Les rencontres ludopathiques, ma petite convention de jeux personnelle, se tient tous les ans au mois de mai à Etourvy, charmant petit village de l’Aube. Nous étions cette année 150, un peu moins que lors des éditions précédentes, pour deux raisons. La première est que je m’étais un peu embrouillé dans les dates, réservant d’abord la semaine de l’Ascension, fin mai, qui tombait en même temps que l’UKGE, le salon du jeu anglais à Birmingham, et la réunion des auteurs de Göttingen en Allemagne, à laquelle j’avais décidé d’aller. L’annulation d’un mariage, ce sont des choses qui arrivent, m’a heureusement permis de déplacer mes plus modestes rencontres ludiques à la semaine du 13 au 18 mai. Comme c’était l’une des rares semaines de mai sans jour férié en France, les enfants ont été moins nombreux qu’à l’habitude, ce que je regrette.
En outre, cela tombait cette fois en même temps que le Tokyo Game Market, où une douzaine d’habitués des ludopathiques ont préféré cette année aller au Japon. Je suis donc d’autant plus flatté que mon ami l’auteur Coréen Yohan Goh ait, lui, fait le choix de venir à Etourvy alors que Tokyo était quand même plus près de chez lui.
À quelque chose, malheur est bon, et cela a permis d’inviter quelques nouvelles têtes, notamment des auteurs plus jeunes que les vieux briscards qui étaient déjà là quand le Domaine Saint-Georges s’appelait plus modestement Foyer Rural de Grand Secteur. Nous avions aussi cette année une petite équipe de critiques de jeux américains, avec Candice Harris du Boardgamegeek et Zee Garcia de Dice Tower, qui étaient invités en France pour la célébration des vingt ans de Ticket to Ride et ont passé juste avant deux jours à Etourvy. Je pense et j’espère qu’ils ont apprécié l’ambiance plus décontractée que dans les conventions américaines, et que nous les reverrons l’an prochain.

La météo était avec nous, ce qui est important pour un événement qui se déroule largement en plein air, dans la vaste cour entre les bâtiments du domaine Saint-Georges et le moulin, ainsi que sur la prairie qui borde le Landion, la petite rivière qui traverse le village. Les quelques années où il a beaucoup plu, nous nous sentions un peu enfermés dans la grange. Cela a permis à Charles d’organiser, comme chaque année, son « Walk and Wine », promenade dans les environs suivie de découverte de vins apportés par les convives. Bien que la balade ait lieu avant la dégustation, ils ont réussi cette année à se perdre dans les bois… Le beau temps a également permis à l’équipe du Domaine Saint-Georges de nous faire vendredi soir un barbecue, avec notamment d’excellentes andouillettes, idée à reprendre pour l’an prochain.
Les ludopathiques tombaient fort bien cette année pour faire la promotion de mes nouveautés. Trick or Treat avait envoyé de nombreuses boîtes de Trollympics et de Treasure of the Dwarves. Trollympics, qui est thématiquement la suite sportive de Trollfest et mécaniquement un improbable croisement entre Seven Wonders et Munchkin, a été conçu en collaboration avec Camille, qui m’a aussi beaucoup aidé pour la logistique des ludopathiques, et notamment la bière. Je me suis plus occupé de Treasure of the Dwarves, dont j’ai même organisé un tournoi alors que je suis généralement plutôt réticent à cet exercice, et qui m’a semblé remporter un grand succès. Je l’ai déjà dit, mais je le redis ici, je tiens Treasure of the Dwarves, un jeu d’enchères, d’embrouilles et de négocations jouable de 3 à 8 joueurs, pour mon jeu le plus réussi. Je pense d’ailleurs m’être débrouillé pour que les jeux Trick or Treat, jusqu’ici difficiles à acheter en France, soient bientôt chez Philibert.
À la lettre, mon premier jeu de lettres, ne sera sans doute en boutique qu’en septembre, mais les boîtes sont déjà imprimées ; Cédric, l’éditeur, et moi en avions apporté quelques-unes, qui ont aussi été beaucoup jouées. Mes amis japonais de chez Oink ont fait en sorte que les premières boîtes de Wriggle Roulette, un jeu de prise de risque conçu avec Jun Sasaki et qui sortait en même temps au Tokyo Game Market, parviennent juste à temps à Etourvy.
À quoi bon s’envoler pour Tokyo, en effet, puisqu’outre Wriggle Roulette, plusieurs jeux d’auteurs ou d’éditeurs nippons étaient parmi les plus joués à Étourvy cette année. L’équipe de Origames, qui va le sortir en français cet été, avait apporté quelques boîtes de Yubibo, un jeu de dextérité qui fut l’un des plus joués et clairement le plus photographié de la semaine. J’avais rapporté de la Gama un exemplaire de Wanted Wombats, un jeu de prise de risque minimaliste de Kaya Miyano, qui fut moins photographié mais aussi très joué, sauf lorsque l’on ne parvenait plus à le retrouver, parce que c’est quand même une toute petite boîte. Les amateurs de Diamant devraient adorer Wanted Wombats. Chaque année, sans que l’on sache trop pourquoi, un jeu qui n’est plus vraiment nouveau est découvert par des joueurs qui ne le connaissaient pas ou l’avaient oublié et devient un succès inattendu à Etourvy – cette année, cela a été aussi un jeu japonais, dans une plus grosse boîte, Come Sail Away, de Daryl Chow et Saashi. Il n’y en avait qu’une boîte, il fallait la réserver !
Il y a bien sûr eu quelques parties de Flip 7, de Bomb Busters et de Château Combo, les jeux auxquels tout le monde joue ces derniers temps, mais pas tant que cela. Tout le monde essaie en effet de jouer aux jeux qu’il ne connaît pas, aux prototypes apportés par les auteurs, aux avant-premières et nouveautés toutes fraiches des éditeurs. Je ne vais pas discuter des prototypes, dont je ne sais généralement ni comment ils s’appellent, ni si j’ai le droit d’en parler, mais vous pouvez essayer de les repérer sur les photos. Je me cantonnerai aux nouveautés les plus appréciées. Toy Battle, de Paolo Mori et Alessandro Zucchini, est un adorable jeu de baston à deux joueurs – oui, un jeu de baston peut être adorable – publié par Repos Prod. Plein d’éditeurs avaient apporté plein de petits jeux de cartes. Beaucoup étaient des jeux de plis ou de défausse « à la japonaise avec un twist », qui vont être trop nombreux sur le marché avant que je n’aie pu caser les miens, Jungle Tricks et King’s Fool.
D’autres étaient des jeux d’ambiance, ce que l’on appelle maintenant des « party games », des jeux où l’on répond à côté des questions, ou l’on parie sur les réponses de son voisin, où l’on tape sur la table en jouant ses cartes, où l’on empile des trucs, où l’on raconte des histoires, où l’on donne des indices, toutes ces sortes de choses. Les jeux de mots, de vocabulaire et d’association d’idées, les successeurs possibles de Codenames et Just One, ont été particulièrement joués, notamment Landmarks, improbablement traduit en français sous le titre de l’Île des Mots Dits, et DaDaDa, qui a le gros avantage d’être par nature international puisque les joueurs y inventent leur propre langue.

Fifty, un bingo très malin avec un zeste de psychologie, a aussi eu son petit succès. The Gang, l’un des hits de l’an dernier, était encore sur toutes les tables. Suite peut être des années Covid, plusieurs éditeurs semblent croire aux jeux d’extérieur, dans le style pétanque ou Mollky – le plus apprécié m’a semblé être Swoobee, d’Antonin Boccara.
Confirmation d’une tendance déjà observée l’an dernier, le jeu de rôle est de retour. Certains ne s’en sont peut-être pas rendu compte, car c’est un peu à l’écart, dans la nouvelle salle de la Meunerie, que se sont déroulées vendredi soir la Murder Party 1900 et samedi des parties de jeux de rôle sur table. C’est un peu un retour au tout début des ludopathiques, dans les années quatre-vingt-dix, alors que je pratiquais encore assidument le grandeur nature.
Ces rencontres ne seraient pas ce qu’elles sont sans les grands jeux d’extérieur, notamment le traditionnel Brouhaha, auquel nous avons joué jeudi midi. Nous avons aussi tenté cette année des adaptations grandeur nature de deux jeux de cartes, Non Merci et Things in Rings. Si le Non Merci, où les joueurs ne sont même pas des pions mais de simples jetons, n’a pas été très convaincant, Things in Rings grandeur nature, ou plutôt People in Rings, avec des cordes de 15 mètres et des joueurs à la place des cartes, a très bien fonctionné. Nous avions trois équipes de 5 joueurs, et une quarantaine de joueurs pour constituer la pioche, les équipes qui piochent pouvant prendre le joueur de leur choix ; les catégories étaient le prénom (jaune), l’apparence physique (bleu) et les vêtements (rouge). Samedi, Manu avait organisé une course de licornes qui, comme Yubibo, a été très photographiée. Inutile d’expliquer le principe, il suffit de regarder les videos.
Me voyant courir dans tous les sens, on me demandait souvent si j’ai le temps de jouer. Pas vraiment, et les quelques jeux auxquels j’ai pu jouer sont tous des petits trucs bouclés en quelques minutes, comme Wanted Wombats, au succès duquel j’ai pas mal contribué. Même si j’avais installé sur une petite table un catalogue de mes projets et un classeur de « sell sheets », mon objectif cette année était moins de placer mes prototypes auprès des éditeurs que de présenter mes nouveaux jeux sortis ces dernières semaines. J’ai donc passé pas mal de temps à expliquer les règles, heureusement simples, de Treasure of the Dwarves, Trollympics, Wriggle Roulette et À la lettre.
Comme chaque année, les éditeurs avaient envoyé de très nombreux jeux pour la table des prix. Chaque année, je me dis que je vais en dresser la liste, et finit par renoncer par peur d’en oublier. Grand merci à eux en tout cas, leurs jeux ont été joués et appréciés. Et un grand merci au petit groupe qui était là dès le lundi soir, Camille, Hervé, Ghislain et Didier, à la Brasserie Thibord, et à la sympathique équipe du Domaine Saint-Georges, qui doit finir encore plus épuisée que nous.
Vous trouverez plein de photos en dessous de la version anglaise de ce post, même s’il nous manque les habituelles photos d’Antoine Bauza, qui est sans doute l’un des meilleurs photographes du petit monde du jeu.

The ludopathic gathering, my own private boardgame convention, takes place every year in May in Etourvy, a small village in Eastern France.
There were a little fewer of us this year, more or less 150 attendees, for two reasons. First, I got a bit confused when choosing the dates. I first booked the venue for the last week of May, not realizing it was the same week-end as UKGE, the Birmingham boardgame fair, and the Göttingen game designers meeting which I had planned to attend this year. Thanks to a wedding cancellation, these things happen, I later could reschedule my event to May 13-18th. Unfortunately, this was one of the few May weeks without school holidays in France, so there were much fewer kids than usually. Also, this was once more the same week-end as another event, the Tokyo Game Market, which a dozen of Etourvy regulars had decided to attend this year.

Every cloud has a silver lining, and this allowed me to invite a few new people, mostly younger game designers. We also had this year a nice small US game critics team, with Candice Harris from the Boardgamegeek and Zee Garcia from the Dice Tower. They had been invited in France to attend the Ticket to Ride 20th anniversary tournament and spend the two days before in Etourvy. I hope and think they had a good time and might come back next year.
The weather was with us, which is very important for an event which, when possible, takes place partly outside, in the vast courtyard between the buildings of the Domaine Saint Georges and the old mill, as well as in the lawn next to the Landion river. We have had a few rainy days in the years before, and felt a bit locked in in the barn. The sunny weather made it possible for Charles to organize once more his “Walk and Wine” event, a walk in neighboring woods followed by a tasting of wines brought by various attendees. Even when the walk took place before the wine sampling, they managed to get lost in the woods… The nice weather also made possible for the Domaine Saint-Georges team to prepare a barbecue on Friday night, with really good andouillettes – these tripe sausages are a local specialty.

The timing was perfect this year to promote my new games. Trick or Treat had sent many copies of Trollympics and Treasure of the Dwarves. Trollympics, which is thematically a sport follow-up of Trollfest and mechanically an unlikely crossover between Seven Wonders and Munchkin, was co-designed Camille, the young black clothed punk who help me take care of the beer and other logistics issues. I was more involved with Treasure of the Dwarves, and even organized a tournament, something I’m usually a bit wary of. I think it was a hit, and I probably managed to have the Trick or Treat games, usually hard to find in France, now available through Philibert. Treasure of the Dwarves, a fun auction, treason and negotiation game which accommodates from 3 to 8 players, is, in my opinion, my best design.

À la Lettre, my first letter game, will probably be in shops in September, and at first only in a French version, but it has just been printed and both Cédric, the publisher, and I had brought a few copies, which were intensely played. My Japanese friends at Oink had managed to have a few copies of Wriggle Roulette sent just in time directly to Etourvy; this fun risk taking game was designed with Jun Sasaki and presented at the same time at the Tokyo Game Market.
Why fly to Tokyo indeed, when in addition to Wriggle Roulette, several other games by Japanese publishers or designers were among the main hits in Etourvy ? The Origames team, who is going to do the French version, had brought a few copies of Yubibo, a dexterity game which was played over and over and was probably the most photographed. I had brought back from Gama a copy of Wanted Wombats, micro risk taking by Kaya Miyano, which is less present in the pictures but was played a lot when we managed to find it, because it’s really a very small box. If you like Diamant, you will love Wanted Wombats. Every year, a game which is not that new is suddenly rediscovered and becomes une unexpected hit, this year it was Come Sail Away, by Daryl Chow and Saashi – there was only one copy, in constant use..
There were a few games of Flip 7, Castle Combo and Bomb Busters, the games everyone is playing at home these last months, but not that many. The general excitement made people want to try new stuff, games they hadn’t played or even heard about before, designers’ prototypes and publishers’ previews and brand new stuff. I won’t talk here of the prototypes, I don’t know their name and if I am allowed to talk about them, but you can try to spot them on the pictures. I will only talk here of the most hyped new games. Paolo Mori and Alessandro Zucchini’s Toy Battle is a cute light two player war game – yes, games are not life and wargames can be cute – published by Repos Prod. Most publishers had brought small card games. Many of these games were Japanese style trick-taking games or shedding game “with a twist”, and it looks like there will be too many on the market before I can find a publisher for mine, Jungle Tricks and King’s Fool.

Other were simple and often zany party games, games in which one must give twisted answers to questions, bet on their neighbor’s answers, hit the table when playing cards, pile stuff, give more or less discreet hints, tell fantasy stories and all that stuff. This year’s crowd was partial to creative games about words and ideas, all trying to be the next Codenames or Just One. Landmarks, which has just been translated in French under a strange name meaning something like “The Island of the Cursed Words” and DaDaDa, which is international by nature since players create their own language, were continuously played.
Fifty, a clever bingo-like with a fun psychology element, was also a hit. The Gang, one of last year’s main hits, was still everywhere. May be a delayed effect of Covid, several publishers seem to think that boules / bocce like outdoor games might make a comeback; Antonin Boccara SwooBee was the most played of these games.
The revival of role playing games I had noticed last year has now been confirmed. Many attendees might not have noticed what was happening in the new room under the Meunerie, a long murder party on Friday night, and tabletop role playing games on Saturday. This feels a bit like a comeback to the very first ludopathic gathering, in the early nineties, when I was still regularly playing LARPS.

A traditional feature of the ludopathic gathering is the large outdoor games, and especially Brouhaha, which we played on Thursday noon. We also tried giant / live action adaptation of two well-known card games, No Thanks! And Things in Rings. No thanks, with players as individual tokens living their own life, fell a bit flat, but Things in Rings worked well and was fun. It was more People in Rings, with 15 meters colored ropes and players instead of cards. We had three teams of 5 players, and a “drawing crowd” of 40 players in which the team could chose who they were drawing. The three categories were name (yellow), physical appearance (blue) and clothes (red). On Saturday, Manu held a unicorn race which, like Yubibo, was photographed by everyone. No need to explain the rules, just look at the video.
Seeing me running in every direction, people often asked me if I had still time to play. Well, no really, and the few games I have played were mostly lighter stuff, card games played in a few minutes like Wanted Wombats, whose success I have certainly fostered. Even when I had set up a small table with a catalog of my available designs and a few sell sheets, my goal this year in Etourvy was less to pitch my prototypes to publishers than to promote my new games. I spend more time explaining the rules of Wriggle Roulette, Treasure of the Dwarves, Trollympics and À la Lettre than actively playing.
Like every year, publishers had sent many games for the prize table. Like every year, I first tried to keep a list and soon gave up by fear of forgetting some of them. Anyway, many thanks to them, their games were played and enjoyed. Many thanks also to the small team which came with me on Monday, Camille, Hervé, Ghislain and Didier, to the Thibord brewery and to the friendly team at the Domaine Saint-Georges, which was as tired as us when we left on Sunday.

There are a few more pictures below, even when I miss the usual pictures by Antoine Bauza, who is probably one of the best and most dedicated photographers in the small boardgaming world.
Mes photos, en ordre chronologique.
My pictures, in chronological order.
Les photos de Dylan (le canadien), en ordre chronologique.
Canadian Dylan’s pictures, in chronological order.
Les photos de Lia Sabine, en désordre.
Lia Sabine pictures, in no specific order.
Les photos de Sandra. en ordre chronologique
Sandra’s pictures, in chronological order
Les photos de Chris et Sophie.
Chris & Sophie’s pictures.
Les photos de Fred, Isabelle et Mel.
Fred, Isabelle & Mel’s pictures
Les photos de la murder party par Hervé
Hervé’s pictures of the murder party
Les photos de Pénélope et Melody
Penelope and Melody’s pictures
Les photos de Zee, Camilla et Flavien
Zee, Camilla and Flavien’s pictures
Les photos de Yohan, Sven et Oleksandr
Yohan, Sven and Oleksandr’s pictures
Les photos de Sébastien, Timothée et Yann
Sébastien, Timothée and Yann’s pictures