Rencontres Ludopathiques 2014
2014 Ludopathic Gathering

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La semaine dernière se déroulaient, à Etourvy, petit village de Champagne, les rencontres ludopathiques, dont c’était, je crois, le vingtième épisode. Ce qui n’était à l’origine qu’un week-end entre amis est peu à peu devenu aussi ma petite convention ludique privée voire – c’est l’autre Bruno qui le dit – pour quelques jours, le centre du petit monde ludique. On parle un peu business, les auteurs essaient de montrer leurs jeux aux éditeurs, les éditeurs de trouver la perle rare, mais la plupart des habitués sont simplement de vieux amis et l’ambiance reste avant tout décontractée – casual diraient les américains. J’aimerais réussir encore à conserver aussi longtemps possible cet équilibre bon enfant entre le professionnel et l’amical.

J’ai longtemps écrit des comptes rendus détaillés mais, comme l’an dernier, celui de cette année sera assez succinct, tant il est difficile de rendre l’ambiance d’un tel événement par un texte. Un coup d’œil aux galeries d’images avec des gens qui jouent, des gens qui rient, des gens qui courent donnera sans doute le meilleur résumé de ce long week-end.

Bien sûr, c’est épuisant, et je rentre un peu lessivé mais, comme chaque année, avec pas mal de chouettes souvenirs – et je prends sans doute un certain plaisir à être, pour quelques jours, la vedette et le maître des événements. Même si je passe une bonne partie du week-end à courir dans toutes les directions, j’ai quand même pu jouer un peu, discuter avec des amis que, pour certains, je ne vois plus guère qu’à cette occasion, et discuter ici et là de tout et de rien. Seul petit problème, le budget, que j’avais mal calculé cette année – l’an prochain, il faudra que je demande une dizaine d’euros en plus à chaque participant… Mais bon, rien de grave !

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Le premier jour, ce sont mes jeux qui ont été les plus joués, notamment Formula E, dont je venais de recevoir quelques premières boites, qui a été très apprécié. J’avais également quelques prototypes dont un, un petit jeu de cartes assez méchant conçu avec Eric M. Lang, qui après avoir été beaucoup joué les premiers jours a trouvé un éditeur. Un autre de mes projets, encore à l’état d’ébauche a beaucoup fait rire – vous le reconnaitrez aisément sur les photos, c’est le jeu où les joueurs ont un bandeau tantôt sur la bouche, tantôt sur les yeux.

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Je ne peux pas faire une liste de tous les prototypes joués pendant ce week-end, et certains auteurs préfèrent sans doute que l’on reste discret, mais j’en citerai quand même quelques uns. Bruno Cathala était bien chargé en boîtes de jeu, mais il a surtout fait tourner Five Tribes, installé à demeure sur une des tables de la salle du haut – ce jeu sort bientôt chez Days of Wonder, et dont j’ai enfin pu faire une partie. C’est un jeu très tactique, assez calculatoire, aux mécanismes extrêmement originaux, sans doute l’une des meilleures créations du Bruno des montagnes – j’ai quand même une pensée pour les nombreux exemplaires de Sacré Chameau qui ont dû être sacrifiés pour réaliser les prototypes, parce que Sacré Chameau, c’est aussi un sacré bon jeu. Time Stories, le jeu de cartes – jeu de rôles jamais terminé de Manuel Rozoy, à paraître chez les cow-boys de l’espace, a encore été testé et raffiné. Hervé Marly faisait rire tout le monde avec Il est interdit d’interdire. Rémy-Lee, qui semble bien être le nouveau Roberto Fraga, avait amené quelques jeux particulièrement loufoques, qui se jouent avec des miroirs ou des flacons de ketchup – on attend tous avec impatience ses premières sorties chez Haba.

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Deux éditeurs, Rick Soued et Rob Merickel, avaient fait le voyage depuis les États-Unis. Le premier a expliqué a des joueurs enthousiastes Francis Drake, l’un des quelques jeux monstres joués sur le week-end, mais a surtout beaucoup fait tourner le prototype de Cubist, un jeu d’Alf Seegert, et j’espère que nous l’avons convaincu que ce n’était pas un jeu sur l’art moderne mais un jeu de science-fiction – à voir. Le second a plumé tous les frenchies au poker, et a pu faire tourner un peu le prototype du jeu d’enchères que j’ai fait avec André Zatz et Sergio Halaban, et qui devrait sortir d’ici quelques mois – nom de code pour l’instant, Warehouse 51. L’extension de Mascarade a également un peu tourné, et on a même trouvé une excellente idée pour un nouveau personnage. Quant à Mission Planète Rouge, Bruno et moi avons enfin pu discuter et parfois valider ensemble les nombreuses modifications que nous sommes en train d’effectuer.

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Je sais, je parle surtout de mes prototypes, mais la raison est simple – des autres, je n’ai que quelques photos, et des photos qui ne disent généralement pas grand chose, ni thème, ni mécanisme, ni auteur – à l’exception des jeux de Rémy-Lee, que l’on reconnait aisément.

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Du côté des nouveautés à peine publiées ou qui vont bientôt sortir, le grand succès du week-end fut incontestablement un jeu ukrainien dont nous n’avions qu’une boite en polonais – mais on est des professionnels, quand même. Ce jeu d’enquête coopératif étonnant, magnifiquement illustré, set un peu un Dixit pour gros joueurs. Il fut joué tout le week-end – avec le plus souvent Maeva dans le difficile rôle du fantôme. Ont été aussi beaucoup appréciés Formula E, Pathfinder, Clusterfuck, Loony Quest, Nosferatu, Gravwell, Mystères, La Nuit du Grand Poulpe, Crazy Time. Certains ont détesté Shinobi Wat-Aah, pour moi c’est une des découvertes du week-end, et je suis convaincu que ceux qui le pensent incontrôlable ont tort; d’ailleurs, j’ai largement gagné. C’est un peu le contraire pour Splendor, que je n’apprécie guère mais qui a eu un beau succès. Animal Suspect sort en juillet, mais j’avais reçu une boite de préproduction, sans gobelet – elle a beaucoup tourné aussi.

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Côté retrogaming, les deux auteurs d’Armada se sont retrouvés autour d’une partie, remportée je crois par Philippe. J’ai repéré aussi quelques parties de Fallen Lands, un jeu dont je dois être l’unique possesseur en France et auquel quelques enthousiastes rejouent chaque année. Et puis, sur les photos, je vois les excellents Morgenland ou Samurai, et des trucs rigolos comme Situation 4.

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Il n’a presque pas plu, mais il faisait frais et nuageux, ce qui ne favorisait guère les ballades dans les bois et les jeux en extérieur. J’ai profité de ce que j’avais besoin de bandeaux pour un de mes prototype pour en commander suffisamment pour organiser un brouhaha les yeux bandés – ça m’a eu l’air beaucoup plus drôle que dans la version classique, mais je ne peux pas vraiment juger, n’ayant pas moi-même porté de bandeau. Comme chaque année, il y a eu du Battletag, une partie de jour et une de nuit dont je n’ai pas de photos. Manu a aussi animé quelques séances de Two Rooms and a Boom.

Voila, c’est tout – un grand merci à tous les participants, à l’équipe du Domaine Saint-Georges à Etourvy, et aux éditeurs listés ci-dessous qui ont contribué à ce week-end en envoyant des jeux ou en faisant le déplacement – j’espère que je n’oublie personne.

Abacus, AEG, Asmodée, Days of Wonder, Eagle Games, Fantasy Flight GAmes, Flatlined Games, FunForge, Gameworks, Gigamic, Grosso Modo, Gryphon, Horrible Games, Iello, In Ludo Veritas, Letheia, Libellud, Ludicreations, Lui-même, Matagot, Passport Games, Schmidt, Space Cowboys, Steffen Spiele , Superlude, White Goblin, Zoch


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Last week, the Ludopathic Gathering took place in Etourvy, a small village in the Champagne countryside. I think it was the twentieth time or so. What was originally a gaming week-end with friends has also become my very own small private gaming convention. There’s some business talk, authors show their games to publishers, publishers look for some interesting new games, but it’s still mostly casual gaming between cool and friendly people   week-end dernier . I’d like to keep this balance between the friendly and the professional aspect.

I used to write long reports but, like last year, this one will be short, because it’s difficult to report the mood of such an event in a text. A look at the many pictures of people playing, laughing, talking and running is probably the best report.

Of course, I’m worn out but, like every year, I come back with nice memories – and I enjoy being at the center of everything for a while. Even when I spent a good deal of these three days running in every directions, I found opportunities to play some games, and to talk with friends, including a few ones I now see mostly on this occasion. The only small issue this year is the budget, which i hadn’t reckoned accurately – next year, I’ll probably charge each attendee a dozen euros more – anyway, nothing serious.

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On the first day, the most played games were clearly mine, and notably Formula E, of which I have received a few advance copies. I also had a brand new prototype, a light and nasty card game designed with Eric M. Lang, which was played so intensely that a publisher decided to take it. Another one of my prototypes made for some good laughs – you can easily sport it on the pictures, it’s the one with players having a blindfold sometimes on their mouth, sometimes on their eyes.

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I cannot make a full list of the prototypes played this week-end, and some authors probably prefer some secrecy, but I’ll nevertheless list a few ones. Bruno Cathala had a bunch of game boxes, but he concentrated on Five Tribes, which occupied a table on the upper room for the whole gathering. Five Tribes, which will be published by Days of Wonder, and I finally managed to play it. It’s highly tactical, very dynamic, sometimes a bit of a brain burner, with very original game systems, and it’s probably one of the best games by the mountain Bruno. I nevertheless have a sad thought for the many copies of the great Blazing Camels that were cannibalized into the prototypes. Time Stories, the board-role playing game designed by Samuel Rozoy was once more play tested and fine tuned. Hervé Marly had one more stupid party game, Forbidden to Forbid. Rémy-Lee, who seems to be the new Roberto Fraga, had brought some zany games played with mirrors or with ketchup and mustard bottles – I’m waiting for his first games with Haba.

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Two US publishers, Rick Soued and Rob Merickel, had made the trip. The former played a long game of Francis Drake with enthusiastic players, but mostly demoed Alf Seegert’s Cubist, which he wants to publish – and I think everybody here tried to explain him that science-fiction would make a better and more fitting theme than Modern Art – I hope we convinced him. The latter played the auction game I have designed with André Zatz and Sergio Halaban – code name Warehouse 51 – that he will publish next year, and crushed the frenchies at poker. I played a few games of the Mascarade expansion, and we even added a new fun and highly chaotic character. I played Mission Red Planet with the other Bruno, we validated some changes and discussed a few more.  You might think I’m writing mostly about my own prototypes – that’s true, but one of the reasons is that I have only pictures of other designers’ ones, and usually pictures that don’t say anything about theme, mechanism or author – the only games easy to attribute are Rémy Lee’s ones.

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Of course, we didn’t play only prototypes. The major hit of the week-end was nevertheless almost as mysterious – an Ukrainian game of which we only had a Polish copy. Anyway, we’re pros, we can manage. This strange and gorgeously illustrated cooperative whodunnit game feels a bit like the hardcore gamer’s Dixit. It was played all over the week-end, often with Maeva as the ghost, a difficult role. There were also regular plays of Formula E, Pathfinder, Clusterfuck, Loony Quest, Nosferatu, Gravwell, Mystères, La Nuit du Grand Poulpe, Crazy Time. Some players disliked Shinobi Wat-Aah, but it was one of my favorite new games; Those who say it’s uncontrollable are wrong, and the best token of it is that I won. It’s the reverse for Splendor – I don’t really care for it, but it was intensely played and most like it. Animal Suspect is not out yet, but I had a preprod copy which was also much played.

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There was also some retrogaming. The authors of Armada, French 1986 game of the year, played their first game for quite long – I think Philippe won. I’ve spotted a few games of Andrei Burago’s Fallen Lands, a game which is played every year by a few fans. I also notice on the pictures games of Morgenland or Samurai, and a few fun things like Situation 4.

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It didn’t rain, but it was cold and cloudy, not the best for walking through the woods and playing outdoor games. Anyway, since I needed a few blindfolds for one of prototypes, I had ordered a hundred more to play blindfolded Brouhaha, and it was really a blast. Like every year, there were a few games of Battle Tag next to the river, including one in the night – but I don’t have any picture of it. Manu also mastered a few fun sessions of Two Rooms and a Boom.

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That’s all folks. Many thanks to all the attendants, to the Domaine Saint Georges team in Etourvy, and to all the publishers who joined us or send us games – see the list below. I hope I don’t forget anyone.

Abacus, AEG, Asmodée, Days of Wonder, Eagle Games, Fantasy Flight GAmes, Flatlined Games, FunForge, Gameworks, Gigamic, Grosso Modo, Gryphon, Horrible Games, Iello, In Ludo Veritas, Letheia, Libellud, Ludicreations, Lui-même, Matagot, Passport Games, Schmidt, Space Cowboys, Steffen Spiele , Superlude, White Goblin, Zoch

 

 

Formula C vs Elephant Cup

Quelques jours avant mes boites de Formula E, j’ai acheté Camel Cup. Tous deux sont des jeux de course simples et rapides, mais ils n’ont pour le reste pas grand chose à voir. Camel Cup, auquel je n’ai pas encore joué mais qui a l’air bien amusant, est un jeu de pari dans lequel on ne sait pas très bien qui a misé sur quel chameau – un genre que j’ai toujours apprécié, dans la lignée de Jockey, La Course des Tortues ou La Poursuite en Ballon; Formula E est un jeu de course où chaque joueur pilote un éléphant, plus dans la lignée d’Ave Cesar. Les chameaux de Camel Cup se montent dessus, les éléphants de Formula E se contentent de se bousculer.

Il n’empêche qu’il y a a, dans le titre et le traitement graphique, un esprit commun ! On pourrait avoir Formula C et Elephant Cup – C’était dans l’air…

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A few days before I got my advance copies of Formula E, I bought a copy of Camel Cup. Both are light and fast paced race games, but they have nothing in common in their mechanisms. Camel Cup looks great from reading the rules but I have not played it yet. It is a betting game in which one doesn’t know what camel the other players have bet on, a genre I always liked, in the line of Jockey, The Great Balloon race or Ribbit. Formula E is a more classical race game, in which every player controls an elephant, more in the line of Ave Caesar. Camels in Camel Cup can be stacked one on top of another, while Elephants in Formula E can push one another.

Anyway, the puns in the game names and the graphic styles feel a bit similar. They could have been names Formula C and Elephant Cup! Fun coincidence.

La Volonté de Savoir
The Will to Knowledge

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Ne me demandez pas si ce post est un canular – je n’en sais rien moi-même.

Relisant récemment La Volonté de Savoir, de Michel Foucault, j’ai été frappé par les nombreux parallèles qu’il me semblait pouvoir tracer entre ce que je lisais et mon expérience du jeu. Sur bien des points, l’histoire des discours sur le jeu me semble en effet reproduire, mutatis mutandis, l’histoire des discours sur la sexualité tels qu’ils sont mis en évidence dans ce premier tome de l’Histoire de la Sexualité. Cette thèse mériterait une étude plus poussée, appuyée sur une véritable recherche historique, et je me contenterai de présenter ici quelques indices ponctuels, de suggérer quelques pistes, en espérant que quelqu’un aura l’envie, le temps et les outils intellectuels qui me manquent pour l’approfondir. Foucault revendiquait volontiers le caractère ludique de sa démarche, mais il n’a jamais, je crois, envisagé le jeu comme sujet d’étude.
Même si elles ne peuvent pas toujours être poussées très loin, les analogies ponctuelles sont nombreuses et parfois amusantes. Lorsque Foucault, par exemple, décrit les condamnations de la masturbation adolescente au XIXème siècle, avec des arguments relevant autant de l’hygiène que de la morale, j’ai cru relire les nombreux articles de journaux dans lesquels des spécialistes plus ou moins autoproclamés  condamnent aujourd’hui la pratique nocturne et solitaire des jeux videos. Tout comme les hygiénistes victoriens faisaient mine de croire que la masturbation est le propre de l’adolescence, certains psychologues d’aujourd’hui semblent d’ailleurs souvent ignorer que l’on peut jouer aux jeux video après vingt ans.

Au fil de la lecture, d’autres analogies apparaissent ici et là, comme entre l’interdit de l’inceste et celui du duel, entre l’hystérie et le jeu d’argent, mais ce n’est pas l’essentiel. Au delà de tel ou tel détail amusant, ce qui frappe, c’est à quel point l’analyse globale que Foucault fait de l’histoire des discours de la sexualité en Occident pourrait facilement s’appliquer, quoi que sur un mode mineur, au jeu.

Foucault écrit, du moins si on le résume rapidement et assez grossièrement, que du Moyen-Âge au vingtième siècle, le sexe a été moins l’objet d’une répression que d’une injonction au discours, puis à l’analyse, qui aboutit à faire de la sexualité, pour la culture occidentale, la vérité profonde et jamais réellement cachée de l’homme. La psychanalyse, la libération sexuelle, le féminisme, toutes les formes récentes de dévoilement du sexe, n’auraient donc rien de révolutionnaires mais ne seraient qu’une nouvelle modalité de la sexualité comme outil de contrôle social.
On voit bien qu’il est possible de dire un peu la même chose du jeu. Le jeu n’a jamais été globalement réprimé, mais il a toujours fait l’objet de discours moraux très critiques qui, d’une autre manière, en faisaient un peu la vérité de l’homme. Si le jeu des enfants était largement accepté, voice encouragé parce que formateur, le jeu adulte semblait un gaspillage d’énergie tout comme le sexe non reproductif. En même temps, tout comme le sexe, le jeu semblait quelque part un secret de l’homme, un secret sans doute secondaire et bien moins universel que le sexe, mais un secret quand même, méritant analyses et discours. Les excès dans le sexe et dans le jeu ont d’ailleurs souvent partie lié, du libertinage d’un Casanova à l’imaginaire – et peut-être la réalité – de la prohibition. La pathologisation de certaines formes de jeu – en particulier le jeu d’argent, le plus immédiatement dangereux pour la logique capitaliste – rejoint la pathologisation de certaines formes de sexualité – en particulier l’homosexualité. La psychanalyse, depuis Freud, renvoie l’homme à la sexualité; nous n’avons pas de psychanalyse le renvoyant au jeu, mais elle est intellectuellement tout à fait concevable, et je ne serais guère étonné de la voir arriver bientôt.

Dans les années soixante, certains ont pensé que la libération sexuelle était révolutionnaire. Foucault, qui se moque à l’occasion des « Marcuseries », n’y croyait guère, et l’histoire lui a donné raison. Les homosexuels ne veulent plus faire la révolution, ils veulent se marier et avoir des enfants.
Aujourd’hui, le jeu commence semble à son tour se dévoiler, semble être partout. La mode du poker montre que le jeu d’argent n’est plus une perversion. Les jeux videos se veulent soit huitième, neuvième ou dixième art, soit technique de formation des plus sérieuses. On parle avec emphase de « gamification » du monde. Personne, cependant, n’y voit les prémisses d’une révolution – dommage, nous aurions tort, mais au moins ce serait marrant.


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Giacomo Casanova, 1725-1798

Don’t ask me if this post is a joke – I’m not sure.

Recently, while rereading Michel Foucault’s The Will to Knowledge, I was stricken by the many analogies between what I was reading and my experience of games and gaming. It seems to me that the history of discourses on game is, mutates mutandis, very similar with the history of the discourses on sexuality as Foucault tells it in this first book of his History of Sexuality. Of course, this hypothesis would require a much more serious work, based on extensive historical surveys. I won’t do it, but I’d like to emphasis here some factual evidence examples, and suggest some directions. May be someone will have the will, the time and the academic tools I lack to delve deeper in this. Foucault sometime claimed the playful aspect of his work and method, but never, as far as I know, considered game as a research topic.

Even when most of them can’t be pushed very far, the one-off analogies are numerous, striking and often fun. When Foucault discusses how XIXth century physicians condemned teenagers masturbation, based on both hygienic and moral issues, one feels like listening to the condemnation, usually by self-proclaimed psychologists, of the nightly and solitary practice of video games. Furthermore, when XIXth century hygienists seemed to believe that masturbation is practiced only by adolescents, many XXth century « specialists » write as if no one played video games after twenty.

There are many other striking analogies, like between the bans on incest and on duel, between hystery and gambling, but that’s not my main point. What’s most impressive is how Foucault’s global theoretical analysis of the history of the discourse on sexuality can be applied, on a minor key, on game.

A short and very rough resumé of Foucault’s theory could be that, from the Middle Ages to the XXth century, sex was not globally repressed in the Western World, as was often said in the seventies; on the contrary, there was an injunction to track of and analyze sex. The result of this recurring injunction was that sex became, for the western culture, the deepest truth of human nature. Psychoanalysis, feminism, sexual revolution and all such recent movements who tried to unveil sexuality were therefore not revolutions, but just new ways of using sexuality for social control.
Something very similar can be said about game. Game was never globally repressed, but it was always the object of a critical moral discourse which supposed that it was part of the deep human nature. Children games were tolerated, or even encouraged because it was part of education, but adult gaming were seen as waste of energy, like non reproductive sex. In the same time, game was considered to be part of the secret of human nature – a secondary secret, less moving and universal than sex, but a similar secret, worth analyzing and talking about. Excesses in games and in sex were often related, as can be seen in the figure of the libertine Casanova or in the imaginary dimension of prohibition mobsters. The pathologization of some forms of gaming – and specifically gambling – is very similar, and has the same function, as the pathologization of some sexual behaviours, like homosexuality. Since Freud, Psychoanalysis has always sent the man back to his sexuality; there’s no psychoanalysis based on gaming, but it’s very easy to imagine one, and I wouldn’t be surprised to see it emerge soon.

In the sixties, many thought that sexual liberation was the first step to revolution. Foucault mocked Marcuse, and didn’t believe it. History proved him right – homosexuals now don’t want to make sexual revolution, they just marry and have kids. 
Gaming liberation, gamin unveiling is now on the way. Gaming is everywhere. Everybody plays poker, and gambling is no more a perversion. Video games claim to be an eighth, ninth or tenth art form. Some even talk emphatically of the gamification of the real world. But no one thinks to believe this is the start of a true political revolution. Pity – it would be wrong, but it would be fun.

Machines et méchanceté
Engine Building and Nastyness

J’ai récemment fait ma première partie de Splendor. Si je vois très bien pourquoi ce jeu peut plaire à certains – en gros à ceux qui se pâmaient sur les jeux de Reiner Knizia il y a une quinzaine d’années – il m’a personnellement laissé un peu sur ma faim. Surtout, j’y ai éprouvé un peu les mêmes sensations qu’en jouant à des jeux de « deckbuilding » comme Dominion ou Ascension, dont je ne suis pas non plus un grand fan. Le deckbuilding, s’il reste une innovation mécanique intéressante pour les auteurs de jeu, n’est en effet que l’un des manières de concevoir un jeu dans lequel chaque joueur, plus ou moins indépendamment, va construire sa « machine » à générer des points de victoire, machine qui va peu à peu grossir, et tourner de plus en plus vite. Ce principe se trouvait déjà dans bien des jeux de développement avant l’invention du deckbuilding – je pense à certains jeux de Martin Wallace, comme Automobile, ou à des jeux de développement sophistiqués comme Agricola. Tous ces jeux de « construction de machine »  sont donc à la fois des jeux de course et des jeux de gestion.

Les Colons de Catan sont sans doute le premier jeu d’ « Engine Building » moderne, et ils restent très interactifs, du fait notamment des nombreuses possibilités de blocage. Par la suite, plus les machines sont devenues sophistiquées, plus les auteurs ont jugé sage de laisser chaque joueur se concentrer sur la sienne – d’adversaires, les partenaires de jeu sont devenus des concurrents. Le joueur qui, à Splendor, s’aviserait de vouloir s’amuser en jouant plus pour bloquer un adversaire que pour maximiser son score serait aussitôt puni par les mécanismes du jeu, car cela ne ferait que favoriser les tiers. C’est sans doute ce qui me gêne un peu dans Splendor, dans Dominion et dans pas mal d’autres gros jeux récents.

Tout ceci pour en venir à une réflexion sur la classification des jeux. On a coutume de distinguer les jeux compétitifs, qui recouvrent la quasi-totalité des jeux de société actuels, des jeux coopératifs, à la mode depuis quelques années mais encore assez peu nombreux. Il serait sans doute utile de distinguer, au moins en théorie, entre deux types de compétition, selon que chaque joueur joue plus contre les autres ou pour lui-même. Nous aurions alors, par ordre croissant de violence sublimée, les jeux de coopération auxquels on joue tous ensemble, les jeux de concurrence auxquels on joue chacun pour soi, et les jeux d’affrontement auxquels on joue les uns contre les autres, ou, pour le dire autrement, les jeux où les autres joueurs sont des partenaires, ceux où ils sont des concurrents et ceux où ils sont des adversaires.  Bien sûr, cette classification reste toute théorique, beaucoup de jeux ayant du mal à entrer dans l’une ou l’autre case, mais elle peut nous aider à comprendre le succès actuel des jeux de concurrence pacifique, peu interactifs, dont les jeux d’Engine Building ne sont que l’une des modalités.

J’ai déjà expliqué, dans un article précédent, pourquoi la mode des jeux de coopération dans les milieux bobos, écolos ou non-violents – dont je me sens pourtant assez proche – reposait, come souvent les phénomènes de « politiquement correct »,  sur une erreur d’analyse. Je me demande si le succès actuel des jeux de compétition sans affrontement direct, où l’on joue chacun dans son coin, et parfois chacun sur son petit plateau, n’est pas une forme atténuée, et moins consciente, de la même illusion – l’idée que l’on serait moins méchant, et donc plus cool et plus moderne, parce que l’on joue à des jeux moins méchants. C’est bien sûr faux, le propre du jeu étant d’être déconnecté du réel, et le seul résultat est que l’on s’amuse moins. Un parallèle intéressant pourrait sans doute être fait avec la sexualité, mais je garde cette idée pour un article à venir.

Une petite remarque m’est venue à l’idée après-coup. De plus en plus souvent, les éditeurs qui désirent publier un de mes jeux me demandent de le rendre moins imprévisible, de diminuer le rôle du hasard ou les possibilités de mettre des bâtons dans les roues – ou les pattes, je ne sais jamais – des adversaires. Leur justification est toujours la même, voir un plan bien conçu s’écrouler sur un coup de malchance ou sur une vengeance mesquine de dernier tour créerait chez le joueur un sentiment de frustration. C’est sans doute vrai, mais comme le fait souvent remarquer Bruno Cathala (qui doit pourtant beaucoup aimer Splendor), cette frustration non seulement n’enlève rien au plaisir du jeu, mais y ajoute sans doute beaucoup. Interrogez n’importe quel joueur de poker, ses meilleurs souvenirs sont les mains qu’il a perdues alors qu’il n’aurait jamais dû les perdre – les machines qui n’ont pas fonctionné comme prévu.


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I’ve recently played my first game of Splendor, and it fell flat for me, though I can perfectly well see why some players love it – mostly those players who loved Knizia designs fifteen years ago. The game flow felt very much like in deck building games such as Dominion or Ascension, of which I’m not a great fan either. Deckbuilding is an interesting mechanical innovation for game designers, but it’s only one of the many ways to design a game in which each player builds a « victory point machine » which becomes bigger and runs faster as the game goes on. This existed before deckbuilding, in management games such as Martin Wallace’s Automobile, or in complex development games like Agricola. All these « Engine building » games are both management game and race game – and, well, management is often just a race.

Settlers of Catan was probably the first modern « Engine Building » game. It was very interactive, in part due to the opportunities for blocking opponents. Later, when machines became more complex, designers decided to let each player concentrate on his own, and opponents became competitors. In Splendor, if a player takes a card to block or hinder an opponent and not to maximize his score or his development opportunities, the only result is to hall third party players to win. That’s what irritated me in this game, like it did in Dominion, and in many other recent games.

This leads me to a new variation on an old topic, games classification. A usual distinction is made between competitive games, which cover more or less all of modern boardgames, and cooperative games, a trendy but still relatively scarce category. It might be relevant to divide the former group, depending on whether each player plays mostly against opponents or for himself. We would therefore have three categories, from the coolest to the nastiest one, cooperative games in which all players play together, peaceful competitive games in which each player plays for himself, confrontational games in which players play against one another. To put it otherwise, the other players can be partners, competitors or opponents. Of course, this classification is purely theoretical, and in practice many games resist being placed clearly in one category, but it can help to understand why peacefully competitive games with little interaction, and among them Engine Building games, are becoming so popular.

I already explained, in a former post, why I was bothered by the actual popularity of cooperative games among liberal groups, and why I think it is based, like most politically correct trends, on the mistaken assumption. I wonder if the popularity of competitive games with no direct confrontation, in which each player plays for his own sake, and sometimes on his own small board, is not a lighter and less conscious version of the same assumption – the idea that we would be less nasty, and therefore cooler and more modern, if we play less nasty games. It’s wrong for a simple and obvious reason, that the very nature of games is to be disconnected from reality, and the only measurable effect of this trend is that players have less fun playing. An interesting parallel could probably be drawn with sexuality – but this will be for a later post.

An additional remark after thinking a bit more on this. Publishers ask me more and more systematically to reduce the randomness and the possibilituy for last minute dirty tricks in my games. Their justification is always the same – players whose carefully drawn plan, or carefully designed engine, goes wrong in the last minutes for no predictable reason can become frustrated. This is certainly true but, as my friend Bruno Cathala (who probably likes Splendor a lot) often states, frustration doesn’t reduce the pleasure of gaming, it adds to it. Ask any poker player – his best recollections are of hands he lost when he could not lose them, of engines which didn’t work like they ought to.

Bref compte rendu de trois jours à cannes
Brief report of three days in Cannes

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Je rentre du festival de jeu de Cannes, après trois jours bien remplis. Cannes devient vraiment le grand festival français du jeu de société, les exposants sont de plus en plus nombreux, et dans la foule du samedi, on se croirait presque à Essen.

J’ai vu les premiers dessins de la future extension de Mascarade, j’ai enfin fait la connaissance de l’illustrateur Jeremy Masson. On s’est à peu près mis d’accord avec les belges sur le choix des personnages, mais on cherche toujours un titre.

J’ai signé pour trois petits jeux de cartes chez Sweet November, la nouvelle boite de Didier Jacobée, ancien de Tilsit ; le tout premier, illustré par mon ami David Cochard, devrai sortir à la fin de l’année.

J’avais amené quelques prototypes, mais je n’y ai pas vraiment joué, préférant essayer ceux de mes amis et même parfois de gens dont j’ai appris ensuite qu’ils étaient censés être mes ennemis. J’ai discuté de sujets aussi passionnants que la pertinence de la théorie du discours de Foucault et du postcolonialisme d’Edward Saïd pour l’analyse des jeux de société (si, si!). Je me suis promené un peu sur la Croisette et en ville, ce qui m’a donné l’occasion de me faire accoster par des prostituées en voiture – j’avais toujours cru qu’elles étaient à pied et que c’était les clients potentiels qui étaient en voiture, mais il semble que ce soit l’inverse à Cannes.

J’ai joué à quelques très bons jeux. Zébulon est un drôle de petit jeu de mots et de lettres.  Medieval Academy, joliment illustré par mon ami Pierô, est un jeu de draft léger et amusant. Sold Out est un jeu de rapidité sur le thème des soldes. Doodle Quest est un jeu de dessin de Laurent Escoffier (comment fait-il celui là pour avoir toujours des idées aussi simples et originales ?). La Nuit du Grand Poulpe me réconcilierait presque avec l’ennuyeux Lovecraft, et en tout cas le rend presque amusant. Le futur jeu de pirates des Space Cowboys, qui change de titre régulièrement rappelle, en bien plus dynamique et agressif, certains bons vieux jeux des années soixante-dix. Et puis, ce n’est pas vraiment une nouveauté, mais j’ai encore ri en jouant à Panic Cafard et à Vite, Cachons Nous ! qui ne sont pas que pour les enfants.

Je peux même conseiller quelques jeux auxquels je n’ai pas joué mais que j’ai regardé avec attention, ou dont j’ai entendu suffisamment d’échos concordants en provenance de personnes de confiance. Le futur gros jeu de Bruno Cathala chez Days of Wonder a encore quelques petits problèmes de thème, puisqu’on y sème des pyramides et des chameaux qui poussent sans même qu’on les arrose, mais le jeu est tellement malin et profond qu’on oublie vite ces détails, qui de toute façon vont être réglés. Braverats est un jeu minimaliste japonais déguisé en écossais, mais les japonais font aussi du très bon whisky. Elemon, publié par des inconnus, semble avoir été la surprise du salon, un jeu de jeu parcours assez méchant, au thème bizarre et aux illustrations adorables. Sur Splendor, les avis sont partagés – il y a ceux qui trouvent que c’est vachement bien mais pas vraiment original, et ceux qui trouvent que ce n’est vraiment pas original mais quand même vachement bien. Désolé pour tous les jeux que j’oublie….

Bien sûr, avant les jeux, il y a les gens…. mais ça, pas la peine d’en parler sur mon blog ou d’essayer d’en faire une liste – juste merci à tous.


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I’m back from the Cannes game fair, after three long days of fun. Cannes has now become the big French game fair, though it still lacks a bit in the international aspect. There are more exhibitors every year, and in the Saturday crowd, it feels like Essen.

I’ve seen the first drawings for the Mascarade expansion, I’ve met for the first time the illustrator, Jeremy Masson, and we’ve nearly made the final choice of characters – though we’re still looking for a nice name for this expansion.

 I’ve signed for three lighter games with Sweet November, a small new French company. The first one, with drawings by my friend David Cochard, ought to be published by the end of the year.

I had brought several prototypes, but I didn’t play them. I rather played games designed or published by friends prototypes, and even by people I later learned were supposed to be enemies. I discussed strange topics, such as the relevance of Foucault’s theory of discourse and Saïd’s postcolonialism in the analysis of games. I walked a bit on the strand and in the city, and was even accosted by prostitutes in a luxury car – I had always thought that prostitutes were walking and prospective clients were driving cars, but things seems to go the other way in Cannes.  

Among the best games I played at the fair were Zebulon, a clever and original word game, but completely language dependent, so don’t look for it if you don’speak French. Medieval Academy, gorgeously illustrated by my friend Pierô, is a light and fast paced drafting game. Sold Out is a fast reaction card game about sales. La Nuit du Grand Poulpe (Night of the Great Octopus) makes the lovecraftian universe almost fun. The pirate game to be soon published by the Space Cowboys has no name yet, or rather a new one every day, and feels like good old boardgames from the seventies – but much faster, nasty and dynamic. And I had great fun playing La Cucarach, which is not only for children.

I may even recommend several games I didn’t play, either because I carefully  looked at them being played, or because I heard consistent reports of how good they are.  The next big Bruno Cathala game to be published by Days of Wonder is about sowing grains in the desert to grow camels and pyramids, so it still has some thematic issues, but it’s incredibly clever and I’m eager to play it. Braverats is a Japanese minimalistic games about Scottish rats – why not, Japanese already make the best whiskies. Elemon is an incredibly cute and thematically strange race and card-combo game – in fact, I didn’t really understand how it works, but everybody was having fun and several trustful friends told me this was their game of the show. Despite its gorgeous tokens, Splendor manages to look like a totally unoriginal german style card game, and those who played it told that it’s a totally unoriginal german style card game, but nevertheless  one of the very best of its kind. Sorry for all the games I forgot….

Of course, one doesn not go to a game fair just for games – it’s also for people, but there’s no need to talk of everyone here, and I won’t even try to make a list – just thanks to you all !

 

Devine qui vient dîner ce soir
Guess who’s coming to dinner

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Devine qui vient dîner ce soir est un jeu d’ambiance, un « party game », dont je fais tourner le prototype depuis une vingtaine d’années. Il a toujours plu à mes amis testeurs, qui me le redemandent régulièrement, mais jamais aucun éditeur ne s’y est sérieusement intéressé. Ce jeu de cartes assez loufoque présente en effet deux défauts rédhibitoires, qui en rendent l’édition presque impossible. Les cartes représentent en effet des personnalités qui doivent être vivantes et à peu près connues de tous les joueurs – bref, des noms que l’on n’oublie pas et des noms qui font l’actualité. Or l’actualité bouge, et parfois vite, des personnages y entrent, font les premières pages des journaux, et sont ensuite oubliés, ce qui m’a obligé à refaire entièrement mon prototype chaque année, et parfois à faire quelques petites mises à jour occasionnelles. En outre, je n’ai pu proposer ce jeu qu’à des éditeurs français, étant totalement incapable de réaliser une maquette destinée aux États-Unis, ou à tout autre pays, faute de baigner dans l’actualité médiatique et politique de ces pays. Sans compter qu’il n’est même pas possible de publier une version « en anglais » de Devine qui vient dîner ce soir – il faudrait une version américaine, une version anglaise, une version canadienne, etc… Bref, un bel objet ludique, dans la même famille que Speed Dating, mais totalement invendable.
J’ai donc décidé de mettre ce jeu en téléchargement ici. Il y a pas mal de pages à imprimer – une page de règles et dix-sept pages avec, sur chacune, seize cartes personnalités. Toutes les cartes ont le même dos. Les cartes vierges, avec uniquement les symboles des familles dans le coin supérieur gauche, sont destinées à vous permettre d’ajouter les personnalités de votre choix et éventuellement de mettre à jour votre jeu. J’essaierai, si j’y pense, de mettre en ligne une nouvelle version des cartes dans un an ou deux.

Règles et cartes (mis à jour au 11 / 02 / 2014)

J’espère que ce jeu vous amusera, et vous donnera envie d’essayer d’autres jeux du même style, comme Speed Dating, mais aussi The Big Idea, Win ou Tra La La.

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Guess Who’s Coming to Dinner is a zany party game I’ve designed almost twenty years ago. My friends and play testers like it, and regularly ask me to play it, but no publisher ever seriously considered publishing it, for two main reasons. First, the game cards represent living characters which either make the news, either are still well known by everyone. Today’s news can very fast become yesterday’s news, and a name that everyone knows be completely forgotten a few months laters, and it’s not always easy to guess which name will stay and which ones will be forgotten. This means I had to make a major update of my prototype every year, and some minor changes in between. The other issue is that I was never able to show it to US publishers. I have enough English to write intelligible rules, but I’m not aware of the US news and trendy topics, of the people who make the talk of the day in the US medias. Furthermore, it’s not even possible to make a global English version – this game needs a US version, a UK version, a Canadian version, and so on. It’s a fun game, but it’s definitely impossible to sell.
I’ve decided to upload a free printable version of the game on my website, but it is a french version, with mostly French celebrities or people well known in France. I’ve translated the rules in english, so you can have a look at them, have a look at the french version cards – I think more or less half of them can be used in an english version – and if someone finds the idea fun and challenging enough to make a US set – or a set for any other country – I’ll be happy to post it here as well.

English Rules

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La fin du vieux site
End of the old website

Après deux ans de “transition”, et de multiples hésitations, j’ai finalement effacé mon vieux site web, et donc la ludothèque idéale, à laquelle je n’ai plus moi-même accès. Je sais que certains continuaient à fréquenter ce site, et que mes vieilles critiques de jeux étaient encore appréciées. Elles correspondaient de moins en moins à ce que je pense aujourd’hui, et l’ensemble du site devenait peu à peu obsolète. Le jeu continue sur mon blog.

After two years of transition, and long hesitations, I finally removed my old website. I even cannot access it anymore. I know many gamers were still reading the old reviews in my ideal game library, but they were feeling more and more obsolete, often expressing ideas which are no more mine. The game goes on on my blog.

Animal Suspect

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L’année 2012 a été, pour moi, assez féconde en termes de création ludique, surtout si je la compare avec les deux précédentes. Si j’ai conçu pas mal de jeux, c’est parce que j’y ai consacré de nouveau beaucoup de temps et d’énergie, mais c’est aussi parce que je me suis un peu spécialisé sur les jeux légers, simples, et notamment les “party games”, qui demandent certes plus d’idées, plus d’imagination, mais aussi moins de tests et de réglages, moins de travail. Peut-être parce que j’avais un peu délaissé la création auparavant, les idées sont venues assez aisément, et cela a donné Devine qui vient dîner ce soir, Speed Dating, Mascarade, The Big Movie, Rumble in the Jungle et quelques autres – certains édités ou en passe de l’être, d’autres non.

Renard naïf - Naive Fox

Renard naïf – Naive Fox

Cela a donné surtout un jeu délirant, dont le nom hésita longtemps entre Mouette Rieuse et Sitting Bull, mais pourrait aussi être Hérisson Amoureux, Bison Futé ou Yéti enrhumé. La Mouette Rieuse est, après Speed Dating, le deuxième jeu que j’ai imaginé avec Nathalie Grandperrin. Nous venions de mettre la dernière main à notre première série de cartes de Speed Dating, nous étions plutôt contents de nous et, devant quelques bières dans un bar d’Avignon, nous avons commencé à penser à d’autres manières de combiner des cartes pour obtenir des résultats improbables et farfelus. Nous pensâmes aux marabouts, retour immédiat de l’être aimé et réussite aux examens, aux gourous et aux religions, puis aux chats, à leurs humeurs et leurs émotions. Les chats, c’est tendance, c’est mignon, et Nathalie les aime bien, mais c’était quand même un peu limité et nous élargîmes donc rapidement le sujet à l’ensemble des animaux. À partir de là, tout est allé très vite – en quelques jours, nous avions une liste d’une centaine d’animaux et d’une centaine d’adjectifs, qui n’ont guère changé depuis permettant de faire des combinaisons dont nous n’avons pas tout de suite réalisé qu’elles pouvaient être aussi des noms totémiques scouts ou indiens. Tout de suite, allez savoir pourquoi, le jeu s’est appelé La Mouette Rieuse – mais cela aurait pu être la guêpe en colère. On a pensé aussi, pour faire indien à Sitting Bull, mais c’était moins drôle en français, et à Totem, mais Tom aurait râlé.

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Prototype

Animal Suspect, puisque c’est finalement son nom, est sans doute mon préféré parmi les jeux sur lesquels j’ai travaillé l’an dernier. Lors des soirées auxquelles j’ai apporté mes assez nombreux prototypes, il a toujours été très apprécié, les parties commençant à quatre ou cinq et se terminant avec, autour de la table, une douzaine de personnes jouant dans un certain désordre. C’est un jeu d’ambiance rapide et jubilatoire, plein de mimes et de bruits d’animaux, permettant de mêler les plus jeunes aux plus âgés.

Même si Nathalie était plus prudente, j’étais certain que, comme cela avait été le cas pour Speed Dating, Sitting Bull allait immédiatement convaincre le premier éditeur auquel nous allions le montrer. Cela n’a pas été le cas. Entre ceux dont la programmation était pleine pour les deux ou trois années à venir, ceux qui ont déjà un jeu de mime dans leur catalogue et craignaient de le cannibaliser, ceux qui ne veulent pas de jeu “language dependent”, personne ne semblait vouloir de ce petit jeu de cartes sans prétention, pourtant amusant et plutôt facile à éditer. Avec d’autres jeux, j’aurais sans doute renoncé, mais je croyais suffisamment à celui-ci pour insister lourdement et, notamment, relancer régulièrement la jolie Mathilde de Gigamic. Quelques jours avant le salon de Cannes, elle a fini par y jouer; on a refait une partie sur la salon – Mathilde était très bien en Moustique en rut – et, une dizaine de jours plus tard, la décision était prise, et La Mouette en vol pour les terres du Nord.
Je connais depuis bien longtemps l’équipe de Gigamic. Il y a une vingtaine d’années de cela, alors que j’habitais à Lille et qu’ils étaient encore avant tout les éditeurs de l’excellent Quarto, nous nous croisions assez régulièrement. Leur politique éditoriale, d’abord focalisée sur les jeux de stratégie abstraits, puis sur une gamme très familiale, a rarement collé avec mes créations, et nous désespérions un peu de réussir un jour à travailler ensemble. Je suis bien content qu’Animal Suspect nous ait finalement réunis!

Animal Suspect
Un jeu de Bruno Faidutti & Nathalie Grandperrin
Illustré par Swal
3 à 8 joueurs
Publié par Gigamic
Ludovox      Vind’jeu      Tric Trac    Boardgamegeek


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2012 was a very productive year for me, at least if compared with the two former ones. I designed more games because I devoted more time and energy to it, but also because I focused on lighter designs, and specifically party games. These require more ideas, and clear ideas, but also less testing, less tuning, less work. Ideas came easily, probably because I had stocked them in the former, less creative years. The result was a series of lighter designs – Guess who’s coming for dinner, Speed Dating, The Big Movie, Mascarade, Rumble in the Jungle – some have been or will be published, some are still looking for a publisher.

Canari charmeur - Seductive Canary

Canari charmeur – Seductive Canary

Last but not least was a zany card game whose name was one day Sitting Bull, the next day Laughing Seagull, but could also be Hungry Panda, Charming Bigfoot or Gay Hedgehog. Sitting Bull is the second game I designed together with Nathalie Grandperrin. We had just finished our first batch of 300 Speed Dating cards, were quite proud of ourselves, and were drinking beers in an Irish pub in Avignon, trying to find other ways of combining cards to generate fun and unexpected combos. We  thought of the fun parisian african healers and sorcerers flyers, of gurus and zany religions, of cats qnd their mysterious ways and emotions. Cats are trendy and cute, and Nathalie loves them, but it was a bit limited as a game theme, so we broadened the topic and decided to use all kinds of animals. Things went very fast from there, and a few days later we had a long list of about hundred animals and their possible emotions. We didn’t realize at once that these combos could also be native american names, and the game possibly have an indian setting. For some reason, we soon called the game “Laughing Seagull”, though I adapted this into Sitting Bull when I made an english language prototype, and the publisher renamed it Animal Suspect.

English language prototype

English language prototype

Animal Suspect is probably my favorite among the several games I worked on last year. At my gaming nights, and at the several conventions and gaming week-ends I attended this year, it was my most popular prototype. Game sessions started with 4 or 5 players and end with a dozen people  laughing and shouting in a complete mess around the gaming table – the token of a great game. Sitting Bull is a fast paced and incredibly fun party game, which can bring together all generations.

Nathalie was more skeptical, but I believed that, like Speed Dating (which, by the way, is still looking for an English language publisher), Animal Suspect will immediately win over the first publisher who will see it. It didn’t. Some had already a full schedule for the next years, especially with party games, others didn’t want a mime game that could cannibalize the sales of another one in their catalog, others didn’t want a game strongly language dependent, and of which no international edition was possible – even when they all admitted it was incredibly fun and quite easy to produce. With other designs, I would probably have given up, but I really believed in this one and regularly fostered Mathilde, the pretty commercial at Gigamic. A few days before the Cannes festival, she finally emailed me that she had played the game and liked it a lot. We played another game during the fair – Mathilde played an impressive Horny Mosquito – and a dozen days later she had convinced everyone at Gigamic that they had to publish our Laughing Seagull. I know the people at Gigamic for more than twenty years, having met them often when I used to live in Northern France. Unfortunately, they focused first on abstract strategy games, which are not my cup of tea, and then on vert light family games when I was mostly designing more complex and geeky stuff. I wanted to work with them, they wanted to work with me, but it never fitted so far. That’s why I’m really happy that, in the end we made it with Animal Suspect.

Animal Suspect
A game by Bruno Faidutti & Nathalie Grandperrin
Graphics by Swal
3 to 8 players
Published by Gigamic
Boardgamegeek

Koala étonné - Amazed Koala

Koala étonné – Amazed Koala

I Slay the Dragon

Je l’avais manqué quand il a été publié, mais je viens de tomber sur un long article sur mes jeux daté du mois de novembre, sur le très intéressant blog “I Slay the Dragon”. Ça a un petit côté rétrospective qui ne me fait pas sentir très jeune, mais c’est plutôt sympa !

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I recently stumbled upon a nice blog post about my games and my design style, and discovered by the occasion a very interesting gaming blog, I Slay the Dragon. The post feels a bit like a retrospective, which makes me feel old, but it has very clever points.

Minimalisme japonais
Japanese Minimalism

Le monde du jeu de société est en développement rapide depuis quelques années. Les auteurs, les joueurs, les éditeurs, sont de plus en plus nombreux. Il y a à cela des raisons techniques, sociales, culturelles et économiques qui mériteraient qu’on leur consacre un long article. Cette croissance a aussi des conséquences sur la nature même des jeux, qui sont de plus en plus variés. Comme toujours lorsqu’un art se développe, des tendances apparaissent sans cesse, pour se mêler de plus en plus rapidement aux écoles déjà établies, dans une dialectique permanente de la nouveauté et du métissage. L’univers du jeu de société est plus modeste, plus petit que celui de la musique ou de la littérature, les tendances y sont donc moins nombreuses, plus simples sans doute à isoler et à étudier – même si, ici comme ailleurs, l’exercice de classification, toujours simplificateur, pose des frontières arbitraires et met de côté beaucoup trop de marginaux inclassables.

Styles et écoles

Il y a une dizaine d’années, on avait coutume d’opposer deux écoles, allemande et américaine, que l’on aurait aussi pu appeler classique et baroque. La première produisait des jeux assez abstraits, avec peu d’interaction, une esthétique assez sobre, des règles claires, et souvent une certaine profondeur stratégique. La seconde créait des jeux au thème fort, souvent violent ou humoristique, très interactifs, à l’esthétique surchargée, aux choix tactiques incessants, aux règles alambiquées et au déroulement parfois chaotique. Dans le vocabulaire ludique les jeux allemands sont devenus eurogames, les jeux américains « ameritrash », mais la classification reste globalement opératoire – j’ai récemment joué à Qin, un jeu très allemand comme toutes les créations de Reiner Knizia, et à King of Tokyo, aussi américain que les premiers jeux de Richard Garfield. Les influences réciproques ont cependant permis à chacun des genres de gagner en qualité, avec des eurogames plus méchants et interactifs, et des ameritrash aux règles relativement brèves et cohérentes. Beaucoup des gros jeux publiés aujourd’hui sont des œuvres métisses, qui empruntent le meilleur – ou plus rarement le pire – des deux mondes. Des auteurs aussi importants que Donald X. Vaccarino, Matt Leacock ou Andreas Stedding appartiennent ainsi aux deux écoles – et je crois que c’est aussi mon cas.  Sur les salons comme sur internet, les auteurs des deux côtés de l’Atlantique (et d’ailleurs), se croisent, se rencontrent, discutent, collaborent, et de plus en plus d’auteurs d’eurogames sont d’ailleurs, comme Alan Moon, américains.

Minimalisme


Et voila que les choses se compliquent, puisqu’aux écoles américaine et allemande, il faudrait désormais peut-être en ajouter une troisième, minimaliste, que l’on pourrait appeler japonaise, même si, parce que les choses vont de plus en plus vite, elle est aussi déjà internationale.
Comme les peintres, les écrivains ou les cuisiniers, les auteurs de jeux rêvent toujours de réussir une épure, une sorte d’œuvre absolue parce que ramenée à sa plus simple expression. Les jeux minimalistes, construits sur un mécanisme simple et unique, au matériel réduit à une douzaine de cartes ou de pions, à l’esthétique souvent sobre et élégante, ne sont donc pas vraiment une nouveauté. Cette volonté d’épure explique bien des jeux de stratégie abstraits comme ceux de Steffen Müllhauser (Six ou Linja) ou mon Babylone / Soluna, mais aussi des jeux de cartes aussi différents que Non Merci de Thorsten Gimmler et Pico de Doris & Franck, et d’une certaine manière aussi tous les jeux de bluff à une carte par joueur, les jeux de personnages cachés plus ou moins inspirés des Loups Garous.

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Pourquoi le Japon?

L’immense succès local des Loups Garous a d’ailleurs sans doute été l’un des facteurs à l’origine de la vague de nouveaux jeux de cartes minimalistes qui nous arrive aujourd’hui du Japon et, dans une moindre mesure, de Corée. Les créations d’auteurs comme Seiji Kanai et Hayato Kisaragi – auteurs de Love Letter, Lost Legacy, RRR, Master Merchant et bien d’autres – ont des mécanismes assez différents, même si le bluff y est assez souvent présent. C’est leur format réduit, avec souvent une vingtaine de cartes ou de pions en tout et pour tout, et des parties d’une quinzaine de minutes, qui leur donne ont un air de famille, renforcé pour ces deux auteurs par le style graphique épuré et élégant de Nobioru Sugiura.
Du dernier salon d’Essen, j’ai ramené Don Buriko, Sail to India, Cheaty Mages, Eat me if you can, Say bye to the Villains, Eggs of Ostrich et d’autres jeux japonais que j’oublie – dont un dans une boite ronde pour lequel je n’ai pas encore trouvé de règles en anglais. C’était certes un peu parce que je rentrais en avion, et qu’une douzaine de grosses boites de jeux allemandes, sans parler des américaines, ne seraient pas rentrées dans mes bagages, mais c’est aussi parce qu’il y a quelque chose de fascinant dans tous ces petits jeux simples et subtils venus d’Orient, et que j’aurais pu avoir du mal à me procurer en France.

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Je me suis toujours méfié des explications par les différences culturelles, persuadé, comme Claude Lévi-Strauss, que les hommes de là bas ne pensent jamais très différemment de ceux d’ici. Comme historien, j’ai aussi toujours évité l’explication trop facile qui voudrait que les hommes d’avant n’aient pas pensé comme ceux d’aujourd’hui. Pourtant, je ne peux m’empêcher de rapprocher la simplicité, la sobriété et l’élégance des jeux japonais de celles des jardins zen ou des courts romans de Soseki ou Kawabata – même si la petite taille des logements dans un pays très peuplé et urbanisé est sans doute une meilleure explication au petit volume des boites de jeu. Quoi qu’il en soit, atavisme culturel ou nécessité pratique, les jeux qui nous arrivent aujourd’hui du Japon sont assez différents des “eurogames” dont, assez curieusement, ils se réclament avec insistance.

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Le Japon et le monde

Le monde du jeu de société, comme je l’ai expliqué au début de cet article, est très internationalisé, au point que parler d’auteurs français, allemands, américains,ou japonais leur semble sans doute à tous un peu ridicule. Les auteurs d’ici et d’ailleurs s’informent, se rencontrent, se connaissent, réellement ou virtuellement. Si le minimalisme est dans l’air au Japon, il est aussi dans l’air en Europe et aux États-Unis. Par atavisme, contrainte ou contingence, les auteurs japonais en font un usage plus systématique et plus cohérent, mais le reste du monde ne saurait ignorer la tendance. Pendant que Seiji Kanai imaginait Love Letter, Rikki Tahta concevait Coup et je créais Mascarade – trois jeux assez différents mais qui partagent une idée de base, que l’on trouvait aussi dans The Resistance et Les Loups Garous, chaque joueur joue avec une ou deux cartes, cachées, représentant un personnage et donnant des pouvoirs particuliers. Bientôt arrive aussi l’extraordinaire two rooms and a boom, personnages cachés pour 4 à je ne sais plus combien de joueurs.

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Je me rappelle avoir récemment, en plaisantant, annoncé que l’étape suivante vers le minimalisme serait, après une carte par joueur, une carte unique commune à tous les joueurs – le jeu existe désormais, il s’appelle Coin Age, et il vient de faire exploser tous ses stretch goals sur Kickstarter.

De petits gros jeux

Eight Minute Empire, de Ryan Laukat, a un matériel un peu plus fourni, avec quelques cubes en bois et un petit plateau de jeu, mais la démarche de son auteur est similaire. Il a pris un jeu de conquête façon Risk ou Smallworld, habituelle spécialité des auteurs anglo-saxons, et s’est efforcé de le faire tenir dans la plus petite boite et la plus petite durée possible, tout en en gardant l’essentiel. Je n’ai pas joué à Sail to India, le jeu de commerce et de gestion de Hisashi Hayashi, ni à Tiny Epic Kingdoms, le jeu de conquête de Scott Almes, mais eux aussi sont de gros jeux à l’allemande ou à l’américaine passés par une sévère cure d’amaigrissement et un stage de méditation zen.

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On peut bien sûr m’objecter que tout cela n’est pas aussi nouveau qu’il y parait. Verräter, Non Merci, Castle of the Devil, Oriente, Nuggets / Armadora et quelques dizaines d’autres, la liste des jeux auxquels j’ai joué ces vingt dernières années et qui, s’ils étaient publiés aujourd’hui, seraient sans doute classés dans la catégorie des jeux “à la japonaise” est si longue qu’il est difficile de voir dans ce minimalisme une véritable innovation. Pourtant, le succès que semblent remporter aujourd’hui certains de ces jeux montre que les choses changent et que la catégorie des jeux conçus pour être aussi petits que possible, qui était surtout un exercice de style pour auteurs de jeux, est en passe de devenir un genre reconnu et peut-être même vendeur. Je m’en réjouis.


The boardgaming world has been rapidly growing for a few years now. There are more and more game designers, gamers and game publishers, for various technical, economical, social and cultural reasons. This affects the nature of games published, one of the most notable effects being the greater variety of designs and design styles. As always when an art develops, there are new trends which rapidly blend with the established styles in a dialectical network of novelty and interbreeding. The boardgaming world is much smaller than the musical or literary one, which means trends are fewer and easier to single out, but any classification always draws arbitrary limits and fringes.

Schools and trends

Ten years ago, we used to single out two schools in game design, German and American,which could also have been called  classical and baroque. The former produced abstract or weakly themed games, esthetically sober if not bland, with clear rules, little interaction and some strategic depth. The latter  designed highly thematic games, often violent or humorous, graphically heavy, with long and confusing rules, with incessant tactical decisions often leading to chaos. German games have become Eurogames, American ones have become Ameritrash, and the classification mostly still works – I’ve played last week Reiner Knizia’s Qin, as much a German game as his older designs, and Richard Garfield’s King of Tokyo, a typical Ameritrash. There has been some reciprocal influences, with eurogames becoming nastier and more interactive while ameritrash got lighter and more consistent rules. Even more, many of the heavier games published today are crossovers which borrow the best – or sometimes the worst – of both worlds. Authors like Donald X. Vaccarino, Matt Leacock or Andreas Stedding clearly belong to both schools, and I think that’s also my case. At boardgame fairs or on the internet, gamers and game designers from both side of the ocean, or indeed from the whole world, meet, discuss and collaborate. One of the best known Eurogames designers, Alan R. Moon, lives in the US.

Minimalism


Things are becoming more complex, and I wonder if we could now add a third school, which we can call the minimalist or the Japanese school – even when it’s already internationalized.
Like painters, writers or chefs, most game authors dream of a pure and uncluttered design, an epitome of simplicity capturing the true essence of gaming. We all gave it a try. Ultra-simple games based on a single mechanism, needing only a dozen pieces or cards and emphasizing a zen esthetic have always been around. Think of many small abstract games, like Steffen Müllhauser’s Six or Linja, or my Babylon / Soluna. Think of some German card games like Thorsten Gimmler’s No Thanks or Doris & Frank’s Pico. Think of Werewolves and its many siblings and cousins.

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Why Japan ?

The great popularity of werewolves in Japan is probably one of the reasons why there are so many minimalistic card games coming from Japan, and at a lower scale from Korea, these last years. Games by authors such as Seiji Kanai and Hayato Kisaragi – designers of Love Letter, Lost Legacy, RRR, Master Merchant ad many more – are very different, though they are usually played with cards and most times based on bluff, but they share a common feel, emphasized by Nobioru Sugiura’s elegant graphic style. From the last Essen fair, I brought back mostly Japanese games – Don Buriko, Sail to India, Cheaty Mages, Eat me if you can, Say bye to the Villains, Eggs of Ostrich and a small game in a circular box for which I have only Japanese rules. Of course, one of the reasons was that I was traveling by plane and didn’t have enough place for German game boxes, not to speak of the even bigger American ones. But I was also fascinated by all these small Japanese boxes, which I was not sure I will be able to find in France.

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I’ve always been wary of explaining everything by “cultural differences” and, like Claude Levi-Strauss, I’m convinced that people don’t think very differently there than they do here. As a historian, I also tried to avoid the easy and universal explanation that people thought differently in the past than they think nowadays. I can’t resist linking the simplicity and sobriety of Japanese designs to that of zen gardens or of the short novels by Soseki or Kawabata, as if smallness was intrisically Japanese, but I know that the small size of housings in a highly populated and urbanized country is probably a better explanation. Anyway, no matter whether it’s because of cultural atavism or of practical contingencies, the fact is that the new games coming from Japan feel different from classical eurogames – even when, as they often do, they claim to be “eurogames”.

eat me if you cancheaty mages

Japan and the world

The boardgaming world is largely internationalized, so much that making a distinction between French, German, American and Japanese authors sounds a bit ridiculous to most of them. Game designers from here and there know each other, and they meet and discuss daily on the internet? If minimalism is in the air in Japan, it has to be as well in Europe and in the US. Japanese authors make more of it, for the various reasons I discussed before, but this trend can’t be ignored in the rest of the world. While Seiji Kanai was imagining Love Letter, Rikki Tahta was designing Coup and I was working on Mascarade. The three games are very different, but they share a common basic idea, which was already in Werewolves and the Resistance, each player plays with one or two hidden cards giving him a special ability. The next one is Two Rooms and a Boom, which can accommodate around 60 players. The Council of Vetona, despite its Shakespearian setting, also feels very Japanese.

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I recently  announced to some game designers friends that, after games with just one card per player, the next step will be a game with just one common card for all the players. Well, this game now exists – it’s called Coin Age, and just broke all its stretch goals on Kickstarter.

Small big games

Ryan Laukat’s Eight Minute Empire has more components, with some wooden cubes and a small game board, but its design philosophy is the same. The designer took a classical conquest game, in the Risk or Smallworld style, and managed to have it last only fifteen minutes and to put it in the smallest possible box, while keeping as much game as possible. I’ve not played Sail to India, Hisashi Hayashi’s trading and management game, nor Tiny Epic Kingdoms, whose premises are the same as Eight Minute Empire, but both are also heavy American or german style games which have gone through a severe diet and a zen meditation retreat.

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One can object that none of this is really new. Among the games I enjoyed playing these twenty last years, many would probably be considered “Japanese style” if published today, Like Verräter, No Thanks, Castle of the Devil, Oriente, Nuggets / Armadora and a few dozen more. Tiny games cleverly designed to use as little place and as little time as possible were mostly an exercise in game design, and few gamers were really interested in them. They are becoming popular, and might well be the next big craze – and that’s a good thing.