only in management or development games – these are things one cannot do without money.

And, yes, I know, a comparison with video games could be very interesting. The use of money in these games is even more fascinating, but i don’t know the subject well enough to write about it.

Ethnos, Archeos Society et l’interaction dans les jeux
Ethnos, Archeos Society and interaction in game design

Paolo Mori, auteur du génial Unusual Suspects, mais aussi de jeux plus ambitieux comme Libertalia ou Dogs of War, est l’un de mes créateurs de jeux préférés. J’avais de mes quelques parties d’Ethnos, originellement publié par CMON en 2017, un excellent souvenir, même si le jeu ne semblait pas tout à fait fini. Les choix graphiques étaient discutables, un peu plats. La carte divisée en six régions ne servait pas à grand-chose. Bref, un jeu au potentiel énorme, mais qui semblait avoir été développé et édité à la va-vite.

Je me suis donc réjoui lorsque j’ai appris que l’équipe des Space-Cowboys, qui avait déjà édité un autre excellent jeu de Paolo, Libertalia, préparait une nouvelle version d’Ethnos. Archeos Society vient de sortir, il est magnifique. J’en ai vite fait deux parties qui sont tombées un peu à plat. Ne me souvenant plus bien des règles d’Ethnos, je suis allé rouvrir ma vieille boite pour voir ce qui avait changé. J’ai tout de suite compris le problème, qui me semble illustrer une erreur que font aujourd’hui la plupart des éditeurs : vouloir expurger les jeux de tout ce qui est un peu agressif parce que la guerre, la violence, tout ça, c’est mal (et ça ne se vend pas).

La guerre, la violence, c’est en effet très mal dans la vraie vie, mais cela ne pose pas de problème dans les films ou les romans. Il ne devrait pas en aller autrement dans les jeux, d’autant que c’est un excellent moyen de générer de l’interaction entre les joueurs. La baston n’était déjà pas très sanglante dans Ethnos, qui était plus un jeu de majorité que d’affrontement, et je pense qu’il aurait fallu en rajouter un peu en permettant à certains peuples de franchir les frontières pour attaquer les voisins. Le choix inverse a été fait dans Archeos Society, où les rivalités pour le contrôle des six régions ont été remplacées par l’avancement de pions sur des pistes. Ce ne sont même pas des courses, il n’y a pas de prix pour le premier où de possibilité de faire un croche-pied à celui qui vous dépasse. Le fun, l’intérêt, l’interaction ont été supprimés et remplacés par des systèmes de score tarabiscotés, différents sur chaque piste, poussant chaque joueur à faire ses calculs en ignorant complètement ses adversaires.

Bref, même si les neuf-dixièmes des règles sont identiques, Ethnos et Archeos Society sont des jeux très différents. Ethnos était un jeu léger, que l’on jouait avec et contre ses adversaires. Archeos Society est, pour l’essentiel, un exercice d’optimisation mathématique que l’on fait chacun pour soi. Ethnos était un jeu simple, amusant, méchant, tout public. Archeos Society est un jeu sérieux, froid, techniquement intéressant mais qui reste sans doute trop simple pour les amateurs de gros jeux stratégiques.

Beaucoup d’éditeurs sont convaincus qu’un jeu de société ne peut aujourd’hui être un succès que s’il est gentil – gentil rose ou gentil vert -, si l’on peut jouer pour soi sans jouer contre les autres. J’ai récemment discuté avec l’un d’entre eux, qui envisageait de rééditer Isla Dorada, jeu méchant s’il en est, mais en en retirant les possibilités de blocage qui en font tout le charme. Curieusement, ceux qui tiennent ce discours citent toujours les deux mêmes mauvais exemples, Les Aventuriers du Rail et les Colons de Catan. Ce sont certes d’excellents jeux grand public mais, si l’on ne s’y fait pas vraiment la guerre, la course et le blocage y sont très présents.

Alors, certes, j’aime bien les jeux un peu agressifs, un peu méchants, ou pour parler politiquement correct « interactifs ». C’est un goût personnel, mais je pense qu’il reste très partagé, et sans doute plus dans le grand public que dans le petit milieu des professionnels et des initiés du jeu de société. J’en suis suffisamment convaincu pour continuer à faire des jeux « interactifs ».


Quelques jours seulement après avoir écrit cet article, je suis tombé sur un tweet de mon ami Eric Lang dans lequel il mettait en avant une autre manifestation de la même erreur d’analyse.

Il constatait que beaucoup de la complexité inutile des jeux de société récents était due à la volonté de minimiser les « feel bad moments », expression que je ne sais pas trop comment traduire, disons les moments où un joueur peut avoir l’impression de s’en prendre plein la gueule. Je n’avais pas employé cette expression, mais c’est précisément pour cette raison que les régions d’Ethnos sont devenues les pistes de score d’Archéos Society.
Eric pointe sur un autre procédé des éditeurs, qui demandent au concepteur du jeu d’introduire des « compensations » pour le joueur qui perd un combat ou une majorité, que ce soit à la suite d’un manque de chance ou d’un bon coup adverse, afin que la perte ne soit pas trop fortement ressentie.

C’est généralement une erreur pour deux raisons. D’abord, comme le remarque Eric, parce que ces « compensations », par exemple des bonus à utiliser plus tard pour modifier un jet de dé, complexifient les règles. Mais aussi et surtout parce ces « feel bad » moments, font partie du plaisir du jeu, ne serait ce que pour mieux mettre en avant les « feel good » moments. Un jeu où on ne rate jamais vraiment son coup, c’est aussi un jeu ou l’on ne réussit jamais vraiment, c’est un jeu plat.

Eric cite comme exemple King of Tokyo, de Richard Garfield, mais mes plus grands succès, Diamant, Mascarade ou Citadelles sont aussi des jeux qui peuvent parfois sembler injustes. Non seulement cela ne pose pas de problèmes aux joueurs, mais je suis convaincu que c’est une des raisons de leur succès.

Si je prends l’exemple de Citadelles, les alternatives à l’Assassin, Sorcière et Magistrat, sont effectivement une réponse à une demande de l’éditeur, qui voulait que le joueur tué, parfois un peu par erreur, ne perde pas complètement son tour. Je ne joue jamais avec ces personnages plus complexes, et je ne crois pas que beaucoup de joueurs y aient recours. L’assassin est injuste, mais il est aussi tellement plus simple et plus drôle.

Je ne suis pas toujours opposé aux compensations. Quand cela rentre dans le thème, ne complique pas trop les règles, ne ralentit pas le jeu et peut relancer la partie, pourquoi pas. Dans un de mes prototypes, le singe qui réveille le tigre reçoit un brin de moustache qu’il pourra utiliser plus tard pour refuser une carte et en piocher une autre. Cela passe parce que c’est simple. Trop souvent, et je m’y suis parfois laissé entraîner, les compensations s’accumulent au point qu’il devient presque indifférent de perdre ou de réussir un jet de dé, de piocher une bonne carte ou une mauvaise, et le jeu perd alors tout son sel.

J’ajouterai que les éditeurs qui cherchent à minimiser ces « moments négatifs » se méprennent assez largement sur la nature du plaisir ludique. Bien sûr, quand on joue, on cherche à gagner, c’est le principe même du jeu. Mais ce qui apporte le plaisir du jeu, ce n’est pas le résultat, la victoire, c’est la tension qui y mène – ou pas. On ne se souvient avec plaisir des parties que l’on a gagné que quand on a failli les perdre, et on se souvient avec le même plaisir de celles que l’on a perdu mais que l’on aurait pu gagner. Pourquoi tant de gens jouent-ils au poker, qui n’est guère fait que de “feel bad” moments ?

Ces éditeurs – pas tous, heureusement – me semblent oublier que les jeux sont achetés par des gens qui aiment jouer, qui cherchent à gagner mais acceptent de perdre. Les gens qui n’aiment pas perdre ne jouent pas.


Quelques mois plus tard encore, je me suis rappelé la grande théorie de mon ami Bruno Cathala, selon laquelle le plaisir du jeu vient en grande partie de la frustration du joueur à qui il manque toujours une carte, un point d’action, un jet de dé, une case pour pouvoir faire ce qu’il veut. Cette frustration est très voisine de celle que j’ai décrit plus haut, que ressent le joueur qui prépare longuement son coup… pour se faire soudain bloquer par une route ou un ouvrier posé par le joueur à sa droite. Elle est bien sûr tout aussi présente dans les jeux coopératifs, où c’est le système qui vient nous embêter.

Cet article a généré, depuis que je l’ai publié, pas mal de discussions parfois un peu arrosées avec d’autres auteurs de jeux. Si tous ne mettent pas toujours en avant la même émotion négative, je ne crois pas qu’il y en ait un seul qui m’ait dit faire, ou chercher à faire, des jeux « positifs ». C’est un fantasme d’éditeur, et un mauvais argument commercial qui repose sur une méconnaissance des joueurs et des mécanismes du plaisir ludique.



My favorite game by the talented designer Paolo Moris is certainly Unusual Suspects, but he mostly designed more ambitious stuff, games like Libertalia or Dogs of War. I played a few games of Ethnos, when it was published in 2017 by CMON, and thoroughly enjoyed them, even when the game felt a bit unfinished. The art was good but the graphics bland. The map was divided in six regions which didn’t mean much in game terms. It felt like a fabulous game which had been developed and published a bit too fast.  

I rejoiced when I heard that the Space Cowboys team, which was already responsible for publishing another of Paolo’s great designs, Libertalia, was working on a retheme of Ethnos. Archeos Society is just out, and it looks gorgeous. I played it twice and it fell flat twice. Since I didn’t remember Ethnos very well, I just opened my old box and browsed through the rules to check the changes. I instantly saw the problem. The game has been thoroughly expurgated from everything a bit aggressive, from every possibility to attack other players, because war and violence 1)are bad and 2) don’t sell. Such bowdlerization has recently become commonplace with game publishers.

War and violence are certainly bad in real life, but they are not a problem in novels and movies. They should not be either in games, especially since they make for an efficient way to generate interaction between the players. The fight was not very bloody in Ethnos, which was technically more an area majority game than a war game, and I think it could have been improved with the possibility, for some people, to cross borders and attack neighbors. Anyway, the opposite has been done in Archeos Society, where the rivalry for the control of the six regions has been replaced with simply moving players pieces on various scoring tracks. These are not even race tracks, since there’s no bonus for the first one past the post, and no possibility to trip opponents up. The fun and interactive part of the game has been replaced by complex scoring systems, different on every track, so that each player makes their own calculations, mostly ignoring opponents.

As a result, even when nine tenths of the rules are the same, Ethnos and Archeos Society feel completely different. Ethnos was a true game, played with and against opponents. Archeos Society feels like a math optimization problem. Ethnos was simple, fun, nasty, a game for every casual gamer. Archeos Society feels serious, cold, technically challenging but still probably too simple for hardcore gamers.

Most publishers nowadays seem to believe that a game can only be a major hit if it is cute – meaning either pink cute or green cute – if one can play for oneself without playing against the other. I even recently got an email from a publisher who wanted to republish Isla Dorada, a deliberately nasty game, with removing  the blocking possibilities which make most of its charm. Ironically, those who adhere to this narrative always give the same two examples, Ticket to Ride and Settlers of Catan. Both are outstanding games, and not about war, but blocking, and sometimes aggressive blocking, is one of their essential features.

I like aggressive, even mean, games – or, to use the euphemized term, interactive games. It’s a personal taste, but I think it is a very common one, and probably more among casual gamers than among hardcore ones and publishers. And I intend to keep on designing “interactive” games.


A few days only after I posted this blogpost, I read a tweet by my friend Eric Lang, in which he highlighted another manifestation of most publishers’ aversion fore negative effects in games.

He noticed that some of the unnecessary complexity of modern board games came from trying to minimize “feel bad moments” in games. I didn’t use this wording, but it is for this exact reason that the regions in Ethnos have been replaced by scoring tracks in Archeos Society.
The other reaction pointed by Eric is publishers asking the designer to add “compensations” for the player who loses a fight or a majority, be it because of bad luck or of an opponent’s clever move, so that the loss doesn’t feel too bad.

It is usually an error for two reasons. First because, and that was Eric’s main point, these compensations are added rules and make the game more complex. Another reason is that these “feel bad” moments are part of a game’s fun, if only because they help emphasizing the good moments. A game with no real bad moments is also a game with no real good moments – it feels flat.

Eric gives one example of game with simple rules bad moments, Richard Garfield’s King of Tokyo. My three best-selling games, Diamant, Mascarade and Citadels, are also merciless and even sometimes unfair. It doesn’t seem to be a problem for players, I even think it’s one of the reasons for their success.

In the recent editions of Citadels, there are two #1 cards designed to replace the Assassin, the Witch and the Magistrate. These two characters come from a demand by the publisher, who wanted to make the #1 character’s effect less violent for the affected player. I never play with these more complex characters, and I don’t think many players do. The assassin is so much simpler and more fun.

I’m not totally against compensations. If it fits with the story, if it doesn’t slow or complexify the game, if it adds to the tension, why not. In a prototype I’m working on at the moment, the monkey who wakes up the tiger can keep a whisker and use it later to discard a card and redraw. It’s OK because there’s a fun story in it, and it’s simple. In too many games, compensations are such that it doesn’t really matter any more if your die roll is a hit or miss, if the card you draw is good or bad – and the game becomes tenseless.

The publishers who want to minimize these “bad moments” misunderstand the essence of the gaming pleasure. Of course, players try to win, that’s the whole point of the game. The fun, however, is not in the result, in winning, it is in the tension, in trying to win. The games we best remember are those we won but nearly lost, and those we lost but could have won. Why do so many people play poker, a game which is mostly “feel bad moments”.

Many publishers – not all, luckily – seem to forget that the people who buy and play games are people who like playing. This means they try to win, but they dont mind losing. People who hate losing don’t play games.


A few months later, I remembered that Bruno Cathala had once explained to me his theory that gaming pleasure is largely based on frustration, on the players always missing one card, one action point, one spot on the die, on space on the track to do what they want. This frustration is not very different from that described above, of the player patiently preparing a move to see it blocked by a road or a worker placed the player on their right, just before their turn comes. It is not different in cooperative games, where blocking is done by the system.

This article has generated, since I published it six months ago, many half-drunk discussions with fellow game designers. While we don’t all claim to aim at the exact same negative emotion, I don’t think a single designer ever told me they design, or would like to design, entirely « positive » games. This idea is both a publisher’s fantasy, and a bad sales pitch due to a misunderstanding of gamers and the nature of gaming fun.

Mystère à l’Abbaye, 3e édition
Mystery of the Abbey, 3d edition

Le financement participatif n’est plus, dans l’édition ludique, une nouveauté mais je continue à me poser pas mal de questions sur l’impact de Kickstarter, et aujourd’hui de son concurrent Gamefound, sur le marché du jeu.
Côté plus, cela permet la sortie de jeux très ambitieux, ou de rééditions, comme aujourd’hui avec The Artemis Odyssey et Mystère à l’Abbaye, qui n’auraient sans doute pas vu le jour sans cette possibilité. Cela a permis l’apparition de  tout un écosystème de petits studios d’édition, les italiens de Mojito Games en sont un, qui n’auraient  pas pu financer de tels projets par les procédés plus classiques. J’achète d’ailleurs beaucoup de jeux sur Kickstarter, un peu moins sur Gamefound.
Côté moins, cela encourage les jeux surproduits, plein d’extensions et de matériel inutile à une époque où l’on devrait plutôt chercher la sobriété. Cela ne profite guère aux tout petits jeux, qui sont de plus en plus mon centre d’intérêt, et contribue à ce que le milieu des joueurs reste un milieu d’initiés. Surtout, même avec l’invention récentes des pledges groupés pour les revendeurs, cela marginalise les boutiques spécialisées, un peu comme Amazon et les liseuses tuent lentement les librairies.

Pour les auteurs, c’est compliqué. Je n’aime pas le travail de promotion supplémentaire sur les réseaux sociaux que nous devons faire, ou que nous sentons obligés de faire, lorsque l’un de nos jeux arrive sur Kickstarter ou Gamefound, mais je suis content lorsque cela permet la sortie d’un jeu qui n’aurait sans doute pas été publié autrement, et c’est le cas de cette nouvelle édition. Et puis, il y a le problème du calcul des droits d’auteur sur les jeux en financement participatif. Si l’on accepte un pourcentage un peu plus faible du CA éditeur parce que le jeu sera vendu directement, on se retrouve lésé lorsque, après le lancement initial, il est retiré pour une vente en boutique. Et les contrats avec plusieurs taux selon le mode de distribution deviennent vite des usines à gaz. Ou alors, on base les contrats sur le prix boutique, mais on tombe alors dans d’autres problèmes….

Je ne sais même plus ce qu’il y a à ce sujet dans le contrat de Mystère à l’Abbaye, il faudrait que j’aille vérifier, mais je suis très heureux de voir arriver cette nouvelle version de ce qui fut l’une de mes premières collaborations avec mon ami Serge Laget. Il est malheureusement mort avant d’avoir pu voir les boites de cette troisième édition, ni d’ailleurs celles de The Artemis Odyssey ou celles de Castel (et je commence à me demander si ce dernier va vraiment sortir).

La troisième édition de Mystère à l’Abbaye est publiée par un petit éditeur italien, Mojito Studios, qui s’est fait une spécialité des rééditions un peu luxueuses de jeux des années 2000. Avant de signer, Serge et moi avon d’ailleurs demandé l’avis de Bruno Cathala et Ludovic Maublanc, auteurs de Cléopatre et les Architectes, qui nous ont dit que tout s’était très bien passé pour eux et que l’on pouvait y aller. Tout s’est aussi très bien passé pour nous.

Pour ceux qui ne le connaissent pas, Mystère à l’Abbaye est t un jeu de déduction familial d’un format très classique, hommage tout à la fois au Cluedo, pour les mécanismes, et au Nom de la Rose, pour l’histoire, même si le jeu prend bien des libertés avec ces deux sources d’inspiration. Un moine est mort, et ses collègues, les joueurs, enquêtent pour trouver l’assassin. Des cartes permettent d’innocenter certains occupants de l’abbaye, les livres de la bibliothèque donnent accès à des indices, et les rumeurs circulent à la sortie de la messe. Quand on en sait trop, il faut parfois faire vœu de silence. Vous trouverez plus de détails dans l’article que j’avais consacré, en 2012, à la deuxième édition.

Les changements sont peu nombreux pour cette nouvelle édition, for joliment illustrée par Naïïade. Par souci de simplification, nous avons retiré du jeu de base la Crypte, que peu de joueurs utilisaient, mais elle revient sous la forme d’une mini-extension avec le kickstarter, tout comme quelques nouvelles cartes sorties pour moitié de notre imagination ou de celle de l’éditeur, pour moitié des forums assez actifs consacrés à ce sujet. Les Templiers de l’édition Days of Wonder, dont on se demandait un peu ce qu’ils faisaient là, sont enfin redevenus des Dominicains comme dans la toute première édition, chez Multisim. Comme pour Cléopatre, l’édition devrait être assez luxueuse, tout ça. Elle est prévue pour l’instant en Anglais, Italien et Espagnol, mais il y aura probablement, peut-être plus tard, des boîtes en français. Je trouverais rigolo de faire une version en latin, mais je ne suis pas certain qu’il y ait un marché pour cela, et mon latin un peu rouillé n’est pas assez bon pour prendre en charge la traduction.

Mystère à l’Abbaye
Un jeu de Serge Laget et Bruno Faidutti
Illustré par Naïïade
3 tà 6 joueurs – 60 minutes
Publié par Mojito Studios
Prévu pour 2024
Boardgamegeek



Boardgames Crowdfunding is nothing new any more, but I am still wondering what will be the lasting effects of Kickstarter, and now its competitor Gamefound, on the boardgame market and business. On the bright side, it makes possible the publishing of ambitious projects, or of new editions of older games sur as, for example, The Artemis Odyssey  and Mystery of the Abbey, which would probably not have been possible without it. It made possible the emergence of a bunch of new small publishers such as the Italian Mojito Games, which would not have found the funds to start their business otherwise. I buy many such games on Kickstarter, and a few ones on Gamefound. On the dark side, it favors big and often overproduced games, filled with unnecessary expansions and showy components, in a time where we should focus on sobriety. It’s not made for smaller and lighter games, on which I am focusing on now. It makes boardgames an even more geeky and insiders’ world. Most of all, even when some campaigns now have shop grouped pledges, it marginalized the friendly local game shops, a bit like Amazon and tablet are slowly killing bookshops.

On the designer’s side, things are also ambiguous. I don’t like the extra work of promoting a new Kickstarter or Gamefound campaign on social networks, but I am happy when, like with this new edition of Mystery of the Abbey, it makes possible something which would probably never have happened otherwise. The royalty rate is also an issue. If we accept a smaller rate based on turnover because the game will be sold directly, we end up wronged if, after the initial crowdfunded print run,  a new one one is made for standard shops. On the other hand, contracts with different rates depending on the distribution network soon become Rube-Goldberg machines. And it’s another story if based on MSRP.

I don’t remember what we decided for Mystery of the Abbey, I should check, but I am very happy to see that one of my first codesigns with my late friend Serge Laget is back. Serge unfortunately died too soon to see the copies of this next edition, as well as those of the Artemis Odyssey or of the new Castle – if the latter is finally published, which is far from certain.

The new edition of Mystery of the Abbey is published by a small Italian publisher, Mojito Studios, who specializes in luxuous remakes of classic games from the 2000s. Before signing with them, Serge and I asked Bruno Cathala and Ludovic Maublanc, the desiners of Cleopatra and the Society of Architects, for advide. They told us everything went well for them, so we followed. We were right, everything went well for us as well.

Mystère à l’Abbaye is a family-style deduction game, inspired by Clue / Cluedo for its mechanisms, and by Umerto Eco’s Name of the Rose for its background story, but it takes liberties with both its sources. A monk has been killed, and its colleagues, the players, investigate the murder. Cards help to exculpate some of the Abbey monks, the library books give hints, and rumours fly around after the mass. When someone knows too much, it might be better to make a vow of silence. More about it in the blogpost I wrote in 2012 for the second edition.

There has been very few changes for this new version, with gorgeous art by Naïïade. For the sake of Simplicity, the Crypta, which few players really used, has been removed, but it’s back as an optional expansion with the Kickstarter, together with a dozen of extra cards, half o which come from the various internet forum discussions about the game. The Templars of the Days of Wonder version, who had no reason to be there, are back as Dominicans, like in the very first French edition, and it makes more sense. The components should be as gorgeous as those in Mojito Studio’s last offering, Cleopatra and the Society of Architects. So far, only English, Italian and Spanish language copies are scheduled, but there will probably be a French version, may be a few months later. I would love to see a Latin version of the game, but I’m not sure there’s a market for it, and my rusty Latin is not good enough to do the translation.

Mystery of the Abbey
A game by Serge Laget et Bruno Faidutti
Art par Naïïade
3 to 6 players – 60 minutes
Published by Mojito Studios
Scheduled for 2024
Boardgamegeek

Entre création et édition, les ambiguïtés du “développement” d’un jeu
Between design and publication, the ambiguities of game “development”

En octobre 2022, j’ai été invité à participer à une rencontre d’auteurs et d’éditeurs de jeu à Puszczykowo, en Pologne, dont j’ai parlé un peu dans un autre post. J’y ai donné une conférence, inspirée par quelques déconvenues récentes, sur les bienfaits qu’apportent, mais aussi les problèmes que posent, les modifications d’un jeu par l’éditeur. Cet article en est une version rédigée, un peu développée, et mise à jour puisque plusieurs des jeux dont je parlais sont depuis arrivés en boutique, ou sont maintenant, en juin 2023, en train d’arriver.

Les romanciers assurent volontiers, en plaisantant à demi, qu’éditeurs et directeurs de collection sont des écrivains frustrés. Il n’en va pas très différemment dans le monde du jeu. Cela rend les discussions sur les détails d’un jeu à la fois intéressantes, parce que techniques, et difficiles, parce qu’empreintes de jalousie. Cela fait surtout de la phase de « développement » d’un jeu, un euphémisme pour « modifications apportées après que le contrat a été signé », la partie la plus mentalement épuisante et moralement difficile de la création, au point que je sois parfois tenté de laisser tomber.

Bien sûr, comme tous les auteurs de jeux, je ne présente à des éditeurs que des prototypes longuement testés et qui me semblent prêts à être publiés, après éventuellement l’ajout de quelques jolis dessins. Il reste néanmoins parfaitement normal que celui qui publie le jeu veuille faire quelques modifications. La nature et l’ampleur de ces bricolages devraient néanmoins être discutées à l’avance, ce qui est rarement le cas, voire précisées dans le contrat, ce qui n’est jamais le cas. Les désaccords entre auteur et éditeur sur le « développement » du jeu sont bien plus fréquents que ceux portant sur des questions financières, mais nos contrats ne parlent le plus souvent que d’argent, et parfois de temps. Malheureusement, lorsqu’un désaccord survient à propos d’un point qui n’est pas discuté dans le contrat, l’éditeur, qui il est vrai est seul à risquer son argent, se retrouve en position de force et peut faire un peu ce qu’il veut.

L’organisation du développement (j’arrête les guillemets) du jeu après que le contrat a été signé est d’abord une question pratique. Les désaccords entre auteur et éditeur sont une question morale, et pourraient même devenir une question légale, bien que je ne connaisse pas (encore?) d’exemple qui ait fini devant les tribunaux. Je signale néanmoins que le droit est, en la matière, assez différent d’un pays à l’autre. En droit français, les droits d’auteur moraux et patrimoniaux sont distincts, et seul le droit patrimonial est cédé à l’éditeur, qui ne peut donc théoriquement pas modifier substantiellement une création, et donc s’agissant d’un jeu en modifier la règle, sans l’accord explicite de son auteur originel. Cette distinction n’existe pas dans de nombreux pays, et notamment aux États-Unis.

L’important n’est cependant pas la loi. C’est l’auteur, l’éditeur, les personnes, leurs relations, et bien sûr le jeu. Si je tiens le plus souvent à ce que mes jeux soient publiés avec les règles précises que j’ai imaginées et rédigées, il m’est arrivé dans quelques cas, après en avoir discuté, de laisser délibérément le champ libre à l’éditeur – mais cela dépend du jeu, du moment, de l’éditeur. Chaque cas est particulier, et chaque cas doit être discuté à l’avance.

Je connais bien sûr quelques créateurs qui ont eu des problèmes avec le calcul ou le paiement de leurs droits d’auteur, mais je n’en connais pas un seul qui n’ait une histoire un peu absurde à raconter sur les modifications de dernière minute apportées à un jeu par un éditeur, sur les règles bidouillées à la va vite, ou, et c’est un autre problème dont j’ai déjà parlé en détail dans un autre article, sur les traductions faites avec les pieds.
Les désaccords financiers, en outre, peuvent toujours se régler, quitte à ce que ce soit avec un peu de retard, quitte à ce que soit, ce qui est heureusement rarissime et ne m’est jamais arrivé, après intervention de la justice. Les problèmes éditoriaux ne peuvent pas être réparés, un jeu n’ayant quasiment jamais aujourd’hui de seconde chance.

Si cet article parle presque exclusivement de mon expérience personnelle, c’est parce que je ne suis pas sûr que mes collègues auteurs souhaitent que je rapporte ce qui a pu leur arriver, même si beaucoup m’en ont parlé. En outre, si discuter de ces problèmes est difficile pour un auteur déjà bien installé comme moi, j’imagine que c’est plus compliqué encore pour de jeunes créateurs ayant une moindre expérience du petit monde ludique, et pesant moins lourd face à un éditeur. Je vais donc dans la suite de cet article m’adresser directement à l’auteur, même si mon propos est un peu aussi destiné aux éditeurs, souvent trop sûrs d’eux en matière de « développement ».

Rentrer dans les cases

Donc, vous êtes auteur de jeu néophyte, vous avez présenté votre projet de jeu à un éditeur, qui le trouve intéressant mais….

Le thème ne rentre pas dans sa gamme
Le thème est trop proche de celui d’un autre de ses jeux
C’est trop long
C’est trop court
C’est trop agressif
Cela manque d’interaction
C’est trop simple
C’est trop compliqué
Il faudrait que cela tourne à deux joueurs – j’ai sans cesse ce problème, car très peu de mes prototypes sont conçus pour deux joueurs.

Pour le thème, cela dépend du jeu. Il est souvent facile de le changer, mais c’est aussi parfois impossible ou absurde. Pour tout le reste, rien n’est inconcevable tant que c’est fait avec soin, sans se presser, et par l’auteur ou du moins avec sa participation. Les écrivains ont le même problème. Le manuscrit de mon livre sur les licornes était 2,4 fois trop long, mais c’est moi qui ai fait les coupes.

Le thème (enfin, l’univers)

Note : certains critiques ludiques font une distinction, empruntée à la critique littéraire, entre le thème et l’univers. Le thème serait la nature de l’intrigue (coopération, enquête…) et l’univers le contexte du récit (médiéval fantastique, exploration spatiale…). Si cette distinction est intéressante pour parler de roman ou de théâtre, elle ne fait pas toujours sens dans les jeux de société, ou ce que les littérateurs appellent « thème » est plus ou moins intégré aux mécanismes. J’emploie donc ici le mot thème dans son sens ludique usuel, et certains lui préfèreront univers.

Parfois, un éditeur est séduit par un jeu qu’il a essayé, mais pense que le thème n’est pas vendeur, ou ne convient pas à sa gamme. C’est le problème le plus fréquent, et en général le plus aisé à résoudre – un changement est possible, ou ne l’est pas.
Ne s’engageant pas à publier un jeu tant qu’ils ne sont pas fixés sur son thème, la plupart des éditeurs vont discuter d’un nouvel univers avec l’auteur, ou au moins annoncer clairement qu’ils comptent en trouver un, avant de signer le contrat d’édition. Deux ou trois fois pourtant, il m’est arrivé de voir un éditeur aborder le changement de thème après la signature, comme s’il était évident que cela ne poserait aucun problème. Ils ont toujours cependant, ce qui est la moindre des choses, discuté du nouvel univers avec moi.

Quant à savoir si ce changement est techniquement possible ou non, cela dépend bien sûr du jeu.
Beaucoup sont fondamentalement abstraits. Si le thème n’est rien de plus qu’un vague contexte exotique ou historique permettant de donner un nom au jeu et à ses éléments, en changer ne devrait poser aucun problème. Je ne me souviens plus du thème originel d’Attila, mais je suis certain qu’il n’y était pas question de barbares dont les chevaux piétinent l’herbe. L’un de mes prototypes ne s’appelle Chasseurs de vampires que parce que les pions que j’ai utilisé pour faire mon prototype représentent des vampires et des types avec un chapeau 1900. Je ne sais plus si le changement de thème de Mascarade, passé d’Alice au pays des merveilles au carnaval de Venise, est intervenu avant ou après la signature du contrat avec Repos Prod. Pigeons, un jeu dans lequel des vieilles dames donnaient des miettes de pain aux oiseaux, est devenu Chawaï, un jeu de chats polynésiens attrapant des poissons, et c’est toujours le même jeu.


À l’inverse, certains jeux sont tout entiers construits autour d’un univers, rendant le plus souvent ce changement impossible. C’est bien sûr le cas des jeux de simulation, y compris les wargames. Dans d’autres jeux de société moins ambitieux, c’est souvent le signe que ce sont de bons jeux, des jeux qui racontent une histoire. Parmi mes propres créations, je pense à Trollfest ou Mystère à l’abbaye. On peut pourtant parfois avoir des surprises, puisque je ne pensais pas que le jeu que Bruno Cathala et moi avions imaginé, dans lequel une araignée géante tentait de capturer des hobbits, pourrait avec quelques ajustements devenir un jeu où des chasseurs essaient d’attraper des bébés Raptors.

La plupart des jeux, ou en tout cas de mes jeux, se situent quelque part entre ces deux extrêmes. C’est bien sûr là que les choses se compliquent.
Souvent, le changement proposé par l’éditeur donne au jeu une nouvelle dimension que l’auteur n’avait pas imaginé, et sur laquelle il peut rebondir. C’est ce qui est arrivé pour Isla Dorada. Le prototype que j’avais présenté à Funforge avait un thème passablement ennuyeux et peu original, une caravane de marchands dans l’Europe médiévale. Je savais que ce n’était pas terrible, mais je n’avais rien trouvé d’autre. C’est Philippe Nourah, à Funforge, qui a eu l’idée de raconter l’histoire d’un groupe d’explorateurs perdus sur une ile déserte, ce qui est quand même plus sexy. Le changement a été décidé rapidement, me laissant le temps de retravailler le jeu pour l’adapter au nouveau thème, introduisant de nouveaux éléments comme un dirigeable, des pandas tueurs et des guerres tribales. Ce n’est pourtant qu’une fois le jeu publié que j’ai réalisé qu’il y manquait un cliché essentiel des îles tropicales, le volcan. Si un jour ce jeu connait une nouvelle version, je me débrouillerai pour l’ajouter.
Je suis aussi très satisfait du thème de Tonari. Mon prototype, comme le jeu d’Alex Randolph qui l’a inspiré, était purement abstrait. Je savais qu’il avait besoin d’un univers pour prendre toute sa dimension, mais n’en avait pas trouvé de satisfaisant. L’idée du bateau de pêche pris dans la tempête vient de l’éditeur, IDW games – qui a malheureusement quitté le monde du jeu de société peu après la sortie de ce joli jeu qui cherche aujourd’hui un nouvel éditeur.
Même s’il fut fait avec mon accord, le changement du thème de ce qui est devenu Dreadful Circus, a été plutôt raté. Dans le prototype, comme dans le jeu qui sortira en 2023, les joueurs étaient des nains sous la montagne amassant pièces d’or, gemmes et objets magiques. Cela collait parfaitement aux mécanismes du jeu, mais n’était guère plus original que les marchands médiévaux d’Isla Dorada. Je n’ai donc pas été très surpris que l’équipe de Portal décide de changer le thème, et j’étais très content qu’ils en aient trouvé un. Malheureusement, le nouvel univers manque de cohérence, on ne voit pas très bien quelle histoire le jeu raconte. Je ne sais pas bien dans quelle mesure cela est dû au thème lui-même, ou au fait qu’il a été mis en place rapidement, quelques mois avant la publication, sans aucun feedback sur les mécanismes du jeu.

Le premier problème, et souvent la première victime, d’un changement d’univers est la cohérence thématique. Mes jeux ne sont pas des simulations, mais le thème d’origine peut néanmoins avoir influencé les mécanismes de bien des manières. J’essaie par exemple toujours d’introduire de petites règles thématiques, ainsi que des clins d’œil dans les noms et les effets des cartes et autres éléments du jeu. Tout cela est perdu lorsque le jeu change d’univers de référence, et doit être remplacé par de nouvelles astuces, de nouveaux gags, de nouveaux clins d’œil, quitte à changer quelques règles. Souvent, je retire carrément un élément de jeu qui ne fait pas sens dans le nouveau monde. Malheureusement, cette étape essentielle de “retour vers le prototype” est souvent négligée, voire ignorée, l’éditeur se contentant, sans grand souci de logique, de donner aux éléments du jeu de nouveaux noms inspirés par le nouveau référentiel. Si le thème d’un jeu édité semble plaqué, et c’est souvent le cas, c’est parce que le thème a en effet été plaqué, vite et mal, plus souvent par l’éditeur que par l’auteur.
Introduire dans le jeu ces nouveaux clin d’œil, ces nouvelles petites règles, comme Anja Wrede et moi l’avons fait lorsque notre jeu des brebis perdues est devenu Le petit poucet demande un peu de temps, et une bonne connaissance des équilibres du jeu. C’est pourquoi cela doit être fait par, ou au moins avec, l’auteur.

Règles et mécanismes

Et là, les choses se compliquent encore, entraînant désaccords et parfois rancœur. Lorsqu’ils ne sont pas des auteurs frustrés, les petits éditeurs, et plus encore les développeurs professionnels qui œuvrent chez les gros éditeurs, sont d’anciens auteurs. Ils résistent rarement à la tentation de mettre leur grain de sel, d’ajouter de nouvelles règles, de nouvelles cartes, et de bricoler les équilibres du jeu. Ils connaissent les jeux et les joueurs aussi bien voire mieux que vous, ils savent lire et écrire des règles, ils peuvent apporter un regard extérieur et critique nécessaire, mais aussi vaste que soit leur culture ludique, ils n’en savent pas autant que vous sur votre jeu, votre création. Ils peuvent aider à terminer un jeu encore un peu brouillon, ils peuvent donner des conseils utiles, mais vous ne devez pas les laisser vous mettre sur la touche. Les meilleurs développeurs n’essaient d’ailleurs pas de réécrire les règles, et se contentent de guider l’auteur en lui indiquant dans quelle direction travailler.

Bruno Cathala et moi avons eu une expérience un peu étrange avec Raptor. Après que nous avions – enfin, que Bruno avait car c’est lui qui a fait le plus gros du travail – transformé notre jeu de hobbits et d’araignées en jeu de dinosaures et de scientifiques, nous avons trouvé un éditeur intéressé, Matagot. Les premiers mois de travail sur le jeu ont été assez pénibles, l’éditeur apportant aux règles des modifications qui n’avaient pas vraiment de sens. Tous ces changements rendaient le jeu plus complexe, moins thématique, et souvent nous renvoyaient à d’anciennes versions du jeu, d’anciennes règles que nous avions éliminées car elles ne fonctionnaient pas bien. Fort heureusement, si l’éditeur était sans doute un auteur frustré, il était intelligent et, après quelques mois de perdus, a réalisé qu’il faisait fausse route et nous a rendu la main pour, essentiellement, revenir à notre version d’origine. D’autres sont plus têtus, ou ne pensent même pas à consulter l’auteur.

Bien sûr, comme en ce qui concerne le thème, il arrive que l’éditeur / développeur ait d’excellentes idées. Plusieurs des nouveaux personnages de Mascarade, ou de la grande boite de Citadelles, sont des idées des équipes de Repos Prod et de Z-Man. Ne vous braquez pas contre l’équipe éditoriale, n’ignorez pas ses suggestions, mais – sauf exception, j’y reviendrai – ne la laissez pas non plus s’approprier votre création. Testez chaque nouvelle règle, chaque nouvelle carte, pas après pas, une par une.

Rien n’est plus frustrant que de ne pas avoir de nouvelles d’un éditeur pendant des mois, puis de recevoir soudain un lien vers des pdfs déjà quasiment maquettés, de nouvelles règles et de nouvelles cartes, avec une centaine de modifications par rapport à la version précédente. L’auteur, celui dont le nom va figurer sur la boîte, découvre alors, trop tard, que le “développement” s’est fait sans lui, que ce n’est pas son jeu qui va être publié. C’est ce qui m’est arrivé avec Dreadful Circus, et c’est la raison pour laquelle je suis passé à côté de certaines des modifications les plus problématiques. Fort heureusement, après une discussion avec mes amis de Portal où nous avons tous reconnu nos erreurs, nous nous sommes entendus pour que je récupère mes droits. Le jeu que j’avais imaginé, sans doute la création dont je suis le plus fier, avec ses règles, ses équilibres et son thème, sortira cette année chez Trick or Treat Games sous le nom de Treasure of the Dwarves.

Cela se passe bien mieux lorsque l’on accepte de lâcher un peu son bébé à l’avance, après en avoir discuté. J’aurais sans doute préféré que Oink games, le sympathique éditeur japonais de petits jeux dans de toutes petites boîtes, publie le jeu de décompte des étoiles dans le ciel que je lui avais proposé. J’ai néanmoins été très content lorsque Jun Sasaki m’a dit que cela lui avait donné une idée pour un autre jeu, assez différent, utilisant le même mécanisme central. J’ai vu son jeu, j’y ai joué en ligne avec lui et son équipe, et j’ai accepté qu’il soit publié. Mon nom vient cependant en second sur la boite après celui de Jun. Il était originellement entendu que je pourrais continuer à chercher un éditeur pour mon jeu originel, mais j’ai abandonné cette idée après quelques parties de la version finale de Whale to Look. Contrairement à ce qu’il s’était passé pour Dreadful Circus, Whale to Look est en effet meilleur, plus léger et plus dynamique, que mon Constellations.

Vampire the Masquerade – Vendetta est passé par trois phases de design successives, ce qui en fait un bon exemple de la manière dont un éditeur peut efficacement gérer le développement du jeu.
Lorsque Charlie Cleveland, designer de jeux videos, entreprit de concevoir un jeu de société sur le thème des vampires, Il décida prudemment de demander l’aide d’un auteur de jeu de société plus expérimenté. J’ai eu la chance qu’il me choisisse. Partant de son premier prototype, nous avons ensemble réalisé une deuxième version du jeu, plus fluide, et qui nous a paru suffisamment différente pour que nos deux noms figurent sur le prototype – j’étais un peu le développeur. Nous avons ensuite trouvé un éditeur, Horrible games, qui décida de situer l’action dans l’univers de la Mascarade – toujours des vampires, certes, mais des vampires un peu spéciaux, avec leur monde, leur culture. Cet univers était familier aussi bien à Charlie qu’à Lorenzo et Hjalmar, de Horrible Games, mais je n’en connaissais à peu près rien. Pour travailler avec eux à cette phase finale du développement, il aurait fallu que je passe d’abord des mois à me documenter, essentiellement en lisant des livrets de jeu de rôles. Je choisis alors de me mettre en retrait, mais l’auteur originel, Charlie, était toujours là et fit même le voyage jusqu’à Milan pour quelques sessions intensives de tests et de développement. Charlie, Lorenzo et Hjalmar ont fait, tous ensemble, un excellent boulot.

Remakes et rééditions

Étant un vieil auteur de jeu, j’ai maintenant dans mon « catalogue » de nombreux jeux qui ne sont plus édités, et dont quelques uns ont connu deux ou trois versions différentes. Si vous êtes un éditeur éventuellement intéressé, voici un post récent avec une liste de titres disponibles.

Serge Laget et moi avions, il y a quelques années, décidé de reprendre de fond en comble Ad Astra pour en faire une version plus dynamique, qui sort ces jours-ci chez un éditeur américain, Great Gamers Guild. Là encore, nous avons fait le plus gros du développement, l’éditeur testant quelques versions successives et nous envoyant de temps à autre ses remarques et suggestions. Serge n’étant pas très à l’aise en anglais, c’est moi qui ai écrit les règles, mais en discutant de chaque point avec lui. L’équipe de the Great Gamers Guild a ensuite reformulé quelques passages, mais toujours après en avoir discuté avec nous. Cela s’est malheureusement moins bien passé avec l’éditeur de la « localisation » française.

Le plus souvent cependant, et en particulier lorsque c’est l’éditeur qui m’a contacté pour faire une nouvelle version d’un jeu que j’ai un peu perdu de vue, voire dont j’ai oublié les règles, je n’ai pas de plaisir ou d’intérêt particulier à m’y replonger. Je trouve cela à la fois plus difficile et moins excitant que d’essayer de faire quelque chose de vraiment nouveau. Qu’elle ait eu du succès ou non, si « ma version » originelle du jeu a été publiée, j’e n’ai guère de problèmes à laisser un autre, le plus souvent un éditeur, la retravailler à sa guise. Ayant déjà fait ce que je pouvais faire d’une idée, je suis même curieux de voir ce que d’autres pourront en tirer.

Grail Cup, qui arrive ces jours-ci chez Matagot, est un bon exemple de cette démarche un peu plus distancée. Il s’inspire d’un jeu plus ancien, Lost Temple, paru il y a une quinzaine d’années, qui reprenait déjà le système de choix de personnage de Citadelles, mais dans un jeu de course. Lost Temple ne s’était d’abord pas trop mal vendu, mais les ventes avaient vite décliné et j’avais récupéré les droits. Me penchant à nouveau dessus, il m’a semblé que je pouvais le dynamiser en supprimant les gemmes, qui étaient un peu la monnaie du jeu. J’ai donc fait un nouveau prototype. Matagot s’y est intéressé, mais à condition de pouvoir changer le thème. Nous avons discuté ensemble de quelques idées, pour nous entendre sur les chevaliers de la table ronde et la quête du Graal. Lost Temple existait déjà, il me restait quelques exemplaires d’auteur, et j’étais déjà pas mal pris par d’autres projets, certains d’ailleurs chez Matagot. Nous avons donc convenu ensemble que ce serait l’équipe de l’éditeur qui s’occuperait de cette nouvelle version. De temps en temps, ils me montraient leur dernière version pour que je puisse la tester, la valider, et parfois y glisser mon grain de sel, mais l’initiative, les orientations, le gros du travail ne sont pas de moi. Le résultat est sans doute meilleur que ce que j’aurais pu faire.

J’ai récemment placé pas moins de cinq jeux chez un nouvel éditeur très sympathique, Trick or Treat studios. Trois d’entre eux, Trollfest, Treasure of the Dwarves et un troisième dont je ne peux pas encore parler, sont de nouvelles créations, que l’éditeur ne m’a guère demandé de modifier. Halloween Party est une nouvelle édition de Toc Toc Toc!, un petit jeu de cartes paru il y a plus de dix ans. Gwenaël Bouquin et moi, les deux auteurs d’origine, avons travaillé ensemble avec l’équipe de Trick or Treat pour revoir un peu les effets des cartes.

Le dernier jeu, qui lui aussi n’a pas encore été annoncé, est aussi une nouvelle version d’un petit jeu assez ancien. L’éditeur souhaitait changer le thème, ce qui impliquait de revoir tous les effets des cartes pour construire des decks cohérents avec le nouvel univers, et j’ai dit clairement que ce travail ne m’intéressait pas vraiment. C’est donc l’éditeur qui développe tout cela en interne, tandis que je me contente de regarder de temps à autre où ils en sont et de tester un peu les decks pour vérifier qu’ils ne sont pas trop déséquilibrés. Le boulot n’est pas encore terminé.

Les règles, écriture et réécriture

Un jeu, au fond, ce n’est qu’une règle, et c’est donc la règle que vous devez relire avec soin pour vérifier qu’une modification n’y a pas été apportée sans que vous soyez au courant. Cela peut arriver même dans les jeux les plus simples. Je me souviens de la toute première édition de Diamant, dans laquelle l’éditeur avait sans prévenir personne supprimé la règle selon laquelle, lorsque deux cartes danger identiques sont piochées, l’une d’entre elles et retirée du jeu. Lorsque je repérai, au dernier moment, cette curieuse « correction », l’explication de l’éditeur fut qu’il ne voyait pas de problème à enlever une petite règle sans importance qui ne faisait que compliquer le jeu. C’est certes une petite règle de rien du tout, mais elle est essentielle car elle augmente les enjeux et diminue les risques au fur et à mesure de la partie, rendant possible des come-backs inattendus, ce qu’il n’avait pas réalisé. Si je n’avais pas fait attention, si je n’avais pas insisté pour que ce « petit détail » soit réintroduit dans les règles, le jeu serait paru sans et n’aurait peut-être pas rencontré le succès qu’il a eu.

J’insiste désormais systématiquement pour rédiger moi-même le premier jet des règles destinées à figurer dans la boîte, l’éditeur passant derrière mais ne faisant de corrections qu’avec mon accord.
Tous les auteurs ne procèdent pas ainsi. Certains n’aiment pas rédiger des règles ou savent qu’ils ne sont pas très bons dans cet exercice. Du moins leur faut-il s’assurer qu’elles sont rédigées en bon anglais, ou en bon français, ce qui est loin d’être toujours le cas. Cette rédaction doit aussi être entamée suffisamment à l’avance pour permettre plusieurs allers-retours afin de faire toutes les corrections et reformulations nécessaires. Trop souvent, ce travail pourtant essentiel, est fait dans l’urgence, dans la semaine qui précède l’envoi à l’imprimeur.

Curieusement, ce sont surtout les éditeurs français qui ont tendance à passer des semaines, voire des mois, à soigner la maquette d’un jeu, à en retravailler les illustrations avec soin, puis à écrire les règles avec les pieds dans dans les derniers jours, avant de laisser, quand ils y pensent, une dizaine d’heures à l’auteur pour la relecture et les corrections. Les éditeurs anglo-saxons semblent mieux comprendre l’importance de la clarté et de l’élégance du texte, et c’est l’une des raisons pour lesquelles, dans les boites de jeu, les règles en anglais sont presque toujours bien meilleures que celles en français.

Il y a un temps pour tout

Auteurs et éditeurs de jeux n’ont pas la même temporalité. Je comprends très bien les problèmes de gamme et de programmation de sorties des éditeurs. Je n’en suis pas moins énervé, voire désespéré, lorsque après avoir attendu un ou deux ans sans la moindre nouvelle après la signature d’un contrat d’édition, je reçois soudain un email me disant « le jeu sort dans six mois, et d’ici là il faut changer le thème, ajouter une variante pour deux joueurs et une variante coopérative, diminuer le nombre de cartes pour baisser le coût de production, et remplacer tout le texte des cartes par des icônes pour que le jeu soit plus facile à localiser « à l’international » ». Peu importe alors que l’éditeur vous demande de faire les changements ou pense pouvoir les faire lui-même, le résultat sera toujours le même, un désastre éditorial.
Le prototype de l’auteur est le résultat de mois, parfois d’années de réglages, de bricolage et de tests. Il est toujours possible d’en faire plus, mais les nouveaux changements doivent être faits avec le même soin, et testés prudemment, l’un après l’autre, à leur rythme. Trop d’éditeurs sous-estiment le temps nécessaire pour cela, ou surestiment aussi bien l’auteur originel que leurs développeurs.

Les idées de dernière minute peuvent être excellentes, mais on n’en est jamais certain. Méfiez vous des vôtres, et plus encore de celles de l’éditeur, qui ne connaît pas le jeu aussi bien.

Tout faire soi-même

Alors, bien sûr, il reste la possibilité de tout faire soi-même, d’être l’auteur, l’éditeur et parfois aussi l’illustrateur. C’est le choix qu’a fait, par exemple, Luis Bruêh, auteur notamment de l’excellent Night Parare of a Hundred Yokais. J’apprécie son stytle de jeu comme son style graphique, et j’aimerais que tous mes jeux soient illustrés avec le même humour et aussi soigneusement édités. C’est bien sûr la meilleure façon, comme auteur, d’obtenir très exactement ce que l’on souhaite, mais je n’y ai jamais pensé très sérieusement.

La première raison est que, comme je l’ai expliqué plus haut, si les éditeurs ont parfois de mauvaises idées, ils en ont plus souvent de bonnes. Je râle pour quelques déceptions, mais si je faisais le compte, je trouverais sans doute un plus grand nombre de mes jeux auxquels le développement éditorial a vraiment ajouté quelque chose.

La seconde raison est que l’édition, c’est un métier, que je ne pense pas être capable de maîtriser. Il faut discuter illustration, maquette, imprimerie, fabrication, distribution, toute une série de domaines dont je crains qu’ils ne me passionnent pas, et pour lesquels je suis à peu près certain de ne pas être compétent. Je ne sais pas dessiner, et Kickstarter ne règle plus ou moins que le problème de la distribution. D’ailleurs, pour une success story comme celle de Luis Bruêh, que je citais plus haut, on compte de nombreux échecs, des auteurs inconnus et parfois ruinés, qui se sont lancés sans trop savoir où ils allaient, persuadés à tort qu’en concevant un jeu, ils avaient fait le plus gros du boulot. Ils n’avaient fait que le plus amusant.

Quarante ans déjà….

Les quelques mauvaises expériences que j’ai eu récemment montrent bien que la manière dont un jeu peut être « développé » (je reprends les guillemets pour la conclusion) devrait être l’un des premiers points discutés entre auteur et éditeur. Ce n’est presque jamais le cas. Les problèmes autour du jeu lui même, de son thème ou de ses règles, sont bien plus fréquents que les désaccords financiers entre auteur et éditeur, mais nos contrats consacrent de longues pages au calcul des droits d’auteur et pas une phrase au « développement » du jeu. Je ne connais pas d’exemple de désaccord éditorial qui se soit terminé devant les tribunaux, mais c’est peut-être justement parce que les contrats ne disent rien. Il n’est peut-être pas nécessaire de tout formaliser par écrit, mais auteur et éditeur devraient discuter de ce sujet clairement et systématiquement avant de se lancer dans un processus d’édition.

Cela fait maintenant quarante ans que je conçois des jeux et discute avec des éditeurs. Ce qui était un hobby un peu intello est devenu un marché et un business. La quasi totalité des auteurs et des éditeurs sont encore des joueurs, des passionnés, mais ils ont dû, comme moi, devenir aussi un peu des professionnels. Au moment de donner la dernière touche à un jeu, de faire les derniers petits réglages, de rédiger le texte définitif des règles, de choisir un illustrateur, chacun se sent responsable de tout. Peut-être parce que je ne suis pas très sensible aux images, je ne me mêle pas trop du choix des artistes qui illustrent mes jeux; j’apprécie que l’on me demande mon avis, mais je laisse l’éditeur décider. Pour tout le reste, pour tout ce qui concerne le jeu lui même, et notamment la rédaction des règles, les choses sont de plus en plus difficiles. Être ouvert à la discussion, c’est être capable de changer d‘avis, mais c’est aussi savoir défendre son point de vue.

Les éditeurs connaissent le marché mieux que vous, et mieux que moi. Ils savent ce qui se vend et ce qui ne se vend pas. Ils savent ce qui rentre dans leur gamme et ce qui n’y rentre pas. Ils risquent leur argent dans la publication d’un jeu, quand je n’y dépense guère que du temps. Face à des auteurs, jeunes et vieux, de plus en plus nombreux, ce sont eux qui font leur marché. Tout cela les met en position de force et fait qu’il est difficile à un auteur de refuser des modifications lorsqu’il pense qu’elles peuvent affaiblir le jeu.
D’un autre côté, le nom de l’auteur figure désormais sur toutes les boites de jeu, comme c’était depuis longtemps le cas sur les couvertures des livres. L’auteur de jeu est bien devenu un « auteur », presqu’un écrivain. Ce n’était pas le cas dans les années quatre-vingt-dix, où on le considérait comme une sorte d’inventeur, de bricoleur – ce qu’il est un peu aussi, c’est vrai. Mais ce nom sur la boite, parfois aux côtés de celui de l’illustrateur et toujours au dessus de celui de l’éditeur, il signifie que l’auteur est responsable du jeu, de ce qui est dans la boite. Si je suis responsable, même solidairement, je dois être impliqué jusqu’au bout.


In october 2022, I was invited to a game designers and publishers meeting in Puszczykowo, in Poland. I already told about it in an earlier blogpost, here. I gave a speech, largely inspired by a few recent bad experiences, about the benefits, but also the problems encountered when a publisher wants to “develop”, that is to change, a game. This article is a streamlined and updated version of this speech – updated because several of the games I used as examples, and on which I was working then are hitting the shelves just now, in June 2023.

Any novelist would tell you, half jokingly, that most literary editors and publishers are frustrated writers. The same is true in the boardgame industry. It makes discussing the details of a game with the publisher both interesting, because of the technicity, and challenging, because hampered by jealousy. The « development » of a boardgame, development being an euphemism for « rule changes made after the publishing contract has been signed » is the most mentally and morally exhausting part of boardgame designto the point I am sometimes tempted to give it up.

Of course, like every other boardgame designer, I only show to publishers well tested prototypes which, I think, are finalized and nearly ready for publication after the addition of some art. It is perfectly understandable, however, that the publisher might want to implement some changes. The nature and possible extent of these changes should be discussed in advance, which is rarely the case. May be they should even be specified in the contract, which is never the case. Design and development issues between designer and publisher are much more frequent than money issues, but most game publishing contracts deal almost exclusively with royalty rates and publication deadlines. Unfortunately, when there’s a disagreement about something which is not dealt with in the contract, the publisher is in a position of strength – meaning they can do more or less what they want.

How to organize the game development after a publishing contract has been signed is a practical issue. How to deal with disagreements between the designer and the publisher about a game is also a moral issue, and could become a legal one, though I don’t know (yet?) of a single case of game development issue which ended before a court. I’d like to stress, however, that the law on these issues is very different depending on the country. In French law, there is a patrimonial author’s right which is sold via the publishing contract, and a moral author’s right which cannot be sold and implies that, no matter what’s in the contract and how many subcontracors there are, a cultural work cannot be substantially modified without the agreement of its author. As far as I know, there’s no such distinction in US law.

What is important however is not the law, it is the designer, the publisher, their relations, and of course the game. While I wanted most of my games to be published with the exact rules I had devised, and usually managed to do it, there are some designs for which I was ready to give the publisher free rein, and even a few cases where I asked for it. It all depends on the people, the game, the timing – every case is different, but every case must be discussed beforehand.

I know very few designers who ever had troubles with the calculation or the payment of their royalties. I don’t think I know a single one who doesn’t have an absurd story to tell about how a publisher modified, or wanted to modify, one of his designs. We also all experienced clumsy rules rewriting, or but that’s another topic which I already discussed in an article last year, terrible rules translation.
Furthermore, money issues can always be solved, even if late, even if with help from a court, something which is luckily extremely rare and never happened to me. Editorial issues, on the other hand, cannot be corrected. What’s done is done and games almost never get a second chance.

I will write here almost exclusively from my experience, because that’s what I know best, but also because I’m not sure fellow designers would like me to make public stories I’ve heard from them. If discussing this issues is still very difficult for a well established designer like me, I imagine it must be even harder to young publishers with no or little experience in the boardgame business, and therefore no strong standing when facing a publisher. Of course, even though I formally address designers, this article is also, in a way, intended to be read by publishers.

The game “must fit”

So, you’ve shown your prototype to a publisher and they find your game interesting but…

The theme doesn’t fit with their line
The theme is too much like another of their games
It’s too long
It’s too short
It lacks interaction
It’s too aggressive
It’s too simple
It’s too complex
It should accommodate two players – this happens to me all the time, because my first prototypes usually don’t.


Theme issues depends on the game. Sometimes the setting can be changed, sometimes not. Changes in the game systems should always be conceivable, as long as they’re not excessive. It must be done carefully, with no hurry, and if not by the original designer at least with them. It happens to writers as well, who often have to shorten their text, or rewrite some parts of it. My unicorn book was 2.4 too long for my publisher, I accepted it, but I did the cuts.

The theme – OK, the setting, if you prefer

Note : As is now usual in the gaming world, I use indifferently the terms « theme » and « setting » to describe the universe in which the game action is taking place. I know perfectly well that some critics make a difference, taken from literary theory, with the theme being the plot underlaying the game action (cooperation, whodunnit…) and the setting the universe in which it takes place (medieval fantasy, science fiction…). While this distinction is interesting when discussing novels or theater plays, it doesn’t always make sense with boardgames. What literary critics call « theme » is, in most games, inherent with the mechanisms.

A very common situation is when a publisher enjoys playing a game, but thinks the setting won’t sell or won’t fit their line. A change in theme is the most frequent publisher request, and usually the easiest one to deal with – it’s possible, or it isn’t.
Since they don’t plan to publish a game before knowing what its setting will be, most publishers will discuss it with the designer before signing the publishing contract, or at least make clear that they want to look for a new theme. Two or three times however, I have signed a contract with a publisher who didn’t specify beforehand that they wanted to change the theme of a game, because they didn’t really think it could be an issue. At least they always discussed the new setting with me afterwards.

Of course, whether a change is possible or not depends on the game.
Many games are, at their heart, abstract. If the setting doesn’t go further than giving a vaguely historical or exotic name to the game and its pieces, changing it should never be a problem. I don’t remember what was the original theme, if any, of
Attila, but I know it wasn’t barbarians swamping grass. I have a prototype named Vampire Hunters only because the pieces I used in the prototype are vampire shaped, and which could have hundreds of other themes. I don’t even remember if the change of theme in Mascarade, from Alice in Wonderland to Venice Carnival, happened before or after I signed the publishing contract with Repos production. Miaui was about old ladies giving bread crumbs to pigeons, the publisher made it about Polynesian cats catching fishes, but this doesn’t affect the gameplay.


Conversely, some games are built around their theme, making a change of setting clearly impossible. This is obviously the case with simulation games, including wargames, but that’s also true of many other lighter games. Among my own designs, that’s the case with
Mystery of the Abbey or Trollfest, and if often means these are good games, games that tell a story. There may be surprises, though – I never imagined that the Hobbits vs giant spider that Bruno Cathala and I had designed could, with minor rules changes, become a game about Raptors and hunters scientists.

Most games, or at least most of my designs, are in between, and that’s where things can get tricky.

Often, the change initiated by the publisher is for the better. A good example of this was Isla Dorada. The original prototype I had shown to Funforge had the most boring setting one can imagine – medieval merchants in central Europe. I knew it was bland but had vainly been looking for another meaningful and consistent setting. The idea of making it the exploration of an island, which is undoubtedly more sexy, came from the publisher, Philippe Nourah. The change was implemented soon enough to let us about one year to introduce new and fun thematic elements such as airship, killer pandas and tribe wars. Only after the game was published did I realize that we forgot to add an essential exotic island cliché, the volcano – if there’s a new edition someday, I’ll manage to bring one in.
Another nice story is that of
Tonari. My prototype, like the simpler Alex Randolph’s game which inspired it, was purely abstract, and I knew it needed a more or less meaningful setting. The idea of a fishing boat, which fits perfectly, came from the publisher, IDW games (who unfortunately left the boardgame business since, so this fun little game is looking for a new publisher).
Even when I had agreed with it when proposed by the publisher, the theme change in
Dreadful Circus was a miss. The prototype, like the upcoming new version of the game, was about dwarves collecting coins, gems and magical treasures. It fitted perfectly well with the game mechanisms, but it was only slightly more original than German medieval merchants. I was not really surprised when Portal asked to change it, and I was happy they had found an idea. The problem is that the new universe doesn’t really make sense when playing, and the game never feels like the unfolding of a story. It’s hard to say if it’s because of the setting itself, or because it was implemented in a hurry, a few months before publication, without any real feedback to the game elements.

My designs are not simulations, but the original universe can nevertheless inform the game mechanisms in many ways. I usually try to give hints to the setting, either with minor thematic rules, or with jokes linking card names and their game effects. These small rules, these lights puns, are obviously lost when there’s a change of theme and should be replaced with other ones, even if it means changing a few rules. When a given rule doesn’t make sense in the new setting, it’s often better to just remove it. Most times, this necessary feedback from the new theme into the game rules and cards is forgotten. The publisher takes the card, pieces and effects from the prototype and just gives them more or less random new names inspired by the new setting, names which don’t always make sense. If the theme of so many games feels « pasted on », it usually is because it has indeed been hurriedly and carelessly pasted on.
Bringing new small thematic rules, small thematic puns into the game, like Anja Wrede and I did when our
Lost Sheep game became Lost in the Woods, needs some time, and an intricate knowledge of the game balance. That’s why it should be done by, or at least with, the original designer.

The mechanisms – that is, the rules

That’s where things can get tricky, and this can lead to disagreements and even bitterness. The few publishers who are not frustrated designers are former game designers. Both can’t resist jumping in, adding new rules, new cards, reworking the game balance. Big publishers even hire in-house “game developers”, who are something like glorified professional frustrated game designers. These people have a vast game culture, lots of experience with reading and writing rules, they know the games and the gamers better than you do. The problem is that despite their larger game culture, they don’t know your specific game as well as you do. They can help finalizing a game that is still a bit rough, they can give you valuable advice, but you should not let them put you aside. The best developers are those who don’t try to rewrite the game rules but rather guide the designer and tell them in what direction they should work.

Bruno Cathala and I had a strange and mixed experience with Raptor. After we – well, mostly Bruno – had changed the setting of our Hobbits/Spider game to Raptors/Scientists, we found a publisher for it, Matagot. The first months of development were painful, the publisher trying to make changes to the game that didn’t really make sense, like replacing fire on the different spaces with barbed wire between the spaces. It made the game more complex, less thematic, and in some ways it was sending it back to earlier versions we knew didn’t work. Luckily, if the publisher was a frustrated designer, it was an intelligent one who realized this didn’t work. We mostly went back to our original version, but after a few months lost. Other publishers are more stubborn, or don’t even think of discussing the changes with the designer.

Of course, just like with theme, the publisher or developer can have really good ideas. Some of the characters in Mascarade, or in the new version of Citadels, are in-house additions made by the people at Repos prod and Z-Man. As a designer, you should not block developers, you should not ignore them, but you should not let them get loose. Keep control of your game, be sure to check every new card, every new rule – and that’s why they must be implemented one by one.

Nothing is most frustrating than getting no news from a publisher and then suddenly finding out that the development has been made and more or less playtested without you, when receiving a link to a new set of rules and cards with hundreds of changes from your last version. That’s what happened with Dreadful Circus and is the reason why I missed some of the most critical and problematic changes. I had long discussions with Ignacy and the team at Portal, we all admitted our errors, and we decided that I will get my rights on the game back. My original game, probably the design I’m most proud of, will be published at the end of 2023 by Trick or Treat Games as Treasure of the Dwarves, with its original setting, its original rules and its original balance. It’s defintely not the same game as Dreadful Circus.

It might be OK, and even go very smoothly, when everything has been discussed from the beginning. I would have preferred Oink games, the small Japanese publisher of small games in very small boxes, to publish my original game about counting stars in the sky, Constellations. I was nevertheless happy when Jun Sasaki told me it had given him an idea for something a bit different, using one of the core mechanisms of my game. I saw his game about tourists going whale watching, Whale to look, played it online with their team, and agreed to have it published. My name, however, is second after Jun’s one on the box. We originally agreed that I would still be allowed to look for a oublisher for my original game, though I gave up this idea after a few plays of the final version of Whale to Look, which, unlike what happened with Dreadful Circus, is indeed better and more fun than my Constellations.

Vampire the Masquerade – Vendetta, which had three successive design phases, is a good example of how publisher development can be dealt with efficiently.
When Charlie Cleveland, who was already a successful video game designer, decided to give a try at a Vampire themed boardgame, he prudently chose to ask an old boardgame designer for collaboration, and he chose me. We started from his original prototype and together designed a second version, more fluid and different enough to deserve both our names on the prototype box – in a way, I was the developper there. Then we found a publisher, Horrible Games, who decided to move the game into the Masquerade universe. It’s still a vampire settiong, but a very specific and sophisticated one. Charlie, Lorenzo and Hjalmar of Horrible games were all familiar with it, I wasn’t. Working on this with them would have implied spending months reading sourcebooks to get acquainted with this universe, and I didn’t have the time for it. This is why, for mostly technical reasons, I decided to step aside from this last development phase, but the original designer, Charlie, stayed in and even made the trip from San Francisco to Milan for a few intensive playtest and development sessions. They made a fantastic job.

New versions of older designs

Being an old game designer, I now have a “catalog” with many out of print games, and even a few ones which have had two or three successive editions. By the way, if you’re a publisher interested in republishing some of my older stuff, here’s a recent blogpost with a list of available titles.

A few years ago, Serge Laget and I have decided to work on a more dynamic version of Ad Astra. This new version ought to be published soon by Great Gamers Guild. Like for a brand new game, Serge and I made most of the development. The publisher was just testing successive iterations and emailing us remarks and advice, of which we made good use. Similarly, I wrote a first draft of the rules, which were rewritten here and there by the Great Gamers Guild, but always after discussion with us. Unfortunately, it didn’t went as smoothly with the publisher of the French version.

Most times however, and especially when the idea of a new edition of an out of print game comes from the publisher, I am not that much intellectually interested in reworking my older designs. It’s never as exciting as making something really new. When « my » original version of a game has already been published, no matter whether it has been successful or not, I have no problem with giving a publisher free rein on a new version. What I could do with this game has been done, I’m now curious to see what others can do out of it.

A good example is Grail Cup which is hitting the shelves just now, published by Matagot. It is a reworking of an older game, Lost Temple, published ten or fifteen years ago. Lost Temple was itself a different take on the Citadels character system. It sold relatively well, but the success didn’t last and the publisher discntinued it. I took it back, made a streamlined version without the gem/money element, and showed it to a few publishers. Matagot was interested, but they also wanted a different settoing, to emphasize that it’s not the same game. We discussed it together and ended with a fun idea, Knights of camelot racing for the Grail castle. Lost Temple was already here, I still had a few author copies on my shelves, I was working on other projects at the time, so we decided together that their development team will handle the changes. Everey few months, they showed me their last version of the prototype so that I can playtest it and, sometimes, jump in with a few small ideas. I’m really happy with the result, which is probably better than what I could have done.

Similarly, I recently signed for five games, no less, with a new publisher, Trick or Treat Studios. Three of them were brand new designs, Trollfest, Treasure of the Dwarves and a third one which has not been announced yet; the publisher didn’t ask for any major change to their rules. The two other ones are new versions of older card games. Knock Knock! Has just been republished as Halloween Party. The development was a real collaborative work, the two designers, Gwenaël Bouquin and I, working together with the publisher on the fine tuning of some card effects.

The last one, a card game which has not been announced yet, is also a new version of an older design which already had several iterations. Trick or Treat wanted to change the setting, and the new theme meant that we have to design new cards and decks embedded in this new universe. I made clear from the beginning that I was not very interested in working this, and I let them do the development. I check from time to time what they are doing, I playtest new cards deck to make sure everything works. It’s still a work in progress.

Writing and rewriting rules

In the end, a game is just a set of rules. That’s why, until the very end, the designer should check every version of the rules to make sure no unexpected and unwelcome change has been made. Theoretically, no change should be made that was not discussed with you before, but, well, it happens. It even happens in the lightest and simplest games. When checking the final rules for the very first edition of Diamant, I suddenly realized the rule stating that when two identical danger cards are revealed, one of them is removed from the game, was missing. This had not been discussed before with the publisher. I emailed the publisher, whose answer was that this was just a very minor rule which was removed for the sake of simplicity. It is indeed a small rule, but it is essential because it changes the odds, making advancing slightly less hazardous when the game moves on, and therefore making dramatic comebacks more likely. If I had not noticed this, if I had not insisted on bringing back this trivial rule, the game would have been published without, and would probably have been less successful.

I now insist on writing the first draft of the final ruleset, which then comes back and forth between publisher and designer for corrections and, here or there, rewriting. Most game authors don’t work like this, because they don’t like rules writing or because they know they’re not very good at it. At least, you must make sure the rules are clear, grammatically correct, and that there is enough time for corrections and serious proof-reading. Too often, this is made hurriedly, sometimes in the week before the game goes to the printer. No wonder so many game rules are ambiguous and badly written.

Some publishers (mostly French ones, I don’t know why) spend months reworking the art and graphic design of a game, before writing clumsy rules in the last wekk and letting a day or two to the designer for prof-reading and correction. US publishers seem to be more aware of the importance of a clear and elegant writing. That’s one of the many reasons why the English rules of a game are almost always better than the French ones.

There’s a time for everything

Game designers and game publishers have different time frames. I can understand why, I can sympathize with publishers’ schedule issue. I nevertheless feel both overwhelmed and frustrated when I sign a publishing contract, wait one or two years with little or no news, and then suddenly receive an email saying « we plan to publish the game six months from now and, in the meantime we would like to change the setting, add a two player and a cooperative variant, remove a few cards and replace all the text with icons to make it language independent ». No matter whether the publisher asks you to do the changes or assumes it can work on it in-house, this is a recipe for editorial disaster
The designer’s prototype is usually the result of months, if not years, of playtesting and fine tuning. Changes can always be made afterwards, but they must be made with the same care, one after the other, with enough playtesting and feedback in between. Many publishers underestimate the time needed to implement these changes, or overestimate both their developers’ and the original designer’s ability to do it.

Last minute ideas can be great, but you are never sure. Be wary of your own ones, and be even more wary of those from developers who don’t know the game as well as you do.

All by oneself ?

Of course there’s always the temptation to do all by oneself, to be at the same time designer, publisher and sometimes even illustrator. This is the choice made, for example, by Luis Brueh, who designed, among others, the recent and excellent Night Parade of a Hundred Yokais. I like his design style, and I would like all my games to be so well illustrated and produced. This might look like the best way to get exactly the game one wants. I never really seriously considered it, for two reasons.

The first reason is that, as I explained before, while publishers sometimes have bad ideas, they more often have good ones. I can grumble here for a few disappointments, but if I were to reckon all lmy published games, there are probably many more which were realy improved by the publisher’s “development”.

The second reason is that publishing is a different job, and one I don’t think I can master. I don’t feel like discussing graphic design, printing, production and distribution, and I’m quite sure I would be very bad at it. I’m terrible at drawing, and Kickstarter partially solves only one other issue, distribution. For one relatively successful story like that of Luis Bruêh, there are many unknown and sometimes ruined designers, who went all-in, confident that by designing a game, they had made the hardest part of the job. They had not.

What has changed in 40 years….

I’ve had a few bad experiences recently. How a game will be « developed » should be clear from the beginning, and it almost never is. Between publishers and designers, issues with game development are far more frequent than issues about money, when our contracts sometimes have more than ten pages about how to reckon royalties and not a single sentence about the development and finalization of the game. It might make little sense to write it down if no one is willing to go to court about it, but at least it should be clearly and openly discussed by designer and publisher before signing a contract.

I’ve been designing games and dealing with publishers for forty years now. There has been lots of changes in what went from a tiny hobby to a mass market. Most designers and publishers are still enthusiast gamers, but they also had to become more professional. When it comes to finalizing a game, making last adjustments to the rules, choosing an artist, writing the final ruleset, everyone feels more and more responsible and wants to check everything. May be because I’m not that good at art, I don’t try to mess with the publisher’s choice of illustration, even when I prefer to be informed and sometimes give my opinion. But on all other publishing issues, on everything that deals with the game itself, discussions have become more tense. I’m open to discussion, but if I’m not convinced, I try to hold my ground, and I think more designers should try to hold theirs.

Publishers know the market better than I do, and better than you do. They know what sells and what doesn’t. They know what can fit in their line and what cannot. Contrary to game designers, they spend their own money in publishing a game. All this places them in a stronger position and can make difficult for a boardgame designer, especially a wannabe one, to resist a change they are afraid might weaken the game.
On the other hand, the designer’s name is now on the game box like the novelist’s name is on a book cover. A game designer is now recognized as an « author », almost a writer ; this was not the case in the nineties, when he was seen as a kind of « inventor ». This also means the designer / author is accountable for what is in the box, the game, its setting, its mechanisms, its rules. If I’m accountable, I need to be in
charge, or at least involved.

Halloween Party

Halloween Party est une nouvelle version d’un jeu de cartes déjà assez ancien, conçu avec Gwenaël Bouquin, et originellement publié il y a une quinzaine d’années sous le nom de Toc Toc Toc ! Les quelques modifications apportées aux règles à l’occasion de cette nouvelle édition visent à rendre le jeu plus varié, plus tendu et plus équilibré.

Le principe est tout simple. Chaque joueur a une main de cartes et, à son tour, pose une carte personnage face cachée devant un autre joueur en disant « toc toc toc ! ». Le joueur devant lequel est posé la carte doit alors choisir entre ouvrir la porte, et laisser le personnage entrer, rejoignant ainsi sa petite fête de Halloween, ou refuser d’ouvrir, auquel cas le personnage s’en va chez le joueur qui avait d’abord joué la carte. Bien sûr, si la plupart des convives sont bienvenus, et certains, comme les musiciens, particulièrement appréciés, d’autres doivent être évités avec soin, comme les ivrognes ou le terrible chevaliers ans tête. La pioche étant face visible, chacun finit par savoir plus ou moins quelles cartes les autres joueurs ont en main, et l’on peut essayer de deviner ce qu’ils nous proposent. C’est donc un jeu de bluff tout simple, accessible aux plus jeunes mais assez fourbe pour séduire les joueurs avertis

 Lorsque la sympathique équipe américaine de Trick or Treat m’a contacté, à la recherche de jeux de société dont le thème pourrait leur convenir, c’est bien sûr ce jeu qui m’est d’abord naturellement venu à l’esprit. Je ne suis pas le seul à avoir fait le même raisonnement puisque Emerson Matsuuchi leur a proposé son Tricks and Treats, dans lequel les joueurs sont des enfants rivaux allant de maison en maison, essayant de récupérer les meilleurs bonbons. Je n’ ai pas encore joué à Trick and Treats, mais je suis à peu près certains que c’est aussi le genre de petit jeu de bluff que mes amis et moi apprécierons.

Halloween Party
Un jeu de Gwenaël Bouquin and Bruno Faidutti
Illustré par Drew Rausch
3 à 5 joueurs – 20 minutes
Publié par Trick or Treat Studios
Boardgamegeek

Halloween Party is a new and version of an older game, Knock Knock!, designed with Gwenaël Bouquin and originally published more or less fifteen years ago. There has been a few changes in the rules, mostly for more tension, more variability and a better balance.

The idea is extremely simple. Each player has a small hand of cards and, on their turn, plays a face-down character card in front of another player, saying “knock, knock!”. The player in front of whom the card was played can either open the door, and let the character enter their Halloween party, or keep the door closed, in which case the character moves to the party of the player who initially played the card. Of course, while most guests are welcome, and a few ones like the musicians sought-after, other ones, like drunkards or the harrowing headless horseman, should better be avoided. The drawing deck being face-up, every player ends up having some idea of the cards in other players’ hands, and can therefore try to make an informed guess of who is knocking at the door. This makes for a simple bluffing game, which can be played with kids but still has enough subtlety for old poker players.

When the team at Trick or Treat Studios, wanting to start a fittingly themed boardgame line, contacted me, this one immediately jumped to my mind. I was not the only one thinking this way, since Emerson Matsuuchi proposed his Tricks and Treats, in which players are rival kids going from house to house, trying to get the best candies. I’ve not played Trick and Treats yet, but it also looks like the kind of light bluffing game me and my friends are likely to enjoy playing.

Halloween Party
A game by Gwenaël Bouquin and Bruno Faidutti
Art by Drew Rausch
3 to 5 players – 20 minutes
Published by Trick or Treat Studios
Boardgamegeek

The Artemis Odyssey

Ad Astra, conçu avec Serge Laget et publié en 2009 par un éditeur disparu peu après, n’a pas vraiment eu sa chance. D’abord passé inaperçu, ce jeu n’est qu’ensuite devenu un succès d’estime, dont les rares boites se revendaient assez cher – je le sais, j’ai dû m’en procurer une ou deux quand j’ai voulu en recycler le matériel pour travailler avec Serge sur une nouvelle version. Du coup, nous sommes très contents qu’un autre éditeur, Grand Gamers Guild, ait décidé de lui donner une deuxième chance sous une nouvelle étiquette, The Artemis Odyssey, qui en fait un peu la suite de l’excellent The Artemis Project de Daryl Chow et Daniel Rocchi – et tant pis si la référence mythologique devient un peu bizarre quand il n’est plus question de coloniser la lune mais d’explorer des planètes plus lointainse.

Pour ceux qui connaissaient la première édition, Ad Astra, disons que The Artemis Odyssey est un jeu plus dynamique, notamment grâce à des tours plus brefs et des déplacements plus rapides, avec un matériel moins sombre et donc plus lisible. Il se joue désormais de 1 à 5 joueurs, et même par équipe à 6 ou 8.

Pour ceux, les plus nombreux sans doute, qui ne connaissaient pas Ad Astra, ou ne le connaissaient que de nom, voici donc une petite présentation de The Artemis Odyssey:

La toute première partie du tout premier prototype, il y a longtemps.

Cela fait bien longtemps que je n’ai pas ressorti ma vieille boite des Colons de Catan, mais dans les années 2000, lorsque Serge et moi avons commencé à réfléchir à ce qui allait devenir Ad Astra, puis The Artemis Odyssey, c’était encore un grand classique que nous pratiquions à l’occasion. Le système de production et d’exploitation des ressources de notre jeu est emprunté à Catan, mais nous avons voulu faire un jeu qui ne soit pas dépendant, comme l’est celui de Klaus Teuber, des jets de dés et de la géographie. Situer l’action dans l’espace nous a permis d’éliminer les situations de blocage assez fréquentes sur le continent catanien, et de donner du coup aux joueurs de plus larges choix stratégiques. Rendre la production de ressources dépendante des choix des joueurs permet d’éliminer la plus grande part du hasard, le fait que ces choix soient faits avec des cartes jouées faces cachés introduisant en revanche un peu de bluff et de psychologie, évitant de ce fait que cela ne devienne trop calculatoire. Tout cela fait de The Artemis Odyssey une sorte de Catan peut-être un peu plus complexe, mais surtout moins scripté, plus varié, plus tactique, plus dynamique – et dans l’espace, mais je ne suis pas sûr que cela change grand chose.

Financé via Kickstarter fin 2021, The Artemis Odyssey arrivera en boutique à l’été 2023. L’éditeur de la version française ayant refusé de me laisser faire la traduction, comme je le raconte dans un autre post, je conseille plutôt l’achat de l’édition originale, en anglais. Voici d’ailleurs la traduction des règles et cartes que j’avais réalisée et dont l’éditeur n’a pas voulu.

The Artemis Odyssey
Un jeu de Serge Laget et Bruno Faidutti
Illustré par Cristian Romero
1 à 5 joueurs – 45 minutes
Publié par Grand Gamers Guild
Boardgamegeek



Ad Astra was designed with Serge Laget and published in 2009 by a publisher who went out of business soon afterwards. The game went first unnoticed, and later became much sought after, to the point that the few available copies sold at a high price – I know it firsthand, since I had to buy one or two in order to recycle their components in the new version Serge and I were working on. We are therefore really happy that a new publisher, Grand Gamers Guild, decided to give it a second chance under a new name, The Artemis Odyssey. Our game has indeed become a kind of follow-up to The Artemis Project, a great « worker placement » game by Daryl Chow and Daniel Rocchiand never mind if the mythologiocal reference becomes a bit strange when the game is no more about colonizing the moon but about exploring far away planets.

If you’ve already played Ad Astra, you only need to know that The Artemis Odyssey is more dynamic, mostly due to shorter game rounds and faster movement. It has a brighter color palette and therefore more readable components. The game now plays from 1 to 5, and there’s even team rules for 6 or 8.

An unfortunate accident during the playtests of the new version.

If you’re not familiar with Ad Astra, or only by name, here’s a short description of The Artemis Odyssey.

I’ve not opened my old copy of Settlers of Catan for years but in the early 2000, when Serge and I started to think of what would become Ad Astra, and then The Artemis Odyssey, it was a classic that we regularly played. We really liked the resource production and development system from Klaus Teuber’s game but wanted to make something less dependent on dice rolls and geography. Moving the action into deep space prevents the blockade situations which are my main issue with Catan. Having resource production decided by the players makes the game less random, and having cards played face down brings a bit of bluff and psychology, and prevents the system from becoming a brain burner. The Artemis Odyssey might be slightly more complex than Catan, but it is mostly less scripted, more varied, more tactical, more dynamic – and in space, but I’m not sure it matters that much.

The Artemis Odyssey was financed on Kickstarter in late 2021, and will be in store in the summer of 2023.

The Artemis Odyssey
A game by Serge Laget et Bruno Faidutti
Art par Cristian Romero
1 to 5 players – 45 minutes
Published by Grand Gamers Guild
Boardgamegeek

Quelques mots sur la version française de The Artemis Odyssey.
About the French version of The Artemis Odyssey

Grrrre games venant d’annoncer une version française de The Artemis Odyssey, je voudrais encourager les joueurs à attendre plutôt la version originale en anglais, qui devrait être publiée aux États-Unis par the Great Gamers Guild, plus ou moins à la même date.

The Artemis Odyssey reprend largement les mécanismes de Ad Astra, un jeu de gestion et d’expansion conçu il y a longtemps déjà avec mon ami Serge Laget. Nous avions signé il y a cinq ou six and déjà un contrat pour cette nouvelle version avec un éditeur américain. Tout s’est parfaitement bien passé avec The Great Gamers Guild, qui a développé le jeu en étroite collaboration avec Serge et moi. Les règles du jeu publié aux États-Unis sont, à quelques corrections mineures près, celle que j’ai rédigées.

J’ai été un peu surpris d’apprendre que Grrrre games, un éditeur que j’avais bloqué sur les réseaux sociaux suite à des propos d’assez mauvais goût, allait s’occuper de la « localisation » de ce jeu. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, j’ai aussitôt, comme je le fais habituellement, traduit les règles en français. Après que Serge avait validé ma traduction, je l’ai transmise à Grrrre games. J’ai été très surpris de recevoir une réponse dans laquelle Florian Grenier, de Grrrre games, annonçait qu’il ne souhaitait pas utiliser cette traduction et m’envoyait la sienne, visiblement faite à la hache et à la va-vite. On y trouvait tout ce qui manquait à la mienne, mot à mot, anglicismes, lourdeurs, fautes de grammaire et de syntaxe, redondances, adverbes et même phrases inutiles.

J’ai tenté de raisonner M. Grenier, et nous avons même eu une brève conversation téléphonique. Je lui ai demandé, s’il ne voulait pas utiliser ma traduction des règles, de retirer au moins mon nom des règles françaises, ce qu’il a également refusé. J’ai raccroché lorsqu’il m’a expliqué que son contrat n’étant pas avec les auteurs mais avec l’éditeur américain, je n’étais pas concerné et il pouvait faire ce qu’il voulait.

Serge, qui avait de meilleures relations avec M. Grenier, pensait encore pouvoir arranger les choses. Il a essayé quelques temps, puis sa santé a commencé à se dégrader et il n’a plus vraiment pu s’en occuper.

Je n’ai plus aucune relation avec M. Grenier, et ne souhaite pas en avoir. J’imagine que les règles de la version française de The Artemis Odyssey ont été quelque peu relues et corrigées depuis la version ridicule et incompréhensible qu’il m’avait envoyée, mais ne les ayant pas vues, je ne peux en être certain. Quand bien même elles seraient claires et en bon français, il n’est pas normal que je n’aie pas pu rédiger la version française d’un texte dont j’avais assez largement écrit l’original anglais.

Je traiterai donc l’édition française de The Artemis Odyssey comme M. Grenier traite les auteurs de jeux, surtout lorsqu’ils sont vieux, par le mépris. Je ne répondrai pas aux éventuelles questions de règles la concernant, je ne dédicacerai pas les boîtes françaises, et j’invite les joueurs à se procurer plutôt l’édition américaine. En cas de besoin, voici la traduction des règles et des cartes que j’avais réalisée et dont l’éditeur n’a pas voulu.



Grrrre games has just announced that they will soon publish a French version of The Artemis Odyssey. I urge French speaking players to rather get the US edition, which ought to be published more or less at the same time in the US by The Great Gamers Guild.  

The Artemis Odyssey is based on an older expansion and development game designed with my late friend Serge Laget. Five or six years ago, we had signed a contract for this new edition with an American publisher, The Great Gamers Guild. They did a great job developing the game in collaboration with Serge and me. The rules in the English language edition are, with some minor corrections, the ones I had written.

I was surprised to learn that Grrrre Games, a publisher I had blocked on social networks after a few posts of really bad taste, was in charge of the French language localization. I nevertheless decided to make the best of it and, as I always do, I translated the rules in French. After Serge had proofread my rules, I sent it to Grrrre games. I was extremely surprised by the answer by Florian Grenier, the boss of Grrrre games. He wrote that he didn’t plan to use my translation, and was sending another one, obviously hastily written. His translation had all that mine was missing – anglicisms, ponderousness, grammar and syntax errors, redundancies and pointless adverbs.

I tried to reason with Mr Grenier, and we even had a short phone conversation. I hung up when he explained that his contract was not with the designers but with the US publisher, and that he therefore could do as he wished.

Serge, having better relations with Mr Grenier, still hoped to fix things. He tried for a while, but then his health started to deteriorate and he gave up.

I have no more relations with Mr Grenier, and I don’t want to. I guess the rules in the French version of The Artemis Odyssey have been proofread and improved since the ridiculous and catastrophic version I have read. Even if they are now well written, it is no correct that I have not been allowed to write the French version of an English text I had, for the most part, written.

I will therefore deal with the French edition of The Artemis Odyssey as Mr Grenier deals with game designers, especially old ones – I will from now on ignore it. I won’t answer rules questions about it, I won’t sign copies of the game in French, and I urge players to rather get the English language version.

Grail Cup

Citadelles est, de tous mes jeux, celui qui se vend le mieux. Je le sais, mon banquier le sait, et surtout les éditeurs le savent qui, régulièrement, me demandent si je n’aurais pas dans un coin « un autre Citadelles ». Ce n’est pas toujours ce que j’ai le plus envie de faire mais, de temps en temps, je m’y essaie.

Aux Pierres du Dragon et, surtout, L’Ambition des Rois, sont des tentatives de recréer les mêmes sensations qu’à Citadelles à l’aide de mécanismes différents. À deux joueurs, je pense d’ailleurs que l’Ambition des Rois est un bien meilleur jeu.

J’ai aussi tenté d’exploiter le système de choix des personnages qui est au cœur de Citadelles à des bases différentes. Mes essais sur des jeux de majorité, ou de votes, n’ont pas été suffisamment convaincants pour que je les montre à des éditeurs. Lost Temple et, aujourd’hui, Grail Cup qui en est le successeur, utilisent ce principe dans un jeu de course.

Dans Lost Temple, paru il y a une dizaine d’années, les joueurs étaient des aventuriers quelque part en Orient, à la recherche d’un – devinez – Temple Perdu. Dans Grail Cup, ce sont les chevaliers de la Table Ronde cherchant à atteindre le château du Graal, avec l’aide de leurs amis l’Enchanteresse, l’Écuyer, Merlin, la Forgeronne, le Dragonnier, la Princesse, le Prêtre, la Fée et la Licorne. Ces alliés sont choisis exactement comme les personnages de Citadelles, et permettent d’avancer plus rapidement, de s’informer des possibles pièges, de s’y préparer, de changer sa place dans la course avec un autre personnage… Le jeu est plus léger, plus rapide, mais aussi méchant que Citadelles, tout en entourloupes et en queues de dragon.

Pour ceux qui ont joué à Lost Temple, la principale différence, outre bien sûr le changement de thème, est la disparition des gemmes, qui étaient une sorte de monnaie, afin de recentrer l’intérêt du jeu et l’attention des joueurs sur la position dans la course. Le jeu en devient ainsi plus rapide, plus tactique, plus fluide.

J’ai toujours beaucoup apprécié la ligne claire et l’humour subtil de John Kovalic, et je suis vraiment très heureux qu’il ait accepté d’illustrer l’une de mes créations. Ses personnages légers et colorés rendent très bien l’esprit de Grail Cup – c’est un peu Citadelles, mais c’est moins sérieux.

Grail Cup devrait arriver dans les boutiques françaises le 16 juin 2023.

Playtesting in a parisian boardgame café.

GrailCup
Un jeu de Bruno Faidutti
Illustré par JohnKovalic
3 à 8 joueurs – 30 minutes
Publié par Matagot
Boardgamegeek


Of all my games, Citadels is the one that sells best. I know it, my banker knows it, and, of course, the publishers know it. Regularly, they ask if I can show them “anorher Citadels”. It’s not always what I’m the most excited about, but, from time to time, I give it a try.

Fist of Dragonstones and, even more, Greedy Kingdoms try to recreate the same game sensations using different mechanisms. As a two player game, Greedy Kingdoms is, in my opinion, much better than Citadels.

I also tried to recycle the character selection system which is the heart of Citadels into other game systems. My attempts with voting or majority games were not convincing enough to be shown to publishers. Lost Temple, and its reimplementation Grail Cup, use it in a race game.

In Lost Temple, which was published ten years ago, players were adventurers in the Far East looking for, you got it, a lost temple. In Grail Cup, they are now the Knights of the Round Table racing to reach the Grail castle, with a little help from their friends the Enchantress, the Squire, Merlin, the Smith, the Dragonrider, the Princess, the Priest, the Fairy and the Unicorn. These allies are chosen exactly like the characters in Citadels and allow the knight to move faster, to look for possible traps, to get weapons, to swap place in another knight, etc… The game is light and fast paced. It’s less mean than Citadels, but there’s still room for a few nasty magic tricks.

If you’ve played Lost Temple, the main difference after the change in setting is the removal of gems, which were a kind of money used to pay for movement. The position on the track is now almost the only thing to take into account during the game. It makes the game faster, more tactical and more fluid.

I’ve always liked John Kovalic’s subtle humor and bright, simple art. I am really happy that he accepted to illustrate one of my creations. His light and colored characters are perfectly true to the spirit of Grail Cup – it’s lighter and faster than Citadels, but equally mean.

Playtesting with friends.

Etourvy 2023

Trente ans déjà

Si j’en crois l’équipe du Domaine Saint-Georges, cela fait maintenant trente ans qu’ils nous accueillent, presque tous les ans, à Etourvy. Les rencontres ludopathiques, qui multiplient la population du village par un peu plus de deux, sont devenues un « acteur de l’économie locale».
Nous n’étions qu’une trentaine 1993, essentiellement des amis gravitant autour de Casus Belli et de Ludodélire. Certains sont partis, certains ne jouent plus, certains sont morts, j’ai perdu de vue quelques uns, et, à part moi bien sûr, je pense que la seule personne à avoir été présente à tous les épisodes est Hervé. Nous étions cent quatre-vingt du 17 au 21 mai 2023, et même avec les quatorze nouvelles places que l’on nous promet dans Etourvy l’an prochain, il me semble difficile d’aller au delà. Oui, je sais, cela fait vingt ans que je dis cela.

Lorsque, une quinzaine de jours avant les rencontres ludopathiques, j’ai regardé les premières prévisions météo qui nous annonçaient la pluie et la froidure, j’ai pris peur. À Etourvy, Virginie et Marie-Claire ont également commencé à se faire du souci et à étudier des solutions permettant d’abriter tout le monde, et de faire manger près de deux-cent personnes dans des lieux dimensionnés au mieux pour une centaine. Nous avons finalement eu, comme l’an dernier, un très beau temps, mais il n’en ira pas toujours ainsi et je m’inquiète déjà pour l’an prochain.
L’an dernier, après le Covid, les visiteurs étrangers étaient restés rares, et mes annonces bilingues lors des repas s’apparentaient à un acte de foi. Cette année, les joueurs d’Amérique, d’Europe de l’Est et même d’Asie étaient de retour – même si j’ai l’impression que Yohan Goh passe la moitié de sa vie en Europe. Ayant toujours été partisan du cosmopolitisme, je m’en réjouis. Les enfants aussi étaient revenus nombreux, ce qui contribue beaucoup à l’ambiance.

Organisation 

Je n’ai presque pas eu de désistements de dernière minute cette année et, du coup, les comptes, de toute façon très approximatifs, devrait être légèrement excédentaires, pour, je crois, la deuxième fois en trente ans.
Les rencontres ludopathiques fonctionnent de plus en plus en roue libre et me demandent plutôt moins de boulot qu’il y a une dizaine d’années. Je gère donc le budget global, l’hébergement, je prépare le transport des jeux, je surveille un peu tout ce qu’il se passe dans la semaine, mais l’aide de la petite équipe qui arrive avec moi en début de semaine, et notamment de Camille, allège considérablement le travail d’intendance. Cela serait quand même plus facile pour nous et pour l’équipe du domaine si tout le monde faisait plus attention à ne pas laisser traîner ses gobelets, à ne pas les utiliser comme poubelles, etc…

Je prépare toujours quelques jeux en extérieur, cette année Two Rooms and a Boom, Twister géant, et le traditionnel Brouhaha, mais d’autres organisent également des événements conséquents. Absent l’an dernier, Laurent Escoffier était de retour avec ses jeux d’extérieur un peu bizarres, mettant en scène chaines, aimantset mètres pliants, et bien sûr le toujours aussi bluffant Walking Mind.

Franck s’occupe toujours du tournoi de poker, et cette année Théo avait soigneusement préparé un tournoi de Challengers. Sébastien étant absent, c’est Ghislain qui a rejoint Isabelle pour faire jouer la murder party Le tour de monde en 80 jours, tandis que Mathias et Zephiriel faisaient jouer Papers, un petit GN loufoque sur les coachs, la culture d’entreprise, la ludification et toutes ces conneries. Jamais à court d’idées l’Equipe ludique avait préparé Tous en Scène, un jeu hilarant de reconstitution de films avec les moyens du bord. Profitant de ce que nous étions au vert et qu’il ne faisait pas trop chaud, certains ont organisé des balades à pied autour du village, Maud pour ceux qui courent assez vite, Charles pour ceux qui préfèrent la marche tranquille suivie d’un bon verre de vin.

L’orque et la baleine

J’étais un peu déçu à mon arrivée de constater que le colis d’Oink Games, contenant mes exemplaires d’auteur de Whale to Looksorti le week-end précédent pour le Tokyo Game Market, n’était pas parvenu à temps à Etourvy. Le plaisir n’en a été que plus grand de le voir arriver vendredi après-midi. Je me suis précipité sur mes premières boites, aussi mignonnes que sur les photos, et ai immédiatement envoyé quelques touristes observer les orques noires et les baleines blanches. 

Jun Sasaki et l’équipe de Oink Games ayant énormément retravaillé mon concept original, dans des directions parfois inattendues. Je n’avais jusque là joué à une version presque finale de ce jeu qu’une seule fois, en ligne, dans des conditions qui n’étaient pas optimales. Les quelques inquiétudes que j’avais sur les nouvelles règles ont cependant été rapidement balayées par mes parties à Etourvy – le jeu est finalement bien meilleur que celui que je leur avais initialement proposé, et je renonce donc à développer de mon côté mon jeu d’observation des étoiles dans le ciel. Il va falloir que je réécrive en ce sens mon article sur Whale to Look.

Sacré Graal

Grail Cup n’arrivera en boutique qu’à l’automne, mais Arnaud Charpentier avait apporté une boite de préproduction, à laquelle ne manquait que le dé, très aisément remplaçable par un dé classique. J’ai de la chance en ce moment avec les illustrations car, dans un style bien différent, Grail Cup est aussi mignon que Whale to Look. Je me suis beaucoup amusé à rechercher les nombreux œufs de Pâques – c’est comme cela que l’on dit en anglais – dissimulés sur le plateau par John Kovalic, et me suis même reconnu dans l’un d’entre eux. J’ai lancé quelques parties, rapides et pleines de rebondissements.

J’avais aussi apporté quelques prototypes, et ceux qui m’ont semblé les mieux reçus ont été la Salade de Fruits et les Voleurs de Poules, on verra s’il en sort quelque chose.

Que de jeux 

J’ai cette année profité des rencontres ludopathiques pour faire une partie de mon déménagement. Une quarantaine de cartons qui avaient quitté la rue de Belleville le lundi sont en effet rentrés le dimanche à quelques centaines de mètres, rue de la Villette. J’ai beau apporter chaque année à Etourvy environ un millier de jeux, je suis toujours étonné, passant entre les groupes, de voir la plupart des joueurs attablés devant des prototypes inconnus ou des jeux dont je suis à peu près certain qu’ils ne proviennent pas de ma collection.

À en croire aussi bien mes impressions que les nombreuses photos des participants, le jeu le plus populaire de ces cinq jours a été Mind Up, retour amusant puisque c’est à Etourvy que, l’an dernier, l’équipe de Catch Up Games avait découvert ce petit jeu de cartes d’aspect très kniziesque, présenté par son auteur Maxime Rambourg. Parmi les autres petits jeux très pratiqués, citons Focus, d’Antonin Boccara et Romaric Galonnier, Cat in the Box de Muneyuki Yokouchi, The Number de Hisashi Hayashi, Mantis de Ken Gruhl et Jeremy Posner et bien sûr Whale to Look de Jun Sasaki et Bruno Faidutti.

Dans des boites un peu plus grosses, mais pas trop complexes pour autant, le loufoque Hand to Hand Wombat, judicieusement traduit en français par Branle Bas de Combat, a remporté un grand succès d’estime, tout comme, dans un genre plus sage, les jeux coopératifs Kites, de Kevin Hamano,  Kuzooka de Leo Colovini et DorfRomantik de Michael Palm et Lukas Zach. Ce dernier est tellement moche que tout le mponde y a joué mais personne n’a osé en prendre une photo.

Parmi les jeux d’ambiance et de vocabulaire, on a comme l’an dernier beaucoup joué à Krazy Wordz, de Dirk Baumann, Thomas Odenhoven et Matthias Schmitt, mais aussi au curieux Hunch! de Nomas Kurnia, quelque part entre Codenames et Decrypto, et au prototype final de Sides apporté par l’équipe de Captain Games.

Côté gros jeux, on a bien sûr encore joué à Dune Imperium de Paul Dennenmais aussi à The Quest for Eldorado de Reiner Knizia deux jeux qui ne sont pas vraiment des nouveautés même si l’un a connu quelques extensions et l’autre une nouvelle édition magnifiquement illustré par Vincent Dutrait. À l’exception notable de Planet Unknown de Ryan Lambert et Adam Rehberg, qui a d’ailleurs et très mal rangé dans la boîte par ceux qui ont fait la dernière partie, les très grosses nouveautés ont fait des flops.

Le retour du jeu de rôles

Le grand retour du jeu de rôles, dont on parle beaucoup depuis quelques mois, semble avoir touché Etourvy. Lors des tous premiers épisodes, dans les années quatre-vingt dix, beaucoup des participants étaient des amis de GN, et il n’était pas rare de voir quelques parties de jeu de rôles sur table. J’ai d’ailleurs découvert une partie des villages du coin lors d’un GN loufoque où des mafieux mexicains qui avaient trouvé un moyen de produire de la coke à partir du colza cherchaient à accaparer la récolte locale, mais se heurtaient à des extraterrestres dont le vaisseau en panne fonctionnait à l’huile de colza, et à de gentils vampires qui souhaitaient produire à partir de cette céréale décidément multitâche un élixir leur permettant de décrocher du sang.

Depuis quelques années, Sébastien et Isabelle organisent à Etourvy de petites murder parties. Cette année, Isabelle et Ghislain ont fait jouer le tour du monde en 80 jours, tandis que Mathias et Zephiriel organisaient Papers. Le jeu cinématographique de l’équipe ludique, et même d’une certaine manière Two Rooms and a Boom ou des jeux narratifs comme Alice is Missing, relèvent aussi un peu du jeu de rôles. Et, pour la première fois depuis longtemps, plusieurs éditeurs avaient apporté des livres de jeux de rôles, parfois volumineux et ambitieux, pour la table de prix. Je ne vais pas me remettre au jeu sur table, mais cela me donne envie de refaire un ou deux GNs – si j’arrive à caser ça dans mon emploi du temps.

Voilà. Comme de plus en plus de gens organisent des trucs pendant les ludopathiques, j’en ai certainement raté ou oublié quelques uns. Merci à tous les participants, merci à tous les organisateurs de jeux petits et grands, merci à tous ceux qui m’ont donné un coup de main prévu ou improvisé, merci à l’équipe du domaine Saint-Georges, merci à Météo France de qui j’attends le même soutien en 2024, et à l’année prochaine.



Thirty years

I didn’t keep a precise track but, if I am to believe the team at the domaine Saint-Georges, they have been accommodating the ludopathic gathering almost every year since 1993. When we are here, the population of Etourvy is multiplied by a bit ore than 2, and we are now a part of the local economy.  
We were only thirty in 1993, mostly friends working with Casus Belli or Ludodélire. Some have quit gaming, some have left, some have died, I’ve lost trace of a few ones, and I think the only other person who has been here from the beginning is Hervé. We were 180
in 2023, May 17 to 21, and, even with the fourteen new beds which should be available in the village next year, I don’t think this number can grow more. Yes, I know, I’m saying this for 20 years now.

When, two weeks before the event, I started looking at the weather forecast, predicting cold and rain, I was seriously concerned. In Etourvy, Virginie and Marie-Claire also started worrying and tried to find ways to shelter everyone and to have nearly 200 people eating in a place designed for 100 at most. In the end, we had a really nice weather, but I’m already anxious for next year. 


Last year, after the Covid years, few foreigners were back. This year, players from America, from Eastern Europe and even from Asia were back – even when it seems like Yohan Goh is now spending half of his time traveling in Europe. Anyway, I’m always been in favor of cosmopolitanism, so let’s enjoy it. Children were back as well, which makes for a nice change from most professional gaming conventions.

Organization

I had very few last minute cancellations this year, which means that the (very rough) numbers are balanced, or may be even slightly positive, for, if I remember well, the second time in thirty years. 

I take care of the numbers, the accommodation, I pack and bring the games, I check everything during the week, but I could probably not do it any more without the help from the small advance team which arrives with me on Monday – especially Camille. It would nevertheless be much easier for everyone if people were more careful not to let empty glasses, when it’s not empty glasses used as table trash cans, everywhere…

I always prepare one or two big simple outdoor games, to bring everyone together, this year Two Rooms and a Boom, Giant Twister and the traditional Brouhaha. Laurent Escoffier had been missed last year, he was back with strange outdoor games using chains, magnets and folding rule, as well as a new competitive version of the Walking Mind.

Franck held, as always, the poker tournament, while Théo took care of Challengers. Sébastien was not here this year, so Ghislain replaced him to organize the Around the Earth in 80 Days murder party, while Mathias and Zephiriel held Papers, a light zany larp about coaching, business culture, ludification and all that crap. L’equipe Ludique held Everyone on Stage, a crazy game about reenacting movies with the limited means availabe. The weather being cooler than last year, Maud held a running tour of the nearby countryside, while Charles organized a walking and wine drinking tour for those – the vast majority – who don’t even try follow Maud.

The white whale and the orca

When arriving in Etourvy, I was slightly disappointed to find out that the parcel from Oink games with my author copies of Whale to Look, which had been premiered the week before at the Tokyo game market, didn’t make it in time. I was even more delighted when it arrived on Friday afternoon. I immediately seized the first box and sent a few tourists whale watching.

Jun Sasaki and the Oink team have largely developed my original concept, in directions I didn’t expect. I had only played a near final version of their game once, online, in far from optimal conditions. I was wary of some of the changes they had made to the game, but my reservations about the new rules disappeared after a few games in Etourvy. Their game is indeed better than what I had originally submitted, and I am therefore giving up the idea of developing on my side my tile game about watching stars. I should, one of these days, rewrite my article about Whale to look to make this clear.

Holy Grail !

Grail Cup will only hit the stores next fall, but Arnaud Charpentier had brought a preproduction copy, missing only the special die which we easily replaced with a standard one. I am really lucky with game art these days. Grail Cup is as cute as Whale to Look, though in a completely different style en boutique. I had great fun looking for the many Easter eggs disseminated by John Kovalic on the board, and I even found myself in one. I played a few games, fast and eventful.

I had also brought a few recent prototypes. The best received were Chicken Thieves and Fruit Salad, we’ll see if something comes out of it.  

So many games 

This year, I took advantage of the ludopathic gathering to move some of my games, who left my old flat rue de Belleville and came back to my new one, rue de la Villette. Every year, I bring about 1.000 games to Etourvy, and I’m always surprised to see most attendees playing either unknown prototypes or games which I am sure d’ont belong to my collection.

According to both my feeling and the many pictures I have seen, the most played game during this five days was Mind Up. It’s a fun come back since the prototype of this very kniziesque card game was shown by its designer, Maxime Rambourg to its publisher, Catch’Up, last year in Etourvy. Other much played small box games were Antonin Boccara & Romaric Galonnier’s Focus,  Muneyuki Yokouchi’s Cat in the Box, Hisashi Hayashi’s The Number, Ken Gruhl & Jeremy Posner’s Mantis and, of course, Whale to Look, starting from Friday afternoon.

Among bigger boxes, but not necessarily more serious games, the hits were the zany and noisy Hand to Hand Wombat, for which a few advanced rules were designed, as well as the more serious cooperative games Kites, by Kevin Hamano, Kuzooka by Leo Colovini and DorfRomantik by Michael Palm and Lukas Zach. The latter is so ugly that, though nearly everyone played it, no one took a single picture of it.

Among party and vocabulary games, the most played were, like last year, Krazy Wordz, by Dirk Baumann, Thomas Odenhoven and Matthias Schmitt, but also two brand new games, Nomas Kurnia’s Hunch!, a strange game feeling a bit like a mix of Decrypto and Codenames, and the prototypes of Sides brought by the Captain Games’ team.

The most played boardgames wwere Paul Dennen’s Dune Imperium and Reiner Knizia’s Quest for El Dorado. None of them is new, but there has been a few recent expansions for Dune and a new edition of Quest for El Dorado gorgeously illustrated by Vincent Dutrait. Except for Ryan Lambert & Adam Rehberg’s Planet Unknown, which, by the way, was carelessly placed back in the box by its last players, most new big box heavy games flopped.

Back to role playing games ?

The unexpected comeback of tabletop rpg which has been much discussed these last months also affected Etourvy. In the very first Etourvy gatherings, in the mid nineties, many of the attendees were LARP friends, and there was the occasional tabletop rpg session. I even first discovered the nearby villages during a zany LARP in which the Mexican mafia, having discovered a way to produce cocaine from rapeseed, was trying to corner the local rape market, but was facing aliens whose stranded spaceship was running on rapeseed oil and vampires who were using to produce an elixir helping them to get off blood. 

For a few years now, Sébastien and Isabelle have been holding small murder parties in Etourvy. This year, Ghislain and Isabelle organized Around the earth in 80 days, while Mathias and Zephiriel held Papers. L’Equipe ludique’s movie making game, Two Rooms and Boom, and even in a way narrative boardgames such as Alice is Missing, also have something to do with role playing. Also, for the first time I think, several publishers had brought role playing books, and sometimes heavy and ambitious ones, for the prize table. I probably won’t go back to tabletop rpg, but it makes me want to play more larps, if I can fit them in my schedule.  

That’s it. Since more and more people are organizing stuff during the ludopathic gathering, I certainly missed one or two notable events. Anyway, thanks to al the attendees, thanks to all those who organized small and big games, thanks to all those who helped me in managing the even, thanks to the team at the Domaine Saint-Georges, and thanks to MeteoFrance, I hope they will be as efficient next year. See you next year.  

Portraits de joueurs par Antoine Bauza – Gamers’ portraits by Antoine Bauza

Mes photos – My pictures

Photos de Dylan et Tanya – Dylan’s and Tanya’s pictures

Photos d’Isa – Isa’s pictures

Photos de l’Equipe Ludique – Equipe Ludique’s pictures

Photos de Maeva – Maeva’s pictures

Photos de Marie G. et Martin Vidberg – Marie G. & Martin Vidberg’s pictures

Photos de Maud – Maud’s pictures

Photos de Régis – Regis’ pictures

Photos de Seb – Seb’s pictures

Photos de Sandra – Sandra’s pictures

Photos dun peu tout le monde – Various pictures from various gamers

Whale to Look – クジラオルカ

J’aime beaucoup les petits jeux de l’éditeur japonais Oink Games, mes préférés étant sans doute leurs trois grands succès, A Fake Artist Goes to New York, Deep Sea Adventure et Insider, mais aussi d’autres dont on parle moins, Durian, Mr Face, In a Grove ou Kobayakawa. J’aime aussi leur format, des petites boites bien remplies à l’esthétique minimaliste. Lors de mes voyages au Japon, à l’époque où j’étais un peu tout le temps au Japon, j’ai en outre eu l’occasion de croiser Jun Sasaki, créateur de la boite et auteur de la plupart des jeux, et l’ai trouvé fort sympathique.

Le format, les jeux, l’éditeur, cela faisait trois bonnes raisons pour essayer de temps à autre de caser un jeu chez l’éditeur tokyoïte. J’en ai même conçu un spécialement pour leurs petites boites, Maracas, qui a fini chez Blue Orange. Ne désespérant jamais, j’ai, fin 2022, encore envoyé les règles d’un petit jeu mêlant mémoire, estimation et prise de risque, qui n’avait pas encore de thème. Jun et son équipe l’on essayé, l’ont trouvé un peu trop exigeant et méchant pour leur public familial, mais Jun m’a demandé s’il pouvait essayer de le retravailler. À partir de la mécanique principale, les cartes cachées regardées à tour de rôle par les différents joueurs et les paris sur la valeur d’un groupe de cartes, il a imaginé très rapidement quelque chose de plus léger, et trouvé un thème amusant, l’observation des baleines et des orques. Le développement du jeu, que je n’ai regardé que d’assez loin, s’est donc fait très rapidement, au Japon.

J’aime beaucoup le titre anglais, Whale to Look, que certains Américains auraient sans doute trouvé raciste s’il n’avait été imaginé par un japonais. Le matériel, comme toujours chez Oink et comme vous pouvez le voir sur les photos, est extrêmement mignon.

Dans Whale to Look, les joueurs emmènent des touristes observer les baleines et les orques, mais il faut viser juste pour apercevoir les animaux. La baleine est toujours dans le coin où il y a le plus de poissons, la grande orque dans celui où il y en a le moins, et chacun à son tour, avant d’envoyer un bateau, peut regarder l’une des cartes qui constituent la mer et voir le nombre de poissons qui y figurent.

Whale to Look est un jeu de déduction, mais pas un pur jeu de logique. Si chacun dispose d’informations objectives, les cartes qu’il a vues, on ne peut gagner qu’en interprétant aussi correctement les actions des autres joueurs, et il peut parfois avoir un peu de bluff. Les jeux de ce type sont assez peu nombreux. les deux qui me viennent à l’esprit, deux jeux que j’apprécuie beaucoup, sont Cursed Court, de Andrew Hanson, et Divinare, de Brett J. Gilbert. Si vous aimez vraiment l’un de ces deux jeux, vous pouvez acheter Whale to Look les yeux fermés.

Whale to Look, en japonais la baleine blanche et la grande orque, est publié pour l’instant dans une édition bilingue français-japonais. J’ignore quand et comment le jeu sera distribué en Europe ou en Amérique, mais vous pouvez commander le jeu sur le site de l’éditeur. Vous pouvez même y acheter une peluche réversible, baleine blanche d’un côté, orque de l’autre…

Whale to Look – クジラオルカ
Un jeu de Jun Sasaki et Bruno Faidutti
2 à 5 joueurs – 30 minutes
Publié par Oink Games

Boardgamegeek


I really like the line of small games by Japanese publisher Oink games. My favorite ones are their three big hits, A Fake Artist Goes to New York, Deep Sea Adventure and Insider, but also lesser known ones, Durian, Mr Face, In a Grove or Kobayakawa. I also like the format, small boxes filled to the brim and a deliberately minimalistic aesthetic. While traveling in Japan, which I used to do a lot, I had the chance to meet Jun Sasaki, the founder of the company and designer of most of its games, and it is a really nice guy

The format, the games, the publisher, I had three good reasons to regularly try to have one my own small designs published by Oink. I even designed one specifically for their small rectangular boxes, Maracas, which in the end was published by Blue Orange. In late 2022, I sent them the rules and files for a small game, a mix of memory, estimation and risk taking. It was still an abstract game, I had not found a suitable theme. Jun and his team played it, found it too unforgiving, too much of a brain burner, for their line of light party and family games, but Jun asked me if he could try to rework it. Starting anew from the core system, hidden cards which players look at on turn before betting on the value of a group of cards, he designed something much lighter, and found a cute and suitable setting, ships carrying tourists to look at white whales and orcas. The development was very fast and made entirely in house in Tokyo, while I only vaguely looked at it from afar.

I especially like the English title of the game, Whale to look, a pun which Americans would probably have thought racist if it had not been devised by a Japanese! The components, as always with Oink, are incredibly cute, as you can see on the pictures.

The players in Whale to Look own ships and carry tourists whale watching. Most looked after are the big white whale and the big orca. The white whale is always in the place with the most fishes around, the orca in the place with the fewest ones. Every round, before sending their ship somewhere, players can secretly look at one of the sea cards and see the fishes on it.  

Whale to Look is a deduction game, but not a purely logical one. Every one has some infos, the cards they have seen, but one cannot win without also reading into the opponents moves, which means there is sometimes a bit of bluffing. There are few games like this, and the only two ones which I can think of now are Andrew Hanson’s Cursed Court and Brett J. Gilbert’s Divinare. If you like one of these games, you are sure to enjoy playing Whale to Look.

Whale to Look, in Japanese The white whale and the orca, is published so far in a blingual Japanese-English version. I have no idea if and when it will be available in the West, but you can order it from the publisher’s website. They even sell a reversible plushy, whale one one side, orca on the other.

Whale to Look – クジラオルカ
A game by Jun Sasaki and Bruno Faidutti
2 to 5 players – 30 minutes
Published par Oink Games
(2023)
Boardgamegeek