Compte rendu de Paris est Ludique
Paris est Ludique report

Le grand salon français du jeu de société n’est pas celui de Paris mais celui de Cannes, en février. Paris est Ludique, en juin, est plus modeste, mais c’est sans doute mon salon préféré, pour toute une série de raisons. C’est à côté de chez moi, dans l’est parisien, et je n’ai donc pas à me préoccuper de billets de train ou d’avion, ni de chambre d’hôtel.
C’est l’un des rares salons ludiques à se tenir à l’extérieur, sur la pelouse de Reuilly, l’ancienne foire du Trône en bordure du bois de Vincennes, et cela contribue grandement à l’ambiance assez décontractée, avec beaucoup de bière, de shorts, de robes courtes et d’espadrilles. Le risque bien sûr est qu’il fasse trop chaud – il s’en est fallu de quelques jours -, qu’il y ait trop de vent – c’est arrivé – ou des orages, mais quand il fait juste beau comme cette année, c’est parfait.
C’est un salon très professionnel, où tous les éditeurs français sont présents, même si les étrangers restent très peu nombreux, à part les belges et les polonais. Cela reste cependant un salon familial (même si je n’aime pas ce mot), avec un public varié, mêlant geeks et curieux. C’est un salon qui remporte son petit succès, mais qui ne grossit pas trop vite.


Secrets

Cette année, je n’avais guère qu’une création à présenter aux éditeurs, et mon planning de rendez-vous était très modeste. Je n’avais pas non plus de nouveautés en vente sur le salon, mais j’en avais plusieurs en démonstration, qui arrivent dans les mois qui viennent – c’est à dire pour la Gen Con, en août, ou pour Essen, en octobre. J’ai donc passé pas mal de temps sur les stands de Repos Production éditeur de Secrets, ma deuxième collaboration avec Eric Lang, de Pixie Games, éditeur de Small Detectives, ma première collaboration avec Charles Chevallier, de Superlude, éditeur de Chawai et de Blue Orange, éditeur de Nutz!, et jai fait quelques photos. Sur les stands de Sweet November, de Matagot, de Lui-Même et de Flatline Prod, j’au eu la chance de constater qu’ils continuaient à présenter Waka Tanka, Raptor, Dolores et Argo, qui ne sont plus vraiment des nouveautés.


Chawai – qui ne sort pas chez Haba – et Argo en arrière plan.

Les quelques nouveautés auxquelles j’ai trouvé le temps de jouer étaient des jeux rapides, et j’ai particulièrement apprécié deux petits jeux de cartes un peu calculatoires, Startups, de Jun Sasaki, le dernier petit jeu dans une toute petite boite de chez Oink Games et Kimono, de Hinata Origuchi. J’ai enfin découvert Flamme Rouge, de Asger Harding Granerud, et j’ai beaucoup aimé, même si je ne suis pas sûr qu’il détrône Ave Cesar, mon jeu de course méchant préféré. J’aurais bien voulu jouer à Century-Spice Road, à Edgar et Lucien, aux Pillards de la Mer du Nord, à Arena for the Gods, mais soit les tables étaient pleines, soit je n’avais pas le temps. Je recommande aussi parmi les nouveautés du salon Seeders Exodus (mais c’est du lourd), Dice Forge, Décrocher la lune et Jack et le haricot magique, que j’avais découverts à Etourvy.


Wet Head – un jeu adapté à la météo

Sur le stand d’Accessijeux, j’ai eu la bonne surprise de découvrir trois de mes créations, Waka Tanka, Diamant et Citadelles, adaptées pour les joueurs aveugles (je déteste l’euphémisme non-voyant, qui laisse supposer qu’aveugle serait désobligeant, un peu comme personne âgée sous-entend que vieux serait une insulte). Je ne suis pas bien placé pour juger, mais je suis assez dubitatif sur l’adaptation de Citadelles, qui me semble un peu tarabiscotée. Celle de Waka Tanka, en revanche, est toute simple et doit très bien fonctionner.


Sur le stand d’Accessijeux. Les aveugles ne conduisent pas…

Roberto Fraga a donné cette année la patate d’or, que j’avais eu il y a quatre ou cinq ans, à Matthieu d’Epenoux. Ce prix totalement subjectif, grossièrement sculpté par Martin Vidberg, est attribué chaque année par son titulaire précédent à une personne qui a beaucoup fait pour le jeu de société. C’est vrai que Matthieu a fait de toutes petites choses, mais il en a fait vraiment beaucoup.


Martin, Matthieu et Roberto

Le samedi soir, c’était la traditionnelle soirée After organisée par Laurent Escoffier, où je ne me suis malheureusement guère attardé car je voulais corriger quelques copies de bac avant de me coucher, mais ceux qui sont restés jusqu’au bout de la nuit m’ont dit que c’était très bien.


Avec Hervé Marly à l’after party

Dimanche matin, ce fut la deuxième et très constructive assemblée générale de la société des auteurs de jeux. Nous étions nombreux, avec je pense le bon mix de vieux auteurs installés et de petits jeunes plein d’enthousiasme. Curieusement, très peu de femmes, alors qu’elles commencent à être nombreuses parmi les auteurs publiés. On a fixé quelques objectifs clairs, notamment clarifier notre situation socio-fiscale et obtenir une meilleure reconnaissance du jeu de société comme création culturelle, et donc de ses créateurs comme des auteurs – ces objectifs allant bien sûr de pair. Pour le reste, on n’était pas d’accord sur tout, mais c’est aussi une preuve de dynamisme.

Nous sommes dimanche soir, je suis fatigué, et je dois avoir un petit coup de soleil sur le dessus du crâne. Je crois que je vais me coucher tôt et reprendrai les corrections du bac demain matin.

The big french board game fair doesn’t take place in Paris but in Cannes, in February. Paris est Ludique, in June, is a much more modest thing, but it’s probably my favorite board game fair, for several reasons. The first one, of course, is that I live nearby, which means I don’t have to deal with hotel rooms and airplane tickets.
It’s one of the very few boardgames fairs taking place outside. he place, near the Vincennes park in the east of Paris, is really nice and the mood is always very cool, with shorts, short dresses, sandals and much beer. Of course, there’s a risk, it can be too hot – we avoided it by a few days -, or too windy – it happened a few years ago – and some year there will be storms, but when the weather is just nice like this year, it’s the perfect setting.
It’s a highly professional thing, and all french publishers are there, though except for Belgians and Polish there are few foreigners so far. It’s also very casual and family friendly, with an extremely varied audience, of all styles and ages. It’s a success, it’s growing every year, but not too fast.


Small Detectives

This year, I had only one prototype to show to publishers, and my planning was not too busy. I also did not have new games on sale on the fair, though there were demos of several that will arrive in the coming months, either for Gen Con in August or Essen in October. I spend some time at Repos Productions, the publisher of Secrets, my second collaboration with Eric M. Lang, at Pixie games, publisher of Small Detectives, my first collaboration with Charles Chevallier, at Superlude, publisher of Chawai, and Blue Orange, publisher of Nutz!, and I took some pictures. At Sweet Games, Matagot and Flatline Prod, I was glad to see that they were still demoing Waka Tanka, Raptor, Dolores and Argo, even when these are last year news.


Nutz!

The few new games I managed to play were fast-paced ones. I really enjoyed two small card games, Jun Sasaki’s Startups, the last small game in a tiny box by Japanese publisher Oink Games, and Hinata Origuchi’s Kimono (a remake of Colors of Kasane). I finally discovered Flamme Rouge, and liked it a lot though I doubt it will replace Ave Cesar as my favorite nasty racing game. I would have liked to play Century-Spice Road, Edgar & Lucien, Raiders of the North Sea (not new in English, but new in French), and Arena for the Gods, but the tables were full, or I didn’t have time. Other new games I recommend because I have played them earlier, most of them in Etourvy, are Seeders Exodus (but it’s heavy stuff), Dice Forge, Décrocher la lune and Jack and the Beanstalk.

With Charles and Bruno at Pixie Games. Thanks Bruno for promoting Masacarade !

It was nice to see, at the Accessijeux booth, three of my games, Waka Tanka, Citadels and Diamant played by blind players with adapted components. I’m not well placed to make a judgement, but I have doubts about the Citadels implementation, which looks a bit complex. one the other one, the Waka Tanka adaptation is extremely simple and seems to work very well.


Blind Diamant

Roberto Fraga handed the golden potato, which I had four or five years ago, to Matthieu d’Epenoux. This totally subjective award, roughly sculpted by Martin Vidberg, is given every year by his former holder to some one who did great things for the boardgaming scene. And, well, Matthieu did mostly very small things, but he did a lot!

On Saturday night, I went to the traditional after party held by Laurent Escoffier, but I didn’t stay long. I wanted to come back home early and mark three or fours exam papers before going to sleep. It looks like those who stayed the whole night had great fun.

On Sunday morning, the second and extremely constructive assembly of the French game designers association, the , was a success. There were many of us, with the good mix between young enthusiastic authors and old warhorses like me. Surprisingly, very few women, when there are more and more among the published designers. We settled for a few clear goals, mostly clarifying our fiscal situation and push for a recognition of games as cultural items and therefore of their designers as authors. We disagreed on a few points, but it’s also a token of dynamism.

It’s Sunday night, I’m tired, and I probably have a sunburn on the top of my head. I’ll go to sleep early and start again marking exam papers tomorrow.

Une Vie de Roi
A King’s Life

Divertissement.
La dignité royale n’est‑elle pas assez grande d’elle-même, pour celui qui la possède, pour le rendre heureux par la seule vue de ce qu’il est ? Faudra‑t‑il le divertir de cette pensée comme les gens du commun ? Je vois bien que c’est rendre un homme heureux de le divertir de la vue de ses misères domestiques pour remplir toute sa pensée du soin de bien danser, mais en sera‑t‑il de même d’un roi, et sera‑t‑il plus heureux en s’attachant à ses vains amusements qu’à la vue de sa grandeur, et quel objet plus satisfaisant pourrait‑on donner à son esprit ? Ne serait‑ce donc pas faire tort à sa joie d’occuper son âme à penser à ajuster ses pas à la cadence d’un air ou à placer adroitement une barre, au lieu de le laisser jouir en repos de la contemplation de la gloire majestueuse qui l’environne ? Qu’on en fasse l’épreuve. Qu’on laisse un roi tout seul sans aucune satisfaction des sens, sans aucun soin dans l’esprit, sans compagnies, penser à lui tout à loisir, et l’on verra qu’un roi sans divertissement est un homme plein de misères. Aussi on évite cela soigneusement et il ne manque jamais d’y avoir auprès des personnes des rois un grand nombre de gens qui veillent à faire succéder le divertissement à leurs affaires, et qui observent tout le temps de leur loisir pour leur fournir des plaisirs et des jeux, en sorte qu’il n’y ait point de vide. C’est‑à-dire qu’ils sont environnés de personnes qui ont un soin merveilleux de prendre garde que le roi ne soit seul et en état de penser à soi, sachant bien qu’il sera misérable, tout roi qu’il est, s’il y pense.

Blaise Pascal, Pensées

Un roi sans divertissement est un homme plein de misères
Beaucoup de jeux de société s’inspirent de la littérature, mais le plus souvent de romans policiers, d’épopées fantastiques ou mythologiques, ou de contes.  Les meilleurs jeux de ces dernières années doivent beaucoup à Alexandre Dumas, Jules Verne, J.R.R. Tolkien, George R. Martin, Umberto Eco ou Agatha Christie. A King’s Life (Une Vie de Roi) est sans doute le premier jeu dont l’idée soit venue à la lecture… des Pensées de Pascal, un texte certes pas très gai, mais néanmoins ludique.

Sans que je sache trop si c’est moi, le monde ou la mode, j’ai l’impression depuis quelques années de croiser Pascal partout. Pascal angoissé et enivré, Pascal lucide et borderline, Pascal mystique sans trop y croire. Je l’ai retrouvé encore ces dernières années dans mes lectures, chez Montherlant, chez Marguerite Duras, et même – pas si étonnant que cela – chez Terry Pratchett. Je le rencontre aussi plus souvent qu’à mon tour chez des amis qui se révèlent pascaliens – et surtout pascaliennes, comme si c’était « un truc de filles », un peu comme le rose ou les crêpes.

L’apologue du roi sans divertissement, du riche et pauvre roi qui s’ennuie et ne sait comment « tuer le temps », m’a semblé être un excellent prétexte pour un jeu de cartes. Les joueurs sont donc des courtisans rivaux cherchant à divertir le roi en lui proposant des activités. « Sire, que diriez-vous d’un grand tournoi ? » « Et si nous allions à la chasse ? » « Et pourquoi pas un grand festin, avec moult sangliers rôtis, ou un bal que vous ouvririez avec la jolie Guenièvre ». En jouant des cartes, les courtisans peuvent faire intervenir d’autres personnages de la cour, chambellan, garde, astrologue, princesse… Dans la première version du jeu, la reine intervenait pour demander que l’on renonce à ces passe-temps vulgaires et que l’on aille plutôt à la messe, ce qui pour Pascal ne relevait pas du divertissement – ou peut-être…

Une première version de ce jeu, créé avec Gwenaël Bouquin, est parue en 2010, chez Fantasy Flight Games, sous le nom de Smiley Face. Un thème plaqué et peu convaincant, un look enfantin peu adapté à ce jeu assez méchant, un matériel très cheap dans une grosse boite vide, l’édition était ratée. D’ailleurs, les gens de Fantasy Flight l’ont assez vite reconnu et, du coup, ont été très arrangeants lorsque nous avons voulu reprendre les droits pour publier ailleurs une version plus conforme à notre idée originelle du jeu.
Il faut un certain courage à un éditeur pour accepter de reprendre un jeu dont la première édition n’a pas très bien marché. Gwenael et moi sommes donc infiniment reconnaissants à Nathan McNair et toute l’équipe de Pandasaurus de donner une deuxième chance à cette Vie de Roi en la publiant avec son thème d’origine, sous la forme que nous imaginions.

L’éditeur a même engagé l’illustrateur que nous avions suggéré, Mihajlo Dimitrievski, que j’avais découvert à travers les illustrations pleines d’humour qu’il avait réalisées pour la réédition de Castel, qui a mon grand regret ne paraîtra sans doute jamais. Comme Castel, Une Vie de Roi est un jeu chaotique, tout en interactions, qui demandait à être traité avec humour et légèreté, et là encore le trait moqueur et acéré de Mihajlo était parfaitement adapté. J’ai particulièrement apprécié la manière très collaborative dont s’est déroulé le travail graphique sur le jeu, avec des allers-retours réguliers entre l’illustrateur, l’éditeur et les auteurs – même s’il n’y a qu’une seule carte que j’ai demandé à Mihajlo de retravailler un peu, le chien. Pour en savoir plus sur l’illustrateur et son travail sur A King’s Life, c’est ici.

Ce retour au thème d’origine a bien sûr aussi été l’occasion de retravailler un peu le jeu. Quelques cartes ont été modifiées, quelque unes ajoutées, mais pas trop. Dans un jeu à cartes actions un peu chaotique comme Une Vie de Roi, on a toujours envie d’ajouter des cartes aux effets marrants, mais il faut savoir se restreindre, éviter de rendre le déroulement du jeu trop confus et d’ôter tout contrôle aux joueurs. Le principal changement concerne les tours de jeu, qui ne sont plus que cinq au lieu de sept, afin de rendre les partie plus rapides. Nous avons longtemps hésité entre cinq tours, qui semblait la meilleure solution en terme de mécanique, et six, qui collait mieux à la thématique du jeu. Dans le premier prototype, comme dans Smiley Face, il y avait sept tours, qui correspondaient aux sept jours de la semaine. Enlever le dimanche était logique – dimanche, la reine a décidé que l’on allait à la messe (pas étonnant quand on voit la tête du clipart que j’avais utilisé pour la reine dans mon prototype). Pour passer à cinq, il fallait ôter un autre jour de la semaine, ce qui était moins évident. Nous avons opté pour le lundi, que le roi consacre à son boulot de roi, écouter les doléances des paysans, envoyer des chevaliers chercher le graal, faire écarteler quelques brigands… C’est le mardi qu’il commence à s’ennuyer – surtout s’il pleut.

Mécaniquement, Une vie de Roi est une sorte de jeu de plis dans lequel les joueurs peuvent ajouter des cartes tant que tout le monde n’a pas passé, un principe exploité par Reiner Knizia dans Ivanhoe / Camelot et par Dominique Ehrhard dans Condottiere, deux jeux que j’aime beaucoup, même si je n’y ai plus joué depuis bien longtemps. Outre son parti pris un peu chaotique et ses nombreuses cartes spéciales, la principale originalité est que c’est aussi un peu un jeu d’alliances, mais des alliances passagères et fragiles, dans lesquelles on ne choisit pas toujours ses amis. En effet, lorsque vient son tour, un joueur peut décider de renoncer et de se rallier aux propositions d’un de ses rivaux, en lui faisant cadeau d’une carte – mais oui, sire, c’est une excellente idée, nous devrions tous aller à la chasse. C’est pour cela que le jeu prend tout son sel avec des joueurs relativement nombreux – l’idéal étant, selon moi, entre 6 et 8.

A King’s Life
Un jeu de Gwenaël Bouquin & Bruno Faidutti
Illustrations de Mihajlo Dimitrievski
4 à 8 joueurs – 30 minutes
Publié par Pandasaurus Games (2017)
Boardgamegeek


Diversion.
Is not the royal dignity sufficiently great in itself to make its possessor happy by the mere contemplation of what he is? Must he be diverted from this thought like ordinary folk? I see well that a man is made happy by diverting him from the view of his domestic sorrows so as to occupy all his thoughts with the care of dancing well. But will it be the same with a king, and will he be happier in the pursuit of these idle amusements than in the contemplation of his greatness? And what more satisfactory object could be presented to his mind? Would it not be a deprivation of his delight for him to occupy his soul with the thought of how to adjust his steps to the cadence of an air, or of how to throw a ball skilfully, instead of leaving it to enjoy quietly the contemplation of the majestic glory which encompasses him? Let us make the trial; let us leave a king all alone to reflect on himself quite at leisure, without any gratification of the senses, without any care in his mind, without society; and we will see that a king without diversion is a man full of wretchedness. So this is carefully avoided, and near the persons of kings there never fail to be a great number of people who see to it that amusement follows business, and who watch all the time of their leisure to supply them with delights and games, so that there is no blank in it. In fact, kings are surrounded with persons who are wonderfully attentive in taking care that the king be not alone and in a state to think of himself, knowing well that he will be miserable, king though he be, if he meditate on self.
Blaise Pascal, Pensees (Thoughts)

A king without diversion is a very wretched man
Many board and card games have been inspired by literary works – usually novels, either detective stories, heroic fantasy or historical epic. Some of the best games published these last years owe a lot to Alexandre Dumas, Jules Verne, J.R.R. Tolkien, George R. Martin, Umberto Eco or Agatha Christie. Smiley Face, however, is probably the first card game directly inspired by philosophical writings, namely Blaise Pascal’s Thoughts – not a very fun text, but in some ways a gamey one.

May be it’s the fashion, may be it’s the modern world, may be it’s just me. Anyway, for a dozen years now, I feel like meeting Pascal everywhere – Pascal anguished and exhilarated, lucid and borderline, reasoner and mystic. These last days, I’ve met him again in the books I read, in Montherlant, in Marguerite Duras, and even more surprisingly in Terry Pratchett. Even more, I regularly find out that my best friends are devoted Pascalians – especially girls, as if it were a girly thing, like cookies and the color pink.

One of Blaise Pascal’s best known apologue is the “King without diversion”, in which a bored King doesn’t know how to divert himself, how to “kill time”. I thought it would make a wonderful theme and storyline for a card game. In the first version of this game, players were courtiers trying to divert the King with suggesting various fun and royal activities – a glorious tournament, a big hunt, a gorgeous feast, a courtly ball. The Mischief cards represented the other people at the court, chamberlain, guards, priests, astrologer… Sometimes, even the Queen interfered, asking the king to give up his vulgar diversions and attend Mass. Not something Pascal would have considered a diversion – or would he ?


A first version of this game, designed with my friend Gwenaël Bouquin, was published in 2010 by Fantasy Flight Games as Smiley Face. The FFG team really liked the game but was not really hooked by the theme, probably because the “bored king” apologue is not as well known in the English speaking world. The game ended with a childish and unconvincing setting, with poor components lost in an oversized boxed. It was a flop, and FFG readily admitted that it was largely their fault and didn’t make any problem when we asked to get the rights back to publish a new version more in line with our original idea.
Publishing a new version of game that made a complete flop requires some courage. That’s why Gwenaël and I are extremely grateful to Nathan McNair and the whole Pandasaurus team for giving a second chance to this bored king, and for publishing A King’s Life as we imagined it, with its original setting.

They even hired the artist we suggested, Mihajlo Dimitrievski. I had discovered Mihajlo with the gorgeous graphics he had made for a new version of Castle which, unfortunately, will probably never see the light (sad story of which I don’t want to say more). Like Castle, A King’s Life is a chaotic card game, fun and light, full of zany interactions. Mihajlo’s mocking and sharp style is perfectly fitted to this kind of games. I really enjoyed the open way in which all the graphic work was conducted, with active discussions on every picture between artist, publisher and designers – even when, in the end, there’s only one card I asked Mihajlo to redraw, the dog, which didn’t look medieval enough. More about Mihajlo and his work on A King’s Life here.

This new edition was also an opportunity to rework on the game itself. A few cards have been added or slightly modified, but not that many. In a chaotic card game like A King’s Life, one always wants to add cards with crazy effects, but it’s better to keep cool and restrain oneself from making the game flow too confusing. Players must fight for control, but they must have a chance to keep it. The main change is in the game length, which is now five rounds instead of seven, in order to make the game faster. For months, we hesitated between five rounds, which is the best technical choice, and six rounds, which made some fun thematic sense. Smiley Face had seven rounds for the seven days of the week. Removing the Sunday sounded logical, the Queen having decided that everybody was attending mass (the Queen clipart I had used in the prototypes really looked like attending mass was the most exciting thing that could happen in her life). Bringing the number down to five required removing another day, and we opted for Monday, the day when the King actually does his King job – listening to peasants’ grievances, send knights to find the Holy Grail, count money, order the quartering of a few brigands…. On Tuesday morning, this starts to be boring, especially when it’s raining.

Mechanically, A King’s Life is a trick taking game in which players can play add cards to their side as long as everyone didn’t pass. Dominique Ehrhard’s Condottiere and Reiner Knizia Ivanhoe / Camelot, two games I’ve played a lot, though very long ago, rely on the same basic idea. A King’s Life is more chaotic, with lots of special cards, but its main originality is that it’s a kind of alliance game, but with very versatile alliances. On his turn, a player can indeed resign from the trick and gives his support to another player’s proposal, even helping them with a card – he’s right, your majesty, we should all go hunting together. That’s why the game shines with a high number of player, the best being between 6 and 8.

A King’s Life
A game by Gwenaël Bouquin & Bruno Faidutti
Graphics by Mihajlo Dimitrievski
4 to 8 players – 30 minutes
Püblished by Pandasaurus Games (2017)
Boardgamegeek

Cari et les illustrations de Secrets
Cari and the Secrets art

Bonjour Carole, Je n’avais pas entendu parler de toi avant de voir les illustrations de Secrets. Cela ne fait pas bien longtemps que tu fais des illustrations de jeux. Qu’as-tu fait avant, que fais-tu d’autre, et comment en es-tu arrivé aux jeux de société ?

Salut Bruno !
Tu as raison, ça ne fait que deux ans que je me suis lancée dans l’illustration de jeu de société. Mais je viens quand même du jeu… vidéo ! J’ai été animateur et lead anim pendant plusieurs années (chez Ubisoft, Arkane Studios et Dontnod, entre autres).
A la base j’ai étudié le dessin à l’école Emile Cohl sur Lyon (que je recommande à tous ceux qui veulent un bon bagage artistique !). Une fois dans le jeu vidéo, j’ai complètement arrêté de dessiner pour me concentrer sur l’anim et tous les problèmes techniques liés au jeu vidéo … bref le dessin me manquait beaucoup !
Maintenant j’illustre pour le jeu de société. J’ai bossé avec les Space Cowboys sur 3 jeux déjà, avec Matagot et maintenant avec Repos Prod ! J’ai fait aussi du jeu de rôle pour Black Book Editions et j’ai hâte d’en refaire !
Pinup et zombies, Illustration pour HitzRoad

Mais ma vraie passion c’est la bande dessinée !
Il y a un mois j’ai signé mon tout premier contrat de BD avec Glénat ! C’est le rêve de ma vie qui se réalise ^^
Ma partenaire au scénario s’appelle Clotilde Bruneau, elle cartonne en ce moment sur une série de mythologie : La Sagesse des Mythes.
Notre histoire à nous se passe au temps du western et sera publié sous forme de roman graphique dans la collection Vents d’Ouest !

• Es-tu joueuse ? Si oui, est-ce que tu lis les règles d’un jeu, et essaie d’y jouer, avant de l’illustrer ? Ou après ?

Oui, je suis très très très joueuse, mais pas hardcore non plus. J’adore les jeux d’équipe plutôt rapides ! Il parait que je suis mauvaise perdante, mais je nie absolument ce qualificatif ! J’adore gagner, c’est tout ^^
Alors malheureusement non, je n’ai pas encore eu la chance de jouer à un jeu avant de travailler dessus. Et c’est bien dommage, car je pense que ça aiderait beaucoup pour la cohérence des illustrations de voir comment on tient les cartes, où est-ce qu’on les place, dans quel sens, etc.
Tout dépend de la complexité des jeux évidemment. Dans le cadre de Time Stories – Estrella Drive avec les Space Cowboys (qui sortira bientôt), ils m’ont envoyé les scénarios déjà parus, pour que je puisse tester le jeu et comprendre les mécaniques. Ca m’a beaucoup aidé. Etant donné la complexité de Time Stories, je ne vois pas comment j’aurais pu illustrer correctement sans voir l’objectif concret. On crée des objets réels, ce n’est pas du virtuel. C’est important je pense de visualiser l’ensemble.
A ce sujet, je vais peut-être bientôt collaborer avec Delphin Druelle d’Eclosion Games et normalement on fera des playtests ensemble avant d’attaquer les illustrations. J’ai hâte de vivre cette expérience et de voir ce qu’on pourra en tirer de meilleur !

Pavillon Noir

Comment travailles-tu ? Tout à la main, ou une ébauche à la main et le travail final sur ordinateur (ça m’a l’air le plus fréquent chez les autres illustrateurs que j’ai interrogés), ou tout sur écran ?

Non, je fais quasiment tout sur écran. Je fais juste quelques recherches de composition sur des carnets, mais en général ils sont tellement sommaires que je ne les scanne même pas.
Par contre je passe énormément de temps en recherches et je fais beaucoup d’essais de compos, de style… Ça me prend du temps mais c’est là où je me sens la plus performante, et ça évite que je me repose sur mes acquis.
C’était le cas sur Secrets. Je voulais vraiment développer le style des années 50. J’ai regardé beaucoup de films, de séries TV qui se passaient dans ces années-là et même de la haute couture pour trouver des inspirations !


Pour un récit circonstancié de l’illustration de l’espionne par Cari, c’est sur son tumblr.

J’adore aussi me mettre des musiques de l’époque en fond. Ça stimule mon imaginaire !
Sinon, plus techniquement je travaille sous Photoshop et sur un écran Cintiq 24’ qui est devenu mon meilleur ami. Dommage d’ailleurs qu’il soit si lourd, sinon je l’emmènerais partout avec moi !^^

Préfères-tu que l’éditeur te lâche la bride pour les illustrations, ou qu’il te donne des indications précises ?

Je dirais que ça dépend du sujet. Si c’est un sujet que je maîtrise, je n’ai pas forcément besoin de beaucoup d’éléments.
En général je préfère être assez libre, c’est là où je peux m’exprimer. Je pense que c’est avant tout pour s’exprimer qu’on choisit ce métier !
Mais en même temps, plus on a de descriptions, plus il y a de quoi réfléchir et c’est souvent palpitant d’échanger avec le créateur. J’adore tout ce qui est brainstorming.


Millions of Dollars

Dans le cas de Secrets, comment cela s’est-il passé ?

Pour Secrets, à la base je n’avais pas forcément besoin de beaucoup de précisions car les personnages étaient déjà bien établis de par leur métier respectif.
Mais avec Alexis Vanmeerbeeck (Directeur Artistique), on a quand même réussi à échanger énormément sur certains personnages, et je dois avouer que j’ai adoré cette collaboration. Alexis regorge d’idées et a un grand sens artistique, c’était vraiment super inspirant de travailler avec lui !
Secrets est vraiment l’une de mes meilleures expériences en tant qu’illustrateur. Je suis très fière de ce que j’ai fait. Ce qui est assez rare, vu comment je suis hyper pointilleuse et exigeante ! Mais laisse passer quelques mois, et je reviendrais dessus en me disant : « Wouah ! Quelle horreur !»

Une anecdote, un truc marrant, une réflexion à propos de Secrets ?

Hah, en voila deux.
Tout d’abord il faut savoir que j’ai bien failli ne pas illustrer Secrets.
J’ai rencontré Alexis Vanmeerbeeck sur le festival de jeux à Cannes par le biais d’un ami graphiste chez Repos Prod : Eric Azagury. Quand Alexis m’a rappelé pour Secrets, j’ai d’abord décliné car j’avais beaucoup de travail et je souffrais d’une tendinite au poignet. Eric m’a quand même convaincue de rappeler Alexis car il avait vraiment aimé une des pinups de mon book et avait du mal à trouver un autre illustrateur pour le projet.
Evidemment, je ne regrette pas du tout d’avoir dit oui finalement !
L’autre anecdote c’est qu’il y a eu deux versions pour le personnage du diplomate.
Au tout début de notre collaboration, on m’avait demandé 9 personnages : 5 hommes et 4 femmes. J’avais pointé que je trouvais dommage que le personnage du diplomate soit masculin. Je le trouvais assez cliché et trop proche du personnage politicien. L’équipe a quand même voulu laisser le diplomate en homme.
Et début janvier, quand j’avais déjà tout fini, on m’a finalement demandé de refaire le diplomate en femme, et voici les deux variantes :


Avec du recul, je suis presque déçue, car j’adorais mon diplomate masculin ^^

Quand on regarde ton site, on voit deux inspirations qui reviennent, les années cinquante-soixante, et les jolies filles plantureuses. Je ne connais pas du tout les dessinateurs de pin-ups, mais – réflexe sexiste sans doute – j’imaginais plutôt des hommes. Comment te situes-tu par rapport à ça ?

Haha tu as remarqué aussi ?
C’est évident que je préfère dessiner les filles, c’est depuis toute petite. Après, je ne fais pas que ça, je fais aussi du réaliste pour le jeu de rôle et c’est cool à faire aussi !
Mais c’est vrai que j’ai appris à dessiner avec les mangas, et ça se voit encore dans mon style je pense. Masakazu Katsura (le créateur de Video Girl Aï) était mon maître absolu. On peut dire que dans son genre, c’était le roi des pinups.

Masakazu Katsura

J’adore dessiner du glamour et du sexy.
J’admirais beaucoup Royo aussi, qui s’adressait quand même beaucoup plus à un public masculin (pour ne pas dire mâle !). Maintenant avec un oeil d’adulte, je trouve ça assez vulgaire, mais le talent est là et les femmes y sont juste magnifiques.
Je ne sais pas s’il y a un genre prédéfini pour le dessinateur de pinups. C’est un peu cliché de dire ça, comme de dire qu’il n’y aura que les hommes qui voudront dessiner des voitures et qu’il n’y aura que des femmes qui dessineront des livres pour enfants. Cependant, ce n’est peut-être pas tout à fait faux ^^


J’ai une amie dessinatrice qui adore aussi dessiner les pinups. C’est beau et c’est facile à dessiner. Le dessin c’est aussi fait pour faire rêver, mais c’est sûr que ça ne doit pas se limiter à ça ! Heureusement je suis capable de faire d’autres choses ^^
D’un point du vue purement personnel, je trouve aussi que les courbes des hanches et du buste chez les femmes sont plus agréables à dessiner que chez les hommes.

Je dirais presque qu’il n’y a qu’un Michel-Ange pour pouvoir rendre glamour le corps masculin !

Secrets
Un jeu de Eric M. Lang et Bruno Faidutti
Illustré par Carole Chaland
4 à 8 joueurs – 20 minutes
Publié par Repos Prod (2017)
Boardgamegeek


Hi Carole,
I had never heard of you before I first saw the graphics for Secrets. It looks like you’ve just started illustrating games. What did you do vefore, what are you still also doing, and how did you end up illustrating boardgames ?

Hi Bruno !
You’re right, I’m working on boardgames illustrations for only two years, but I was still in games before – in video games. I’ve been 3D Animator and Lead Animator for several years, at Ubisoft, Arkane Studio, Dontnod and others).
 I’ve studied illustration at the Emile Cohl school in Lyon (which I strongly recommend), but once in the video game industry, I’ve completely stopped drawing to focus on animation, and all technical issues of video games. I was really missing drawing.
Now, I’m mostly illustrating boardgames. I’ve worked with Space Cowboys on three different games, with Matagot and now with Repos Prod. I’ve also worked on role playing games with Black Book Editions and I’m eager to do it again.




HitzRoad

My true passion, however, is comics. Just one month ago, I’ve signed for my first comics with Glénat editions. It’s like the dream of my life becoming real. The scenarist is Clotilde Bruneau, who’s having a great success at the moment with a Mythology comics series, The Wisdom of Myths. Our is a western story and will be published as a graphic novel in the Vents d’Ouest collection. (Bruno’s note : this might not tell a lot to foreign readers, but Glénat and the Vent d’Ouest series are really big stuff here).

Are you a gamer ? If you are, do you read the rules and play a game before illustrating it ? Or may be afterwards ?

Yes, I am a dedicated gamer, but not a hardcore one. I prefer fast paced team games. I’ve been called a sore loser, but I disagree – I just like to win.  ^^
Unfortunately, I’ve never had the chance to play a game before illustrating it. It’s a shame. I think knowing how cards are held in hand, in which position they are played, how they are stacked, would help a lot in making the graphics consistent with the gameplay.
 Of course, it also depends on the game. For Time Stories – Estrella Drive (to be published soon), the Space Cowboys did send me the scenarios already published, so that I could play the game and understand its systems. Given how complex Time Stories is, I probably could not have illustrated it without an idea of the final object. With real objects, even more than with virtual ones, a global view is required.
I’m to start soon working with Delphin Druelle, at Eclosion Games, and we’re supposed to play the game together before I start working on the graphics. I’m really eager to experience this and see how it can improve my work.

Pavillon Noir

How do you draw ?  Everything by hand, or first a hand draft and then the final work on a computer (which seems to be the usual way with the other illustrators I’ve asked), or everything on screen ?

I do almost everything on screen. I only draw some rough composition studies on paper, but they are so rough and vague that I don’t even scan them.
On the other hand, I spend much time on research, and I make lots of essays in style and composition. It takes time, but I feel that’s what I do best, and it prevents me from always building on former achievements.
That’s how I worked on Secrets. I wanted a true fifties look and feel. I watched lots of movies and TV series taking place in these times, and even browsed high-fashion magazines looking for inspiration.

For a detailed story – in French – of how Cari imagined and drew the Spy character, read her tumblr

I also like to listen to music from the period I am illustrating , it helps my imagination.
More technically, I work with Photoshop on a Cintiq 24’ screen which has become my best friend. Unfortunately, it’s too heavy to bring with me everywhere.

Do you prefer to work under strict instructions and work description, or to be let loose on how to illustrate a setting ?



It depends on the subject. If it’s something I know quite well, I don’t need many elements to start drawing. As a general rule, I prefer to feel free to express myself – that’s probably why most illustrators have chosen this job.
But on the other hand, more descriptions also means more to think about, and discussing with the designer is always exciting – I love brainstorming.


Elysium

And how did it go with Secrets ?

I didn’t need many details for Secrets, because the characters were largely defined by their occupations. Nevertheless, I discussed a lot with Alexis Vanmeerbeeck (the artistic director) on a few characters, and it was great. Alexis has scores of ideas and a great artistic feel, which makes working with him really inspiring.
Secrets really was one of y best experiences as an illustrator. I’m really proud of the job done – and it’s not always the case, since I can be demanding and punctilious with myself. Anyway, in a few months, I’l probably look at it with horror.

Any fun anecdote about Secrets ?

I have two.
First, I might not have worked on Secrets. I met Alexis Vanmeerbeeck at the Cannes game festival through a friend of mine working as a graphiste at Repos Prod, Eric Azagury. When Alexis called me about Secrets, I first declined the job because I suffered from a wrist tendonitis. Eric insisted and convinced me to call Alexis back because they really liked one of the pinups in my book and they had a hard time finding someone else for this project. In the end, I’m really glad I finally agreed to do the job.

The other anecdote is about the Diplomat character. There has been two versions of it. I was first asked for nine characters, 5 males and 4 females. I had made known that I thought the Diplomat should be a woman, because the male diplomat was too much a cliché and too similar with the politician. The Repos team insisted on a man, so a man it was. Anyway, in January, when everything was finished, they finally asked me to redraw the Diplomat as a woman, which I did. Here are the two variants….


And of course,with some hindsight, I now regret my male diplomat, whom I had learned to like a lot…

I’ve browsed through your website, and noticed two main sources of inspiration, the fifties and sixties, and sexy curvy women. I know very little about pin-up artists, but I naively imagined that they were mostly men. Any comments on this ?  

So you’ve noticed as well ?
Obviously, since I was a little girl, I’ve always preferred to draw women – but I can do other stuff, like realistic illustrations for role playing games, and I’ve also fun doing it.
I learned to draw with mangas, and it probably still shows in my drawing style. My ultimate model was Masakazu Katsura (the creator of Video Girl Aï) and, in his own style, he was the king of pin-up artists. I still love to draw glamour and sexy illustrations.
Masakazu Katsura

I also liked a lot Royo, even when his style was clearly targeted at a more male audience. Now, as an adult, I find him a bit vulgar, but it doesn’t detract from his talent, and his women are still gorgeous.
I’m not sure pinup artists are bound to be men more than women. It’s a bit of a cliché, like men drawing cars and women illustrating children books. On the other hand, may be it’s not completely wrong….


Chun Li

I’ve a friend, a woman, who also loves to draw pinups. It’s pretty, and easy to draw. Art’s first function is to make one dream, but of course there are other ones – and I’m able to do other stuff.
It’s very personal, but I prefer to draw women’s hips and chests than men’s ones.

I think Michelangelo was the only one who managed to make men’s bodies look glamorous.

Secrets
A game by Eric M. Lang & Bruno Faidutti
Art by Carole Chaland
4 to 8 players – 20 minutes
Published by Repos Prod (2017)
Boardgamegeek

Décoloniser Catan
Postcolonial Catan

Ceci est une version plus longue et plus développée de l’article un peu moqueur que j’avais publié à l’automne 2014, et qui reste le plus consulté de ce blog. Comme d’habitude, le texte anglais est plus bas, mais c’est ici beaucoup plus bas. Une traduction chinoise par Liu A-Yue peut aussi être lue ici.
Si vous voyez des images de jeux très récents, ne vous étonnez pas. Je n’ai pas touché au texte depuis 2017, mais j’ai parfois ajouté des illustrations.

Mieux vaut découvrir une vérité que conquérir un royaume en Perse.
Démocrite


Le Japon tout entier n’est qu’une pure invention.
Oscar Wilde, Le Déclin du mensonge, 1899


On pourrait considérer le passé comme un pays d’où nous avons tous émigré.
Salman Rushdie, Géographies imaginaires, 1991

Je ne suis pas un universitaire, même si j’ai un temps envisagé de le devenir, et ai, il y a vingt ans, rédigé une thèse d’histoire sur le débat sur la réalité de la licorne de la fin du Moyen-Âge au XIXème siècle. J’ai ensuite abandonné la recherche historique pour revenir à une activité plus sérieuse, la création de jeux de société. C’est un peu par hasard que, en 2012 ou 2013, j’ai lu les deux essais les plus connus d’Edward Saïd, Orientalisme et Culture et Impérialisme, des textes déjà anciens et clairement datés. J’ai été instantanément frappé par la manière dont Saïd définissait l’orientalisme, car je connaissais déjà cet animal, pour l’avoir croisé à deux reprises. Dans les vrais et faux récits de la fin du Moyen-Âge et de la Renaissance – Ludovico Barthema a vu deux licornes à La Mecque en 1503 – j’avais assisté aux débuts de la fascination de l’Occident moderne pour l’Orient. Plus tard, dans des jeux comme Silk Road ou Isla Dorada, j’avais fait un usage abondant de bons vieux clichés orientalistes un peu vieillots. L’orientalisme était comme le lien manquant entre mes deux expériences.

Postcolonial Catan 1, 2, 3

La première version de ce qui allait devenir cet essai fut une conférence largement improvisée, en 2014, à la GenCon, la plus grande convention de jeux de société qui se tient chaque été à Indianapolis. Le paradigme orientaliste d’Edward Saïd y étais plaqué sans douceur, mutatis pas vraiment mutandis, sur les jeux de société modernes, ceux que l’on appelle parfois les « eurogames ». C’était amusant et superficiel, et plus un canular un peu érudit qu’une véritable réflexion. C’était d’autant plus ludique que, si les romanciers considérés comme postcoloniaux, comme Salman Rushdie, Kiran Desai, Hanif Kureishi, Junot Diaz ou Naguib Mahfouz, font régulièrement appel à l’humour et à l’ironie, ces derniers sont considérés avec énormément de méfiance par les théoriciens postcoloniaux à l’américaine. On cherchera en vain la moindre trace d’humour dans les textes de Saïd, et c’est peut-être ce qui méthodologiquement le sépare vraiment de son mentor Michel Foucault.

Improvisant à partir d’une page de notes, je m’étais beaucoup amusé. De retour vers l’Europe, j’ai regretté que cela n’ait pas été enregistré. J’ai donc tenté, après-coup, de mettre sur le papier mes réflexions, en enlevant les vannes les plus discutables et en ajoutant quelques idées qui me sont venues à l’esprit à la suite des discussions qui avaient suivi la conférence. Bien sûr, le thème « postcolonial Catan » était une blague, mais cela n’entraîne pas que toutes les remarques sur ce sujet relèvent du canular. Les textes de Saïd étant moins lus en France qu’aux États-Unis (ou ils le sont encore moins qu’au Japon, mais c’est une autre histoire), il se peut que certaines références échappent aux lecteurs français ; je les invite alors à lire Orientalisme (plus facile) et Culture et Impérialisme (plus sérieux mais, peut-être, plus daté).

J’ai donc publié une première version de cet article sur mon site web, où elle a provoqué d’intenses réactions dans le tout petit monde du jeu de société. J’ai été accusé tout à la fois de vouloir imposer des normes de « politiquement correct » à la création et à l’édition ludique, ce qui n’avait bien sûr jamais été mon intention, et de me refuser lâchement à condamner clairement l’utilisation de thèmes exotiques dans les jeux, ce qui était un choix délibéré mais pas, je pense, lâche. Depuis, cet article, une version plus brève de celui qui suit, est de très loin le plus visité de mon site web. La polémique a repris un an plus tard, lorsqu’ont été publiées les premières images de mon jeu Waka-Tanka. J’ai alors été accusé, parfois violemment, de pratiquer un double langage, critiquant l’exotisme d’un côté et le pratiquant d’un autre. C’est aussi à ce moment que j’ai été contacté par Aaron Trammell qui m’a demandé si je serais prêt à retravailler ce qui n’était qu’un bref post de blog pour en faire un essai un peu plus consistant. Cela m’a semblé une bonne occasion de lire quelques livres, de clarifier quelques points, et de développer quelques idées qui m’étaient venues depuis.

Dans le milieu très calme et mesuré des jeux de société, la virulence des réactions à mon post proposant de décoloniser Catan a de quoi surprendre. Elle est peut-être liée à la mondialisation assez tardive de la création et de l’édition ludique, mondialisation qui a ceci d’original de se faire au moins autant depuis l’Europe que depuis les Etats-Unis. Il y a vingt ans de cela, les jeux de société modernes étaient assez largement une spécialité allemande. Les références culturelles y sont encore aujourd’hui très largement européennes, alors même que les joueurs sont de plus en plus nombreux dans le monde entier. C’est aussi en cela que les « eurogames » sont exotiques pour les joueurs américains, qui ont été les plus nombreux à réagir à mon article. Cela peut donner aux jeux de société, pour le public d’outre-Atlantique, un côté un peu romantique ou nostalgique, qui explique en partie leur succès actuel, mais cela explique aussi pourquoi les thèmes et les images qu’ils véhiculent ne sont pas exactement ceux que les américains, et les joueurs du monde entier, sont habitués à voir dans les autres médias occidentaux.

Colons et indigènes

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L’histoire commence il y a vingt ans, lorsque j’ai, pour la première fois, joué aux Colons de Catan. Dès l’explication des règles, l’une des premières remarques amusées d’un joueur fut «  mais où sont les indigènes? ». Peut-être cette question se pose-t-elle plus naturellement au joueur français parce que le jeu s’appelle « les Colons de Catane ». La langue française n’a en effet qu’un seul terme, Colon, là ou l’anglais et l’allemand en ont deux, Settler / Siedler et Colonist / Kolonist, aux sens très différents. Le settler arrive, pose son sac à dos, sort sa hache et part abattre des arbres et chasser l’ours pour construire sa cabane, tandis que le colonist débarque, fait porter sa malle, et s’installe tranquillement dans sa villa, entouré de domestiques, voire d’esclaves. “Die Siedler von Catan“, ce n’est pas la même chose que “Die Kolonisten von Catan“.

Les Colons de Catane, récemment rebaptisés Catane, un titre plus politiquement correct.
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Les routes et colonies de bois, à l’aspect abstrait et générique, ont aussi été remplacés par des pions de plastique à l’aspect médiéval européen.

Quoi qu’il en soit, il n’y a pas d’indigènes sur Catan, à l’exception peut-être d’un bandit noir et solitaire dont on ne peut pas vraiment dire qu’il résiste à l’envahisseur, puisqu’il est recruté tour à tour par les différents joueurs. Ma première idée d’extension fut d’ajouter une nouvelle ressource, des champignons permettant de lancer des sorts – c’est aussi l’époque où je découvrais Magic the Gathering (et ou j’aimais les champignons). La deuxième fut de faire jouer la résistance indigène par un joueur. Toutes deux en restèrent au stade de vague projet.

À peu près à la même date que les colons de Catan et Magic the Gathering, en 1993, paraissait le pavé postcolonial d’Edward Saïd, Culture et Impérialisme. Je ne l’ai lu qu’une vingtaine d’années plus tard et ai alors été amusé par la similarité entre la remarque sur les indigènes faite plus haut et ce qu’écrivait Saïd des romans du XIXème siècle, et en particulier de Mansfield Park, de Jane Austen, dans lequel l’esclavage et les esclaves, qui ne sont jamais cités, constituent un arrière plan indispensable au récit. Bien sûr, les temps ont changé. Les puissances européennes n’ont plus de colonies, et l’Allemagne, d’où nous viennent les jeux de société modernes, n’en eut jamais beaucoup. Mais quand même, il y a peut-être quelque chose…

La question va bien au-delà de l’euphémisation politiquement correcte de certaines réalités historiques, qui a déjà souvent été moquée ou critiquée. Le problème de Puerto Rico n’est d’ailleurs pas qu’il y ait des esclaves, le problème est qu’ils sont appelés colons. De même, le problème de Saint Petersbourg est que ce qui fut sans doute l’un des pires épisodes de travail forcé dans l’histoire européenne y est traité comme une compétition bon enfant de joyeux artisans. Il n’en va pas différemment des univers imaginaires, et c’est pourquoi je n’étais nullement gêné par la présence d’esclaves dans Five Tribes, mais je le suis par leur remplacement par des fakirs. Il y a à cela une certaine cohérence – on ne peut pas se plaindre à la fois de l’absence d’indigènes dans Catan et de la présence d’esclaves dans Five Tribes.

Partir de rien

Le problème est différent avec Catan. L’action ne se déroule pas en un temps ou en un lieu précis, et le nom Catan a sans doute été choisi pour son aspect neutre, pas trop exotique. Catane est en Sicile, donc vers le sud, mais trop loin vers le sud. Les graphismes sont délibérément très européens – on élève des moutons, pas des lamas, des bisons ou des antilopes. La colonisation de Catan, c’est une colonisation de rêve, celle d’un nouveau monde vide de toute présence humaine et qui ressemble avec insistance à l’ancien. Nous savons tous que cela ne s’est jamais passé ainsi, que c’était toujours différent et plus ou moins grouillant d’indigènes.

Un nouveau monde qui ressemble étonnamment à l’ancien.

Bien sûr on peut expliquer cela, sans avoir recours à des fantasmes ou complexes occidentaux, par les simples nécessités techniques du jeu. Dans la plupart des jeux de développement, les joueurs partent de rien, ou de pas grand-chose – deux comptoirs et deux routes dans Catan – et progressivement mettent en place une structure, un appareil de production qui va se retrouver en concurrence avec les appareils adverses. Ce qui séduit dans ces jeux, et qui était relativement nouveau à la parution des Colons de Catan, c’est que les joueurs se font concurrence, rivalisent dans la construction de leurs structures, mais ne s’affrontent pas directement, ne se font pas la guerre.

Avec Archipelago, Christophe Boelinger a tenté de concevoir un jeu de colonisation et de développement dans lequel les relations avec les indigènes sont un élément déterminant des stratégies des joueurs. Les joueurs, cependant, représentent toujours les puissances européennes rivales, et la volonté d’échapper à la caricature est sans doute l’une des raisons de l’extrême complexité du jeu.
Dans Spirit island, de R. Eric Reus, les joueurs sont les esprits de l’île qui défendent les indigènes contre les envahisseurs. Le renversement de perspective est revendiqué, même si on peut arguer que les esprits de la nature sont une autre sorte de cliché.

Le thème colonial peut poser problème, mais seulement s’il est trop évident. Récemment, un ami joueur m’a dit avoir été un peu gêné en jouant à Endeavor (mais il n’a bien sûr jamais eu la moindre difficulté à jouer à des jeux de guerre, ce qui soulève un autre problème intéressant). C’est sans doute pour cette raison que Catan porte un nom peu exotique, et que beaucoup d’autres jeux de développement « à partir de rien » ont des thèmes moins problématiques, comme la préhistoire, ou l’espace lointain.

Coloniser l’espace

Dans les jeux  d’expansion spatiale, les joueurs sont des peuples extra-terrestres qui s’affrontent dans un univers vide. Dans Ad Astra, un jeu en partie inspiré de Catan que j’ai conçu avec Serge Laget, il y a bien des artefacts aliens sur quelques planètes, mais ils ont été laissés là par des civilisations depuis longtemps disparues et oubliées.

Coloniser l’espace.

Si l’on veut débarquer, bâtir quelques maisons, faire un peu d’agriculture et développer son empire colonial, la planète Mars offre aussi un terrain plus politiquement correct, quitte à commencer par un peu de terraformation.

Et terraformer Mars.
Mais bien sûr, en charchant un peu, on peut avoir à la fois la scince fiction et les clichés orientalistes.

Les jeux sur l’époque de la révolution industrielle sont aussi assez nombreux. Martin Wallace s’est longtemps fait une spécialité de ces grosses machines dans lesquels les joueurs sont des industriels rivaux bâtissant des usines, ou des barons du rail tissant leurs toiles. On n’y voit guère plus d’ouvriers ou de cheminots que d’indigènes dans les jeux de développement – alors pourtant que la classe ouvrière est présente dans le roman industriel anglais du XIXème siècle. L’univers Steampunk, qui est à la révolution industrielle ce que l’heroic fantasy est au Moyen-Âge, est aussi de plus en plus présent dans les jeux – j’y reviendrai.
Une fois encore, on peut trouver assez logique que les auteurs de jeux aient fait appel aux deux moteurs de la croissance du XIXème siècle, la colonisation et l’industrialisation, pour bâtir des jeux qui sont des courses pour bâtir un appareil de production efficace. Je devrais peut-être poser Said et relire Industrie et Empire, d’Eric Hobsbawn.

Bons vieux jeux

Au delà des raisons techniques, il me semble qu’il y a quand même quelque chose sinon de réactionnaire, du moins de passéiste ou romantique dans les thèmes privilégiés encore aujourd’hui par le jeu de société – et rien de tel, en comparaison, dans les jeux videos.

La forme romanesque a été assimilée, transformée et renvoyée vers (ou à la gueule de) l’Europe par des écrivains postcoloniaux comme Salman Rushdie, mais nous attendons toujours un auteur de jeu de société postcolonial. L’univers du jeu n’est pourtant pas hermétique à la critique, voire à la subversion, comme le montre le succès de Cards Against Humanity – nous avons William Burroughs, pas encore Salman Rushdie. Le jeu de société reste donc l’une des formes culturelles les plus typiquement, et presque exclusivement, occidentales – j’expliquerai un peu plus loin comment les petits jeux japonais peuvent entrer dans ce schéma.

Il n’y a pas que les thèmes des jeux qui soient d’un romantisme vieillot et plein de charme. Le style graphique va avec, comme l’illustrent les boites des Colons de Catan et des Aventuriers du Rail, sans doute les deux jeux de société un peu ambitieux les plus marquants de ces vingt dernières années. Le jeu est en effet utilisé comme anxiolytique dans des sociétés occidentales moins sures d’elles qu’elles ne l’étaient il y a quelques dizaines d’années, ce qui explique plein de choses – le look et les thèmes retro, le fait qu’auteurs et joueurs soient majoritairement des hommes vieux et blancs (j’en suis un), le fait que les ventes de jeux soient sinon contracycliques, du moins peu affectées par la conjoncture économique.

Remarquez que des pays européens comme la Suisse, les Pays-Bas ou même l’Angleterre subissent aussi un traitement « exotique ».
Il n’y a pas d’Aventuriers du rail Écosse, Espagne, Russie ou Italie, mais ces derniers lieux peuvent aussi recevoir le même traitement.

Le steampunk est aussi une forme particulière d’univers romantique, exotique, rétro et relativement inoffensif. Il m’intéresse ici parce que c’est essentiellement un univers ludique – et un univers de costumes. Il n’y a pas de musique steampunk, il y a peu de films steampunks, il n’y a presque pas de littérature steampunk (même si tout le monde devrait lire À Contre Jour, de Thomas Pynchon), mais il y a pléthore de jeux de société, de jeux de roles et maintenant de GNs steampunks. Le steampunk, ce n’est pas seulement l’esthétique victorienne avec un peu plus de bronze brillant et d’acier luisant , c’est aussi un univers rassurant, dans lequel les bonnes vieilles puissances européennes s’affrontent encore pour le contrôle du proche cosmos – et s’il y a des indigènes sur Mars, on peut là encore les ignorer, comme Bruno Cathala et moi l’avons fait dans Mission : Planète Rouge. Certes, je viens d’ajouter pour la deuxième édition une carte découverte « Résistance indigène », mais c’est une idée qui ne m’est venue qu’en écrivant cet article.

Onward to Venus et Mission : Planète Rouge, Colonialisme spatial steampunk

Minimalisme

Il y a quelques années, j’avais écrit ici un article sur les jeux de cartes conçus et publiés ces dernières années au Japon, et dont le plus connu est sans doute Love Letter, de Seiji Kanai. J’avais intitulé mon texte « minimalisme japonais », et j’y suggérai qu’un atavisme local pouvait expliquer la remarquable économie de moyens dont faisaient preuve les auteurs japonais, tant dans les règles des jeux que dans leur matériel. Je risquai même quelques références littéraires – Soseki, Kawabata – et des allusions à des domaines que je ne connais guère, cuisine et jardins zen. Il s’en est sans doute fallu de peu que je parle aussi de bonsais et de haikus.

Les quelques lecteurs japonais de mon blog ont été sinon choqués, du moins amusés. Il me fut répondu que le minimalisme japonais n’existe pas, ou du moins n’est pas une caractéristique originelle de la culture nippone mais une invention de l’occident ayant pour fonction de l’objectiver, soit très exactement ce qu’Edward Saïd appelle orientalisme dans son livre éponyme, même s’il ne parle jamais du Japon (pour des raisons qui mériteraient de longs développements, et  qui expliquent sans doute aussi que ses textes soient extrêmement populaires au Japon). La remarque était fort bien vue, et peut être confirmée en tapant « japanese minimalism » dans Google – on trouve alors essentiellement des cabinets d’architecte et des magasins de meuble californiens, mais aucun site japonais.

Trois jeux de Jun Sasaki chez Oink Games.
Je ne sais pas si le look minimaliste était destiné à faire vendre en occident
mais il y réussit très bien.

On m’expliqua donc que, si les jeux de cartes japonais étaient si petits, si légers, si discrets, c’était pour des raisons plus techniques que culturelles, liés aux coûts d’impression élevés, à la taille du marché, etc… peut-être même n’était-ce dû qu’au hasard de la personnalité des auteurs japonais, encore peu nombreux. Après Seiji Kanai, Jun Sasaki s’est aussi fait une spécialité de ces jeux aussi minimalistes par leur matériel que par leurs règles, et qui se vendent très bien par chez nous. Ces auteurs se revendiquent d’ailleurs des mêmes références que les miennes – Les Colons de Catan, encore eux, Magic the Gathering, etc…. et ne pensent donc pas que leurs jeux soient typiquement japonais. Seiji Kanai cite, et j’en suis flatté, mon Or Des Dragons parmi les jeux qui lui ont donné envie de devenir auteur de jeu, et au dos du plus minimaliste de ces jeux, Eat Me if you Can de Jun’Ichi Sato, est bien écrit “eurogame”.

Et voila pour l’école japonaise… Bien sûr, le fait que tous ces auteurs fassent de petits jeux de cartes et non des jeux de cartes très japonais n’enlève rien à leur talent.

La question du minimalisme japonais est néanmoins débattue. L’une des raisons pour lesquelles je l’ai d’abord manquée en tapant « japanese minimalism » dans Google est que les universitaires préfèrent parler de réductionisme. L’ouvrage de référence de ceux pour qui il s’agit là d’une réelle idiosyncrasie culturelle est Compact Culture, par O-Young-Lee – un coréen, histoire d’embrouiller encore un peu le débat. Le livre d’O-Young-Lee ne vient cependant pas du monde occidental. En outre, s’il est un peu trop ancien pour participer à la discussion sur le postcolonialisme telle qu’elle a été engagée par Saïd, il aborde des problèmes similaires. O-Young-Lee ne reproche pas au colonisateur japonais d’avoir objectivisé la culture coréenne, mais de l’avoir carrément ignorée, et d’avoir ensuite transmis cette ignorance à l’Occident. À l’appui de cette thèse, on ne peut que remarquer que si les occidentaux ont une image très orientaliste de la Chine ou du Japon, ils n’ont tout simplement aucune image de la Corée, qui est d’ailleurs très largement absente des thèmes de jeux de société. Bref, ça se complique…

Koryo, un jeu de cartes dont l’auteur est coréen, l’éditeur français et le thème très vaguement steampunk-coréen.
Pour vraiment compliquer les choses, King’s Pouch – un jeu coréen qui donne dans l’occidentalisme – ou, plus vraisemblablement, qui essaie très fort de ressembler à un jeu allemand, et réussit assez bien.
Wangdo a un auteur suisse, un thème chinois, un illustrateur polonais et un éditeur coréen….

Rêve d’Orient

Bruno Cathala testant avec l’éditeur un jeu de plateau avec des caravanes de chameaux dans l’Egypte ancienne…
Deux ans plus tard, le jeu publié, dont l’action se situe dans le royaume de Yamatai, emprunté à une légende japonaise.

Dans Orientalisme, Edward Said montre comment le discours orientaliste européen, qu’il étudie essentiellement à travers la littérature du XIXème siècle mais qui se retrouve dans bien d’autres domaines, créa son propre objet, un Orient fantasmé et objectivé, qui finit par devenir une partie de l’Orient réel. Ceci, bien sûr, était inséparable de l’idéologie et du processus coloniaux.

La littérature mondiale est déjà devenue largement postcoloniale, tout comme la musique (le rap est un rock postcolonial) ou le cinéma. Rien de tel n’est advenu dans les jeux de société, qui continuent imperturbablement à présenter l’orient exotique des images d’Epinal.

Quelques jeux récents dans l’univers des mille et une nuits. Remarquez les toits des bâtiments, et les polices de caractères.
Ces couvertures accumulent les clichés.
Au premier plan, sur les côtés, une jeune femme sexy et à demi voilée, et en face, sans doute, un esclave. Au centre, les deux joueurs semblent marchander. Au fond, un léopard – je doute qu’il y en ait eu beaucoup dans l’Espagne médiévale où la scène est supposée se dérouler.
Charles Chevalier présente son jeu Sultaniya au festival Paris Est Ludique. Il est vêtu exactement comme le personnage sur la couverture d’Istanbul.

 Il suffit pour s’en convaincre de jeter un bref coup d’œil à quelques unes des centaines de boites de jeux au thème oriental ou orientalisant publiées chaque année, dont l’illustration de couverture semble sortir tout droit d’une peinture de Guéricault ou, plus souvent, d’une encyclopédie populaire des années cinquante. Pour le monde arabe, des chameaux, des dunes de sable, des marchands de soie ou d’épice, parfois un djinn. Pour l’Inde, bien sûr éternelle, il suffit en gros de remplacer les chameaux par des éléphants.

Course de chameaux en Égypte
et d’éléphants en Inde…

 Le cas le plus impressionnant est sans doute celui de l’Egypte, pour laquelle il n’existe guère que deux fils narratifs – bâtir des pyramides et explorer des pyramides (au fait, Kheops, de Serge Laget et moi-même, est récemment ressorti). Quant à l’Egypte moderne, ou même plus généralement l’Orient moderne, il est totalement absent des univers ludiques. Bien sûr, l’une des raisons pourrait être que l’Orient contemporain nous apparaît particulièrement complexe – mais l’Orient compliqué, c’est aussi un bon vieux cliché orientaliste.

Et encore des jeux où l’on bâtit ou explore les pyramides d’Egypte.
Notez le scarabée pour le O de Sobek, et les costumes des personnages de Ramses Pyramid.

L’Extrême-Orient est un peu plus historicisé – il y a sept ou trois royaumes rivaux en Chine, il y a des samurais et des daimyos au Japon. Comme les joueurs, très majoritairement américains ou européens, n’ont qu’une vague idée des chronologies et du sens de tout cela, on peut assimiler ces mondes à des univers fantastiques.

Tous les auteurs, éditeurs et illustrateurs sont français !
Une mise en abyme de l’orientalisme – un jeu japonais resitué dans un univers fantastique japonisant pour le marché américain.
Auteurs et éditeurs aussi, même les plus internationaux et multiculturels comme CMON, n’en savent souvent guère plus. C’est ainsi qu’un fermier néo-zélandais est devenu un personnage d’un jeu sur la mythologie japonaise.
Pour en savoir plus sur la très amusante “affaire Kotahi”, vous pouvez lire cet article.

Dans les années vingt, le jeune André Malraux fut arrêté tandis qu’il tentait de faire sortir en contrebande des bas reliefs antiques volés dans un temple khmer. Rapidement sorti de prison, il aida ensuite le mouvement indépendantiste vietnamien avant de prendre part à la guerre d’Espagne, puis à la résistance pendant la seconde guerre mondiale. Il finit inamovible ministre de la culture du général de Gaulle. J’aurais aimé que mon ami Pierô représente, sur la couverture de Lost temple, le jeune André Malraux s’enfuyant avec une statuette khmer cachée sous sa gabardine, mais c’est ce qu’il avait déjà fait pour Bakong, un jeu d’Antoine Bauza. Rien de cela ne pose le moindre problème, mais il n’est bien sûr pas question de représenter Malraux avec son inamovible cigarette.

Explorer des pyramides, découvrir un temple oublié dans la jungle, ces clichés orientalistes ont l’avantage de permettre aussi la représentation de l’occidental en aventurier ou archéologue, une astuce également très exploitée au cinéma.

Ces quatre jeux ont une chose en commun…. des auteurs et éditeurs européens, pour qui l’ouest – américain – est aussi exotique que l’orient.

L’exotique n’a cependant pas besoin d’être très loin. Pour les auteurs et éditeurs de jeux allemands, l’Italie, c’est déjà presque l’Afrique, et ce qu’il y a de plus exotique en Italie, c’est la cuisine, et tout particulièrement les pizzas. L’Espagne peut aussi recevoir un traitement similaire.

Safranito est inspiré du Carom, un jeu indien, et il était donc logique de situer l’action en Inde, mais comme le thème était culinaire, on lui a trouvé un nom aux sonorités italiennes. Le résultat est confus et un peu déstabilisant.

C’est sans doute le lieu de parler d’un cas particulier très intéressant. Venise a inspiré plus de jeux de société que toutes les autres villes d’Italie réunies, et ce même sans compter les Venise plus ou moins fantastiques, Cadwallon ou Tempest. Là encore, on peut trouver une explication évidente et technique, les canaux qui permettent de diviser aisément la cité en quartiers, de faire de petites règles sur les ponts, et de distinguer plusieurs modes de déplacement. Mais il y a peut-être plus que cela. La Sérénissime de notre imaginaire, et dans une certaine mesure la Venise de l’histoire, a toujours été à demi-orientale. C’était le dernier port avant l’Orient, celui d’où les navires partaient pour Constantinople, c’est aussi la cité d’Othello et de Shylock. Le rêve vénitien est, dans la tradition européenne, une version adoucie, apprivoisée, acclimatée, euphémisée du rêve oriental.

Venise imaginaire et fantastique.

Et le nord ?

L’exotisme ne se limite pas à l’orientalisme. Il y a aussi un vieux rêve d’Hyperborée dans la culture occidentale. Le «septentrionalisme» est à l’œuvre dans les nombreux jeux dont l’action se situe en Scandinavie (avec des drakkars, des vikings et beaucoup d’alcool), en Écosse (avec des moutons, des cornemuses, des hommes en kilt et du whisky), ou plus rarement dans une Irlande fantasmée et féérique. Saïd avait d’ailleurs déjà noté que le paradigme orientaliste pouvait, dans une certaine mesure, s’appliquer à  l’Irlande, et l’historien suédois Gunnar Broberg a proposé le terme de boréalisme pour cet orientalisme du nord.

Deux jeux de société russes, également exotiques. Costa Ruana se situe dans lieu imprécis mais ensoleillé, hésitant entre Polynésie, Australie et Amérique du Sud. Swords and Bagpipes est clairement en Écosse, avec des Thanes qui jouent de la Cornemuse et attendent le meilleur moment pour trahir et vendre leurs services au roi d’Angleterre.

On est encore plus proche de l’orientalisme classique avec les inuits. Ces derniers sont de moins en moins représentés dans les jeux de société, y compris en Europe où leur image n’a pas été « assimilée » comme celle des indiens des plaines.

L’esquimau de cette vieille édition du Brise-Glace a été remplacé par un ours dans les versions plus récentes, ou par un pingouin dans cette version hexagonale, bien plus intéressante.

Abstrait et exotique

Même les jeux abstraits ont souvent un thème très exotique – thème qui se limite le plus souvent à un nom aux sonorités étranges et un style graphique évocateur. Quand, vers la fin du XIXème siècle, un allemand imahgina d’adapter le jeu de halma sur un damier en forme d’étoile, il baptisa sa création « dames chinoises », et elle est encore connue sous ce nom – y compris, parfois, en Chine !


L’Asie abstraite abonde en dragons – dont on ne sait pas toujours très bien s’ils sont censés être chinois ou japonais.

On est souvent en Chine, plus rarement en Inde ou Japon, pour des jeux de combinaison ou de commerce relativement abstraits et qui auraient pu avoir bien d’autres thèmes.
Là, on est à la fois au Japon et sur une autre planète – et encore des dragons.

Chine et Japon restent très populaires dans les jeux de stratégie abstraits, mais on rencontre aussi quelques vikings – les runes ont un look qui va bien. Fréquents dans les jeux abstraits des années soixante-dix et quatre-vingt, les indiens d’Amérique sont aujourd’hui remplacés par des polynésiens.

Si ce jeu des années soixante-dix était publié aujourd’hui, il aurait sans doute un thème et un look chinois ou japonais.

Ironie et orientalisme organique

Ou est exactement l’orientalisme quand nous parlons du Japon ? Quels sont les clichés exotiques qui véhiculent vraiment aujourd’hui une image simplifiée et objectivée de la culture japonaise ? Les samurais et les geishas ? Le minimalisme ? les robots, le cosplay et les lézards géants ? Il y a une différence importante, et largement négligée par Saïd, entre les vieux clichés orientalistes qui sont devenus surtout un élément organique de la culture occidentale, et y sont clairement compris comme tels, et les clichés plus récents qu’il est plus facile de prendre au pied de la lettre. Lorsque nous employons dans le langage courant le terme orientalisme, c’est le plus souvent pour parler des premiers, quand les plus problématiques sont les seconds. Les samurais et les geishas, comme les pharaons et les maharajas, comme les cowboys et les indiens, sont une forme d’orientalisme organique, auto-référentiel et toujours plus ou moins ironique. Lorsqu’un jeu les prend pour thème, l’univers de référence n’est pas l’autre, c’est le cliché  amusant car obsolète. La moquerie, s’il y en a une, vise l’exotisme lui-même et non l’exotique. Les images plus récentes, comme les robots, les lézards géants et les uniformes d’écolières, ou les caractères supposés intemporels, comme le minimalisme, sont plus ambigus car on peut encore y croire. Les images ne doivent pas être considérés ex abstracto, hors de leur contexte historique et culturel. Le même style graphique ne peut pas avoir même sens sur les boites de jeux d’aujourd’hui et dans les encyclopédies populaires des années cinquante, et peut même – nous le verrons pour les indiens d’Amérique – avoir un sens très différent en Europe et en Amérique.

Les japonais eux-mêmes peuvent utiliser les clichés orientalistes, comme dans Mai Star, de Seiji Kanai, dont nous voyons ici les éditions japonaise et américaine – et la plus orientaliste n’est pas nécessairement cette dernière. Il y a un « auto-orientalisme » japonais, qui n’est pas seulement destiné à l’exportation. Sur le même thème des geishas, Hanamikoji, de Kota Nakayama, est un cas plus complexe – si l’auteur est japonais, éditeur et illustrateur sont taiwanais.
Quoi qu’il en soit, quand on parle du Japon, le véritable orientalisme est sans doute plutôt ici –
et comme on le voit, il s’exporte très bien au Japon.
Tout à la fois extrème-oriental et hyper-moderne, le Japon permet de combiner, souvent avec une certaine ironie, les clichés exotiques et ceux de la science-fiction.

Pour l’anecdote, remarquons que l’éditeur de jeux allemand qui fait le plus systématiquement appel aux univers exotiques et aux illustrations de style orientaliste, tout en ocres, jaunes et oranges, l’éditeur de Shogun, Maharani, Sultan, Alhambra, Thebes, Kairo et de nombreux autres est Queen Games, dont le patron, Rajiv Gupta, est lui-même assez exotique.

L’édition iranienne de mon Citadelles, Dej, illustrée par Hassan Nozadian, passerait sans doute en occident pour très orientaliste…. et le personnage du marchand n’y serait peut-être pas une caricature acceptable.

Isla Dorada, qui ne s’est pas très bien vendu mais reste l’une de mes créations préférées, fait délibérément appel à tous les clichés de l’exotisme colonial. Mes premiers prototypes avaient un thème sans grande saveur, des marchands voyageant dans une contrée médiévale vaguement fantastique, achetant ici et vendant là. L’éditeur trouvant cela un peu bateau, nous optâmes pour quelque chose de plus excitant, un mélange exotique un peu délirant, à la Tarzan. L’action se déroule dans un univers steampunk victorien, sur une île oubliée où des explorateurs découvrent les restes de pas moins de quatre civilisations disparues. Nous avons donc sur l’île dorée des pyramides égyptiennes, et des lieux aux noms se terminant en is, un mélange polynésien-pascuan avec des noms comme Wahi-Waha et Vanu-Tabu, et des pyramides maya portant des noms aztèques. La quatrième civilisation n’est vaguement indonésienne que parce que les noms en ing et ang ont des sonorités amusantes et bien différentes. En effet, les mécanismes du jeu imposaient que les toponymes suggèrent immédiatement à quelle aire culturelle et géographique ils appartiennent. Pas de Chine ou d’Afrique Noire, mais nous avons pallié à cela dans les cartes événements, avec des pandas tueurs et des tribus sauvages perdues dans la jungle. Pour le vaudou des Caraïbes, on a le Baron Samedi. Je me rappelles que nous avions envisagé un moment des ruines romaines, et que sur au moins l’un des prototypes, il y eut à la place des noms en ing et ang d’autres en us et um. Ce n’était pas bien différent.

Isla Dorada, et un autre jeu qui “mélange tout”, quoique plus sérieusement, pour désamorcer l’orientalisme, Neka-Tanka.
The Ancient World, illustré par son auteur, mélange quant à lui toutes les cultures antiques.
Avec Tzolkin, nous avons affaire à une autre forme d’ironie – Hamlet et le crane de cristal.

L’orientalisme analysé par Edward Saïd est un discours idéologique dont la force découle de ce qu’il est supposé décrire la réalité, la vérité d’un Orient qu’il invente. Les jeux de société d’aujourd’hui, comme les bandes dessinées humoristiques de notre enfance, Astérix, ou Iznogoud pour être plus oriental, ne sont pas des travaux sociologiques ou historiques. Ils n’ont pas la moindre prétention à dire la vérité. Klaus Teuber, l’auteur de Catan, n’a jamais prétendu que le nouveau monde ait été vide de tout habitant lorsque les colons y ont débarqué, et aucun joueur n’a jamais imaginé cela après une partie des colons de Catan. Je sais très bien qu’il n’y a pas de courses d’éléphants dans les cités indiennes – enfin, il y en a peut-être parfois ici ou là, mais je n’ai même pas cherché à le savoir car mon but était d’être fidèle au cliché, pas à la réalité. D’une certaine manière, l’exotisme des jeux de société, comme celui des bandes dessinées, est toujours plus ou moins ironique – mais peut-être devrions nous parfois rendre cela plus clair.

Occidentalisme

Il convient quand même ici de signaler qu’il existe, en particulier au Japon et en Chine – pays qui, il faut le rappeler ici, n’ont jamais été réellement colonisés, une tradition “occidentaliste” – que l’on voit bien dans certains films de Miyazaki, ou dans un personnage de jeu video comme Mario. Auteurs et éditeurs japonais prennent sur le marché mondial du jeu de société une place de plus en plus importante, chinois et coréens semblent devoir les suivre de près, et les premiers jeux véhiculant cette image orientale de l’occident arrivent sur le marché mondial. On y voit généralement des européens aux yeux bleus et aux coiffures flamboyantes. J’ai moi même retravaillé pour un éditeur américain un jeu de Hayato Kisaragi, Greedy Kingdoms. La nouvelle édition a conservé les illustrations japonaises originales, et les dessins supplémentaires ont été commandés à la même équipe. L’action s’y déroule dans un univers « occidentaliste », un moyen-âge européen imaginé et illustré au Japon. Le résultat est, vu d’Europe, rigolo et sympathique, avec un mix de costumes et de bâtiments correspondant à des périodes historiques bien différentes, et une courtisane aux allures de majorette.

Deux exemples d’occidentalisme japonais. Sur la boite de cette version de Lost Legacy, on voit un chevalier médiéval aux yeux bleus et aux cheveux blonds, un personnage faisant vaguement penser à un hobbit avec un chapeau de magicien, et une statue de sirène…
Pour les chinois, l’archétype de l’exotisme européen semble être l’Italie. Au Japon, Italie et Allemagne font bon ménage.
Et l’on retrouve Venise, qui est décidément exotique pour tout le monde !

Coloniser le passé

Un argument d’évidence semble relativiser fortement tout ce que j’ai écrit jusqu’ici. Il y a certes de nombreux jeux sur un orient éternel et de pacotille, mais il y en a plus encore sur certaines périodes de l’histoire, et d’une histoire bien occidentale, comme l’antiquité romaine ou le moyen-âge.

Quelques versions de Carcassonne,
chacune exotique à sa manière.
Cela s’est aussi bien vendu que Catane.
Deux éditions du même jeu… La première édition, Traders of Carthage, exploite le thème choisi par l’auteur japonais.
L’éditeur américain, au moment de réimprimer le jeu, a choisi d’en faire Traders of Osaka, les deux formes d’exotisme sont interchangeables.
Là encore, deux versions successives du même jeu, le Roi de Siam devenant Roi d’Angleterre.

L’image que nous avons de notre passé, ou du moins de certaines époques, n’est pas très différente de celle que nous avons, ou avions, du reste du monde. Les temps éloignés sont comme les pays éloignés, naifs, simples, lointains, vaguement pervers. L’orientalisme et l’histoire, du moins l’histoire telle qu’elle a été inventée au XIXème siècle, sont à la fois politiques et romantiques, marqués par la fascination pour l’autre et le besoin de l’objectiver pour en faire un objet d’étude et affirmer la supériorité occidentale et moderne. En France, comme dans bien des pays d’Europe, histoire et géographie sont depuis le XIXème siècle enseignés par les mêmes professeurs, comme si le passé et le lointain étaient interchangeables. Les peintres du XIXème siècle pointés par Saïd pour leur orientalisme, comme Gérôme et Géricault, ont également peint, et dans le même style, bien des scènes historiques et mythologiques. En 1904, Victor Ségalen, entamait ses notes pour un essai sur l’exotisme qu’il ne terminerait jamais en faisant un parallèle entre le lointain dans l’espace, l’exotisme, et le recul dans le passé, qu’il appelle historicisme. Ce terme ayant pris aujourd’hui un autre sens, mieux vaut sans doute parler d’exotisme historique.

Pompei, Carcassonne, Florence.
Le lieu suffit à dire le temps.

L’orientalisme tel qu’il a été décrit par Saïd est sinon sur le déclin, du moins disséqué et discuté dans les universités, mais son double l’exotisme historique se porte encore très bien. La principale raison en est sans doute que nous ne craignons guère un retour de bâton « post-antique » ou « post-médiéval » comme il y a un retour de bâton post-colonial. Les Grecs et les Romains peuvent bien être objectivés, analysés, simplifiés, caricaturés pour notre plus grand confort et notre plus grand plaisir, mais ils n’ont jamais été colonisés et ne peuvent guère nous répliquer, pas plus que les pirates ou les cow-boys. Je souhaiterais parfois qu’ils le puissent, comme dans le délicieux roman de Gore Vidal, Live From Golgotha, ce pourrait être drôle.

Cela marche aussi bien avec l’histoire américaine.

Historien, je me suis toujours méfié de l’explication trop simple qui court les livres d’histoire, l’explication qui marche à tous les coups – Les gens de ce temps-là ne pensaient pas comme nous. Cela me fait penser à la fameuse formule de Rudyard Kipling – À l’Est de Suez, le mal devient le bien et le bien devient le mal. Au XVIIème siècle, il n’était pas besoin d’aller si loin, franchir les Pyrénées suffisait à Pascal.

Le problème ne serait alors pas l’orientalisme mais l’exotisme en général, qui semble bien plus présent dans le jeu que dans la littérature ou le cinéma, et généralement sous des formes bien peu subtiles. Pour le romancier, l’univers du livre est un lieu géographique et historique complexe, qu’il doit étudier ou construire avec soin pour donner de la profondeur et de la crédibilité à son récit. Pour l’auteur de jeu, l’Inde, la Chine, le Moyen-Âge ou l’Antiquité ne sont que des ensembles de références, des recueils de clichés. L’auteur de jeu ne peut pas enrichir son œuvre par des récits complexes et des mises en situations subtiles; comme le peintre, il doit procéder par clins d’œil, à l’aide de références évidentes – un chameau ici, un casque là. Il est donc amené à faire un usage intensif d’un répertoire assez limité de clichés orientalistes, médiévalistes, antiquistes – néologismes qui auraient tout à fait leur place dans la langue française.

On peut procéder ainsi de manière tout à fait consciente, voire délibérée, comme je l’ai fait en travaillant sur La Vallée des Mammouths ou sur Mystère à l’Abbaye. La Vallée des Mammouths n’est qu’une accumulation de clichés à côté desquels Rahan passerait pour un traité universitaire. C’est volontaire, c’est du second degré, mais le plus intéressant est sans doute qu’il ne m’était pas possible de procéder autrement. J’étais, et suis encore, parfaitement incapable de concevoir un jeu de société « sérieux » sur la préhistoire. Je n’ai pas les connaissances nécessaires, et si je prenais le temps de les acquérir, j’en tirerais un jeu plus complexe, et bien moins amusant à jouer, et peut-être d’une certaine manière plus profondément raciste envers les néandertaliens. Enfin, bon, le racisme envers les néandertaliens n’est pas un réel problème de société aujourd’hui, excepté dans les romans de Jasper Fforde.

La première édition de La vallée des mammouths illustre encore mieux ce propos.

La simplification et l’objectivation du passé ont, de toute évidence, bien moins de conséquences sociales et historiques que n’en ont eu la simplification, l’objectivation et parfois la colonisation de l’orient, mais les deux relèvent du même état d’esprit. L’orientalisme et l’exotisme historique sont deux éléments d’un même discours, et je trouve la prévalence un peu vieillotte de ce discours dans l’univers ludique sinon gênante, du moins déconcertante – même si son usage est de plus en plus ironique ou distancié.

Si je devais un jour écrire un scénario pour une série télé, le thème en serait sans doute le voyage dans le temps, dont l’invention permettrait d’envoyer des gouverneurs britanniques, des missionnaires américains et des hippies allemands dans l’Égypte antique ou l’Italie de la Renaissance. Bon, je ne connais personne dans le monde de la télé, mais je peux peut-être en faire un jeu – un jeu plein de clichés idiots sur les britanniques, les allemands et les américains, parce que c’est ça qui est drôle.

Tant de pirates et de vikings

Et puis il y a les pirates, et les pirates gagnent toujours. Ils ont tout. Ils ont l’aventure, le soleil, les mers lointaines, des palmiers. En revanche, leurs équipages sont essentiellement composés de quadragénaires mâles, blancs et barbus, le cœur de cible du jeu de société, avec ici et là une vigie noire ou une aventurière sexy. Les pirates des Caraïbes – car ceux de la Manche n’intéressent personne – sont comme un petit morceau de l’histoire fantasmée de l’Europe qui se déroulerait dans un monde tropical, ensoleillé et exotique, à défaut d’être vraiment oriental. Rien d’étonnant à ce qu’ils aient été, depuis le début des jeux de société moderne, de loin l’univers le plus exploité.

Des hommes blancs et barbus dans des univers exotiques. Les pirates sur la couverture de Libertalia sont une très bonne image du groupe de joueurs classique.

Les vikings sont pas mal non plus, et assez populaires, mais il leur manque le soleil qui burine la peau. Certes, on peut préférer la bière au rhum, cela dépend des groupes de joueurs.

Médiéval et fantastique

La plupart de mes exemples proviennent d’ “Eurogames“, un style de jeux de société qui est né en Europe et n’est devenu populaire dans le reste du monde que récemment. Les jeux conçus aux Etats-Unis ont plus souvent recours à des univers fantastiques, notamment ce que l’on appelle le “médiéval fantastique”, qui posent aussi quelques problèmes – les peuples fantastiques peuvent être considérés comme une manière d’essentialiser la question raciale, en faisant de la race quelque chose de “réel”, de naturel. Cette idée, assez répandue aux outre-Atlantique, y compris dans des milieux anti-racistes, me semble dangereuse.

Elfes, gobelins, orques, géants, trolls, nains – et parfois aussi extra-terrestres – sont une manière d’objectiver l’idée de race, d’en faire une réalité irréductible, et non ce qu’elle est vraiment, une construction sociale et une idée idiote, voire une très mauvaise blague. Penser lutter contre le racisme en faisant des gobelins plus mignons, des trolls plus gentils et des elfes un peu basanés, ou en revalorisant la culture orque comme je l’ai vu suggérer très sérieusement sur des forums de joueurs américains, est donc passer totalement à côté du problème, voire l’entretenir.

Deux jeux de “guerre des races”  entre elfes, nains, orques et goeblins particulièrement intéressants.  Ethnos, pas son titre, montre qu’il est conscient des sous-entendus de ces univers. Small World, plein d’humour, se moque des catégories qu’il utilise. Quant à Trollland, c’est un jeu parodique qui se moque tout à la fois des politiques migratoires européennes et des univers médiévaux fantastiques.

Paradoxalement, alors même que, sur les campus américains, “essentialiste” est devenu une insulte, le discours qui y est généralement tenu sur les questions de culture, de race, et dans une moindre mesure de genre, est plus essentialiste que jamais. C’est cette même analyse qui sous-tend, me semble-t-il, ces univers fantastiques racisés à l’excès. Ce n’est sans doute pas par hasard que les trois jeux ci-dessus, Smallworld, Ethnos et Trollland, qui prennent chacun à sa manière un recul ironique par rapport aux poncifs du médiéval fantastique, ont des auteurs européens.

Quoi qu’il en soit, je me suis toujours senti beaucoup plus mal à l’aise dans les jeux de pirates, ou dans les jeux médiévaux fantastiques grouillant de peuples exotiques et inquiétants, dont les sous-entendus sont plus subtils, et plus sérieux, que dans un exotisme traditionnel trop transparent pour être pris au sérieux et donc pour être vraiment dangereux.

L’étape suivante dans la neutralisation, ou peut-être seulement dans l’euphémisation, des identités raciales à l’anglo-saxonne, est de faire appel à des animaux anthropomorphes. C’est pour cela que de plus en plus de jeux complexes, destinés à un public adulte, grouillent de personnages semblant sortir de contes pour enfants. L’essentialisation de ces humains déguisés en animaux est facile, immédiate et semble moins gênante. Ce peut être une bonne chose si cela met en évidence les ambiguités des univers fantastiques traditionnels, en particulier médiévaux-fantastiques.

Deux jeux ambitieux et récents, dans un univers médiéval-animal-fantastique.

Des Indiens en Gaule

Les américains qui visitent l’Europe sont souvent surpris par l’importance des indiens d’Amérique, et surtout des Indiens des plaines, dans notre imaginaire collectif. C’est tout particulièrement le cas en France et en Allemagne, les deux pays dont sont originaires le plus grand nombre de jeux de société modernes. J’ai moi-même à mon actif deux jeux mettant en scène des Indiens d’Amérique, Tomahawk et Waka Tanka. Il y en outre de jolis meeples indiens, rouges comme il se doit, dans Pony Express, et une squaw très sexy dans La Fièvre de l’Or, même si ses longues jambes ont été coupées pour l’édition américaine.

L’image que nous avons des Indiens des Plaines est certes caricaturale, mais elle est très différente de celles que peuvent en avoir les américains. Elle relève en effet d’un exotisme historique bien éloigné de l’orientalisme, et ceci tout particulièrement si, comme le soutient Saïd, l’orientalisme met en exergue l’altérité. Nos Indiens imaginaires ne sont en effet pas perçus comme différents mais comme similaires.

La plupart des européens ignorent, ou oublient facilement, qu’il y a encore des indiens en Amérique, et que leur culture est bien vivante. Pour nous, ils sont une figure historique, et en aucun cas nos contemporains. En outre, en France et en Allemagne, les Indiens des Plaines tels qu’ils étaient imaginés et décrits au XIXème siècle ont servi de base métaphorique à l’invention d’une antiquité fantasmée, celle d’avant la conquête romaine. Le village gaulois archétypal, décrit dans les vieux livres d’histoire ou plus récemment dans Astérix, avec son chef et son druide, est directement copié du village indien mythique, avec son chef et son sorcier. Le dolmen tient lieu de totem, les sangliers de bisons. Jouant aux cowboys et aux indiens, les gamins français ou allemands se sont toujours identifiés plus volontiers aux seconds. La caricature de l’indien ne se moque pas vraiment de l’étranger, elle se moque un peu de nous-même, ce qui explique qu’elle soit fréquente mais jamais très méchante. En Angleterre, où Agricola est autant un héros national que Boudicca, les choses sont peut-être différentes.

Paresse et efficacité

Tout cet essai est encore à demi un canular. J’ai pris le paradigme orientaliste de Saïd, originellement appliqué au monde arabe dans les romans et peintures du XIXème siècle, et l’ai plaqué un peu brutalement sur l’image de bien d’autres parties du monde dans les jeux de société contemporains. Je l’ai ensuite, suivant une piste suggérée par Victor Ségalen, transporté jusqu’à Mars et Venus. Enfin, je l’ai appliqué à notre passé, que nous ne coloniserons pas avant d’avoir inventé la machine à voyager dans le temps. Rien d’étonnant donc à ce que tout ne colle pas parfaitement, comme nous avons pu le voir dans les cas particuliers du Japon et des Indiens d’Amérique.

Néanmoins, l’omniprésence d’un exotisme de pacotille dans les jeux de société peut mettre mal à l’aise. Il est essentiel d’en comprendre les raisons, mais je ne souhaite absolument pas conclure sur une condamnation politique ou morale de l’orientalisme et de l’exotisme historique. Je ne pense pas que les auteurs de jeux doivent s’abstenir de caricaturer l’Orient ou la Grèce antique dans leurs créations, et pour ma part je continuerai certainement à le faire. J’utiliserai encore ces thèmes comme j’utilise aussi ceux de la basse cour ou de la jungle, parce qu’ils sont présents dans notre imaginaire, parce qu’ils sont simples, parce qu’ils sont droles, et parce que pour toutes ces raisons ils font sans doute de meilleurs jeux. En matière de jeu, le plus souvent, paresse est synonyme d’efficacité.

Le thème d’un jeu n’a en effet pas la même fonction que celui d’un roman ou d’un film. Le lecteur d’un roman, le spectateur d’un film ou une pièce de théâtre, consacre toute son énergie intellectuelle à suivre et comprendre ce qui est raconté, à en saisir les subtilités et les non dits. Il n’y a pas de subtilité intellectuelle, il n’y a pas de non-dit dans un jeu, et le joueur ne pense qu’à une chose, chercher à gagner. Le thème du jeu, son univers, ne doit surtout pas faire réfléchir le joueur et l’empêcher de se concentrer sur « le jeu lui-même », c’est à dire sur la recherche de la victoire. Dans certains cas extrêmes, le thème n’est même qu’un truc, une astuce pour rendre les règles plus claires, comme dans un problème de robinet.

Pour cela, le thème doit être simple, et parfaitement maîtrisé par les joueurs avant même que le jeu ne commence. Dans les romans ou les films, ou du moins dans les bons, l’histoire est là pour aider les joueurs à s’approprier un thème complexe. Dans un jeu, le thème est un outil qui doit aider les joueurs à cérer l’histoire. L’univers doit être léger, simple, caricatural ; il doit utiliser des connexions et des références connues des joueurs, et non pas chercher à leur en faire comprendre de nouvelles. Les univers de la pop culture, heroic fantasy ou science fiction, sont parfaits pour cela, mais ne sont maîtrisés que par un public restreint. L’exotisme, qu’il soit historique ou géographique, est compris par tous. Le jeu de société étant souvent une pratique inter-générationnelle, son thème doit être connu de deux, voire trois générations. C’est pour quoi les univers exotiques les plus enfantins, qu’ils soient historiques, géographiques ou fantastiques, viennent naturellement à l’auteur de jeu, et c’est pourquoi je continuerai à les utiliser. Tout juste essaierai-je un peu plus systématiquement de désamorcer à l’avance, par l’humour ou l’ironie, les problèmes que j’ai mis en avant dans cet article. Bien sûr, l’ironie peut ne pas être comprise, mais elle est suffisamment drôle quand elle l’est pour que le jeu en vaille la chandelle.

L’introduction aux règles de Mombasa est certainement maladroite. Les premières phrases sont lourdement didactiques, et la dernière sonne un peu comme « aucun animal n’a été maltraité durant le tournage de ce film ». C’est sans doute dans ce sens-là qu’il faut aller, mais peut-être avec un peu plus d’humour et de subtilité.

J’aurais sans doute un point de vue différent si j’écrivais des jeux de rôles, dont les univers complexes et subtils se rapprochent plus de la littérature, ou si je travaillais dans le jeu video, mais ce n’est même pas certain. Mes meilleurs souvenirs de jeux de rôles grandeur nature se déroulaient dans des mondes tout en clichés, souvent l’Angleterre victorienne. Ces clichés, cependant, étaient clairement ironiques. Il y a aussi d’excellents grandeur nature, et sans doute d’excellents jeux de rôles sur table, traitant le même thème avec un grand sérieux – mais il se trouve que j’ai moins envie d’y jouer.

Les mondes du jeu de société et du jeu video se ressemblent, et beaucoup d’auteurs de jeux de plateaux travaillent également dans le jeu video. Étonnamment, l’orientalisme, du moins sous la forme que j’ai décrite ici, y est beaucoup moins présent. Le seul exemple, déjà ancien, qui me vienne à l’esprit est Prince of Persia. Les FPS se déroulant au Moyen-Orient sont un autre type d’orientalisme, posant d’autres problèmes. L’exotisme historique y est aussi moins fréquent. La profondeur et la complexité demandées par les jeux massivement multijoueurs et les univers persistants interdisent d’utiliser des références trop simples, et conduisent généralement à préférer des mondes fantastiques. Ces jeux complexes sont aussi de plus en plus souvent réalisés par des équipes multinationales, et même multiculturelles, comprenant des créateurs en Europe, aux Etats-Unis, au Japon, et de plus en plus en Chine, en Corée ou en Inde. Mais ma remarque est aussi vraie des petits jeux comme ceux auquel on joue dans le métro sur son téléphone, sans doute parce que l’industrie du jeu video est plus importante et plus mondialisée, que ce soit du côté des joueurs ou des créateurs. Les univers sont donc moins problématiques mais aussi, souvent, un peu fades. On se lasse vite du voyage spatial, des dragons, des zombies et des bonbons aux couleurs vives. Ceci dit, à l’exception sans doute des bonbons, ces univers relèvent aussi d’une sorte d’exotisme et, si on les observe de près, posent un peu les mêmes problèmes.

Si cet article vous a intéressé, je vous invite à lire celui, conçu comme une annexe, consacré aux problèmes rencontrés aux États-Unis avec l’iconographie de certains de mes jeux.

Bibliographie :
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André Malraux, La Tentation de l’Occident (The Temptation of the West), 1926
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Edward Saïd, Orientalism, 1978

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Victor Segalen, Essai sur l’exotisme, 1904-1918
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Daniel Martin Varisco, Reading Orientalism, Saïd and the Unsaid, 2007

Ibn Warraq, Defending the West, a Critique of Edward Said’s Orientalism, 2007


 

A US academic review, Analog Game Studies, has asked me if I could expand on my post about “postocolonial Catan”, published here in 2014, to make a longer and more scholarly essay out of it. Thanks to Aaron Trammell, this new version is published, together with  in the second volume of the print edition of Analog Game Studies., which can be bought or downloaded from here. It has a lot of interesting stuff, often typical of US liberal academics, about very different aspects of gaming. There is also a Chinese translation by Liu A-Yue, which can be read there.
Don’t be surprised if you spot a few very recent images. I didn’t add to the text since 2017, but I added a few pictures of more recent games.

I would rather discover one truth than gain a kingdom in Persia.
Democritus


In Fact, the whole of Japan is a pure invention.
Oscar Wilde, The Decay of Lying, 1899


The past is a foreign country: they do things differently there.
Leslie Poles Hartley, The Go-Between, 1953


It may be argued that the past is a country from which we have all emigrated.
Salman Rushdie, Imaginary Homelands, 1991

I am not a scholar, though I considered becoming one at some time and, twenty years ago, wrote my PhD about the discussion on the reality and the image of the unicorn from the late middle-ages to the XIXth century. Then I gave up historical research to  spend more time designing boardgames, of the kind now called Eurogames. I incidentally read Edward Saïd’s Orientalism and Culture and Imperialism in 2012 or 2013, long after they had been published, and was immediately stricken by his description of orientalism, because it was a beast I had already encountered twice. In the true and false travel stories from the late middle-ages and the Renaissance – Ludovico Barthema saw two unicorns in Mecca in 1503 – I had seen the beginning of the modern fascination with the Orient. Later, when designing boardgames such as Silk Road or Isla Dorada, I had made heavy use of good old orientalist clichés. Orientalism felt like the missing link between my two experiences.

Postcolonial Catan 1, 2, 3

The first version of what has become this essay was a largely improvised seminar held in 2014, at Gen Con, the biggest US boardgame convention, which takes place every summer in Indianapolis. I basically took the orientalist paradigm from Saïd and transposed it, mutatis non necessarily mutandis, to modern boardgames. It was fun and superficial, and more a big witty joke than serious reflection. What made especially fun this take on orientalism is that, while postcolonial novels are often extremely humorous and ironic – think Salman Rushdie, Kiran Desai, Hanif Kureishi, Naguib Mahfouz, Junot Diaz – postcolonial theory mostly ignores or even sometimes opposes irony. Fun is desperately lacking in Edward Saïd’s books, and it might be his biggest methodological difference with his mentor Michel Foucault.

I had great fun improvising from a half page of notes and mocking my fellow game-designers but, when flying back to Europe, I regretted this had not been recorded. So I tried to write down most of what I said, removing the most stupid jokes and adding a few reflections I had after the more serious discussions ending the conference. This tended to make my point more clear, more structured and more documented, but it remained a bit lampoonesque.

Anyway, I published this article on my website, and it caused huge reactions in the small boardgaming world. I was accused both of wanting to impose political-correctness to the whole boardgaming community, which had never been my intent, and to cowardly stop short of condemning exotic settings, which was a deliberate choice but not, I think, a coward one. Since these days, this article, a shorter version of the one below, is still by far the most visited on my website. The polemic started again one year later, when my game Waka-Tanka was announced and I got some remarks about my double language, condemning exoticism on one side and practicing it on the other. This was also the time I was contacted by the editors of Analog Game Studies who asked me if I would be interested in editing my blogpost into something a bit more weighty. It sounded like a good occasion to read some books, to make some points clearer and to develop a few ideas I had had since.

One of the reasons for these relatively strong reactions in a boardgaming world usually calm and soft-spoken is probably that  the boardgames milieu and business is being globalized relatively late, and as much from Europe as from the US. Twenty years ago, modern boardgames were still largely a German thing. The cultural references in these games are still very European, while there are more and more gamers all around the world. This is another kind of exoticism for American gamers, who were the most reactive to my original article. This might explain the romantic and somewhat nostalgic feel of boardgames for many US gamers, and therefore their recent commercial success, but it also explains why some topics and representations are not exactly the ones to which Americans, and now people from the whole world, are used in other western medias.

Settlers and natives

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It all started twenty years ago, when I first played Settlers of Catan. One of the first remarks made  by a fellow player when going through the rules was the ironic « where are the natives? ». This might have been more a striking issue for French players than for German or English speaking ones because the French language has only one word, Colon, where English has two with very different meanings, Settler and Colonist (Siedler and Kolonist in German, the original language of the game). So, the game is known in France as « Les Colons de Catan », which can mean both « Settlers of Catan » or « Colonists of Catan ».

Les Colons de Catane, recently renamed Catane, a more politically correct title.
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Les Colons de Catane, recently renamed Catane, a more politically correct title.
The abstract looking wooden roads and settlement tokens have also been replaced with plastic ones which have a deliberate European medieval style.

And, indeed, natives are nowhere to be seen in Catan, except may be as the lone black robber bandit who is not really resisting invasion, since he is hired on turn by the different players. I remember my first idea for a Catan expansions was a new resource, magic mushrooms used to cast spells – this was also the time when I was discovering Magic the Gathering (and when I liked mushrooms). The second one was to add a native resistance player. I didn’t finalize either one.

Edward Saïd’s Culture and Imperialism was published in 1993, more or less at the same time as Catan and Magic the Gathering, but I read it only twenty years later. I was struck by the similarity between our initial reactions to Catan and what Saïd says of XIXth century European novels, and specifically of Jane Austen’s Mansfield Park, where he thought slaves, though nowhere to be seen, are always in the background. Of course, the stakes are lower, and Saïd’s analysis of XIXth century novels cannot be simply pasted on contemporary boardgames. Times have changed, agendas have changed, European countries have no colonies any more – and by the way Germany, from where modern boardgames originate, never had that many, and didn’t keep them long. But this striking similarity must mean something.

This goes farther than the naïve politically-correct euphemization of historical issues that can be found in some games. The problem in Puerto Rico is not that there are slave tokens, it is that they are called colonists. The problem with Saint Petersburg is that one of the worst episode of forced labour in modern European history is treated as a good spirited competition between hardworking craftsmen. The same is true of fantasy worlds, which is why I was less bothered by the slaves in Five Tribes than I am by their replacement with fakirs – and anyway, one cannot complain both of the absence of natives in Catan and of the presence of slaves in Five Tribes.

Starting from scratch

The Catan issue is different. The game action doesn’t take place in a specific time or place, and the name Catan might even have been chosen specifically to sound bland and not too exotic – Catania is in Sicily, meaning south, but not too far south. The graphic implementation is very European, with no exotic resource – sheep, no lamas, bisons or antelopes. Settlers of Catan is colonization as we dream it, or as we would have liked it to be, colonization of a terra nullius, a new world which looks just like the old one and is void of alien presence. We all know it was very different and at least sparsely populated everywhere.

The new world looks insistently like the old one.

This can be explained without resorting to some western fantasy or complex, only with simple game system necessities. In most development games, players start from scratch – two settlements and roads in Catan, a spouse and a wooden shack in Agricola – and slowly build their production engine, competing with each other. The appeal of these games, and the original appeal of Settlers of Catan because it was something relatively new in 1993, is that they are not about war but about peaceful competition in designing this engine.

With Archipelago, Christophe Boelinger tried to design a colonization and development game in which the natives were present and had to be dealt with, not necessarily through force. The players, however, still represent the rival European powers. Trying to avoid caricature might also be one of the reasons for the extreme complexity of this game.
In R. Eric Reuss’ Spirit Island, players are elemental spirits defending the natives against the colonizers. The reversal of perspecteive is deliberate and original, but one could argue that nature spirits are another orientalist cliché….

The colonial setting can nevertheless be an issue, especially when it’s plain and obvious. I remember a gamer friend recently telling me that he felt a bit uneasy playing Endeavor (but he never had any problem playing a war game, which is not surprising but raises some interesting questions). That’s why Catan’s name doesn’t sound exotic, and that’s why other « start from scratch » games have less problematic settings, such as prehistoric times or deep space colonization expansion.

Deep and empty space

Nevertheless, in space development games, players are usually alien rivals in a mostly empty space. In Ad Astra, a game partly inspired by Catan which I designed with Serge Laget, there are alien artifacts but they have been left by long forgotten civilizations.

Colonising space.

If one wants to land, build a settlement, start planting crops and even develop a colonial empire, Mars makes for a more politically correct setting than Africa, even when it needs a little terraformation before any efficient colonization.

And terraforming Mars.
Of course, you can get both science-fiction and orientalist clichés.

As an interesting aside, there are also lots of game about industrial revolution. A designer like Martin Wallace has published dozens with rails or industry barons. Industry and railroad development games are all about riches getting richer, and there are not much more workers or navigators in them than natives in colonial development games – and this even when the working class is often at the center of English industrial novels. The Steampunk genre, which is an industrial revolution fantasy, is also becoming very popular with boardgames – more about it later. Once more, it’s possible to find sound practical reasons explaining why game designers are so often using XIXth century economic growth, and its two main engines, industrialization and colonization, as a setting for games that are all about developing effective production engines. I should nevertheless set Saïd aside and reread Eric Hobsbawm’s Industry and Empire.

Good old games

There might be technical reasons, but I think there’s also something if not reactionary, at least romantic or backward looking in board games themes – much more than in video games themes.

The novel form has now been assimilated and transformed in the formerly colonized world, by postcolonial authors such as Salman Rushdie – but we’re still waiting for a postcolonial board or card game designer. Boardgame and card game design is not necessarily adverse to critics and subversion.  The authors of Cards Against Humanity might be the William Burroughs of game design – but there’s no Salman Rushdie, and boardgames are probably still one of the most typically western cultural forms – more about how Japanese tiny card games fit into this later.

There is something old-fashioned, charming and romantic, not only in the themes and settings of boardgames, but also in their graphic style. See the covers of Ticket to Ride and Settlers of Catan, probably the two most influential typical board game designs of these last twenty years. Playing games has become a powerful anxiolytic in a western society which probably feels less secure than it did a few decades ago, and probably more in Europe in the USA. This might explain why board game sales are countercyclical, why game designers are mostly old white males (I’m one), why game themes and looks sound so old-fashioned.

Notice that European countries such as Switzerland, Netherlands and even the United Kingdom can receive an « exotic » treatment.
There’s no Ticket to Ride Scotland, Spain, Russia or Italy, but these are also often treated as exotic settings.

Steampunk is a recent romantic, retro exotic and relatively harmless setting. It is interesting because it’s mostly a gaming (and sartorial) universe. There’s almost no steampunk music, there are few steampunk movies, there’s little steampunk literature (even though everyone should read Thomas Pynchon’s Against the Day), but there are lots of steampunk boardgames (and rpgs, and larps). Steampunk is not only victorian esthetic with shiny bronze and iron, it’s also a reassuring world, in which good old european powers are still vying for control of the solar system – and natives on Mars, if any, can be ignored as Bruno Cathala and I did in Mission Red Planet. Well, I just added a « Native Resistance » discovery card, but it’s an afterthought I had while writing this article.

Onward to Venus and Mission : Planète Rouge, steampunk colonial games.

Minimalism

So what when “orientals” start designing card and boardgames ?
A few years ago, I wrote an article about the many Japanese card games designed and published in Japan these last years, the best known probably being Seiji Kanai’s
Love Letter.

 My article was titled « Japanese Minimalism ». I suggested that some Japanese cultural atavism might be responsible for the specificities of these designs, mostly their tiny boxes, simple rules and few components. I made some comparisons with literature – Soseki and Kawabata – then added unwisely references to Japanese food and zen gardens, stuff I don’t really know much about. I stopped just short of haikus and bonsais.

My Japanese readers were if not shocked, at least amused. I was answered that Japanese Minimalism doesn’t really exist, or at least is not an indigenous characteristic of Japanese culture but a western invention aimed at objectifying it – exactly what Saïd calls orientalism in his eponymous book, even when he never tells anything about Japan (for interesting reasons, which might be the same reasons why his books are immensely popular in Japan, but that’s another story). Of course, this critic was spot on, as a quick experiment can show: type « Japanese Minimalism » in Google, and you get mostly links to Californian architect studios and furniture stores.

Three games by Jun Sasaki, published by Oink Games.
The minimalist look certainly helps to sell the games in the Western world,
even when it was not intended to.

Anyway, I was told the reasons for the minimalistic components of Japanese games were more trivial, due mostly to high printing costs and small markets, or may be even purely contingent, due to the personality of the first popular Japanese game designers. Following the steps of Seiji Kanai, Jun Sasaki has also specialized in these games with minimal rules and, even more, minimalistic components – and they sell very well in the west. These designers claim to have the same references as mine – Settlers of Catan (again), Magic the Gathering, etc – and not to make anything specifically Japanese. Actually, Seiji Kanai once told me that my Dragon’s Gold was one of the games that lured him into game design, and I’m quite proud of this. On the back of the box of the most minimalistic of these games, Jun’Ichi Sato’s Eat me if you Can, is even clearly written that it’s a “Eurogame”. 

So much for the Japanese minimalist school of board game design. Of course, the fact all these designers don’t intend to design specifically Japanese card games, but just small card games doesn’t subtract anything from their talent.

The question of “Japanese Minimalism”, however, is at least debated. The main reason why I didn’t come across it when typing “Japanese minimalism” is that academic circles prefer to call it “Japanese reductionism”. The reference book of those who claim that such a thing really exists and is really Japanese is Compact Culture, by O-Young Lee – a Korean, just to make this a bit more intricate. This book doesn’t really come from the western world and, though it’s slightly too old to enter the discussion of postcolonialism as it was started by Saïd, it is in part concerned with similar issues. Interestingly, O-Young-Lee doesn’t reproach Japan as a colonizer with objectivizing Korean culture but with plainly ignoring it – and conveying this ignorance to the West. Indeed, Europeans have a very orientalist image of China and Japan, but don’t have any image at all of Korea, which is also largely ignored in boardgame settings.

Koryo, a card game from a Korean designer and a French publisher, with a very vaguely Korean-steampunk setting..
The King’s Pouch, a Korean game which is probably not really “occidentalist”, but just trying very hard and quite successfully to look like a German game.
Wangdo has a swiss designer, a chinese setting, a polish artist and a Korean publisher….

Oriental Dream

Bruno Cathala playtests with the publisher a boardgame with came caravans in ancient Egypt
Two years later, the published game, whose action takes place in the Japanese legendary kingdom of Yamatai.

In Orientalism, Edward Said showed how the orientalist discourse, which he studied mostly in XIXth century novels but can be found in other cultural domains, created its own object, how a fantasy Orient became a part of the real Orient, and how this was embedded in the colonization ideology and process.

As I said earlier, world literature has largely become postcolonial, and the same could probably be said of music (rap is something like postcolonial rock) and movies. There’s nothing like this in games, and the image they show of the Orient is plain orientalist exoticism, of a kind that has mostly disappeared from literature, movies and even comics – though it’s still present in a few other very specific domains such as cooking or music.

Four recent “1001 nights” games. Notice the fonts and the buildings’ bulb roofs.
These ones have a good accumulation of clichés.
Alhambra’s cover, left, has a half veiled and sexy girl, dice players who seem to be bartering, probably a slave on the front right, and even a leopard – I doubt there were many in medieval Spain, where the action is supposed to take place.
Charles Chevalier presents his game Sultaniya at the French game festival Paris Est Ludique. He looks exactly like the guy on the Istanbul cover.

Have a look at the boxes of the hundreds of « oriental themed » games published every year. They usually look directly out either of a Guéricault painting, either of a popular geographic encyclopedia from the fifties. The Arab world has camels, sand dunes, silk or spice merchants, sometimes a djinn. Timeless India just has elephants instead of camels and the occasional tiger.

Racing camels in Egypt.
Racing elephants in India.

The most striking is probably Egypt, a really popular setting but with basically only two narratives, building  pyramids and exploring pyramids (by the way, Kheops, by Serge Laget and me, has recently been republished). As for modern Egypt, or even modern Orient for what matters, it is totally absent from games. Of course, one of the reasons might be that contemporary orient is extremely complex, when boardgame settings have to be clear and simple – but isn’t the “Complex Orient” another orientalist cliché ?

Some games about building the Egyptian pyramids. There are hundreds.
Notice the scarab in Sobek’s title, and the characters’ clothes in Ramses Pyramid, a children game.

The far east can be very vaguely historicized, with seven or three kingdoms in China, with Daimyos and Samurais in Japan. Since most players – meaning western players, which are still the large majority – have no idea what this really means and cannot place the game’s setting in a clear historical timeline, this is more akin for them to fantasy worlds than games about Egypt or Africa.

Designers, artists and publishers are all french…
Japanese games can even be « re-orientalized » for the western market, as in this US edition of Love Letter in a popular Japanese-style fantasy setting.
Designers and publishers, even the most international and multicultural like CMON, don’t know much more about the settings they are using. That’s how a new-zealand farmer ended as a character in a Japanese mythos game.
You can read a full report of the fun “Kotahi affair” there.

In the twenties, the young André Malraux was arrested while smuggling antique bas reliefs stolen from a lost Khmer temple, and imprisoned. He later got involved in the anticolonialist movement in Vietnam, then in the Spanish war, then in the French Resistance during WWII, and ended as the unsackable minister of culture of Charles de Gaulle. I would have liked my friend Pierô to represent the young Malraux fleeing from Angkor with some Khmer statue hidden under his gabardine, but unfortunately, that’s what he had already made for Antoine Bauza’s game Bakong. While orientalism was not an issue, it was impossible to represent Malraux with his unmovable cigarette, and this not only the US market but also now in France and most of Europe.

Exploring pyramids, discovering a lost temple, these are orientalist clichés allowing for a representation of the westerner, as adventurer or archaeologist. It’s a trick also much used in movies.
These four games have one thing in comme – European designers, illustrators and publishers. For us, Europeans, the (American) west is just another east.

The exotic doesn’t need to be very far away – for German game designers, the nearby Italy is almost Africa, and the most exotic about Italy is its cooking, and especially pizzas. Spain also sometimes receives a similar treatment.

Safranito derives from carom, a traditional Indian game, so it must have an Indian setting. It is, however, themed about cooking, so it should also have an Italian sounding name. The result is confusing…

An interesting aside here is the impressive number of games about Venice, either the historical one or a fantasy one like Cadwallon or Tempest. There are probably more games about Venice than about all other Italian cities together. Once more, there may be some trivial and technical reasons, mostly that the canals allow for a simple and clear division in districts, for nice rules about bridges, for different movement rules on land and water, carnival masks make for mysteries and secret identities, etc. But there’s something more – the fantasy Serenissima, if not the real one, has long been half oriental, the place where ships left for Constantinople, the city of Shylock and Othello, and the venetian dream is, in the literary tradition, an euphemized version of the oriental dream.

Fantasy and even more fantasy Venice.

Septentrionalism

Exotism is not just orientalism. There is also an old hyperborean dream in western culture, resulting on a “septentrionalism” which feels quite similar with orientalism. It can be seen in games about Scandinavia (drakkars, Vikings, horned helmets and alcohol) or Scotland (sheep, men in kilts, bagpipes and much whisky), or even a fantasy Ireland full of fairies. Saïd had already noticed that his orientalist paradigm could be applied to a place like Ireland, and the Swedish historian Gunnar Broberg has since coined the word borealism to describe the orientalism of the north.

Two equally exotic russian boardgames. Costa Ruana has a vague setting, somewhere between Polynesia, Australia and South-America. Swords and Bagpipes takes place in Scotland, with Thanes pkaying bagpipes and waiting for the best moment to betray and join the King of England. 

This is even more obvious with the Inuit, which is why they are less and less pictured in games – not even in Europe where their image is not “assimilated” like that of plain Indians, as I will explain later.

The Inuit in this old edition of Break the Ice has been replaced in modern edition with a bear, or in this (far superior) hexagonal variant with a penguin. 

Abstract and exotic

Even abstract games often have a setting, which is little more than a nice name and a graphic style, and these settings are usually exotic. It’s not a new thing. When, in XIXth century Germany, someone had the great idea to adapt the Halma game to a star shaped board, he called it Chinese Checkers. It is still known by that name, ironically even in China….


Abstract Asia is full of dragons, but it’s not always easy to decide if they’re Chinese or Japanese.
China and India, sometimes Japan, are usual settings for abstract trading games which could have almost any setting.
Here, we’re both in Japan and on another planet.

China and Japan are still the most frequent exotic theme for western abstract strategy games. There also a few Vikings – runes have a nice abstract look – and sometimes American Indians, especially in games from the seventies and eighties, or Polynesians in more recent games.

If this game from the seventies were to be published today, it would probably have a Japanese or Chinese setting.

 Organic and ironic orientalism

You may have noticed that I’ve discussed Japan twice. So where exactly is orientalism ? What are the true orientalist clichés, Samurais and geishas, or minimalism, robots, cosplay and giant lizards ? There is a big difference, which I think has been often missed by Said, between old orientalist clichés which have become an organic part of western culture and are referred as such, sometimes ironically, and more recent ones which are more likely to be taken at face value. When using the word orientalism, we usually refer to the former ones, when the most problematic are probably the latter. Samurais and geishas, like pharaohs or maharajas, like indians and cowboys, have become a kind of organic orientalism, always more or less ironically self-referential. When using these images, the reference is not really to the other, but to the cliché itself. The mockery, if there’s one, is more likely to be of exoticism itself than of the supposed exotic. Things are much more ambiguous when using more recent clichés, like robots, giant lizards and high school girls in skirts, or supposedly “timeless” features, like minimalism. Clichés, like other ideas, must never be considered ex abstracto, out of historical and cultural context. The same graphic style doesn’t have the same meaning on contemporary boardgame boxes and in popular encyclopedias from the fifties. It can also have different meanings in Europe and in the US, as we will see with American Indians.

The Japanese themselves can use orientalist clichés, like Seiji Kanai does in Mai Star. It’s certainly ironic here, but there is also an ambiguous trend towards “self-orientalism” in contemporary Japanese culture, and not only for export. Of the Japanese and US edition of Mai Star, I don’t know which one looks the most orientalist. Kota Nakayama’s Hanamikoji is an even more complex case –the designer is Japanese, but the publisher and illustrator are Taiwanese.
Anyway, when dealing with Japan, this is the true orientalism….
and it can even be exported into Japan !
Japan’s image being both extremely oriental and extremely modern, it makes for unique, and often ironic, combinations of orientalism and science-fiction.

Interestingly, the German game publisher which makes the most systematical use of oriental settings and orientalist graphics, with lots of ochers, yellows and oranges, the publisher of Shogun, Maharani, Sultan, Alhambra, Thebes, Kairo and many other is Queen Games, whose head, Rajive Gupta, is not exactly your typical German.

The Iranian version of my game Citadels, with art by Hassan Nozadian, would probably have been considered extremely orientalist in the West, and the Merchant picture might have been considered a borderline caricature..

Though it didn’t sell that well, Isla Dorada is one of my favorite designs. It has all the orientalist clichés, and more. My original prototype had a rather bland theme, with mediaeval merchants traveling through a vast country, buying here and selling there. The publisher found this a bit bland, and we decided for something more exciting –  an orientalist mishmash with deliberate exotic clichés in a Tarzan comics style. The published game is Victorian steampunk, and the action takes place on a remote island where we can see the ruins of no less than four old civilizations – so we have Egyptian pyramids, and places with names ending in is, a mix of Polynesian villages and Pascuan statues, with names such as Wahi-Waha and Vanu-Tabu, Mayan pyramids with Aztec sounding names. The only reason why the last civilization sounds vaguely Indonesian is that it made for more funny names ending in ing or ang, but the monuments look more like Khmer. For gameplay reasons, the  names of the places had to suggest immediately to what cultural area they belong. No China or Black Africa, but we made for it through event cards, with killer pandas and black savage tribes roaming the island, and we added a Baron Samedi for the Caribbean Voodoo. However, I remember that we considered a long lost cut limb of the Roman Empire for the fourth culture, and that at least one prototype version of the game had places with funny names in us and um instead of ing and ang. This was not very different.

Iy Isla Dorada, and another game which, in a more serious way, deliberately mixes evrything to defuse orientalism, Neka-Tanka.
TThe Ancient World, with art by its author, is supposed to be in a fantasy world which is actually a clever mix of many ancient cultures.
Tzolkin brings anothr kind of irony,  Hamlet and the crystal skull.

Orientalism as described by Saïd is an ideological discourse which gets his strength from the fact that it’s supposed to describe the reality, the truth, of the Orient it invents. Boardgames, like French comics such as Asterix, or Iznogoud if you want something “orientalist”, are not scholarly works. They don’t have the slightest aim or pretense at “truth”. Klaus Teuber, the designer of Catan, didn’t want to tell us that the New World was empty when Europeans arrived there, and no gamer ever thought it was so. I know quite well that there are not daily elephant races in Indian cities – well, may-be there are some here or there, I didn’t even check because in Formula E, I tried to be true to the cliché, not to the reality. In a way, exoticism in boardgames, like in comics, is always more or less ironical – though may-be we should sometimes make this more obvious.

Occidentalism

There is also, especially in China and Japan, two countries which have never been entirely colonized, an “occientalist” tradition. Japanese occidentalism can be seen, for example, in some of Miyazaki’s movies, or even just in a character like Super Mario. Japanese game designers and publishers are now becoming global, with Korean and Chinese ones soon following suit. As a result, the first “occidentalist” boardgames are hitting what is now a global market. They usually have tall blue eyed Europeans with wild hairstyles. I have worked, for a US publisher, on the new edition of a japanese game, Greedy Kingdoms, by Hayato Kisaragi. Interestingly, the publisher decided to keep the original art, and even to order new art from the same Japanese studio. The result is definitely « occidentalist », the setting being western Middle-Ages as imagined and drawn in Japan. Seen from Europe, it is cute and fun, with a mix of buildings and costumes from very different periods (and hairstyles from none at all), and even a courtesan who looks like a cheerleader.

   
Two examples of Japanese exotiscism. Lost Legacy – Hundred years wars, is pure Occidentalism. It has a yellow haired medieval knight next to a hobbit like character with a wizard’s hat and the statue of a siren. 
In China, the archetypal exotic Europe is Italy. In Japan, there can be some confusion between Italy and Germany.

 

Venice is convenient – it’s exotic for everyone !

Colonizing the past

There is an obvious and apparently valid point against most of what I’ve said so far – there are many games about the timeless Orient, but there are even more about some specific periods of western history, like ancient Rome or the Middle Ages.

A few versions of Carcassonne,
differently exotic.
It sold as well as Catan.

Two versions of the very same game. The first edition, Traders of Carthage, used the setting chosen by the Japanese designer.
When the game needed a reptint, the US publisher decided to move it to Japan. Two equivalent and reciprocal kinds of exoticism.
Same story : two successive versions of the same game. The King of Siam became King of England.

 The fantasy idea we have of some historical periods is not very different from the fantasy idea we have, or had, of other parts of the world. Far away times are like far away places – naive, simple, vaguely perverse and, of course, backwards. Orientalism and history, or at least history as it was invented in the XIXth century, were very similar fields of study, inspired by romanticism, and characterized both by a fascination for the alien and a necessity to objectivize it in order to construct it as a field of study, and to assert western, or modern, superiority. In France, as in many European countries, history and geography are still taught together in school, by the same teachers, as if past and foreign were interchangeable. The XIXth century painters singled out by Saïd for their orientalism, such as Gérôme and Géricault, were also much fond of mythological and historical settings. In 1904, Victor Segalen started his reflections on exoticism by noting that there is a parallel  between far away in space, exoticism, and far away in time, which he called historicism. Since this word now has a different meaning, let’s talk of “historical exoticism”.

Pompei, Carcassonne, Florence.
The place gives the time.

While plain orientalism as described by Said is probably receding, or at least is dissected and discussed in universities, historical exoticism is still strong, mostly because there can be no « post-medievalist » or « post antiquist » backlash like there was a postcolonial one. Ancient Greeks and Romans were objectified, simplified, caricatured and analyzed, all for our amusement and comfort, but they haven’t been actually colonized, and cannot strike back at our present. I sometimes wish they could, it could be fun – like in Gore Vidal’s great novel Live from Golgotha.

It also works with American history.

As a historian, I’m always wary of the easy explanation for everything past and strange – « in these times, people didn’t think like we do ». May be « in these times » sounds a bit too much like « East of Suez » in Rudyard Kipling’s famous formula – « East of Suez, best is worst and worst is best ». In Blaise Pascal’s XVIIth century, crossing the Pyrenees was enough for Blaise Pascal.

So the real issue is not orientalism, but exoticism as a whole, in geography and history,  and why it is so prevalent in boardgames, much more than in books or movies, much more than in video games, and so insistently unsubtle. The setting of a novel is a complex world that has to be built or, more often, studied by the author. It can be false, it can be a caricature, but it needs some depth. For the game designer, India or China, Middle Ages or Antiquity, are not geographical places or historical times, they are just topoi, sets of standard references, which must not be more sophisticated than those mastered by the player. The game designer, like the painter, cannot enliven his work by complex and subtle storytelling, and must do it only by winks and nods – a camel here, a helmet there. As a result, he makes heavy use of orientalist, « medievalist » or « antiquist » clichés.

This can be conscious, even deliberate, as it was for me when I designed Valley of the Mammoths, or Mystery of the Abbey. Valley of the Mammoths is just a collection of bad clichés about prehistoric times. It’s assumed, it’s second degree, but what is interesting is that I probably could not have designed a « serious » game about prehistory. I didn’t have the necessary historical knowledge, and if I had had it (had had ? sounds strange? Is it correct ?), the game would have had much more complex rules, would have been less fun to play, and removing the irony might have made it in the end more racist against Neanderthalians. Anyway, racial prejudice against Neanderthalians is not a pressing political issue, except in Jasper Fforde’s novels.

The cover of the first edition of Valley of the Mammoths was plain exoticism

Simplifying and objectifying the past has obviously fewer social and historical consequences than simplifying, objectifying and even colonizing the rest of the world, but it’s part of the same frame of mind. Orientalism and historical exoticism belong to the same intellectual discourse, and I find the prevalence of this discourse in games – even when it’s more and more often in a distanced and more or less ironic way – impressive, and a bit unsettling.

If I were someday to write the scenario for a TV series, it would probably be about inventing time-travel and colonizing the past, about sending British governors, German hippies and American missionaries in Ancient Egypt or in prehistoric times. Well, I don’t know any one in the TV series business, but may be I can make a game about it. Of course, a game full of clichés about British, German and Americans, because that’s what make games fun.

Why pirates and vikings ?

And then there are Pirates. Pirates have everything. They have adventure, deep blue seas, sunny beaches and palm trees. And, guess what, they are mostly white bearded males in their thirty or forty, the core-market for boardgames, with only the occasional black look-out or sexy adventuress. Pirates of the Caribbean – not those of the Channel, of course – are like a part of the fantasy history of Europe that happens to take place in a sunny and exotic – if not oriental – setting. No wonder they have been from the very beginning of modern boardgames, the most overexploited setting.

White bearded males in exotic settings. The pirates on Libertalia’s cover are the perfect image of the average gamers. 

Vikings are almost as good, and popular as well, but they lack the sun to etch their faces. On the other hand, some gaming groups, including mine, prefer beer over rhum.

Heroic and medieval fantasy

Most of my examples come from “eurogames”, a style of games which originated in Europe and became really popular in the rest of the world more recently. Games designed in the US have more often fantasy settings, and especially what is called “heroic fantasy”, which is basically middle-ages with some magic and exotic races. Elves, dwarves and orcs can also be seen as way to simultaneously essentialize and try to diffuse racial stereotypes as seen in US culture. They convey the idea that race is something real, something natural. This idea is much more common in the US than in Europe, including among some anti-racist groups, and I think it is plain wrong and extremely dangerous.

Elves, goblins, orcs, dwarves giants and trolls or orcs – and sometimes alien species – are a way to objectivize race, to make it an essence, an irreductible category, and not what it really is, a social construct and a stupid idea, if not a very bad joke. Those who think, and I’ve read this written very seriously by well intended people on an American boardgame forum, that cuter trolls, dark-skinned elves and more respect for orcish culture will help fight racism are therefore completely missing the point, if not fostering the problem.

Three interesting “fantasy race wars” games.  Ethnos’ title is food for thought and shows that the designer is conscious of the meaning of his universe, while Small World takes the idea with a grain of salt and mocks the categories it makes use of. Trollland is a deliberately political game mocking both European immigration policies and fantasy settings.

Paradoxically, while on most US campuses “essentialist” has become an insult, the dominant discourse about culture, about race, and to a lesser extent about gender, is more essentialist than it has ever been. Social constructivism, whose base premises were right, has become a trick allowing one to claim existentialism with all the practical effects of essentialism.
This underpins all the excessively racialized fantasy worlds of american fantasy litterature, role playing games, and often boardgames. Small World, Ethnos and Trollland, each in a different way, stand back and take an ironic look at these clichés. It is not very susprizing that all three have European designers.

I’ve always felt more uneasy with pirates games, or with heroic fantasy games full of disturbing and exotic races, than with good old exotic settings. Their innuendos are more subtle, and more serious, than the traditional exoticism which is too visible to be taken seriously and to be really problematic.

The next step in the defusing, or at least in the euphemization, of the strong “american style” racial identities is to make use of anthropomorphic animals. That’s why complex games, clearly targeted at adult players, have more and more often characters which look out of children books. The essentialization of these humans disguised as animals is easy, immediate, and doesn’t feel as problematic. It might actually be a good thing if it emphasizes the ambiguities of traditional fantasy worlds, and especially medieval fantasy.

Two recent and ambitious games with a fantasy medieval-animal setting, a clever way not to rely on fantasy races. 

Indians in Gaul and Germany

Americans visiting Europe are often surprised by the importance of American Indians, and specifically Plain Indians, in our collective imagination. This is especially true in France and Germany, which happens to be also the countries were most European boardgames are designed and published. I have designed two games with a Plains Indians theme, Tomahawk and Waka Tanka, and there are also cute bright red Indian meeples in Pony Express, and a sexy squaw in Boomtown – though her long legs are hidden in the US version of the game.

The image we have of Plain Indians is definitely exotic, but what makes it different from the US one is that it has more to do with historical exoticism than with orientalism, and this especially if, as Saïd wrote, orientalism emphasizes on otherness. Our imaginary Indians were designed as similar to us, not as other.

Most Europeans don’t really know, or forget easily, that there are still Native American people and living native American cultures – for us, American Indians are historical figures, not contemporary ones. More important, in France and in Germany, Plains Indians as described in the late XVIIIth and XIXth century were used as the metaphoric basis when inventing a fantasized history of our origins, before the Roman conquest. The mythical Gallic village of old history books, and of comics like Asterix as well, with its chief and its druid, is directly copied from the almost as mythical Indian village, with its chief and sorcerer. Dolmens are totems, wild boars are bisons. French have Asterix, Germans have Winnetou. When playing Indians and Cow-boys, something they still do, French or German kids identify more often and more easily with Indians than with Cow-Boys. This means that gently mocking this image is also, in a way, a bit like mocking our own German or Gallic ancestors, something everybody does, but never in a really bad way. This might be different in Britain, where Agricola is as much the English hero as Boudicca.

Laziness and efficiency

This whole article is still half a joke. I took Edward Saïd’s orientalism paradigm, originally applied to XIXth century novels and paintings about the Near and Middle-East, and copy-pasted it on contemporary boardgames about other parts of the world – but it’s not that different from what Said himself was starting to do in Culture and Imperialism. Then I brought it to Mars and Venus, following a hint given by Victor Segalen in 1908, in his Essay on exoticism. Last, I brought it to the past, which won’t be colonized until we design a time-travel machine. It can’t be surprising that things don’t always fit perfectly, as we have seen in some details with two examples, Japan and American Indians – I still have to design a Japanese themed game.

Nevertheless, the recurrence of exotic settings in board and card games can be unsettling. Understanding why we use such settings, and why they can be unsettling, is necessary, but I don’t intend to condemn it and I don’t think we, game designers, should stop making boardgames that caricature the Orient or Ancient Greece, no more than we should stop making games that caricature barnyard or jungle. I know for sure I will keep on doing it because it’s easy, it’s simple, it’s fun and, most of all, it probably makes better games. When it comes to game design, being lazy is usually being efficient.

It makes better games because the setting of a game doesn’t have the same function as the setting and theme of a novel or movie. When reading a novel or an essay, or watching a movie or theater piece, one does spend most intellectual energy in understanding what is told in the book or movie, and tries to get all the subtleties of it. When playing a game, most of the player’s energy is spent in trying to use the rules, the game systems, in order to win. The thematic setting of the game must not detract from “the game itself”, meaning from aiming at victory. It might even be, like in a math water tap problem, just a tool used to make the rules clearer.

The setting must therefore be extremely simple, and must be known by the players before the game even starts. In good novels and movies, the storyline is used to explain the meaning of a complex theme. In good games, the light theme is here to help the players create the story. A game’s setting must be very simple, very light, and works best when it uses connections already known by the players, not when it tries to reveal hidden ones. Pop culture settings, such as science fiction or heroic fantasy, are great for this, but are not mastered by everyone. Plain exotic settings, be they historical or geographical, are  better, because they are understood by more people. Furthermore, boardgames are often played by adults and children together, and therefore require “childish” settings and imagery, and of a kind that is known by two or even three generations. That’s why simplistic exotic settings, be they oriental, historical or fantasy come naturally to me, and that’s why I’ll keep on using them, though I’ll probably be more careful now to use more or less systematically irony to defuse the issues that I highlighted in this article. And yes, I know, irony can be missed, but it’s so fun when it isn’t that it’s worth taking some risks.

The caveat historical introduction to the rules of Mombasa is certainly clumsy. The first sentences are heavily didactical and the last one sounds like “no animals were harmed in the making of this movie”. Anyway, that’s probably the way to go, but with some more humor and subtlety.t de subtilité.

The issue might be different if I were writing RPGs, which require a deeper and more subtle setting and are more akin to literature, but it’s not even sure, or if I were working in the video games industry. I remember playing some really good and fun larps full of bad clichés, often about about Victorian England. These were, however, clearly ironic, and there are also very good larps and rpg dealing with historical topics in a more serious way – I’m just not very excited in playing them.

The video and boardgame industries are in many ways very similar, and many boardgame designers also work on video games. Surprisingly, orientalism, at least like I’ve described it here, is far less present in video games, the old Prince of Persia being the only example that jumps to mind (though the FPS games in Middle-East settings are another kind, probably far more problematic, of Orientalism). Historical exoticism also seems to be less prevalent. The depth and complexity required by massive multiplayer games and persistent worlds makes it impossible to use simplistic universes, and is much easier to deal with in fantasy. These complex games are also more and more devised by large teams involving designers in Europe and in the USA, but also in Japan and, more and more, in Korea, China or India. But this is also true of lighter games, may be because the video game industry is bigger and more globalized, both with gamers and designers. Of course, this makes for less problematic settings, but also for blander and, at first sight, less thought provoking ones. One can easily get bored of space travel, dragons, zombies and colored candies. But except may be for colored candies, fantasy settings are also a kind of exoticism, and in the end raise similar issues.

If you enjoyed this short essay, you might also read the blogpost I wrote about a related topic, the issues we encountered in the US with the iconography of some of my games.

Bibliography :
Francesco Adinolfi, Mondo Exotica, 2008
Eric Hobsbawm & Terence Ranger, The Invention of Tradition, 1983
Linda Hutcheon, Irony’s Edge : The Theory and Politics of Irony, 1994
Iwabuchi Koichi, Complicit Exoticism: Japan and its Other, 1994
O Young Lee, The Compact Culture, the Japanese Tradition of Smaller is Better, 1984

André Malraux, La Tentation de l’Occident (The Temptation of the West), 1926
Salman Rushdie, Imaginary Homelands, 1991
Edward Saïd, Orientalism, 1978

Edward Saïd, Culture and Imperialism, 1993
Victor Segalen, Essai sur l’exotisme (An Essay on Exoticism), 1904-1918
Yoko Tawada, Three Lessons on Poetry, 2012

Daniel Martin Varisco, Reading Orientalism, Saïd and the Unsaid, 2007
Ibn Warraq, Defending the West, a Critique of Edward Said’s Orientalism, 2007