Jeux et Dieux
Games and Gods

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Depuis une vingtaine d’années, il était devenu peu à peu impossible de parler de manière critique, et surtout moqueuse, des religions. Charlie était l’un des derniers journaux à oser le faire. Un intense lobbying de l’ensemble des religions (enfin, surtout catholiques et musulmans) était parvenu à faire accepter le sophisme selon lequel toute forme de discours anti-religieux serait une sorte de racisme. Les récents événements auront eu au moins un effet positif – on peut de nouveau se foutre publiquement de la gueule d’un Dieu qui, s’il existe, est de toute évidence soit un incompétent notoire, soit le dernier des enfoirés. Je fais donc partie de ces innombrables français qui, ces derniers jours, ont fait leur coming-out athée, et décidé de ne plus rater une occasion de de blasphémer toutes les religions.

Peu de joueurs sont religieux, et parmi mes nombreux amis auteurs de jeu, je n’en connais qu’un seul qui semble croire en Dieu, et encore est-il agnostique. C’est assez logique et, puisque ce site est essentiellement consacré à mes jeux, je voudrais simplement dire que, pour moi, ma passion pour le jeu est inséparable de mon hostilité à toutes les religions.

Celui qui croit en Dieu n’a pas besoin de jouer – pour lui, la vie est un jeu dont son livre sacré lui indique précisément les règles, le but, le système de score. Par paresse, lâcheté ou renoncement intellectuel, il se leurre en faisant comme si la vie avait un ordre et un sens, des règles et un but. Selon ces règles (et la manière dont on les lit, parce qu’elles sont souvent confuses et mal écrites), cela peut donner le pire et le meilleur, des bonnes âmes généreuses ou des terroristes.

Quand je joue, je fais comme s’il y avait un Dieu. Il y a un livret de règles, un petit monde rectangulaire sur un plateau de jeu, des frontières bien claires, des pions bien jaunes ou bien rouges, tout est simple et je massacre mon adversaire. Mais, moi, je sais que la vie n’est pas un jeu.
Quand je crée un jeu, je fais comme si j’étais Dieu – et franchement, je trouve que je me démerde plutôt mieux que lui.


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These last twenty years, it had progressively become almost impossible in France to publicly criticize or mock religions. Charlie was one of the last magazine which dared to do it – often crassly, but that’s not the point. An intense lobbying by all religions (well, mostly catholics and muslims) had managed to impose the sophistic idea that mocking religion was a kind of racism, that religion could not be discussed like any other political opinion. The recent events had at least one positive effect – it is now possible again to mock a God who, if he exists, is obviously either a total incompetent or a fucking bastard. I’m one of the hundred thousands French people who, these last days, made their atheist coming-out, and have decided not to miss a single opportunity to blasphemy any religion. Last sunday’s demonstration was a bit like a “secularist-pride”, and, god, it felt good!

Few gamers are religious and, among my many game designer friends, I know only one who claims to believe in God – and he’s an agnostic. It’s rather logical and, since this blog is mostly about my games, I want to stress here that my passion for gaming and my hostility toward all religions are inseparable.

If you believe in God, you have no need to play games. For the true believer, life is a game, whose rules, goal and scoring system are all detailed in his holy script. By cowardice, laziness or renunciation, he lures himself in making as if life had an order and a meaning, a set of rules and a goal, as if life were a game. Of course, depending on these rules and how you read them (because they are sometimes confusing and badly written), the true believer can become a generous soul or a terrorist.

When I play a game, I do as if there were a God. There are rules, there’s a small world on a rectangular word, there are clear borders on the map, meeples are clearly red or yellow, and I go on slaughtering my opponent. But I fucking know that life is not a game.
And when I design a game, I play at being God. I think I’m doing a much better job than He ever did.

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Bientôt devrait paraître Les Poilus, un jeu de cartes sur la vie quotidienne dans les tranchées de la première guerre mondiale, illustré par Tignous, tué dans l’attentat contre Charlie Hebdo.
Les Poilus, an upcoming cooperative game about daily life in WW1 trenches, illustrated by Tignous, who was killed in the Charlie Hebdo shooting.

Auteurs
Authors

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Nous sommes des auteurs

Les habitués de mon blog ont sans doute remarqué que je prenais bien soin de parler d’auteur de jeux, et non d’inventeur comme on le fait parfois, et que je citais systématiquement l’auteur des jeux que je mentionne, mais que je ne mentionne l’éditeur que lorsque cette information me semble pertinente.

C’est peut-être prétentieux, mais c’est aussi une manière de rappeler sans cesse que, pour moi, un jeu de société, un jeu de rôle ou un jeu video est une création culturelle au même titre – enfin, presque au même titre – qu’un roman ou un morceau de musique. On m’objecte parfois qu’il y a beaucoup de technique dans la création ludique, mais qui oserait prétendre qu’il n’y en a pas dans l’écriture littéraire ou musicale. Je ne sais au fond pas très bien ce qui fait le caractère culturel d’une activité, en dehors du fait qu’elle est reconnue comme ayant un caractère culturel par les gens dont c’est la profession d’avoir un caractère culturel, mais je pense que le jeu – jeu de société, jeu video, jeu de rôles – mérite largement d’être considéré comme un “art”, peu importe son numéro, voire comme une branche de la littérature. La création d’un jeu, telle que je la vis, est un travail d’écriture qui n’est pas très différent de celui d’un écrivain, ou d’un scénariste de film ou de BD. Alors, bien sûr, Roberto Fraga, que je tiens pour un grand auteur de jeu, se sent sans doute plus inventeur et moins auteur que moi, mais c’est un peu pareil avec les auteurs de livres, qui ne revendiquent pas tous le titre d’écrivain.

Et, donc, si nous sommes des auteurs de créations culturelles, cela doit apparaître dans la manière dont nous sommes traités, et dont nos jeux sont traités.

Cela concerne d’abord les éditeurs, auxquels on demande non seulement de mettre notre nom sur la boite, et de nous faire de vrais contrats d’édition payés en droits d’auteurs, points qui ne posent plus guère problème aujourd’hui, mais aussi de traiter les jeux qu’ils publient avec un minimum de soin. Je peux éventuellement pardonner à un éditeur allemand ou italien de publier un jeu en français avec une traduction médiocre – c’est triste, mais ce n’est peut-être pas facile à éviter. Je me sens en revanche humilié lorsqu’un éditeur francophone (qui se reconnaîtra sans doute) tient de grands discours sur le caractère culturel  du jeu, et montre à tous qu’il n’en croit pas un mot en publiant des jeux, originaux ou traductions, dont les règles et le dos de boite sont truffés de fautes d’orthographe et de grammaire. J’ai renoncé à acheter ses jeux et, lorsqu’ils m’intéressent vraiment, me les procure en anglais. En effet, les éditeurs anglophones baratinent peut-être moins sur la nature culturelle de leur travail, mais prennent généralement plus de soin de la qualité littéraire de leurs règles.

Il en va bien sûr de même des critiques de jeux publiés dans des revues et sur internet. Il n’est pas rare de voir sur les sites de jeux des commentaires, et même de longues critiques, à l’orthographe délirante et à la grammaire approximative, montrant que le rédacteur n’a même pas pris la peine de se relire. Imagine-t-on cela sur un site consacré à la littérature, à la bande dessinée, ou même à la musique ? Quand bien même elle serait tout à fait positive, une critique en mauvais français fait au jeu dont elle traite beaucoup plus de mal que de bien, et ce parce qu’elle en traite toujours avec mépris.  Monsieur Phal, le rédacteur de Tric Trac, l’a finalement compris, et a cessé depuis quelques années déjà d’ajouter délibérément des fautes de syntaxe dans ses textes, mais je pense qu’il devrait aller plus loin et tenter d’expliquer cela à tous les habitués de son site qui en sont encore à imiter servilement son style d’il y a dix ans. Côté anglophone, je regrette profondément que Matt Drake, dont les critiques de jeu étaient parmi les rares à avoir une vraie qualité littéraire, ait décidé de ne plus mettre à jour son site.

De même, il n’est pas acceptable pour un auteur de voir certains présenter leurs opinions sur son jeu comme un “test” et non une critique ou un avis. J’hésite déjà un peu à utiliser le mot test pour les parties de mes jeux encore en développement, je suis choqué de le voir employé pour des jeux déjà publiés. On peut tester une machine à laver ou une automobile, en mesurer les caractéristiques objectives, mais imagine-t-on un “test” du dernier roman d’Emmanuel Carrère ou du dernier film de Jim Jarmush ? “Tester” un jeu, c’est affirmer d’emblée qu’il a plus à voir avec une machine à laver qu’avec un roman, et c’est donc lui refuser la qualité de produit culturel. Assez curieusement, puisque la France est censée être le pays de la culture, de la littérature et de toutes ces sortes de choses, il n’y a guère que des joueurs français auxquels vient l’idée de « tester » les jeux, quand les anglo-saxons réalisent bien qu’ils les critiquent – ce qui est d’ailleurs bien plus valorisant non seulement pour l’auteur et l’éditeur du jeu, mais aussi pour le critique.

Qui sont les auteurs ?

Un film a un réalisateur, qui en est généralement considéré comme l’auteur principal, mais il arrive que le rôle important du scénariste, voire du décorateur ou de l’acteur principal en fasse des sortes d’auteurs annexes de ce qui est toujours plus ou moins une œuvre collective. Dans un jeu de société, il faut s’interroger sur l’importance de l’illustrateur, et sur le rôle de guide et de développeur qu’a souvent l’éditeur, rôle qui va parfois plus loin que celui du directeur de collection dans l’édition littéraire.

Je peux illustrer cela d’une manière très simple, en prenant la liste de mes jeux et en me demandant, pour chacun d’entre eux, s’il me semblerait moralement envisageable, si un jour je me fâche avec son éditeur, de chercher à récupérer mes droits pour le publier ailleurs.
Dans la plupart des cas, cela ne me poserait aucun problème, mais il y a quelques exceptions notables, trois ou quatre jeux dont je ne me sens pas vraiment le propriétaire intellectuel. Le meilleur exemple est sans doute Mascarade. Si être l’auteur du jeu signifie avoir eu l’idée du mécanisme de base, je suis clairement le seul auteur de ce jeu. Le problème est que si j’en étais vraiment le seul auteur, il n’y aurait qu’une petite dizaine de personnages différents, et non vingt-quatre, douze dans la boite de base et autant dans l’extension. L’équipe de Repos Production, Cedric, Thomas, Ann, Adèle et quelques autres, a sans doute joué à Mascarade plus que moi et a imaginé plus ou moins la moitié des cartes. Les belges sont sans doute un peu moins les auteurs de Mascarade que moi, mais ils le sont clairement un peu.
Et que dire lorsque, comme pour Warehouse 51, à paraître bientôt, déjà le résultat de la collaboration de trois auteurs, l’éditeur, sans toucher vraiment aux mécanismes du jeu, lui trouve un thème bien meilleur que celui auquel Sergio, André et moi avions pensé, un thème qui devient une partie intégrante du jeu ? Si l’éditeur n’est pas alors un peu auteur, cela signifierait que l’essence du jeu est toute entière dans les mécanismes, ce qui est vrai pour quelques jeux, mais certainement pas pour les deux que je viens de citer.

Et l’illustrateur ?

Il faudrait aussi parler de l’illustrateur, et se demander dans quelle mesure il est un peu l’auteur du jeu, s’il doit donc être payé en droits d’auteur, si son nom doit figurer aux côtés de celui de l’auteur, etc…. J’ai déjà longuement discuté cette question sur ce blog il y a un an, et je n’ai pas vraiment changé d’avis.

Oui, je sais….

À tous ceux qui trouveront cet article un peu prétentieux, je réponds par avance que je suis bien conscient que c’est un complexe d’infériorité qui me fait sans doute en rajouter un peu chaque fois que je compare la création ludique et l’écriture littéraire et que, comme beaucoup d’auteurs de jeux, je suis sans doute un romancier frustré. Le jeu n’est pas la littérature, mais sa richesse et sa profondeur valent bien, je pense, celles de la musique, du cinéma ou de la BD. Je renvoie d’ailleurs sur ce point à un intéressant article d’un joueur un peu inattendu…Jean-Luc Mélenchon. Il y traite des jeux video, mais je ne pense pas qu’il y ait sur ce point de différence à faire entre jeux de rôles, jeux video et jeux de société.

Je pressens aussi la critique, plus gênante et plus intéressante, selon laquelle mon insistance sur la qualité de l’écriture et sur le respect un peu pointilleux des règles de la langue française serait, sinon en principe du moins en effet, une sorte de mépris social pour tous les joueurs issus de milieux où la maîtrise de la langue ne va pas de soi. C’est un problème que l’on retrouve dans de nombreux domaines et qui me met effectivement un peu mal à l’aise. Je sais bien qu’écrire en bon français demande plus d’efforts à certains qu’à d’autres, mais à tous cela demande quelque effort. À lire des critiques de jeux écrites par des adultes visiblement intelligents et relativement cultivés mais avec un niveau d’orthographe bien inférieur à celui de mes élèves de secondes, il me semble que le problème est le plus souvent non pas la méconnaissance de la langue mais bien le refus de faire des efforts. Ce refus me semble indiquer un mépris beaucoup plus réel pour les jeux que ces joueurs pratiquent – et pour ceux qui s’efforcent de prendre le jeu au sérieux.


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Caveat
I’ve translated – or rather adapted – this blogpost in English, as I always do, but it is clearly aimed at the French speaking boardgaming world. I may be wrong, but I have the feeling that the issues I raise here are not that big among English speaking gamers – but I’m curious to read your point of view. Also, the name “author” and “designer” doesn’t have the exact same meaning in French and in English, which probably makes some of my reasoning irrelevant in English. Furthermore, since my English is far from perfect, I’m a very bad judge of the literary quality of  game rules and reviews.

We are all authors

Regular visitors of this blog have probably noticed that I try to speak of game authors and not of game inventors. Well, actually I often use « game designer », which is in between but has no equivalent in French, and this means that I will have some difficulties translating some parts of this article in English…. Anyway, they may also have noticed that I systematically name the author of any game I talk about, but only name the publisher when I think it is relevant. This might be pretentious, but is also a way to reassert that I consider boardgames, but also role playing games and video games, to be cultural creations, more or less like novels or musics. The most frequent objection when I voice this idea is that there is much technique in designing games – but who would say there is no technique in writing music or novels ?

I don’t know what exactly makes something “cultural”, probably just people thinking it is, but I consider game design – of video games, boardgames, cardgames or role playing games – as an art, no matter its ranking – or even as a branch of literature. Designing games is,as I feel it, is not very different than writing a book, or a. Comics or movie scenario. A designer like Roberto Fraga probably considers himself more of an inventor and less of an author, but it’s probably the same with book writers, who don’t all consider themselves author.

The point of that article is that, if our designs are some sort of art, are of some cultural importance, this must appear in the way games and game designers are discussed.
This means that we must have publishing contracts similar with those of novelists and not simple commercial agreements, and that publishers must put our names on game boxes – these two points are now generally accepted. This also means that publishers must show some respect for the games they publish. I can accept some mistakes in a French rules translation made by an Italian or German publisher, even when I regret them. I feel insulted when a French speaking game publisher – who will probably recognize himself – speaks highly of the cultural value of games, and the makes clear it doesn’t believe a world of it with publishing rules in full of spelling, grammar and syntax errors. It seems to me that this doesn’t happen that often in English, but this may be because my English is not good enough to spot the mistakes.

Of course, it’s the same with game reviews in magazines and on the internet. Comments on games, and sometimes even long reviews, at French websites are often incredibly badly written, with delirious spelling and surrealistic grammar, meaning the reviewer didn’t even proofread its text. This doesn’t happen on websites about books, comics or even music. Even when enthusiastic, a review in bad French (and in bad English, but this doesn’t seem to be as usual) makes probably more harm than good to the game, because it shows a deep content for games in general. Mr Phal, the webmaster of the French website Tric Trac, has eventually accepted this and has stopped adding childishly provocative mistakes in his writings, but he should go farther and explain it to the many Tric Trac contributors who are still mimicking his style of ten years ago. On the English speaking side, I deeply regret that Matt Drake has recently stopped updating his website, whose reviews were among the few with a real and deliberate literary style.

Another problem specific to the French speaking gaming world is that many gamers, when writing about their experience with a game, call it a “test” and not a “review”. I already have some problems using the word “test” when playing a game still in development, and I’m deeply shocked to see it used about published games. One can “test” a car or a washing machine but one cannot “test” the last Thomas Pynchon novel,or the last Jim Jarmush movie. Surprisingly, this contempting use of the world “test” seems to be very specific to the French gaming scene. French players test games when English speaking gamers know they are reviewing them, which, by the way, is much more rewarding not only for the game’s author, but also for the reviewer.

Who is really the author ?

A movie’s director is usually considered its main author, but the critical role of the scriptwriter, the set designer or even the leading actor often make them “secondary authors” of what is always more or less a collective achievement. Im a board or card game, the main author is the designer, but depending on the game, the illustrator or the publisher, who can be more a developer than a collection manager, must also be considered secondary authors.

Let’s have a look at the long list of all my published games. If I were someday to fall out with their publisher, would I feel comfortable in trying to get my rights back and submitting them to some other publisher ?

In most cases, I won’t have any problem, but there are half a dozen exceptions, a few games of which don’t think I am the sole intellectual author. The best example is probably Mascarade. If the author of the game is the one who came up with the basic idea, I am the only author / designer of Mascarade. The problem is that if I were really the only author of the game, there would be only about ten different characters, and not twenty-four, twelve in the base game and twelve in the expansion. The Repos Production team, Thomas, Cedric, Ann, Adèle and others, played this game more than I did, and designed more or less half of the cards, so they are also authors of the game – probably less than I am, but authors nevertheless.

And what about a game like The upcoming Warehouse 51 ? Three designers already collaborated on the design, and then the publisher, without changing anything critical to the mechanisms, found a much better theme, which became a main part of the game feel and led to many improvements in the game systems. If Sergio, André and I are the only authors of the game, it would mean that the core of the game is in the mechanisms and the setting doesn’t really matter – it might be the case for many games, but certainly not for this one.

And what about the illustrator ?

Is the illustrator also an author of the game, how should he be credited, how should he be paid ? I’ve already discussed this at length, last year, and my opinion didn’t really change since.

Yes, I know….

This article might sound a bit pretentious. I’m very conscious that it’s probably due to an inferiority complex that I so regularly and heavily insist on the similarities between game design and literary writing and that, like many game designers, I’m a frustrated novelist. Games are not literature, but I do believe that they are as much a part of our culture than movies, comics or music. Surprisingly, this idea seems to be more and more accepted for video-games, but not really for boardgames or role-playing games.

There’s another and more critical issue with my insistence on asking French game publishers, translators and reviewers to be more careful of correct spelling and grammar. Some friends tell me that, even when it’s not my conscious intent, this insistence shows, or acts like, contempt for those from social groups where the mastery of good French is not an inherited asset that goes without saying. I’m perfectly aware that using correct French requires more efforts from some people than from other ones, but when reading French gaming forums, it looks like some gamers don’t put any effort at all in it, showing a far greater contempt for all games, and for all those who try to consider games seriously. This remark is specifically aimed at French gamers, since my feeling when browsing the Boardgamegeek is that US gamers are much more careful when writing, and don’t treat their games like some vulgar and contemptible pastimes.

The Truthiness of Boardgames

Mon problème avec l’anglais, c’est que je suis beaucoup plus à l’aise à l’écrit qu’à l’oral. Mais, bon, j’ai quand même essayé de discuter un peu mon article “Postcolonial Catan” sur le podcast ludology.

I’m much more at ease with written English – even when I am the one writing – than with oral English. Anyway, I tried to discuss my “postcolonial Catan” article on the ludology podcast.

ludology

Trop de bons jeux
Too many good games

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Dans le millier de nouveautés présentés au récent salon d’Essen et les innombrables jeux publiés par leurs auteurs ou par de petits éditeurs grace aux plateformes de crowdfunding, on pourrait s’attendre à beaucoup de créations médiocres et produites à la va-vite. Signe sans doute de la vitalité du monde du jeu, et du développement d’une véritable  culture ludique, ce n’est pas vraiment le cas. Il y a bien quelques trucs un peu ridicules sur kickstarter, quelques auteurs naïfs qui ne font que réinventer l’eau tiède au fond de leur garage, mais ils ne sont pas plus nombreux qu’il y a vingt ans et, dans l’ensemble, la qualité ludique des jeux augmente paradoxalement avec la quantité – ce qui rend le métier difficile pour les vieux auteurs comme moi. Beaucoup des « chefs d’œuvre » parus dans les années quatre-vingt dix, dont certains sont désormais des succès commerciaux solidement installés, feraient sans doute pâle figure s’ils sortaient aujourd’hui – même s’il leur reste toujours le fait et le charme d’avoir été des précurseurs.

Bref, j’ai un peu l’impression ces derniers temps de ne découvrir que des bons jeux, et ce n’est pas désagréable. En voici quelques uns – mais il y en a plein d’autres auxquels je n’ai pas encore joué !

Petits jeux

heros a louer

Héros à Louer, de Kuro, est un petit jeu de cartes « japonais » (mais pour une fois pas japonisant) comme il en sort pas mal ces temps-ci. Les joueurs doivent y accepter ou faire passer des cartes qui leur sont proposées faces cachées, un peu comme dans mon Toc Toc Toc! ou dans le Poker des Cafards, mais avec quelques subtilités qui renouvellent très agréablement le genre. Pour une fois, je conseille d’éviter l’édition américaine, dont les graphismes quelconques vont contre l’esprit du jeu, et de préférer la version française, beaucoup plus amusante et élégante.

8 the liar

8 the Liar de Odd Hackwelder est un autre petit jeu de bluff très malin, dans lequel chacun à son tour peut défausser autant de cartes qu’il le souhaite faces cachées…. en annonçant invariablement que leur valeur totale est de 8. C’est toujours possible, mais c’est souvent faux, et on peut bien sûr dénoncer le joueur que l’on suspecte de bluffer. Une variation très intrigante amusante sur le vieux système des jeux de défausse.

dragon run

Dragon Run, de mon vieil ami Bruno Cathala, est un délicieux petit jeu de prise de risque. Chaque carte piochée fait avancer un peu plus loin dans le donjon et d’amasser des trésors, mais moins il reste de cartes, plus on a de chances de réveiller le dragon. C’est très aléatoire, mais aussi très amusant, avec plein d’effets très thématiques, capacités des aventuriers, effets des potions et pouvoirs des objets magiques. C’est le genre de jeu un peu idiot dont je peux enfiler les parties pendant des heures.

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Le Lièvre et la Tortue, de Gun-Hee Kim, est, après Les Trois Petits Cochons et Baba Yaga, le troisième jeu de la collection inspirée par les fables publiée par Purple Brain. C’est sans doute le meilleur. La course oppose non seulement les deux animaux éponymes, mais également un loup, un renard et un agneau, chaque animal se déplaçant selon des règles particulières – la tortue avance d’une case par tour, le lièvre avance vite mais peut s’arrêter quand il est en tête, le loup effraie les autres animaux, l’agneau s’arrête à chaque rivière. C’est drôle, dynamique, simple et beaucoup plus simple que cela n’en a l’air quand on regarde le tableau des règles de déplacement.

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Le truc qui m’énerve un peu avec Wakanda, de mon ami Charles Chevalier, c’est que j’ai un jeu qui devrait sortir bientôt et qui devait s’appeler Wakan Tanka, et qu’il va sans doute falloir lui trouver un autre nom (et, oui, je sais, c’est moi qui ai écrit récemment un gros article sur les clichés exotiques et tout ça….). Pour revenir à nos bisons, Wakanda est donc un petit jeu stratégique pour deux joueurs dans la lignée de Battle Line, Les Cités Perdues et toutes ces sortes de choses. Pas révolutionnaire, mais léger, agréable et malin.

Jeux moyens

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Colt Express, de Christophe Raimbault, est un petit jeu de programmation et de « double guessing » dont le charme tient autant à ses mécanismes, simples et malins, qu’à son impressionnant matériel, avec un joli train en carton à construire – comptez quand même une bonne heure de bricolage avant la première partie, le montage est difficile. Les joueurs sont des bandits qui attaquent le train, sautant dans les derniers wagons et remontant ensuite le long du train en délestant les passagers de leurs billets, leurs montres et leurs bijoux. On monte sur le toit, on tire d’un wagon à l’autre, et les tunnels, durant la traversée desquels les cartes sont jouées faces cachées, réservent de belles surprises. Beaucoup moins simpliste et incontrôlable qu’il n’en a l’air, Colt Express est un jeu rapide et marrant qui sort désormais lors de presque toutes mes soirées jeux.

ivor

Ivor the Engine est un dessin animé anglais, pour les plus petits, dont j’ignorais totalement l’existence. Du coup, je n’ai pas toujours compris la logique thématique du jeu de train qu’en a tiré Tony Boydell, dans lequel on doit transporter des moutons d’un bout à l’autre du pays de Galles. Qu’importe, car cela donne à ce mignon petit jeu un côté absurde qui lui convient très bien. Ivor the Engine amène un peu de légèreté et d’humour dans un genre souvent trop sérieux, le jeu de train.

black fleet

Black Fleet, de Sebastian Bleasdale, se présente dans une grosse boite, et l’on y déplace de gros bateaux sur une vaste plateau de jeu, et il y a même des cubes en bois, mais c’est en fait un petit jeu de déplacements et de combats, rapide, agressif, plein de rebondissements. J’aurais certainement adoré y jouer quand j’avais une dizaine d’années, et j’apprécie encore beaucoup à cinquante ans – c’est devenu un classique de nos débuts de soirée.

cash n guns

Les belges de Repos Prod sont habituellement plutôt doués pour le marketing – j’en sais quelque chose avec Mascarade -, mais ils se sont un peu plantés sur la nouvelle édition de Cash’n’Guns, de mon ami (oui, encore, je sais, mais c’est un milieu sympa) Ludovic Maublanc. Ils n’ont en effet pas assez dit que ce n’était pas juste une réédition de l’ancien Cash’n’Guns avec de nouveaux dessins, mais vraiment un nouveau jeu, aux mécanismes entièrement revisités pour être à la fois plus rapides et plus subtils. Si vous aimez braquer des flingues sur vos amis, à 5 joueurs ou moins jouez à Colt Express, et à 6 ou plus, préférez Cash’n’Guns.

nottingham

Sheriff of Nottingham, d’André Zatz et Sergio Halaban, est lui aussi une version largement revisitée d’un jeu déjà ancien, Hart and der Grenze. Les joueurs y sont des contrebandiers marchands qui souhaitent vendre au marché de Nottingham des marchandises mais préfèreraient ne pas payer l’octroi. Du bluff, donc, mais aussi de la négociation, car on peut toujours s’arranger avec le sheriff.

Gros jeux

manifest

Je ne sais toujours pas trop que penser du mécanisme du deck-building. Auteur, j’y vois un principe très intéressant, permettant bien des subtilités tactiques et statistiques. Joueur, je trouve les jeux de deck building le plus souvent mécaniques, peu interactifs, excessivement calculatoires et finalement ennuyeux. Manifest, d’Amanda Milne et Julia Schiller, un jeu néo-zélandais plaidé un peu au hasard sur Kickstarter, est l’une des rares exceptions. Manifest, c’est un peu le long cours revisité avec beaucoup d’astuce et de légèreté par des auteurs qui ont joué aux Aventuriers du Rail et à Dominion. Ce jeu dynamique et assez méchant est une excellente surprise totalement inattendue – c’est peut-être le jeu qu’attendaient ceux qui ont trouvé Black Fleet un peu trop léger.

sons of anarchy

Je suis un peu lassé des jeux de placements d’artisans dans des cités médiévales allemandes ou italiennes, mais j’ai adoré ma partie de Sons of Anarchy, un jeu de placement de bikers dans une petite ville américaine. On n’y trafique pas des cubes rouges ou verts, mais des flingues et de la came. Mécaniquement, c’est bien sûr un peu la même chose, mais le thème du jeu est remarquablement rendu, et la mécanique bien maline, avec suffisamment de tuiles et cartes différentes pour que chaque partie soit différente, et suffisamment d’inattendus, avec des enchères à poing fermé et des bastons qui se règlent à coup de dés, pour que le jeu ne soit pas trop technique. Sons of Anarchy,  d’Aaron Dill, John Kovaleski, Sean Sweigart, c’est une mécanique à l’allemande, un thème bien ricain, et pas mal d’humour.

five tribes

J’ai lu quelque part sur le web que Five Tribes, le dernier jeu de mon ami Bruno Cathala superbement édité par mes amis de Days of Wonder, était, à l’inverse des innombrables jeux de placement d’ouvriers (ou de pirates, de mineurs, de bikers….) le premier jeux de licenciement d’ouvriers (ou en l’occurence d’assassins, de marchands et de caravaniers). C’est une boutade, mais elle révèle sans doute l’un des aspects les plus intéressants de ce jeu très prise de tête, mais aussi très agréable et assez rapide : tandis que, dans les jeux de placement, comme dans la plupart des jeux de société modernesr. There’s always something t, la situation se complexifie au fur et à mesure du jeu, dans Five Tribes, elle se simplifie peu à peu. C’est au début de la partie, quand on a encore l’esprit clair, qu’il faut beaucoup réfléchir, et ce sont les derniers coups, quand on commence à fatiguer, qui sont un peu automatiques. C’est assez rare pour être signalé, et c’est peut-être pourquoi j’apprécie tant un jeu qui, à priori, ne devrait pas être dans mon style.

el gaucho

El Gaucho, d’Arve Fühler, publié par petit éditeur bien sympathique, Argentum Verlag, est un jeu qui a tout pour plaire à Bruno Cathala. À la lecture des règles, on a l’impression d’un système assez simple, une sorte de Cités Perdues matinées de jets de dés, mais quand on commence à jouer, on découvre un brise-neurones de très bonne facture, dans lequel on a toujours quelque chose à faire avec ses dés, et toujours une vacherie à faire à ses voisins.

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Et puis, je sais, moi qui étais fan d’Himalaya, en avais même fait mon jeu de l’année quand il était sorti, et attendais sa réédition avec impatience, je devrais jouer à Lords of Xidit, de Régis Bonnessée – mais, non, je ne peux pas, je ne peux même pas me résoudre à en demander une boite à Régis. Les dessins de NaÏÏade sont superbes, je veux bien croire que les mécanismes du jeu ont été enrichis, mais je ne peux pas me résoudre à voir un thème original et bien rendu remplacé par de la fantasy classique et sans saveur… En guise de protestation, j’ai même ressorti mon vieil Himalaya, et j’en ai refait deux parties. Mais, bon, si vous n’avez pas de vieil Himalaya dans vos cartons, procurez-vous Lords of Xidit, c’est malgré tout un sacré jeu, combinant problème du représentant de commerce et programmation secrète.

C’est une longue liste car, comme je le disais en introduction, presque tous les jeux que j’ai récemment essayé se sont avérés excellents – beaucoup d’autres le sont sans doute aussi


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Among the thousand or so new games shown at the recent Essen fair and the many more published by their designers or by small publishers through crowdfunding websites, one could expect to find mostly mediocre and cheaply produced offerings. That it’s not the case probably shows the vitality of the boardgame market and the emergence of a deeper gaming culture. There are a few scary designs  showing up on kickstarter, but there are no more naive designers reinventing the wheel or the monopoly in their garage than there were twenty years ago. The overall quality of games, not only in production but also in design, seems to be paradoxically increasing with quantity – and it’s making their job quite tough for seasoned game designers like me. Many of the so-called groundbreaking games published ten or twenty years ago, some of which have become regular sellers, would pale in comparison to more recent stuff if they were published today – they just still have the good old charm of forerunners.

These last days, it feels like most of the new games I am playing are really good, and it looks like there are even more I’ll never get around to play. Anyway, here are a dozen I’ve recently enjoyed, more or less ordered from the lightest to the heaviest.

Lighter games

heros a louer

Kuro’s Seventh Hero is one more light “Japanese style” card game, and one I had not noticed earlier, may be because the US edition’s bland graphics were clearly misleading about the game’s style and feel. The French version’s illustrations are both nicer and better fitting. Seventh Hero is a very light card game in which players, a bit like in my Knock Knock! or in Cockroach Poker, must accept or pass on cards that are given to them face down – but it features some clever new twists.

8 the liar

Odd Hackwelder 8 the Liar is what one should expect from someone whose first name is “Odd”. Each player in turn may discard as many face down cards as he wants… but always pretending their total value is 8. It might always be true, indeed, but it’s often false, and other players can call the bluff. This is a very intriguing and challenging version on the “get rid of all your cards” game genre.

dragon run

Dragon Run, by my old friend Bruno Cathala, is a light and humorous risk taking game, published only in French so far, but I hope there will soon be an English version. With each card drawn, one moves deeper into the dungeon, and might get more treasure, but with each card drawn the beast is more likely to awake. The game is highly random, but also fun and thematic, with each adventurer, potion or magic item having a specific effect. It’s typically the kind of game I can play over and over for hours.

hare and tortoise

Gun-Hee Kim’s Hare and Tortoise is the third game in Purple Brain’s really cute fairy tale series, and it’s probably the best one. The race features not only the two eponymous animals, but also wolf, fox and sheep. Each animal has its specific movement rule – tortoise steadily moves 1 space forward every round, hare can move really fast but might stop when in the lead, wolf can frighten other animals, sheep stops at every river to drink. It’s fun, fast paced, very tactical and much simpler than it looks.

wakanda

The one thing I don’t like about Wakanda, by my friend Charles Chevalier, is that I have a game in the pipe whose prototype went under the name Wakan Tanka, and we might have now to look for another name – and, yes, I am the one who recently wrote a long paper about exoticism in boardgames and all that stuff. But back to our bisons – Wakanda is a cute tactical two players game, in the line of Lost Cities or Battle Line, and with really cute plastic totems. Nothing really new, but a light, enjoyable and very clever game.

Middle weight games

colt express

Christophe Raimbault’s Colt Express is a light programming and double guessing game. It has clever and very thematic systems and, most of all, a really impressive board – a 3D cardboard train that requires a whole hour to mount it before the first game. Players are bandits who jump into the the rear cars and then move forward, relieving the passengers of their greenbacks, watches and jewelry. Bandits can climb up on the train’s roof, shoot from a car to another, and lots of unexpected things happen in tunnels, where cards are played face down. Colt Express is fun and fast paced, but less uncontrollable and simplistic than it looks, and has become one of the classic openers of my game nights.

ivor

Ivor the Engine is a British cartoon I had never heard of before, but I’ll try to have a look at a few episodes online, if only to understand why, in Tony Boydell’s train game, players must always transport sheep from one part of Wales to the other. Though not as childish as it looks, Ivor the Engine is a fun and light train game – a  nice change, since train games usually feel heavy and serious.

black fleet

Sebastian Bleasdale’s Black Fleet has a big box, a large map, nice ship miniatures and even wooden cubes, but it’s just a light game of trade and piracy – meaning pick-up-and-deliver and combat with cards. It’s fun, fast paced and more tactical than strategic. I would have loved such a game when I was ten, and I still quite like it at fifty.

cash n guns

My Belgian friends at Repos Prod are usually good at marketing – as I have experienced with Mascarade – but I think they got things wrong with the new edition of Ludovic Maublanc’s Cash’n’Guns. They didn’t stress enough that this is not just a revamping of the older game, but a really new one, with much simpler, faster and more subtle systems. If you like to play with guns and shoot at your fellow players, go for Colt Express with up to 5 players, and for Cash’n’Guns with 6 to 8.

nottingham

André Zatz and Sergio Halaban’s Sheriff of Nottingham, is also a reworked version of an older game, Hart and der Grenze. Players are smugglers merchants who want to sell various stuff at the Nottingham market, but would prefer not to pay the excise. This means some bluff, but also some bargaining, since it’s always possible to come to an arrangement with the Sheriff of Nottingham.

Heavier games

manifest

 

I still have mixed feelings about deck-building. As a designer, I think it’s theoretically very interesting, allowing for lots of tactical and statistical subtleties. As a gamer, however, I think that most deck building games are heavy on maths and very light on fun and interaction. That’s not the case with Amanda Milne and Julia Schiller’s Manifest, a game from New-Zealand which I pledged more or less at random, one day I was browsing kickstarter boardgames. Manifest feels a bit like the old Long Cours lightly and cleverly reworked by designers who have played Dominion and Ticket to Ride. This dynamic and nasty pick-up-and-deliver deck-building game is an unexpected hit – and probably the right game for those who found Black Fleet a bit light for their taste.

sons of anarchy

I’m a bit bored of worker placement in German or Italian mediaeval cities, but I loved my first game of Sons of Anarchy, a game of biker placement in a small american city. It’s not about producing red and green cubes, but about buying guns and dope, and selling it at a profit. Of course, mechanically, it’s more or less the same, but the game’s setting is well implemented. The game has enough different tiles and cards to make it always different. There’s blind bidding for selling dope, and die rolls for street fights, so it doesn’t feel too technical and brain burning. Sons of Anarchy, by Aaron Dill, John Kovaleski and Sean Sweigart, is the perfect combination of German style engine, some US chrome, and dark humor.

five tribes

I’ve read somewhere on the web an insightful remark about Bruno Cathala’s Five Tribes, gorgeously published by Days of Wonder. It said that, after dozens of worker (or miner, pirate, biker…) placement games, Five Tribes was the first worker (or rather merchants, priests, assassins and caravan riders)  firing game. It’s a clever pun, but it also points at one of the most interesting features of this relatively heavy brain burner. In most boardgames – though not all – and specifically in worker placement games, things get more complex as the game goes on. Five Tribes works the other way – one must think hard in the first rounds, but the game becomes easy, almost automatic, in the very last rounds, when players are becoming tired. This might be one of the reasons why I really enjoy a game which is much heavier than the stuff I usually play now.

el gaucho

Arve Fühler’s El Gaucho is typically the kind of game Bruno Cathala likes. From reading the rules, it seems relatively simple, like an advanced version of Lost Cities with some die rolls thrown in. When playing it, however, it becomes extremely tricky, with complex decisions about which dice to use and how to use them, which cows to buy or to sell – and some opportunities for stealing the neighbors’ ones. It could become boring if it lasted longer, but at about 90 minutes, it’s a tasty main course for a serious gaming evening.

xidit

I was a fan of Himalaya, it had even been my game of the year when it was first published, and I was eagerly waiting for its new edition, so I should be playing its remake, Lords of Xidit – but I don’t want to, I even don’t want to ask Regis for a copy. Naïade’s graphics are gorgeous, I  know the game systems have been improved, but I can’t replace a game with a really original and well implemented theme with one with just one more standard bland fantasy game. As a protest, I even unearthed my old copy of Himalaya and played it again. Anyaway, if you’re not one of the lucky owners of an old copy of Himalaya, try Lords of Xidit, it’s a great game, based on pick-up-and-deliver and secret programmation.

It’s a long list because, as I said in the intro, almost all the games I’ve played recently happened to be really good – so may be you can try other ones, and they’ll be as good as these ones.

Jeux de langues
(sorry, untranslatable pun)

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Lorsque j’écris un article pour ce blog, je l’écris d’abord en français, avant de le traduire – ou parfois de l’adapter – en anglais. À l’inverse, je rédige toujours mes règles de jeux en anglais, pour éventuellement les mettre plus tard en français si je trouve un éditeur francophone. Cette expérience un peu paradoxale, ainsi que la récente lecture des essais de George Orwell sur la langue – sans doute les seuls textes d’Orwell avec lesquels je ne sois pas trop d’accord – , puis du bizarre et excellent Miss Herbert d’Adam Thirlwell, m’ont amené à réfléchir un peu au lien entre la pensée, la langue et l’écriture.

Les mettre dans cet ordre, c’est déjà s’inscrire en faux contre l’idée généralement admise selon laquelle la langue dans laquelle nous parlons, et dans laquelle nous penserions, structurerait notre pensée. L’idée que selon notre langue maternelle, nous serions condamnés à penser différemment, et à ne jamais vraiment nous comprendre, me semble non seulement terriblement pessimiste et politiquement dangereuse, mais aussi carrément fausse. J’en veux pour preuve qu’il y a bien des étrangers parfois très exotiques que je comprends parfaitement, que nous discutions en français ou en anglais, et bien des français dont la pensée me reste totalement étrangère.

Lorsque j’imagine une règle de jeu, je ne la conçois ni en français, ni en anglais – je la conçois tout court, j’imagine des cartes, des pions, des mécaniques, mais pas des mots. Il me semble évident que ma pensée est alors fortement structurée, mais qu’elle n’est pas structurée par le langage, du moins au sens de la langue, avec son vocabulaire, sa grammaire, sa syntaxe. Lorsque je me demande si je pense en français ou en anglais, ma pensée se ralentit parce qu’elle se force à utiliser l’une ou l’autre langue, à la manière du capitaine Haddock ne sachant plus s’il dort avec la barbe sur ou sous l’oreiller. Il va de soi que, ayant déjà de sérieux doutes sur le conscient, je ne pense pas non plus que l’inconscient soit structuré comme un langage.

Si je rédiges les règles de jeux en anglais, c’est pour des raisons très techniques, parce que la langue anglaise est plus simple, plus directe, plus claire, plus efficace pour présenter un texte simple, informatif et directif – et ce même pour quelqu’un qui, comme moi, écrit un anglais assez approximatif. J’ai d’ailleurs souvent du mal à mettre certaines de mes règles en français, car l’anglais me permettait d’exprimer ma pensée de manière plus efficace et plus précise. Lors d’une discussion – en anglais – entre auteurs de jeu à Essen, nous étions d’ailleurs arrivés à la conclusion qu’il était aisé de rédiger une règle de jeu complexe en anglais, assez facile de le faire en allemand, difficile de le faire en français et carrément impossible de le faire en italien.
Bien sûr, je ne nie pas qu’il y ait aussi un intérêt professionnel, au sens de commercial, à rédiger des règles en anglais. Un jeu en anglais est plus facile à présenter à des éditeurs internationaux, et même à certains éditeurs français, qu’un jeu en français. Ce n’est cependant pas la raison essentielle, ou en tout cas pas la seule raison, pour laquelle je suis passé à une langue qui n’est pas la mienne.

Si je rédige mes autres réflexions sur le jeu en français, c’est parce que j’ai une meilleure maîtrise de cette langue, ce qui me permet plus de raffinements dans les jugements et les critiques, et je ne parviens alors  souvent pas à traduire exactement mes idées et opinions en anglais. Le français me permet donc alors d’exprimer ma pensée de manière plus précise – mais il ne s’agit plus de la même précision que celle requise par des règles de jeux, pour laquelle l’anglais convient mieux. Il y a d’ailleurs quelques jeux que je continue à faire en français, ce sont des jeux d’ambiance, de baratin, comme Speed Dating ou Devine qui vient dîner ce soir, qui demandent des références culturelles que je ne maîtrise que pour la langue et la société française.

Certaines langues se prêtent donc beaucoup mieux à exprimer certaines idées, mais rien ne nous empêche de concevoir les idées que notre langue n’exprime pas, ou mal. Il est juste un peu plus difficile d’en discuter. Et même si son auteur n’est sans doute pas entièrement d’accord avec cette opinion, vous devriez lire Miss Herbert, d’Adam Thirlwel, traduit en français sous le titre Le Livre Multiple 😉


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When I write a blog entry, I usually first write the French version, and then translate it in English. Conversely, I always write game rules in English, and translate them in French if and when a French speaking publisher asks me for it. This paradoxical experience, as well as recent readings of George Orwell essays on language – probably the only Orwell essays with which I mostly disagree – and of Adam Thirlwell’s fun and erudite Miss Herbert, made me think a bit on the relation between thought, language and writing.

Arranging them in this order is already going against the commonly admitted idea that the language we speak and supposedly think in determines the way we think. The idea that people with different mother tongues are condemned to think differently, and therefore never truly understand each other, sounds to me not only terribly pessimistic and politically dangerous, but also plain wrong. The best proof is that there are many strangers, including some very exotic ones, whose thought sounds perfectly clear to me, no matter we speak in French or English, and a few French people whose thought process I find desperately alien.

When I design a game rule and system, I don’t do it in French or in English – I imagine it with cards, tokens, meeples, systems, but no words. My thought is obviously structured, but it is not structured by the language  – meaning vocabulary, grammar and syntax – but by ideas. If I start to ask myself if I am thinking in French or in English, the only result is that I start thinking slower. This reminds me of a scene in the Belgian comic Tintin in which captain Haddock is asked whether he sleeps with his beard over or under the sheets. The following night, of course, he cannot sleep… Of course, since I’m already skeptical about conscious thought being structured as language, I’m even more wary about the unconscious…

I write most of my game rules in English mostly for practical reasons, because the English language is lighter, more precise, more direct, more efficient for technical and informative texts like game rules. This is true even for a French designer like me, whose English is quite rough. Last year at the Essen fair, I remember a discussion between game designers from all the western world, whose conclusion was that writing rules is very easy in English, relatively easy in German, difficult in French and almost impossible in Italian.
Writing rules directly in English is also better for business. It’s much easier to submit a game in English to international publishers, and even to some French ones. That’s not the main reason, or at least not the only reason, for me to work directly in English.

If I write my other texts in French, it’s because I have much better mastery of it, and therefore can be more subtle and accurate in my judgement and opinions. Often, and that’s indeed the case now, I have some difficulties translating these opinions in English. I can express my opinions more precisely in French, and my game rules more precisely in English, because they require different kinds of precision. The few games I still design entirely in French are party games such as Speed Dating or Guess Who’s Coming For Dinner. They require lots of cultural references which I master only in french and about France.

Some languages are obviously better designed to express some kind of ideas, but this doesn’t mean that our language prevents us from conceiving different or new ideas. It just makes discussing them a bit more difficult. And even though he probably doesn’t agree with this opinion, you ought to read Adam Thirlwell’s Miss Herbert – it’s a great book.

Pirates !

Les pirates de notre imaginaire sont cruels, ivrognes, souvent vêtus de noir, portent de longs sabres recourbés, arborent fièrement un drapeau à tête de mort… bref, de sinistres personnages. Pourtant, les enfants, et même ces grands enfants que sont les joueurs, les aiment bien.
On peut trouver plein d’explications à cela. Bandeau sur l’œil, capitaines unijambistes, singes et perroquets, tout cela illustre le fait que le monde de la piraterie n’est pas perçu comme un univers historique mais comme un monde imaginaire et exotique, plus proche du médiéval fantastique ou de la science fiction que du XVIIème siècle. Que l’île de la Tortue soit bien réelle, que Francis Drake l’ait été, cela n’est que très marginal dans un passé qui échappe suffisamment aux historiens pour que l’imagination s’y donne libre cours. Elle le fait sans trop en rajouter dans la violence, et en faisant des équipages pirates les porte parole assez décalés de préoccupation contemporaines. Les pirates de nos jeux sont en effet ceux des films – ce sont des brutes, violents, ivrognes et machos, qui cachent parfois un cœur d’or, et leurs équipages sont « multiculturels », mixtes et fraternels. Les capitaines pirates sont des entrepreneurs sans scrupules motivés uniquement par l’appât du gain et le goût du sang, mais les frères de la côte sont une utopie socialiste qui aurait inventé la sécurité sociale. Chacun y trouve donc son compte, et les illustrateurs aussi s’en donnent à cœur joie avec les gueules cassées, les longues barbes, les ponts de navires, les perroquets et les singes.

Bref, la mer, le soleil, la baston, des visages virils découpés au sabre et hâlés au soleil – le thème idéal pour un film d’aventure, une bande dessinée ou un jeu. J’ajoute que, pour des raisons que j’ignore, la violence y est mise particulièrement à distance, comme le montre le fait que les parents qui n’aiment guère voir leurs enfants jouer aux petits soldats ne s’inquiètent aucunement de les voir se déguiser en pirates.

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La Fièvre de l’Or, jeu d’enchères conçu avec Bruno Cathala et originellement paru en 2004 est épuisé depuis longtemps. Il y a quelques années, un éditeur polonais, Egmont, en a publié une nouvelle version… sur le thème des pirates. J’avoue avoir été d’abord sceptique sur ce changement de thème, mais à l’usage il s’avère que le nouvel univers convient tout aussi bien au jeu, et que les illustrations de Maciej Szymanowicz sont absolument superbes. Le succès de l’édition polonais a attiré la curiosité de quelques éditeurs français, et elle devrait donc d’ici quelques mois arriver en France, publiée par Bombyx.

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Un peu avant sans doute arrivera Black Fleet, de Sebastian Bleasdale, publié par mes amis les Space Cowboys. Black Fleet est un jeu au feeling un peu retro, où l’on déplace ses galions et ses frégates sur une carte, allant d’île en île et attaquant à l’occasion les navires adverses. A la fois très tactique, du fait des déplacements sur la carte, et un peu imprévisible du fait des nombreuses cartes spéciales dont peuvent bénéficier les joueurs, Black Fleet est un jeu familial, léger, dynamique auquel je prédis un grand succès, un jeu de pirates à l’ancienne mais modernisé, dynamisé, accéléré.

Mais si j’ai eu envie de parler de jeux de pirates, c’est surtout parce que, hier soir, avec quelques amis, nous avon consacré une soirée entière aux jeux de pirates, et j’y ai découvert pas moins de trois excellents jeux.

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L’idée de départ était de jouer à Francis Drake, un jeu de Peter Hawes publié par Eagle Games. Ce jeu avait remporté un grand succès à mes dernières rencontres ludopathiques. Il a fallu trouver quatre joueurs encore capables s’asseoir autour d’une table pour un jeu de plusieurs heures avec quelques dizaines de pages de règles, mais je n’ai pas regretté l’expérience. Francis Drake, c’est deux jeux en un. Les joueurs préparent d’abord leur expédition, recrutent leur équipage, arment leur navire, cherchent des informations –  c’est du « placement d’ouvrier » dans une rue où l’on ne peut pas reculer et dont l’ordre des boutiques change à chaque tour, ce qui permet des configurations très différentes. Ensuite, ils partent en expédition dans les Caraïbes, essayant de profiter des meilleures occasions, d’attaquer les forts et les galions espagnols devant lesquels les autres pirates ne sont pas passés d’abord – et il y a là un peu de bluff assez amusant. Donc, quelque chose de beaucoup moins classique, de beaucoup moins abordable et de beaucoup moins « baston » que Black Fleet, mais un jeu d’une grande richesse dont je sais qu’il ressortira.

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Comme il nous restait du temps, nous avons aussi essayé deux petits jeux de cartes de pirates, bien plus modestes et tous deux très intéressants.
Port Royal est un jeu à l’allemande, un de ces nombreux jeux de pioche de cartes basés sur un mécanisme de « stop ou encore » (en bon français on devrait dire « quitte ou double », mais plus personne ne comprend). Comme dans la première phase des tours de Francis Drake, les joueurs sont des capitaines pirates qui dans les rues non plus de Plymouth mais de Port Royal cherchent à recruter leur équipage.  À partir d’un mécanisme déjà utilisé cent fois – à votre tour, vous piochez aussi longtemps que vous voulez, mais si vous piochez un deuxième navire de la même couleur, vous perdez tout – Alexander Pfister est parvenu à concevoir un jeu bien plus subtil qu’il n’y parait, où il nous manque toujours une pièce d’or, où l’on veut toujours piocher une carte de plus. Rien de très original, donc, mais un petit chef d’œuvre quand même.

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Pour terminer la soirée, nous avons joué à Dread Curse, de Stuart Sirk, un jeu de cartes acheté un peu par hasard. Ici, les joueurs sont membres d’un même équipage et, avec le sens de la camaraderie bien connu des frères de la côte, cherchent à s’embrouiller l’un l’autre, se voler des pièces d’or et se refiler la maudite tâche noire. J’ai beaucoup aimé, mais préfère vous mettre en garde – ce jeu n’est pas pour tout le monde. Si vous êtes de ceux qui reprochent parfois à mes jeux d’être chaotiques et incontrôlables, n’essayez surtout pas Dread Curse. Entre les effets des personnages, assez violents, et ceux des cartes, parfois monstrueux, ce jeu part dans tous les sens, va très vite, et les rebondissements sont incessants. On a vraiment beaucoup ri à ce qui ressemble à un croisement de Fluxxx et de Citadelles, mais je pense que nous aurions été nerveusement épuisés si nous avions voulu en faire plus d’une partie.

Voici donc trois excellents jeux de pirates, dans des styles très différents, du petit jeu délirant, Dread Curse, au monstre qu’est Francis Drake, en passant par un jeu à l’allemande de facture très classique, Port Royal. Et deux autres qui arrivent bientôt, Piraci et Black Fleet. Je ne souhaite qu’une chose, que les pirates reprennent dans le monde ludique la place que les sinistres zombies leur ont indument volé depuis quelques années.

Pirates are ferocious, drunk, dressed in black, carry long curved swords and sport a sinister black flag dispalying skull and bones. Not really nice fellows, but children like them, as do gamers, who often are old children.   .
One can find many explanations. One-legged captains, eye-patches, monkeys and parrots, all these icons show that the pirate’s world is not perceived as historical but as exotic fantasy, more similar in a way to medieval heroic fantasy or to science fiction than to historical XVIIIth century. Even though Turtle island is real, though Francis Drake was a historical figure, the pirates world is not known to us through historians but through novelists, and imagination can get loose about it. It does, without adding much violence, and pirate crews become surprising spokesperson about. The boardgame pirates are the as the videogames or movies ones. They are violent and brutish drunks, but they are kind hearted, their crews are mixed, « multicultural » and fraternal. They are the best and the worst possible people. Pirate captains are the epitome of private entrepreneurs, driven by the lure of profit and a taste for blood, but the brotherhood of the coast is a socialist utopia which invented the welfare state. Pirates suit all tastes, and Illustrators also have great times drawing scarred and bearded faces, old ships, parrots and monkeys.
Sea, sun, brawls and fights, tanned and virile faces – the best possible setting for an adventure movie, comics or game.  Also, and I don’t know the reason why, the obvious violence is neutralized, kept at a distance. Concerned parents who don’t like to see their children play war never have a problem with pirates outfits….


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Boomtown, an auction game I designed with Bruno Cathala, was published in 2004 and is long out of print in the US. A few years ago, a Polish publisher, Egmont, decided to retime it as pirate game. I was skeptical, but I l must admit the new settings fits as well as the old one, and Maciej Szymanowicz graphics are absolutely gorgeous. The Polish version was a hit, and it caught some interest from the French publisher Bombyx. A french version of the Polish version will soon be published in France, and may be later in the US.

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Sebastian Bleasdale’s Black Fleet, published by my friends at Space Cowboys, will probably be there first. Black Fleet has a retro look and feel. Players move their galleons from island to island, trade various resources and occasionally attack one another. Movement on the map is very tactical, but there’s also much luck with the many action cards in the players’ hands. Black Fleet is a light and dynamic board game. It has a very classical feel, but it’s much faster paced, more fun, less pedestrian than games from the eighties. I’m confident it will be a hit.

But the true reason I’ve started this article about pirate games is that, yesterday night, with a few friends, we’ve spent a few hours playing only pirate games, and I’ve discovered three great new games.

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The original idea for the evening was to give a try at Peter Hawes’ Francis Drake, published by Eagle Games, which had been a hit at my ludopathic gathering. I had to find four players who were still able to sit at a table for a long game, more than two hours, with rules a dozen pages long. I didn’t regret this experiment. There are two games in one in Francis Drake. First, players prepare their expedition, recruit crew members, find a ship, upgrade it, listen for rumors… this first game is worker placement in the main street of Plymouth, a one way street in which the shops are rearranged every round, making it a new challenge every time. Then, ships sail to the Carribean, planning to attack Spanish ships, Spanish forts, Spanish ports. There’s some interesting planning and bluffing, when each player tries to be the first to launch an attack on a given target. This is much heavier stuff than Black Fleet, it’s more about planning and less about launching surprise attacks, but it’s a very rich and deep game which I will certainly play again.

And then, because we had time left, we played two lighter and faster pirate-themed card games, and both were also really good.
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Port Royal is a typical German style card game. Like in the first phase of Francis Drake, players are pirate captain walking the street of Port Royal and trying to hire crewmen, buy a ship and launch an expedition. The basic system might have been overused – on one’s turn, one draws cards one after another, stopping when one wants, and if one happens to draw two ships of the same color, one loses one’s turn. The genius of Alexander Pfister was to build a fresh, intricate, subtle and terribly tense game on this unoriginal premise. A game in which one always wants to draw one card more, one always lacks one gold. Nothing very original, but one of the very best card games I’ve played recently.
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Then we ended the game night with Stuart Sirk’s Dread Curse, a card game I had bought more or less at random. This time, players are all members of the same crew and, of course, try to cheat and steal one another. I better warn all those who sometimes find my own designs too chaotic and uncontrollable for their taste – this is far worse. Character cards have violent effects, action cards have even more violent ones, and the game flow is very fast, completely chaotic but undeniably fun. If you have the guts for a mix between Fluxxx and Citadels, give Dread Curse a try. We had great fun, but were really too exhausted for a second game.

So, here are three great pirates games, in three very different styles. A light and zany card game, Drad Curse. A more restrained and classical one, Port Royal. A heavy multifaceted board game two or three hours long, Francis Drake. And two more soon to hit the shores, Piraci and Black Fleet. Now, I would like pirates to take back the leading place in the gaming world, which has been unduly stolen from them by zombies two or three years ago.

Jeux et émotions
Games and emotions

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Je suis de ceux qui versent facilement quelques larmes en regardant un film ou en lisant un livre, mais jamais cela ne m’est arrivé en jouant à un jeu de société. Le jeu de société est en effet bien peu romantique, et cela le distingue de bien d’autres formes culturelles, qu’il s’agisse du livre, du cinéma, de la peinture, de la musique, mais aussi du jeu de rôles, et dans une certaine mesure des jeux en ligne et des jeux d’argent.

Le joueur n’a pas d’amis, ni d’états d’âme, il n’a a que des objectifs et des intérêts. Il ne s’apitoie pas sur telle figurine qui n’est pas parvenu à prendre pied sur Omaha Beach, ou sur telle autre qui s’est fait dévorer par les zombies. Il la remet dans sa « réserve », pour la ressortir à l’occasion représentant un autre personnage tout aussi anonyme.
Cela n’a bien sûr rien d’étonnant si l’on voit dans le jeu un mécanisme abstrait, sans âme, et dans les règles une simple métaphore destinée à en faciliter l’explication, comme semblable à l’énoncé d’un problème de robinet. Ce n’est cependant pas le cas de tous les jeux, en tout cas pas de tous les miens, mais même les jeux au thème fort comme mon Mystère à l’Abbaye, même les jeux au thème triste comme les jeux de guerre, ne suscitent pas chez les joueurs de réelle émotion.

Les contraintes matérielles de leur conception et de leur réalisation, la limitation à l’usage de cartes, de dés, de pions, pour render compete d’histoires complexes, tout cela tend à faire des jeux, et tout particulièrement des jeux de société, des systèmes très simplifiés dont les éléments sont, au sens propre du terme, objectivés. On ne s’attache pas à un pion de bois ou de plastique comme à un personnage de roman, de film, ou même de jeu de rôle, dont il n’a pas la profondeur. C’est cette objectivation, cette simplification, plus que le caractère relativement abstrait, des jeux, qui contraint l’auteur de jeu à faire vivre son thème à coup de clins d’œil là où l’écrivain ou le cinéaste recourent au récit et le concepteur de jeux videos à la simulation, et qui fait du jeu de société le moins romantique des loisirs.

Pour autant, nos jeux ne sont pas dénués d’émotion. On y pleure rarement, mais on sourit beaucoup, et on rit assez fréquemment. Ça fait du bien aussi.


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I often shed a tear when reading a book or watching a movie, but I don’t think it ever happened when playing a board game. Boardgames are definitely les romantic than books, movies or paintings, and even less than role playing games, gambling and most online games.

The gamer has no friends, no conscience, only goals and interests. He doesn’t feel any pity for a miniature that couldn’t land at Omaha Beach or was eaten by zombies. He just puts it back in his « reserve », and takes it out later to represent some other anonymous figure.

This isn’t surprising if you think that games are just soulless mechanisms, and theme a metaphor used to make explanations easier, like water taps in a math problem. Some games are like this, but not all, and certainly not all of mine. Nevertheless, I’ve never seen a player cry or express a strong story related emotion even in a game with a strong theme, like my Mystery of the Abbey, or with a really sad theme, like wargames.

Because of the strong constraints of board game design and production, of the limitation mostly to cards, dice and pawns to create complex storylines, boardgames are very simplified systems in which all elements are, strictly speaking, objectified. One doesn’t feel the same empathy with a simple wooden or plastic figure, no matter how nice it looks, as with a much deeper novel, movie or role playing character. This objectification, this simplification, and the relatively abstract character of boardgames, forces the game designer to build his theme using nods and winks where the writer or moviemaker uses storytelling and some vied game designers simulation. That’s probably why boardgames are definitely not romantic.

On the other hand, our board and card games are definitely not devoid of emotions. There are no cries when playing, but we have lots of smiles and laughs.

Livres, jeux et tablettes
Books, games and tablets

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Depuis que j’ai acquis un Kindle, je ne lis plus guère que des livres au format électronique. La liseuse est plus légère que le livre, surtout quand, comme moi, on lit surtout des pavés de quelques centaines de pages. Elle ne perd jamais la page, elle fatigue moins les yeux, elle permet de prendre des notes, de voyager avec sa bibliothèque et de passer en deux clics d’un livre à un autre.
J’ai pourtant bien du mal à me mettre aux jeux sur écran, que je pratique très rarement. Même les jeux hybrides, très à la mode en ce moment, où l’on déplace sa figurine sur l’écran d’une tablette, ne parviennent ps à m’enthousiasmer.

Je me suis donc demandé quelle était la différence, d’où venait mon attachement à l’objet jeu, à la boite en carton, et ma relative indifférence à l’objet livre, aux pages de papier brochées ou reliées.
L’objet réel de la lecture n’est pas le livre, c’est le texte. La preuve en est que si je me sens toujours un peu mal à l’aise à l’idée de lire un livre en traduction, ce que je fais pourtant bien souvent faute de parler le russe, la japonais ou le chinois, je n’ai aucun scrupule particulier à lire sur un écran. Le livre traditionnel n’est que l’un des supports possibles du texte. Il représente un progrès sensible par rapport aux rouleaux de parchemin et aux tablettes d’argile, mais je ne vois aucune raison d’avoir pour lui un attachement fétichiste quand une liseuse, malgré quelques défauts, permet dans l’ensemble une lecture plus facile. Les livres qui ne se prêtent pas au portage sur liseuse sont ceux, peu nombreux, qui sont de réels objets, des albums de pop-up à l’excellent « House of Leaves » de Mark Z. Danielewski.

L’objet réel du jeu n’est pas non plus la boite, les cartes, les pions et les dés. Ce sont les règles, et les interactions qu’ils génèrent entre les joueurs. Or il me semble que, pour l’instant, l’informatique ne permet pas d’accéder à ces règles et de représenter ces interactions avec autant de clarté que le carton, le bois, et occasionnellement le plastique – du moins si l’on conserve les mêmes règles. Il n’y a rien de plus frustrant que les adaptations sur écran de jeux de société en boite, et même les mieux réalisées, comme celle des Aventuriers du rail, ne m’ont retenu que quelques jours.
Si tablettes et ordinateurs sont de médiocres supports pour les jeux qui n’ont pas été conçus pour eux, ils permettent en revanche la création de bien des jeux qui auraient été impossibles sans eux, et même l’apparition de nouvelles manières de jouer. Nous avons alors d’autres règles, d’autres interactions, assez différentes de celles deux jeux classiques et c’est ce qui explique le succès de bien des jeux en ligne, qui ne sont en rien des jeux de cartes ou des jeux de plateau sur écran (Hearthstone est ici l’exception qui confirme la règle).

Ma seule objection de principe au support informatique pour les jeux est qu’il encourage plutôt à jouer chacun chez soi, seul ou en réseau, et est donc un peu moins social que le jeu sur table. Rien n’oblige cependant à ce qu’il en soit toujours aussi. Il existe des jeux sur tablette nécessitant d’être ensemble et générant de sacrées interactions, comme l’excellent Space Team. Je me suis moi-même mis à réfléchir, ces dernières semaines, à deux jeux devant être joués l’un avec un téléphone, l’autre avec une tablette. Ce sont des jeux de société, puisqu’ils demandent aux joueurs de s’asseoir autour d’une même table, de se regarder, de se parler, mais ils se jouent avec une tablette ou un téléphone, comme d’autres avec des pions ou des cartes.

Bref, si la liseuse renouvelle la lecture, elle ne révolutionnera sans doute pas le livre – entendu au sens de texte. À l’inverse, tablettes et téléphones ont déjà commencé à révolutionner le jeu, mais ne changeront sans doute pas la manière dont je joue aux Aventuriers du rail ou aux Colons de Catan. Je ne suis peut-être pas si mécontent que cela que la version numérique de Citadelles ait pris une dizaine d’années de retard….


Mammouths - carte 3

Since I bought a Kindle, I read most of my books in electronic format. E-readers are lighter than books, especially when, like me, you read mostly massive tomes several hundred pages long. It never forgets the last page, it’s less tiring for eyes, it makes taking notes and jumping from a book to another much easier, it even allows me to travel with a whole library.  

Surprisingly, since I’m far from being a luddite, I play very few digital gamest. Even the trendy hybrid games, where players move a plastic miniature on their tablet screens, leave me cold.

I’ve tried to understand why I still feel bound to physical games, with meeples in a cardboard box, and not to good old paper books, be they soft or hardcover. I think the main reason is that the true object of reading is not the book, but the text. The best proof is that, while I have no problem reading an old book on my kindle, I still feel uneasy every time I read a translation, something I unfortunately have to do regularly since I can’t read Russian, Japanese or Chinese in the original text. Paper books are only one of the possible format for text. They are much more efficient than parchment scrolls or clay tab The only books that can’t really be read on an e-reader are the few ones which are more object than text, ranging from pop-up albums to Mark Z. Danielewski’s House of Leaves.     

Similarly, the object of gaming is not the box, the cards or the dice but the rules and the interactions they create between the players. The problem is that, so far, these rules and interactions usually cannot be smoothly and efficiently implemented digitally. Digital portings of physical boardgames feel frustrating, and even the best designed ones, like Ticket to Ride, didn’t get me hooked for more than a few days.

On the other hand, while tablets and phone are poor medias for games that were not designed initially for them, they make possible many new games, even complete new ways of gaming, that could not be achieved in the pure physical world. They have different rules, different systems, different kinds of interaction – they are tablet games or computer games, not card or boardgames on a screen. OK, Hearthstone might be an exception.
My only caveat on digital games is that they usually encourage solitaire gaming, at home. There is interaction in online games but, most times, players are not facing each other, and computer games tend to feel less social than boardgames. This trend, however, is not a necessity, and there are some digital games that require strong social interactions and physical proximity, like the fabulous Space Team. Last weeks, I’ve started to think of two digital game designs, one using a tablet and another one using a smartphone. Both feel like boardgames, since players have to sit around a table, to talk, to look at each other, but they cannot work without a digital device.

E-readers will certainly revolutionize reading, but most books will stay the same – just text. Computers, tablets and phones have already changed what tai play Ticket to Ride or Settlers of Catan. And may be it’s not that bad that the online version of Citadels is almost ten years late.

Éléphants de guerre, éléphants de course
War elephants, race elephants

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Les jeux ne sont pas, ou très rarement, des simulations. Ils fonctionnent cependant presque toujours à l’aide de métaphores assez simples qui permettent de faire le lien entre thème et mécanismes. Les plus fréquentes, mais pas les seules, sont celles de la guerre et de la course. Une partie de go ou d’échecs sera décrite en termes militaires, un jeu de pli sera vécu comme une succession de batailles – et le plus simple d’entre eux en tire d’ailleurs son nom. Le jeu de l’oie est décrit comme une course, et les deux métaphores peuvent se mêler au backgammon, tout à la fois course et bataille.
Les choses sont un peu plus complexes dans les jeux de société modernes. On peut notamment repérer au moins une nouvelle métaphore majeure, celle de la croissance, du développement, de la construction, illustrée notamment par les colons de Catan ou les Aventuriers du rail. Les jeux décrits comme un affrontement, qui sont loin d’avoir tous des thèmes guerriers, restent très nombreux. Les jeux de course sont en revanche passés de mode, et sont parfois traités avec condescendance, comme s’ils étaient réservés aux enfants.

Je le regrette. Mes raisons ne sont pas politiques. J’ai pratiqué suffisamment de jeux ouvertement guerriers, avec des dragons mais aussi avec des tanks et des avions, pour savoir que la métaphore, même appuyée, n’est en elle-même ni coupable, ni dangereuse.  La raison est technique : la course permet de créer entre les joueurs une tension et une compétition assez différentes de celle que créent les jeux d’affrontement direct. On ne se bat plus contre l’autre, on essaie d’aller plus vite, de passer devant. Cela ne signifie absolument pas l’absence d’interaction; on peut faire la course en se tirant dans les pattes ou, pour ceux qui trouvent l’expression un peu violente, en se mettant des batons dans les roues. Mes jeux de course préférés, comme Ave Cesar, ou La Poursuite en Ballon, sont d’ailleurs des jeux assez méchants, et il en va de même de mes créations – China Moon où l’on peut déplacer les grenouilles adverses, Pony Express où l’on peut bluffer sur son jet de dés, Lost Temple avec ses personnages inspirés de Citadelles. Dans Formula E, tous les joueurs peuvent déplacer les vaches sacrées pour bloquer le passage des éléphants, et les pachydermes n’hésitent pas à se pousser et se bousculer.

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Si Formula D était un jeu de courses de voiture, Formula E est donc un jeu de courses d’éléphants. Pas de dés, tout se passe avec des cartes, permettant de faire avancer ses éléphants plus ou moins vite, mais aussi de déplacer les vaches sacrées, de faire intervenir une souris pour effrayer un éléphant adverse. Il y a aussi des cartes Sadhu, tigre, charmeur de serpent et même tapis volant, chacun permettant quelques entourloupes et déplacements imprévus. C’est ce que l’on appelle généralement un jeu « familial » – expression de plus en plus inadaptée puisque les jeux « familiaux » sont le plus souvent joués entre amis -, un jeu aux règles simples, très dynamique, mêlant chance et tactique.

Puisque c’est un jeu « familial », il ne supporte pas l’alcool, et l’éditeur a transformé la carte alcool de mangue – je ne sais même pas si l’alcool de mangue existe réellement – en un plus politiquement correct jus de mangue. Qu’importe, les joueurs ne se feront sans doute guère d’illusions quand ils verront leurs éléphants avancer en diagonale. De même, l’éditeur, Clever Mojo, a trouvé un peu trop méchant pour un contexte « familial » l’effet original du serpent, qui faisait diminuer de 1 le nombre de cartes piochées par un joueur à la fin du tour, et l’a modifié pour qu’il fasse défausser une carte après avoir pioché, ce qui est parfois avantageux. Je continuerai sans doute à jouer avec notre méchante règle d’origine.

Mais ce sont là des détails, car l’éditeur, en la personne de David MacKenzie, a fait sur ce jeu du très beau boulot. Il nous a largement guidés, Sergio, André et moi, dans la conception d’une extension dont je n’étais pas vraiment convaincu de l’utilité, et qui finalement, avec ses pistes boueuses et ses manguiers, renouvelle vraiment le jeu et s’avère très agréable. Les illustrations de Jaqui Davis, tout en pastels chauds et vifs, sont parfaitement dans l’esprit du jeu – notamment les éléphants peinturlurés de la couverture. Bref, ce jeu a mis bien du temps à venir, mais je suis très content du résultat.

Formula E, que j’ai conçu avec les auteurs brésiliens André Zatz et Sergio Halaban, est publié par Clever Mojo / Game Salute, un petit éditeur américain aux tirages modestes, et pas toujours bien distribué, et vous ne le trouverez donc peut-être pas dans votre boutique préférée – mais vous pouvez sans doute lui demander de se le procurer. Aux États-Unis, vous pouvez commander le jeu directement auprès de l’éditeur.

Formula E
Un jeu de Sergio Halaban, André Zatz et Bruno Faidutti
Illustrations de Jacqui Davis
3 à 6 joueurs – 60 minutes
Publié par Game Salute
Tric Trac      Boardgamegeek


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Boardgames are usually not simulations, but the almost always use strong (and rough) metaphors which link the theme and the mechanisms. War and race are the most frequently used metaphors, though not the only ones by far. A game of chess or go is always described in military terms, while a trick taking game is seen as a succession of battles – and the simplest one is the game of war. Snakes and Ladders and the game of Goose are described as races, while Backgammon managesd to be both a race and a war.
Things are slightly more complex with modern boardgames. There’s at least one more major metaphor, that of growth, development, building, exemplified by Settlers of Catan or Ticket to Ride. Games described as a confrontation, a war – most of which are not about war – are still numerous, but racing games seem to be out of fashion, and are usually treated with some condescension by so-called « hardcore gamers », as if they were necessarily childish – and they are not.

It’s a shame. Not for political reasons – I’ve played enough war games, mostly with dragons but sometimes with tanks, to know that the metaphor, even when a bit heavy, is in most cases innocent and harmless – but for technical reasons. RacePlayers do not fight one against the other, they try to go faster, to overtake one another. This doesn’t mean there’s no interaction – players can also block or hinder one one another. We have two French proverbial expressions to express this idea, I don’t know if they work in English or have some English equivalent – to shoot in each other’s legs, and to put sticks in each other’s wheels. My favorite race games, Ave Caesar and The Great Balloon Race, are quite nasty, and so are my own designs. In China Moon, one can move opponents’ frogs; in Pony Express, one can bluff his dice roll; the characters in Lost Temple have the same kind of interaction as the ones in Citadels. In the last one, Formula E, all players can move holy cows to block the other players, and pachyderms jostle and push one another.

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Formula D was a car racing game, Formula E is an elephant racing one. No dice, the game is played with cards with various effects. Some move one’s elephant forward, slower or faster, but some can move these pesky holy cows, or call a mouse to frighten the pachyderm. There are even Sadhu, snake charmer or flying carpet cards, allowing for some unexpected moves and nasty tricks. Formula E is what is often called a « family » game – a increasingly wrongly named category since these games are more and more played among friends. This means a light and dynamic game, with simple rules, and with an even mix of luck and tactics.

Since it’s a family game, it’s also a dry one, and the publisher changed the mango spirit card into mango juice. Anyway, the players won’t be fooled when their elephants will start moving diagonally. For similar reasons, the Clever Mojo guys also thought that the original effect of the snake, which reduced by one the number of cards drawn at the end of one’s turn, was too nasty and changed its effect for something much lighter. Now, it only make its target to discard a card after having drawn, which is sometimes a good thing. I’ll probably keep on playing our original evil rule.

These are really small details, and the publisher – namely David MacKenzie – made a great job with developping the game. He coached André, Sergio and me in designing the expansion track. I was skeptical about . And Jaqui Davis pictures, especially the cover art with these painted elephants. It took some time, more than we have wished for, but the result looks beautiful.

Formula E, a game I’ve designed with Brzailian authors André Zatz and Sergio Halaban, is published by Clever Mojo / Game Salute, a small US publisher, with low print runs and not the largest distribution, so you might not find it in your favorite shop. You can always order it directly from the publisher.

Formula E
A game by Sergio Halaban, André Zatz & Bruno Faidutti
Graphics byJacqui Davis
3 to 6 players – 60 minutes
Published by Game Salute
Boardgamegeek

Il y a aussi des éléphants de transport commercial. There are also freight elephants.

Il y a aussi des éléphants de transport commercial.
There are also freight elephants.

La Volonté de Savoir
The Will to Knowledge

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Ne me demandez pas si ce post est un canular – je n’en sais rien moi-même.

Relisant récemment La Volonté de Savoir, de Michel Foucault, j’ai été frappé par les nombreux parallèles qu’il me semblait pouvoir tracer entre ce que je lisais et mon expérience du jeu. Sur bien des points, l’histoire des discours sur le jeu me semble en effet reproduire, mutatis mutandis, l’histoire des discours sur la sexualité tels qu’ils sont mis en évidence dans ce premier tome de l’Histoire de la Sexualité. Cette thèse mériterait une étude plus poussée, appuyée sur une véritable recherche historique, et je me contenterai de présenter ici quelques indices ponctuels, de suggérer quelques pistes, en espérant que quelqu’un aura l’envie, le temps et les outils intellectuels qui me manquent pour l’approfondir. Foucault revendiquait volontiers le caractère ludique de sa démarche, mais il n’a jamais, je crois, envisagé le jeu comme sujet d’étude.
Même si elles ne peuvent pas toujours être poussées très loin, les analogies ponctuelles sont nombreuses et parfois amusantes. Lorsque Foucault, par exemple, décrit les condamnations de la masturbation adolescente au XIXème siècle, avec des arguments relevant autant de l’hygiène que de la morale, j’ai cru relire les nombreux articles de journaux dans lesquels des spécialistes plus ou moins autoproclamés  condamnent aujourd’hui la pratique nocturne et solitaire des jeux videos. Tout comme les hygiénistes victoriens faisaient mine de croire que la masturbation est le propre de l’adolescence, certains psychologues d’aujourd’hui semblent d’ailleurs souvent ignorer que l’on peut jouer aux jeux video après vingt ans.

Au fil de la lecture, d’autres analogies apparaissent ici et là, comme entre l’interdit de l’inceste et celui du duel, entre l’hystérie et le jeu d’argent, mais ce n’est pas l’essentiel. Au delà de tel ou tel détail amusant, ce qui frappe, c’est à quel point l’analyse globale que Foucault fait de l’histoire des discours de la sexualité en Occident pourrait facilement s’appliquer, quoi que sur un mode mineur, au jeu.

Foucault écrit, du moins si on le résume rapidement et assez grossièrement, que du Moyen-Âge au vingtième siècle, le sexe a été moins l’objet d’une répression que d’une injonction au discours, puis à l’analyse, qui aboutit à faire de la sexualité, pour la culture occidentale, la vérité profonde et jamais réellement cachée de l’homme. La psychanalyse, la libération sexuelle, le féminisme, toutes les formes récentes de dévoilement du sexe, n’auraient donc rien de révolutionnaires mais ne seraient qu’une nouvelle modalité de la sexualité comme outil de contrôle social.
On voit bien qu’il est possible de dire un peu la même chose du jeu. Le jeu n’a jamais été globalement réprimé, mais il a toujours fait l’objet de discours moraux très critiques qui, d’une autre manière, en faisaient un peu la vérité de l’homme. Si le jeu des enfants était largement accepté, voice encouragé parce que formateur, le jeu adulte semblait un gaspillage d’énergie tout comme le sexe non reproductif. En même temps, tout comme le sexe, le jeu semblait quelque part un secret de l’homme, un secret sans doute secondaire et bien moins universel que le sexe, mais un secret quand même, méritant analyses et discours. Les excès dans le sexe et dans le jeu ont d’ailleurs souvent partie lié, du libertinage d’un Casanova à l’imaginaire – et peut-être la réalité – de la prohibition. La pathologisation de certaines formes de jeu – en particulier le jeu d’argent, le plus immédiatement dangereux pour la logique capitaliste – rejoint la pathologisation de certaines formes de sexualité – en particulier l’homosexualité. La psychanalyse, depuis Freud, renvoie l’homme à la sexualité; nous n’avons pas de psychanalyse le renvoyant au jeu, mais elle est intellectuellement tout à fait concevable, et je ne serais guère étonné de la voir arriver bientôt.

Dans les années soixante, certains ont pensé que la libération sexuelle était révolutionnaire. Foucault, qui se moque à l’occasion des « Marcuseries », n’y croyait guère, et l’histoire lui a donné raison. Les homosexuels ne veulent plus faire la révolution, ils veulent se marier et avoir des enfants.
Aujourd’hui, le jeu commence semble à son tour se dévoiler, semble être partout. La mode du poker montre que le jeu d’argent n’est plus une perversion. Les jeux videos se veulent soit huitième, neuvième ou dixième art, soit technique de formation des plus sérieuses. On parle avec emphase de « gamification » du monde. Personne, cependant, n’y voit les prémisses d’une révolution – dommage, nous aurions tort, mais au moins ce serait marrant.


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Giacomo Casanova, 1725-1798

Don’t ask me if this post is a joke – I’m not sure.

Recently, while rereading Michel Foucault’s The Will to Knowledge, I was stricken by the many analogies between what I was reading and my experience of games and gaming. It seems to me that the history of discourses on game is, mutates mutandis, very similar with the history of the discourses on sexuality as Foucault tells it in this first book of his History of Sexuality. Of course, this hypothesis would require a much more serious work, based on extensive historical surveys. I won’t do it, but I’d like to emphasis here some factual evidence examples, and suggest some directions. May be someone will have the will, the time and the academic tools I lack to delve deeper in this. Foucault sometime claimed the playful aspect of his work and method, but never, as far as I know, considered game as a research topic.

Even when most of them can’t be pushed very far, the one-off analogies are numerous, striking and often fun. When Foucault discusses how XIXth century physicians condemned teenagers masturbation, based on both hygienic and moral issues, one feels like listening to the condemnation, usually by self-proclaimed psychologists, of the nightly and solitary practice of video games. Furthermore, when XIXth century hygienists seemed to believe that masturbation is practiced only by adolescents, many XXth century « specialists » write as if no one played video games after twenty.

There are many other striking analogies, like between the bans on incest and on duel, between hystery and gambling, but that’s not my main point. What’s most impressive is how Foucault’s global theoretical analysis of the history of the discourse on sexuality can be applied, on a minor key, on game.

A short and very rough resumé of Foucault’s theory could be that, from the Middle Ages to the XXth century, sex was not globally repressed in the Western World, as was often said in the seventies; on the contrary, there was an injunction to track of and analyze sex. The result of this recurring injunction was that sex became, for the western culture, the deepest truth of human nature. Psychoanalysis, feminism, sexual revolution and all such recent movements who tried to unveil sexuality were therefore not revolutions, but just new ways of using sexuality for social control.
Something very similar can be said about game. Game was never globally repressed, but it was always the object of a critical moral discourse which supposed that it was part of the deep human nature. Children games were tolerated, or even encouraged because it was part of education, but adult gaming were seen as waste of energy, like non reproductive sex. In the same time, game was considered to be part of the secret of human nature – a secondary secret, less moving and universal than sex, but a similar secret, worth analyzing and talking about. Excesses in games and in sex were often related, as can be seen in the figure of the libertine Casanova or in the imaginary dimension of prohibition mobsters. The pathologization of some forms of gaming – and specifically gambling – is very similar, and has the same function, as the pathologization of some sexual behaviours, like homosexuality. Since Freud, Psychoanalysis has always sent the man back to his sexuality; there’s no psychoanalysis based on gaming, but it’s very easy to imagine one, and I wouldn’t be surprised to see it emerge soon.

In the sixties, many thought that sexual liberation was the first step to revolution. Foucault mocked Marcuse, and didn’t believe it. History proved him right – homosexuals now don’t want to make sexual revolution, they just marry and have kids. 
Gaming liberation, gamin unveiling is now on the way. Gaming is everywhere. Everybody plays poker, and gambling is no more a perversion. Video games claim to be an eighth, ninth or tenth art form. Some even talk emphatically of the gamification of the real world. But no one thinks to believe this is the start of a true political revolution. Pity – it would be wrong, but it would be fun.