Il est toujours tentant, surtout avec un jeu aux règles simples, de procéder à une modélisation mathématique. Le jeu sur lequel je travaille actuellement avec Eric Lang, largement basé sur le dilemme du prisonnier, s’y prête tout particulièrement…. et pourtant. Quelques expériences menées ces derniers jours montrent les limites de l’approche par la modélisation mathématique ou par le calcul stratégique.
Assez régulièrement dans la partie, les joueurs doivent faire une choix tactique entre trois décisions que nous avons baptisées Paix, 1, et Guerre. Dans les prototypes qui ont servi à tous les tests, ce choix est effectué sur un cadran. Chaque joueur prend un petit cadran de carton et oriente la flèche vers le symbole de son choix, et les cadrans sont ensuite révélés.
Les cadrans coûtant un peu cher à produire, nous mous sommes d’abord demandés s’ils ne pouvaient pas être remplacés par des cartes. Dans cette version, chaque joueur a trois cartes avec les symboles de la Paix, du 1 et de la Guerre. Chaque joueur choisit une carte, et les cartes sont révélées simultanément. Les joueurs trouvent cela un peu moins agréable à utiliser que les cadrans, mais cela fonctionne très bien, et statistiquement, les résultats obtenus sont les mêmes.
Nous avons ensuite eu l’idée de supprimer tout matériel, et de procéder comme à Pierre / Feuille / Ciseaux, avec une main ouverte pour la Paix, un point fermé pour la Guerre, et un pouce levé pour le 1. En théorie, ce mécanisme est parfaitement équivalent aux deux autres. En pratique, il donne un feeling et des résultats un peu différents, plus de guerre et moins de paix. Peut-être le geste du bras tendu pousse-t-il «naturellement » à l’agressivité, peut-être le fait de devoir prendre la décision en un instant, sans pouvoir hésiter ni revenir en arrière, nous pousse-t-il à des choix plus risqués. En tout cas, on ne joue plus tout à fait de la même manière.
Cela m’a rappelé un article que j’avais écrit il y a quelques années, dans lequel j’expliquai la différence entre piocher une carte au début ou à la fin de son tour. Là encore, en théorie mathématique, cela ne devrait faire aucune différence, mais en réalité cela influe beaucoup sur le style du jeu.
It’s always tempting to reduce a game to a mathematical model, especially with relatively simple games. The game I’m actually designing with Eric Lang, based on the prisoner’s dilemma, is a perfects candidate…. but a recent experience has shown the limits of a strategic or mathematical approach.
Every round, players have to choose secretly and simultaneously between three possibilities, which we have names Peace, 1 and War (or sometimes Greed). In our first prototypes, players had cardboard dials, and had to point a plastic arrow to one of the three symbols for Peace, 1 and Greed before the dials were revealed simultaneously.
Dials are expensive to produce, so we first tried to replace them with cards. Players have three cards with the symbols for Peace, 1 and Greed. Each player plays a card face down, then the cards are simultaneously revealed. It works, the results are more or less the same, but most players prefer dials.
Now comes the real experience. Get rid of cards and dial, and play this à la Rock / Paper / Scissors. A closed fist means War / Greed, an open Hand means Peace, a thumb up means 1. Theoretically, this system is equivalent to the two former ones. When playing, however, the feeling is very different, and it seems that the results are slightly more aggressive, with more wars and less peace. May be holding one’s arm makes one agressive, may be the requirement to play fast, without hesitation, makes us less careful ? Anyway, it’s the same game, but it plays a bit differently.
This reminded me of an article I wrote a few years ago about the timing for drawing cards in card games – after one’s turn or before one’s turn. Once more, theoretically, there ought to be no difference, but in practice there is, and it makes games feel differently.
Il s’agit peut-être d’un effet psychologique qui se rapproche du “Framing Effect”, selon lequel un scénario comportant deux choix va susciter des réponses différentes selon la façon dont il sera présenté (en terme de pertes vs en terme de gains), même si les choix sont mathématiquement équivalents d’une présentation à l’autre. Par exemple,
Scénario 1: Devoir choisir entre:
(a) Supporter un jeu sur Kickstarter le premier jour et bénéficier d’un rabais de $5.
(b) Attendre quelques jours et supporter le jeu au prix normal de $30.
Scénario 2: Devoir choisir entre:
(a) Supporter un jeu sur Kickstarter le premier jour pour $25.
(b) Attendre quelques jours et devoir payer une prime de $5 pour supporter le jeu.
Lorsqu’on lit les commentaires houleux sur BGG quand un éditeur offre ce genre de prime, on devine dans quel “frame” opère chaque individu.
Si l’on conçoit un jeu comme une série de décisions intéressantes, je suis certain qu’on ne finira pas bientôt de dénombrer les facteurs qui peuvent agir sur la psychologie, et donc l’expérience, des joueurs. Sur ce thème, je te suggère ‘Thinking, Fast and Slow’ de Daniel Kahneman.
Cela m’a rappelé un article que j’avais écrit il y a quelques années, dans lequel j’expliquai la différence entre porcher une carte
IL FALLAIT LIRE “PIOCHER UNE CARTE…” BIEN SUR.
Very interesting. I know there are lots of papers studying how decisions are affected by the opponent (ex. you’ll be more emotional to human opponent than AI opponent), but I haven’t read any paper showing this type of influence on decisions.
One possible explanation is that, you can see all three choices at the same time when using dials and cards but not when using hand sign. That will make your evaluation a little more difficult. But there are many possibilities and this is an interesting topic to study. You should write a paper on this!
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