Jeu et éducation
Games and education

Ce texte sera publié dans les actes du colloque “Jouer ou Apprendre ?”, qui s’est tenu au mois de mai à Chamonix. Mon intervention ayant été improvisée à partir de notes succinctes, ce texte en est une reconstruction a posteriori, qui s’éloigne sans doute parfois de ce qui a été effectivement dit – ou de ce que d’autres s’en rappellent. Je m’en excuse par avance.

Historien, professeur d’économie et de sociologie en lycée, je suis aussi auteur de nombreux jeux de société, mais j’ai toujours pris grand soin de maintenir entre ces deux activités une frontière relativement étanche, de garder deux casquettes.
Mes élèves savent que je suis joueur, et auteur de jeux. Dans mes cours d’économie, je cite souvent comme exemple le marché du jeu, et les éditeurs de jeux de société, que je connais bien. Ils sont de bonnes illustrations des problèmes de saisonnalité, des calculs de coûts de production, des réflexions sur l’externalisation.
Je suis convaincu que l’histoire du jeu, encore très marginale, pourrait être plus développée – mes premiers travaux universitaires traitaient d’ailleurs de l’évolution des règles du jeu d’échecs, et – ce qui était encore plus amusant – des théories sur l’origine de ce jeu, au Moyen-Âge et à la Renaissance.
Le jeu est aussi un thème intéressant, souvent abordé bien qu’il ne soit pas en tant que tel dans les programmes, dans l’enseignement de la philosophie. Pascal, dont je reparlerai, passe très bien dans les classes de terminale.
Les enseignants de mathématique abordent certes ce qu’ils appellent la théorie des jeux, mais c’est en fait la théorie des choix, des décisions, de beaucoup  de choses qui sont loin d’être toujours des jeux.

Le jeu a bonne presse aujourd’hui, en particulier dans l’éducation. Les «serious games» – un pléonasme déguisé en oxymore car le jeu est toujours pratiqué avec sérieux – sont de tous les doctes stages pédagogiques, même si – heureusement peut-être – bien peu d’enseignants ont vraiment les moyens de les utiliser.

Si le jeu comme thème ne me pose aucun problème, le jeu comme outil d’enseignement au lycée me semble en effet plus problématique. Mon point de vue serait sans doute différent si j’enseignais dans le primaire, où le jeu peut faire gagner du temps, ou à l’université, où des savoirs plus pointus, plus formalisés et mieux maîtrisés peuvent rendre le jeu plus utile. Le jeu pédagogique me pose problème pour trois raisons. D’abord, il remet en cause la nature même du jeu, qui doit rester un divertissement. Ensuite, il tend à renforcer la tendance au formalisme de l’enseignement actuel, en particulier en France. Enfin, il implique une telle perte de temps qu’il peut remettre en cause la fonction essentielle de l’enseignement, apprendre à penser, à comprendre, à réfléchir, à prendre du recul.

1) Le jeu comme divertissement pascalien

Le jeu comme divertissement (Pascal) comme anxiolytique de plus en plus nécessaire dans une société de plus en plus complexe (Durkheim), doit pour remplir son rôle rester vain, rester à l’écart du monde réel.
Si je suis joueur, c’est parce que je me pose des questions à côté du jeu, des questions sur le monde, le reste du temps. J’ai donc besoin d’une frontière claire entre ce qui relève du jeu et ce qui relève du monde réel – qui n’est pas seulement le travail. Je crois que nous avons tous besoin de cette limite.
Les élèves sont bien conscients de cette distinction, et se méfient avec raison des jeux pédagogiques. Quand on leur dit “on va jouer pour apprendre”, ils sentent l’arnaque. Ils savent bien qu’on leur dit qu’on va jouer, mais qu’en fait on est toujours là pour apprendre, pour travailler, que ce n’est pas du jeu. Ils ont donc une réaction de rejet face à ce qu’ils perçoivent – largement à raison – comme une tricherie.

Le jeu pédagogique dévalorise l’enseignement – on a honte d’enseigner, il faut déguiser l’enseignement en jeu – et dévalorise également le jeu – qui n’est plus qu’un vague modèle à l’honnêteté douteuse.

2) La stratégie contre la critique

Les partisans de l’utilisation systématique des jeux dans l’enseignement insistent sur le fait qu’ils forment à la réflexion stratégique et analytique. C’est une évidence, non seulement pour les jeux de stratégie, mais aussi pour la plupart des jeux de société modernes qui appartiennent à ce que l’on appelait autrefois les jeux «de hasard raisonné», c’est à dire calculable, analysable. Et c’est peut-être cela le problème.
Les jeux qu’il est possible de mettre en place pour enseigner l’économie ou la sociologie sont le plus souvent inspirés de modèles théoriques, abstraits, presque mathématiques, donc d’une vision très spécifique, et rarement neutre, des réalités sociales. On sait pourtant que ces modèles ont fait des dégâts considérables, car on a souvent essayé de plier la réalité pour la conformer au modèle, ce qui est l’exact inverse de la démarche scientifique des physiciens et mathématiciens.

La tendance actuelle dans l’enseignement est à favoriser la transmission des connaissances et la réflexion analytique, en évacuant systématiquement les dimensions humaines et sociales, et tout ce qui pourrait ressembler à un débat critique ou une question existentielle.
L’importance excessive donnée aux enseignements scientifiques, et le caractère de plus en plus technique et de moins en moins théorique des programmes de mathématique, les évolutions de l’enseignement de la littérature, réduit de plus en plus à un dépeçage grammatical et rhétorique de textes dont le fond et le contexte n’importent plus, les lamentables nouveaux programmes et nouvelles épreuves de sciences économiques et sociales, qui évacuent tout débat et présentent économie et sociologie sous un angle purement technique, en sont d’édifiantes illustrations. Or c’est précisément le même objectif que vise le jeu pédagogique – formaliser à l’extrême les contenus, réduire la réalité à des systèmes clos, et inviter à appliquer des règles et des mécanismes sans s’interroger ni sur leur pertinence ni sur leur raison d’être. Pour se reposer d’un monde complexe et angoissant, pour se divertir, c’est très bien. Pour transmettre des connaissances et des expériences sur le monde réel, cela peut être dramatique.

Un minimum d’organisation et de rigueur est sans doute nécessaire à l’efficacité de l’enseignement. J’accepte que l’on ait des salles numérotées, des classes numérotées, que l’on fasse l’appel, que la cloche sonne à heure fixe, même si j’ai parfois l’impression d’être dans une caserne ou un couvent plus que dans une école. J’accepte que l’on ait des devoirs, des examens, des notes – tout un attirail formel directement inspiré du jeu. J’accepte tout cela, avec quelques regrets, parce que je sais qu’il serait difficile de fonctionner autrement – surtout «à moyens constants» ;-). Je ne pense pas qu’il soit souhaitable d’aller plus loin.

L’école doit permettre aux élèves de prendre les connaissances, de s’en saisir et d’en faire ce qu’ils veulent et ce qu’ils peuvent. C’est ce que permet la discussion, le débat, et surtout la recherche et la réflexion personnelles, qui restent possibles dans un cours relativement informel. Cela devient plus difficile quand les cours doivent suivre des powerpoint soigneusement préparés, qui aident certes le professeur à apporter efficacement les contenus mais le brident quand il faut s’en éloigner.
Cela devient impossible quand l’enseignement se fait par un jeu dont, par définition – parce que c’est l’essence même du jeu – on ne peut sortir. À la limite, des jeux de société très simples, ou des jeux de communication permettant d’expliquer un mécanisme peuvent être utiles, s’ils sont suivis d’une critique, d’un commentaire de ces mécanismes. Les jeux plus complexes, et notamment les «serious games» informatiques qui demandent un investissement fort et durable du joueur, et s’efforcent de dissimuler leurs mécanismes, de ne pas révéler leurs règles, non seulement n’aident pas à comprendre le monde mais contribuent à en donner une image systématique et biaisée.

Si le jeu n’est généralement pas un bon outil pédagogique, les techniques de “game design” peuvent en revanche en être un. Concevoir un jeu, construire le modèle, amène en effet à réfléchir sur les contenus. Un parallèle intéressant peut être fait avec l’enseignement de la littérature. Aux États-Unis, l’accent est mis sur le “creative writing”, qui a presque disparu de l’enseignement littéraire français, devenu pour partie académique (grands classiques), pour partie ludique (chasse aux figures de rhétorique). Le système américain, à la fois plus amusant et moins ludique, s’avère bien plus efficace, y compris pour apprendre à apprécier les classiques.

3) Perte de temps et d’efficacité

Mettre en place, concevoir un jeu demande énormément de temps et de travail. Les programmes de lycée s’alourdissent – en partie parce que l’on ne veut pas qu’il soit possible d’approfondir, en partie parce que l’on ne veut pas que les professeurs – et surtout les élèves – aient le temps de réfléchir à la pertinence des enseignements.
Le jeu aggrave cela, en ajoutant au temps nécessaire à l’apprentissage des contenus celui requis par l’apprentissage et l’utilisation des règles.

Le système scolaire français, en particulier au lycée, n’encourage pas l’autonomie des élèves. Les outils informatiques, et en particulier internet, sont fabuleux pour cela quand les élèves se les approprient, les utilisent chacun à sa façon pour de la recherche, ou simplement de la découverte. Les TPE (travaux personnels encadrés) en lycée, l’une des rares innovations pédagogiques intelligentes et réussies de ces dernières années, permettent cela, mais restent trop marginaux. L’autonomie permise par le jeu est à l’inverse ne fausse autonomie, une autonomie encadrée, une liberté régulée, une arnaque. À la limite, l’enseignement a plus besoin de jouets, et l’ordinateur en est un, que de jeux.

Conclusion

Enseignement plus ludique, oui, si cela veut dire enseignement plus désordonné, plus ouvert, plus improvisé, plus pluraliste – mais c’est le contraire du jeu, c’est la dérégulation, la responsabilisation des élèves dans le monde réel.
Enseignement plus ludique, non, si cela veut dire ajouter encore des règles arbitraires, des modèles abstraits, des systèmes de scores à un système qui souffre déjà d’un formalisme excessif.

L’adjectif ludique veut dire une chose et son contraire – qui impose des règles et relève du jeu et de l’ordre, qui affranchit des règles et relève de la fête et du désordre. Je pense que l’enseignement aujourd’hui souffre d’un excès de règles, et qu’il a grand besoin d’un peu de désordre.

Mes jeux visent à divertir, pas à enseigner. Il se trouve que l’on peut y calculer (Diamant), y collaborer (Novembre Rouge), ou même y mentir (Mascarade), mais ils ne cherchent pas à enseigner le calcul, la coopération ou le mensonge – ils ne veulent que divertir. La seule exception est sans doute Terra, le seul de mes jeux qui ait clairement une vocation pédagogique (et politique). C’était pour la bonne cause, le développement durable, tout ça, je ne pouvais pas refuser. C’est le jeu qui m’a valu le plus d’invitations à faire des conférences ou à parler du jeu, ce n’est pas celui qui s’est le mieux vendu, et je ne pense pas que ç’ait été le plus utile.


This text will be published in the acts of the symposium on “Gaming or Learning” which took place in Chamonix, last May. My speech was mostly improvised, based on short and succinct notes. This text is therefore a reconstruction written a few weeks later. I apologize if it differs here or there from what I have effectively said, or from what other people might remember.

I have a PhD in history and teach social sciences in a French high school, and I am also a prolific boardgame designer, but so far I always managed to keep these two activities apart.
My students know quite well that I am a gamer and a game designer. When teaching economics, i often use as examples the boardgame market and the boardgame publishers, which I know quite well. They are good examples to explain the business cycles and seasonality, the production costs issues, and the outsourcing debate.

I’m convinced that the history of games, and of gaming, which is so far almost non-existent in academic studies, could be much more developed. My masters dissertation dealt with the way the rules of chess and, which was more fun, the theories about its origins evolved in the Middle-Ages and the Renaissance.
Game and play are also an interesting topic for philosophy lectures – a specificity of French High schools. Game in itself is not part of the programs, but Blaise Pascal, whom we will meet again later, is one of the authors most regularly studied.
Math teachers are theoretically the only ones to tell specifically about games, but their so called game theory is badly named because it tells of all kinds of strategic decisions, and not specifically of games.  

 Games are very popular among education theorists and bureaucrats. The so-called “serious games” (a pleonasm disguised as an oxymoron, since every game has to be played seriously) are discussed at length in all kinds of boring pedagogic meetings, even when very few of the teachers attending have the technical means to use them in their class – well, may be it’s better so.

Games as an academic topic is not a problem, and should be encouraged. Games as an educational tool are more problematic. I might have a different point of view if I were teaching younger children, with whom games can help save time, or at the university, where a deeper, better mastered and more formalized knowledge can more honestly be implemented in a game.
I have three main issues with educational games. First, it questions the very essence of gaming, which must be a diversion from real life. Second, it accentuates the actual trend to excessive formalism in school curricula and technics, especially strong in France. Third, it takes so much time that it challenges what ought to be the main goal of education, teaching to think, to understand, to question and to discuss everything.

1) Game as a diversion

Games are foremost a diversion from the real world, and for this reason a powerful anxiolytic (Pascal), something which becomes more and more necessary when the society becomes more and more complex and intricate (Durkheim). Games can fulfill these basic social function only if they are pointless, disconnected from the real world.
I’m a gamer because, in the rest of my life (when I’m not playing), i ask myself questions about the real world. I need a clear boundary between what is real and what is not, what is pointless and what is not, what is game and what is reality – and reality is not only work. I think we all need this boundary.
Students are highly conscious of this difference, and are wary of educational games. When a teacher says that they will play to learn, they know perfectly well it’s a scam, and react accordingly. They know that the real objective is still to work and learn, that it’s not really a game but just a means, and they take the teachers and the school for what they are – cheaters.

Educational games discredit education – it feels like teaching is shameful and has to de disguised as a game. They also discredit games, which become just vague and dishonest mathematical systems or social engineering tools.

2) Strategic or critical analysis

The core argument of the supporters of systematically using games in education is that games effectively teach strategic and analytical thinking. This is obviously true, not only of the so-called strategy games, but also of most modern board games, who belong to a category which was called in old French – I don’t know if there’s a similar expression in English – games of “reckonable randomness”. But this might also be the problem.
Games that can be used to teach economics or sociology are usually based on abstract, almost mathematical, models and therefore on a very specific, and usually very oriented, conception of the social world. Both in economics and sociology, mathematical models have already done much harm, especially when politicians try to adapt the reality to their theoretical model, when well-thought scientific process is the exact opposite.
The actual trend in French school curricula and teaching methods is to focus both on transmitting first basic and then encyclopedic knowledge, and on strategic and then analytical analysis, while carefully removing or hiding anything that could look like an open question or a possible debate.

The growing emphasis is on hard science, mostly mathematics, and the new maths curricula have much more technics and less theory. The way we teach French literature has become a stupid game of looking for grammatical forms and figures of rhetoric, never caring what the text is really about – and don’t even think of social or historical context. The new programs in Sociology and Economics, which I’m supposed to teach, are designed to avoid anything that could lead to discussion, and describe economics and sociology as abstract, almost scientific, technics and systems. Educational games do the same, they lead to excessive formalization, they describe reality as a closed system, and they teach to apply rules and mechanisms without ever discussing their accuracy or their social function. It’s OK when it’s just a game, just a few hours of diversion from a complex and anguishing real world.  It’s terrible if it’s supposed to describe the real world and teach some knowledge of it.

Some structure and rigor is necessary in education. I can do with numbered rooms, numbered student groups, roll calls, bell ringing every hour, even when it sometimes feel more like barrack or monastery than school. I can do with tests, exams and scores, which are scoring systems directly inspired by games. I can do with all this because I know it would be hard to work otherwise – especially with no more funds. I can do with all this, but I don’t think we need more.

School is a place where students ought to learn stuff, make it their and do what they want and can with it. It’s possible with discussion, research, debate, personal thinking, all things which are easy in the relatively casual setting of traditional lectures. It becomes difficult when lectures have to follow incredibly detailed programs or carefully prepared powerpoints, which can only help the teacher transmit predefinite knowledge, but prevent him from doing anything else.
This becomes almost impossible when teaching is made through a game from which – that’s the very essence of a game – it’s impossible to get out. Very simple boardgames or communication games allowing to explain a simple mechanism can be useful if the game is followed by some comments on its mechanisms and the underlying ideology. More complex games, and especially computerized “serious games” which often require a deep and long term investment by the player and try to hide their rules for more “realism” don’t help to understand the real world, and often even give of it a systematic and often dishonest image. If you want students to think out of the box, better not shut them into a box.

If games are rarely a good educative tool, game design can be. Designing a game requires to build the mathematical model behind it, and therefore to think of what theories are embedded in the model. We can build an interesting parallel with the teaching of writing and literature. In the US, the focus is on creative writing, something which has almost disappeared from French schools, replaced by an indigestible mix or rhetorics and old French classics, of pointless grammatical games and boring academics. The US system is certainly more efficient – even for learning to read and apperciate classics..

3) Loss of time and efficiency

Designing and finalizing a game, especially one with some educational pretense, requires much time. The school curricula are becoming every year longer and heavier – in part because governments don’t want teachers, and worst of all students, to have enough free time to think by themselves and discuss one with another the stuff they are learning. Games make things even worse, because the time to learn the rules is taken from the time to learn the curricula.

The French school system, especially at high school level, rarely fosters autonomy. Computers are a great thing in school because, once the students master them – and they usually do already -, they can use them in different ways, research, exploration or more traditional written work. A student using a computer has some real autonomy, a student playing a game doesn’t, because he is far too enclosed in a very narrow frame by very precise rules. Schools need more toys – the computer is one – not more games.

Conclusion

We need a more playful school, not a more gamey one. Education would be better, more efficient, if it were more open-minded, pluralistic, chaotic, improvised – exactly the opposite of what structured games can – and probably will – provide. We need a school that makes students more conscious and responsible in the real world, not better at strategic thinking. School need less rules and less test scores, not more.

My games are designed to divert, to bring fun or intellectual challenge, but not to teach anything. Of course, one can learn some maths, especially divisions and prime numbers, playing Incan Gold, one can learn collaboration and the danger of alcohol playing Red November, one can learn to lie playing Mascarade, but that’s not the point, that’s not the goal of the game.

Terra is the only exception, the only deliberately pedagogic (and political) game I ever designed. It was for a good cause, sustainable development and all that stuff, so I could hardly decline to do it. It’s the game that granted me the most invitations to symposiums and conferences – but it didn’t sell that good, and I don’t think it was the most useful.

La Patate d’Or
The Golden Potato

Au festival Paris est Ludique, J’ai reçu hier des mains de Martin Vidberg, qui l’a confectionnée avec amour, la première patate d’or du jeu de société, censée récompenser chaque année une personnalité du petit monde ludique pour l’ensemble de son œuvre.

Bien sûr, je suis content, mais je m’inquiète aussi un peu. En général, lorsque quelqu’un est ainsi primé pour l’ensemble de son œuvre, c’est qu’il est assez vieux pour que son œuvre soit derrière lui – c’est même parfois un moyen de le lui faire comprendre!

Dans l’immédiat, j’ai pourtant encore quelques jeux à sortir chez divers éditeurs dans les mois qui viennent, et il se pourrait même que je continue à en concevoir. Je tiens même Speed Dating et Mascarade, mes deux derniers jeux publiés, pour les meilleurs que j’aie jamais fait. Si je prends un de ces jours ma retraite ludique, ce sera par envie de passer à autre chose!

patate

At the Paris est Ludique game fair, i received yesterday from Martin Vidberg, who has designed it, the first “golden potato”. This new award is supposed to be given every year to a personality of the boardgame world – not necessarily a game designer – as an acknowledgment of all his work. I’m glad I got it, but it also feels a bit scary. When someone gets an award for his whole work, it usually means this work is considered over. It can even be a way to have him understant and accept it!

Well. At the moment, I still have half a dozen games in the pipe for the coming months, and I might even design a few more. I even think my two last published ones, Speed Dating and Mascarade, are the best ones I did so far. If I retire from the gaming world one of these days, it will be only to start something else.

Les personnages dans Mascarade
Characters in Mascarade

coverimage-800

Petits jeux et fortes personnalités

De tous mes jeux, Citadelles est, de très loin, celui qui s’est le mieux vendu. Lorsque l’on me demande de le décrire, je commence toujours en expliquant qu’au centre du jeu sont les cartes personnages et que tout le reste, les bâtiments, les pièces, la construction d’une cité, n’est qu’un prétexte. Une carte personnage, pourtant, ce n’est rien d’autre qu’une carte action, mais cela ajoute un petit côté jeu de rôles à des jeux de cartes qui, sinon, seraient parfois un peu trop froids et trop allemands. C’est un truc que j’aime bien et que j’ai très souvent utilisé, dans des jeux aussi différents que Citadelles, Castel, Aux Pierres du Dragon, Mission Planète Rouge, Lost Temple et, une fois encore, Mascarade.

Quatorze cartes personnages, donc, des héros classiques des univers médiévaux comme le Roi, la Reine ou la Sorcière, d’autres un peu plus originaux comme les Paysans, le Fou ou l’Inquisiteur – rien de très original côté thème, et ni moi ni, je crois, l’éditeur n’en ont jamais sérieusement envisagé d’autre. Des testeurs m’ont fait remarquer, avec raison, que l’univers de la mafia aurait également parfaitement convenu au jeu, avec peut-être même un peu plus de cohérence puisque le but est d’amasser de l’argent. Le Moyen-âge un peu fantastique me fait cependant plus rêver, et, même sans recours abusif à la magie, se prête plus aisément à des effets variés et un peu farfelus.

roi

Des personnages, un par joueur, et… Rien d’autre, ou presque. Mascarade se joue avec une carte et une seule par joueur, même si il arrive que les joueurs échangent, ou fassent mine d’échanger, leur carte sous la table – mais ce n’est pas pour autant un autre clone des Loups Garous de Thiercelieux. Bref, un jeu de cartes médiéval, psychologique et minimaliste, un peu dans l’esprit de Citadelles. Mascarade fait aussi un peu penser à  Hoax, Oriente, Love Letter et Coup, auquel il devrait bientôt falloir ajouter le Concile de Vérone,  qui sont aussi des jeux de bluff avec une ou deux cartes personnage par joueur et dans lesquels on essaie de deviner qui sont ses adversaires – Mascarade est le seul où l’on doive aussi parfois deviner qui l’on est. À l’exception du déjà ancien Hoax, qui n’a pas été une inspiration consciente de Mascarade, et du plus complexe Oriente, tous ces jeux ont été conçus et publiés plus ou moins simultanément – l’idée était dans l’air.

veuve

Plus on est de fous, plus on rit

Des quatorze cartes personnages de la boite de Mascarade, les toutes premières versions du jeu ne connaissaient que six – le Roi, la Reine, l’Espion (qui n’était pas encore une espionne), le Voleur, l’Évêque et le Juge. S’y ajoutaient, pour jouer jusqu’à dix joueurs, des paysans sans aucun pouvoir, obligeant les joueurs à bluffer. C’est Bruno Cathala, après avoir joué au prototype à Cannes, qui suggéra le premier renfort, la Sorcière. Après que j’avais signé pour l’édition du jeu avec par Repos Prod, les belges firent tourner le jeu et décidèrent qu’il fallait douze personnages différents pour pouvoir jouer jusqu’à douze. S’ensuivirent de nombreux échanges de mails, et une quinzaine d’idées de part et d’autre, dont la moitié environ s’avérèrent trop complexes ou trop puissantes. Au bout du compte, il nous restait bien douze personnages mais, les paysans allant par deux, cela permet de faire jouer treize joueurs. L’Usurpateur et le Maudit, un peu complexes et donc réservés aux joueurs connaissant déjà assez bien Mascarade, ont été gardés en réserve pour servir de goodies ou entrer dans une future extension. Quant à la Mendiante, personnage en quête d’auteur, elle a bien existé, mais son pouvoir ne nous convainquait qu’à demi – aux joueurs donc de lui en imaginer un, qui sera sans doute meilleur. De manière plus générale d’ailleurs, si ce jeu est appelé à rencontrer un certain succès et à avoir un jour une extension, ce qui est possible, toutes les idées sont les bienvenues.

mendiante

Un jeu de gauche ?

J’ai toujours tenu fermement à l’autonomie du jeu, au fait qu’un jeu ne devait en principe être destiné ni à enseigner quoi que ce soit, ni à faire passer un message. Cette position ne m’empêche pas de glisser à l’occasion dans des jeux non pas des messages, mais des clins d’œil littéraires ou politiques.

C’est ainsi que Mascarade n’est pas seulement un jeu de bluff mais est aussi, un peu,  un jeu révolutionnaire, féministe et anticlérical.

Un jeu révolutionnaire à travers les deux paysans, directement inspirés des paysans de Kaamelott, toujours prêts à la jacquerie. Vous remarquerez d’ailleurs que les paysans sont assez bien armés, loin de l’image servile qu’ils peuvent avoir dans d’autres jeux médiévaux. Swords to Plowshares ? Plowshares to Swords ! D’ailleurs, lors des tests, chaque fois qu’un joueur révélait un second paysan, il ne manquait pas de s’écrier “Révolte”.

paysan

Un jeu féministe, à travers le rôle du Roi et de la Reine. La souveraine a le même pouvoir que son époux, mais est payé un tiers de moins. Petite remarque en passant quand même, le vrai problème en France aujourd’hui n’est pas que les femmes soient payées un peu moins que les hommes pour le même boulot, ce qui n’est quasiment plus le cas car les prudhommes font respecter la loi. Le vrai problème est que, à qualification équivalente, les femmes sont bien plus nombreuses dans les emplois mal payés et les hommes dans les emplois bien payés – mais c’est un peu plus compliqué à expliquer en une minute à la télé, et moins amusant à mettre dans un jeu.

reine

Un jeu anticlérical – je sais, c’est un peu une manie chez moi – car l’Évêque est un voleur, et non plus un gentil protecteur comme dans Citadelles. Certains m’objecteront sans doute que l’Évêque de Mascarade s’attaque au joueur le plus riche alors que, dans la réalité, les églises exploitent plus souvent les pauvres. Mais, bon, pour l’équilibre du jeu, il fallait voler les riches. Mascarade est donc, comme beaucoup de jeux d’ailleurs, plus équilibré que le monde réel. Quant à l’inquisiteur, il n’a pas l’air très sympathique non plus.

inquisiteur

La place et l’image des femmes, suite

Mes articles sur l’image des femmes dans les jeux de société, il y a un an de cela, m’ont valu de nombreuses réactions, et j’y avais déjà un peu parlé de la mise au point de Mascarade.  Le jeu étant maintenant paru, je peux en risquer un bilan. Côté parité, Mascarade ne s’en sort pas trop mal avec cinq personnages féminins (Reine, Veuve, Espionne, Sorcière et Mendiante) sur quatorze, soit 36%, dans un univers médiéval dont l’imaginaire condamnait de nombreux personnages, comme le Roi, l’Évêque ou l’Inquisiteur, et même dans un certain imaginaire le Fou ou le Juge, à rester masculins. D’autres devaient certes de même être féminins, mais ils sont moins nombreux – la Reine et la Sorcière, à la limite la Veuve. Nous avons pensé un temps à avoir un Paysan et une Paysanne, mais cela aurait détruit la référence à Kaamelott. Entre l’Espion et le Voleur, nous avons longtemps hésité pour savoir lequel serait un homme et lequel une femme, et j’avoue ne plus bien savoir pourquoi nous avons finalement opté pour l’espionne – au physique d’ailleurs assez androgyne. Jeremy Masson a aussi bien su déjouer les pièges iconographiques, puisque même les deux filles les plus mignonnes, la Reine et et l’Espionne, ne tombent pas dans les stéréotypes sexistes. Pas de courtisane à demi dévêtue ou de guerrière arborant fièrement un bikini en cotte de mailles.

espionne

Bref, auteur, éditeur et illustrateur ne s’en sortent pour une fois pas trop mal, mais il est vrai que nous avons fait attention à maintenir une certaine parité, et que ce relatif équilibre n’est donc pas parfaitement naturel, ce qui est aussi un problème. Peut-être, si nul n’y avait pris garde, nous serions nous retrouvé comme dans la première édition de Citadelles, sans aucun personnage féminin – ou peut-être pas.

Et ces personnages, on en fait quoi ?

Toutes ces considérations un peu fumeuses sur la conception de jeux et ses implications politiques un peu tirèes par les cheveux ne vous ont néanmoins absolument pas appris à quoi ressemblait une partie de Mascarade, quels étaient les mécanismes du jeu. Mascarade, c’est un peu le croisement de Citadelles, pour les personnages, et du bonneteau, pour leur manipulation. Chaque joueur démarre la partie avec une carte personnage et 6 pièces d’or, et le vainqueur est le premier à avoir utilisé les pouvoirs des différents personnages pour parvenir à 13. Certains personnages, comme le Roi ou la Reine, prennent de l’argent à la banque. d’autres, comme la Sorcière ou l’Évêque, font circuler les richesses entre les joueurs. D’autres enfin ont des effets plus subtils, comme le Tricheur ou l’Inquisiteur. À son tour, un joueur peut échanger, ou faire semblant d’échanger, son personnage sous la table avec celui d’un autre joueur. Il peut aussi, s’il ne sait plus où il en est, regarder sa carte. Il peut surtout annoncer le personnage qu’il pense être afin d’appliquer son pouvoir, au risque d’être contredit par d’autres joueurs pensant, eux aussi, avoir le même personnage. Il faut donc suivre ce qu’il se passe sur la table, essayer de deviner ce qu’il se passe dessous, et prendre des risques au bon moment. Mascarade est un jeu de bluff dans lequel,on doit se méfier non seulement de ses adversaires, mais aussi de soi-même… La grande variété des personnages permet, d’une partie à l’autre, des combinaisons et des sensations de jeu très différentes.

fou

Dans la conception de ce jeu, j’ai cherché à ne jamais cacher les joueurs derrière les règles, derrière les cartes – à Mascarade, comme à Citadelles, comme au Poker, on joue moins avec des cartes qu’avec des joueurs. Je pense y être parvenu.

Mascarade
Un jeu de Bruno Faidutti
Illustré par Jeremy Masson
2 à 13 joueurs –
30 minutes
Publié par Repos Production (2014)
Ludovox          Vind’jeu          Tric Trac         Boardgamegeek


coverimage-800

Minimalistic games and big characters

Citadels is, by far, my best seller game. When asked to describe it, I always  start with stating that the character cards and the bluff about them are the heart of the game and that all the city building and making money story is just a MacGuffin.  A character card, however, is little more than an action card – it’s just an action card with a nice character name that brings some roleplay in games which would otherwise have felt a bitt too cold, too flat, too German. Character cards are one of my favorite tricks, and I’ve used them in very different games, games like Citadels, Castle, Fist of Dragonstones, Mission : Red Planet, Lost Temple and, once again, in Mascarade.
There are fourteen character cards in Mascarade. King, Queen or Witch are classics of fairy stories and boardgames, Peasants, fool or Inquisitor are slightly more original, but there’s really nothing new in the game’s setting. Some playtesters remarked rightly that a mafia theme could have worked as well, and even made more sense when the goal of the game was just to make money. Well, the Middle-Ages, especially with a little fantasy thrown in, feels more exotic to me, and makes easier to create new characters with special and sometimes zany abilities.

juge

One character card per player and,,, almost nothing more. Mascarade is played with a single character card per player, even when sometimes a player can swap, or fake to swap, his character with another player’s one, but it’s not one more Werewolves clone. It’s a minimalistic medieval fantasy bluffing card game in the same style as Citadels. Mascarade also reminds of some older – Hoax, Oriente – and mostly recent – Love Letter, Coup, and the soon to be published Council of Verona – card games. In all of these games, each player has one or two cards in hand and tries to guess his opponents’ ones – Mascarade is the only one in which one must also often guess his own character card. With the single and noticeable exceptions of Hoax, more than twenty years old, and of Oriente more complex and ten years old, all these games were designed and published more or less simultaneously these last months – the idea was in the air.

tricheur

The more characters, the better

The game as published has 14 character cards, but the first testing versions had only six – King, Queen, Spy, Thief, Bishop and Judge. There were also some peon cards, with no specific ability, to play with seven or more players. The first additional card was the Witch, from an idea by Bruno Cathala at the 2012 Cannes festival. After I signed the publishing agreement with Repos Prod, they played a lot and decided we needed twelve different cards to have a richer and more varied experience, especially with lots of players. we spent months exchanging emails with new character ideas, half of which were abandoned because they were too complex and/or unbalanced. We ended with twelve validated characters, but since there are two peasants, this allows for thirteen players. The Cursed and the Usurper, which are slightly more complex and only playable once one knows the game well, have been kept as possible goodies or to be inserted in a future expansion. If this game sells well, and I think it will, all other ideas are welcome.

sorciere

A liberal game ?

I’ve always been strongly devoted to the idea that games are and must be kept autonomous. Games are not designed to teach anything, nor to carry any message – when they are, they are usually bad games. This doesn’t prevent me from making some literary or political references in my games, half wink and nod, half joke. Most players don’t even notice them, and they don’t need to to have fun with the game.

So, in a way, Mascarade is not only a bluffing game – it’s also a revolutionary, feminist and anticlerical game.

It’s a revolutionary game because of the two peasants, directly inspired by the two farmers in the French TV series Kaamelott. In this clever and humorous parody of the Arthurian myth, the two farmers are always ready to rise a revolt against King Arthur. You can notice that the peons on the cards are well armed. Swords to Plowshares, or Plowshares to swoards ? In the game tests, every time a player revealed the second peasant, he always shouted “revolt”.

paysan

It’s a feminist game, because of the King and Queen abilities – the Queen does the same job as the King, but is just paid one third less. The real issue now, at least in France, is not that women are paid less than men for the same job – the law is quite strict on this – but that, with similar qualification level, there are many more women in less paid jobs and many more men in well paid ones, but that’s a bit more complex to explain in one minute on TV, and also less fun to implement in a game – at least in this one.

reine

It’s an anticlerical game – a personal obsession of mine – because the Bishop is basically a thief, and not a kind protectorvlike he was in Citadels. Some might object that real churches usually steal more from the poor than from the rich, but stealing from the rich was better for the game’s balance. Mascarade – like many games – is better balanced than the real world. The inquisitor also doesn’t look very nice.

eveque

Once more on women and games

Last year, my articles about the place image of women in boardgames generated some buzz and many reactions. I was busy designing Mascarade at the time, and already inserted a few remarks about it. Five female characters in fourteen makes for 36%, which is not bad in a medieval fantasy setting in which several characters – King, Bishop, Inquisitor, may be even Judge and Fool – had to be males. Fewer had to be females – Queen, Witch, may be Widow. We considered having a male and a female peasant, but this would have weakened the Kaamelott connection. We didn’t know whichnone of Spy and Thief will be a female, and in the end, if I remember well, let the illustrator make his decision. Jeremy Masson was quite good at drawing gorgeous and typical fantasy drawing with some subtlety. Both Queen and Spy are quite pretty, but Jeremy avoided the usual sexual stereotypes. No half-naked courtesan, no female warrior in bikini chainmail.

veuve

Does this mean that author, publisher and illustrator managed to set it right – more or less, yes, but the issue was considered and discussed, which is in itself an issue. May be, if we didn’t consciously consider the sex balance problem would we have made a game like the first edition of Citadels, with only male characters – or may be not.

And then, what do these characters do ?

All these verbose ramblings about game design and politics didn’t tell much about what a Mascarade game really looks like, what are the real systems of the game, what the actual gameplay feels like. Mascarade feels a bit like Citadels, for the character cards, meets Three Cards Monte, for the way cards are handled. Each player starts the game with a character card and 6 gold coins, and the winner is the first to own 13 gold. Some characters, like the King or Queen, bring money from the bank into the game. Others, like the Witch or Bishop, move money from one player to another. Other have morensubtle abilities, like the Cheater or the Inquisitor. On his turn, a player can do one of three things. He can swap his character with another player’s one, under the table … or fake to swap the cards. If he is really lost, he can just look at his own card. Last but not least, he can claim to be a certain character in order to use the character’s ability – but other players can call his bluff and also claim to be the same character.  Mascarade is a game in which players must more or less keep track of what’s happening over the table, while trying to guess what’s happening under it, and make risky claims at the right time. It’s a bluffing game in which one not only can’t trust his opponents, but also often can’t trust oneself.the many different characters available make for interesting combos and very different game sessions.

usurpateur

When designing Mascarade, I tried never to hide the players behind the rules, behind the cards. I wanted a game im which, like in Citadels, like in Poker, one doesn’t really play with cards, but with players. I think I succeeded.

Mascarade
A game by Bruno Faidutti
Art by Jeremy Masson
2 to 13 players – 30 minutes
Published by Repos Production (2013)
Boardgamegeek

Jeux de coopération et de compétition, un paradoxe politique
Cooperative and competitive games, a political paradox

teamwork arrow

J’étais, il y aune dizaine de jours, à un très sérieux colloque international sur les jeux et l’éducation. J’y ai principalement exprimé ma méfiance face à la mode du jeu éducatif, y compris le “serious games” informatique, qui bien souvent n’est plus perçu comme un jeu par les élèves, qui privilégie la réflexion analytique et stratégique déjà trop présente dans l’univers scolaire au détriment de la pensée critique, et qui, tout comme les envahissants powerpoints, finit par interdire l’improvisation et l’innovation au nom même de l’innovation. Il faudrait que je reprenne les vagues notes qui ont servi de base à mon intervention pour en faire un article rédigé et construit, mais j’avoue avoir un peu la flemme. je voudrais plutôt aborder l’une des tendances qui m’ont frappé lors des divers ateliers et débats auxquels j’ai pu prendre part – la mise en avant systématique des jeux de coopération et de collaboration.

orchard

Quel enfant n’a pas joué au Verger, publié par Haba dans sa grosse boite jaune avec plein de jolis fruits en bois . Déjà présents depuis bien longtemps dans les jeux pour enfants, le jeu de coopération a sauté le pas il y a une petite dizaine d’années pour passer dans les jeux de société pour adultes. Reiner Knizia a ouvert la voie avec le Seigneur des Anneaux, d’autres ont suivi, avec notamment Les Chevaliers de la Table Ronde ou Pandémie. Moi même, qui ne suis pas un fan du genre, ait commis le faussement politiquement correct Terra et le très peu politiquement correct Sauvez le Kursk Novembre Rouge.

lord+of+the+rings+front

Nous sommes véritablement dans le “politiquement correct”. Le jeu de coopération – et ce n’est pas par hasard que l’on préfère ce mot à celui de collaboration – est particulièrement bien vu dans deux milieux qui se recoupent assez largement, et dans lesquels je me reconnais d’ailleurs largement, les écologistes et autres anti-capitalistes un peu bobo, et les profs de gauche. Il y a à cela des raisons d’ordre moral et éthique, voire simplement esthétique, relevant de la non-violence, comme si un jeu de compétition était réellement violent. Il y a surtout des motifs politiques et économiques sur lesquels je voudrais m’attarder car ils me semblent découler assez largement d’une erreur d’analyse. L’idée, en gros, serait que le vilain capitalisme mondial est le monde de la compétition sauvage, représenté par les jeux traditionnels, auquel nous devrions opposer le monde de la gentille collaboration pour bâtir un avenir meilleur et un développement durable, illustré par les jeux coopératifs. Si je suis bien d’accord pour dire que l’on ne bâtira sans doute pas un monde meilleur à coups de fusils d’assaut et d’épées à deux mains, je pense que l’analyse du capitalisme contemporain comme un univers de pure compétition est largement, et parfois délibérément, trompeuse. Les grandes multinationales qui emploient le jeu lors de leurs formations internes utilisent aussi beaucoup les jeux de coopération pour encourager le “travail d’équipe” très productif, les “synergies”, l'”émulation”, la “culture d’entreprise” toujours hypocrite et toutes ces sortes de foutaises. Comme l’avait vu Marx, le capitalisme met bien les prolétaires en compétition les uns avec les autres, et l’aggravation récente de cette tendance remet peut-être dans l’actualité les analyses en termes de paupérisation du prolétariat.  Mais, comme l’avait vu Schumpeter, dont tous ceux qui ne connaissent que le thuriféraire de l’entrepreneur innovateur oublient qu’il se revendiquait socialiste, le capitalisme moderne n’est pas seulement l’univers de la concurrence, c’est aussi celui de la connivence – des arrangements, de la combinazione diraient nos amis italiens, pas toujours non-violents. Et puis, pour changer le monde, il y a aussi des moments où il faut se révolter et se battre. Faire du jeu de compétition la métaphore de la guerre et de la concurrence sauvage et du jeu de coopération celle de la paix dans le monde et du développement durable est une gentille mais monumentale erreur d’analyse.

2219_60192954883_200_n

Certes, me répondront les gentils éducateurs, mais du moins les jeux de coopération permettent-ils d’encourager la discussion, le débat, la construction collective d’une stratégie plutôt que le chacun pour soi. Ce sont d’ailleurs des jeux où tout le monde gagne (ou perd) – contre le vilain corbeau noir ou l’œil de Sauron – et ou aucun perdant ne se sent personnellement humilié. Je leur rappellerai d’abord que, sauf cas pathologiques, le perdant d’un jeu de compétition n’a aucune raison de se sentir humilié, ni le vainqueur de se sentir fier puisque, par définition, ce n’est qu’un jeu. Dans un jeu, si l’on cherche toujours à gagner, on se moque bien au fond, ensuite, de savoir qui a gagné. Ce qui se passe dans bien des jeux de coopération est plus problématique – il n’y a ni vainqueur, ni vaincu, mais il y a souvent un leader, un guide (j’arrête les traductions avant d’atteindre le point Godwin).  Les vrais jeux de coopération, et notamment ceux destinés aux plus jeunes comme Le Verger, sont en fait souvent des jeux pour un seul joueur, avec une stratégie optimale. Parfois, des joueurs d’âge, d’intérêt et de capacités équivalents vont débattre pour s’adapter aux circonstances et découvrir cette stratégie optimale mais, bien souvent, l’un d’entre eux va prendre le leadership, expliquer ce qu’il faut faire, pourquoi il vaut mieux que le corbeau mange des prunes s’il reste plus de prunes, et l’initiation à la collaboration devient entrainement au leadership et à la soumission.

les-chevaliers-de-la-table-ronde

Certes,  des jeux tentent de contourner ce problème. Pour les plus jeunes, des jeux de construction ou d’adresse – je pense par exemple à Burgritter – obligent les joueurs à effectuer des actions à plusieurs. Dans les jeux pour adultes, l’introduction d’un possible traître, comme dans les Chevaliers de la Table Ronde ou Battlestar Galactica introduit la suspicion et empêche la franche discussion collaborative. Je trouve personnellement que cela donne à ces jeux une dimension psychologique très intéressante, mais je ne suis pas certain que la délation et la chasse au mouton noir soient précisément ce que les naïfs pédagogues vantant les jeux de coopération cherchent à encourager. Ça n’empêche pas toutes les colonies de vacances de jouer aux Loups Garous de Thiercelieux, et c’est tant mieux. On peut aussi, et c’est le choix d’Antoine Bauza dans Hanabi, qui fait beaucoup parler de lui en ce moment, interdire toute communication entre les joueurs – mais là, c’est le débat collaboratif qui en prend un coup. Et je ne parle pas de Space Cadets, ou chacun fait son petit jeu dans son coin – même si ça a l’air d’être un jeu diablement amusant.

werewolves

Restent les jeux par équipe – un genre que j’aime assez pratiquer mais avec lequel je suis suffisamment mal à l’aise pour ne m’y être jamais vraiment essayé comme créateur. Dans un jeu par équipe – et c’est notamment vrai dans le sport – il y a à la fois de la collaboration, entre partenaires, et de la compétition, avec les autres. C’est sans doute pour cela que les sports d’équipe sont si fréquemment utilisés et mis en scène à l’école, mais eux aussi produisent des leaders et, surtout, créent un univers de jeu divisé en deux camps – pas du tout politiquement correct, ça!

Alors quoi ? Alors, sans doute, faut-il accepter une bonne fois pour toutes que l’on s’en moque, qu’un jeu n’est fait et ne peut être fait ni pour enseigner la compétition, ni pour apprendre la collaboration, mais simplement pour divertir les joueurs, et que l’on peut se divertir très innocemment l’un contre l’autre ou l’un avec l’autre tant que, justement, on ne pense pas être là pour apprendre quoi que ce soit.


teamwork arrow

A dozen days ago, i hold a conference at a very serious international symposium on games and education. I mostly expressed my wariness with the recent fashion in educative games, including the strangely named “serious games” all of which are never really considered games by students and focus on analytic and strategic thinking, which are already far too present in school, and largely discard as irrelevant any form of critical thinking. Like powerpoints, games tend to limit teachers’ improvisation and therefore innovation in learning, in the very name of innovation. I should take the bunch of notes I used in my speech and write a consistent article out of them, but i’m a bit lazy about it and would rather discuss one of the emphasis I noticed there – on cooperative and collaborative gaming.

family-pastimes-secret-door-game

Cooperative children games have been popular for years. Every kid in Europe has played The Orchard, a basic and mostly luck driven cooperative published by Haba with lavish wooden bits. Many American kids have played one of the – usually bad – Family Pastimes boardgames. Cooperative boardgames entered adult boardgaming with Reiner Knizia’s Lord of the Rings, and many authors followed suit with, among others, shadows over Camelot or Pandemic. Even when I’ve never been very dedicated to the genre, I designed two, the superficially and falsely politically correct Terra and the totally unpolitically correct Save the Kursk Red November.

pandemic_box-art

Cooperative games are the epitome of liberal political correctness. They are very popular in two circles to which I undoubtedly belong, ecologists and similar anti-capitalists and leftist teachers – and calling them cooperative games rather than collaborative games is, especially in Europe, not a neutral choice. There are moral and ethical, if not simply esthetic, reasons to this – cooperative game looks like a non violent sort of gaming, as if competitive games were really violent. There are mostly political and economical reasons which, i think, derive from a popular but erroneous analysis. Broadly speaking, the idea is that the evil world capitalism is based on fierce competition, and is represented in competitive games, and that we ought to oppose to it the world of friendly cooperation and sustainable development embedded in collaborative games. While I agree that chainsaws and two-handed swords might not be the  best fitted tools to build a better tomorrow, i also think that the prevalent analysis of contemporary capitalism as a world of pure competition, as in Mankiw’s catechism, is largely and may be deliberately misleading. Global corporations also make a heavy use of cooperative games – though they prefer to talk of collaborative gaming –  to promote “team spirit” and enforce “corporate culture” and other similar bullshit. As Marx has rightly observed, capitalists tend to create competition between workers, and the recent globalization might be reviving his analysis about the gradual impoverishment of the working class. Schumpeter is often quoted nowadays as the champion of small capitalist innovators, while we forget that he was also a self proclaimed socialist and champion of state monopolies, and he was also right in describing modern capitalism as the world not only of competition, but also of arrangements, cartels, connivence – combinazione, to use the italian world, not necessarily associated with non violence. Furthermore, revolt might be necessary to change things, and can’t be always non-violent. Stating that competitive gaming is a metaphor of war or savage capitalism, and cooperative games a tool for peace in the world and sustainable development is a cute idea but a major error in reasoning.

red-november-box

Of course, nice and well meaning teachers might answer that, at least, collaborative games teach discussion, debate, and the collective building of a strategy rather than the usual every man for himself. Since everyone wins, or sometimes loses, against the dark raven or the evil eye of Sauron, no individual loser can feel humiliated, no individual winner can feel particularly proud of himself. Well, a common characteristic of all games is that they are just games and that winning and losing, while being fundamental when playing, doesn’t matter anymore once the game is over. What happens with many cooperative games is more problematic – there’s no winner or loser, but there’s often a leader, a guide (let’s stop with translations before we reach the Godwin point) who takes all the real decisions for all players. True cooperative games,  and especially those aimed at younger players like the ubiquitous Orchard, are in fact single player games with an optimal strategy. Players of the same age, energy and abilities might collaborate to find this strategy, but most times one will seize the leadership, explain why it’s better to have the raven eat plums when there are mostly plums left, and what was designed as a tool for learning collaboration becomes a tool for learning leadership and submission.

Of course, there are technical ways to avoid the leadership issue. Some children games, like the building game Burgritter, require gamers to really act as a team when fulfilling some tasks. In adult games, the introduction of a possible traitor, like in Shadows over Camelot or Battlestar Galactica, creates strong suspicion and prevents totally open discussion. I think it brings a very interesting psychological dimension to these games, but I’m not sure denunciation and hunt for the black sheep are exactly what leftist educators want to teach. Anyway, this doesn’t prevent most summer camps to play werewolf, and that’s for the best. One can also, like Antoine Bauza did in Hanabi, forbid any communication between players – so much for collaborative debate. And I don’t talk of Space Cadets, in which each player plays his own little solo game – even when it seems to be a pretty fun game.

hanabi

Team games are a genre of their own. I like playing them, but I’ve never really known how to design them. In a team game – including most sports – there’s both collaboration between partners and competition against the opposing team. That’s probably why sports are so regularly used at school – though I used to hate them as a student. The problem is that they also encourage leadership, and create a game world divided in two sides – not very politically correct either.

So what ? Let’s agree that we don’t really care, that a game is never designed to teach competition or collaboration but just to give the players some fun or excitement, and that it’s perfectly healthy to play one against the other or one with the other, as long as it’s just a game and noone thinks he’s learning anything.

Bug Fest

BF63D logo

On ne parle guère de Toc Toc Toc! mais c’est un petit jeu de bluff sans prétention qui, en France, continue tout doucement à se vendre, avec sans doute une pointe au moment d’Halloween, et qu’Asmodée réimprime assez régulièrement. L’édition américaine, Knock Knock!, parue chez un sympathique petit éditeur, Jolly Roger, n’a en revanche pas été un franc succès.
En 2008, Gwenaël et moi avions signé un contrat avec un éditeur taiwanais, Kanga Games, pour une édition en chinois. Et puis, le temps a passé, et nous avions complètement oublié cette édition chinoise… jusqu’à apprendre cette semaine qu’elle était en cours d’impression et allait sortir dans les semaines qui viennent, sous le nom de “la fête des insectes”. Ce ne sont en effet plus des monstres qui font la fête, mais des insectes, fourmis, scarabées et cafards. Les petits garçons sont devenus des araignées, les croque morts des grenouilles, les citrouilles des lucioles. Outre qu’elle est très bien illustrée, cette édition en chinois introduit trois nouvelles cartes optionnelles, la libellule, la punaise et le termite.
Il est assez amusant d’avoir, pour un même jeu, trois éditions différentes – qui toutes les trois reprennent en couverture le visuel de la porte à laquelle on frappe, ce qui est effectivement le gimmick du jeu – Toc toc toc, qui est là ? Trois styles donc, qui ne sont pas particulièrement américain, européen ou chinois, juste différents.

Print

Knock Knock ! is not my most popular card game, is not talked about a lot on the web, but, at least in France, it sells steadily – probably mostly around Halloween – and is regularly reprinted by Asmodée. The US edition, made by a friendly small publisher, Jolly Roger, didn’t sell that well and was not reprinted.
In 2008, Gwenaël and I signed with a Taiwanese publisher, Kanga Games, for a Chinese version of the game. Time went by, it didn’t show up, and I had forgotten about it when, last week, I learned that it was being printed and will hit the shelves soon. It’s called, in Chinese, Bug Fest. It’s still about having a party, but the monsters, ghosts and vampires have become insects – ants, beetles and cockroaches. Nerds are now spiders, grim reapers frogs, and headless horsemen are fireflies. There are even three new optional cards to bring more action in the game, sink bug, termite and damselfly.
It is quite funny to have, for a little known game, three different editions, with completely different graphics – though the cover all emphasize the “knock knock at the door” gimmick which is the base of the game. Three styles, not really american, european or chinese, just different, and I like it. 

Knock Knock - Box    Toc Toc Toc - boite

Turtle Wushu – l’art martial des tortues
Turtle Wushu – Turtles martial art

Je ne suis pas sportif. Les sports, et notamment les sports d’équipe,  sont des jeux, mais des jeux qui demandent trop de force physique et, surtout, qui tournent trop aisément à la compétition, où le plus important devient rapidement non de chercher à gagner en s’amusant, mais de savoir qui est le meilleur. C’est aussi le cas, souvent, de jeux de stratégie, comme les échecs. Bon, mon argumentaire est peut-être un peu hypocrite, et je serais peut-être plus sportif si j’étais plus costaud, mais je n’en suis pas certain.

En revanche, j’aime bien les jeux d’extérieur qui s’apparentent quelque peu aux sports mais peuvent difficilement être pris au sérieux, et j’essaie chaque année d’en découvrir un nouveau pour le faire découvrir lors des rencontres ludopathiques. Cette année, ce fut Turtle Wushu – hybride anglo-chinois signifiant l’art martial des tortues – une invention un peu loufoque d’un gang d’allemands bien allumés, que je ne connais pas mais dont je suis avec beaucoup de curiosité les délires urbains sur internet, Invisible Playground.

Le principe est assez simple. Chaque joueur pose une tortue en plastique sur le dessus de sa main droite et le but est, en utilisant sa main gauche, de faire tomber la tortue de l’adversaire. À Étourvy, nous avons joué par équipes, trois ou quatre équipes d’une douzaine de joueurs selon les parties, avec des jetons de poker de couleur différente pour chaque équipe. Le résultat était très amusant et, surtout, très photogénique. Les positions des joueurs, entre danse ninja et attaque de zombie, sont en effet assez étonnantes. Fort heureusement, puisque j’étais l’arbitre, je ne suis pas sur les photos….

Un article de Mops présentant Turtle Wushu sur Tric Trac – il a fait très fort, il a découvert le jeu aux ludopathiques, mais m’a largement pris de vitesse pour en causer sur le web!

12342_0

I’m not a sportsman. Sports, and especially team sports, are games. Unlike other games, however, they require a strong physical strength, which I have not. My main issue with sports, however, is that they tend to become too competitive – meaning that they are not just about the fun and challenge of trying to win, but about being the winner. Well, may be I would enjoy sports more if I were stronger, but I’m not sure. 

On the other hand, I enjoy playing outdoor games which look a bit like sports, but cannot be taken too seriously. Every year, I try to discover a new one and to have all the attendees at the ludopathic gathering play it. This year, it was Turtle Wushu – Wushu is the Chinese generic word for martial arts – a zany game created by a German urban group games designers, Invisible Playground. I’ve never met them, but I follow their frenzic and poetic designs on the web for a few months.

The basic idea is quite simple. Each player has a plastic turtle on the top of his hand, and the goal is to have the other players’ turtle fall while keeping one’s safe. We played with three or four teams of a dozen players, using poker chips in different colors for the different teams. It was incredibly fun, and terribly photogenic. The players’ positions and movements, between ninja and zombie, are very surprising. Luckily, since I was the referee and organizer, I’m not on the pictures.

Turtle Wushu on Ludocity

Rencontres ludopathiques 2013
2013 Ludopathic Gathering

306152_252341441530845_1168001769_n

Je ne sais pas trop comment rédiger un compte rendu des rencontres ludopathiques, le week-end dernier à Étourvy, qui ne soit pas une simple répétition de ceux des années précédentes. Comme chaque année, tout le monde s’est beaucoup amusé, ce qui était l’objectif principal, et certains ont un peu causé business, ce qui était un objectif annexe. Ceux qui voulaient jouer à des jeux idiots ont pu fouiller dans des sacs en tissu, lancer des dés obscènes, faire exploser des ballons de baudruche et mimer des chauve-souris perverses et des poules affamées. Ceux qui préféraient conquérir la galaxie, gérer des réseaux ferrés, traquer Jack l’éventreur ou pratiquer la terraformation à outrance n’ont pas été en reste non plus. Bref, il y en a eu pour tous les goûts, même si l’on aurait aimé un peu plus de soleil pour les assiettes picardes, le battletag et le turtle wushu. Tout cela n’empêchait ni les uns, ni les autres, de parler un peu affaires, et j’ai même signé un contrat sur place; l’autre Bruno m’a battu, il en a signé deux. Une auteur de jeux plus romantique opta pour une promenade matinale dans les bois, se perdit et revint deux heures plus tard, en ayant vu quelques biches.

59625_10151625799349884_1119167927_n

Passant entre les tables, il m’a parfois semblé voir plus de prototypes plus ou moins aboutis, que de jeux joliment édités, au point que je me demande s’il est encore utile que j’apporte des boites de jeux aux ludopathiques. J’en apporterai de toute façon moins, puisque j’en ai bien moins, ayant distribué environ la moitié de mon stock aux divers participants – je n’avais pas la place pour tout ça dans mon petit appartement parisien.

Côté nouveautés, ma découverte à moi est Le Petit Prince, de Bruno et Antoine. J’apprécie particulièrement l’humour un peu pervers qui leur a fait concevoir un jeu particulièrement méchant – pour parler poliment – à partir du plus gentillet – pour parler poliment – des livres. Mais l’essentiel est que c’est un sacré bon jeu. Ayant beaucoup fait tourner mes prototypes, et passé pas mal de temps à m’occuper de l’organisation, des gens, des lieux et des sous, je n’ai pas essayé d’autres nouveauté notable, mais j’ai entendu énormément de bien de Alles Käse, Terra Mystica, Robinson Crusoe, Kemet et quelques autres. On a aussi beaucoup joué à Boom Boom Balloon, très idiot et donc très bon, et à Schlongo, même si je ne suis pas vraiment sûr que ce soit un excellent jeu. Il s’est même trouvé des joueurs pour prendre un gobelet de poker dice et imaginer un Schlongo à l’enculette – ce qui a effectivement une certaine logique.

487970_10151625676704884_83242666_n

Côté prototypes, j’ai beaucoup fait tourner Mascarade et La Mouette Rieuse, deux jeux en cours d’édition, et avec un immense succès. On m’a beaucoup parlé d’une chauve-souris perverse, mais je ne crois pas qu’il y ait de photos. J’ai beaucoup travaillé ces derniers temps avec Anja Wrede, et nous avions de nombreux prototypes qui ont eux aussi rencontré leur petit succès, un jeu de réflexe, un jeu de mémoire, un jeu de reconnaissance tactile, avec toujours les jolis animaux qu’Anja dessine si bien – au fait, quelqu’un a un contact chez Djeco ? Mes jeux de cartes plus classiques, Jongleurs et Ménestrels et, surtout, National Museum, ont aussi été très appréciés. Pas moins de trois éditeurs m’ont demandé une maquette de ce dernier après y avoir joué, mais il faut d’abord que je fasse quelques menus réglages, car ils l’ont tous trouvé un peu long. La nouvelle version d’Argo tourne vraiment bien, l’éditeur ayant fait un boulot de développement remarquable.

15264_10201235081344550_1305192735_n

Bien sûr, je n’étais pas seul, l’un des objectifs des rencontres étant de mélanger joueurs, éditeurs et, surtout, auteurs. Il y avait donc aussi tous les prototypes des autres – je me suis beaucoup amusé à prendre plein de photos sans rien comprendre à ce qu’elles représentent. Parmi ceux dont je sais vaguement quelque chose, il y avait bien sûr le prototype révolutionnaire top secret de Manu Rozoy, auquel je n’ai toujours pas joué et donc toujours rien compris. Hervé Marly avait un truc bizarre avec un bâton et des pilules – et je ne vous raconterai pas ce que l’on fait avec le bâton. il y avait aussi de la science fiction polonaise, des ânes dans le désert, un safari délirant dans la jungle, un parc de loisirs italiens qui devrait être illustré par Marie Cardouat, le futur gros jeux de Days of Wonder dont les photos ne permettent pas de se faire la moindre idée, et sans doute plein de trucs que j’ai ratés. Il y avait même un jeu portugais expliqué en français par un allemand à partir de règles en mauvais anglais – le simple fait qu’ils soient parvenus à y jouer prouve que ça doit tenir la route.

305773_10151625670919884_1322151910_n

La grosse bêtise en extérieur du week-end était donc le tournoi de Turtle Wushu par équipe, une invention des allemands d’Invisible Playground, dont j’espère que des videos compromettantes apparaîtront bientôt sur le web. Bravo encore à Marc pour avoir plongé dans l’eau froide du canal pour récupérer un jeton de poker, montrant que le spécialiste mondial de la puberté des chimpanzés s’y connaissait également en cygnes.

525460_10151625798544884_495071608_n

Je rentre donc pour mes dernières semaines avignonnaises avec pas mal de boulot ludique – et ce n’est pas un oxymore. Il faut mettre un peu à jour les règles de score de Rumble in the Jungle. Il faut corriger Grabbit pour tenir compte du fait que dans l’imaginaire français, les ânes peuvent manger des carottes, mais les chevaux mangent de l’herbe. Il faut refaire les cartes et les règles de National Museum qui plait à tous les éditeurs mais qu’ils trouvent trop long et un peu trop chaotique, en imprimer quatre ou cinq boites. Il faut se repencher sur Argo. il faut enfin réfléchir au jeu de bluff que j’ai construit toit seul dans ma tête entre Avignon et Etourvy – working title Wanka Tanka – et à celui que nous avons imaginé avec Anja entre Etourvy et Paris – pas encore de titre. Ah, oui, il y a aussi les cours qui reprennent lundi…

Merci à tous, à l’année prochaine !

Et merci à tous les éditeurs qui étaient là, ou qui ont envoyé des jeux pour la table de prix : Zoch, Abacus, Ares, Edge, Cranio, Gigamic, Letheia, Argentum, Iello, Funforge, Matagot, Flatlined games, Asmodée, Siebenschläffer, Lui-même, Repos Prod, Libellud, Space Cowboys et je suis sûr que j’en oublie….


306152_252341441530845_1168001769_n

This report of the last ludopathic gathering, which took place last week-end in Etourvy, somewhere in the deep French countryside, will probably sound like all the reports I wrote in the former years. Like every year, we all had fun, which was the main goal of the event, and we also talked business, which was a secondary but not negligible issue. Those who were there to play stupid game could look for various stuff in large bags, roll obscene dice, explode balloons and mime horny bats and hungry crocodiles. Those who prefer serious stuff could invade the galaxy, manage railway companies, and practice terraforming. We missed the sun, which was there the day before and came back just when we were leaving, so there were few outdoor games, just some one big battletag game and some team games of turtle wushu. As for business, I signed a contract on the spot, but the other Bruno beat me and signed two. A more romantic game designer went for a short walk in the forest, got lost, met deer (wow, I just found out that deer is both singular and plural!) and came back two hours later.

310892_10151625688484884_916870090_n

Walking between game tables, I saw more prototypes, more or less finalized, than published games, and I’m starting to wonder if I still need to bring hundreds of games. Anyway, I have a few hundreds less now, since half of my collection ended on the prize table. There’s not enough room for all of it in my small Parisian flat where I will move in the next months.

The best new game I played was The Little Prince, by Bruno and Antoine. There’s some perverse humor in designing such a nasty game from such a cute and nice enough book. Anyway, it’s a great game, and that’s the main point. Since I spent some time organizing and dealing with people, places and money, I didn’t play many other new games, but I heard raving comments on Alles Käse, Terre Mystica, Robinson Crusoe, Kemet and a few more. There were many games of Boom Boom Balloon, good stupid fun, and of Schlongo – not a really good and innovative game, but that’s not the point. We even designed a liar’s dice Schlongo variant, but this was mostly to justify an obscene and untranslatable French pun.

603795_10151625672579884_974574629_n

I mostly played my own prototypes. Mascarade and Sitting Bull / Laughing Seagull, who are both going to be published, were great hits. Sorry, no picture of the horny bat. I worked a lot with German game designer Anja Wrede these last months, and we had several new prototypes which all went very well – an action and dexterity game, a memory game and the mysterious blue bag game. I also had two card games in my usual style, Jugglers and Minstrels and National Museum. The latter was a hit, since three publishers want a copy of it, but I have first to streamline it a bit, since they found it a bit too long. The new version of Space Station Argo works great – thanks to the publisher, who made most of the new developments.

63103_10151625688139884_874332933_n

Of course, I was not alone, since one of goals of this gathering is to bring together gamers, publishers and game authors. I had much fun taking pictures of mysterious prototypes with no idea what was going on. There was the much expected new revolutionary game by Manuel Rozoy, but I still haven’t played it and still don’t understand what it really is. Hervé Marly had a zany game with a wooden stick and little pills. There was Polish science fiction, donkeys in the Chinese desert, Jungle safaris, an Italian theme park to be illustrated by Marie Cardouat. There was also the next big game by Days of Wonder, and a Portuguese game whose rules were written in bad English and explained in French by a German guy – since they managed to play it, it must be quite good.

163520_10151625691849884_2014573843_n

The big outdoor game this year was Turtle Wushu, designed by the German team of Invisible Playground. I hope there will be some compromising videos of it on the web. Kudos to Marc who plunged in the canal to prevent a swan from swallowing a poker chip. He seems to know as much about swans than about chimps.

12484_10151625673759884_1168946609_n

I’m back for my last weeks in Avignon, with lots of gaming work to do – and that’s not an oxymoron. I must update the rules for Rumble in the Jungle. I must correct the rules of Grabbit because while German horses eat carrots, French ones eat only grass – luckily, our donkeys eat carrots, so the game can be saved. I must update all the cards and rules of National Museum and send four or five boxes to various publishers. I must write down the ideas I had while driving from Avignon to Etourvy for a bluffing card game – working title Wakan Tanka – and the ideas we had together with Anja when driving from Etourvy to Paris – no working title yet. And I’m supposed to get back to work next Monday.

Thanks everybody, see you next year !

And thanks to all the publishers who were there, or who sent games for the prize table : Zoch, Abacus, Ares, Edge, Cranio, Gigamic, Letheia, Argentum, Iello, Funforge, Matagot, Flatlined games, Asmodée, Siebenschläffer, Lui-même, Repos Prod, Libellud, Space Cowboys, and I certainly forgot one or two.

Les quatre circuits de Formula E
The four Formula E race tracks

FE_Board34
Voila, j’ai maintenant les images des quatre circuits de Formula E, dessinés par la talentueuse Jacqui Davis. Pour les deux circuits d’origine, l’éditeur avait demandé à l’illustratrice de représenter des paysages de jungle et de montagne.
Pour les deux circuits supplémentaires, en principe réservés à ceux qui ont souscrits pour cela sur Kickstarter, il fallait faire autre chose, et on a opté pour des paysages plus urbains. Nous avons donc une ville animée et bariolée sur le plateau pour 3 et 4 joueurs, et le Taj Mahal, rien de moins, sur celui pour 5 ou 6 joueurs. Mes préférés ? je crois que ce sont la montagne, avec le temple, et la cité multicolore.
FE_Board56
Pour ces deux nouveaux plateaux, il fallait aussi imaginer de nouvelles règles. Il y a donc de nouvelles cases sur la plateau de jeu. Les manguiers permettent deux points de déplacement supplémentaires, y compris en diagonale. Les cabanes permettent de piocher une carte pour l’utiliser immédiatement si cela est possible. Les abords de la rivière ralentissent les éléphants, qui piétinent un peu dans la boue. Tout cela rend le jeu plus varié, plus dynamique, et parfois plus méchant. Bien sûr, les bananiers qui font piocher des cartes en plus, sont toujours là.

Le site de l’illustratrice, Jacqui Davis


FE_Board_ex34
I now have final pictures of the four tracks for Formula E, illustrated by the talented Jacqui Davis. The two original tracks, that will be in the basic box, were in forest and mountains. For the two new tracks aimed at those who pladged for them on Kickstarter, the publisher asked her for more urban settings. So we have a 3-4 players track in a bustling and colorful city, and a 5-6 players one around the Taj Mahal. May favorites are probably the original montain board, and the expansion city one.
FE_Board_ex56
For these new boards, Sergio, André and I were asked to devise some new rules. So there are Mango trees, giving two extra movement points, including diagonally, there are market stalls allowing one to draw a card and use it at once if possible, and there are muddy riverbanks, making the movement of heavy elephants much slower. All this makes the game more varied, and sometimes nastier. Of course, banana trees are still there.

Jacqui Davis’ blog and portfolio

Le plateau de l'extension de Formula E - et plein de boites de proto au premier plan. Playtesting the Formula E expansion board, with dozens of prototype boxes in the foreground.

un test de l’extension de Formula E – avec plein de boites de proto au premier plan – à Ludinord.
Playtesting the Formula E expansion board, with dozens of prototype boxes in the foreground, at the Ludinord game fair.

Les jeux aussi ont des auteurs
Games also have authors

ASHA-Logo_2_F

Je n’ai jamais été très regardant sur les contrats d’édition. Je les survole à peine, généralement trop content d’avoir trouvé un éditeur pour ma dernière création, et très conscient que le plus important n’est pas ce que l’on signe, mais avec qui on le signe. Il y a bien quelques points que je vérifie. Je demande une avance, même symbolique, pour être certain que l’éditeur s’investit bien dans le projet. Je vérifie que j’ai bien droit à une dizaine d’exemplaires d’auteur, car j’en offre généralement à mes testeurs, et à mes amis, et ils partent vite. Je suggère systématiquement des droits d’auteur progressifs, par exemple 6% sur les premières boites, puis 8% au delà d’un certain seuil, puis 10% au delà d’un autre seuil généralement assez improbable ; il me semble en effet logique de demander moins à l’éditeur lorsqu’il lance un jeu, supporte des coûts fixes importants et prend plus de risques financiers que moi, et de lui demander plus lorsque le jeu est un succès, et qu’il n’a plus qu’à passer un coup de téléphone pour lancer un nouveau tirage. Pour le reste, je passe rapidement sur les paragraphes techniques auxquels je ne comprends pas grand chose, les histoires de responsabilité et de droits dérivés, et tous ces passages abscons écrits en langage juridique – d’ailleurs très spécifiques aux contrats français, car les contrats d’édition américains ou allemands tiennent généralement en deux pages et vont droit au but.
Je ne suis pas pinailleur, et peux même être assez arrangeant avec les éditeurs qui pour une raison ou une autre me sont sympathiques. Pour vous dire, nous venons de nous rendre compte avec l’éditeur de Bongo que nous n’avions jamais signé de contrat d’édition…. .
Il y a pourtant quelques principes auxquels je tiens. Je veux, notamment, mon nom sur la boite – pour impressionner mes amis, certes, mais aussi car c’est une reconnaissance de la qualité d’auteur, au sens littéraire ou artistique du mot, du créateur de jeu. Je ne me sens pas un inventeur, un découvreur, un technicien, un bricoleur – même s’il y a parfois un tout petit peu de bricolage physique et mathématique dans la conception d’un jeu. L’activité d’auteur de jeu, telle que je la perçois, est très proche de celle du romancier ou, plus encore sans doute, du scénariste de cinéma. Je tiens donc à être reconnu en tant qu’auteur.

C’est pourquoi je suis très inquiet de ce qui se passe en Allemagne, qui était pourtant jusqu’ici le pays d’Europe où les auteurs de jeux, peut-être parce qu’il y sont assez nombreux, semblaient avoir le mieux réussi à obtenir leur reconnaissance comme auteurs de créations culturelles. Un consortium d’éditeurs de jeux, parmi lesquels d’ailleurs des éditeurs français et américains, y a en effet décidé de refuser par principe le statut d’auteur aux créateurs de jeu. Si le statut d’auteur devait un jour être dénié aux créateurs de jeux français, un fonctionnaire comme moi n’aurait même tout simplement plus le droit de créer, ou en tout cas de publier, des jeux !
J’ai donc signé la pétition de la SAZ, syndicat d’auteurs de jeux originellement allemand, mais auquel adhèrent désormais des auteurs du monde entier, moi y compris, pour demander à ce groupement d’éditeurs de revenir sur leur position et de reprendre, sur la base de la reconnaissance du statut d’auteur des créateurs de jeux de société, les discussions avec la SAZ sur le contenu des contrats d’édition.

Quelques explications sur le site de la SAZ
Pour signer la pétition – même si vous n’êtes pas un auteur de jeu
Un article de Mops sur Tric Trac


saz-authors

I’ve never been very attentive when checking publishing agreements. I read them in a very cursory way, usually glad enough that I’ve found a publisher for my last game, and aware that the most important is not what I’m signing, but with whom I’m signing it. I check a few points – I want an advance, even a very symbolic one, as token of the publisher’s interest in the game. I check that I will get enough author copies – ten or twelve – to give to my playtesters and some friends. I always suggest progressive royalties – i.e. 6% on the first copies, 8% once a given number of copies have been sold, and 10% once an even greater, and very optimistic, number of copies have been sold. It sounds fair and logical to me to get little money when the publisher is producing a new game, paying for graphics and other fixed costs, and taking more risks than me, and to get more once all the fixed costs have been paid and a phone call is enough to start a new print run. I don’t really read all the legalese about liabilities and secondary rights – which are, however, very specific to French contracts, which are usually twenty pages long when US or German ones are two pages long, clear and straightforward.
I’m not a hair-splitting negotiator, and I can even be quite accommodating with people I like or admire. I just signed the publishing agreement for Bongo, meaning the game was in print for several years without ever thinking of making a formal contract.
There are, however, a few principles I hold to. I want my name on the box – to impress my friends, but also because it is the best possible acknowledgement of my status as an author, as with a book or any piece of art. I’m not an inventor, a discoverer, a technician, a handyman – even when there can be some technical or mathematical makeshift job in designing a game. I have always felt that designing a game was like writing a novel, or may be even more like writing a movie script. That’s why I want to be recognized as an author.

And that’s why I am highly concerned with what is now happening in Germany, and even more when Germany seemed so far to be the European country where game designers had managed to have the stronger status, and to be considered authors of original cultural creations. A game publishers group, among which some French and US publishers, has decided to deny the author, or originator, status to game designers. If such a point were accepted in France, state workers like me would simply not be allowed to design and publish games!
That’s why I’ve signed the petition by the SAZ. The SAZ is the mostly German game designers’ union, even when it has now several members from various other countries, including me. The SAZ has formally asked the game publishers’ group, the Fachgruppe Spiel, to reconsider their position, to acknowledge game designers as authors, and to start discussing with the SAZ on standard publishing agreements.

More details on the SAZ website
Sign the petition – even if you’re not a game author.

644461_264396047030520_1564001480_n

D’autres éditeurs allemands, généralement plus modestes, ont formé le groupe “Fairlag” pour exprimer leur soutien à la position des auteurs de jeux.
A group of other – and mostly smaller – publishers have created the “Fair lag” initiative to express their support of the game designers position.

Ludinord

Mascarade à 12 joueurs Mascarade with 12 players

Mascarade à 12 joueurs
Mascarade with 12 players

Au festival Ludinord, j’ai découvert quelques jeux bien sympa et à paraître prochainement, comme Wink et Les Trois Petits Cochons, et d’autres récemment parus, comme Noblemen et Robot Troc. Mais j’ai surtout fait quelques parties de Speed Dating, et fait tourner Mascarade, dont la table de démonstration ne désemplissait pas. il y a eu des parties, à dix, onze ou même, comme sur la photo ci-dessous, à 12 joueurs. Mascarade tourne en effet de 2 à 13 joueurs – même si je le préfère à 5 ou plus.

Les trois petits cochons, c'est plus mignon que Zombie Dice. Three little pigs, more cute than zombies.

Les trois petits cochons, c’est plus mignon que Zombie Dice.
Three little pigs, more cute than zombies.

At the Ludinord game fair, I’ve played the final prototypes of two wonderful light games to be ublished in the coming weeks or months, Wink and Three Little Pigs. I’ve also discovered two really good already published games, Robot Troc and Noblemen. But I mostly played my own games, Speed Dating and, most of all, Mascarade. There was only one table to demo it, and it was always full. We played games with 10, 11 or even, as on the picture here over, 12 players. Mascarade plays well with 2 to 13 players, though I prefer it with 5 or more.

ludinord3

Le plateau de l’extension de Formula E – et plein de prototypes au premier plan.
The Formula E expansion board, and a dozen prototypes in the foreground.