La Crise
Gaming in the Slump

Le jeu n’est pas seulement pour moi une passion. C’est aussi, un peu, mon métier, même si j’ai toujours pris soin de rester du côté créatif, évitant de m’impliquer dans les dimensions technique et commerciale de l’édition. Le climat économique actuel m’amène cependant à m’interroger sur les perspectives du marché du jeu de société.

J’ai reçu ces dernières semaines les droits d’auteur de mes jeux vendus sur la période de Noël 2008, et les ventes ne semblent pas avoir été plus mauvaises que pour Noël 2007. Je reste même relativement optimiste, plusieurs raisons me semblant favorables au jeu de société dans le contexte social et économique actuel.

Quand beaucoup semblent vouloir faire des économies, le jeu de société reste un loisir relativement bon marché. Une même boite de jeu, surtout si c’est un bon jeu, peut servir de nombreuses fois, tandis qu’une place de cinéma ne sert qu’une fois, et qu’il n’est généralement pas très excitant de relire aussitôt le même livre. Les éditeurs ne s’y sont d’ailleurs pas trompés qui semblent ces derniers temps privilégier les petites boites, les jeux relativement bon marché, et abandonnent, avec un certain regret, les pompes à fric qu’ont longtemps été les jeux de cartes ou de figurines à collectionner. Reste que si la situation venait encore à se dégrader, certains pourraient alors faire remarquer que les bons vieux jeux de 52 cartes, dont on peut faire bien des usages, sont d’une rentabilité encore supérieure.

En période de crise, d’inquiétude quant à l’avenir, on a souvent le réflexe réactionnaire qui consiste à s’éloigner de ce qui est nouveau, et à se replier à l’inverse sur des structures, des objets, des idées traditionnelles et rassurantes. Il y a certes là de quoi prendre peur, quand cela signifie le retour des idées rances, nations, religions, racines et identités de toutes sortes. À quelque chose pourtant malheur est bon, et cela pourrait aussi favoriser le jeu de société classique aux dépens des jeux plus modernes et technologiques. Ce n’est peut-être pas un hasard si certains des jeux les plus récemment publiés semblent cultiver un look un peu vieillot, presque ringard.

La crise actuelle me permet aussi de rebondir sur la vieille idée, que mes amis m’ont souvent entendue rabacher. Le jeu, avec ses règles simples, claires et connues de tous, serait une rassurante position de repli, ou du moins de repos, dans un univers devenu incompréhensible. Le monde n’est jamais aussi peu compréhensible qu’en temps de crise, qu’en temps d’ “entre deux mondes”, quand les vieilles règles ne fonctionnent plus et les nouvelles ne sont pas encore formulées. Le jeu nous est donc plus nécessaire que jamais.

Peut-être suis je exagérément optimiste, mais quoi qu’il arrive une chose est certaine – je ne vois aucune raison d’arrêter de jouer et d’imaginer des jeux.


Gaming is not only my hobby. It’s also, more or less, my job, even when I always took care to stay strictly on the creative side, and not to deal with the production or commercial aspects of game publishing. In the actual economical slump, however, I wonder what are the prospects for the boardgame market.

These last weeks, I received my royalties for the 2008 Christmas season, and they are as good as last year. I’m even reasonably optimistic for the future, since I see several positive factors for boardgames in the actual social and economic situation.

When many consumers try to reduce their spending, boardgames are a relatively cheap way of spending leisure time. A game, and especially a good one, can be played many times, while a seat at the movies is one use only, and there’s no point in rereading the same book over and over. Publishers are aware of this. They publish smaller and cheaper boxes, and are discontinuing the obsolete money pumps, collectible card or miniature games. On the other hand, if the economy falls farther, some may notice that the good old 52 cards deck are even more profitable.

In times of slump and anguish, there’s a natural reactionary reflex. People move away from what feels new and anguishing and look for shelter in good old reassuring structures, ideas and objects. Of course, this is awful if it means the comeback of  rancid ideas such as nation, religion, roots and all kinds of identities. Not exactly reassuring, but it can get in he way of modern, hi-tech games and bring traditional boardgames back in favor. It’s probably not a coincidence if some of the recently published boardgames have a corny look.

The crisis is also an occasion te rehash one of my favorite old ideas. Games, with their simple and unambiguous rules and goals, are a comfortable fallback position, or at least a comfortable rest position, when the actual world becomes too complex and incomprehensible. The world is less comprehensible than ever in times of crisis, in times “between two worlds”, when the old rules are obsolete and the future ones totally unknown. Game is more necessary than ever.

I may be excessively optimistic, but the certain thing is that I can see no reason to stop gaming and designing games.

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