Fish of my Dreams, by Leningrad
La musique du Novembre Rouge
Paris Est Ludique
Paris Est Ludique, c’était, un petit festival ludique en plein air, près de la porte de Charenton. Il y avait du soleil – surtout dimanche – et du monde – mais pas trop, grâce à la grève de la SNCF.
Ayant casé pas mal de mes projets ces derniers moins, je n’avais pas de nouveau prototype suffisamment avancé pour le présenter aux nombreux éditeurs présents. Je me suis donc promené tranquillement de stand en stand, discutant ici et là de mes six ou sept projets en cours chez tel ou tel éditeur, buvant des bières avec tous ceux qui le voulaient bien, et jouant de temps en temps à un nouveau petit jeu qui me semblait amusant. Bref, pour moi tout au moins, un salon décontracté, pas trop business et presque reposant.
Chez Gigamic, les premières boites d’Animal Suspect, qui arrive en boutique dans quelques semaines, auraient dû être là. Malheureusement, leur palette de jeux s’était perdue et les animateurs qui n’avaient aucun jeu sous la main en ont été réduits à aller mendier quelques boites de leurs dernières production auprès des boutiques présentes. Enfin, bon, j’ai confirmation de ce qu’Animal Suspect devrait être en boutique d’ici quelques semaines. Mascarade, lui, tournait en boucle chez Repos Prod, mais trop content d’avoir tout mon temps pour me promener tranquillement sur le salon, je ne leur ai pas dit que j’avais mon prototype de l’extension dans mon sac. J’en ai profité pour récupérer les illustrations de tous les nouveaux personnages, et j’ai reçu comme consigne de faire le buzz tout doucement en révélant les personnages petit à petit. Voici donc déjà l’un de mes préférés, La Comédienne.
Samedi après-midi, j’ai remis la Patate d’Or sculptée avec amour par Martin Vidberg a son deuxième titulaire, Croc. J’avais noté sur mon agenda que c’était dimanche, et c’est vraiment par chance que j’étais au lieu et à l’heure prévue. Pris au dépourvu, je n’avais absolument pas préparé le discours d’intronisation de Croc, et j’ai raconté un peu n’importe quoi. Peu importe, puisqu’il n’y avait pas grand monde pour m’entendre. Si cela s’était passé dimanche et si j’avais donc un peu préparé mon texte, j’aurais expliqué les multiples raisons qui m’ont fait choisir Croc. Il est bien moins méchant qu’il n’en a l’air (mais ça, tout le monde le sait plus ou moins). Il est un auteur de jeux aux talents variés, avec des jeux de rôles (Bitume, Animonde, In Nomine Statanis/ Magna Veritas…), des Murder Parties (Dieu est Mort…) et des jeux de plateau (Gore, L’Âge des Dieux, Claustrophobia). L’Âge des Dieux, en particulier, est un jeu original et très amusant qui n’a pas eu le succès qu’il méritait. Mais Croc a aussi écrit dans tous les magazines touchant plus ou moins au monde du jeu, a aussi participé, chez Asmodée, au développement de nombreux jeux, et y contribue encore chez Space Cowboys. Bref, l’homme orchestre tout indiqué pour un prix destiné à remercier quelqu’un pour tout ce qu’il a fait, d’une manière ou d’une autre, pour le jeu. Au lieu de dire tout cela, j’ai balbutié deux ou trois conneries, parce que je n’avais rien préparé, parce qu’il y avait un peu de vent et parce que, l’air de rien, Croc m’intimide encore un peu.

Je n’ai trouvé que deux photos de l’événement sur facebook, l’une avec Martin faisant son discours, puis une où je fais le mien, mais aucune avec Croc, ici à droite, recevant sa glorieuse patate. Honte à nous !

Update : voici une photo de Croc avec sa patate, plus petite mais plus dorée et plus jolie que la mienne.
N’ayant fait qu’une seule partie d’un de mes prototypes, j’ai pu jouer à six ou sept petits jeux, dont trois en particulier m’ont vraiment impressionné. Chez Lui-Même, ’ai enfin essayé la nouvelle version de Romans, Go Home!, avec quelques petits changements intéressants dans les pouvoirs des personnages. Chez Ravensburger, j’ai enfin joué à l’excellent Linko, de Wolfgang Kramer et Michael Kiesling, un petit jeu de défausse très malin, qui set un peu use version plus sophistiquée et plus tactique de l’un de mrs jeux préférés du moment, Big Deal. Charles Chevalier m’a fait découvrir Wakanta, un jeu tactique pour deux joueurs particulièrement subtil, qui devrait bientôt sortir chez Blue Orange. J’ai également fait la connaissance de Virginie et Karim, d’Elemon Games, qui devraient bientôt publier La Chasse aux Gigamons, un jeu de mémoire avec pas mal d’effets spéciaux qui devrait rassembler petits et grands autour d’une même – petite – table. Il y avait plein d’autres bons jeux, mais on ne peut pas être à toutes les tables.
Le sujet de discussion du salon était indiscutablement Kickstarter, puisqu’il n’y a sans doute aucun secteur d’activité où le financement participatif ait pris une telle ampleur que dans le jeu de société. A-t-on atteint un seuil au delà duquel les kickstarters ludiques, trop nombreux, ne peuvent que décliner, ou y a-t-il encore de la place pour une croissance qui se ferait désormais aux dépens des boutiques ? Au delà des boutiques, quels sont les dangers, ou les opportunités, pour les éditeurs, les illustrateurs, les auteurs ? Et quel impact sur la qualité des jeux publiés ? Disons que sur tous ces points, le débat reste très ouvert.
J’ai eu aussi avec Charles Chevalier une intéressante conversation sur le style des auteurs de jeu, Charles m’ayant parlé d’un prototype qu’il n’arrive pas à caser chez les éditeurs parce qu’on lui dit que ce n’est pas du Chevalier, c’est du Faidutti…. J’en ai profité pour prendre ma seule photo du salon, que je pense utiliser cet été, à la Gen Con, pour illustrer ma conférence sur Postcolonial Catan – il serait temps, d’ailleurs, que je me mettre sérieusement à préparer cela.
Sinon, comme d’habitude, on a dit du mal des éditeurs, des distributeurs et des auteurs – surtout de ceux qui n’étaient pas là – mais je ne vais pas tout vous répéter.
Un grand merci à toute l’équipera sympathique équipe de Paris Est Ludique. J’ai toujours un petit complexe à gagner ma vie grace au jeu quand je vois la gentillesse et la générosité des bénévoles qui organisent un événement comme celui-ci.
Paris Est Ludique is a ,small and casual open-air game festival at the Porte de Charenton, in Paris. This year, it was sunny – at least on sunday – and crowd – but not too much, thanks to the train strike.
Since many of my prototypes have found a publisher these last months, I had nothing really new to show to the many publishers who were there. I mostly walked from stand to stand, discussing my six or seven projects in the pipe with various publishers, drinking beers here and there, and occasionally playing a new light game that looked fun and/or interesting. I had a cool time, mostly socializing and never talking business.
The first copies of Animal Suspect were supposed to be available to play at the Gigamic stand. They were not, because the whole Gigamic Pallett of games had been lost somewhere between their warehouse and the fair. The demonstrators had to ask the nearby game resellers for a few copies of their last published games. Never mind, Animal Suspect is nearly there and ought to hit the shelves – only in France so far – in the next few weeks. Mascarade was constantly played at Repos Prod. Being quite happy to walk freely through the fair, I didn’t tell them that I had brought my testing copy of the expansion, but I seized the opportunity to ask for the files of all the new character pictures. I was requested to publish them slowly, one or two at a time, to generate a slow buzz – so, here is one of my favorites, the Puppet-Master.

The Puppet-Master chooses two players and takes 1 gold from each.
The two chosen players must get up and switch places, while their Character card and their fortune stay in place.
Satrurday afternoon, I gave the « golden potato » lovingly sculpted by Martin Vidberg to its new awardee, Croc. I had written it down in my agenda for sunday, and it was by sheer luck that I happened to be at the right place at the right time. I was off guard, and had not yet prepared my speech, so I talked mostly jokes and nonsense. Not much harm, since there were few spectators listening to us. If it had been on Sunday, and if I had prepared my speech to explain the many reasons why I had chosen Croc, here is what I would have said. First, Croc is much nicer than he looks – but more or less everyone in the gaming world knows this by now. He is a multifaceted game designer, who designed role-playing games (Bitume, Animonde, In Nomine Satanis / Magna Veritas), Murder Parties (God is Dead) and boardgames (Gore, Age of Gods, Claustrophobia). Age of Gods is a really fun and original board game which didn’t get the success it deserved. Croc also wrote in more or less all the game magazines published these last thirty years. With Asmodée, and now Space Cowboys, he also helped develop many of the boardgames published in France. This one-man band was the obvious choice for the Golden Potato, a reward for a whole life dedicated to all kind of games. Instead of telling all this, I just made a few bad jokes, because I was unprepared, because the wind was cold, and because I’m still a bit intimidated by Croc.

I could find only two pictures of this memorable ceremony on the internet, one in which Martin makes his speech, one in which I make mine, but no picture with Croc holding his golden potato. Shame on us !

Update : I finally got a picture of Croc with his potato – smaller than mine, but better looking and more glossy.
I played only one game of one of my prototypes, so I had enough time to play six or seven other light new games, some of which really impressed me. At Lui-même, I played the new version of Romans Go Home!, with some interesting changes in the characters abilities. At Ravensburger, I played Wolfgang Kramer and Michael Kiesling’s Linko, a very clever card game, kind of a more involved and tactical version of one of my current favorites, Big Deal. I played with Charles Chevalier his game Watanka, soon to be published by Blue Orange, a subtle two players game with both strategy and risk taking. I also got to know Virginie and Karim, of Elemon Games, who will soon publish « the Hunt for Gigamons », a memory game with lots of special abilities, the kind of game that is interesting both for kids and adults. There were certainly many other great games I missed.
The top topic of discussion on the fair was Kickstarter. The board game industry has been more affected by Kickstarter than any other, for good and for bad. Have we reached a critical threshold, and will kickstarted boardgames start to recline, or is there still place for growth, in which case both traditional and online shops will be greatly affected ? What are the opportunities, and the risks, for established publishers, designers, illustrators ? What about the quality of the games published via kickstarter ? These points, and a few other ones, are still open to discussion.
I had a fun conversation with Charles Chevalier about the style of game designers. Charles told me of a prototype of his which he cannot get published because publishers tell him it’s not Chevalier, it’s Faidutti, and he’s not expected with such a design… I seized the opportunity to take my one and only picture of the week-end, Charles holding a copy of Sultaniya, which I will probably used at the GenCon for my seminar on Postcolonial Catan. By the way, I ought to start thinking seriously of what I intend to say there….
And, of course, we spoke badly of publishers, distributors and designers – mostly of those who were not here – but I won’t tell you everything.
Many thanks to the whole Paris Est Ludique team. I always feel a bit uneasy making money with games when I experience the kindness and generosity of all the volunteers organizing such an event.
Jeux et émotions
Games and emotions
Je suis de ceux qui versent facilement quelques larmes en regardant un film ou en lisant un livre, mais jamais cela ne m’est arrivé en jouant à un jeu de société. Le jeu de société est en effet bien peu romantique, et cela le distingue de bien d’autres formes culturelles, qu’il s’agisse du livre, du cinéma, de la peinture, de la musique, mais aussi du jeu de rôles, et dans une certaine mesure des jeux en ligne et des jeux d’argent.
Le joueur n’a pas d’amis, ni d’états d’âme, il n’a a que des objectifs et des intérêts. Il ne s’apitoie pas sur telle figurine qui n’est pas parvenu à prendre pied sur Omaha Beach, ou sur telle autre qui s’est fait dévorer par les zombies. Il la remet dans sa « réserve », pour la ressortir à l’occasion représentant un autre personnage tout aussi anonyme.
Cela n’a bien sûr rien d’étonnant si l’on voit dans le jeu un mécanisme abstrait, sans âme, et dans les règles une simple métaphore destinée à en faciliter l’explication, comme semblable à l’énoncé d’un problème de robinet. Ce n’est cependant pas le cas de tous les jeux, en tout cas pas de tous les miens, mais même les jeux au thème fort comme mon Mystère à l’Abbaye, même les jeux au thème triste comme les jeux de guerre, ne suscitent pas chez les joueurs de réelle émotion.
Les contraintes matérielles de leur conception et de leur réalisation, la limitation à l’usage de cartes, de dés, de pions, pour render compete d’histoires complexes, tout cela tend à faire des jeux, et tout particulièrement des jeux de société, des systèmes très simplifiés dont les éléments sont, au sens propre du terme, objectivés. On ne s’attache pas à un pion de bois ou de plastique comme à un personnage de roman, de film, ou même de jeu de rôle, dont il n’a pas la profondeur. C’est cette objectivation, cette simplification, plus que le caractère relativement abstrait, des jeux, qui contraint l’auteur de jeu à faire vivre son thème à coup de clins d’œil là où l’écrivain ou le cinéaste recourent au récit et le concepteur de jeux videos à la simulation, et qui fait du jeu de société le moins romantique des loisirs.
Pour autant, nos jeux ne sont pas dénués d’émotion. On y pleure rarement, mais on sourit beaucoup, et on rit assez fréquemment. Ça fait du bien aussi.
I often shed a tear when reading a book or watching a movie, but I don’t think it ever happened when playing a board game. Boardgames are definitely les romantic than books, movies or paintings, and even less than role playing games, gambling and most online games.
The gamer has no friends, no conscience, only goals and interests. He doesn’t feel any pity for a miniature that couldn’t land at Omaha Beach or was eaten by zombies. He just puts it back in his « reserve », and takes it out later to represent some other anonymous figure.
This isn’t surprising if you think that games are just soulless mechanisms, and theme a metaphor used to make explanations easier, like water taps in a math problem. Some games are like this, but not all, and certainly not all of mine. Nevertheless, I’ve never seen a player cry or express a strong story related emotion even in a game with a strong theme, like my Mystery of the Abbey, or with a really sad theme, like wargames.
Because of the strong constraints of board game design and production, of the limitation mostly to cards, dice and pawns to create complex storylines, boardgames are very simplified systems in which all elements are, strictly speaking, objectified. One doesn’t feel the same empathy with a simple wooden or plastic figure, no matter how nice it looks, as with a much deeper novel, movie or role playing character. This objectification, this simplification, and the relatively abstract character of boardgames, forces the game designer to build his theme using nods and winks where the writer or moviemaker uses storytelling and some vied game designers simulation. That’s probably why boardgames are definitely not romantic.
On the other hand, our board and card games are definitely not devoid of emotions. There are no cries when playing, but we have lots of smiles and laughs.
Les petits jeux du moment
Light games I’m playing
C’est la saison des prix et des listes de jeux, et celles du Spiel des Jahres me laissent assez dubitatif, du moins pour ceux des jeux présentés auxquels j’ai eu l’occasion de jouer. Voici donc ma liste à moi de petits jeux que j’ai récemment appréciés. Ce ne sont sans doute pas les meilleurs jeux de l’année, mais ce sont des jeux que vous devriez apprécier si vous aimes mes créations et fréquentez mon site web. J’ajoute que la très grande majorité d’entre eux méritent d’être soutenus soit parce qu’ils ont un éditeur ou un auteur sympathique, soit parce qu’ils sont passés largement inaperçus, et que ce n’est pas juste.
Ab in die Tonne, qui doit signifier quelque chose comme « à la poubelle », est un petit jeu de paris imaginé par Carlo Rossi et publié par Abacus, un éditeur que j’aime beaucoup, même s’il n’a jamais publié aucun des nombreux projets que je lui ai proposés. Mais revenons à notre poubelle dans laquelle on peut mettre des briques de lait, des canettes de bière, des bouteilles de vin et des trognons de pomme. Le but du jeu est, bien sûr, de mettre toutes ses ordures à la poubelle de manière à ce que ce soient les adversaires qui soient obligés de la sortir. Un petit système de paris malin, un peu d’adresse pour mettre les objets dans la poubelle sans la faire déborder mais en embêtant les voisins qui vont passer après, et cela donne un excellent jeu éducatif pour les petits et les grands.
Romans Go Home, d’Eric Vogel, dont j’avais déjà parlé ici, est un jeu d’enchères – un genre que j’apprécie – particulièrement malin et quelque peu chaotique, dans lequel les joueurs sont des clans calédoniens rivaux qui cherchent à péter le plus grand nombre possible de forts romains. Comme dans Ab die Tonne, on joue des cartes faces cachées, et il faut donc deviner ce que combinent vos adversaires. Il va encore y avoir quelques pisse-froids pour dire que c’est du hasard et que le hasard, ce n’est pas bien. Alors, bon, c’est peut-être un peu du hasard, mais c’est aussi de la psychologie, et le hasard c’est drôle, surtout quand on le mélange avec la psychologie. L’édition originale était très moche, mais une édition retravaillée et magnifiquement illustrée par François Bruel arrive bientôt, publiée par Lui-même, c’est à dire Philippe des Pallières.
Council of Verona est un jeu de cartes minimaliste publié à compte d’auteur par Michael Eskue. Nous sommes donc à Verone, Romeo aime Juliette, Juliette aime Romeo, mais la politique – c’est à dire les joueurs – et les histoires de famille – encore les joueurs – s’en mêlent, et tout devient vite très compliqué, même avec juste 17 cartes, une de plus que dans Love Letter …. Les amateurs de Mascarade, Coup ou Love Letter devraient adorer le plus british des petits jeux à la japonaise. Une édition française est paraît-il en route, mais Romeo et Juliette en français, ce n’est plus vraiment Romeo et Juliette.
Si vous êtes dans le petit monde du jeu depuis assez longtemps, vous ne pouvez pas ne pas connaître Bang!, l’un des premiers jeux de cartes à personnages secrets, dans lequel les hors la loi doivent descendre le sheriff protégé par ses adjoints. Bang, avec ses nombreuses cartes et ses règles parfois tarabiscotées, avait un peu vieilli, mais il nous revient en jeu de dés. Bang!, le jeu de dés, reprend le thème et les personnages de Bang! et les mélange à un jeu de dés de style Yam’s. Et ça marche – on y retrouve toutes les intrigues et les duels au revolver du jeu de cartes, dans un format plus simple, plus léger, plus rapide.
Wink!, de Fred Krahwinkel, est un jeu de cartes surprenant- un jeu où vous devrez faire des clins d’œil à vos partenaires sans vous faire repérer. Mon amie Stéphanie, de Letheia éditions, a eu une excellente idée en ressortant ce jeu d’ambiance qui ne ressemble à aucun autre.
Plus osé que les clins d’œil, les sextos – Clusterfuck est un jeu de cartes dans lequel les joueurs s’envoient des messages coquins (voire franchement obscènes) sous la forme de cartes, tentant de constituer des couples assortis, voire de réussir un plan à trois sans se faire repérer, ce qui vaut une victoire immédiate. Clusterfuck, disponible en téléchargement, n’est sans doute pas du meilleur goût, mais cela n’est guère étonnant venant des auteurs de Cards against Humanity.
Tralala, de Frédéric Morard, publié par Superlude, est un pur jeu d’ambiance, dans lequel, par un système de draft, chaque joueur doit les joueurs utilisent un système de kraft pour mettre bout à bout des morceaux de phrases et constituer un tube des années soixante-dix ou quatre-vingt. Bien sûr, après, il faut chanter…. C’est débile, mais c’est très, très, très drôle.
Shinobi WAT-AAH !, de Théo Rivière, est un jeu de cartes extrêmement chaotique, mélange de rami et de bataille dans lequel toutes les cartes ont des effets spéciaux, généralement assez violents. Certains clans permettent de détruire des cartes adverses, de voler des cartes adverses, d’échanger des cartes avec des cartes adverses, etc.… Des très nombreuses variations sur le rami, Shinobi WAT-AAH est l’une des plus sophistiquées, des plus chaotiques mais aussi des plus intéressantes,
Il y a des éditeurs suicidaires. Schmidt a donc fait tout ce qui était possible pour que The Big Deal, petit jeu de cartes de Brent Beck, passe inaperçu, avec un titre idiot et déjà utilisé une dizaine de fois et une boite qui ne donne vraiment, vraiment pas envie. À la lecture des règles, ça a l’air idiot. On pioche des cartes, on essaie de faire des paires. Mais dès que l’on joue, on découvre que c’est bien marrant, car on peut aussi tenter de chiper les cartes de ses adversaires, qui peuvent se défendre, etc…. Cela devient donc un jeu avec pas mal de chance, beaucoup de méchanceté, mais aussi un peu de bluff, un peu de de prise de risque, et un peu de mémoire si on s’amuse à compter les cartes. En fait, c’est un peu comme la version ultralight de Shinobi WAT-AAH, et c’est diablement addictif.
Bon, tout ça, ce sont des petits jeux. Et les gros, me direz-vous ? Les gros, les jeux de plusieurs heures avec des dizaines de pages de règles, je n’y joue plus guère, et il m’arrive de le regretter un peu. Celui qui me tente en ce moment, c’est Francis Drake. J’ai assisté à une partie, qui avait l’air passionnante. Je m’en suis donc procuré une boite, et j’espère bientôt l’essayer – si je trouve les joueurs.
TIt’s the time of game lists and awards, and I’m a bit skeptical when reading the recommendations of the Spiel des Jahres jury – at least when it comes to games I’ve played. So here comes a completely different list of games I’ve recently enjoyed. These might not be the best games of the year, but they are games you will probably enjoy if you like my own designs. Also, most of them either have a nice and friendly author or publisher, either went unfairly under radar so far.
Ab in die Tonne probably means something like « into the Trash ». This light double-guessing game was designed by Carlo Rosi and published by Abacus – one of my favorite German publishers, even when they did not publish any one of the many designs I submitted to them. But let’s go back to the trash, and the stuff we will toss into it – milk cartons, tin cans, wine bottles and apple cores. Of course, the goal is to put as much garbage as possible into it, and to have the other players take it out when it’s full. This is done with a double-guessing card system to determine who will play first and how many items he can put into the tin, and some dexterity in placing the wooden items so that they don’t fall out. An educational game for the whole family….
I have already written here of Eric Vogel’s Romans Go Home. A new, and much nicer looking edition of it is coming, published by Lui-même, meaning by my friend Philippe des Pallières. Romans Go Home is a chaotic auction game – a genre I always like – in which rival caledonians clans are vying to destroy the most roman forts. Like in Ab die Tonne, bidding cards are played face down, so some sad guys will argue that it’s random, and therefore bad. Well, it might be somewhat random, but let’s say it’s psychology, so it will sound more serious and acceptable. And, well, the randomness / psychology mix is always fun.
Council of Verona is a minimalistic card game self published by Michael Eskue. The action takes place in Verona, Juliet loves Romeo, Romeo loves Juliet, and then everything becomes more complex than necessary because of politics – meaning players – and family affairs – meaning players as well. There’s much intrigue here for just 17 cards, only one more than in Love Letter. Players of Mascarade, Coup or Love Letter will love Council of Verona, the most British of all Japanese style games.
If you are into card games for ten years or more, you have certainly played Bang!, one of the first hidden characters games, in which outlaws must kill the sheriff, who is protected by his two deputies. Bang!, with his many cards, intricate rules and too many expansions was showing its a. It’s back as a dice game, and the new version is much better. It has the same setting and characters as the original card game, but these are now mixed with a yathzee style dice game. It has all the intrigues and gunshots of the card game, but in a lighter, faster and simpler format.
Fed Krahwinkel’s Wink, republished in France by my friend Stéphanie, of Letheia,is a game like no other. It’s all about winking at their partners without getting caught by other players. The first German edition, more than ten years old, had poor graphics. The new one looks really great.
You can go for something more risqué with Clusterfuck, a card game in which player pass each other sexy notes in order to hook up with a partner, or get an instant win for arranging a discreet threesome. Clusterfuck is an incredibly fun card game designed by the authors of Cards against Humanity – a token of good taste – and can be downloaded for free.
Tralala, designed by Frédéric Morard and published par Superlude, is a zany party game in which players draft a hand of sentences to write the lyrics of a song, and then sing it. Unfortunately, there’s no English version and it’s extremely language dependent.
Shinobi WAT-AAH ! is an extremely chaotic game, kind of mix of War and Rummy with violent card effects thrown in. Some clans destroy opponent cards, some steal them, some swap them, so there’s always something happening with your display. Of the many rummy-like games published these twenty last years, Shinobi WAT-AAH is one of the most sophisticated, the most chaotic, but also the most challenging.
Some publishers are suicidal. Cover your A$$ets might not have been the most elegant title, but at least it was fun. It has now an international edition with the completely bland title « Big Deal ». The ugly red box doesn’t help either. The rules don’t sound much more exciting – draw cards, play pairs. But once you start playing, you discover that this is incredibly fun, because you not only play pairs in front of you, you can try to steal pairs from your opponents, who can defend them with cards of the same suit. So, there’s indeed much luck, but also much nastiness, some risk taking, some bluffing, some card counting, and some more nastiness. This feels a bit like the ultra-light version of Shinobi WAT-AAH, and it’s a great game both for young kids and adults.
There are no heavier games in bigger boxes in this list. I don’t have many opportunities to play games several hours long and with dozens pages of rules,, but I miss them a bit. The one I’m a bit excited about at the moment is Francis Drake. I’ve watched a game of it, and it looked very original and multifaceted. I got myself a copy afterwards, and I’m really eager to play it one of these days. – if I can find players
Livres, jeux et tablettes
Books, games and tablets
Depuis que j’ai acquis un Kindle, je ne lis plus guère que des livres au format électronique. La liseuse est plus légère que le livre, surtout quand, comme moi, on lit surtout des pavés de quelques centaines de pages. Elle ne perd jamais la page, elle fatigue moins les yeux, elle permet de prendre des notes, de voyager avec sa bibliothèque et de passer en deux clics d’un livre à un autre.
J’ai pourtant bien du mal à me mettre aux jeux sur écran, que je pratique très rarement. Même les jeux hybrides, très à la mode en ce moment, où l’on déplace sa figurine sur l’écran d’une tablette, ne parviennent ps à m’enthousiasmer.
Je me suis donc demandé quelle était la différence, d’où venait mon attachement à l’objet jeu, à la boite en carton, et ma relative indifférence à l’objet livre, aux pages de papier brochées ou reliées.
L’objet réel de la lecture n’est pas le livre, c’est le texte. La preuve en est que si je me sens toujours un peu mal à l’aise à l’idée de lire un livre en traduction, ce que je fais pourtant bien souvent faute de parler le russe, la japonais ou le chinois, je n’ai aucun scrupule particulier à lire sur un écran. Le livre traditionnel n’est que l’un des supports possibles du texte. Il représente un progrès sensible par rapport aux rouleaux de parchemin et aux tablettes d’argile, mais je ne vois aucune raison d’avoir pour lui un attachement fétichiste quand une liseuse, malgré quelques défauts, permet dans l’ensemble une lecture plus facile. Les livres qui ne se prêtent pas au portage sur liseuse sont ceux, peu nombreux, qui sont de réels objets, des albums de pop-up à l’excellent « House of Leaves » de Mark Z. Danielewski.
L’objet réel du jeu n’est pas non plus la boite, les cartes, les pions et les dés. Ce sont les règles, et les interactions qu’ils génèrent entre les joueurs. Or il me semble que, pour l’instant, l’informatique ne permet pas d’accéder à ces règles et de représenter ces interactions avec autant de clarté que le carton, le bois, et occasionnellement le plastique – du moins si l’on conserve les mêmes règles. Il n’y a rien de plus frustrant que les adaptations sur écran de jeux de société en boite, et même les mieux réalisées, comme celle des Aventuriers du rail, ne m’ont retenu que quelques jours.
Si tablettes et ordinateurs sont de médiocres supports pour les jeux qui n’ont pas été conçus pour eux, ils permettent en revanche la création de bien des jeux qui auraient été impossibles sans eux, et même l’apparition de nouvelles manières de jouer. Nous avons alors d’autres règles, d’autres interactions, assez différentes de celles deux jeux classiques et c’est ce qui explique le succès de bien des jeux en ligne, qui ne sont en rien des jeux de cartes ou des jeux de plateau sur écran (Hearthstone est ici l’exception qui confirme la règle).
Ma seule objection de principe au support informatique pour les jeux est qu’il encourage plutôt à jouer chacun chez soi, seul ou en réseau, et est donc un peu moins social que le jeu sur table. Rien n’oblige cependant à ce qu’il en soit toujours aussi. Il existe des jeux sur tablette nécessitant d’être ensemble et générant de sacrées interactions, comme l’excellent Space Team. Je me suis moi-même mis à réfléchir, ces dernières semaines, à deux jeux devant être joués l’un avec un téléphone, l’autre avec une tablette. Ce sont des jeux de société, puisqu’ils demandent aux joueurs de s’asseoir autour d’une même table, de se regarder, de se parler, mais ils se jouent avec une tablette ou un téléphone, comme d’autres avec des pions ou des cartes.
Bref, si la liseuse renouvelle la lecture, elle ne révolutionnera sans doute pas le livre – entendu au sens de texte. À l’inverse, tablettes et téléphones ont déjà commencé à révolutionner le jeu, mais ne changeront sans doute pas la manière dont je joue aux Aventuriers du rail ou aux Colons de Catan. Je ne suis peut-être pas si mécontent que cela que la version numérique de Citadelles ait pris une dizaine d’années de retard….
Since I bought a Kindle, I read most of my books in electronic format. E-readers are lighter than books, especially when, like me, you read mostly massive tomes several hundred pages long. It never forgets the last page, it’s less tiring for eyes, it makes taking notes and jumping from a book to another much easier, it even allows me to travel with a whole library.
Surprisingly, since I’m far from being a luddite, I play very few digital gamest. Even the trendy hybrid games, where players move a plastic miniature on their tablet screens, leave me cold.
I’ve tried to understand why I still feel bound to physical games, with meeples in a cardboard box, and not to good old paper books, be they soft or hardcover. I think the main reason is that the true object of reading is not the book, but the text. The best proof is that, while I have no problem reading an old book on my kindle, I still feel uneasy every time I read a translation, something I unfortunately have to do regularly since I can’t read Russian, Japanese or Chinese in the original text. Paper books are only one of the possible format for text. They are much more efficient than parchment scrolls or clay tab The only books that can’t really be read on an e-reader are the few ones which are more object than text, ranging from pop-up albums to Mark Z. Danielewski’s House of Leaves.
Similarly, the object of gaming is not the box, the cards or the dice but the rules and the interactions they create between the players. The problem is that, so far, these rules and interactions usually cannot be smoothly and efficiently implemented digitally. Digital portings of physical boardgames feel frustrating, and even the best designed ones, like Ticket to Ride, didn’t get me hooked for more than a few days.
On the other hand, while tablets and phone are poor medias for games that were not designed initially for them, they make possible many new games, even complete new ways of gaming, that could not be achieved in the pure physical world. They have different rules, different systems, different kinds of interaction – they are tablet games or computer games, not card or boardgames on a screen. OK, Hearthstone might be an exception.
My only caveat on digital games is that they usually encourage solitaire gaming, at home. There is interaction in online games but, most times, players are not facing each other, and computer games tend to feel less social than boardgames. This trend, however, is not a necessity, and there are some digital games that require strong social interactions and physical proximity, like the fabulous Space Team. Last weeks, I’ve started to think of two digital game designs, one using a tablet and another one using a smartphone. Both feel like boardgames, since players have to sit around a table, to talk, to look at each other, but they cannot work without a digital device.
E-readers will certainly revolutionize reading, but most books will stay the same – just text. Computers, tablets and phones have already changed what tai play Ticket to Ride or Settlers of Catan. And may be it’s not that bad that the online version of Citadels is almost ten years late.
L’école et l’Europe
Europe at school
Il n’y a pas plus européen, pro-européen, pan-européen que moi, même si ce n’est pas avec le même enthousiasme qu’il y a une vingtaine d’années – peut-être parce que j’aimerais une Europe des lumières et pas une Europe des nations. Les lumières, c’est joli et sympa; les nations, c’est moche, bête et méchant.
Je devrais être rassuré en feuilletant les programmes et les manuels scolaires de lycée, très favorables à l’idée européenne, mais je suis effaré – surtout lorsque je dois les utiliser. En économie, histoire, géographie, sociologie, l’Europe est abordée sans cesse, les mêmes fausses évidences rabâchées d’année en année, avec une finesse digne de la propagande stalinienne. Ce bourrage de crane, dont les élèves ne sont pas dupes, ne peut à terme que les dégoûter d’une idée européenne qui, me semble-t-il, serait encore en mesure de supporter l’intelligence, la réflexion, la subtilité et pourquoi pas la discussion.
Ceux qui définissent les programmes scolaires, ceux qui rédigent les manuels, oublient une règle d’or de l’enseignement – il ne faut jamais prendre les élèves pour des cons. Ils le sont parfois, mais c’est loin d’être une règle générale.
I should feel reassured when browsing school curricula and schoolbooks, all very pro-european, but I’m aghast. In economics, history, geography, sociology, Europe comes back almost every year, in every syllabus, as an evidence that should not be discussed, like historical materialism in stalinist schoolbooks. Students are not fooled by this cramming, whose most likely effect will be to put them off all things european. It’s shame, because I’m sure European ideas can still stand thought, subtlety and even discussion.
Those who write curricula and schoolbooks forget a golden rule of teaching – never talk to students like they’re dumb. They might be, sometimes, but it’s far from being a general rule.
Éléphants de guerre, éléphants de course
War elephants, race elephants
Les jeux ne sont pas, ou très rarement, des simulations. Ils fonctionnent cependant presque toujours à l’aide de métaphores assez simples qui permettent de faire le lien entre thème et mécanismes. Les plus fréquentes, mais pas les seules, sont celles de la guerre et de la course. Une partie de go ou d’échecs sera décrite en termes militaires, un jeu de pli sera vécu comme une succession de batailles – et le plus simple d’entre eux en tire d’ailleurs son nom. Le jeu de l’oie est décrit comme une course, et les deux métaphores peuvent se mêler au backgammon, tout à la fois course et bataille.
Les choses sont un peu plus complexes dans les jeux de société modernes. On peut notamment repérer au moins une nouvelle métaphore majeure, celle de la croissance, du développement, de la construction, illustrée notamment par les colons de Catan ou les Aventuriers du rail. Les jeux décrits comme un affrontement, qui sont loin d’avoir tous des thèmes guerriers, restent très nombreux. Les jeux de course sont en revanche passés de mode, et sont parfois traités avec condescendance, comme s’ils étaient réservés aux enfants.
Je le regrette. Mes raisons ne sont pas politiques. J’ai pratiqué suffisamment de jeux ouvertement guerriers, avec des dragons mais aussi avec des tanks et des avions, pour savoir que la métaphore, même appuyée, n’est en elle-même ni coupable, ni dangereuse. La raison est technique : la course permet de créer entre les joueurs une tension et une compétition assez différentes de celle que créent les jeux d’affrontement direct. On ne se bat plus contre l’autre, on essaie d’aller plus vite, de passer devant. Cela ne signifie absolument pas l’absence d’interaction; on peut faire la course en se tirant dans les pattes ou, pour ceux qui trouvent l’expression un peu violente, en se mettant des batons dans les roues. Mes jeux de course préférés, comme Ave Cesar, ou La Poursuite en Ballon, sont d’ailleurs des jeux assez méchants, et il en va de même de mes créations – China Moon où l’on peut déplacer les grenouilles adverses, Pony Express où l’on peut bluffer sur son jet de dés, Lost Temple avec ses personnages inspirés de Citadelles. Dans Formula E, tous les joueurs peuvent déplacer les vaches sacrées pour bloquer le passage des éléphants, et les pachydermes n’hésitent pas à se pousser et se bousculer.
Si Formula D était un jeu de courses de voiture, Formula E est donc un jeu de courses d’éléphants. Pas de dés, tout se passe avec des cartes, permettant de faire avancer ses éléphants plus ou moins vite, mais aussi de déplacer les vaches sacrées, de faire intervenir une souris pour effrayer un éléphant adverse. Il y a aussi des cartes Sadhu, tigre, charmeur de serpent et même tapis volant, chacun permettant quelques entourloupes et déplacements imprévus. C’est ce que l’on appelle généralement un jeu « familial » – expression de plus en plus inadaptée puisque les jeux « familiaux » sont le plus souvent joués entre amis -, un jeu aux règles simples, très dynamique, mêlant chance et tactique.
Puisque c’est un jeu « familial », il ne supporte pas l’alcool, et l’éditeur a transformé la carte alcool de mangue – je ne sais même pas si l’alcool de mangue existe réellement – en un plus politiquement correct jus de mangue. Qu’importe, les joueurs ne se feront sans doute guère d’illusions quand ils verront leurs éléphants avancer en diagonale. De même, l’éditeur, Clever Mojo, a trouvé un peu trop méchant pour un contexte « familial » l’effet original du serpent, qui faisait diminuer de 1 le nombre de cartes piochées par un joueur à la fin du tour, et l’a modifié pour qu’il fasse défausser une carte après avoir pioché, ce qui est parfois avantageux. Je continuerai sans doute à jouer avec notre méchante règle d’origine.
Mais ce sont là des détails, car l’éditeur, en la personne de David MacKenzie, a fait sur ce jeu du très beau boulot. Il nous a largement guidés, Sergio, André et moi, dans la conception d’une extension dont je n’étais pas vraiment convaincu de l’utilité, et qui finalement, avec ses pistes boueuses et ses manguiers, renouvelle vraiment le jeu et s’avère très agréable. Les illustrations de Jaqui Davis, tout en pastels chauds et vifs, sont parfaitement dans l’esprit du jeu – notamment les éléphants peinturlurés de la couverture. Bref, ce jeu a mis bien du temps à venir, mais je suis très content du résultat.
Formula E, que j’ai conçu avec les auteurs brésiliens André Zatz et Sergio Halaban, est publié par Clever Mojo / Game Salute, un petit éditeur américain aux tirages modestes, et pas toujours bien distribué, et vous ne le trouverez donc peut-être pas dans votre boutique préférée – mais vous pouvez sans doute lui demander de se le procurer. Aux États-Unis, vous pouvez commander le jeu directement auprès de l’éditeur.
Formula E
Un jeu de Sergio Halaban, André Zatz et Bruno Faidutti
Illustrations de Jacqui Davis
3 à 6 joueurs – 60 minutes
Publié par Game Salute
Tric Trac Boardgamegeek
Boardgames are usually not simulations, but the almost always use strong (and rough) metaphors which link the theme and the mechanisms. War and race are the most frequently used metaphors, though not the only ones by far. A game of chess or go is always described in military terms, while a trick taking game is seen as a succession of battles – and the simplest one is the game of war. Snakes and Ladders and the game of Goose are described as races, while Backgammon managesd to be both a race and a war.
Things are slightly more complex with modern boardgames. There’s at least one more major metaphor, that of growth, development, building, exemplified by Settlers of Catan or Ticket to Ride. Games described as a confrontation, a war – most of which are not about war – are still numerous, but racing games seem to be out of fashion, and are usually treated with some condescension by so-called « hardcore gamers », as if they were necessarily childish – and they are not.
It’s a shame. Not for political reasons – I’ve played enough war games, mostly with dragons but sometimes with tanks, to know that the metaphor, even when a bit heavy, is in most cases innocent and harmless – but for technical reasons. RacePlayers do not fight one against the other, they try to go faster, to overtake one another. This doesn’t mean there’s no interaction – players can also block or hinder one one another. We have two French proverbial expressions to express this idea, I don’t know if they work in English or have some English equivalent – to shoot in each other’s legs, and to put sticks in each other’s wheels. My favorite race games, Ave Caesar and The Great Balloon Race, are quite nasty, and so are my own designs. In China Moon, one can move opponents’ frogs; in Pony Express, one can bluff his dice roll; the characters in Lost Temple have the same kind of interaction as the ones in Citadels. In the last one, Formula E, all players can move holy cows to block the other players, and pachyderms jostle and push one another.
Formula D was a car racing game, Formula E is an elephant racing one. No dice, the game is played with cards with various effects. Some move one’s elephant forward, slower or faster, but some can move these pesky holy cows, or call a mouse to frighten the pachyderm. There are even Sadhu, snake charmer or flying carpet cards, allowing for some unexpected moves and nasty tricks. Formula E is what is often called a « family » game – a increasingly wrongly named category since these games are more and more played among friends. This means a light and dynamic game, with simple rules, and with an even mix of luck and tactics.
Since it’s a family game, it’s also a dry one, and the publisher changed the mango spirit card into mango juice. Anyway, the players won’t be fooled when their elephants will start moving diagonally. For similar reasons, the Clever Mojo guys also thought that the original effect of the snake, which reduced by one the number of cards drawn at the end of one’s turn, was too nasty and changed its effect for something much lighter. Now, it only make its target to discard a card after having drawn, which is sometimes a good thing. I’ll probably keep on playing our original evil rule.
These are really small details, and the publisher – namely David MacKenzie – made a great job with developping the game. He coached André, Sergio and me in designing the expansion track. I was skeptical about . And Jaqui Davis pictures, especially the cover art with these painted elephants. It took some time, more than we have wished for, but the result looks beautiful.
Formula E, a game I’ve designed with Brzailian authors André Zatz and Sergio Halaban, is published by Clever Mojo / Game Salute, a small US publisher, with low print runs and not the largest distribution, so you might not find it in your favorite shop. You can always order it directly from the publisher.
Formula E
A game by Sergio Halaban, André Zatz & Bruno Faidutti
Graphics byJacqui Davis
3 to 6 players – 60 minutes
Published by Game Salute
Boardgamegeek
Rencontres Ludopathiques 2014
2014 Ludopathic Gathering
La semaine dernière se déroulaient, à Etourvy, petit village de Champagne, les rencontres ludopathiques, dont c’était, je crois, le vingtième épisode. Ce qui n’était à l’origine qu’un week-end entre amis est peu à peu devenu aussi ma petite convention ludique privée voire – c’est l’autre Bruno qui le dit – pour quelques jours, le centre du petit monde ludique. On parle un peu business, les auteurs essaient de montrer leurs jeux aux éditeurs, les éditeurs de trouver la perle rare, mais la plupart des habitués sont simplement de vieux amis et l’ambiance reste avant tout décontractée – casual diraient les américains. J’aimerais réussir encore à conserver aussi longtemps possible cet équilibre bon enfant entre le professionnel et l’amical.
J’ai longtemps écrit des comptes rendus détaillés mais, comme l’an dernier, celui de cette année sera assez succinct, tant il est difficile de rendre l’ambiance d’un tel événement par un texte. Un coup d’œil aux galeries d’images avec des gens qui jouent, des gens qui rient, des gens qui courent donnera sans doute le meilleur résumé de ce long week-end.
Bien sûr, c’est épuisant, et je rentre un peu lessivé mais, comme chaque année, avec pas mal de chouettes souvenirs – et je prends sans doute un certain plaisir à être, pour quelques jours, la vedette et le maître des événements. Même si je passe une bonne partie du week-end à courir dans toutes les directions, j’ai quand même pu jouer un peu, discuter avec des amis que, pour certains, je ne vois plus guère qu’à cette occasion, et discuter ici et là de tout et de rien. Seul petit problème, le budget, que j’avais mal calculé cette année – l’an prochain, il faudra que je demande une dizaine d’euros en plus à chaque participant… Mais bon, rien de grave !
Le premier jour, ce sont mes jeux qui ont été les plus joués, notamment Formula E, dont je venais de recevoir quelques premières boites, qui a été très apprécié. J’avais également quelques prototypes dont un, un petit jeu de cartes assez méchant conçu avec Eric M. Lang, qui après avoir été beaucoup joué les premiers jours a trouvé un éditeur. Un autre de mes projets, encore à l’état d’ébauche a beaucoup fait rire – vous le reconnaitrez aisément sur les photos, c’est le jeu où les joueurs ont un bandeau tantôt sur la bouche, tantôt sur les yeux.
Je ne peux pas faire une liste de tous les prototypes joués pendant ce week-end, et certains auteurs préfèrent sans doute que l’on reste discret, mais j’en citerai quand même quelques uns. Bruno Cathala était bien chargé en boîtes de jeu, mais il a surtout fait tourner Five Tribes, installé à demeure sur une des tables de la salle du haut – ce jeu sort bientôt chez Days of Wonder, et dont j’ai enfin pu faire une partie. C’est un jeu très tactique, assez calculatoire, aux mécanismes extrêmement originaux, sans doute l’une des meilleures créations du Bruno des montagnes – j’ai quand même une pensée pour les nombreux exemplaires de Sacré Chameau qui ont dû être sacrifiés pour réaliser les prototypes, parce que Sacré Chameau, c’est aussi un sacré bon jeu. Time Stories, le jeu de cartes – jeu de rôles jamais terminé de Manuel Rozoy, à paraître chez les cow-boys de l’espace, a encore été testé et raffiné. Hervé Marly faisait rire tout le monde avec Il est interdit d’interdire. Rémy-Lee, qui semble bien être le nouveau Roberto Fraga, avait amené quelques jeux particulièrement loufoques, qui se jouent avec des miroirs ou des flacons de ketchup – on attend tous avec impatience ses premières sorties chez Haba.
Deux éditeurs, Rick Soued et Rob Merickel, avaient fait le voyage depuis les États-Unis. Le premier a expliqué a des joueurs enthousiastes Francis Drake, l’un des quelques jeux monstres joués sur le week-end, mais a surtout beaucoup fait tourner le prototype de Cubist, un jeu d’Alf Seegert, et j’espère que nous l’avons convaincu que ce n’était pas un jeu sur l’art moderne mais un jeu de science-fiction – à voir. Le second a plumé tous les frenchies au poker, et a pu faire tourner un peu le prototype du jeu d’enchères que j’ai fait avec André Zatz et Sergio Halaban, et qui devrait sortir d’ici quelques mois – nom de code pour l’instant, Warehouse 51. L’extension de Mascarade a également un peu tourné, et on a même trouvé une excellente idée pour un nouveau personnage. Quant à Mission Planète Rouge, Bruno et moi avons enfin pu discuter et parfois valider ensemble les nombreuses modifications que nous sommes en train d’effectuer.
Je sais, je parle surtout de mes prototypes, mais la raison est simple – des autres, je n’ai que quelques photos, et des photos qui ne disent généralement pas grand chose, ni thème, ni mécanisme, ni auteur – à l’exception des jeux de Rémy-Lee, que l’on reconnait aisément.
Du côté des nouveautés à peine publiées ou qui vont bientôt sortir, le grand succès du week-end fut incontestablement un jeu ukrainien dont nous n’avions qu’une boite en polonais – mais on est des professionnels, quand même. Ce jeu d’enquête coopératif étonnant, magnifiquement illustré, set un peu un Dixit pour gros joueurs. Il fut joué tout le week-end – avec le plus souvent Maeva dans le difficile rôle du fantôme. Ont été aussi beaucoup appréciés Formula E, Pathfinder, Clusterfuck, Loony Quest, Nosferatu, Gravwell, Mystères, La Nuit du Grand Poulpe, Crazy Time. Certains ont détesté Shinobi Wat-Aah, pour moi c’est une des découvertes du week-end, et je suis convaincu que ceux qui le pensent incontrôlable ont tort; d’ailleurs, j’ai largement gagné. C’est un peu le contraire pour Splendor, que je n’apprécie guère mais qui a eu un beau succès. Animal Suspect sort en juillet, mais j’avais reçu une boite de préproduction, sans gobelet – elle a beaucoup tourné aussi.
Côté retrogaming, les deux auteurs d’Armada se sont retrouvés autour d’une partie, remportée je crois par Philippe. J’ai repéré aussi quelques parties de Fallen Lands, un jeu dont je dois être l’unique possesseur en France et auquel quelques enthousiastes rejouent chaque année. Et puis, sur les photos, je vois les excellents Morgenland ou Samurai, et des trucs rigolos comme Situation 4.
Il n’a presque pas plu, mais il faisait frais et nuageux, ce qui ne favorisait guère les ballades dans les bois et les jeux en extérieur. J’ai profité de ce que j’avais besoin de bandeaux pour un de mes prototype pour en commander suffisamment pour organiser un brouhaha les yeux bandés – ça m’a eu l’air beaucoup plus drôle que dans la version classique, mais je ne peux pas vraiment juger, n’ayant pas moi-même porté de bandeau. Comme chaque année, il y a eu du Battletag, une partie de jour et une de nuit dont je n’ai pas de photos. Manu a aussi animé quelques séances de Two Rooms and a Boom.
Voila, c’est tout – un grand merci à tous les participants, à l’équipe du Domaine Saint-Georges à Etourvy, et aux éditeurs listés ci-dessous qui ont contribué à ce week-end en envoyant des jeux ou en faisant le déplacement – j’espère que je n’oublie personne.
Abacus, AEG, Asmodée, Days of Wonder, Eagle Games, Fantasy Flight GAmes, Flatlined Games, FunForge, Gameworks, Gigamic, Grosso Modo, Gryphon, Horrible Games, Iello, In Ludo Veritas, Letheia, Libellud, Ludicreations, Lui-même, Matagot, Passport Games, Schmidt, Space Cowboys, Steffen Spiele , Superlude, White Goblin, Zoch
Last week, the Ludopathic Gathering took place in Etourvy, a small village in the Champagne countryside. I think it was the twentieth time or so. What was originally a gaming week-end with friends has also become my very own small private gaming convention. There’s some business talk, authors show their games to publishers, publishers look for some interesting new games, but it’s still mostly casual gaming between cool and friendly people week-end dernier . I’d like to keep this balance between the friendly and the professional aspect.
I used to write long reports but, like last year, this one will be short, because it’s difficult to report the mood of such an event in a text. A look at the many pictures of people playing, laughing, talking and running is probably the best report.
Of course, I’m worn out but, like every year, I come back with nice memories – and I enjoy being at the center of everything for a while. Even when I spent a good deal of these three days running in every directions, I found opportunities to play some games, and to talk with friends, including a few ones I now see mostly on this occasion. The only small issue this year is the budget, which i hadn’t reckoned accurately – next year, I’ll probably charge each attendee a dozen euros more – anyway, nothing serious.
On the first day, the most played games were clearly mine, and notably Formula E, of which I have received a few advance copies. I also had a brand new prototype, a light and nasty card game designed with Eric M. Lang, which was played so intensely that a publisher decided to take it. Another one of my prototypes made for some good laughs – you can easily sport it on the pictures, it’s the one with players having a blindfold sometimes on their mouth, sometimes on their eyes.
I cannot make a full list of the prototypes played this week-end, and some authors probably prefer some secrecy, but I’ll nevertheless list a few ones. Bruno Cathala had a bunch of game boxes, but he concentrated on Five Tribes, which occupied a table on the upper room for the whole gathering. Five Tribes, which will be published by Days of Wonder, and I finally managed to play it. It’s highly tactical, very dynamic, sometimes a bit of a brain burner, with very original game systems, and it’s probably one of the best games by the mountain Bruno. I nevertheless have a sad thought for the many copies of the great Blazing Camels that were cannibalized into the prototypes. Time Stories, the board-role playing game designed by Samuel Rozoy was once more play tested and fine tuned. Hervé Marly had one more stupid party game, Forbidden to Forbid. Rémy-Lee, who seems to be the new Roberto Fraga, had brought some zany games played with mirrors or with ketchup and mustard bottles – I’m waiting for his first games with Haba.
Two US publishers, Rick Soued and Rob Merickel, had made the trip. The former played a long game of Francis Drake with enthusiastic players, but mostly demoed Alf Seegert’s Cubist, which he wants to publish – and I think everybody here tried to explain him that science-fiction would make a better and more fitting theme than Modern Art – I hope we convinced him. The latter played the auction game I have designed with André Zatz and Sergio Halaban – code name Warehouse 51 – that he will publish next year, and crushed the frenchies at poker. I played a few games of the Mascarade expansion, and we even added a new fun and highly chaotic character. I played Mission Red Planet with the other Bruno, we validated some changes and discussed a few more. You might think I’m writing mostly about my own prototypes – that’s true, but one of the reasons is that I have only pictures of other designers’ ones, and usually pictures that don’t say anything about theme, mechanism or author – the only games easy to attribute are Rémy Lee’s ones.
Of course, we didn’t play only prototypes. The major hit of the week-end was nevertheless almost as mysterious – an Ukrainian game of which we only had a Polish copy. Anyway, we’re pros, we can manage. This strange and gorgeously illustrated cooperative whodunnit game feels a bit like the hardcore gamer’s Dixit. It was played all over the week-end, often with Maeva as the ghost, a difficult role. There were also regular plays of Formula E, Pathfinder, Clusterfuck, Loony Quest, Nosferatu, Gravwell, Mystères, La Nuit du Grand Poulpe, Crazy Time. Some players disliked Shinobi Wat-Aah, but it was one of my favorite new games; Those who say it’s uncontrollable are wrong, and the best token of it is that I won. It’s the reverse for Splendor – I don’t really care for it, but it was intensely played and most like it. Animal Suspect is not out yet, but I had a preprod copy which was also much played.
There was also some retrogaming. The authors of Armada, French 1986 game of the year, played their first game for quite long – I think Philippe won. I’ve spotted a few games of Andrei Burago’s Fallen Lands, a game which is played every year by a few fans. I also notice on the pictures games of Morgenland or Samurai, and a few fun things like Situation 4.
It didn’t rain, but it was cold and cloudy, not the best for walking through the woods and playing outdoor games. Anyway, since I needed a few blindfolds for one of prototypes, I had ordered a hundred more to play blindfolded Brouhaha, and it was really a blast. Like every year, there were a few games of Battle Tag next to the river, including one in the night – but I don’t have any picture of it. Manu also mastered a few fun sessions of Two Rooms and a Boom.
That’s all folks. Many thanks to all the attendants, to the Domaine Saint Georges team in Etourvy, and to all the publishers who joined us or send us games – see the list below. I hope I don’t forget anyone.
Abacus, AEG, Asmodée, Days of Wonder, Eagle Games, Fantasy Flight GAmes, Flatlined Games, FunForge, Gameworks, Gigamic, Grosso Modo, Gryphon, Horrible Games, Iello, In Ludo Veritas, Letheia, Libellud, Ludicreations, Lui-même, Matagot, Passport Games, Schmidt, Space Cowboys, Steffen Spiele , Superlude, White Goblin, Zoch
Formula C vs Elephant Cup
Quelques jours avant mes boites de Formula E, j’ai acheté Camel Cup. Tous deux sont des jeux de course simples et rapides, mais ils n’ont pour le reste pas grand chose à voir. Camel Cup, auquel je n’ai pas encore joué mais qui a l’air bien amusant, est un jeu de pari dans lequel on ne sait pas très bien qui a misé sur quel chameau – un genre que j’ai toujours apprécié, dans la lignée de Jockey, La Course des Tortues ou La Poursuite en Ballon; Formula E est un jeu de course où chaque joueur pilote un éléphant, plus dans la lignée d’Ave Cesar. Les chameaux de Camel Cup se montent dessus, les éléphants de Formula E se contentent de se bousculer.
Il n’empêche qu’il y a a, dans le titre et le traitement graphique, un esprit commun ! On pourrait avoir Formula C et Elephant Cup – C’était dans l’air…
A few days before I got my advance copies of Formula E, I bought a copy of Camel Cup. Both are light and fast paced race games, but they have nothing in common in their mechanisms. Camel Cup looks great from reading the rules but I have not played it yet. It is a betting game in which one doesn’t know what camel the other players have bet on, a genre I always liked, in the line of Jockey, The Great Balloon race or Ribbit. Formula E is a more classical race game, in which every player controls an elephant, more in the line of Ave Caesar. Camels in Camel Cup can be stacked one on top of another, while Elephants in Formula E can push one another.
Anyway, the puns in the game names and the graphic styles feel a bit similar. They could have been names Formula C and Elephant Cup! Fun coincidence.
La Volonté de Savoir
The Will to Knowledge
Ne me demandez pas si ce post est un canular – je n’en sais rien moi-même.
Relisant récemment La Volonté de Savoir, de Michel Foucault, j’ai été frappé par les nombreux parallèles qu’il me semblait pouvoir tracer entre ce que je lisais et mon expérience du jeu. Sur bien des points, l’histoire des discours sur le jeu me semble en effet reproduire, mutatis mutandis, l’histoire des discours sur la sexualité tels qu’ils sont mis en évidence dans ce premier tome de l’Histoire de la Sexualité. Cette thèse mériterait une étude plus poussée, appuyée sur une véritable recherche historique, et je me contenterai de présenter ici quelques indices ponctuels, de suggérer quelques pistes, en espérant que quelqu’un aura l’envie, le temps et les outils intellectuels qui me manquent pour l’approfondir. Foucault revendiquait volontiers le caractère ludique de sa démarche, mais il n’a jamais, je crois, envisagé le jeu comme sujet d’étude.
Même si elles ne peuvent pas toujours être poussées très loin, les analogies ponctuelles sont nombreuses et parfois amusantes. Lorsque Foucault, par exemple, décrit les condamnations de la masturbation adolescente au XIXème siècle, avec des arguments relevant autant de l’hygiène que de la morale, j’ai cru relire les nombreux articles de journaux dans lesquels des spécialistes plus ou moins autoproclamés condamnent aujourd’hui la pratique nocturne et solitaire des jeux videos. Tout comme les hygiénistes victoriens faisaient mine de croire que la masturbation est le propre de l’adolescence, certains psychologues d’aujourd’hui semblent d’ailleurs souvent ignorer que l’on peut jouer aux jeux video après vingt ans.
Au fil de la lecture, d’autres analogies apparaissent ici et là, comme entre l’interdit de l’inceste et celui du duel, entre l’hystérie et le jeu d’argent, mais ce n’est pas l’essentiel. Au delà de tel ou tel détail amusant, ce qui frappe, c’est à quel point l’analyse globale que Foucault fait de l’histoire des discours de la sexualité en Occident pourrait facilement s’appliquer, quoi que sur un mode mineur, au jeu.
Foucault écrit, du moins si on le résume rapidement et assez grossièrement, que du Moyen-Âge au vingtième siècle, le sexe a été moins l’objet d’une répression que d’une injonction au discours, puis à l’analyse, qui aboutit à faire de la sexualité, pour la culture occidentale, la vérité profonde et jamais réellement cachée de l’homme. La psychanalyse, la libération sexuelle, le féminisme, toutes les formes récentes de dévoilement du sexe, n’auraient donc rien de révolutionnaires mais ne seraient qu’une nouvelle modalité de la sexualité comme outil de contrôle social.
On voit bien qu’il est possible de dire un peu la même chose du jeu. Le jeu n’a jamais été globalement réprimé, mais il a toujours fait l’objet de discours moraux très critiques qui, d’une autre manière, en faisaient un peu la vérité de l’homme. Si le jeu des enfants était largement accepté, voice encouragé parce que formateur, le jeu adulte semblait un gaspillage d’énergie tout comme le sexe non reproductif. En même temps, tout comme le sexe, le jeu semblait quelque part un secret de l’homme, un secret sans doute secondaire et bien moins universel que le sexe, mais un secret quand même, méritant analyses et discours. Les excès dans le sexe et dans le jeu ont d’ailleurs souvent partie lié, du libertinage d’un Casanova à l’imaginaire – et peut-être la réalité – de la prohibition. La pathologisation de certaines formes de jeu – en particulier le jeu d’argent, le plus immédiatement dangereux pour la logique capitaliste – rejoint la pathologisation de certaines formes de sexualité – en particulier l’homosexualité. La psychanalyse, depuis Freud, renvoie l’homme à la sexualité; nous n’avons pas de psychanalyse le renvoyant au jeu, mais elle est intellectuellement tout à fait concevable, et je ne serais guère étonné de la voir arriver bientôt.
Dans les années soixante, certains ont pensé que la libération sexuelle était révolutionnaire. Foucault, qui se moque à l’occasion des « Marcuseries », n’y croyait guère, et l’histoire lui a donné raison. Les homosexuels ne veulent plus faire la révolution, ils veulent se marier et avoir des enfants.
Aujourd’hui, le jeu commence semble à son tour se dévoiler, semble être partout. La mode du poker montre que le jeu d’argent n’est plus une perversion. Les jeux videos se veulent soit huitième, neuvième ou dixième art, soit technique de formation des plus sérieuses. On parle avec emphase de « gamification » du monde. Personne, cependant, n’y voit les prémisses d’une révolution – dommage, nous aurions tort, mais au moins ce serait marrant.
Don’t ask me if this post is a joke – I’m not sure.
Recently, while rereading Michel Foucault’s The Will to Knowledge, I was stricken by the many analogies between what I was reading and my experience of games and gaming. It seems to me that the history of discourses on game is, mutates mutandis, very similar with the history of the discourses on sexuality as Foucault tells it in this first book of his History of Sexuality. Of course, this hypothesis would require a much more serious work, based on extensive historical surveys. I won’t do it, but I’d like to emphasis here some factual evidence examples, and suggest some directions. May be someone will have the will, the time and the academic tools I lack to delve deeper in this. Foucault sometime claimed the playful aspect of his work and method, but never, as far as I know, considered game as a research topic.
Even when most of them can’t be pushed very far, the one-off analogies are numerous, striking and often fun. When Foucault discusses how XIXth century physicians condemned teenagers masturbation, based on both hygienic and moral issues, one feels like listening to the condemnation, usually by self-proclaimed psychologists, of the nightly and solitary practice of video games. Furthermore, when XIXth century hygienists seemed to believe that masturbation is practiced only by adolescents, many XXth century « specialists » write as if no one played video games after twenty.
There are many other striking analogies, like between the bans on incest and on duel, between hystery and gambling, but that’s not my main point. What’s most impressive is how Foucault’s global theoretical analysis of the history of the discourse on sexuality can be applied, on a minor key, on game.
A short and very rough resumé of Foucault’s theory could be that, from the Middle Ages to the XXth century, sex was not globally repressed in the Western World, as was often said in the seventies; on the contrary, there was an injunction to track of and analyze sex. The result of this recurring injunction was that sex became, for the western culture, the deepest truth of human nature. Psychoanalysis, feminism, sexual revolution and all such recent movements who tried to unveil sexuality were therefore not revolutions, but just new ways of using sexuality for social control.
Something very similar can be said about game. Game was never globally repressed, but it was always the object of a critical moral discourse which supposed that it was part of the deep human nature. Children games were tolerated, or even encouraged because it was part of education, but adult gaming were seen as waste of energy, like non reproductive sex. In the same time, game was considered to be part of the secret of human nature – a secondary secret, less moving and universal than sex, but a similar secret, worth analyzing and talking about. Excesses in games and in sex were often related, as can be seen in the figure of the libertine Casanova or in the imaginary dimension of prohibition mobsters. The pathologization of some forms of gaming – and specifically gambling – is very similar, and has the same function, as the pathologization of some sexual behaviours, like homosexuality. Since Freud, Psychoanalysis has always sent the man back to his sexuality; there’s no psychoanalysis based on gaming, but it’s very easy to imagine one, and I wouldn’t be surprised to see it emerge soon.
In the sixties, many thought that sexual liberation was the first step to revolution. Foucault mocked Marcuse, and didn’t believe it. History proved him right – homosexuals now don’t want to make sexual revolution, they just marry and have kids. Gaming liberation, gamin unveiling is now on the way. Gaming is everywhere. Everybody plays poker, and gambling is no more a perversion. Video games claim to be an eighth, ninth or tenth art form. Some even talk emphatically of the gamification of the real world. But no one thinks to believe this is the start of a true political revolution. Pity – it would be wrong, but it would be fun.