Livres, jeux et tablettes
Books, games and tablets

Mammouths - carte 1

Depuis que j’ai acquis un Kindle, je ne lis plus guère que des livres au format électronique. La liseuse est plus légère que le livre, surtout quand, comme moi, on lit surtout des pavés de quelques centaines de pages. Elle ne perd jamais la page, elle fatigue moins les yeux, elle permet de prendre des notes, de voyager avec sa bibliothèque et de passer en deux clics d’un livre à un autre.
J’ai pourtant bien du mal à me mettre aux jeux sur écran, que je pratique très rarement. Même les jeux hybrides, très à la mode en ce moment, où l’on déplace sa figurine sur l’écran d’une tablette, ne parviennent ps à m’enthousiasmer.

Je me suis donc demandé quelle était la différence, d’où venait mon attachement à l’objet jeu, à la boite en carton, et ma relative indifférence à l’objet livre, aux pages de papier brochées ou reliées.
L’objet réel de la lecture n’est pas le livre, c’est le texte. La preuve en est que si je me sens toujours un peu mal à l’aise à l’idée de lire un livre en traduction, ce que je fais pourtant bien souvent faute de parler le russe, la japonais ou le chinois, je n’ai aucun scrupule particulier à lire sur un écran. Le livre traditionnel n’est que l’un des supports possibles du texte. Il représente un progrès sensible par rapport aux rouleaux de parchemin et aux tablettes d’argile, mais je ne vois aucune raison d’avoir pour lui un attachement fétichiste quand une liseuse, malgré quelques défauts, permet dans l’ensemble une lecture plus facile. Les livres qui ne se prêtent pas au portage sur liseuse sont ceux, peu nombreux, qui sont de réels objets, des albums de pop-up à l’excellent « House of Leaves » de Mark Z. Danielewski.

L’objet réel du jeu n’est pas non plus la boite, les cartes, les pions et les dés. Ce sont les règles, et les interactions qu’ils génèrent entre les joueurs. Or il me semble que, pour l’instant, l’informatique ne permet pas d’accéder à ces règles et de représenter ces interactions avec autant de clarté que le carton, le bois, et occasionnellement le plastique – du moins si l’on conserve les mêmes règles. Il n’y a rien de plus frustrant que les adaptations sur écran de jeux de société en boite, et même les mieux réalisées, comme celle des Aventuriers du rail, ne m’ont retenu que quelques jours.
Si tablettes et ordinateurs sont de médiocres supports pour les jeux qui n’ont pas été conçus pour eux, ils permettent en revanche la création de bien des jeux qui auraient été impossibles sans eux, et même l’apparition de nouvelles manières de jouer. Nous avons alors d’autres règles, d’autres interactions, assez différentes de celles deux jeux classiques et c’est ce qui explique le succès de bien des jeux en ligne, qui ne sont en rien des jeux de cartes ou des jeux de plateau sur écran (Hearthstone est ici l’exception qui confirme la règle).

Ma seule objection de principe au support informatique pour les jeux est qu’il encourage plutôt à jouer chacun chez soi, seul ou en réseau, et est donc un peu moins social que le jeu sur table. Rien n’oblige cependant à ce qu’il en soit toujours aussi. Il existe des jeux sur tablette nécessitant d’être ensemble et générant de sacrées interactions, comme l’excellent Space Team. Je me suis moi-même mis à réfléchir, ces dernières semaines, à deux jeux devant être joués l’un avec un téléphone, l’autre avec une tablette. Ce sont des jeux de société, puisqu’ils demandent aux joueurs de s’asseoir autour d’une même table, de se regarder, de se parler, mais ils se jouent avec une tablette ou un téléphone, comme d’autres avec des pions ou des cartes.

Bref, si la liseuse renouvelle la lecture, elle ne révolutionnera sans doute pas le livre – entendu au sens de texte. À l’inverse, tablettes et téléphones ont déjà commencé à révolutionner le jeu, mais ne changeront sans doute pas la manière dont je joue aux Aventuriers du rail ou aux Colons de Catan. Je ne suis peut-être pas si mécontent que cela que la version numérique de Citadelles ait pris une dizaine d’années de retard….


Mammouths - carte 3

Since I bought a Kindle, I read most of my books in electronic format. E-readers are lighter than books, especially when, like me, you read mostly massive tomes several hundred pages long. It never forgets the last page, it’s less tiring for eyes, it makes taking notes and jumping from a book to another much easier, it even allows me to travel with a whole library.  

Surprisingly, since I’m far from being a luddite, I play very few digital gamest. Even the trendy hybrid games, where players move a plastic miniature on their tablet screens, leave me cold.

I’ve tried to understand why I still feel bound to physical games, with meeples in a cardboard box, and not to good old paper books, be they soft or hardcover. I think the main reason is that the true object of reading is not the book, but the text. The best proof is that, while I have no problem reading an old book on my kindle, I still feel uneasy every time I read a translation, something I unfortunately have to do regularly since I can’t read Russian, Japanese or Chinese in the original text. Paper books are only one of the possible format for text. They are much more efficient than parchment scrolls or clay tab The only books that can’t really be read on an e-reader are the few ones which are more object than text, ranging from pop-up albums to Mark Z. Danielewski’s House of Leaves.     

Similarly, the object of gaming is not the box, the cards or the dice but the rules and the interactions they create between the players. The problem is that, so far, these rules and interactions usually cannot be smoothly and efficiently implemented digitally. Digital portings of physical boardgames feel frustrating, and even the best designed ones, like Ticket to Ride, didn’t get me hooked for more than a few days.

On the other hand, while tablets and phone are poor medias for games that were not designed initially for them, they make possible many new games, even complete new ways of gaming, that could not be achieved in the pure physical world. They have different rules, different systems, different kinds of interaction – they are tablet games or computer games, not card or boardgames on a screen. OK, Hearthstone might be an exception.
My only caveat on digital games is that they usually encourage solitaire gaming, at home. There is interaction in online games but, most times, players are not facing each other, and computer games tend to feel less social than boardgames. This trend, however, is not a necessity, and there are some digital games that require strong social interactions and physical proximity, like the fabulous Space Team. Last weeks, I’ve started to think of two digital game designs, one using a tablet and another one using a smartphone. Both feel like boardgames, since players have to sit around a table, to talk, to look at each other, but they cannot work without a digital device.

E-readers will certainly revolutionize reading, but most books will stay the same – just text. Computers, tablets and phones have already changed what tai play Ticket to Ride or Settlers of Catan. And may be it’s not that bad that the online version of Citadels is almost ten years late.

One thought on “Livres, jeux et tablettes
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  1. Je ne suis pas tout à fait d’accord avec “L’objet réel du jeu n’est pas non plus la boite, les cartes, les pions et les dés.”. Je veux bien qu’au fond les règles soient le point le plus important, mais selon moi, l’aspect tactile est important.
    Une part du plaisir des jeux de sociétés est dans la manipulation des pions, dans le mélange des cartes…Sinon comment expliquer le succès des jeux solitaires?

    Pour le passage à la liseuse, sa manipulation n’est pas très différente de celle d’un livre papier, même si là aussi après quelque mois sur une liseuse toute grise avec la même police j’ai l’impresion de lire toujours le même livre et je ressens le besoin d’un peu de couleur sur une vrai couverture.

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