Tous Collabos
Collaborators

Bruno shaman

William: “I’m sure we can all pull together, sir.”
Vetinari: “Oh, I do hope not. Pulling together is the aim of despotism and tyranny. Free men pull in all kinds of directions.”
― Terry Pratchett, The Truth

Coopérer ou collaborer

Les jeux de société les plus répandus sont des jeux de compétition. Cette compétition peut être brutale, sous la forme d’un affrontement direct entre les joueurs, où chaque territoire, chaque somme d’argent, chaque carte gagnée par un joueur est prise à un autre. Elle peut être plus douce, et prendre la forme d’une course pour arriver le premier au but ou d’une rivalité pour bâtir la plus belle cité. Le plus souvent, quelque part entre ces deux extrêmes, c’est une concurrence qui n’ignore pas les adversaires mais ne prend pas pour autant la forme d’une guerre ouverte. Et puis il y a les jeux dont la compétition est absente, du moins celle entre les joueurs, les jeux de coopération, dans lesquels les joueurs contribuent ensemble à un objectif commun. C’est de ces jeux de coopération, ou jeux coopératifs, dont je voudrais parler aujourd’hui, en reprenant en partie des idées que j’ai déjà exprimées dans d’autres posts.

Les mots sont importants, et je voudrais commencer par expliquer pourquoi je préfère parler de jeux de coopération et non de jeux de collaboration, expression que l’on rencontre aussi. Parler de collaboration, c’est en effet assimiler le jeu au travail, et donc supposer qu’il a ou devrait avoir une fonction productive ou formatrice, idée dont, en tant qu’auteur de jeu, je me méfie au plus haut point. Si l’on joue pour le simple plaisir, on coopère, on ne collabore pas.

Un peu d’histoire

Le jeu coopératif le plus populaire et le plus vendu est sans doute encore le Verger, publié par Haba au début des années quatre-vingt. Avec sa grosse boire jaune, ses jolis paniers, ses fruits en bois et son méchant corbeau, le Verger est annoncé à partir de trois ans, et perd tout intérêt vers cinq ou six. Je connais mal l’univers des jeux pour enfants, mais j’imagine que ce ne fut pas le premier de sa catégorie. Il y a aujourd’hui des dizaines d’autres jeux coopératifs destinés aux enfants, jeunes ou moins jeunes, chez Haba, Djeco et les autres. Aux États-Unis, un éditeur comme Family Pastimes s’en est fait une spécialité.
VergerVerger
Des jeux gentils pour les gentilles têtes blondes

Les jeux de rôles sur table, dans lesquels les joueurs constituent une équipe solidaire et le maître de jeu est un animateur et non un adversaire, étaient déjà un peu des jeux coopératifs. Cela montre d’ailleurs que solidarité et coopération ne sont pas incompatibles avec des thèmes parfois violents, nous y reviendrons.
Si l’on se limite aux jeux de société plus classiques, dans une boite, avec des cartes et des pions, le premier jeu coopératif moderne à avoir rencontré un certain succès est le Seigneur des Anneaux, de Reiner Knizia, paru en 2000. Si ce fut un hit en son temps, il a été un peu oublié depuis, sans doute parce qu’il était le premier d’un genre qui s’est beaucoup développé, et qu’il apparaît aujourd’hui, même avec ses multiples extensions, un peu rustique. On remarquera que Reiner Knizia, sans doute l’auteur de jeux « à l’allemande » le plus prolifique des années quatre-vingt-dix et deux-mille, n’était en rien hostile aux jeux de compétition, dont il a publié plusieurs centaines.

Lord of the Rings
Là où tout a commencé

Bien d’autres jeux coopératifs ont suivi, les premiers très inspirés du Seigneur des Anneaux. Matt Leacock, concepteur de L’Île Interdite, Le Desert Interdit, Thunderbirds et, surtout, le populaire Pandemic s’en est fait une spécialité, mais il est seul dans ce cas.

Pandemic  Thunderbirds

Forbidden islandForbidden Desert
Quelques jeux de Matt Leacock

Les auteurs un peu connus ont aujourd’hui le plus souvent un ou deux jeux de coopération à leur actif, comme un genre mineur, un peu difficile, auquel il faut bien s’essayer un jour. Aucun auteur que je connaisse n’a renoncé aux bons vieux jeux d’affrontement, de course ou d’embrouilles. En ce qui me concerne, la principale raison pour laquelle je n’ai pas poursuivi dans cette voie après l’expérience de Red November en 2008 est que je m’intéresse de plus en plus aux jeux de bluff, et qu’il est bien difficile d’introduire du bluff dans un jeu purement coopératif. Ça marche mieux avec mon autre centre d’intérêt, la prise de risque.

Red November Cover
Moi aussi

Lors de la sortie du Seigneur des Anneaux, je m’étais demandé si une nouvelle famille de jeux pour adultes, un nouveau genre était en train d’apparaître. La réponse est clairement oui, mais il a fallu plus de temps que je n’imaginais pour qu’elle s’impose réellement. Ces deux ou trois dernières années, avec Hanabi, Pandemic puis Pandemic Legacy (auquel je n’ai pas encore joué), Mysterium, Zombicide ou  les Poilus, les jeux de société coopératifs se sont même installés en tête des ventes. Je m’en réjouis et suis d’ailleurs un grand fan de Mysterium, que je préférais pourtant dans la version « purement coopérative » des règles originales que dans celle vaguement compétitive de l’édition occidentale.

HanabiMysterium
Primés et en tête des ventes.

Politiquement correct

Le jeu de coopération est aussi la dernière lubie politiquement correcte des bobos intellos écolos de l’est parisien et d’ailleurs, et cela m’énerve. Cela m’énerve d’autant plus que c’est un milieu qui m’est assez sympathique, ne serait-ce que parce que j’y appartiens plus ou moins. J’habite d’ailleurs à Belleville.

Il y a d’abord des motifs politiques sur lesquels je voudrais m’attarder car ils me semblent découler assez largement d’une erreur d’analyse économique, et au delà d’une incompréhension de ce qu’est un jeu. L’idée, en gros, serait que le vilain capitalisme mondial est le monde de la compétition sauvage, représenté par les jeux de compétition traditionnels, auquel nous devrions opposer le monde de la solidarité positive pour bâtir un avenir meilleur et un développement durable, illustré par les jeux coopératifs.
L’analyse du capitalisme contemporain comme un univers de pure compétition à tous les niveaux est largement, et parfois délibérément, trompeuse. Certes, le capitalisme met les entreprises (et les travailleurs) en concurrence. Mais le capitalisme moderne n’est pas seulement l’univers de la concurrence, c’est au moins autant celui de la connivence – des arrangements, de la combinazione diraient nos amis italiens, pas toujours non-violents. D’ailleurs, les grandes entreprises qui emploient le jeu lors de leurs formations internes utilisent essentiellement les jeux coopératifs, pour encourager le “travail d’équipe” très productif, les “synergies”, voire des foutaises comme la « culture d’entreprise », et je ne pense pas qu’elles nourriraient si volontiers un serpent en leur sein.

Par ailleurs, si je suis bien d’accord pour dire que l’on ne bâtira sans doute pas un monde meilleur à coups de fusils d’assaut et d’épées à deux mains, cela ne signifie pas que nous vivions d’ores et déjà chez les bisounours. Pour changer le monde, et le rendre plus gentil, il faut parfois se révolter, se battre, argumenter, convaincre, ruser, voire tricher. Faire du jeu de compétition la métaphore de la guerre et de la concurrence sauvage, et du jeu de coopération celle de la paix dans le monde et du développement durable, est donc une sympathique mais monumentale erreur d’analyse.

Certes, me répondront les gentils idéalistes, mais à défaut d’une pertinence politique, les jeux de coopération ont au moins une supériorité morale. Lorsque tout le monde gagne (ou perd) contre le vilain corbeau noir, l’œil de Sauron ou les terribles Cylons, nul ne se sent personnellement humilié. Je leur rappellerai donc que, sauf cas pathologiques, le perdant d’un jeu de compétition n’a aucune raison de se sentir humilié, ni le vainqueur de se sentir fier puisque, par définition, un jeu n’est qu’un jeu. Dans un jeu classique, si l’on cherche toujours à gagner, on se moque bien au fond, ensuite, de savoir qui a gagné.

Les ennuyeux partisans de l’usage pédagogique du jeu, ceux qui pensent donc que le jeu apporte des valeurs, sont fort logiquement aussi ceux qui pensent qu’il devrait apporter les bonnes valeurs. Les jeux de compétition encourageraient le chacun pour soi, faisant des petits pauvres de futurs délinquants et des petits riches de futurs capitalistes sans pitié. Les jeux de coopération, à l’inverse, formeraient à la discussion, au débat, à l’écoute, à l’ouverture sur l’autre. Ce discours naïf n’est pas bien différent de celui de ceux qui, inversant causes et conséquences, s’imaginent pouvoir lutter contre la violence sociale en confisquant aux enfants leurs pistolets à eau et leurs épées en plastique et en interdisant les jeux vidéos un peu violents. Je suis toujours étonné que ceux qui avancent ce type d’arguments ne proposent pas également que l’on interdise la lecture de Dostoievski, qui fait de nos enfants des débauchés et/ou des terroristes, ou celle de Shakespeare qui en fait de sinistres psychopathes violents et/ou suicidaires. Il faut croire que la littérature, c’est de la culture avec un grand K, sacrée et intouchable, tandis que le jeu, c’est juste bon pour les gamins et les imbéciles que les gens intelligents comme nous auraient le noble devoir de former.

Coopérer chacun pour soi

Supposons pourtant, même si je pense que cela n’est pas et ne doit pas être le cas, que le jeu forme à des valeurs ou des approches de la vie en société. Dans les jeux de coopération, il n’y a ni vainqueur, ni vaincu, mais il y a souvent un « alpha-player », un leader, un guide (j’arrête les traductions avant d’atteindre le point Godwin). Les vrais jeux de coopération, et notamment ceux destinés aux plus jeunes comme Le Verger, sont en fait souvent des jeux pour un seul joueur avec une stratégie optimale. Parfois, des joueurs d’âge, d’intérêt et de capacités équivalents vont débattre pour s’adapter aux circonstances et découvrir cette stratégie optimale mais, le plus souvent, l’un d’entre eux, le plus âgé, le plus malin ou la plus grande gueule, va prendre le dessus, expliquer ce qu’il faut faire, pourquoi il vaut mieux que le corbeau mange des prunes s’il reste plus de prunes, et l’initiation à la collaboration devient alors entrainement au leadership et à la soumission. Soyons sérieux cependant. Le seul vrai problème, c’est que si seul le leader prend du plaisir à jouer, le jeu ne fonctionne pas. Un jeu n’a en effet pas pour fonction de former à quelque valeur que ce soit, on l’a déjà dit, mais de procurer du plaisir aux joueurs.

big book of madnessPandemic

Lord of the RingsGhost Stories
Quelques jeux pouvant être affectés par un problème d’alpha-player. Bien sûr, cela dépend des joueurs.

Des auteurs malins ont donc tenté de contourner ce problème d’ « alpha-player ». Pour les plus jeunes, des jeux de construction ou d’adresse – je pense par exemple à Burgritter – obligent les joueurs à effectuer des actions à plusieurs.

Burgritterburgritter
Coopération “réelle”

Dans les jeux pour adultes, l’introduction d’un possible traître, comme dans les Chevaliers de la Table Ronde ou Battlestar Galactica crée la suspicion et empêche la franche discussion collective. Cela donne à ces jeux une dimension psychologique très intéressante, mais je ne suis pas certain que la délation et la chasse au mouton noir soient précisément ce que les pédagogues vantant les jeux de coopération cherchent à encourager. Cela n’empêche pas toutes les colonies de vacances de jouer aux Loups Garous de Thiercelieux, et c’est tant mieux car c’est un bon jeu.

shadows over camelot Battlestar Galactica
Il y a un traitre parmi nous.

Mon jeu Terra illustre ce que les économistes appellent coopetition. Chaque joueur tente d’être le passager clandestin, celui qui aura le moins contribué à l’incontournable objectif commun – rien de moins, dans Terra, que sauver la planète. Dans Dead of Winter, les joueurs ont certes un but commun, survivre face à des hordes de zombies (je reviendrai sur les zombies) mais chacun doit aussi atteindre un objectif personnel et secret pour compter au nombre des vainqueurs.

Terra coverDead of Winter
Coopétition

On peut aussi, et c’était le choix de Reiner Knizia dans The Lord of the Rings, poussé plus loin encore par Antoine Bauza dans Hanabi, restreindre la communication entre les joueurs – mais là, c’est le débat collaboratif qui en prend un coup. La solution la plus élégante est celle de Mysterium, où un joueur, le fantôme qui connaît la clef de l’énigme, ne peut communiquer avec les autres que grâce à des cartes aux motifs oniriques, créant un langage limité, subjectif et poétique.

Mysterium
Les rêves du fantôme de Mysterium

Restent les jeux par équipe – un genre que j’aime assez pratiquer mais avec lequel je suis suffisamment mal à l’aise pour ne m’y être jamais vraiment essayé comme auteur. Dans un jeu par équipe – et c’est notamment vrai dans le sport – il y a à la fois de la collaboration, entre partenaires, et de la compétition, avec les autres. C’est sans doute pour cela que les sports d’équipe sont si fréquemment utilisés et mis en scène à l’école, mais eux aussi produisent des leaders et, surtout, créent un univers de jeu divisé en deux camps. Pas du tout politiquement correct, ça !
Sans doute faut-il accepter une bonne fois pour toutes que l’on s’en moque, qu’un jeu n’est fait et ne peut être fait ni pour enseigner la compétition, ni pour apprendre la collaboration, mais simplement pour divertir les joueurs, et que l’on peut se divertir très innocemment l’un contre l’autre ou l’un avec l’autre tant que, justement, on ne pense pas être là pour apprendre quoi que ce soit.

Eux, les autres

Même si quelques uns tiennent un discours plus équilibré, comme par exemple sur le site de l’association Envies Enjeux, qui organise un espace dédié aux jeux coopératifs au prochain festival des jeux de Cannes, cette tendance au politiquement correct est très prégnante chez les pédagogues et associatifs de tous poils. Elle l’est un peu moins chez les joueurs de jeux coopératifs, et moins encore chez les auteurs.

Shadows of Brimstone

Certains auteurs, pour se dédouaner par avance de tout soupçon d’hypocrisie, ou juste parce que ça les amuse, prennent même un malin plaisir à imaginer des jeux de coopération aux thèmes douteux ou violents. On peut citer un dungeon-crawler plein d’horreurs innommables comme Shadows of Brimstone, ou un petit jeu comme mon Novembre Rouge – dont le thème original était le naufrage du Kursk et dans lequel la vodka peut aider à résoudre tous les problèmes. À l’inverse, mon seul jeu un peu politique, Terra, est délibérément ambigu, à la fois coopératif et férocement compétitif. Aucun auteur, à ma connaissance, n’est cependant allé jusqu’à imaginer un jeu coopératif où les joueurs sont les méchants, inquisiteurs, nazis ou terroristes par exemple.

Defenders of the Realm
Dans les jeux de guerre coopératifs, on n’attaque pas, on se défend – mais j’ignore si l’ironie est volontaire.

Les zombies, cependant, sont partout. Le zombie est une métaphore, plus ou moins ironique, du pauvre, du lumpenproletariat, de l’étranger – on pourrait ajouter aujourd’hui le réfugié – menaçant ce havre de paix de la classe moyenne américaine qu’est le centre commercial. Le zombie n’est même pas un individu, il est une horde, une masse grouillante et indifférenciée. C’est pourquoi, alors que l’on peut jouer des loups garous ou des vampires, on ne peut jouer que tous ensemble contre les zombies. Les jeux de zombies,  Zombicide, Dead of Winter, Zombie 15, sont donc le plus souvent coopératifs mais toujours violents et sanguinaires. Il serait intéressant de savoir, quels sont, parmi leurs auteurs, ceux qui voulaient créer un jeu de zombie et en sont venus plus ou moins logiquement à des mécanismes coopératifs, et ceux qui souhaitaient concevoir un jeu de coopération et ont cherché un thème qui soit cohérent mais pas trop naïf et gentillet.

zombicide Zombie 15

Gentils et poilus

On peut néanmoins être très politique, et politiquement très correct, sans donner pour autant dans la mièvrerie. Et aux jeux qui suivent, j’ai joué ou je jouerai sans doute avec un très grand plaisir.

Dans Pandémie, les joueurs sont des scientifiques, dont les blouses blanches cachent toutes les couleurs possibles, qui collaborent pour contenir puis éradiquer des virus mortels menaçant la population mondiale. Le jeu se joue quand même sur une carte du monde, qui n’est pas sans rappeler le Risk et tous ses cousins, et son déroulement est un peu une guerre, une succession de batailles perdues et gagnées contre bacilles et virus.

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Les Poilus, c’est l’inverse. Le thème, c’est la guerre, mais la guerre vue d’en bas. Les joueurs ne sont pas des chefs d’état major manipulant des troupes anonymes, ce sont Anselme Perrin ou Charles Saulière, des fantassins au fond des tranchées, dont le seul but est de s’en sortir vivant, tous ensemble. Les Poilus sont plus qu’un jeu coopératif, ils sont le premier jeu de guerre antimilitariste, un jeu triste et émouvant.

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Freedom, the Underground Railway, un autre exemple de jeu politiquement correct dont le thème est tout sauf mièvre.

La référence à Robinson Crusoe, qui est plusieurs dans le jeu, permet d’insiter plus sur la dimension romanesque, sur le récit, que sur l’organisation d’un petit monde. Dans Kréo, à paraître bientôt, dans la même gamme que les Poilus, les joueurs collaborent très pacifiquement pour créer un monde de paix, d’harmonie,, tout ça. On nous dit bien qu’ils sont les titans révoltés contre papa Chronos, donc pas des vrais gentils quand même, mais ça aurait pu se sentir un peu plus dans le jeu.

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Construire son monde

Pas plus qu’un roman, un jeu ne doit avoir nécessairement une signification politique et un thème socialement positif. Tout comme un roman, il peut les avoir, mais à condition de ne pas sombrer dans la mièvrerie et le didactisme. En trente ans dans le petit monde du jeu, j’ai vu passer des dizaines de jeux coopératifs, souvent ambitieux et parfois bien conçus, censés promouvoir la construction d’un monde meilleur grâce à la paix, à la diversité, au tri des déchets et au développement durable. S’ils ont tous été vite oubliés, c’est qu’ils étaient aussi passionnants que des romans sur la construction d’un monde meilleur grâce à la paix, à la diversité, au tri des déchets et au développement durable. Pandémie et les Poilus ont quand même plus de gueule.

Tous contre tous ou chacun pour soi

Entre les jeux agressifs et les jeux coopératifs, il y a une place pour les jeux de rivalité pacifique, dont le modèle est les Colons de Catan. Ce n’est pas par hasard que ce jeu a été conçu et initialement publié en Allemagne, où le jeu de guerre est encore un tabou très fort. Commercialement, Catan était d’abord conçu comme un succédané politiquement correct du Risk pour les familles allemandes.
Il faudrait donc distinguer deux types de compétition, selon que chaque joueur joue plus contre les autres ou pour lui-même. Nous aurions alors, par ordre croissant de violence sublimée et par ordre décroissant de gentillesse politique et sociale, les jeux de coopération auxquels on joue tous ensemble, les jeux de concurrence auxquels on joue chacun pour soi, et les jeux d’affrontement auxquels on joue les uns contre les autres, ou, pour le dire autrement, les jeux où les autres joueurs sont des partenaires, ceux où ils sont des concurrents et ceux où ils sont des adversaires.

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Les jeux de rivalité pacifique, jeux de course, jeux de développement dans la lignée des Colons de Catan ou des Aventuriers du Rail, jeux d’Engine building comme Puerto Rico où chacun joue sur son petit plateau individuel, restent très compétitifs, et sont sans doute plus proche des mécanismes du capitalisme contemporain que les jeux de guerre et d’affrontement. Ils ont quand même un aspect non violent qui en fait une étape intermédiaire, logiquement mais aussi chronologiquement, entre les jeux d’affrontement et les jeux de coopération. Leur faiblesse est que plus la rivalité est pacifique, plus l’interaction entre joueurs est faible. Coopération et affrontement sont deux moyens de susciter l’interaction entre les joueurs. Les jeux où l’on ne joue ni les uns contre les autres, ni tous ensemble, mais chacun dans son coin perdent un peu de l’aspect social qui fait la différence entre les jeux de société sur table et les jeux videos. Là encore cependant, il y a des degrés, et tout le charme et l’intérêt de Catan, des Aventuriers du Rail ou d’Ave Cesar viennent des possibilités de bloquer les autres joueurs, ce qui n’est quand même pas très gentil.

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Je me demande si le succès actuel des jeux de compétition sans affrontement direct, où l’on joue chacun dans son coin, et parfois chacun sur son petit plateau, ne provient pas d’une forme atténuée et moins consciente de la même illusion politique que l’on rencontre chez certains thuriféraires du jeu de coopération – l’idée que l’on serait moins méchant, et donc plus cool et plus moderne, si l’on joue à des jeux moins méchants. C’est bien sûr faux, le propre du jeu étant d’être déconnecté du réel, et le seul résultat est souvent que l’on s’amuse moins. C’est vrai des jeux de société comme c’est vrai du sexe.

Deception
Mysterium avec un traitre…

On a tort de vouloir systématiquement opposer jeux de compétition et jeux de collaboration, comme le montre le nombre de plus en plus important de jeux hybrides, à la manière des Loups Garous (ou du génial Deception, Murder in Hong Kong, qui devrait bientôt sortir en français). Les jeux coopératifs apportent de l’air frais au petit monde du jeu de société, mais ils ne rendent pas techniquement, politiquement ou moralement obsolète tout ce qui les a précédés. On leur doit de nouvelles mécaniques, de nouveaux thèmes, déjà quelques chefs d’œuvre comme Le Désert Interdit, Pandémie, Les Poilus et surtout Mysterium,  mais on peut les apprécier et les promouvoir sans jeter l’opprobre sur les délinquants et fachos en puissance qui pratiquent les jeux de compétition.


Bruno grand shaman

William: “I’m sure we can all pull together, sir.”
Vetinari: “Oh, I do hope not. Pulling together is the aim of despotism and tyranny. Free men pull in all kinds of directions.”
― Terry Pratchett, The Truth

Cooperate or collaborate ?

Most boardgames are competitive. Competition can be harsh, a direct confrontation between players, in which every territory conquered, every sum of money won, every card acquired is taken from another player. It can be soft, a race to be the first past the post or a well-spirited rivalry to build the nicest city, kingdom or whatever. Most times, it is somewhere in between, a competition which takes care of opponents without being an all-out war. Then there are games with no competition, or at least no competition between players. In cooperative games, players fight/work together towards a common goal.

Before considering these cooperative games at some length, building in part from what I’ve already written on this subject a few years ago, I’d like to reject another expression which is sometimes used (at least in France) to describe them, collaborative games. Collaboration is not a way of playing, it’s a way of working. Calling games collaborative suggests that gaming has something in common with work, that it has or can have a productive or formative value, an idea I have always, as a game designer, strongly rejected. If players are not doing anything more than playing, they cooperate, they don’t collaborate.

Short history

The best seller cooperative game in Europe is probably still The Orchard, published by Haba in the early eighties. It has a nice big yellow box, cute baskets, wooden fruits and an evil black crow, the common enemy. The box says it is for kinds aged 3 or more, it doesn’t say it becomes utterly boring at 5 or 6. I know little about the young children games market, but The Orchard was not the first of its kind. Most American kids have played one of the – usually bad – Family Pastimes cooperative boardgames.

VergerVergerCute games for cute kids

Tabletop role-playing-games, in which players stick together and the game master is more a moderator than an enemy, were also kind of cooperative games – and this already shows that solidarity is not incompatible with violence – more about this later.

Let’s stick to more classically looking boardgames, boxed games with cards and pawns. Reiner Knizia’s Lord of the Rings game, published in 2000, is the first noticeable one, a major hit by a major designer. It has been somewhat forgotten since, mostly because while it was the first of its kind, there has been many developments since, and it now feels a bit primitive. But let’s notice already that Reiner Knizia, probably the most prolific game designer in the 1990s and 2000s was definitely not averse to competitive games, of which he has published a few hundreds.

Lord of the Rings
Where it really started

Scores of other cooperative games followed, the first ones heavily inspired by Lord of the Rings. Matt Leacock, designer of games such as Forbidden Island, Forbidden Desert, Thunderbirds and, most of all, the popular Pandemic has become a specialist of the genre, but he is the only one that I know of.

Pandemic  Thunderbirds

Forbidden islandForbidden Desert
Some games by Matt Leacock

Most game designers gave a try at cooperative games, as a minor and relatively difficult genre. No game designer that I know of has resigned good old nasty games of war, race, rivalry and other forms of competition. As for me, the main reason why I didn’t persist after giving it a try in 2008 with Red November is probably that I’m more and more interested in bluffing systems, and I still didn’t find a way to implement bluffing in a pure coop game. It’s much easier, however, with my other favorite theme, risk taking.

Red November Cover
I did it too.

I remember, when the Lord of the Rings boardgame came out, wondering if a brand new genre of boardgames will develop out of this. It did, though it took longer than I was imagining for cooperative games to become really a major part of the gaming world, and of the gaming business. These two or three last years, cooperative games like Hanabi, which won German the Spiel des Jahres, Pandemic and now Pandemic Legacy (which I’ve not played yet), Mysterium and the Grizzled, cooperative games have become best sellers. That’s good news, and I’m a big fan of Mysterium, which I even prefer withnthe original purely cooperative rules than with the slightly competitive ones of the western editions.

HanabiMysterium
Awards and best sellers.

Political correctness

Cooperative gaming is the last politically correct craze of green liberal leftist hipsters from the east of Paris, and from some other places. This angers me, especially since I usually like these people, and Belleville, where I live, in the eastern part of Paris.

There are political reasons which deserve some serious deconstruction, because they are based on a faulty economic analysis and a misunderstanding of what a game really is and stands for. Broadly speaking, the idea is that the evil global capitalism is a world of unfettered competition represented and promoted in traditional competition games, and that we ought to oppose to it the world of inclusive solidarity to build a better tomorrow through sustainable development, embedded in cooperative gaming.
The idea that contemporary capitalism is a world of pure and violent competition, as described in Mankiw’s catechism, is a common mistake. Of course, competition between entrepreneurs (and between workers) is the original engine of capitalism. Contemporary capitalism, however, is also a world of cartels, collusion and connivance – combinazione, to use the Italian word, not always associated with non violence. Global corporations also make heavy use of cooperative gaming, though they prefer to call it collaborative, to promote “team spirit” and enforce “corporate culture” and similar bullshit. I don’t think they would nourish a snake in their bosom.

I agree that chainsaws, semi-automatic rifles and two-handed swords are not the best fitted tools to build a better tomorrow, but this doesn’t mean that we’re living in the best possible world. Furthermore, making the world cuter and nicer might require revolt, some fighting, debates, cunning, schemes and may be some cheating. Stating that competitive gaming is a metaphor of war and savage capitalism, and cooperative games a tool for peace in the world and sustainable development is a cute idea but a major error in reasoning.

Nice and well meaning teachers might answer that, if cooperative games may not be politically relevant, they have at least some moral superiority over mean and vulgar competitive ones. Since everyone wins, or sometimes loses, against the dark raven, the evil eye of Sauron or the chilling cylons, no individual loser can feel humiliated, and no individual winner can feel particularly proud of himself. Well, a common characteristic of all games is that they are just games and that winning and losing, while being fundamental when playing, doesn’t matter anymore once the game is over. Feeling otherwise is just perverse.

Logically, those who think games can teach social values are also those who claim they should carry positive values. Old style competitive game teach egoism, every man for himself, making delinquents out of poor kids and ruthless capitalists out of rich ones. On the other hand, cooperative games teach discussion, debate, openness and solidarity. This naive discourse reminds me of these good souls who revert causes and consequences and think we could fight social violence with banning kids water pistols and violent video games. If we follow this reasoning, we should also forbid the reading of Dostojevski, who will turn our kids into debauched and/or terrorists, and that of Shakespeare, who will change them into sad violent and/or suicidal psychopaths. But, of course, literature is part of the true culture, with a big K, while games are just for kids and loonies which clever people like us have to  train.

Lets’s cooperate every man for himself

Even though I think it doesn’t, and ought not to, let’s suppose games teach values and analytical theories about the social world. Cooperative games have no individual winner or loser, but they often have something far more problematic – an alpha-player, a leader, a guide (let’s stop with translations before we reach the Godwin point) who takes all the real decisions for all players. True cooperative games,  and especially those aimed at younger players like the ubiquitous Orchard, are in fact single player games with an optimal strategy. Players of the same age, energy and abilities might collaborate to find this strategy, but most times one will seize the leadership, explain why it’s better to have the raven eat plums when there are mostly plums left, and what was designed as a tool for learning collaboration becomes a tool for learning leadership and submission. But let’s be serious. The only real problem with the alpha-player syndrome is that the one player who takes all the decisions is the only one having fun. The goal of a game is not to teach anything, but to have players enjoy the ride. If only one does, the game fails.

big book of madnessPandemic

Lord of the RingsGhost Stories
Some games which can be affected by the alpha-player syndrome – but of course, it depends on the players..

Of course, clever game designers have found ways to avoid the leadership issue. Some children games, like the building game Burgritter, require gamers to really act as a team when fulfilling some tasks.

Burgritterburgritter
True collaboration

In adult games, the introduction of a possible traitor, like in Shadows over Camelot or Battlestar Galactica, creates strong suspicion and prevents totally open discussion. I think it brings a very interesting psychological dimension to these games, but I’m not sure denunciation and hunt for the black sheep are exactly what leftist and liberal educators promoting cooperative gaming want to teach. Anyway, this doesn’t prevent most summer camps to play werewolf, and that’s for the best because it’s a great game.

shadows over camelot Battlestar Galactica
There’s a traitor among us

Another solution is what economists call coopetition, the need to collaborate to some extent, to avoid collective defeat, while pursuing one’s own goal. My Terra is a coopetitive game, in which every player tries to be the free rider and make the smallest contribution to the common goal – saving the earth, no less. In Dead of Winter, a zombie game – zombies are coming soon – players have a common goal, but each one of them must also fulfill his personal secret objective to be among the winners.

Terra coverDead of Winter
Coopetition

One can also, like Reiner Knizia already did for Lord of the Rings, and Antoine Bauza did much more strictly in Hanabi, limit the communication between players, forcing each one of them to make his own decisions   – so much for collaborative debate. The most elegant solution is probably the one implemented in Mysterium, where one player knows the truth but has to convey it to the other players with handing to them “dream cards” with oneiric paintings, thus creating a limited, subjective and poetic language.

Mysterium
Life of a ghost is but a dream

Team games are a genre of their own. I like playing them, but I’ve never really known how to design them. In a team game – including most sports – there’s both collaboration between partners and competition against the opposing team. That’s probably why sports are so regularly used at school – though I used to hate them as a student. The problem is that they also encourage leadership, and create a game world divided in two sides – not very politically correct either.
So what ? Let’s agree that we don’t really care, that a game is never designed to teach competition or collaboration but just to give the players some fun or excitement, and that it’s perfectly well to play one against the other or one with the other, as long as it’s just a game and nobody thinks he’s here to learn anything.

The others

This politically correct trend is strong among educators, and among the most enthusiast cooperative game players, but it’s weaker among game designers. Many of them, to defuse by advance any suspicion about hypocrisy, or just for fun, deliberately design cooperative games with dark, violent or ambiguous settings.

Shadows of Brimstone

Shadows of Brimstone is a cooperative dungeon crawler full of unspeakable horrors. In my Red November, whose original design was based on the wreck of the Kursk Russian submarine, vodka is a wild card which can help with all kinds of problems. Conversely, my only politically conscious game, Terra, is deliberately ambiguous, both cooperative and fiercely competitive. No game designer that I know of, however, ever imagined a cooperative game in which players impersonate the bad guys, inquisitors, nazis or something like this. Some political correctness is probably necessary.

Defenders of the Realm
Even cooperative wargames are not about attacking but about defending. I don’t know if the irony is intended.

Zombies, however, are everywhere. Zombies are an ironic pop culture metaphor of the lumpenproletariat, the stranger – one could even add the refugee if we want to stick with the news – menacing the very heart of middle-class american life, the mall. The zombie is not even an individual, it’s a swarm, a teeming and undifferentiated flock. That’s why we can play vampires or werewolves, but we always play together against zombies. Zombie games like Zombicide, Dead of Winter, Zombie 15 are almost always cooperative, but they are also bloody violent. Zombies make me a bit uneasy, though I see the irony ; I can imagine the reaction of the most serious sectarians of political correctness, not always good at spotting and understanding it. It would be interesting to know who, among the zombie game designers, started with a zombie theme and logically ended with cooperative systems, and who wanted to design a cooperative game and looked for a consistent but not too soppy and mawkish setting.

zombicide Zombie 15

Nice and grizzled

One can nevertheless be perfectly politically correct without indulging into soppiness. I have played, or I would play, to the following games with really great pleasure.

In Pandemic, players are scientists whose white scrubs cover all the possible colors, and who collaborate to contain and then eradicate lethal viruses which could wipe out the human race. The game is played on a world map which looks a bit like Risk and other old style war games, and feels a bit like a succession of battles lost and won against bacilluses and viruses.

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The Grizzled was designed the other way. The setting is war, but war as seen from the bottom, not from the top. The players are not military staff and chiefs maneuvering anonymous troops on a map, they are Charles Saulière or Anselme Perrin, rank and file infantrymen in the French army during WW1. Their only goal is to get out of this together and alive. The Grizzled are more than a cooperative game, they are the first antimilitarist boardgame – or at least the first good one designed by someone with a real gaming culture -, a sad and moving game. Freedom, the underground railway, which I’ve not played, might feel a bit like this for US gamers.

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Freedom, the Underground Railway, is another cooperative game which is highly politically correct and definitely not soppy.

The Robinson Crusoe setting – and Robinson is more than one in the game – allows for a quixotic but also very thematic and enthralling adventure story. In Kréo, soon to be published in the same series as the Grizzled, players collaborate in a very constructive way to build a world of peace, harmony, flowers and cute little birds. Well, the rules say they are titans revolting against their father Chronos, and therefore not really nice guys, but they don’t really insist on it.

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Building one’s world.

A political meaning and a socially positive setting are not required in a good game, no more than in a good novel. It can have them, but only if it doesn’t sink into didacticism and sloppiness. I’ve been in the gaming business for thirty years, and I’ve seen dozens of ambitious games by passionate designers about building a better tomorrow through peace, diversity, waste sorting and sustainable development. They have all been forgotten because they were as exciting as a novel about building a better tomorrow through peace, diversity, waste sorting and sustainable development. Pandemic or The Grizzled are more plucky.

Peaceful competition and multiplayer solitaire

Between aggressive confrontational games and positive cooperative games, there is a vast continuum of games with more or less peaceful or trimmed down competition. Best known is probably Settlers of Catan, which significantly was designed and first published in Germany, where games about war are still a very strong taboo. Commercially speaking, Catan was originally a politically correct substitute for Risk aimed at German families.
This means we should make a distinction between competitive games, depending on whether each player plays mostly against opponents or for himself. We would therefore have three categories, from the coolest to the nastiest one, cooperative games in which all players play together, peaceful competitive games in which each player plays for himself, confrontational games in which players play against one another. To put it otherwise, the other players can be partners, competitors or opponents.

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Peaceful competitive games, be they racing games, development games like Settlers of Catan or Ticket to Ride, engine building games like Puerto Rico in which every player plays on his small board, can be very competitive, and feel probably more like contemporary capitalism than games of outward conflict. Their non violent look and feel makes them an intermediate category, both logically and chronologically, between confrontation and cooperation. Unfortunately, a more peaceful competition also means fewer interaction between players, the extreme being the games sometimes mocked as “multiplayer solitaire”, which lack some of the social aspect which is one of the edges of boardgames over videogames. Cooperation and confrontation are two different means to generate interaction between the players. There are degrees, however, and the charm and efficiency of great games like Settlers of Catan, Ave Caesar or Ticket to Ride comes from the fact that there are more than occasional opportunities to hinder or even block opponents – not that nice, isn’t it. 

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I wonder if the popularity of competitive games with no direct confrontation, in which each player plays for his own sake, and sometimes on his own small board, is not a lighter and less conscious version of the same assumption which is behind the success of cooperative games – the idea that we would be less nasty, and therefore cooler and more modern, if we play less nasty games. It’s wrong for a simple and obvious reason, that the very nature of games is to be disconnected from reality, and the only measurable effect of this trend is that players have less fun playing. It’s true of boardgames, and in a way it’s also true of sex.

Deception
Mysterium with a traitor…

Systematically opposing competitive and cooperative games is an error, as can be seen from the growing number of various hybrid, such as werewolves or Deception – Murder in Hing Kong, a recent favorite of mine. Cooperative games are blowing some fresh air to the small world of boardgaming, but they don’t make instantly obsolete all that was made before. They brought new game systems, new settings, and already several masterworks like Forbidden Desert, Pandemic, The Grizzled and, most of all, Mysterium, but they can be enjoyed and promoted without scorning the prospective fascists and delinquents who still play competitive games. They provide a new and different gaming experience, which is great, not a morally superior one.

Post Scriptum for US readers : while my French and European readers see perfectly well where I’m going with this article, the main reaction by US readers seems to be puzzlement. I don’t feel like in a foreign country when I’m in the US or in Canada, and I used to think that the whole western world was one large cultural area with no real differences, but I discover day after day that the devil is in the details, and differences are much bigger than what I thought. We use to think in Europe that americans are pretty good at the kind of political correctness which ridicules and therefore harms the very cause it is supposed to defend. It seems I’ve hit a point where we, in Europe, are much better, and there’s not in America the kind of cooperative games enthusiasts I’m mocking in this paper. If it means there are fewer pacifist, non violent, green, antiracist, post-hippie, liberal middle class people over there, that’s too bad because we need them and they are overall nice people. If it means your kind are smarter than the European brand and have subtler views on games and cooperation, it’s all the best for you. And by bthe way, here’s a link to a blogpost by an american girl who, I think, expresses the same kind of frustration with leftist culture that I do.

Mission: Red Planet, Raptor, Religion and other stuff….

Une longue interview sur The Dice Steeple, un podcast destiné aux joueurs très chrétiens et très américains. On a commencé par parler de Mission: Planète Rouge, puis de Raptor, puis de jeux en général, et on a fini sur la religion  – Je me suis beaucoup amusé.

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I’ve given a long interview to the Dice Steeple, a podcast aimed at very christian and very american gamers. We first talk of Mission: Red Planet, then of Raptor, then we discuss game design, and then we talk of religion… I had fun.

Boardgames, video games, politics and some other stuff

PYLP+LogoThe last episode of Push your Luck podcast features a long discussion with Eric Teo, game enthusiast, and Julia Keren Detar, video game designer, about the relations between boardgames and video games, then about politics in games, and then some considerations about my upcoming game Waka Tanka.

 

En défense de Cards Against Humanity
A Case for Cards Against Humanity

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Il y a eu ces derniers jours dans le microcosme ludique quelques discussions à propos de Cards Against Humanity, l’un des succès éditoriaux les plus notables et les plus inattendus de ces dernières années. Ce jeu a été critiqué, parfois agressivement, d’abord sur l’un de mes sites ludiques préférés, Shut up and sit down, et ensuite sur Facebook par l’un de mes auteurs de jeux préférés, qui est aussi un excellent ami, Eric Lang. Je pense qu’ils se trompent au sujet de ce jeu, de sa signification et de son impact. Ils se trompent d’une manière qui fait un peu penser à ces intellectuels américains assurant aujourd’hui que Charlie Hebdo était raciste et agressif, alors que c’est sans doute le plus profondément pacifiste et antiraciste des magazines français.

Mais retournons à Cards Against Humanity. Ce n’est sans doute pas le meilleur jeu du monde, ni le plus original, puisque ce n’est jamais qu’une variante de Apples to Apples. C’est vulgaire et agressif, mais délibérément, et avec humour. Je pense même qu’un tel jeu ne pourrait pas avoir été conçu, et ne peut sans doute pas être joué correctement, par des gens capables de prendre au pied de la lettre, au premier degré, l’une des blagues sexistes, racistes ou simplement stupides générées par les cartes. J’ai joué une douzaine de parties de Cards Against Humanity, j’ai acheté toutes les extensions, je me suis parfois amusé simplement en feuilletant les cartes, et je ne me suis jamais senti le moins du monde mal à l’aise. D’abord, ce n’est qu’un jeu (quelque chose qu’il faudrait souvent rappeler pour bien des jeux, notamment les jeux de guerre). Ensuite, pour tous les joueurs avec qui j’ai joué à Cards Against Humanity (parmi lesquels quelques des noirs, des homosexuels, des juifs et des femmes), il était clair que le jeu ne se moquait en rien des noirs, des homosexuels, des juifs ou des femmes (ou d’autres), mais se moquait des stéréotypes. Je pense qu’il est socialement important que l’humour puisse viser tous les phénomènes sociaux, y compris les moins sympathiques. Refuser cela, ce n’est pas protéger les victimes de sexisme ou de racisme, c’est refuser de voir nos problèmes et de se moquer d’eux.

L’humour est la politesse du désespoir, disait Chris Marker. Je pense que les auteurs de Cards Against Humanity sont lucides, et pas mal désabusés, face au racisme et à toutes les sortes d’exclusion dans nos sociétés occidentales. J’ai lu dans l’une des critiques de ce jeu que Cards Against Humanity » était un jeu emblématique de la « White Male Culture » – si c’est le cas, ce n’est pas parce qu’il se moque des noirs ou des femmes, c’est parce qu’il se moque de la « White Male Culture ». Cards against humanity est,  en fait, un jeu sur la conscience politique.

Nous avons en France un jeu très similaire, Taggle. Taggle est aussi vulgaire que Cards Against Humanity, mais beaucoup moins provocateur. Pourtant, alors que je n’ai aucun état d’âme à jouer à Cards Against Humanity, il m’est arrivé de me sentir mal à l’aise avec Taggle. La raison en est que si le jeu est truffé de blagues sexistes sur les hommes et les femmes, il évite plutôt tout ce qui touche à la politique, au racisme ou à la religion, suggérant soit que les problèmes sont différents, soit qu’auteur et éditeur n’étaient pas très à l’aise sur ces thèmes, soit plus probablement qu’ils avaient un peu peur d’en parler.

On peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui, disait Pierre Desproges. Cette boutade s’applique parfaitement, je pense, à Cards Against Humanity. Il y a quelques personnes avec qui je ne voudrais pas y jouer – mais le problème, ce sont les personnes, pas le jeu.

Donc, si vous n’aimez pas Cards Against Humanity, n’y jouez pas, mais ne dites pas que ce jeu est sexiste ou raciste, car il est tout le contraire.

Au fait, les auteurs de Cards Against Humanity ont également conçu un autre jeu de cartes, Clusterfuck, que je considère comme l’un des meilleurs jeux à rôles cachés. Vous pouvez télécharger les cartes ici. Je pense que ce jeu mériterait une édition imprimée, avec un plus grand nombre de cartes. Si l’équipe de Cards Against Humanity passe sur mon blog, j’espère que cela leur donnera des idées.


Cards against humanity

A game of cards Against Humanity last week, at my Ludopathic Gathering

There has been these last days in the gaming microcosm a few discussions about Cards Against Humanity, one of the most striking and unexpected recent card game hits. This game has been aggressively criticized, first on one of my favorite boardgame website, Shut up and sit down, and then on facebook by one of my favorite game designers, and very good friend, Eric Lang. I think they are wrong about this game and, most of all, about its social effect and meaning. They are wrong in a way not completely dissimilar with the US intellectuals who now claim that Charlie Hebdo was racist and agressive, when it was probably the most deeply antiracist and pacifist French paper.

But let’s go back to Cards Against Humanity. It might not be the best game around, nor the most original – after all, it’s just a variation on Apples to Apples. It’s offensive, it’s crass, it’s vulgar but all this is deliberate and obviously to be taken with a good pinch of salt. I even think that such a game could not have been designed, and probably could not really be played, by people susceptible to take at face value any one of the sexist, racist or just plain stupid jokes on the cards. I’ve played a dozen games of Cards against Humanity, I’ve bought all expansions, I’ve had fun just browsing through the cards, and I never felt uneasy in the slightest way. It was obvious for me first that this was just a game (something that ought to be reminded more often about many games, especially war games), and it was obvious for me and for all the people I played with (among which blacks, gays, jews and women, and even the occasional jewish homosexual woman) that the game is not mocking blacks, gays, Jews or women – to name a few – but the stereotypes about them. I think it’s socially important that humor could target everything, including the worse aspects of our society. Refusing to do this is not defending the victims of sexism or racism, it is preventing us to see (and laugh at) our social problems.

Humour is the courtesy of despair, said Chris Marker. I think the designers of Cards Against Humanity must be very lucid and disillusioned by racism and exclusion of all kinds in our western societies. I’ve read somewhere, and this was intended as a criticism, that Cards Against Humanity was epithemizing “white male culture” – it might be true, but if it’s the case, it’s not because it’s about white males mocking blacks or women, it’s because it’s about white males mocking themselves. Cards against Humanity is a game about political consciousness.

We happen to have in France a game very similar with Cards Against Humanity, Taggle. It’s as crass and gross as CAH, but far less provocative. While I have no problems playing Cards Against Humanity, I feel a bit uneasy playing Taggle. The reason why is that while the game is full of sexist jokes about men and women, it carefully avoids making fun of politics, race and religion – and this is the problem, because it suggests either that the designer and/or publisher were not completely at ease with these issues or that they were afraid it would hurt the sales.

A French humorist, Pierre Desproges, once said that “one can laugh at everything, but not with everyone”. I think this perfectly applies to Cards Against Humanity. There are some people I would not play this game with, but the issue is with the people, not the game.

So, if you don’t like Cards Against Humanity, don’t play it – but don’t say it is sexist or racist, because it definitely isn’t.

By the way, the designers of Cards Against Humanity have designed another great card game, Clusterfuck, which can be downloaded here. I think it’s one of the very best hidden roles games around, and it would certainly deserve a printed edition with many more cards. Let’s hope they get the hint if they read this blogpost.

Jeux et Dieux
Games and Gods

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Depuis une vingtaine d’années, il était devenu peu à peu impossible de parler de manière critique, et surtout moqueuse, des religions. Charlie était l’un des derniers journaux à oser le faire. Un intense lobbying de l’ensemble des religions (enfin, surtout catholiques et musulmans) était parvenu à faire accepter le sophisme selon lequel toute forme de discours anti-religieux serait une sorte de racisme. Les récents événements auront eu au moins un effet positif – on peut de nouveau se foutre publiquement de la gueule d’un Dieu qui, s’il existe, est de toute évidence soit un incompétent notoire, soit le dernier des enfoirés. Je fais donc partie de ces innombrables français qui, ces derniers jours, ont fait leur coming-out athée, et décidé de ne plus rater une occasion de de blasphémer toutes les religions.

Peu de joueurs sont religieux, et parmi mes nombreux amis auteurs de jeu, je n’en connais qu’un seul qui semble croire en Dieu, et encore est-il agnostique. C’est assez logique et, puisque ce site est essentiellement consacré à mes jeux, je voudrais simplement dire que, pour moi, ma passion pour le jeu est inséparable de mon hostilité à toutes les religions.

Celui qui croit en Dieu n’a pas besoin de jouer – pour lui, la vie est un jeu dont son livre sacré lui indique précisément les règles, le but, le système de score. Par paresse, lâcheté ou renoncement intellectuel, il se leurre en faisant comme si la vie avait un ordre et un sens, des règles et un but. Selon ces règles (et la manière dont on les lit, parce qu’elles sont souvent confuses et mal écrites), cela peut donner le pire et le meilleur, des bonnes âmes généreuses ou des terroristes.

Quand je joue, je fais comme s’il y avait un Dieu. Il y a un livret de règles, un petit monde rectangulaire sur un plateau de jeu, des frontières bien claires, des pions bien jaunes ou bien rouges, tout est simple et je massacre mon adversaire. Mais, moi, je sais que la vie n’est pas un jeu.
Quand je crée un jeu, je fais comme si j’étais Dieu – et franchement, je trouve que je me démerde plutôt mieux que lui.


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These last twenty years, it had progressively become almost impossible in France to publicly criticize or mock religions. Charlie was one of the last magazine which dared to do it – often crassly, but that’s not the point. An intense lobbying by all religions (well, mostly catholics and muslims) had managed to impose the sophistic idea that mocking religion was a kind of racism, that religion could not be discussed like any other political opinion. The recent events had at least one positive effect – it is now possible again to mock a God who, if he exists, is obviously either a total incompetent or a fucking bastard. I’m one of the hundred thousands French people who, these last days, made their atheist coming-out, and have decided not to miss a single opportunity to blasphemy any religion. Last sunday’s demonstration was a bit like a “secularist-pride”, and, god, it felt good!

Few gamers are religious and, among my many game designer friends, I know only one who claims to believe in God – and he’s an agnostic. It’s rather logical and, since this blog is mostly about my games, I want to stress here that my passion for gaming and my hostility toward all religions are inseparable.

If you believe in God, you have no need to play games. For the true believer, life is a game, whose rules, goal and scoring system are all detailed in his holy script. By cowardice, laziness or renunciation, he lures himself in making as if life had an order and a meaning, a set of rules and a goal, as if life were a game. Of course, depending on these rules and how you read them (because they are sometimes confusing and badly written), the true believer can become a generous soul or a terrorist.

When I play a game, I do as if there were a God. There are rules, there’s a small world on a rectangular word, there are clear borders on the map, meeples are clearly red or yellow, and I go on slaughtering my opponent. But I fucking know that life is not a game.
And when I design a game, I play at being God. I think I’m doing a much better job than He ever did.

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Bientôt devrait paraître Les Poilus, un jeu de cartes sur la vie quotidienne dans les tranchées de la première guerre mondiale, illustré par Tignous, tué dans l’attentat contre Charlie Hebdo.
Les Poilus, an upcoming cooperative game about daily life in WW1 trenches, illustrated by Tignous, who was killed in the Charlie Hebdo shooting.

L’école et l’Europe
Europe at school

Il n’y a pas plus européen, pro-européen, pan-européen que moi, même si ce n’est pas avec le même enthousiasme qu’il y a une vingtaine d’années – peut-être parce que j’aimerais une Europe des lumières et pas une Europe des nations. Les lumières, c’est joli et sympa; les nations, c’est moche, bête et méchant.
Je devrais être rassuré en feuilletant les programmes et les manuels scolaires de lycée, très favorables à l’idée européenne, mais je suis effaré – surtout lorsque je dois les utiliser. En économie, histoire, géographie, sociologie, l’Europe est abordée sans cesse, les mêmes fausses évidences rabâchées d’année en année, avec une finesse digne de la propagande stalinienne. Ce bourrage de crane, dont les élèves ne sont pas dupes, ne peut à terme que les dégoûter d’une idée européenne qui, me semble-t-il, serait encore en mesure de supporter l’intelligence, la réflexion, la subtilité et pourquoi pas la discussion.
Ceux qui définissent les programmes scolaires, ceux qui rédigent les manuels, oublient une règle d’or de l’enseignement – il ne faut jamais prendre les élèves pour des cons. Ils le sont parfois, mais c’est loin d’être une règle générale.


No one feels more european, pro-european, even pan-european than me, even when I might be less enthusiastic than twenty years ago – may be because I’d rather have the Europe of the enlightenment than the Europe of Nations. Light is nice and cute, nations are ugly, dumb and nasty.
I should feel reassured when browsing school curricula and schoolbooks, all very pro-european, but I’m aghast. In economics, history, geography, sociology, Europe comes back almost every year, in every syllabus, as an evidence that should not be discussed, like historical materialism in stalinist schoolbooks. Students are not fooled by this cramming, whose most likely effect will be to put them off all things european. It’s shame, because I’m sure European ideas can still stand thought, subtlety and even discussion.
Those who write curricula and schoolbooks forget a golden rule of teaching – never talk to students like they’re dumb. They might be, sometimes, but it’s far from being a general rule.

Comment et où sont fabriqués nos jeux ?
How and where boardgames are produced ?

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Me cantonnant au rôle d’auteur, je ne me suis jamais intéressé de très près au processus de fabrication de mes jeux. Le peu que j’en sais me vient de discussions et de remarques occasionnelles des éditeurs, mais je n’ai jamais mis les pieds dans une usine où sont produits des jeux. C’est donc avec curiosité que j’avais regardé, il y a un ou deux ans, le reportage que Stephen Conway, un passionné de jeux de société, avait réalisé pour son blog “The Spiel” dans l’usine allemande de Ludofact. Ludofact -je ne sais jamais si cela s’écrit avec un c ou un k – est le principal fabricant allemand de jeux de société, produisant les boites de la plupart des éditeurs allemands, et de bien d’autres
La video peut être vue ici.

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Sam Brown de Thornhenge, un petit éditeur américain qui a publié à compte d’auteur le jeu Lyssan, a récemment fait le tour de plusieurs usines produisant des jeux de société en Chine, et en a reporté une série de reportages illustrés montrant, autant qu’il a pu les voir, l’organisation de la production, la qualité des produits et les conditions de travail dans cinq usines chinoises. Il a publié ces reportage sur son blog, après avoir demandé l’accord des industriels concernés. Seul l’un d’entre eux a refusé, ce qui devrait logiquement encourager à travailler plutôt avec les quatre autres.
Ses reportages peuvent être lus ici.

L’impression qui ressort de la mise en parallèle de ces observations est qu’il n’y a pas tellement de différences. Les techniques employées, et même les conditions de travail, ne semblent pas si différentes. Alors, certes, les travailleurs chinois sont certainement moins bien payés, mais si leurs salaires continuent à augmenter au rythme actuel, ils nous auront rattrapé dans dix à quinze ans. Ils ont certainement des horaires plus durs que que ceux des travailleurs allemands – qui à en croire la video de The Spiel sont surtout des ouvrières turques – mais je crois volontiers Sam Brown quand il rapporte que le rythme de travail ne lui semblait pas excessif et que les travailleurs n’avaient pas l’air épuisés.

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On peut souhaiter, pour diverses raisons, travailler avec des fabricants européens, en l’occurrence surtout allemands ou polonais. Ils sont plus proches ce qui diminue coûts et délais de transport, et contact et contrôle sont plus faciles. On peut aussi y trouver des raisons de morale politico-économico-écologique, qu’il s’agisse de relocalisation de l’emploi ou de diminution des transports inutiles et énergivores, car le discours sur la “démondialisation” cher à notre ministre du redressement productif, s’il n’est pas toujours réaliste, n’est pas non plus toujours stupide. Mais les discours culpabilisants sur le thème “vous bossez avec les vilains chinois qui font travailler les petits nenfants” sont, pour l’essentiel, obsolètes – d’autant plus que si leurs salaires ont augmenté et s’ils ne font plus travailler les petits nenfants, c’est justement parce que l’on fait tourner leurs usines depuis un certain temps déjà.

Tout cela pour dire, suite à quelques mails que m’a valu mon post précédent, que je ne suis absolument pas moralement gêné de travailler avec des éditeurs qui produisent leurs jeux en Chine – ce qu’ils font d’ailleurs presque tous, du moins en partie.


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I’m a game designer, and I’v always stayed carefully away from publishing and, even more, producing games. The few I know about the latter is from occasional remarks by my publishers, but I never even set foot into a game manufacturing factory. That’s why, one or two years ago, I watched with intense curiosity the long video report shooted by Stephen Conway, for his blog “The Spiel”, in the Ludofact plant. Ludofact – I never know if it’s writtent with c or k – is the major German game manufacturer, working for most German publishing companies, and several others.
You can watch the video there.

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Sam Brown owns Thornhenge, a small american publisher whose first published game was Lyssan. Sam recently tourde several Chinese game manufacturing plants, and came back with some interesting comments and a series of reviews of what he saw in five factories. Only one of these refused that the review was published afterwards, which should logically encourage publishers to work with the four others.
The “factory tour” reviews can be read there.

After watching the video and reading the reviews, the striking impression is that it’s not that different. The technology, the labor organization, the working conditions even, sound similar. Of course, Chinese workers are certainly payed less than German ones, but if their wages keep growing like they did these last years, they’ll catch up with them in ten or fifteen years. They also certainly work longer hours than German ones, but I believe Sam Brown when he states that the pace of work didn’t seem exhausting and that the workers didn’t look exhausted.

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There are good and sound reasons to prefer to work with Eurpean manufacturers – meaning mostly German and Polish ones. They are nearer from us, which means cheaper and faster shipping, and easier contact and control. There can also be solid moral and political reasons, about “reverse outsourcing” of jobs and saving energy. But the finger pointing on “bad companies who work with Chinese and support child labor” is largely, if not entirely, obsolete. Furthermore, the main reason Chinese wages are rising and the working conditions steadily improving is that their factories are working for us for quite long already.

The main point of this blog post, of course, was to explain to the few people who emailed me after my last posting on Formula E that I have no moral problems with working with game publishers who print in China – and as a matter of fact, most do, if sometimes partially.

L’Horreur identitaire
The Identity Horror

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Chaque fois ou presque que je suis interviewé pour une revue ou un site web français, on me pose une question sur la spécificité des auteurs ou des éditeurs français – ou parfois francophones, adjectif plus politiquement correct car il sonne un peu moins nationaliste  et un peu plus culturel, et permet d’inclure quelques suisses, québécois et belges, qui sont de fait loin d’être négligeable dans le milieu ludique. À chaque fois, cela m’énerve. Cette spécificité existe sans doute un peu, du simple fait que des auteurs  et éditeurs qui vivent assez près l’un de l’autre et parlent la même langue ont plus de facilité à se rencontrer, à parler et à collaborer, mais je ne vois vraiment pas pourquoi nous devrions l’entretenir, nous en réjouir, voire en être fier. Je suis auteur de jeu par passion, par curiosité intellectuelle, par choix, et j’en suis fier ; je suis français par hasard, ai toujours refusé d’y attacher la moindre importance, et n’en tire aucune fierté particulière. Cela a quelques avantages pratiques, notamment le fait qu’un passeport français ouvre plus de barrières qu’un passeport congolais ou afghan;  j’en profite assez égoïstement, mais ça ne m’empêche pas de trouver cela injuste.

L’un des charmes du milieu des auteurs de jeux, et ce qui le différencie peut-être des milieux littéraires, est son caractère très international. Si je travaille en ce moment sur quelques idées de jeu avec des auteurs français, j’ai d’autres projets en cours avec des auteurs italiens, allemands et brésiliens, sans avoir eu heureusement à apprendre l’italien, l’allemand ou le portugais. Même les règles des jeux pour lesquels je travaille avec des auteurs français et à priori pour des éditeurs français (ooops ! francophones) sont le plus souvent rédigées en anglais. Les raisons pour cela sont essentiellement techniques – cela  simplifie le travail de rédaction initiale, la langue anglaise étant plus adaptée à l’écriture de règles brèves et claires, et permet de présenter les prototypes à des éditeurs du monde entier – mais ce n’est en rien un renoncement ou une concession. Je suis même convaincu que nous gagnerions tous à utiliser, dans le jeu et dans tous les domaines où la langue a peu d’importance, la même langue. Aujourd’hui, ce ne peut-être que l’anglais, tout comme ce ne pouvait être que le français au XVIIIème siècle ou le latin au XVIème.

Je suis toujours surpris de voir des gens de gauche se joindre au discours nationaliste et réactionnaire sur la « défense de la langue française » prétendument agressée par l’impérialisme culturel américain (qui a d’autres chats à fouetter). Il me semble  qu’aujourd’hui, les nationalismes européens, dont la langue est l’un des thèmes favoris, représentent pour nos libertés de penser et de s’exprimer, et même pour la paix, un danger bien plus immédiat et bien plus grave que l’utilisation de la langue anglaise. Je suis peut-être un incorrigible utopiste, mais je crois que la paix dans le monde aura fait de sacrés progrès le jour où nous pourrons tous communiquer dans la même langue, sans doute un anglais un peu rustique (oui, je sais, c’est un peu ce qui est en train de se passer et la paix ne se porte pas si bien, mais ce serait sans doute bien pire si nous ne pouvions pas nous comprendre). Nous conserverons sans doute nos langues pour l’amour et la littérature, et quelques chansonnettes, mais nous n’en avons pas besoin pour le reste. Qui sait, nous pourrions peut-être même jouer ensemble – et l’une des raisons pour lesquelles j’essaie d’acheter tous mes jeux en anglais est que cela me permet de jouer avec à peu près n’importe qui, quand les jeux en français ne peuvent être joués qu’avec des français, et quelques rares suisses, belges ou québécois.

Alors, que l’on cesse de me bassiner avec le monde ludique francophone, les auteurs de jeux francophones, le web ludique francophone – je n’en ai pas grand chose à faire. Je m’en préoccupe par amitié, car j’y connais beaucoup de gens bien, et par intérêt, car cela reste le marché principal de beaucoup de mes jeux, mais moralement et politiquement, je n’en ai rien à faire.

Suite : Ce texte m’a valu, sur Facebook, des insultes non seulement pour moi, mais également pour quelques amis qui avaient eu le malheur de me défendre. Si je suis volontiers provocateur, ce n’est pas parce que je cherche l’affrontement mais parce que la provocation intellectuelle déstabilise, fait réfléchir et suscite le débat. Je m’attendais à des désaccords, je ne m’attendais pas à des insultes.  Lorsque les discussions ont dégéré en attaques ad hominem, j’ai cependant préféré m’éclipser, traitant le village gaulois, ringard et teigneux, avec le mépris qu’il mérite. Je remercie ceux qui, n’osant plus s’exprimer sur Facebook, m’ont apporté leur soutien par email et je maintiens ma position.


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Nearly every time I’m interviewed for a French magazine or website, there is a question about the specificity of French game designers and game publishers – or rather francophone, a more politically correct adjective because it sounds less nationalistic and more cultural, and incorporates some Swiss, Belgian or Quebecois, who are indeed important, especially among publishers. Every time, it makes me nervous, or even angry. Of course, there are some trends or characteristics more or less specific to the French gaming world, if only because designers and publishers leaving near one from the other can easily meet, talk and work together, but I don’t think we have to maintain it at all price, to be glad or proud of it. I design game by passion, by intellectual interest, by choice – and I’m proud of it. I’m French by sheer luck, and I’ve always refused to place importance on it. Being proud of it would be simply stupid. It brings some nice benefits, mainly the fact that a French passport opens more barriers than a Congolese or Afghan one; I make the most of it, but this doesn’t prevent me from knowing it’s unfair.

One of the charms of the game designers world, especially when compared with the otherwise similar writers’ world, is that it’s really international. I’m working at the moment on some designs with other French designers, but also with Italian, German and Brazilian ones – all in English, of course, because I wouldn’t have found the time to learn Italian, German and Portuguese.  Even the games I design with other French authors have usually English rules, because the English language is more convenient for writing short and clear rules, and because it allows us to show the game to publishers from all around the world – including France. I’ve never felt it was a giving up or a compromise. I’m even convinced it would be all for the better if the whole world were using the same language in all domains where language doesn’t really matter – such as games. Nowadays, this language can only be English – like it could only be French in the XVIIIth century or latin in the XVIth.

I’m always deeply disturbed when I see people who call themselves leftists join in the nationalist and reactionary discourse about the “defense of the French language” supposedly attacked by US cultural imperialism (which has probably other fish to fry). At the moment, European nationalisms, for which national languages are a very important topic, seems to be a much more immediate and threatening danger for our freedom of thought and speech, and may be even for peace, than the use of the English language. I might be an incurable utopist, but I think world peace will make a great step forward when we will all speak and understand the same language, probably some rustic form of English (Well, I know that’s what’s more or less happening and peace is not going so well, but things would probably be worse if we could not understand one another). We will probably keep our good old languages for love and literature, and some children songs, but we don’t really need more of it. Well, may be we can even play games together – and the main reason why I try to buy most of my boardgames in English and not in French is that it allows me to play them with almost anyone, when I can play French versions only with French people, and a few Swiss, Belgians and Canadians.

So, please stop annoying me with the French gaming world, the French speaking game designers, the French gaming websites, and so on – I don’t really care about it. Well, I do care because personally because I have good friends in the French gaming world, and financially, because it’s still the main market for most of my games, but morally and politically I don’t.

Follow-up : there has been some very agressive comments – in French, of course – of this blog post on Facebook. Some of this comments were deliberately insulting for me, and for friends who were trying to defend me, or only to calm things down. I am often provocative, but it is never because I’m eager for fight – it is because I know that intellectual provocation destabilizes and arouses reflection. When talks degenerates into ad hominem attacks, I prefer to quit and disregard violent and stupid people . 

Jeu et éducation
Games and education

Ce texte sera publié dans les actes du colloque “Jouer ou Apprendre ?”, qui s’est tenu au mois de mai à Chamonix. Mon intervention ayant été improvisée à partir de notes succinctes, ce texte en est une reconstruction a posteriori, qui s’éloigne sans doute parfois de ce qui a été effectivement dit – ou de ce que d’autres s’en rappellent. Je m’en excuse par avance.

Historien, professeur d’économie et de sociologie en lycée, je suis aussi auteur de nombreux jeux de société, mais j’ai toujours pris grand soin de maintenir entre ces deux activités une frontière relativement étanche, de garder deux casquettes.
Mes élèves savent que je suis joueur, et auteur de jeux. Dans mes cours d’économie, je cite souvent comme exemple le marché du jeu, et les éditeurs de jeux de société, que je connais bien. Ils sont de bonnes illustrations des problèmes de saisonnalité, des calculs de coûts de production, des réflexions sur l’externalisation.
Je suis convaincu que l’histoire du jeu, encore très marginale, pourrait être plus développée – mes premiers travaux universitaires traitaient d’ailleurs de l’évolution des règles du jeu d’échecs, et – ce qui était encore plus amusant – des théories sur l’origine de ce jeu, au Moyen-Âge et à la Renaissance.
Le jeu est aussi un thème intéressant, souvent abordé bien qu’il ne soit pas en tant que tel dans les programmes, dans l’enseignement de la philosophie. Pascal, dont je reparlerai, passe très bien dans les classes de terminale.
Les enseignants de mathématique abordent certes ce qu’ils appellent la théorie des jeux, mais c’est en fait la théorie des choix, des décisions, de beaucoup  de choses qui sont loin d’être toujours des jeux.

Le jeu a bonne presse aujourd’hui, en particulier dans l’éducation. Les «serious games» – un pléonasme déguisé en oxymore car le jeu est toujours pratiqué avec sérieux – sont de tous les doctes stages pédagogiques, même si – heureusement peut-être – bien peu d’enseignants ont vraiment les moyens de les utiliser.

Si le jeu comme thème ne me pose aucun problème, le jeu comme outil d’enseignement au lycée me semble en effet plus problématique. Mon point de vue serait sans doute différent si j’enseignais dans le primaire, où le jeu peut faire gagner du temps, ou à l’université, où des savoirs plus pointus, plus formalisés et mieux maîtrisés peuvent rendre le jeu plus utile. Le jeu pédagogique me pose problème pour trois raisons. D’abord, il remet en cause la nature même du jeu, qui doit rester un divertissement. Ensuite, il tend à renforcer la tendance au formalisme de l’enseignement actuel, en particulier en France. Enfin, il implique une telle perte de temps qu’il peut remettre en cause la fonction essentielle de l’enseignement, apprendre à penser, à comprendre, à réfléchir, à prendre du recul.

1) Le jeu comme divertissement pascalien

Le jeu comme divertissement (Pascal) comme anxiolytique de plus en plus nécessaire dans une société de plus en plus complexe (Durkheim), doit pour remplir son rôle rester vain, rester à l’écart du monde réel.
Si je suis joueur, c’est parce que je me pose des questions à côté du jeu, des questions sur le monde, le reste du temps. J’ai donc besoin d’une frontière claire entre ce qui relève du jeu et ce qui relève du monde réel – qui n’est pas seulement le travail. Je crois que nous avons tous besoin de cette limite.
Les élèves sont bien conscients de cette distinction, et se méfient avec raison des jeux pédagogiques. Quand on leur dit “on va jouer pour apprendre”, ils sentent l’arnaque. Ils savent bien qu’on leur dit qu’on va jouer, mais qu’en fait on est toujours là pour apprendre, pour travailler, que ce n’est pas du jeu. Ils ont donc une réaction de rejet face à ce qu’ils perçoivent – largement à raison – comme une tricherie.

Le jeu pédagogique dévalorise l’enseignement – on a honte d’enseigner, il faut déguiser l’enseignement en jeu – et dévalorise également le jeu – qui n’est plus qu’un vague modèle à l’honnêteté douteuse.

2) La stratégie contre la critique

Les partisans de l’utilisation systématique des jeux dans l’enseignement insistent sur le fait qu’ils forment à la réflexion stratégique et analytique. C’est une évidence, non seulement pour les jeux de stratégie, mais aussi pour la plupart des jeux de société modernes qui appartiennent à ce que l’on appelait autrefois les jeux «de hasard raisonné», c’est à dire calculable, analysable. Et c’est peut-être cela le problème.
Les jeux qu’il est possible de mettre en place pour enseigner l’économie ou la sociologie sont le plus souvent inspirés de modèles théoriques, abstraits, presque mathématiques, donc d’une vision très spécifique, et rarement neutre, des réalités sociales. On sait pourtant que ces modèles ont fait des dégâts considérables, car on a souvent essayé de plier la réalité pour la conformer au modèle, ce qui est l’exact inverse de la démarche scientifique des physiciens et mathématiciens.

La tendance actuelle dans l’enseignement est à favoriser la transmission des connaissances et la réflexion analytique, en évacuant systématiquement les dimensions humaines et sociales, et tout ce qui pourrait ressembler à un débat critique ou une question existentielle.
L’importance excessive donnée aux enseignements scientifiques, et le caractère de plus en plus technique et de moins en moins théorique des programmes de mathématique, les évolutions de l’enseignement de la littérature, réduit de plus en plus à un dépeçage grammatical et rhétorique de textes dont le fond et le contexte n’importent plus, les lamentables nouveaux programmes et nouvelles épreuves de sciences économiques et sociales, qui évacuent tout débat et présentent économie et sociologie sous un angle purement technique, en sont d’édifiantes illustrations. Or c’est précisément le même objectif que vise le jeu pédagogique – formaliser à l’extrême les contenus, réduire la réalité à des systèmes clos, et inviter à appliquer des règles et des mécanismes sans s’interroger ni sur leur pertinence ni sur leur raison d’être. Pour se reposer d’un monde complexe et angoissant, pour se divertir, c’est très bien. Pour transmettre des connaissances et des expériences sur le monde réel, cela peut être dramatique.

Un minimum d’organisation et de rigueur est sans doute nécessaire à l’efficacité de l’enseignement. J’accepte que l’on ait des salles numérotées, des classes numérotées, que l’on fasse l’appel, que la cloche sonne à heure fixe, même si j’ai parfois l’impression d’être dans une caserne ou un couvent plus que dans une école. J’accepte que l’on ait des devoirs, des examens, des notes – tout un attirail formel directement inspiré du jeu. J’accepte tout cela, avec quelques regrets, parce que je sais qu’il serait difficile de fonctionner autrement – surtout «à moyens constants» ;-). Je ne pense pas qu’il soit souhaitable d’aller plus loin.

L’école doit permettre aux élèves de prendre les connaissances, de s’en saisir et d’en faire ce qu’ils veulent et ce qu’ils peuvent. C’est ce que permet la discussion, le débat, et surtout la recherche et la réflexion personnelles, qui restent possibles dans un cours relativement informel. Cela devient plus difficile quand les cours doivent suivre des powerpoint soigneusement préparés, qui aident certes le professeur à apporter efficacement les contenus mais le brident quand il faut s’en éloigner.
Cela devient impossible quand l’enseignement se fait par un jeu dont, par définition – parce que c’est l’essence même du jeu – on ne peut sortir. À la limite, des jeux de société très simples, ou des jeux de communication permettant d’expliquer un mécanisme peuvent être utiles, s’ils sont suivis d’une critique, d’un commentaire de ces mécanismes. Les jeux plus complexes, et notamment les «serious games» informatiques qui demandent un investissement fort et durable du joueur, et s’efforcent de dissimuler leurs mécanismes, de ne pas révéler leurs règles, non seulement n’aident pas à comprendre le monde mais contribuent à en donner une image systématique et biaisée.

Si le jeu n’est généralement pas un bon outil pédagogique, les techniques de “game design” peuvent en revanche en être un. Concevoir un jeu, construire le modèle, amène en effet à réfléchir sur les contenus. Un parallèle intéressant peut être fait avec l’enseignement de la littérature. Aux États-Unis, l’accent est mis sur le “creative writing”, qui a presque disparu de l’enseignement littéraire français, devenu pour partie académique (grands classiques), pour partie ludique (chasse aux figures de rhétorique). Le système américain, à la fois plus amusant et moins ludique, s’avère bien plus efficace, y compris pour apprendre à apprécier les classiques.

3) Perte de temps et d’efficacité

Mettre en place, concevoir un jeu demande énormément de temps et de travail. Les programmes de lycée s’alourdissent – en partie parce que l’on ne veut pas qu’il soit possible d’approfondir, en partie parce que l’on ne veut pas que les professeurs – et surtout les élèves – aient le temps de réfléchir à la pertinence des enseignements.
Le jeu aggrave cela, en ajoutant au temps nécessaire à l’apprentissage des contenus celui requis par l’apprentissage et l’utilisation des règles.

Le système scolaire français, en particulier au lycée, n’encourage pas l’autonomie des élèves. Les outils informatiques, et en particulier internet, sont fabuleux pour cela quand les élèves se les approprient, les utilisent chacun à sa façon pour de la recherche, ou simplement de la découverte. Les TPE (travaux personnels encadrés) en lycée, l’une des rares innovations pédagogiques intelligentes et réussies de ces dernières années, permettent cela, mais restent trop marginaux. L’autonomie permise par le jeu est à l’inverse ne fausse autonomie, une autonomie encadrée, une liberté régulée, une arnaque. À la limite, l’enseignement a plus besoin de jouets, et l’ordinateur en est un, que de jeux.

Conclusion

Enseignement plus ludique, oui, si cela veut dire enseignement plus désordonné, plus ouvert, plus improvisé, plus pluraliste – mais c’est le contraire du jeu, c’est la dérégulation, la responsabilisation des élèves dans le monde réel.
Enseignement plus ludique, non, si cela veut dire ajouter encore des règles arbitraires, des modèles abstraits, des systèmes de scores à un système qui souffre déjà d’un formalisme excessif.

L’adjectif ludique veut dire une chose et son contraire – qui impose des règles et relève du jeu et de l’ordre, qui affranchit des règles et relève de la fête et du désordre. Je pense que l’enseignement aujourd’hui souffre d’un excès de règles, et qu’il a grand besoin d’un peu de désordre.

Mes jeux visent à divertir, pas à enseigner. Il se trouve que l’on peut y calculer (Diamant), y collaborer (Novembre Rouge), ou même y mentir (Mascarade), mais ils ne cherchent pas à enseigner le calcul, la coopération ou le mensonge – ils ne veulent que divertir. La seule exception est sans doute Terra, le seul de mes jeux qui ait clairement une vocation pédagogique (et politique). C’était pour la bonne cause, le développement durable, tout ça, je ne pouvais pas refuser. C’est le jeu qui m’a valu le plus d’invitations à faire des conférences ou à parler du jeu, ce n’est pas celui qui s’est le mieux vendu, et je ne pense pas que ç’ait été le plus utile.


This text will be published in the acts of the symposium on “Gaming or Learning” which took place in Chamonix, last May. My speech was mostly improvised, based on short and succinct notes. This text is therefore a reconstruction written a few weeks later. I apologize if it differs here or there from what I have effectively said, or from what other people might remember.

I have a PhD in history and teach social sciences in a French high school, and I am also a prolific boardgame designer, but so far I always managed to keep these two activities apart.
My students know quite well that I am a gamer and a game designer. When teaching economics, i often use as examples the boardgame market and the boatdgame publishers, which I know quite well. They are good examples to explain the business cycles and seasonality, the production costs issues, and the outsourcing debate.

I’m convinced that the history of games, and of gaming, which is so far almost non-existent in academic studies, could be much more developed. My masters dissertation dealt with the way the rules of chess and, which was more fun, the theories about its origins evolved in the Middle-Ages and the Renaissance.
Game and play are also an interesting topic for philosophy lectures – a specificity of French High schools. Game in itself is not part of the programs, but Blaise Pascal, whom we will meet again later, is one of the authors most regularly studied.
Math teachers are theoretically the only ones to tell specifically about games, but their so called game theory is badly named because it tells of all kinds of strategic decisions, and not specifically of games.  

 Games are very popular among education theorists and bureaucrats. The so-called “serious games” (a pleonasm disguised as an oxymoron, since every game has to be played seriously) are discussed at length in all kinds of boring pedagogic meetings, even when very few of the teachers attending have the technical means to use them in their class – well, may be it’s better so.

Games as an academic topic is not a problem, and should be encouraged. Games as an educational tool are more problematic. I might have a different point of view if I were teaching younger children, with whom games can help save time, or at the university, where a deeper, better mastered and more formalized knowledge can more honestly be implemented in a game.
I have three main issues with educational games. First, it questions the very essence of gaming, which must be a diversion from real life. Second, it accentuates the actual trend to excessive formalism in school curricula and technics, especially strong in France. Third, it takes so much time that it challenges what ought to be the main goal of education, teaching to think, to understand, to question and to discuss everything.

1) Game as a diversion

Games are foremost a diversion from the real world, and for this reason a powerful anxiolytic (Pascal), something which becomes more and more necessary when the society becomes more and more complex and intricate (Durkheim). Games can fulfill these basic social function only if they are pointless, disconnected from the real world.
I’m a gamer because, in the rest of my life (when I’m not playing), i ask myself questions about the real world. I need a clear boundary between what is real and what is not, what is pointless and what is not, what is game and what is reality – and reality is not only work. I think we all need this boundary.
Students are highly conscious of this difference, and are wary of educational games. When a teacher says that they will play to learn, they know perfectly well it’s a scam, and react accordingly. They know that the real objective is still to work and learn, that it’s not really a game but just a means, and they take the teachers and the school for what they are – cheaters.

Educational games discredit education – it feels like teaching is shameful and has to de disguised as a game. They also discredit games, which become just vague and dishonest mathematical systems or social engineering tools.

2) Strategic or critical analysis

The core argument of the supporters of systematically using games in education is that games effectively teach strategic and analytical thinking. This is obviously true, not only of the so-called strategy games, but also of most modern board games, who belong to a category which was called in old French – I don’t know if there’s a similar expression in English – games of “reckonable randomness”. But this might also be the problem.
Games that can be used to teach economics or sociology are usually based on abstract, almost mathematical, models and therefore on a very specific, and usually very oriented, conception of the social world. Both in economics and sociology, mathematical models have already done much harm, especially when politicians try to adapt the reality to their theoretical model, when well-thought scientific process is the exact opposite.
The actual trend in French school curricula and teaching methods is to focus both on transmitting first basic and then encyclopedic knowledge, and on strategic and then analytical analysis, while carefully removing or hiding anything that could look like an open question or a possible debate.

The growing emphasis is on hard science, mostly mathematics, and the new maths curricula have much more technics and less theory. The way we teach French literature has become a stupid game of looking for grammatical forms and figures of rhetoric, never caring what the text is really about – and don’t even think of social or historical context. The new programs in Sociology and Economics, which I’m supposed to teach, are designed to avoid anything that could lead to discussion, and describe economics and sociology as abstract, almost scientific, technics and systems. Educational games do the same, they lead to excessive formalization, they describe reality as a closed system, and they teach to apply rules and mechanisms without ever discussing their accuracy or their social function. It’s OK when it’s just a game, just a few hours of diversion from a complex and anguishing real world.  It’s terrible if it’s supposed to describe the real world and teach some knowledge of it.

Some structure and rigor is necessary in education. I can do with numbered rooms, numbered student groups, roll calls, bell ringing every hour, even when it sometimes feel more like barrack or monastery than school. I can do with tests, exams and scores, which are directly inspired by games. I can do with all this because I know it would be hard to work otherwise – especially with no more funds. I can do with all this, but I don’t think we need more.

School is a place where students ought to learn stuff, make it their and do what they want and can with it. It’s possible with discussion, research, debate, personal thinking, all things which are easy in the relatively casual setting of traditional lectures. It becomes difficult when lectures have to follow incredibly detailed programs or carefully prepared powerpoints, which can help the teacher transmit predefinite knowledge, but prevent him from doing anything else.
This becomes almost impossible when teaching is made through a game from which – that’s the very essence of a game – it’s impossible to get out. Very simple boardgames or communication games allowing to explain a simple mechanism can be useful if the game is followed by some comments on its mechanisms and the underlying ideology. More complex games, and especially computerized “serious games” which often require a deep and long term investment by the player and try to hide their rules for more “realism” don’t help to understand the real world, and often even give of it a systematic and often dishonest image. If you want students to think out of the box, better not give them a box.

If games are rarely a good educative tool, game design can be. Designing a game requires to build the mathematical model behind it, and therefore to think of what theories are embedded in the model. We can build an interesting parallel with the teaching of writing and literature. In the US, the focus is on creative writing, something which has almost disappeared from French schools, replaced by an indigestible mix or rhetorics and old French classics, of pointless grammatical games and boring academics. The US system is certainly more efficient – even for learning to read and apperciate classics..

3) Loss of time and efficiency

Designing and finalizing a game, especially one with some educational pretense, requires much time. The school curricula are becoming every year longer and heavier – in part because governments don’t want teachers, and worst of all students, to have enough free time to think by themselves and discuss one with another the stuff they are learning.
Games make things even worse, because the time to learn the rules is taken from the time to learn the curricula.

The French school system, especially at high school level, rarely fosters autonomy. Computers are a great thing in school because, once the students master them – and they usually do already -, they can use them in different ways, research, exploration or more traditional written work. A student using a computer has some real autonomy, a student playing a game doesn’t, because he is far too enclosed in a very narrow frame by very precise rules. Schools need more toys – the computer is one – not more games.

Conclusion

We need a more playful school, not a more gamey one. Education would be better, more efficient, if it were more open-minded, pluralistic, chaotic, improvised – exactly the opposite of what structured games can – and probably will – provide. We need a school that makes students more conscious and responsible in the real world, not better at strategic thinking. School need less rules and less test scores, not more.

My games are designed to divert, to bring fun or intellectual challenge, but not to teach anything. Of course, one can learn some maths, especially divisions and prime numbers, playing Incan Gold, one can learn collaboration and the danger of alcohol playing Red November, one can learn to lie playing Mascarade, but that’s not the point, that’s not the goal of the game.

Terra is the only exception, the only deliberately pedagogic (and political) game I ever designed. It was for a good cause, sustainable development and all that stuff, so I could hardly decline to do it. It’s the game that granted me the most invitations to symposiums and conferences – but it didn’t sell that good, and I don’t think it was the most useful.