Terra

Votre but : sauver la terre, rien de moins, mais les autres joueurs sont là pour vous aider – enfin, plus ou moins. Terra est un jeu semi-coopératif conçu pour illustrer les thèmes de la paix et du développement durable. Semi-coopératif, cela signifie que si chaque joueur doit chercher à gagner la partie, il ne faut pour autant pas perdre de vue l’intérêt collectif. En effet, si chacun joue un peu trop “perso”, l’accumulation des crises conduit à une situation dans laquelle tout le monde est perdant.

Le politiquement correct n’ayant jamais été ma tasse de thé, j’ai été quelque peu surpris lorsque les organisateurs du forum international des cultures de Barcelone, en 2004, m’ont contacté pour concevoir un jeu sur le thème… paix, développement durable et diversité culturelle. J’ai commencé par refuser, expliquant que bien que n’ayant absolument rien, bien au contraire, contre la paix, le développement durable et la diversité culturelle, ma spécialité était plutôt le tronçonnage de dragons à la hache, et il a fallu qu’Oriol fasse le voyage d’Avignon pour parvenir à me convaincre.

Les toutes premières réflexions, vite abandonnées, ont porté sur une sorte de Colons de Catan sur Mars, planète sur laquelle il fallait surtout éviter de refaire les mêmes erreurs que sur terre. Le jeu soit avait du mal à s’affranchir de son modèle, soit ne parvenait pas à rester simple.

Je m’orientais alors sur une deuxième piste, celle d’un jeu de “semi-collaboration” dans lequel les joueurs doivent sauver la planète – rien de moins. Le principe du jeu est assez simple : les joueurs ont en main des cartes de valeurs différentes, qui peuvent servir à résoudre les différentes crises, sociales, diplomatiques et écologiques, qui surviennent au cours de la partie dans les différentes régions du monde. Les joueurs peuvent parfois marquer des points en contribuant à résoudre les crises, mais surtout et en mettant fort égoïstement des séries de cartes de côté. Tout le problème, bien sûr, vient de ce que les cartes ainsi mises de côté ne sont plus disponibles pour résoudre les crises, et que lorsqu’il y a trop de crises… boum, ça pête et tout le monde a perdu. L’idée est de faire réaliser aux joueurs que, bien que chacun cherche à gagner, si l’on ne domine pas collectivement les crises, alors le monde va à sa perte et tout le monde sort perdant.

La dynamique à l’œuvre dans Terra est celle du paradoxe d’Olson, également connu sous le nom de paradoxe du passager clandestin (lequel est une forme de sophisme de composition, etc…). En 1965, dans The Logic of Collective Action, Mancur Olson mettait en évidence ce qu’il appelait le paradoxe de l’acion collective, et qui est un peu une généralisation du célèbre dilemme du prisonnier. Olson étudiait alors la participation individuelle aux mouvements sociaux, notamment de type syndical, et expliquait sa faiblesse par les comportements de “passagers clandestins”. L’individu rationnel s’abstiendra de toute action collective, sachant qu’il bénéficiera de toute façon des avantages obtenus, alors que la participation a pour lui un coût, en temps et en argent. Bien évidemment, si tous les individus font le même calcul rationnel, aucune action ne sera jamais menée, et les intérêts collectifs du groupe n’ont alors aucune chance d’être atteints. Habituellement appliqué à l’étude des mouvements sociaux, le paradoxe d’Olson est également une approche pertinente des problèmes actuels de l’action internationale, notamment en matière d’environnement. Si chacun parie que les efforts pour, par exemple, réduire les émissions de gaz à effet de serre, seront supportés par les autres, on n’a pas fini d’avoir chaud. Bref, nous nous retrouvons tous passagers clandestins d’un avion sans pilote et bientôt à court de carburant.

À l’arrivée, le jeu tient parfois plus du chantage que de la collaboration désintéressée, mais c’est aussi cela la réalité. Mon expérience est qu’une partie sur deux, environ, se termine par une crise majeure et la défaite de tous les joueurs qui n’ont pas pu, selon les termes de la règle, mettre en place les conditions de la paix et du développement durable.

L’édition européenne de Terra n’a pas été un grand succès, mais le jeu a poursuivi son petit bonhomme de chemin en Chine, où il a connu deux éditions successives chez Jolly Thinkers. Le thème a très légèrement changé, puisqu’il n’y a plus que du développement durable, et qu’il faut éviter tout à la fois l’épuisement des ressources, le réchauffement climatique et la pollution. Je vous rassure tout de suite, on est toujours assez mal barrés. La dernière version, parue en 2018, est entièrement bilingue anglais – chinois, et magnifiquement illustrée par Ari Wong, dans le style qui a fait le succès de la série des Pick a Dog, Pick a Polar Bear et quelques autres. Je ne sais pas trop comment on peut se la procurer en France, mais j’espère bien que quelqu’un se décidera à l’importer, voire à faire une version française de la version chinoise.

Terra
Un jeu de Bruno Faidutti
Illustré par Bernard Bittler, puis Ari Wong
3 à 6 joueurs – 30 minutes
Publié par Days of Wonder (2003), puis Jolly Thinkers
Tric Trac    Boardgamegeek


Your goal : save the earth, nothing less, but the other players are here to help you – well, more or less. Terra is a semi-cooperative game designed to push the ideas of peace and sustainable development. Semi-cooperative means that, while each player tries to win the game, none must forget the common interest in solving social, eonomical and diplomatic crisis. If each players plays only in his own interest, the game is likely to end prematurely, with all players losing.

Since I’ve never really been really fond of political correctness, I was a bit surprised when I was asked by the Barcelona international cultural forum to design a game about… peace, cultural diversity and sustainable development. I first declined the offer, and explained that, though I hold absolutely nothing against peace, cultural diversity and sustainable development, I was mostly specialized in Dragons bashing and carving, usually with a two handed axe. Happily, Oriol made the trip to Avignon and managed to convince me.

I first thought of a kind of “Settlers of Catan on Mars”, where men had to develop the new colonized planet without making the same bundles they had made with the earth. Unfortunately, everytime I tried to make it more different from Catan, it became too complex or too strategic – and that wasn’t the idea.

That’s why I changed my mind and started to work on something completely different, and much more original, a “semi-collaboration” game in which players must… save the earth – nothing less. The basic idea is very simple: players have cards with different values that can be played to help solve all the social, diplomatic and ecologic crisis that occasionally erupt here or there in the world. Players can score points for helping to solve crisis, but score mostlt for, more egoistically, setting card series (suits or three of a kind) aside during the game. The problem, of course, is that the cards that have been set aside cannot be used anymore to solve crisis, and when there are too many crisis in play, it’s big bang and all players lose.The objective was to make people realize that, while they might not all win equally, they could easily all lose together if they do not, put their common interest forward with solving crisis together.

Well, the game actually sometimes feels more like blackmail than like unselfish collaboration, but that’s not completely unrealistic. My experience is that one game in two ends in a major crisis with all players losing, since they could not, as stated in the rules, create a situation of peace and sustainable development.

The dynamics in Terra comes from Mancur’s Olson’s paradox, also known as the free rider paradox. In 1965, in The Logic of Collective Action, Mancur Olson formalized what he called the paradox of collective action, and which is, in a way, a generalization of the prisonner’s dilemma. Olson was studying the individual involvement in social movements, like trade-unions. He argued that any rational self-interested individual will not take part in collective action, since he will in all cases benefit from its benefits, when his own involvement has a cost in time and money. Of course, when all individuals make the same rational calculation, no collective action can ever take place, and the group objective will never be achieved. The Olson paradox is often used in the studies of local or workers collective action, it could also apply to today’s international problems, especially when environmental problems. If every individual, every group, every nation bets that the main efforts to, for example, reduce the greenhouse effect gas emissions, will be supported by the others, it’s not going to get any colder. In short, we’re all free riders in a plane with no pilot and very little gas left.

The western edition of Terra, published by Days of Wonder, was not a hit, but the game has kept selling in China, with two successive editions made by Jolly Thinkers. The setting has been slightly modified to encompass three aspects of sustainable development – save resources, fight climate change and avoid pollution. We’re probably screwed. The last version, published in 2018, is fully bilingual, Chinese and English. The art by Ari Wong is really cute, in the same style which made the succes of of Pick a Dog or Pick a Polar Bear. I don’t know if and how one can get it in Europe or the US, but I hope someone will distribute it.

Terra
A game by Bruno Faidutti
Graphics by Bernard Bittler, then Ari Wong
3 to 6 players – 30 minutes
Published by Days of Wonder (2003), then Jolly Thinkers
Boardgamegeek

Rencontres ludopathiques 2016
2016 Ludopathic Gathering

Playing in the sun

Il ml’a fallu presqu’une semaine pour me remettre des rencontres ludopathiques. Je suis rentré de ces quatre jours – cinq pour moi, puisque j’étais à Etourvy dès le mardi – totalement épuisé et vaguement enrhumé. J’ai repris des forces, j’ai rangé un ou deux milliers de jeux dont beaucoup ne ressortiront plus avant l’année prochaine, j’ai posté sur Facebook les photos envoyées par les uns et les autres, et je m’attaque maintenant au traditionnel compte-rendu sur mon site web.

Je commence, parce qu’il faut le faire si je veux qu’ils reviennent ou qu’ils me renvoient des jeux l’année prochaine, par les remerciements aux éditeurs. Merci, donc, à  ceux qui sont venus en personne à Etourvy (Blue Orange, Gigamic (que j’essaie de faire venir depuis quinze ans), Iello, Tasty Minstrel Games, Days of Wonder, Letheia, FunForge, Matagot, Superlude, Portal, Libellud, Lui-Même, Sweet November, Horrible Games, Flatlined Games, MESABoardgames, Passport Game Studios, Purple Brain) et à ceux qui ont gentiment envoyé petits ou gros colis pour la table de prix (In Ludo Veritas, Edge, Blackrock, Matagot, Ravensburger, Abacus, Steve Jackson Games, White Goblin, FFG, Space Cowboys, Jolly Thinkers, Repos Prod, Gameworks , Tasty Minstrel, Philibert). Je ne sais pas quel était le plus gros colis, mais celui qui venait de plus loin était certainement celui de Jolly Thinkers, l’éditeur chinois de l’excellent CS-Files / Deception / Murder in Hong Kong – très joué tout au long du week-end.

Parce qu’il y avait de nombreux éditeurs, il y avait aussi de nombreux auteurs – à moins que ce ne soit l’inverse – et les prototypes ont beaucoup tourné. Ignacy Trzewiczek a installé ses premiers martiens sur une table qu’ils n’ont plus quitté du week-end. Bruno Cathala bougeait un peu plus, mais j’ai vu bien souvent le même jeu que l’an dernier, en plus vert et moins égyptien. On notait aussi les conséquences dramatiques du passage de Cthulhu dans le domaine public. Si je n’ai pas repéré les prototypes d’Arve, c’est parce qu’ils sont si bien faits que je les prenais régulièrement pour des jeux édités – et j’attends avec impatience le jeu de cartes avec des Samurais dont j’ai observé un bout de partie le dernier jour. J’arrête là, parce que si j’essaie de citer tous les auteurs, je vais inévitablement me fâcher avec ceux que je vais oublier, mais vous pouvez les chercher sur les photos.

Moi aussi, j’avais amené quelques protos, mais je n’ai pas eu vraiment le temps de les faire tourner et de me vendre auprès des éditeurs. Dolorès et Chawai, qui devraient tous deux sortir avant la fin de l’année, ont tourné un peu, mais sans moi. Tout juste a-t-on confirmé avec Benoit Forget, de Purple Brain, un deal qui était déjà dans l’air. Les rencontres ludopathiques sont de plus en plus professionnelles mais professionnellement je suis sans doute l’auteur qui en bénéficie le moins, trop occupé que je suis à la gestion de tout ce petit monde. Il y a un truc qui cloche…..

Codenames

Le grand succès des rencontres fut, sans grande surprise, le nouveau Taboo, Codenames, de Vlaada Chvatil. Il a été joué en français sur les jolies boites toutes neuves apportées par l’équipe de Iello, mais aussi en anglais, puis avec les cartes de Hall of Fame, un jeu italien sur les hommes célèbres, puis avec les cartes de Cards against Humanity, puis avec celles du Doigt dans la Chatte, le prototype de Martin Vidberg, et même avec vingt-cinq boites de jeu disposées en carré. On a envisagé un codenames grandeur nature avec 25 joueurs en guise de cartes, mais cela ne s’est pas fait.

Les autres grands succès du week-end, ceux que l’on voit toujours sur les photos, ont été Imagine, le jeu de dessins qui bougent de Shotaro Nakashima, et Potion Explosion. Lorenzo Silva, l’un des auteurs de Potion Explosion, avait fait le voyage depuis Milan. N’ayant pas encore joué à son jeu, je ne peux pas vous en dire beaucoup plus – si ce n’est que ça ressemble à un mélange entre Candy Crush et Harry Potter, et qu’il est rare que la foule éclairée des ludopathiques se trompe quand elle plébiscite un nouveau jeu.

Photo Party

Côté jeu d’ambiance débile en extérieur, le prototype de la nouvelle version de Photo Party, jeu de Laurent Escoffier qui se joue désormais par équipe, a donné des résultats étonnants. La deuxième partie, celle du samedi, a mobilisé trois équipes de 10 joueurs. Je poste quelques photos ci-dessous, vous en avez plus sur Facebook, et pour les règles, voire les contrats d’édition, il faut voir avec Laurent.
J’avais prévu le matériel pour un Hippo Gloutons grandeur nature, avec des joueurs hippos allongés sur des skateboard et brandissant des cuvettes en plastique, mais l’expérience s’est avérée peu convaincante et les balles de piscine ont été recyclées dans d’autres jeux – notamment Photo Party où elles ont permis de distinguer les équipes. On a fait aussi deux Brouhahas, un classique avec des  bruits d’animaux et un en chanson, mais je n’ai curieusement aucune photo !

Mission : Red Planet

J’ai eu un certain succès en faisant la promo de Kheops, dont les premières boites étaient arrivées juste à temps pour le week-end. Ce jeu à deux à la fois stratégique et chaotique (après tout, c’est Serge Laget et moi qui l’avons conçu) a été beaucoup joué. J’ai vu aussi pas mal de parties de Mission: Planète Rouge, Blood Rage, Black Fleet, Lanterns, Isle of Skye, Abracada quoi, Agent Trouble, Focus, Qui Paire Gagne, et de quelques petits jeux de cartes, Triout, Parade et Dao (ces deux derniers étant assez proches). Eric Hanuise venait peut-être à Etourvy avec l’intention de faire jouer Argo, mais il a eu la malchance de tomber sur ma boite de King’s Forge, un jeu qu’il adore mais qui est à peu près introuvable, et l’a donc fait tourner tout le week-end – moi, je n’y ai toujours pas joué. Ne pas confondre avec Dice Forge, le joli proto de Libellud, qui tournait pas mal aussi.
Sur la grande table qui, il y a quelques années, supportait les vastes paysages d’Heroscape, de riches insensés avaient installé un Cthulhu Wars avec toutes les extensions, sans doute le jeu le plus impressionnant sur les photos. Et puis, il y a eu les classiques des ludopathiques, auxquels je joue tous les ans, les incontournables Situation 4 et Clusterfuck.

Blood Rage

Ça, c’est ce que j’ai vu, mais il y avait tellement de monde et de jeux que j’imagine que d’autres joueurs ont vu autre chose. En effet, nous étions nombreux – cent vingt personnes environ le samedi – et certains, surtout les plus jeunes, bougeaient sans cesse. Nous avons clairement atteint la capacité limite du domaine. Le temps splendide nous a permis de pas mal nous étaler dans la cour et sur la pelouse, mais je ne sais pas bien comment nous aurions fait si, comme l’an dernier, il avait plu. L’absence de quelques habitués, partis pour Tokyo ou retenus en Suisse ou ailleurs, avait permis d’inviter de nouvelles têtes et de rajeunir un peu le public des ludopathiques, ce qui a été très apprécié. Le problème, c’est que si les habitués veulent revenir en 2017, il va falloir trouver des lits et des places à table pour tout le monde….. Bon, j’ai encore quelques mois pour réfléchir au problème.

Enfin bon, il fait beau, ce qui nous a permis de nous promener alentour, de jouer au Mollky ou à Photo Party, mais je ne vais pas m’attarder sur le sujet, les photos seront plus parlantes que mes mots.

À l’année prochaine.


Etourvy

It’s been almost a week since I went back from the ludopathic gathering with a truckload of games, exhausted and vaguely ill. I have not yet completely recovered from these crazy four days – five days for me since I was in Etourvy on Tuesday. I’ve had a few long nights of sleep, I’ve put back on their shelves a few thousand game, many of which will stay there until next year. I’ve posted the pictures taken by the attendees on Facebook, and now I must write traditional short report.

Let’s start with the publishers acknowledgements, which are required if I want them to come back or to send more games next year. Thanks to the publisher who personally attended the gathering (Blue Orange, Gigamic (which I had been trying to lure in Etourvy for fifteen years), Iello, Tasty Minstrel Games, Days of Wonder, Letheia, FunForge, Matagot, Superlude, Portal, Libellud, Lui-Même, Sweet November, Horrible Games, Flatlined Games, MESABoardgames, Passport Game Studios, Purple Brain) and to those who sent parcels with games for the prize table (In Ludo Veritas, Edge, Blackrock, Matagot, Ravensburger, Abacus, Steve Jackson Games, White Goblin, FFG, Space Cowboys, Jolly Thinkers, Repos Prod, Gameworks , Tasty Minstrel, Philibert). I don’t know who sent the biggest parcel, but I know the one coming from farthest away was CS-Files, aka Deception, aka Murder in Hong Kong, sent by a Chinese publisher, Jolly Thinkers. It was played a lot.

Because there were many publishers, there were also many game designers – or may be it’s the reverse – and prototypes were played as much as published games. Ignacy Trzewiczek had installed his first martians on a table and they didn’t leave it for the whole week-end. Bruno Cathala was moving a bit, but was often playing the same game as last year, only less Egyptian and more green. The dramatic impact of Cthulhu becoming public domain could also be witnessed here and there. I mistook a few of Arve’s nicely produced prototypes for published games, and even if I saw only a few rounds, I’m impatiently waiting for his small Samurai card game. Better stop here, because if I try to list all game designers, I will necessarily anger the ones I will forget – anyway, you can check all of them on the pictures below.

Like every other game designer, I had brought some prototypes, but I didn’t find the time and opportunity to get them played and shown to publishers. There were a few games of Dolorès and Chawai, both of which ought to be published later this year, but without me. Well, at least I manage to play a game and confirm a deal with Benoit Forget, of Purple Brain. The ludopathic gathering are more and more a place for business, which is certainly not a bad thing, but being always busy with organizing, I end up being the designer with the fewest business opportunities. There’s something wrong….

Potion Explosion

Unsurprisingly, this year’s big hit was the new Taboo, Vlaada Chvatil’s Codenames. It was played in French with the brand new boxes brought by the Iello team, but it was also played in English, played with the cards from Hall of Fame, an Italian game about celebrities, played with the cards from « Finger in the Pussy », a prototype by Martin Vidberg, played with the white cards from Cards against Humanity, and even played with actual game boxes. We planned about playing it with 25 people instead of cards, but it didn’t work out.

The two other big hits, the games that are on all the pictures, were Shotaro Nakashima’s game of moving pictures, Imagine, and an Italian game about Harry Potter playing Candy Crush, Potion Explosion. Lorenzo Silva, one of the designers of Potion Explosion, had made the trip from Milan. Since I’ve not played the game yet, I cannot tell much about it, but the educated crowd of the ludopathic gathering has rarely been wrong when praising a new game.

Photo Party

As for outdoors zany party games, the most popular this year was the new Photo Party prototype by Laurent Escoffier. Photo Party is now a team game, and the results – you can see some of them in the pictures album below – were surprising, especially when, on Saturday afternoon, we played with three teams of ten players. For more pictures, look on facebook, and for rules or for discussing a publishing contract, since the game is looking for a publisher, contact Laurent.
I had planned to play a live action Hungry Hippos, with hippos lying on skateboards and using plastic basins to capture swimming pool balls, but it didn’t work very well and we recycled the colored balls for other improvised outdoor games – including Photo Party. We also played two games of blind Brouhaha, one with animal noises and one with musical tunes, but surprisingly I have no picture of them.

Kheops

I successfully managed to push Kheops, whose first boxes had been delivered just on time for the gathering. this strategic and chaotic game (after all, it’s by Serge Laget and me) was much played. I also witnessed many games of Mission: Red Planet, Blood Rage, Black Fleet, Lanterns, Isle of Skye, Abraca…what?, Spyfall, Focus (a new party game by Mathilde Spriet, not available in English yet), Pluckin’ Pairs (just published in French), and a few light card games, Triout, Parade and Dao – the latter two being quite similar. Eric Hanuise had come to Etourvy with the clear intent to play Argo, but unfortunately he stumbled on my copy of King’s Forge, a game he likes a lot but which is impossible to get in Europe, so he spent much of his time teaching it – and I’ve yet to play it. There was some confusion at times between King’s Forge and Dice Forge, a nice looking prototype which was brought, I think, by Libellud.

On the big oval table which, a few years ago, used to support large Heroscape landscapes, some rich mad guys had installed a Cthulhu Wars set, with all the expansions. The pictures are impressive. I also played two games which have become classics at my gathering, Situation 4 and Clusterfuck.

Cthulhu Wars

This is what I’ve seen, but there were two main halls, and so many peopleand games that other attendees may have seen other stuff. We were more than a hundred people on Saturday, and some of us, especially the youngest ones, were perpetually moving around. We have clearly reached the maximum capacity of the place at Etourvy. Thanks to a gorgeous weather, we could spread to the courtyard and the lawn, but I don’t know how we could have managed with a rainy weather like last year. Many regulars were missing, some of them because they were at the Tokyo Games Market. This made room for new people, but if the regulars come back next yea, I’ll have troubles finding beds for everybody. Well, I’ve a few months now to think on the problem.

Anyway, the weather was good, which allowed some of us to walk around, to play Mollky and Photo Party, etc…. But pictures tell more about this than words.

See you next year.


Ignacy Trzewiczek’s video report

Mystère à l’Abbaye
Mystery of the Abbey

Cette abbaye tenue par les hospitaliers est une étape sur les chemins de Saint-Jacques. À votre arrivée, hier au soir, vous pensiez y trouver le calme et le repos. La découverte, au petit matin, du corps sans vie de frère Adelme, en contrebas du monastère, a rompu l’habituelle sérénité des lieux. Comment le jeune frère, aussi agile de pieds que d’esprit, a-t-il pu être entraîné dans pareille chute? Quelqu’un l’a-t-il aidé?

Mystère à l’Abbaye est un jeu d’enquête faisant part belle à l’intuition autant qu’à la déduction. Les joueurs enquêtent dans une abbaye médiévale, interrogeant moines et novices, feuilletant livres et parchemins, fouillant les cellules et le cloître. Dans une atmosphère recréée avec soin, le jeu est à la fois amusant, captivant et intense. Le matériel luxueux, l’interaction permanente entre les joueurs, le subtil jeu des questions, la dynamique de l’intrigue, font de Mystère à l’Abbaye un plaisir toujours renouvelé.

J’ai toujours été un grand joueur de Cluedo. Depuis longtemps, je rêvais de concevoir un jeu de déduction en “revisitant” le Cluedo comme mes amis de Ludodélire avaient revisité le Monopoly pour créer Supergang, comme j’avais moi-même exploité Risk et Civilisation pour faire La Vallée des mammouths.

La toute première version de ce jeu, dont il ne reste même pas une maquette, se déroulait dans un classique univers de polar. Dès la deuxième partie de test, un joueur suggérait de resituer le jeu dans un univers de science-fiction. Ainsi naquit La créature rouge avec un œil et huit tentacules. Les joueurs devaient retrouver la carte manquante en interrogeant leurs adversaires sur les cartes qu’ils avaient en main. Les questions étaient fermées, du type “combien as-tu de créatures vertes avec trois yeux et des antennes?”. Le jeu était certes intéressant, mais abominablement prise de tête, une sorte de mélange de Mastermind et de Cluedo – et j’ai découvert après coup qu’il ressemblait beaucoup au Sleuth de Sid Sackson. Je fis longtemps le tour des éditeurs avec une maquette sous le bras, pour m’entendre généralement répondre d’une part que ça ressemblait trop au Cluedo et au Master Mind et d’autre part que les jeux de science-fiction ne se vendaient pas. Je me résolus donc à reprendre le problème à l’origine, en ne gardant que le mécanisme de base des caractéristiques des suspects, qui me semblait bon.

La Créature rouge avec un œil et huit tentacules, un prototype de Hervé Marly et Bruno Faidutti.
The Red Creature with one eye and eight tentacles, a prototype by Hervé Marly and Bruno Faidutti.

Depuis longtemps aussi, je voulais collaborer avec Serge Laget, l’un des créateurs du regretté Gang des tractions avant. Je descendis donc le voir à Lyon, et nous eûmes une longue journée de brainstorming d’où il ressortit que le jeu devait se dérouler dans l’univers des “policiers médiévaux” très à la mode alors, sur un plateau représentant le monastère, où chaque pièce ou bâtiment permettrait des actions différentes. Nous nous quittâmes là-dessus, et ce fut la seule fois où nous avons effectivement travaillé ensemble, car chacun a ensuite gambergé de son côté. Craignant un peu le sérieux de Serge, grand joueur d’échecs et de 1830, je décidai d’introduire tant qu’il en était encore temps quelques éléments de chaos dans un système jusque-là bien réglé: ce furent les cartes qui tournent à chaque messe, les événements perturbant la sortie de l’office, et les questions ouvertes auxquelles on n’est pas tenu de répondre. Pendant ce temps, Serge Laget concevait le système de déplacement et le plan de l’abbaye, qui n’a quasiment pas changé entre la première maquette et la version finale.

Quelques coups de téléphone nous permirent de nous mettre d’accord, et chacun testa le jeu de son côté, avec ses équipes. Les maquettes firent le tour des éditeurs, et la version monastique excita bien plus leur curiosité que son ancêtre tentaculaire. Le jeu aboutit finalement chez MultiSim, un petit éditeur spécialisé dans les jeux de rôles.

La première version de Meurtre à l’Abbaye n’a pas été un franc succès. Il a fallu deux ans pour vendre les 3000 misérables boites françaises de la première édition, qui n’a jamais été traduite en anglais ou en allemand, et ce n’est qu’après que les collectionneurs ont commencé à me proposer des prix délirants pour un jeu dont je n’avais plus une boite.
Cet échec a sans doute plusieurs raisons. L’éditeur, Multisim, n’avait pas le réseau commercial adapté à ce genre de jeu, plus grand public que ses jeux de rôles. Les jeux de déduction, peut-être parce qu’ils sont peu nombreux (et ils sont peu nombreux parce qu’ils sont difficiles à concevoir), sont méconnus et méprisés des joueurs, qui les assimilent d’office au Cluedo (et si Meurtre à l’Abbaye est, par certains côtés, une parodie du Cluedo, ce n’est en aucune façon un clone de celui-ci). Si la maquette était assez réussie, l’éditeur, plus habitué à publier des jeux de cartes ou des jeux de rôles que des jeux de société, ne parvint qu’à produire une boite de jeu assez cheap, avec un plateau en carton souple et de vilains pions en plastique, et le tout pour un prix clairement trop élevé. En outre, Meurtre à l’Abbaye est paru alors que tous les joueurs – moi le premier – dépensaient toute leur fortune en cartes Magic.

Bref, un bon jeu sorti au mauvais moment, chez le mauvais éditeur et présenté maladroitement. Ce jeu méritait donc une seconde chance. Ayant récupéré les droits, je l’ai de nouveau proposé régulièrement à tous les éditeurs français et allemands, pour m’entendre répondre que ça ressemblait trop au Cluedo, que les jeux de déduction ne se vendaient guère, que publier un jeu à thème religieux pouvait exposer à de graves ennuis, et caetera.


Un matériel superbe, illustré par Julien Delval et Emmanuel Roudier.
Gorgeous components, illustrated by Julien Delval and Emmanuel Roudier.

 

Début 2002, alors que je n’y croyais plus guère, j’étais pourtant contacté par un franco-américain, Éric Hautemont, désireux de monter une nouvelle société d’édition de jeux de société, Days of Wonder, et qui, d’emblée, s’est montré intéressé par Meurtre à l’Abbaye. Serge, Eric et moi nous sommes rapidement entendus pour préparer une nouvelle version du jeu, avec de nombreux aménagements et clarifications des règles, mais sans aucun changement majeur.
Politiquement correct oblige, le jeu s’appelle désormais Mystère à l’Abbaye – mais c’est toujours d’un meurtre qu’il s’agit. C’est le même Cyrille Daujean, qui avait déjà réalisé la maquette de la première version, qui a également conçu la deuxième – mais avec un budget bien plus conséquent, ce qui a permis de faire appel à deux illustrateurs – Julien Delval (Citadelles, Aux Pierres du Dragon…) et Emmanuel Roudier (Castel, l’Or des Dragons). Meurtre à l’Abbaye, avec son plateau en carton fin, ses cartes en noir et blanc, ses pions et ses dés en plastique, est devenu Mystère à l’Abbaye, avec son superbe plateau de jeu, ses pions en “résine de pierre” (ça, c’est un concept!), sa clochette pour sonner la messe. Days of Wonder a en effet fait le choix de produire des jeux assez chers, certes, mais luxueux – car un beau matériel ajoute beaucoup au plaisir du jeu.

Cette seconde édition s’est fort bien vendue, suffisamment même pour que les gens de Days of Wonder se disent que les jeux d’enquête étaient, finalement, un bon créneau, d’autant que la concurrence y restait assez rare. C’est avec Antoine Bauza que mon compère Serge Laget a cette fois conçu Mystery Express, un jeu de déduction dans une ambiance très Agatha Christie, dont l’action se déroule dans l’Orient Express. Mystery Express est aussi un lointain cousin du Cluedo, mais plus sophistiqué, plus exigeant. C’est un jeu que j’apprécie vraiment, mais il était peut être trop complexe, trop sérieux et n’a pas eu le même succès commercial que Mystère à l’Abbaye. Days of Wonder a cependant voulu lui donner sa chance en ne réimprimant pas tout de suite son prédécesseur. Ils s’y sont finalement résolu, ce dont je ne peux que me réjouir – même si je regrette le relatif échec de Mystery Express.

Mystère à l’Abbaye
Un jeu de Bruno Faidutti et Serge Laget
Illustré par Emmanuel Roudier et Julien Delval

3 à 6 joueurs – 120 minutes
Publié par Days of Wonder (2003)
Ludovox          Tric Trac         Boardgamegeek


The peaceful Templars’ Abbey is a rare haven of tranquility for road weary travelers. And so you found it when you arrived late last night. That serenity was shattered this morning with the discovery of the lifeless body of Brother Adelmo at the foot of the Monastery’s cliffs. Did the usually nimble-footed Brother slip to his death? Or did someone help him in his fall?

Mystery of the Abbey is a new kind of “whodunit” game of deduction and intuition, set in a medieval abbey. Players compete and collaborate to solve the mystery by moving through the Abbey’s beautifully rendered board and questioning their brethren. Gameplay is in turn fun, captivating and tense; the atmosphere, vivid; the immersion, complete. Top notch components, constant interactivity between the players, intelligent questioning and dynamic intrigue make Mystery of the Abbey the game of choice for an hour of fun with friends and family alike.

I’ve always liked to play Clue and, for a long time, wanted to design a whodunnit game, a sort of “Clue revisited”, just as my friends at Ludodélire had revisited Monopoly to create Supergang, as I myself had explkoited Risk and Civilization to make The Valley of the Mammoths.

The very first version of the game, of which all that remains is a mock-up, took place in a classical thriller setting. From the second game, a player suggested to resituate the game in a science fiction world. Thus was born “The Red Creature with one eye and eight tentacles”. The players had to find the missing card by asking their opponents what card they had in their hands. The questions were closed, of the type “how many green creatures with three eyes and antennas do you have?”. The game was certainly interesting, but a little processional and abominably irritating, a sort of cross between Mastermind and Clue – and I later found out that it was also very similar with Sid Sackson’s Sleuth, that I didn’t know at this time. For a long time, I made a tour of the publishers, mock-up under one arm, only to hear eiter that it looked too similar with Clue or master Mind, either that science fiction games didn’t sell. I resolved to take this problem back to its origin, only keeping the basic mechanism of the characteristics of the suspect, which seemed to be good, and trying to make the game more dynamic.

La toute première édition française, Meurtre à l’Abbaye
The first french edition of Murder at the Abbey

For a long time, I wanted to work together with Serge Laget, one of the creators of the lamented Gang des Tractions. I went down to see him in Lyon, and we spent a long day brainstorming and out of this emerged that the game should be set in the world of mediaeval whodunnits, which were much in fashion at these times, on a board representing a monastery where each room in the building allowed a different action. We left each other at that, and this was the only time that we effectively worked together, because afterwards each of us pondered over the game separately. Fearing that Serge would be a little on the serious side, great player of Chess and 1830 that he is, I decided to introduce, whilst there was still time, some elements of chaos into a system which until then was very orderly: these were the cards which turned at each Mass, events which disrupted exit from the church and the possibility of open questions and declining to answer. During this time, Serge Laget developed a system of movement and the map of the abbey, that hardly changed between the first mock-up and the final version.

Several telephone calls – emails were not such usual in these times – allowed us to reach agreement and each of us tested the game from our own side with our own team. The mock-ups did the round of the publishers and the monastic version excited them much more than its tentacled ancestor. The game ended at Multisim, a small rpg publisher who had shown an early interest in it.

The first edition of Murder at the Abbey was a flop. Two years were necessary to sell the 3000 copies of the first and only french print run, and there has been no german or english language edition. Soon after the game went out of print, however, collectors started to offer incredible prices for it, but I had only two boxes left, and intended to keep them.
There are many reasons to this flop. First, the publisher, Multisim, didn’t have the commercial network for such a game, targeted at a much larger audience than their role playing games. Second, whodunnit games, probably because there are very few of them (and there are few of them because they are really difficult to design) are despised by many players, who believe they are all Clue-clones (and Murder at the Abbey is in part a Clue-parody, but it’s definitely not a Clue-clone). Third, if the graphics were nice, the game components were not first rate, since the publisher had no exeperience in publishing boxed boardgames, and the price was far too high for such a cheap-looking game. Last but not least, Murder at the Abbey appeared at a time when most players – including me – were spending all their hard-earned money in Magic cards.
All in all, a good game published at the wrong time, in a wrong edition and by the wrong publisher. This game deserved a second chance. I got the rights back, and started again submitting it to all french and german publishers, and always heard the same answers: it looks too much like Clue, whodunnit games don’t sell, publishing a game with a religious theme is too dangerous, et caetera.

Les personages ont été dessinés par Emmanuel Roudier.
The characters were drawn by Emmanuel Roudier.

 

In the first weeks of 2002, when I had nearly given up hope, I received a first email from a french-american guy, Eric Hautemont, who wanted to start a new game publishing company, Days of Wonder, and was already interested in this game, based on what he had heard about it. Serge, Eric and I soon made an agreement for a new version of the game, with many minor improvements and adjustments in the rules, but no major change.
Because of political correctness, the game will now be called Mystery of the Abbey – though it still deals with solving a murder case. The graphic design was made by the same Cyrille Daujean who had already made the first edition – but with a much bigger envelope for hiring illustrators. These are Julien Delval (Citadels, Fist of Dragonstones) and Emmanuel Roudier (Castle, Dragon’s Gold). Murder at the Abbey, with its light cardboard board, its plastic pawns and dices, its black and white cards, has become Mystery of the Abbey, with its wonderful map-like board, its “stone resin” (what a concept) monk figures, its bell for calling to mass. The policy of Days of Wonder is indeed to produce games with top-notch components, even when this means that they can be a bit expensive. I think they are right in doing this, and I hope you all think the same.

Le plateau a été dessiné par Julien Delval.
The board was drawn by Julien Delval

This second edition sold really well. It sold so well indeed that the Days of Wonder team thought that Whodunnit games were, after all, a profitable market niche with very little competition. So, they decided to publish a second one, Mystery Express, a deduction game designed once more by Serge Laget  but, this time, with the help of Antoine Bauza. The setting and characters remind of Agatha Christie’s novels, the action taking place aboard the Orient Express railway. Like Mystery of the Abbey, Mystery Express is a distant cousin of Clue / Cluedo, but it’s a more sophisticated one. I like it a lot, but it was probably too serious, too demanding for most gamers, and it didn’t sell as well as Mystery of the Abbey. Days of wonder really tried to push it, and decided not to reprint its predecessor for a while. After having been out of print for several years, Mystery of the Abbey is now back in stores. I’m glad of it, of course, even when I regret that Mystery Express made a relative flop.

Mystery of the Abbey
A game by Bruno Faidutti & Serge Laget
Graphics by Emmanuel Roudier & Julien Delval

3 to 6 players – 120 minutes
Published by Days of Wonder (2003)
Boardgamegeek

Le Collier de la Reine
Queen’s Necklace

Dans Le Collier de la Reine, les joueurs sont des joaillers qui cherchent à vendre à la cour, au meilleur prix, leurs plus belles créations. Il ne suffit pas pour cela d’être le meilleur artisan, de trouver les plus belles pierres et de faire les plus riches colliers, les plus belles bagues, les plus brillants diadèmes. Il faut aussi être un homme de cour, épier ses concurrents, jouer des intrigues des Tuileries ou de Versailles, connaître la dernière mode, les derniers potins, entretenir ses relations – le roi, la reine mais aussi la favorite qui lance les nouvelles modes, le très influent cardinal, et les toujours utiles voleurs et faussaires.

Le collier de la Reine est un jeu simple mais mouvementé, avec tous mes ingrédients préférés. On y trouve en effet du bluff, dans le choix des bijoux que chacun présente à la cour, et des cartes action, les personnages, qui créent une forte interaction entre les joueurs.

Tout est allé très vite avec ce jeu. Entre les toutes premières discussions avec Bruno Cathala sur un gros jeu de science fiction vaguement inspiré de Puerto Rico et la maquette d’un petit jeu de bluff à la cour du roi que nous avons présentée aux éditeurs au salon d’Essen 2002, il ne s’est écoulé que quelques semaines. À peine rentré du salon, un coup de téléphone nous apprenait que le jeu avait trouvé un éditeur – les sympathiques franco-américains de Days of Wonder.

Si son titre, emprunté à Alexandre Dumas, s’est imposé naturellement, le jeu ne cherche cependant pas à reproduire l’intrigue du roman, auquel nous ne pensions d’ailleurs pas à l’origine. Nulle effervescence révolutionnaire ici, et le roi a plus de favorites que la reine n’a de favoris. Les intrigues de cour feraient d’ailleurs parfois plus penser à l’affaire des ferrets de diamants qu’à celle du Collier – il y a même des cartes mousquetaires, qui nous situeraient plus à la cour de Louis XIII qu’à celle de Louis XVI.

Le jeu se présentait à l’origine sous la forme, très classique, d’un paquet de 110 cartes, un nombre magique dans la cosmologie de Carta Mundi, et nous pensions le voir publié dans une classique petite boite contenant deux decks de 56 cartes. L’éditeur ayant souhaité une présentation plus luxueuse nous a alors demandé d’intégrer au jeu… un véritable collier – il nous a fallu des semaines de tests et de réflexion pour finalement trouver la bonne carte, le bon effet pour ce collier, que je n’ai pas encore vu mais dont je ne doute pas qu’il soit du meilleur effet!

Les illustrations du jeu, dans un style superbe qui fait penser aux gravures de mode ou aux costumes de théâtre, sont l’œuvre de Humbert Chabuel et Pierre-Alain Chartier, qui réalisent également des séries d’animation ainsi que des costumes et décors pour la télévision et le cinéma.

Publié en 2003 par Days of Wonder, Le Collier de la Reine a connu le même sort que Aux Pierres du Dragon. Ces deux premiers jeux publiés par Days of Wonder se sont très honorablement vendus, mais le jeune éditeur n’avait pas très bien fait ses comptes, et ne gagnait pas vraiment d’argent dessus. Days of Wonder s’est alors orienté vers de plus grosses boîtes, et Le Collier de la Reine, comme Aux Pierres du Dragon, n’a pas été réimprimé. Depuis, Bruno et moi avons pas mal réfléchi à ce jeu, et nous avons conçu une nouvelle version, plus variée, avec de nouveaux personnages, et sommes à la recherche d’un nouvel éditeur. Si cela vous intéresse…

Le Collier de la Reine
Un jeu de Bruno Faidutti & Bruno Cathala
Illustrations de Pierre-Alain Chartier & Humbert Chabuel
2 à 4 joueurs – 45 minutes
Publié par Days of Wonder (2003)
Tric Trac    Boardgamegeek


In the Queen’s Necklace, players are jewellers trying to sell jewels at the court. To do this, it’s not enough to be the best craftman, to find and cut the most beautiful stones and ornate with with them the most gorgeous necklaces, rings and diadems. You must also be a court intrigant, spy on your competitors, know who and what is in fashion, listen to the latest court gossip, and stay in good terms with all influent people – the king, the queen, but also the favorite who starts trends and fashions, the influent cardinal and the useful, always useful, thieves and forgers.

The Queen’s Necklace is a simple card game, and uses my usual and favorite elements. There’s much bluffing and double-guessing, when choosing the jewels you will display at the court, and many action cards – the characters – to generate more interaction between the players.

Everything went very fast with this game. A few weeks after the first discussions with Bruno Cathala, by phone, about a big science fiction game vaguely similat with Puerto Rico, this light bluffing card game about XVIIIth century jewellers was finalized, just in time for the 2002 Essen fair. A few days after the fair, a phone call informed us that the game had found a publisher, the franco-american Days of Wonder team.

The name of game comes, of course, from Alexandre Dumas’ novel, but the game doesnt try to tell the book story, and we even didn’t have the book in mind when we started working on this game. No revolution turmoil here, and the king has more favorites than the queen does. The court intrigues may be more reminiscent of the diamond ferrets affair than of the Queen’s Necklace one, and there are even Musketeers cards, which shows that we may be more at the court of Louis the XIIIth than of Louis the XVIth.

The game we originally designed had 110 cards – magic number in the Carta Mundi cosmology – and we thought the publisher will publish it as a small card game, two 56 cards decks in a small box. Days of Wonder wanted something more glossy and asked us if we could find a way to add… a real necklace in the game. It took weeks of reflexions, emails and tests to find the best rule for it, so I hope the necklace will be really nice and worth the effort.

All the illustrations for this game were made by Humbert Chabuel & Pierre-Alain Chartier, in a wonderful fashion plate style. You can find out more about this graphic team on their website, okidokistudio. They also realize anime series, as well as TV and movie costumes and sceneries.

The Queen’s Necklace was published in 2003 by Days of Wonder but, unfortunately, suffered from the same problem as Fist of Dragonstones. It sold well, but their price had been fixed too low and the publisher didn’t really make money with it. That’s why they changed their policy and then published bigger games in bigger boxes. Neither Queen’s Necklace nor Fist of Dragonstones has been reprinted. Since then, Bruno and I have eventually worked on this game, and designed a new version, more varied, with more characters, and we’re looking for a new publisher. If you’re interested…

Queen’s Necklace
A game by Bruno Faidutti & Bruno Cathala
Art by Pierre-Alain Chartier & Humbert Chabuel
2 to 4 players – 45 minutes
Published by Days of Wonder (2003)
Boardgamegeek

Aux Pierres du Dragon
Fist of Dragonstones

La légende

Il était une fois, dans un pays lointain, une vaste forêt enchantée au creux d’une profonde vallée enserrée entre deux hautes chaînes de montagne. Cette vallée était divisée en plusieurs royaumes dont les princes combattaient depuis toujours, chacun voulant faire sous son autorité l’unité du pays. Symboles de puissance, les pierres magiques que les dragons conservaient dans leurs grottes, sur les contreforts des montagnes, étaient recherchées par tous, car la tradition voulait que celui qui les réunirait régnerait sur toute la vallée.

Comme beaucoup d’autres pourtant, les princes de ce pays finirent par préférer le confort de leurs châteaux à l’aventure et à la guerre. Plutôt que de risquer leur vie dans les montagnes à la recherche des gemmes enchantées, ils promirent de couvrir d’or et d’argent ceux qui leur apporteraient les pierres des dragons. La rumeur aidant, la forêt grouilla bientôt d’elfes, de magiciens, de lutins et autres créatures féeriques – tous à la recherche des pierres si convoitées.

Ce monde n’existe plus guère aujourd’hui que dans les légendes, et les pierres des dragons seraient sans doute oubliées de tous s’il n’y avait, dans un petit village au pied des montagnes, une taverne tenue par un vieil aventurier. Le soir au coin du feu, il conte parfois les vieilles histoires du pays enchanté. À ceux qui savent se faire apprécier d’eux, il leur montre même parfois sa collection de pierres magiques, avant de les défier au jeu, leur donnant ainsi une chance de repartir, eux aussi, avec une pierre du dragon.

Le jeu

Aux Pierres du Dragon est un jeu d’enchères à poing fermé unique en son genre pour 3 à 6 joueurs. Les joueurs s’affrontent en utilisant de l’or et des pièces magiques afin de s’approprier les pouvoirs magiques de chaque carte de personnage. Chaque personnage peut posséder les inestimables pierres du dragon, mais aussi certains pouvoirs magiques, des sorts que vous pourrez jeter à vos adversaires. Ils peuvent enfin vous permettre de convertir vos pierres du dragon en victoire.

Pour chaque carte de personnage, les joueurs choisissent le nombre de pièces avec lesquelles ils souhaitent renchérir et les placent dans leur poing fermé. Tous les joueurs révèlent alors simultanément leurs enchères, et le vainqueur prend le contrôle des pouvoirs de la carte. Le vainqueur utilise alors les pouvoirs des cartes de manière à accumuler les pierres des dragons, mais aussi à jeter des sorts sur les autres joueurs et enfin à gagner des points.

Après Citadelles

L’idée qui nous a guidé, Michael Schacht et moi, dans la conception des Pierres du Dragon, était loin d’être désintéressée. Il s’agissait en effet de reproduire le succès de Citadelles en concevant un jeu de cartes situé dans le même univers médiéval fantastique, procurant des sensations très proches mais construit sur des mécanismes complètement différents. Des magiciens et des dragons, donc, et même un voleur, et du bluff et de la psychologie, mais pas de draft pour le choix des personnages.

L’aspect le plus original du jeu est le système d’enchères, qui fait appel à différentes sortes de monnaie – or vulgaire, or des fées et argent – et permet quelques coups de bluff assez vicieux. Plus qu’un jeu d’enchères, Aux Pierres du Dragon est un jeu de psychologie, de double-guessing. Les ressources sont en effet très limitées, et il importe souvent moins de savoir de combien l’on dispose que de deviner ce que misent vos rivaux.

Le jeu s’inspire donc des vieilles légendes sur l’or des fées, cet or enchanté avec lequel les fées achètent parfois les services des humains, mais qui, le soir venu, quitte les bourses des hommes pour revenir magiquement au pays des fées. Les joueurs cherchent à bénéficier des pouvoirs des habitants de la forêt – dragons, trolls, fées et sorciers de tous poils – chacun de ces personnages vendant ses pouvoirs au plus offrant. Le but est d’acquérir les pierres magiques nécessaires à la fabrication de l’amulette encore plus magique, et caetera…Rien de bien nouveau côté thème, mais ça marche toujours, et on y croit. La maquette fut d’ailleurs aisée à faire, en reprenant des images de Citadelles, de l’Or des Dragons, de Castel et de Draco and Co.

Aux Pierres du Dragon à peut-être pâti d’une édition trop luxueuse. Le jeu s’est vendu très honorablement, mais l’éditeur, Days of Wonder, ne gagnait presque rien sur chaque boite vendue, et à donc préféré se reconvertir vers les plus grosses boîtes, sur lesquelles il est plus facile de concilier une présentation luxueuse et une marge correcte. Aux Pierres du Dragon n’a donc pas été réimprimé, et le jeu n’est plus disponible. Quoi qu’il en soit, Michael et moi en rediscutons de temps à autre et avons une nouvelle version plus variée, avec de nombreux nouveaux personnages, toute prête si un éditeur intéressé se manifeste.

Aux Pierres du Dragon
Un jeu de Bruno Faidutti & Michael Schacht
Illustrations de Julien Delval
3 à 6 joueurs – 45 minutes
Publié par Days of Wonder (2002)
Tric Trac    Boardgamegeek


The legend

Many, many years ago, an enchanted forest lay hidden between two great mountain ranges. The forest valley was home to several kingdoms whose rival princes battled with each other to unite the entire realm under one flag. To gain advantage, princes vied with each other to collect powerful magic amulets called Dragonstones.

Like many royals, over time the princes began to prefer the comfort and safety of their fortified castles. Rather than risk their own lives by venturing out to search for these amulets, they paid handsome rewards to those who could bring them stones. The allure of the princes’ wealth soon filled the enchanted forest with all manner of wizards, witches, dwarves, goblins, and many other enchanted creatures – all in pursuit of the magic Dragonstones.

This enchanted land is now almost entirely lost to legend. Yet, at a cozy inn, in a small forgotten village, the memory of Dragonstones is kept alive by the inn’s ancient proprietor. Even today, a nod from a knowing traveler may persuade him to recount some of the ancient tales. And if he takes a particular liking to you, he may bring out his own collection of magic stones, and challenge you to a simple game of luck and skill and a chance to grab your own Dragonstones!


The game

Fist of Dragonstones is an exciting, closed-fist, bidding game for 3 to 6 players. Players try to outwit their opponents by using gold and magic coins to buy control of an ever-changing cast of enchanted character cards. Those characters’ powers collect valuable Dragonstones; lend their magical powers; help foil other players, and convert Dragonstones into victory.

For each character card, players choose the number of coins they want to bid by placing them in a closed fist. All players reveal their bets at the same time with the winner of the auction then gaining control of the card’s powers. Depending on the card they may: win additional coins or Dragonstones; place spells on other players; or win scoring points.

After Citadels

Michael Schacht and I had a very precise idea in mind when we started working on this game. We aimed at a Citadels follow-up, a game in the same kind of medieval fantasy setting, provideing the same kind of experience but using completely different game systems. Wizards and Dragons, even a Thief, bluffing and double-guessing, but no drafting for character cards.

The most original and interesting aspect of the game is probably the bidding system, which uses three different currencies – common gold, fairy gold and silver – and allows for some nasty tricks. Fist of Dragonstones looks like a bidding game, and is technically one, but feels in fact much more like a pure double-guessing game, since it’s more important to feel what your opponents are bidding than to know exactly how much you can bid.

The storyline comes from the old legends about the enchanted “fairy gold” with which the fairies usually pay the humans who make some work for them. Humans take the gold, place it in their purse, but in the night the gold magically vanishes and comes back to the magic land. In Fist of Dragonstones there are cards figuring the various inhabitants of the deep magic forest – wizards, trolls, goblins, witches and even dragons. These creatures are as grasping as they are powerful, and players bid to have them use their magic abilities for them. The goal of the game is to get the magic stones that will help you to make the even-more-magic amulets, and so on… Nothing new, I know, but it works very well here. The prototypes were easy to make, using pictures from Castle, Citadels, Dragons Gold and Draco and Co.

This game paradoxically suffered from a too good, too luxuous, too gorgeous edition. It sold well, but the publisher didn’t really make money on it. After their exeriment with Queen’s Necklace and Fist of Dragonstines, Days of Wonder decided to publish bigger games in bigger boxes, and at a higher price, thus making easier to reconcile gorgeous production and sufficient profit margin. Fist of Dragonstones was not reprinted. It is now out of print for years, but Michael and I eventually discuss new ideas and new characters for it, and have a ready new and much improved version ready to show to any interested publisher.

Fist of Dragonstones
by Bruno Faidutti & Michael Schacht
Art by Julien Delval
3 to 6 players – 45 minutes
Published par Days of Wonder (2002)
Boardgamegeek