Key Largo

Le Thème :
Nous sommes dans les derniers jours du XIXème siècle, sur une île des caraïbes qui fut longtemps un repaire de pirates. On a récemment découvert que de nombreux galions chargés d’or, coulés à l’époque de la flibuste, reposent par le fond à quelques milles des côtes. Le terrible ouragan Katty est annoncé dans une dizaine de jours, ce qui vous laisse peu de temps pour recruter sur place une équipe de plongeurs et ramener à la surface les trésors engloutis.

La mécanique :
Key Largo est un jeu de programmation simultanée. Chacun doit chaque matin décider secrètement de ce qu’il doit faire dans la journée – emmener des touristes voir les dauphins, plonger à la recherche de trésors engloutis, vendre vos trouvailles au marché, acheter du matériel ou traîner à la taverne pour recruter des plongeurs et écouter les dernières rumeurs. C’est aussi un jeu de gestion dans lequel chacun débute la partie avec une somme modeste qu’il devra faire fructifier, le vainqueur étant le joueur le plus riche lorsque l’ouragan oblige à arrêter les plongées.

L’histoire :
J’avais beaucoup apprécié La Crique des Pirates, et échangé à son sujet des emails très sympathiques avec Paul Randles, l’un des auteurs du jeu, mais nous n’étions jamais parvenu à nous croiser. Sans doute aurions nous fini par trouver le moyen d’organiser une rencontre, mais Paul fut surpris par un cancer qui l’emporta en quelques mois, alors même que le succès commençait à pointer le bout de son nez.

Paul Randles and Mike Selinker

Ne voulant pas se laisser abattre, Paul s’efforça jusqu’au bout de faire des projets, et l’un de ses derniers fut une sorte de suite à La Crique des Pirates, l’Île aux Trésors. L’action se déroulait autour de la même île, deux siècles plus tard, les joueurs étant des plongeurs cherchant à ramener les trésors des galions engloutis lors des nombreuses batailles navales ayant animé la crique à l’époque de la flibuste. Peu avant la mort de Paul, en février 2003, Paul et sa femme Katty en confièrent le prototype à leur ami Mike Selinker, lui aussi amateur de flibuste et de piraterie, puisqu’il allait bientôt se lancer dans l’aventure de Pirates of the Spanish Main.

C’est en avril que je fis pour la première fois le voyage à Columbus, pour le Gathering of Friends d’Alan Moon. Paul Randles, habitué des lieux, n’était plus là, mais j’y rencontrais Mike Selinker qui me fit jouer à « l’Île aux Trésors ». Le principe me séduisit aussitôt, et les quelques idées que j’avançai à l’issue de notre première partie, avec notamment la suppression du plateau de jeu figurant la mer, me firent aussitôt engager comme troisième larron.

Les plateaux de jeu du prototype, de l’édition française et de l’édition américaine.
The boards from the prototype, from the French version and from the US version.

Commencèrent alors de réguliers échanges de mails et de fichiers entre la France et les Etats-Unis, et la version définitive de l’Île aux Trésors prit forme. Les principes de base du jeu sont restés ceux du prototype de Paul, avec notamment la programmation par jour et les amusants plongeurs auxquels on ajoute des tuyaux pour qu’ils plongent plus profond, mais le jeu est devenu plus léger, plus rapide, plus amusant à jouer, sans rien perdre de sa richesse. Lorsque nous fûmes satisfaits, nous entamâmes la tournée des éditeurs, Mike aux Etats-Unis et moi en Europe.

je fus le premier à trouver, et le jeu fut donc publié en Europe par Tilsit, aujourd’hui disparu, avec des illustrations montrant l’île au trésor sous un soleil éclatant. Plus tard Mike prit part au lancement de Titanic Games, qui devint donc l’éditeur américain, et opta pour des graphismes plus sombres, montrant les nuages s’épaississant et le calme avant la tempête. L’éditeur polonais, Egmont, a également refait une partie des graphismes. J’ignore ce que Paul aurait choisi, mais je suis certain que deux versions du jeu, une ensoleillée et une tempêtueuse, aurait été au delà de ses rêves.

Illustrations françaises de David Cochard
French graphics by David Cochard

Il fallait un titre international, qui évoque la plongée et ne passe pas pour un autre jeu de pirates. Nous pensâmes à Sargasso, Tortuga, Barbado, avant d’opter pour Key Largo. En France, on ne connait guère sous ce nom que le superbe film de John Huston, modèle de film noir en huis-clos. Aux États-Unis, Key Largo c’est d’abord une île au large de la Floride, paradis des plongeurs à la recherche tant de vieilles épaves que de jolis poissons.

Key Largo
Un jeu de Paul Randles, Mike Selinker, Bruno Faidutti

Illustré par David Cochard
3 à 5 joueurs –
45 minutes
Publié par Tilsit (2005)
Tric Trac    Boardgamegeek


The setting :
The action takes place on a Caribbean island, in the very last days on the 19th century. The island has long been a pirate’s harbour, and it has recently be found out that there were many sunken galleons around. Hurricane Katty is due in ten days, so you have little time to hire a diver team and bring back as much sunken treasure as possible.

The systems :
Key Largo is a double-guessing game, like Paul Randles’ other game, Pirate’s Cove. Every morning, each player secretly decide what he will do the coming day – take tourists dolphin watching, search a wreck for treasures, sell treasures at the market, buy equipment at the local shop, or go to the tavern to hire more divers and listen to the rumours. It’s also a light management game, where you start with little cash and must make your money grow through fruitful investment. The winner is the richest player when the hurricane breaks through and stops all diving around the island.

The Story :
I really like Pirate’s Cove, and I had exchanged a few nice and interesting emails about it with Paul Randles, one of the game’s authors, when it was first published as Piratenbucht, but we never met. We could probably have arranged a meeting later, but Paul was caught by a cancer and died after a few months, just when his first boardgame was becoming a small hit.

Paul didn’t want to capitulate and, until the end, he worked and made projects. One of his last projects was Treasure Island, a boardgame that was intended as a kind of follow-up of Pirate’s Cove. Action takes place on the same island, two centuries later. Players are now divers vying to bring back the sunken treasures lost during the many battles and boarding around the island in the blustery times. A few days before Paul died, in february 2003, his wife Katty and him gave the prototype of Treasure Island to their friend Mike Selinker, whom fans of pirate games will know from co-designing the game Pirates of the Spanish Main.

I happened to make in april 2003, for the first time, the trip to Columbus for Alan R. Moon’s Gathering of Friends. Paul, who had been a regular, was no longer there, but I met Mike who invited me to play Treasure Island. I really liked the basic idea of the game, and made a few suggestions after this first game; as a result, I was immediately hired as a third guy to finalize the game.

Mike and I started sending emails and files over (or is it under?) the ocean between France and the USA and soon the Treasures Island took its definitive form. The basics are still those of Paul’s prototype, with, for example, day to day programming and divers that can buy extra hose to search deeper wrecks, but the game has become lighter, faster paced, more fun to play, without losing its depth and variety. When we were all satisfied with the game, we started to look for a publisher, Mike canvassing the American ones while I was looking in Europe.

Illustrations américaines de Ben Huen & Andrew Hou
US graphics by Ben Huen & Andrew Hou

I found one first, so the game got published in Europe by Tilsit (now out of business), with light graphics depicting the Treasure Island on a sunny day. Later, Mike became involved with Titanic games, which became the US publisher and opted for darker graphics depicting the island while clouds are gathering and the hurricane is approaching. The Polish publisher, Egmont, also changed some graphics. I don’t know what Paul would have chosen, but I’m sure having both a sunny day and a cloudy day version of the same game is more than he would have dreamed of.

L’édition polonaise, chez Egmont
Polish edition by Egmont

We needed an international title, a title which suggest the diving theme and makes clear this is not one more pirates game. We thought of Sargasso, Tortuga, Barbados and finally made up our mind for Key Largo. this will make no problem for the american gamers, but can prove funny in France. Though everybody here knows about the great film noir by John Huston, with an archetypal closed doors plot, few know that it’s also the name of a divers’ paradise island.

Key Largo
A game by Paul Randles, Mike Selinker, Bruno Faidutti

Art by Ben Huen & Andrew Hou
3 to 5 players –
45 minutes

Published by Titanic Games (2007)
Boardgamegeek

Stonehenge

Un plateau de jeu représentant le cercle de pierres levées de Stonehenge, des pions figurant les grands dolmens centraux, et quelques druides ou aliens de diverses couleurs, un jeu de cartes. À partir de ce matériel, choisi d’un commun accord après bien des discussions, nous sommes cinq à avoir conçu des jeux sur le thème de Stonehenge. Présentez-vous donc à l’élection du grand druide lors de la cérémonie du solstice, lancez des sorts plein d’éclairs multicolores abrités derrière les menhirs, slalomez entre les pierres dans une violente course de machines volantes, affrontez les fantômes des chevaliers du roi Arthur, ou achetez simplement ces belles pierres au bourgmestre pour bâtir votre ferme – à vous de choisir entre ces cinq jeux imaginés par cinq auteurs différents, et d’en imaginer d’autres ensuite.

Stonehenge était un projet très ambitieux, réunir des auteurs aux styles très différents pour concevoir ensemble un matériel très versatile permettant de construire d’innombrable jeux de société différents. Chacun, bien sûr, devait aussi imaginer un premier jeu utilisant ces éléments. Le thème de Stonehenge nous semblait bien choisi, les innombrables théories plus ou moins farfelues quant à la nature de ce lieu pouvant permettre d’imaginer bien des jeux. Nous ne voulions pas seulement que les gens jouent à nos jeux, nous voulions qu’ils s’approprient le matériel de Stonehenge, cartes, pions et plateau de jeu, pour en imaginer d’autres.

Cela n’a pas vraiment marché. Certes, une cinquantaine de règles de jeux ont été postées sur le site de l’éditeur dans les mois qui ont suivi la sortie du jeu, mais cela s’est ensuite arrêté là, malgré une extension avec des jeux de Bruno Cathala, Serge Laget, Andrew Looney et Klaus- Jürgen Wrede . Un autre projet similaire, celui d’Andrew Looney avec ses Icehouse pyramids, sans doute plus versatiles, a eu plus de succès et est en passe de devenir un nouveau classique.

Stonehenge
Richard Borg, James Ernest, Bruno Faidutti, Richard Garfield, Mike Selinker
Publié par Titanic Games (2007)
Tric Trac    Boardgamegeek


A board figuring the standing stones circle of Stonehenge, pawns figuring the five central dolmens and some druids or aliens in different colors, and a card game. With these generic components, decided after long email discussions, five designers have imagined five different games about Stonehenge. Will you take part in the summer solstice druidic election? Will you cast fireballs and lightning balls spells, hidden behind the great stones? Will you take part in the alien chariot race and slalom around the menhirs? Will you fight the ghost of the arthurian knights? or will you, more prosaically, buy the big stones from the town council and use them in building your farm? Or may be design your own game using our versatile set of components.

Stonehenge was a very ambitious project. Five game authors of very different styles gathered to design a versatile set of components that could used to design hundreds of different boardgames. Of course, each one of us also designed a game in order to start the pump. The Stonehenge setting was chosen because of the many different zany theories about this place, which could give the them for many games. We didn’t only want players to play our games, we wanted them to get hold of all the elements, cards, tokens, board and design their own.

It didn’t work. A few dozen game rules were published on the publisher’s website immediately after the game was published, but it then stalled, even when a small expansion with games by Bruno Cathala, Serge Laget, Andrew Looney et Klaus- Jürgen Wrede  was published.

Another similar project, Andrew Looney’s icehouse pyramids, was far more successful and is becoming a true classic.

Stonehenge
Richard Borg, James Ernest, Bruno Faidutti, Richard Garfield, Mike Selinker
Published by Titanic Games (2007)
Boardgamegeek

Les pyramides Icehouse d’Andrew Looney, qui ont réussi là où nous avons échoués.
Icehouse Pyramids, by Andrew Looney, a much better take on the same idea.