Rencontres ludopathiques 2017
2017 Ludopathic Gathering

Plusieurs fois durant ce long week-end étalé du jeudi au lundi, on m’a demandé depuis combien de temps j’organisais les rencontres ludopathiques. Cela a commencé lorsque j’habitais dans le coin, à Troyes, donc vers le milieu des années quatre-vingt-dix. Nous en sommes donc sans doute à la vingt-et-une ou vingt-deuxième édition de ces rencontres ludiques, qui sont donc un peu plus récentes, et un peu plus modestes, que celles d’Alan Moon. Nous n’étions au début qu’une trentaine, et les seuls éditeurs présents étaient Ludodélire, mon éditeur principal de l’époque, Eurogames, car Duccio Vitale habitait, et  habite peut-être encore, à une trentaine de kilomètres.
Si quelques amis de l’époque sont toujours là, le public s’est largement renouvelé. Les rencontres ont grandi, ou grossi, puisque nous étions 110 cette année, comme l’an dernier, un nombre que je ne souhaite pas dépasser. Elles se sont professionnalisées, avec une vingtaine d’éditeurs présents (Asmodee, Blackrock, Blue Orange, Days of Wonder, Djeco, Don’t Panic Games, Flatlined, Gigamic, Iello, Letheia, Libellud, Lui-Même, Matagot, Passport Games, Pearl Games, Pixie Games, Portal, Purple Brain, Ravensburger, Repos Prod, Small Box Games, Space Cowboys, Sweet Games, sans compter ceux qui n’étaient pas là mais avaient fait parvenir des jeux, Funforge, Huch et Schmidt – prévenez-moi vite si vous constatez que j’ai oublié quelqu’un). Je ne vais pas lister les auteurs de peur d’en oublier, et parce qu’ils sont moins susceptibles, mais ils étaient aussi une bonne trentaine. Bruno Cathala, qui n’avait raté aucune des quinze ou vingt dernières rencontres, n’a pas pu venir cette année, mais Antoine Bauza, absent depuis quelques années du fait de ses séjours au Japon, était de retour. Il y avait aussi quelques illustrateurs de jeux, mais moins nombreux que les années précédentes. Les rencontres se sont aussi internationalisées, avec des participants venus de toute l’Europe, mais aussi des États-Unis et du Brésil, m’obligeant à faire les annonces en français et en anglais – du moins jusqu’à ce que je sois suffisamment saoul ou fatigué pour oublier l’anglais, ou parfois le français. Malgré une forte délégation polonaise cette année, je n’ai jamais assez bu pour essayer mes rudiments de polonais, sans doute très rouillés.


Malgré tout, je tiens à ce que les ludopathiques restent un moment décontracté, tenant plus du week-end entre amis que du salon professionnel – ce qui n’empêche, dans les coins discrets, de discuter un peu contrat d’édition ou distribution. C’est pour cela que j’invite aussi de nombreux amis, des vieux et des nouveaux, plus ou moins passionnés de jeux, et que j’essaie d’avoir au moins un tiers de femmes (ce qui devient plus facile car le milieu du jeu se féminise très rapidement) et quelques familles avec enfants. C’est pour cela aussi que, après une expérience assez mitigée de déménagement en région parisienne, il y a une dizaine d’années, les rencontres ludopathiques se sont définitivement installées à Etourvy, au milieu de nulle part, dans les bois entre Chaource et Tonnerre. Je n’envisage plus de bouger.

Lorsque quelques dizaines d’auteurs et d’éditeurs de jeux se rencontrent, il est inévitable que sortent de leurs larges sacs des jeux qui ne sont pas encore dans les boutiques, voire qui ne sont pas encore tout à fait au point, ce qu’il est convenu d’appeler des prototypes, et qu’il faudrait peut-être plutôt, au moins pour ceux des aueturs, appeler des brouillons. De plus en plus nombreux chaque année, ils représentent plus ou moins la moitié des parties – trois types de parties.

Il y a d’abord les jeux inachevés, sur lesquels les auteurs sont encore en train de travailler, dont ils modifient parfois les règles au vol, en cours de partie. Je n’en avais pas beaucoup cette année. Viennent ensuite les jeux à peu près au point auxquels les auteurs essaient de trouver un éditeur. J’en avais un, Vampires, conçu avec un ami américain qui avait fait le voyage depuis San Francisco, Charlie Cleveland; il a suscité beaucoup d’intérêt mais demande encore quelques menus bricolages. Viennent enfin les véritables prototypes, les jeux apportés par les éditeurs, ceux qui vont sortir, où qu’ils hésitent à sortir, et dont les règles et parfois les illustrations sont à peu près fixées. J’en avais pas mal cette année – Nutz!, Jungle (avec Anja Wrede), Le petit Poucet (également avec Anja Wrede), Secrets (avec Eric Lang), Dragons, Jongleurs et Ménestrels (with Sandra Pietrini), A King’s Life (avec Gwenaël Bouquin).


J’ai vu des trucs bizarres auxquels je n’ai pas eu l’occasion de jouer, des arbres chez Iello (à moins que ce ne soit chez Blue Orange), des acrobates de cirque chez Matagot (le plus photographié des prototypes). J’ai joué à Dice Forge, de Régis Bonnessée, un jeu de « dice-building », à Jack et le Haricot Magique de Frédéric Morard, à l’excellent Ô mon Chateau, de Ludovic Maublanc et Corentin Lebrat, un jeu de gestion qui donne envie de dessiner – du moins à ceux qui savent un peu dessiner – et à Seeders – Exodus de Serge Macasdar, un jeu d’enchères, de gestion et de combinaison dans un univers de science-fiction riche et ambitieux. J’ai beaucoup fait tourner mon petit dernier, le jeu des Dragons, à paraître chez Matagot. La présence de mon amie Anja Wrede nous a permis de jouer un peu à nos jeux qui devraient sortir cette année, Le Petit Poucet (devinez chez quel éditeur) et Jungle (sur lequel je n’ai pas encore le droit de dire grand chose). Dans une pièce secrète et retirée, Hervé avait monté son escape room, que je n’ai toujours pas jouée – tout le monde adore, mais je ne suis pas certain que ce soit mon truc.

Parmi les jeux publiés, on peut aussi distinguer trois grandes catégories – les nouveautés, les vieux classiques et les bizarreries – étant entendu que certaines bizarreries sont aussi des nouveautés, ou que certaines nouveautés, comme le Mâche Mots, sont aussi assez bizarres.
Les nouveautés ou jeux assez récents les plus joués, et donc sans doute les plus appréciés, m’ont semblé être
Clank!, de Paul Dennen, un dec k building assez léger et avec un vrai thème,
A Fake Artist Goes to New-York, de Jun Sasaki, un jeu de dessin et de bluff déjà vieux de deux ou trois ans mais qui n’est devenu un hit chez nous que cette année
Magic Maze, de Kasper Lapp, un jeu de coopération en temps réel très original,
Secret Hitler, de Mike Boxleiter, Tommy Maranges, et Max Temkin, un jeu à identités secrètes rigolo et magnifiquement édité.

Je pourrais citer aussi Insider, Baobab, Terraforming Mars, Mot pour Mot, Profiler, Fabled Fruit, Potion Explosion, Codenames, Capital Lux, Not Alone (dont l’auteur, Ghislain Masson, était pour la première fois à Etourvy), Picassimo (même chose pour Carlo Rossi), Kanagawa, ou Happy Salmon, et j’en oublie certainement. Les gens de Schmidt, que je ne connais pas particulièrement, avaient envoyé un énorme colis avec, parmi d’autres jeux, six boites des Bâtisseurs du Colisée, de Klaus-Jürgen Wrede. Quelqu’un en a ouvert une, et a découvert que c’était un très bon jeu familial, très allemand, qui du coup a pas mal tourné durant les derniers jours. L’autre succès inattendu fut Penguin Trap, une variation politiquement correcte du vieux Brise Glace – on ne doit plus noyer un esquimau, mais juste un pingouin – à laquelle les cases hexagonales donnent une nouvelle dimension.

Du côté des très gros jeux, un genre qui je pratique à l’occasion mais dont je ne suis pas spécialiste, on a vu des parties de Scythe, de Cthulhu Wars (dont Fred a toutes les extensions), de Mechs & Minions, de Time Stories dont Manu essayait de nouveaux scénarios, de Terraforming Mars, du prototype de Seeders – Exodus dont j’ai déjà un peu parlé, et d’un gros proto d’Ignacy Trzewiczek, installé à la même table que l’an dernier, dont j’ignore jusqu’au thème.

Côté jeux d’ambiance, j’essaie toujours de me procurer une bizarrerie colorée des années soixante ou soixante-dix. Cette année, c’était Grab a Loop, avec le magnifique slogan amplement mérité « vous avez aimé Twister ? Attendez de jouer à Grab a Loop ! ». Sébastien a organisé un chouette jeu de piste aux lapins de Paques pour les enfants. On a joué à Codenames avec mes canards, puis avec des vrais gens à la place des cartes, et à Unusual Suspects avec les onze candidats à l’élection présidentielle. Malgré un ciel hésitant, nous avons sorti le traditionnel Brouhaha, et improvisé un jeu de compétition avec deux crayons coopératifs géants apportées par Lia-Sabine, qui bosse chez Djeco. Situation 4, le puzzle en temps réel, est devenu un classique des rencontres, et a été beaucoup joué. La première nuit, tant qu’il n’y avait pas beaucoup d’enfants, il y eut une hilarante partie de Kamasutra, qui devrait sortir bien aux États-Unis chez un vrai éditeur, avec quelque cartes supplémentaires par rapport à la version publiée sur ce site.

C’était très bien, mais je devais être assez fatigué puisque, de retour à Paris, j’ai reçu un email d’Anja me disant qu’elle commençait à travailler au jeu dont nous avons parlé durant le week-end, et je n’ai pas le moindre souvenir des mécanismes de ce jeu.

(La galerie photo et les videos sont tout à la fin du post, après le texte anglais)

 

It was a long week-end, from Thursday to Monday. Several times, I’ve been asked for how long I was organising the ludopathic gathering in Etourvy, and I don’t know precisely. It started when I was living nearby, in in Troyes, which means in the mid nineties. this was therefore the 21th or 22nd ludopathic gathering – Alan Moon’s Gathering of Friends is a few years older. The first gatherings in Etourvy were extremely modest, with about thirty attendees and only two publishers, Ludodelire which was my main publisher at the time, and Eurogames, whose owner Duccio Vitale used to live nearby – and may be still does.
A few old friends from these times are still there, but there are now many more. My gathering has become bigger, may be also fatter, and we were about 110 this year, like last year. I don’t think it should grow more. It has also become more professiona, with about twenty publishers represented (Asmodee, Blackrock, Blue Orange, Days of Wonder, Djeco, Don’t Panic Games, Flatlined, Gigamic, Iello, Letheia, Libellud, Lui-Même, Matagot, Passport Games, Pearl Games, Pixie Games, Portal, Purple Brain, Ravensburger, Repos Prod, Small Box Games, Space Cowboys, Sweet Games, and a few ones who were not there but had sent games, Funforge, Huch et Schmidt – if I’ve forgotten you, please email me asap). There were also about thirty game designers,, whom I won’t list for fear of missing many, even when I know they are less touchy than publishers. Bruno Cathala, who had not missed a single gathering this fifteen or twenty last years, could not join us this time, but Antoine Bauza, who had missed the last gatherings because he was travelling in Japan, was back. There were fewer game illustrators than the last years. The Ludopathic Gathering also became more international, with attendees from all Europe, and also from the US and from Brazil. this means I had to make all announcements both in French and English, at least until I was drunk enough to forget one or the other. There was a strong Polish team this year, but luckily I didn’t drink enough to give a try at my rusty rudiments of polish.


Despite all this, I want Etourvy to stay what it has been so far, a casual and informal meeting, more a friendly gathering than a professional convention – even though discussion of publishing or distribution contracts sometimes occurs in discreet corners. That’s why I also invite several friends, old and recent ones, game enthusiasts or just casual players. That’s also why I try to have at least a girl for two guys (this is becoming much easier when there are more and more women in the gaming business) and a few family with kids. It’s also why, after trying a bigger place nearer to Paris a few years ago, I’ve brought the ludopathic gathering back to Etourvy, in the deep French countryside, in the middle of nowhere. It will stay there.


When a few dozen designers and publishers meet, they inevitably take out of their bags games which are not yet in shops, or even not really finalised, what we call prototypes and should probably, at least for the designers’ ones, call drafts. There are more and more in Etourvy every year, and they make for more or less half of the game sessions. There are designers trying rough drafts of game ideas, sometimes changing the rules during the game, I didn’t have many this year. There are more or less finalised ideas pitched to publishers by designers; I had one, Vampires, designed with Charlie Cleveland, who had made trip from San Francisco. It raised much interest but still needs some minor tweakings. The true prototypes are the games usually brought by publishers, games that will be published soon, or that they seriously consider publishing, and whose rules are more or less finalized. Several were mine – Nutz!, Jungle (with Anja Wrede), Little Thumb (also with Anja Wrede), Secrets (with Eric Lang), Dragons, Jugglers & Minstrels (with Sandra Pietrini), A King’s Life (with Gwenaël Bouquin).


I’ve seen strange stuff which I didn’t have the opportunity to play. There were trees at Iello (or may be at Blue Orange), circus acrobats at Matagot (probably the best looking prototype, and certainly the most photographed). I’ve played Régis Bonnessée’s Dice Forge, Fred Morard’s Jack and the Magical Bean, Ludovic Maublanc and Corentin Lebrat’s Ô mon Chateau, which is not a drawing game but in which players always start drawing their castle. The heaviest new game I tried was  Serge Macasdar’s Seeders – Exodus, an original and ambitious auction, resource management, drafting, and card combos game. My Dragons prototype, to be published next year by Matagot, was played a lot. Since my friend Anja Wrede was here, we played a few games at our two collaborations which ought to be published soon, Little Thumb (guess by which publisher) and Jungle (of which I’m not allowed to say anything so far). In a secluded room, Hervé was holding sessions of his escape room, which I’ve not played yet – everybody loves it, though I’m not sure it’s my kind of game.


Three types of published games are played in Etourvy – new stuff, classics and zany party games. Of course, some of the new stuff can be really zany, like Speak Out. Among the recent stuff, the games which seemed to be the most played were
• Paul Dennen’s Clank!, a light deck-building game with a solid theme
• Jun Sasaki’s A Fake Artist Goes to New-York, a drawing and bluffing game already two or three years old but which, for some reason, was a hit this year.
• Kasper Lapp’s Magic Maze, a very original real time cooperative game.
Secret Hitler, by Mike Boxleiter, Tommy Manages & Max Temkin, a fun, political and gorgeously edited secret identity game.


Other recent games much played were Insider, Baobab, Terraforming Mars, Mot pour Mot, Profiler, Fabled Fruit, Potion Explosion, Codenames, Capital Lux, Not Alone, (whose designer, Ghislain Masson, was here for the first time), Picassimo (same about Carlo Rossi), Happy Salmon, and I certainly forget many. Schmidt had sent us a huge parcel with new games, among which six copies of Klaus-Jürgen Wrede’s Builders of the Colosseum, a game no one had heard about before. A group opened a box, played it, and found out that it was a really nice family game, with a classic German feel, and it was played a lot in the last days. Another unexpected hit was Penguin Trap, a variation on the old Ice Breaker game. The hexagon spaces give him a whole new dimension, and it’s also more politically correct since it’s no more about drwoning an inuit but about drowning a penguin.


There were also, like every year, a few really heavy games, several hours long. I’ve seen people play Scythe, Cthulhu Wars (Fred brought all the expansions), Mechs and Minions, Time Stories (Manu was play testing new scenarios), Terraforming Mars, the Seeders Exodus prototype I’ve already described, and a rough prototype by Ignacy Trzewiczek of which I don’t know anything, not even the setting.


For party games, I try every year to find some new zany and coloured stuff from the sixties or seventies. This year, it was Grab a Loop, which bears the deserved motto « you loved Twister, now wait till you play Grab a Loop! ». Sebastien organised a fun easter rabbit hunting for the kids. We played Codenames with my ducks, then with people instead of card. We played Unusual Suspects with the eleven candidates at the French presidential election. Despite a grey sky, we played two games of the traditional Brouhaha, and improvised a competitive game with two cooperative pencils brought by Lia-sabine, who works at Djeco. Situation 4, the simultaneous puzzle is now an Etourvy classic, and was much played. On the first night, when there not that many kids yet, we played a hilarious game of Kamasutra, which will be published later in the US by a true publisher, with a dozen extra cards not on my website.


In short, it was great, but I must have been really tired since, when back in Paris, I got an email from Anja about a game design we’ve started discussing in Etourvy, and I don’t remember anything about it!

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Photos de / Pictures by Aurélie, Benoit, Bruno, Charlie, Coralie, Fabien, Jean-Baptiste, Lia-Sabine, Ludo, Manu, Marc, Masumi, Merry, Patrice, Regis & Sebastien

 

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