Règles en “français”
French Rules

Shaman 1

Je me suis fait quelques ennemis, il y a quelques semaines, en pestant contre le vocabulaire inadapté utilisé par certaines revues et sites webs pour parler des jeux de société. Je pense que ce vocabulaire fait obstacle à la reconnaissance sociale, et éventuellement juridique, de la nature culturelle du jeu, et donc du travail de tous ceux qui en vivent, à commencer par les auteurs.
Je vais m’en faire d’autres aujourd’hui en pestant, cette fois, contre quelques éditeurs dont le comportement pose très exactement les mêmes problèmes.

Les éditeurs nous ont énormément aidés, notamment en prenant peu à peu, et de très bonne grace, l’habitude de mettre nos noms sur les boites de jeu, à la manière de ce qui se fait pour les romans. Nous ne les en remercierons jamais assez, car rien n’a sans doute autant contribué au début de reconnaissance de notre métier. Cela impliquait pour eux de sacrifier, au moins en partie, l’idée que l’identité d’un jeu était d’abord celle de son éditeur, comme c’était encore souvent le cas dans les années soixante-dix et quatre-vingt, et de renforcer un peu la position des auteurs indépendants. Les éditeurs aussi, cependant, avaient et ont encore tout à gagner à ce que le jeu soit reconnu comme ce qu’il est, un univers culturel au même titre que la littérature ou le cinéma, tout en styles et en références.

Il est pourtant un autre domaine où, peut-être parce que cela demande un peu plus de travail et d’attention, j’ai l’impression que la situation tend plutôt à se dégrader, c’est celui de la rédaction des règles. Je ne parle pas ici de la précision technique, de l’exactitude, qui est essentielle mais qui aujourd’hui, à quelques rares exceptions près, ne pose plus vraiment de problèmes. Je parle du style, de la fluidité, du vocabulaire, parfois même simplement de l’orthographe et de la grammaire. Comment peut-on espérer faire accepter le caractère culturel du jeu, ou même simplement faire partager notre passion à ceux qui n’en connaissent rien, lorsque les règles sont écrites dans un style ampoulé et verbeux, ou sont traduites mot à mot de l’anglais ou de l’allemand.

Aujourd’hui, il est certains éditeurs – enfin, un surtout, pourtant francophone et épris de sagesse – dont j’essaie de me procurer les jeux en version anglaise plutôt que française, quitte à payer une dizaine d’euros de plus. Je crains en effet de ne pas oser sortir la boite en « français » devant mes amis, car je risquerais de leur donner l’impression que le monde du jeu est un univers de marchands de savon incultes n’ayant qu’une très vague idée de la syntaxe et de la grammaire française. C’est aussi vrai de certains sites webs, mais ils sont de moins en moins nombreux et fréquentés surtout par les passionnés. Je remarque d’ailleurs que celui auquel je faisais régulièrement ce genre de reproche – Tric Trac – a fait d’énormes progrès.

Il y a une dizaine d’années, nous nous moquions fréquemment des traductions incompréhensibles des jeux de Queen Games, mais pour en avoir vu quelques uns récemment, je constate qu’ils ont fait d’énormes progrès – j’ignore s’ils sont liés au rapprochement avec Asmodée. D’autres éditeurs plus ou moins lointains continuent à nous livrer des traductions assez exotiques, mais ce n’est pas le plus choquant. Les règles écrites en français fautif ou maladroit peuvent aisément être pardonnées aux éditeurs étrangers, on peut même en sourire. Chez des éditeurs français (ou francophones), cela m’enrage car cela montre un certain mépris des joueurs. C’est aussi un coup de poignard dans le dos des auteurs et de tous ceux qui, quotidiennement, défendent la nature culturelle de notre loisir.

Si nous voulons que notre passion soit respectée, nous avons tous, joueurs, éditeurs, illustrateurs, auteurs, intérêt à ce qu’elle soit le plus « présentable » possible. Cela suppose d’utiliser pour en parler le vocabulaire de la culture et non celui du commerce ou de la technique – critique et non test, auteur et non inventeur. Cela suppose aussi de montrer que nous avons un certain respect pour les jeux, en évitant les règles pleines de fautes et les traduction bâclées.

Donc, mesdames et messieurs les éditeurs, un peu de constance et de cohérence ! Vous mettez nos noms sur les boites, et les jeux nous représentent donc un peu. Faire relire un texte, ça ne coûte pas bien cher, et ça ne prend pas beaucoup de temps. Et je vous signale, pour ne reprendre que quelques unes des erreurs les plus fréquentes dans les règles de jeux, que l’on ne peut pas choisir une carte au hasard, que si un jeu est asymétrique les camps ne sont que différents, qu’après que est suivi de l’indicatif, et qu’infinitif, impératif et participe passé ne sont pas librement substituables l’un à l’autre.

Shaman 2

I already made myself a few enemies a few weeks ago with my blogpost protesting against the faulty vocabulary used by some French magazines and websites to discuss boardgames. I explained why the use, for example, of « test » instead of « review » could hinder the social, and possibly legal, acknowledgement of the cultural nature of games, and therefore of the work of all the people in the game business, first and foremost the game designers.   II’ll probably have a few more enemies after this new blogpost in which I protest against the behavior of some publishers, which could have the same effect.
We are all very grateful for the way publishers helped us with gracefully accepting to put the names of the designer on the game boxes, as it is done for books. Nothing could have helped more to the social recognition of our job. It was, at least in the short term, a sacrifice for them, because it meant the identity of a game was not first its publisher, like it has often been so far, and because it strengthened the position of independent game designers. Publishers knew, however, that in the long run, they had some interest in having games recognized as cultural items, like books and movies.

(The following reproaches are targeted only at French, or French speaking, publishers. I don’t have enough English to judge of the elegance of rules written in this language)

Unfortunately, there’s another issue where publishers are not helping, may be because it requires more actual work and dedication, it is the way rules are written. I’m not speaking of technical accuracy and exactness of the rules, which is now rarely an issue. I’m talking of style, elegance, and sometimes even orthography and grammar. How can we hope to have the cultural nature game socially recognized, or simply to lure more people into our hobby, when rules are heavily and pompously written, or when they are translated word-to-word from English or German.

There are a few French speaking publishers (especially one, who’s supposed to love wisdom) whose games I try to buy in English, even if it costs me a dozen euros more. I’ve had a few bad experiences with « French » editions which I didn’t dare to play with my friends because I didn’t want to give the impression that the board gaming world was made of unread people with only a very vague idea of French grammar and syntax. This is also true of a few websites, but it’s not that important when only hardcore gamers visit them. The website I used to criticize for this few years ago, Tric Trac, has made tremendous progress

Ten years ago, we used to mock the meaningless rules translation of the Queen games. I’ve bought a few ones recently, and they too have made much progress, may be due to the help of Asmodée. Other foreign publishers still give us more or less exotic translations, but it’s not such a big issue. I easily forgive them their heavy or faulty French, and it even makes me smile. Similarly, I hope my English readers also smile at my clumsy English.
It makes me angry when it comes from French or French-speaking publishers, because it’s disdainful of gamers. It’s also a stab in the back of game designers, and of all those who want a full cultural recognition of our hobby.

If we want our hobby to be considered, we must all – gamers, publishers, illustrators, game designers – make it as presentable, as nice looking as possible. This means that we must talk of it with the cultural vocabulary and not the technical or commercial one, and use, for example, review and not test. This also means that we must show some respect for the games, and try to avoid pompous or clumsy rules and rules translations.

So, dear publishers, please be consistent. Our names are on the boxes, so the games more or less represent us. Proofreading is not very expensive, and doesn’t take much time.

Quelles histoires racontent les jeux ?
What kind of stories do boardgames tell ?

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Ignacy Trzewiczek est un ami et, surtout, un auteur de jeux talentueux. Comme moi, il aime prendre le temps de réfléchir sur ce qu’il fait, c’est à dire sur le jeu. Il livre régulièrement ses réflexions sur son blog, et a publié il y a deux ans un passionnant recueil, Boardgames that Tell Stories, composé pour moitié de ses articles sur le jeu, et pour moitié de textes d’autres personnalités du tout petit monde du jeu de société. Ce fut un succès, et deux ans plus tard arrive un second recueil auquel j’ai participé, avec un article dans lequel je me demande quel genre d’histoire les jeux racontent. Vous y trouverez aussi des articles des auteurs de jeux Mike Fitzgerald, Paul Peterson, Vengelis Bagiartakis, Tony Boydell, Michael Hendricks, Cédrick Chaboussit, Eric Summerer, Ludovic Maublanc, Eric Lang, Mike Elliott and Stephen Buonocore et même de la charmante Merry, la compagne d’Ignacy.

Le livre étant en anglais, je pense que je peux me permettre de publier ici une traduction française de mon texte. Si vous lire tout le reste, il faudra vous procurer le livre en anglais. Pour l’instant, je crois qu’il n’est envoyé qu’aux souscripteurs, mais il finira certainement sur Amazon comme le premier tome.

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Quelles histoires racontent les jeux ?

Donc, les jeux racontent des histoires. La phrase est d’Ignacy, mais l’idée n’est pas neuve. Je la défends, en paroles et en actes, depuis que je fais ce métier. Je répète souvent que je me sens comme un romancier paresseux, très paresseux, qui concevrait la structure de son récit, le squelette, et s’arrêterait au moment où la tache réellement difficile, le véritable travail, l’écriture, aurait dû commencer. Les jeux de société racontent donc toujours des histoires, mais ils ne le font pas tout à fait de la même manière que les livres, les films ou même les jeux de rôles. ils ne racontent aussi pas les mêmes histoires et, d’une certaine manière, racontent toujours deux histoires, que l’on pourrait appeler celle du jeu et celle des joueurs.

Un jeu n’a nul besoin de zombies, d’astronautes ou de sous-mariniers gnomes et soviétiques pour raconter une histoire. Même les jeux les plus abstraits, les plus apparemment techniques, y parviennent très bien. Une partie d’échecs ne se situe dans aucun univers particulier; ce n’est pas vraiment une représentation de la guerre (et l’idée que ce puisse en être une est assez récente) mais c’est une histoire avec un début et une fin, du suspense, des retournements de situation, une histoire qui peut ensuite être racontée avec autant d’inflexions dramatiques qu’un roman. Bien sûr, c’est encore plus vrai d’une partie de Zombicide.

Il y a cependant une différence importante entre les jeux et les films ou les romans. Le jeu lui-même n’est pas l’histoire, il est un générateur d’histoires. L’auteur n’a pas écrit un récit complet, il a conçu une sorte de machine permettant aux joueurs de créer leur propre histoire. L’auteur de jeu est plus proche peut-être de l’auteur de théâtre, ou même du compositeur de musique, dont le morceau ne sera vraiment créé, et sera créé différemment à chaque fois, que lorsqu’il sera joué par les musiciens. C’est là que se situe la paresse de l’auteur de jeu – et peut-être du compositeur.

Théoriquement, jouets et jeux sont des choses complètement différentes. Un jeu a des règles précises, qui doivent être respectées par les joueurs, tandis qu’un jouet n’a pas de règles et peut être utilisé librement. Pourtant, la plupart des gens considèrent spontanément jeux et jouets comme des choses similaires. Les deux mots ont la même origine, le latin jocus – dont le sens n’était pourtant ni jeu, ni jouet, mais plutôt plaisanterie (il a d’ailleurs donné joke en anglais). Le même verbe, jouer, désigne l’utilisation du jeu comme du jouet – et s’emploie aussi pour le jeu théâtral et pour la musique, ce qui pourrait conduire à d’autres développements intéressants. La raison de cette confusion est sans doute que nous sentons intuitivement que, si le jeu s’apparente au livre, il a aussi quelque chose du jouet. Un jeu n’est pas tout à fait un jouet, puisque nous ne pouvons en faire ce que nous voulons, mais il est plus proche du jouet que ne le sont un roman ou un film, car l’histoire qu’il raconte n’est pas toujours exactement la même et dépend en partie des joueurs – comme une représentation théâtrale ou un concert, d’ailleurs.

Le jeu est fait de liberté et de contraintes. Le jeu nous demande de prendre des décisions libres dans un cadre déterminé par des règles précises, ce qui le distingue de la réalité dans laquelle nous prenons des décisions dont nous ne savons pas très bien si elles sont libres dans un cadre auquel nous ne comprenons goutte. Celui qui lit un livre ou regarde un film ne peux pas influer sur le cours de l’histoire. Il peut avoir sa propre interprétation, essayer de deviner ce qu’il va se passer, il peut accélérer ou ralentir sa lecture – et encore, cela n’est pas possible au cinéma -, il peut fermer son livre ou quitter la salle, mais il ne peut changer un mot du texte. Un livre ou un film raconte toujours plus ou moins la même histoire, et ce même si l’on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve. Un jeu raconte une nouvelle histoire à chaque partie, même si ces récits ont beaucoup en commun. C’est pourquoi jouer et rejouer encore et encore au même jeu est plus intéressant et plus intelligent que lire et relire sans cesse le même livre. Mais bon, j’avais dit que j’arrêtais de parler de religion.

Les joueurs de jeux video, ou de jeux de rôles, pourraient me reprocher d’ignorer la récente tendance narrativiste. Il est vrai que leurs jeux sont souvent construits comme des romans, avec un scénario très directif dans lequel les actions des joueurs visent plus à leur permettre d’exprimer leurs personnalités qu’à influer sur le récit. Cette tendance s’exprime aussi dans le jeu de société, avec les jeux coopératifs, les jeux de type Legacy, les hybrides de jeux de rôles comme Time Stories – mais même dans ces jeux, les joueurs ont rarement le sentiment que tout est déjà écrit.

Comme les livres et les films, les jeux peuvent être courts ou longs, légers ou lourds, simples ou complexes, sans prétention ou ambitieux. Les genres, et les émotions générées, ne sont cependant pas les mêmes.
Il y a, par exemple, d’innombrables romans d’amour et drames ou comédies romantiques, il n’y a pas de jeu romantique – et l’idée d’en créer un ne m’excite pas particulièrement. L’une des raisons est que le joueur n’incarne pas toujours un personnage, il peut aussi contrôler une ville, une nation, une entreprise, une civilisation extra-terrestre, ou une entité vague et abstraite, les pions rouges ou les pions verts. Une autre raison est sans doute que le fait que les joueurs puissent prendre des décisions et influer sur le déroulement du récit entraîne paradoxalement une relation beaucoup moins empathique avec les personnages, car ils ne se sentent pas emportés par l’histoire, au fil du destin. On croit sans doute moins à une histoire que l’on contrôle, que l’on écrit, et la « suspension temporaire d’incrédulité » (temporary suspension of disbelief) est bien moins forte dans un jeu, quel qu’il soit, que dans un livre ou un film. Cette suspension me semble plus proche de celle que l’on éprouve devant une photo ou un tableau, pour lequel nous devons imaginer, et nous contrôlons donc, le passé et le futur. C’est même vrai des jeux de rôles, où même la mort d’un personnage que l’on joue depuis vingt ans fait verser moins de larmes que celle d’emma Bovary ou d’Anna Karenine. Les jeux peuvent être tendus, crispés, dramatiques même, mais ils ne sont presque jamais tristes. Je ne connais qu’un seul jeu triste, Les Poilus, et c’est ce qui le rend unique – à l’ouest, rien de nouveau.

Pas de romance, pas de tristesse dans les jeux, mais beaucoup de compétition – et ce même dans les jeux dits coopératifs, où l’on affronte toujours un ennemi commun. Les jeux de guerre et de course sont si nombreux car la guerre et la course sont les deux archétypes du conflit social – on se bat l’un contre l’autre où l’on veut parvenir avant lui au but. Il y a bien des films ou des romans de guerre, mais ils ne sont pas si nombreux, et on trouve généralement au cœur du récit non pas la guerre elle-même mais une romance sans espoir ou une histoire d’amitié virile. Il n’y a pas beaucoup de film de course, et je n’ai jamais entendu parler de « roman de course ». Quant à bâtir des cités ou développer des réseaux ferrés, ce ne sont pas non plus des thèmes très excitants pour un roman – à moins d’y ajouter une bonne dose d’amour, de crime, de vengeance ou de critique sociale.

Il y a pourtant un thème qui semble aussi populaire, et traité un peu de la même manière, dans les romans, les films ou les jeux – l’enquête policière. La raison est sans doute à chercher non pas du côté des jeux, mais de celui de la littérature et du cinéma. Le lecteur d’un polar, du moins si le texte est bon et si le lecteur apprécie le genre (ce qui n’est pas mon cas) n’est pas emporté par le récit comme il le serait dans un roman d’amour ou d’aventure. Il enquête, il cherche à comprendre ce qu’il s’est passé, et à en déduire ce qu’il va arriver. Ce n’est pas exactement jouer à un jeu, mais c’en est assez proche.

Les jeux sont très interactifs, les romans et les films ne le sont pas. Pour construire leur histoire, les joueurs doivent chercher la victoire, et raisonner en termes tactiques et stratégiques. Cela laisse peu de place à la subtilité, aux sentiments, à l’empathie. L’histoire peut être complexe et mouvementée, mais l’univers dans lequel elle se déroule doit être entièrement maîtrisé par les joueurs avant même que ne démarre la partie – contrairement à ce qui se passe dans les livres ou films, où l’univers est parfois révélé petit à petit lorsque le récit avance. C’est peut-être pour cela que, en matière de jeu, on appelle un peu improprement « thème » ce qui s’appelle univers dans un film ou un livre – les jeux n’ont bien souvent pas vraiment de thème, au sens où l’on entend ce mot dans d’autres domaines, ou ont tous plus ou moins le même, la compétition. C’est aussi un peu pour cela que l’action des jeux de société se déroule si souvent dans des contextes historiques ou exotiques relativement simplistes, voire caricaturaux, thème que j’ai déjà longuement abordé sur ce site.
Il y a moins de texte et moins de profondeur dans un jeu que dans un film, tout comme il y a le plus souvent moins de texte et moins de profondeur dans un film que dans un livre. En outre, lors d’une partie de jeu, les joueurs consacrent la plus grande partie de leur énergie intellectuelle à essayer d’exploiter au mieux les règles pour parvenir à la victoire. Le « thème » doit les y aider, et doit donc faciliter l’appréhension de ces règles. Il importe assez peu qu’il soit authentique ou profond, mais il faut qu’il soit évident. En littérature ou au cinéma, l’inverse se produit aussi, les événements rythmant le récit étant un outil pour attirer le lecteur dans les profondeurs et la vérité de l’univers décrit. Certes, dans les meilleurs romans, les meilleurs films, les meilleurs jeux, le processus est dialectique.
Celui qui lit un roman ou regarde un film ne consacre guère de temps ni d’énergie à se demander comment lire, comment regarder, et espère que la compréhension, s’il y a des choses à comprendre, viendra d’elle-même. Celui qui joue consacre la plus grande part de son temps et de son énergie à réfléchir à ses coups, à sa tactique, à sa stratégie, ou à essayer de deviner l’adversaire, ce qui laisse peu de temps et de cerveau disponible pour envisager les sous-entendus du jeu, les subtilités de son univers. C’est aussi pour cela que les jeux ne sont jamais très politiques, ou le sont de manière très superficielle et didactique.

Paradoxalement, le fait que l’histoire contée par le jeu ne soit pas entièrement écrite avant que la partie n’ait été jouée ne libère pas, comme on aurait pu le penser, plus de place pour l’imagination des joueurs. Comme je l’ai dit plus haut, le joueur est engagé dans une réflexion stratégique, pas dans une rêverie romantique. Si l’histoire est incomplète, le monde dans lequel elle se déroule est plus cadré, plus limité, plus défini que celui d’un roman ou d’un film. Le lecteur d’un roman essaie toujours plus ou moins de « comprendre » ce qu’il se passe derrière le récit, comment les personnages pensent et agissent, ce qui fait avancer l’histoire. Il y a toujours plus dans un film ou un roman que ce qui est montré ou écrit, parce que le scénariste, le réalisateur ou l’écrivain a une idée précise de ce qui motive chaque personnage. Ces motifs, ces ressorts sont plus faciles à saisir dans certains films et romans que dans d’autres, mais ils ne sont pas révélés comme dans une règle de jeu, où ils sont présentés, noir sur blanc, sous l’intitulé « but du jeu ».

Les règles sont le seul texte du jeu. Elles sont moins qu’un récit ou un essai, mais plus qu’un mode d’emploi. Elles sont ce qui permet aux joueurs de créer l’histoire. Les ressorts cachés dans un film ou un roman sont par nécessité exposés à la vue de tous dans un jeu. Un jeu n’a pas de profondeur cachée, ou s’il en a elle ne peut être que tactique ou stratégique.

Bien sûr, les choix des joueurs sont essentiels, et ajoutent un peu de mystère et d’humanité à l’histoire, du moins s’ils ne jouent pas comme des ordinateurs calculant le meilleur coup possible. Les grands joueurs d’échecs vous diront que chaque bon joueur a son style, ce qui signifie que même dans un jeu entièrement calculatoire, il y a quelque chose de plus humain et de plus profond que la stratégie abstraite – et c’est bien sûr encore plus vrai du poker, et de tous les jeux qui font largement appel à la psychologie. Il n’y aurait pourtant guère de sens à chercher à expliquer les pensées et les décisions d’un joueur d’échecs ou de poker par les subtilités psychologiques que l’on peut déployer pour décortiquer celles d’Emma Bovary, ou même seulement de Jane Eyre. Un homme vivant est plus réel et plus profond qu’un personnage de roman, mais, en devenant joueur, il se simplifie, il n’a plus qu’un motif, gagner, et un moyen, la règle.

En relisant ce que j’ai écrit jusqu’ici, je me rends compte qu’il y a une ambiguïté dans ce que j’appelle l’ « histoire » contée par le jeu – ambiguïté qui rejoint celle du mot « thème » employé à tort et à travers dans le monde ludique. Parfois, l’histoire est celle racontée par les règles du jeu et les actions des joueurs, par exemple celle des survivants à un naufrage explorant une île déserte; parfois, c’est l’histoire des relations entre les joueurs, du jeu défensif de l’un et des paris risqués d’un autre, de la tension qui monte, des jets de dés et des pioches de cartes. Ces deux histoires sont liées. La première est en partie la résultante de la seconde, et la seconde peut influer sur la première lorsqu’un joueur essaie d’incarner un personnage ou un style. On pourrait en dire autant d’un film, mais seul un professionnel du cinéma considèrera que l’histoire d’un film n’est pas l’histoire racontée par le film, mais plutôt celle de ce qui s’est passé entre les acteurs, le réalisateur et toute l’équipe durant le tournage. Dans un jeu, ces deux histoires sont sans cesse entremêlées, et c’est peut-être cette confusion qui fait que les jeux sont si prenants malgré leur superficialité.

J’aime les jeux qui racontent des histoires, et le font dans les deux sens que j’ai donnés à cette expression. C’est sans doute pourquoi j’essaie d’imaginer des jeux dans lesquels les joueurs ne peuvent pas se cacher derrière leurs cartes, derrière leurs pions, et jouent réellement les uns contre les autres et non contre du carton. C’est aussi pourquoi j’aime les jeux aux thèmes simples et forts, un peu caricaturaux. Un bon jeu est un jeu vous apporte à la fois tous les ingrédients thématiques pour construire le récit, et les règles incitant les joueurs à créer l’histoire ensemble. Un bon jeu, c’est deux bonnes histoires qui n’en font qu’une.


Ignacy Trzewiczek is a friend and, which is probably more important for you, a talented boardgame designer. Like me, he likes to take the time to think on what he does – meaning games. His thoughts on games and game design can be found on his blog, and he also published, two years ago, a much noticed collection of articles, Boardgames That tell Stories. Half of the texts were his, and half from other personalities from the very small boardgaming world. Two years later, he asked me for a text for the second book in the series, and I wrote one on « What Kind of Stories do Boardgames Tell ? ». It also has articles about boardgames design by game designers Mike Fitzgerald, Paul Peterson, Vengelis Bagiartakis, Tony Boydell, Michael Hendricks, Cédrick Chaboussit, Eric Summerer, Ludovic Maublanc, Eric Lang, Mike Elliott and Stephen Buonocor, and even by the charming Merry Nowak-Trzewiczek.
I’ll publish it here in one or two years, but for now, if you want to read it, you’ll have to buy Ignacy’s book – unless you can read the French translation here over. I think it’s only sent to Kickstarter backer so far, but it will certainly end up on Amazon some day, like the first compendium did.

Elfenroads

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Vous vous souvenez d’Elfenland, d’Alan R. Moon, l’un des meilleurs jeux de société des années 90, ou de son grand ancêtre Elfenroads ?
Ce jeu fabuleux, qui fut l’une de mes inspirations pour Isla Dorada,est de retour en boutique. La très grosse boite s’appelle Elfenroads, mais elle contient en fait Elfenland, son extension Elfengold, et une nouvelle carte, Elfensea, et l’ensemble est fort joli. Je n’ai pas encore joué sur cette dernière carte, mais j’ai lu les règles et je vois très bien l’idée – introduire un peu plus de compétition et d’inattendu, ce qui est une excellente idée.

Bref, c’est la nouvelle du moment pour moi, et j’ai l’impression que personne n’en parle !

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Et si vous aimez Elfenland, jetez aussi un coup d’œil à Broom Service, d’Andreas Pelikan et Alexander Pfister. Quand on joue à Broom Service, on a un peu l’impression de jouer en même temps à Elfenland et à Citadelles.


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You remember Alan R. Moon’s Elfenland, one of the best boardgames of the 1990s, or its even older and larger version Elfenroads ?
This outstanding game, which was one the inspirations for Isla Dorada, is back in print. It’s a very big box, with cute graphics. It’s called Elfenraods, but it’s in fact Elfenland with the Elfengold expansion, and with a new map, Elfensea. I’ve not played Elfensea yet but the rules look very, very interesting, bringing more competition into the game.

I wonder why no one talks about it.

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If you like Elfenland, you should also have a look at Andreas Pelikan & Alexander Pfister’s Broom Service. It feels a bit like playing both Elfenland and Citadels at the same time.

Soutenez le petit monde du jeu
Support the small gaming world

Shaman 1

Dans mon éditorial précédent, j’ai expliqué ma conviction que le jeu de société était une création culturelle qui pouvait et devait être critiquée de la même manière, et donc dans les mêmes termes, que la littérature ou le cinéma. Cela est tout aussi vrai du jeu video.

Pour nous, auteurs, c’est important d’abord en termes de reconnaissance sociale de notre travail. Cela peut aussi avoir des conséquences en termes de reconnaissance juridique. Nous signons des contrats d’édition et touchons des droits d’auteurs comme les écrivains, ce qui deviendrait illégal s’il était un jour décidé que les jeux ne sont pas des « œuvres de l’esprit ».

La meilleure manière de nous soutenir consiste, dans la vie quotidienne, à utiliser autant que possible le vocabulaire adapté aux activités culturelles, et à reprendre ceux qui, sans penser à mal, utilisent des termes moins adaptés.

Donc, en parlant de jeu de société comme de jeu video :

pour parler de moi et de mes collègues,
ne dites pas UN INVENTEUR DE JEU
mais dites UN AUTEUR DE JEU

pour parler de ceux qui publient et vendent nos créations,
ne dites pas UN FABRICANT DE JEU
mais dites UN ÉDITEUR DE JEU
(d’ailleurs, presque aucun éditeur ne fabrique lui-même ses boites de jeu, cette activité est toujours sous-traitées à des imprimeurs, comme pour les livres)

pour parler de votre première partie,
ne dites pas TESTER UN JEU
mais dites JOUER À UN JEU POUR LA PREMIÈRE FOIS

pour parler d’un article exprimant une opinion argumentée sur un jeu,
ne dites pas UN TEST
mais dites UNE CRITIQUE

Cela peut paraître un peu ridicule, mais c’est extrêmement important pour nous, et cela ne vous coûtera rien. Si un jour le juge, le législateur ou l’administration doit trancher sur la nature de notre activité, ils observeront d’abord la manière dont elle est traitée et discutée dans la société, et en particulier par ceux qui la pratiquent et s’y intéressent.

Et tant qu’on y est, évitez gamer. Joueur suffit largement et a l’énorme avantage que tout le monde comprend. Les termes anglais sont très pratiques quand il n’y a pas d’équivalent français, mais quand ce dernier existe, inutile de se compliquer la vie. Je n’aime pas non plus jeu de plateau, et lui préfère jeu de société, pour plusieurs raisons. D’abord, jeu de plateau est un anglicisme (ou un germanisme, je ne sais pas bien, puisque l’on dit boardgame et Brettspiel) à la sonorité désagréable. Ensuite, en bon français, le plateau de jeu s’appelle un tablier, même si plus personne n’utilise ce terme. Enfin, beaucoup de nos jeux sont des jeux de cartes, ou de dés, et sont donc très mal décrits par le terme jeu de plateau. Jeu de société a en outre l’avantage d’insister sur ce qui fait la spécificité de notre passion, son caractère social.

Faites passer, faites circuler l’information autour de vous.

Merci pour votre aide.


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In my last blogpost, I explained my conviction that boardgames are cultural creations which could and should be analyzed and reviewed in the same way and with the same technical terms as literature or movies. This is also true of video games.

For us, game authors, this is essential for the social recognition of our job. In France, it could also be critical for legal recognition of our job. We sign publishing contracts and earn royalties like writers, and this would become illegal if it were settled that games are not cultural items.

The best way to support us – well, for French people at least – is to use in daily life the right terminology, the cultural one, and to correct people who, usually with no bad intent, use « wrong » terms.

From now on, when discussing boardgames or video games, please,

when discussing me and my colleagues
don’t say A GAME INVENTOR

but say A GAME DESIGNER or even better A GAME AUTHOR

when discussing the companies which develop and sell our creations,
don’t say A GAME MANUFACTURER

but say A GAME PUBLISHER
(actually, game publishers don’t manufacture anything, they outsource production to printing companies, exactly like book publishers do)

when you play a game for the first time,
don’t say TO TEST A GAME

but say TO PLAY A GAME FOR THE FIRST TIME

when discussing articles expressing an opinion on our games,
don’t say A TEST
but say A REVIEW

All this could sound a bit ridiculous, but it is of the upmost importance for all of us game designers, and it won’t cost you anything. If, some day, the French justice has to decide if designing a game is a cultural activity, it will probably first look at the way it is usually discussed by every one, and by the people involved. 

We thank you for your support.

Critique du test
Criticizing tests

Holybookmarxengels

Il y a une trentaine d’années, lorsque j’ai commencé à créer des jeux de société, j’étais le plus souvent qualifié d’ « inventeur de jeux ». Aujourd’hui, cette formule maladroite n’est plus guère utilisée, et l’expression « auteur de jeu », qui me semble bien plus appropriée, s’est imposée. J’ai la faiblesse de penser que mon insistance, et celle de mes amis auteurs, est pour quelque chose dans cette reconnaissance de la nature culturelle de nos créations.
Je n’ai en effet jamais rien inventé. Mes jeux, comme tous les autres, avant d’être comme on le lit parfois le croisement d’un thème et d’une mécanique, sont d’abord un ensemble de références à tous ceux qui les ont précédés. Il me semble que c’est à cela que l’on reconnaît le caractère culturel d’une œuvre – elle n’a de sens que dans un contexte culturel donné et par rapport aux œuvres plus anciennes. On m’objecte parfois qu’il y a de la technique dans la création d’un jeu, mais il y en a tout autant dans l’écriture d’un roman ou d’une pièce de musique. Enfin, on ne me regarde plus comme un imbécile prétentieux quand je me présente comme auteur de jeux, et c’est l’essentiel.

Il semble pourtant qu’il faille aujourd’hui tout recommencer. Certains sites webs et magazines, emploient encore, pour désigner les critiques de jeux qu’ils publient, l’expression « tests ». Si nous sommes des inventeurs, nos créations peuvent être testées. Si nous sommes des auteurs, elles ne peuvent être que critiquées – et éventuellement détestées, comme dit Bruno Cathala. L’usage du mot test pour désigner une critique de jeu est donc soit une faute de français, qu’il est aisé de corriger, soit le signe d’une incompréhension de ce qu’est un jeu de société et peut-être d’un certain mépris pour les jeux et leurs auteurs.

Pour le Littré, test est un mot anglais qui ne s’emploie en français que dans la locution “Le serment du Test”, acte par lequel on nie la transsubstantiation et l’on renonce au culte de la Vierge et des saints. Ce n’est bien sûr pas de ce test qu’il est question ici, mais du moins cela nous apprend-il que le nom test, au sens d’essai ou d’expérience, n’est entré que très récemment dans la langue française. Son sens français n’a donc pas eu le temps de beaucoup s’éloigner de son sens anglais.
Plus moderne, le Larousse donne les définitions suivantes :
• Épreuve psychologique impliquant une tâche à remplir identique pour tous les sujets.
•  Essai d’un produit, d’un appareil pour vérifier son action, son fonctionnement.
•  Toute circonstance qui permet d’éprouver, de mesurer quelque chose : Ce sera un test de bonne volonté.
•  Examen, ou épreuve standardisée et étalonnée, permettant d’évaluer des aptitudes physiques ou psychologiques chez un individu donné.
• Examen complémentaire pratiqué pour orienter ou confirmer le diagnostic d’une maladie.
• Examen diagnostique basé sur l’apparition ou la non-apparition d’un phénomène chimique, biologique, physiologique, après mise en œuvre d’un procédé, administration d’une substance ou action d’un stimulus.
•  Enveloppe dure qui protège certains être vivants.   
À l’exception de la dernière – mais je ne suis pas un spécialiste des crustacés – ces définitions correspondent parfaitement aux sens usuels du mot test, et absolument aucune ne peut décrire les articles exprimant un avis argumenté sur un jeu de société.

Pour Critique, le même Larousse donne une vingtaine de définitions, parmi lesquelles “Jugement argumenté porté sur une œuvre littéraire ou artistique”, qui en revanche convient parfaitement, pour peu que l’on entende en un sens un peu large l’expression « littéraire ou artistique ». Recension, que la Larousse définit comme “Analyse et compte rendu critique d’un ouvrage dans une revue.” conviendrait aussi, mais le terme est sans doute un peu trop vieillot et universitaire.

Si l’on admet que nous sommes des auteurs de jeu, et qu’un jeu est donc une œuvre de l’esprit, c’est donc bien “critique” qu’il faut employer et non “test”. Le mot test est méprisant pour les auteurs mais il l’est avant tout pour les jeux eux-mêmes, qu’il rabaisse au statut de simple objet technique. Pour reprendre une expression de Christian Martinez, un auteur de jeu dont on devrait pas mal parler dans les mois qui viennent, faire des tests de jeux, c’est comme faire des tests de livres ou de films. Certains seront peut-être surpris que, alors que les Français ont plutôt la réputation d’être attachés aux valeurs culturelles, le problème que je soulève ici ne se pose pas dans le monde du jeu anglophone. Le mot test nous vient de l’anglais, a exactement le même sens dans les deux langues, mais c’est en vain que l’on cherchera sur le web des tests de jeux rédigés en anglais – on ne trouvera que des reviews, des critiques.

J’ajoute ici un argument de mon ami Bruno Cathala, argument que je ne partage qu’à demi mais qui va également contre l’usage du mot “test” dans les critiques – les jeux que nous publions fonctionnent, nous les avons nous même testés. Les joueurs peuvent les apprécier ou non, mais ce n’est plus à eux de les tester. Pour ma part, j’essaie d’éviter le mot test, au moins par écrit, même pour parler des parties effectuées avec des amis sur les ébauches successives de mes créations.

Régulièrement, les auteurs de jeux de société (tout comme d’ailleurs ceux de jeux videos) protestent contre l’usage abusif du mot test, comme ils ont protesté avec succès contre celui de l’expression inventeur de jeu. La plupart des sites et revues, même si c’est peut-être surtout pour ne pas s’aliéner la petite communauté des créateurs, adoptent aujourd’hui les termes « critique » pour désigner des articles longs et argumentés et « avis » pour des opinions exprimées plus rapidement. Certains font de la résistance, et j’ai récemment eu des discussions assez tendues sur ce sujet avec le responsable du site Ludovox. Un premier dialogue de sourds sur le forum du site s’est terminé lorsque le grand shaman a expliqué en substance qu’il était d’accord avec moi pour dire que le jeu est une création culturelle, mais que cela ne l’empêcherait pas de continuer à faire comme si ce n’était pas le cas. Une longue discussion sur Facebook, lors de laquelle j’ai reçu le soutien d’un très grand nombre d’amis auteurs et éditeurs, n’a pas mené plus loin.

Il y a certes une certaine cohérence à l’utilisation du mot test sur Ludovox. La présentation des jeux, comme l’a noté Tom Vuarchex, y ressemble un peu à un test de voiture dans auto-Plus – enfin, à la manière dont j’imagine un test de voiture dans Auto-Plus, car je n’ai jamais ouvert ce type de revue. On a l’impression que les rédacteurs du site cherchent à donner une impression d’objectivité, alors que le travail du critique consiste au contraire à exprimer aussi clairement et honnêtement que possible sa subjectivité. Les avis sont accompagnés de notes sur dix ou vingt décomposées en une dizaine d’items, comme s’il s’agissait de mesurer des performances. On peut mesurer les performances d’une voiture, sa vitesse, sa consommation, ses émissions de CO2 (sauf si c’est une Volkswagen), mais on ne peut pas plus mesurer celles d’un jeu de société que celles d’un film ou d’un livre. J’invite donc l’équipe de Ludovox, si elle tient tant à faire comme si le jeu était un simple objet technique, à aller au bout de sa logique, en n’utilisant plus l’expression « auteur de jeu » et en évitant, dans les « tests », de donner le nom des auteurs. Pour ma part, je m’abstiendrai désormais, sur mon site comme sur Facebook, de poster des liens vers les critiques de mes jeux, aussi enthousiastes soient-elles, lorsqu’elles sont baptisées “test”. Je considère en effet que l’usage de ce terme fait autant de mal au jeu en général que la critique peut faire de bien à mon jeu en particulier.

Je regrette d’autant plus cet accrochage avec Ludovox que j’avais jusqu’alors plutôt une bonne opinion de ce site, et que j’admire le courage qu’il leur a fallu pour le monter et le maintenir. Je suis par ailleurs déjà en très mauvais termes avec le responsable du site concurrent, Tric-Trac, et ne souhaite pas vraiment être fâché avec tout le monde. Ces derniers temps, ne comprenant absolument rien à la nouvelle version de Tric-Trac, j’avais d’ailleurs tendance à aller plus souvent chercher mes informations sur Ludovox. Je ne vais bientôt plus savoir ou aller.

Post scriptum. Bien que beaucoup de mes amis travaillent dans le jeu video, j’ignorais en écrivant cet article que nombre d’auteurs de jeux video avaient déjà protesté eux aussi contre l’usage du mot “test” et préconisé celui de “critique”, et avec un certain succès, par exemple auprès de la chaine NoLife TV, qui ne publie plus que des critiques de jeux. Je ne suis pas surpris, tant les problématiques auxquelles fait face le monde du jeu video sont souvent les mêmes que celles du jeu de société. Les acteurs aussi d’ailleurs, même si je fais un peu exception.

Post post scriptum. On me reproche de m’attaquer de front au site Ludovox. Je tiens à préciser que ce n’est absolument pas mon intention, et à m’excuser si c’est le sentiment que j’ai pu donner. Ludovox est un site que je pense honnête et courageux, et qu’en général j’apprécie (et qui n’a publié, je viens de vérifier pour pouvoir répondre à quelques insinuations malveillantes, que de très bonnes critiques de mes jeux). Il n’est pas le seul à utiliser le mot “test” pour qualifier ses critiques, même s’il est sans doute le plus important. Si je l’ai pris pour exemple, c’est pour deux raisons. La première est que je ne connais pas tout le web ludique et que, depuis que je ne comprends plus grand chose à Tric Trac, c’est le site sur lequel j’ai eu tendance à me replier, et que je l’ai donc un peu exploré. La seconde est que, dans les discussions que j’ai déjà eues sur la question de l’emploi de test ou critique, l’équipe de Ludovox a été la seule à faire un peu la sourde oreille. Je ne cherche en rien à les attaquer, je cherche à les convaincre. Je n’y arriverai sans doute pas sur les systèmes de notes délirants (j’ai le même problème avec des collègues profs qui font d’hallucinantes grilles de corrections à quinze items pour des dissertations), mais j’espère toujours y parvenir sur l’emploi de “critique” au lieu de “test”.

Post post post scriptum. Suite à cet article, et au soutien de la petite communauté des auteurs de jeux, quelques sites ont décidé de remplacer l’expression “Test” par “Critique”. C’est déjà le cas des 1dludiques et des Bretons de l’émission Des Luds et des Plums. Je les en remercie, et j’espère qu’il y en aura d’autres  – d’ailleurs, il y en a peut-être d’autres qui ne me l’ont pas dit. Je remercie aussi Bruno Cathala, Antoine Bauza, Manuel Rozoy, Christian Martinez, Régis Bonnessée, Fred Henry, Gwenaël Bouquin, Juan Rodriguez, Philippe des Pallières, Loïc Lamy, Alexandre Droit, Tom Vuarchex, Benoit Forget, Heinrich Glumper, Eric Vogel, Cedrick Chaboussit, Martin Vidberg, Arnaud Urbon, Lionel Borg et tous les autres auteurs de jeux de société, ainsi que les quelques écrivains et auteurs de jeux video, qui sont intervenus, notamment sur Facebook, pour me soutenir dans cette petite croisade – qui est encore loin d’être définitivement gagnée.

Post post post post scriptum. Le fait de savoir si nous sommes auteurs de jeux qui sont des créations culturelles pouvant être critiquées, ou inventeurs de jeux qui sont objets techniques pouvant être testés, question qui n’a jamais été juridiquement tranchée, peut avoir des conséquences juridiques importante. En effet, dans le second cas, (inventeurs, objets techniques, tests), tous ceux qui, comme moi, sont fonctionnaires n’ont tout simplement pas le droit de publier des jeux comme ils le font aujourd’hui, puisqu’ils ne peuvent être rémunérés en droits d’auteur que pour “la production d’œuvres scientifiques, littéraires et artistiques”. Il faudrait donc pour chaque jeu demander une autorisation préalable, souvent refusée. Pour les salariés du privé, il faudrait également le plus souvent une autorisation préalable de l’employeur. Si je défends l’idée que nous sommes des auteurs et que les jeux relèvent plutôt du domaine culturel, c’est d’abord parce que cela correspond à mon expérience intime de la création, mais il se trouve que cela correspond aussi pour moi et pour une dizaine d’auteurs de jeux français à un souci de sécurité juridique et une envie de continuer à créer.

Et pour replacer ce débat dans son contexte politique, un article sur un bouquin qui resitue cette petite question dans son contexte politique.


bruno mathieu

(This blogost largely deals with the correct use of French words, translating it in English was difficult and sometimes felt strange. I apologize if the my English sounds even more clumsy than it usually does).

Thirty years ago, when I started designing board and card games, I was usually called in French “inventeur de jeux” (“game inventor”). Now, this clumsy wording is rarely used, and the more appropriate one “auteur de jeux” (“game author”) has become usual. I think my insistence, and that of my fellow game designers (btw, we don’t use designer with this meaning in French) has helped in this acknowledgement of the cultural nature of our creations.

Inever invented anything. My games, like all other, before being like it is sometimes said the combination of setting and systems, are a collection of references to those that came before. I think that is what makes the cultural nature of a creation – it acquires its meaning only in a certain cultural context and in relation to older creations. I am sometimes objected that there is something technical in designing a game – that’s true, of course, but it’s at least as true as in writing a book or writing a music piece. Anyway, I’m no more looked upon as a pretentious imbecile when I claim to be a “game author”, and that’s the most important.

It looks like we have to start it all over gain. Some French websites and magazines use to call their game reviews “tests”. If we are inventors, our designs can be tested. If we are authors, they can only be reviewed (critiquées in French) and eventually detested, as Bruno Cathala says. The use of the word “test” to describe a game review is therefore either a French language mistake, in which case it’s easy to correct it, or the sign of a miscomprehension of what a game is, and may be even of some contempt for games and game designers

For the Littré, the 150 years old French reference literary dictionary, test is an English word and its only correct use in French is in the expression “Le Serment du Test” (Test Oath) “by which ones denies the transsubstantiation and abjures the cult of the Virgin and the Saints”. This is obviously not the test we are talking about here, but it proves that the word test, meaning essay or experience, has entered French vocabulary very recently, which also means its actual French meaning cannot be very different from its English one.

The more modern Larousse dictionary gives five definitions :
• Psychological experience in which all subjects have to do the same task.
• Trial of a product or machine to verify its action.
• Any circumstance allowing to measure or verify something – a test of good will.
• Standardized and marked exam to determine the physical or psychological aptitudes of a given person.
• Additional experience to confirm or infirm a medical diagnostic.
• Experience based on the apparition or non apparition of a given chemical, biological or physiological reaction after a given stimulus of the administering of a substance.
Hard shell of some living things.
(Sorry if I can’t write like an English dictionary, I did my best)
Except for the very last one – but I’m not a specialist in crustaceans – these definitions fit perfectly with the usual sense of the word “test” in French, and none of them can apply to a detailed review of a boardgame.

For Critique, the same Larousse dictionary gives about twenty definition, including the following one “ Detailed opinion on a literary or artistic creation.” This more or less translates the English “review”, and fits perfectly to boardgame reviews if one accepts a relatively generous reading of “literary or artistic”. For Recension, the Larousse gives the following definition : “analysis and critical review of a work in a magazine”. This could fit very well, but the word sounds a bit scholar and old fashioned.

If we are indeed “game authors”, and if a game is a cultural creation (we also say in French “œuvre de l’esprit”, which is untranslatable because it’s based on the ambiguity of the meaning of “esprit”, which means both “spirit” and “brain”), then our games must be reviewed and not tested. The world “test” is disparaging for designers but also, and more importantly, for the games themselves, which are considered as mere technical items. As Christian Martinez (a game designer you will hear about much in the coming months) said, testing games is like testing books or movies.

My foreign readers might be surprised that we have this problem in France and not in the English speaking world. Well, the French are supposed to be strongly attached to cultural values, but this reputation might be largely usurped. Anyway, test is an English world recently adopted in French, with exactly the same meaning it has in English, and there are no boardgames (or videogames) tests anywhere on the web – only reviews, which every English-French dictionary translates as “critiques”.

I’ll add one further argument, often stated by my friend Bruno Cathala, even when I don’t entirely agree with it, because it also goes against the use of the word “test” in game reviews. The games we publish work well, we have playtested them. You may like them or not, but you don’t need to test them. As far as I’m concerned, I try not to use the word “test”, at least when writing, even when discussing the games I play with friends on my prototypes.

Boardgame designers, and video game designers as well, regularly contest the inappropriate use of the word “test”, like they successfully opposed the expression “game inventor”. Most websites and game magazines now prefer to use “critique” (review) for longer articles and “avis” (opinion) for shorter ones, even if it’s only to please the small community of designers. A few ones, however, are stubbornly resisting. I had tense discussions online, first on their forum and then on Facebook, where I got the support of many other game designers, with the head of the Ludovox website, and his final point meant something like “well, I agree with you that games are cultural creations, but you can’t prevent me from doing as if they were not”.

There is indeed some consistency in the use of the word “test” on Ludovox. Tom Vuarchex rightly remarked that the way they review games looks a bit like the way cars are presented in car-magazines – or at least how I imagine them, since I’ve never opened a car magazine. It looks a bit like the reviewers were trying to have their judgment on games look “objective”, when a good reviewer must, on the contrary, assume his subjectivity as clearly and honestly as possible. Reviews are accompanied by numbered marks on a dozen different items, as if they were estimating the game’s performance. One can measure the performances of a car – its speed, its fuel consumption, its CO2 emissions (unless it’s a Volkswagen), but testing the performance of a game makes as much sense as testing the performances of a book, a movie or a piece of music. If they want to consider games like mere technical items, I suggest they go the whole way, with refusing to use the expression “game author”, and even with not mentioning the designers’ names at all. As for me, from now on, I won’t post links on this website, nor on Facebook, to French language reviews of my games called “game test” – even if the review is extremely positive.

I deeply regret this polemic with the Ludovox team, for several reasons. I had so far a rather good opinion of their sites, and I admire the courage they needed to create and maintain it. I am already in very bad terms with the boss of their main competitor, Tric Trac, and I don’t want to be at odds with everyone. Last but not least, since I find the new version of Tric Trac extremely confusing, I was more and more using Ludovox to get informed on what’s happening in the French gaming world. I don’t know where I’ll go now….

Post scriptum. Though many of my friends work in the video game industry, I didn’t know when writing this article that many French video game designers had already protested against the word “test” and suggested “critique” (review). They have had some success, for example with NoLife TV, a TV video game canal which now only braodcast game reviews. This is not very surprising, since the problems of the boardgame industry are often similar with the ones of the video game industry – and the actors often the same people, though I am more or less an exception.  

Post post scriptum. I’ve been criticized for my “frontal attack” on the Ludovox website. I want to state clearly that I didn’t want to attack anyone, and to apologize if some of my remarks give this impression. My opinion on Ludovox and the Ludovox team is that they are brave and honest, and I usually enjoy their site. It is not the only website to use the word “test” instead of “critique”, but it is probably the most important and popular one. I use it as an example for two main reasons. The first one is that I don’t know all French gaming websites, and these last weeks, since I don’t understand how to navigate the new version of Tric Trac, Ludovox is where I’ve been looking for game news, and this was an opportunity to explore the site. The second one is that I’ve already discussed this “test / review” issue with several people in the gaming world, and they were the only ones to turn a deaf ear. I don’t want to attack them, I want to convince them. I probably never will when it comes to arcane marking systems, but I still hope to do it about the use of critique / review instead of test.

A Letter to my American Friends

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An open letter to my american friends

These last days, I’ve been more often than usually on the internet, checking for news, both global news and news of some friends – and all my friends ended well. I made this mostly through Facebook, and was comforted by the signs of solidarity from the whole world – and especially from the US. There was, however, something a bit annoying in the way many americans expressed their solidarity, something that might just have been a bit clumsy, but might also show echoes of good old cultural imperialism.

It started in the very first hours after the event, when I was still hearing the procession of ambulances under my windows. It started with the proliferation on the internet of these « Pray for Paris » pictures.
I know that a large majority of american people are believers in one religion or another. In France, though most people have been baptized to please the odd grandmother, a majority of the people, and an overwhelming majority of the young and of the Parisians, define themselves as atheists or agnostics. Solidarity has to be inclusive, and while a call for prayers might sound inclusive for Americans, it can only be perceived here as discriminating, as a way to tell to the majority of the Parisian that they are not even worthy of showing their solidarity to their dead friends. This is even more true when the victims were killed in the name of religion.
Furthermore, the young people killed were watching a soccer match, drinking wine in open bars and, for most of them, listening to rock music. The killers want to forbid all of this and make us pray.
In a way, even if your idea of God is completely different from theirs, if you answer with prayers, they have won. Answer with more dancing, drinking and partying is probably more difficult, but if we manage to do it, and that’s what we are trying to do in Paris now, they have failed. French religious authorities, be they Christian, Muslim or Jewish, have felt the mood quite well and been very discreet so far.

I am extremely grateful to Facebook for their safe check feature, which helped me track a few friends immediately after the events, though why it was not implemented in Beyrouth the day before remains a disturbing question. But I am also a bit angry against Facebook for their « French flag » feature, a clumsy decision probably taken in a hurry, in some Californian office, with the purest intentions but without any consideration neither at what was really targeted in the killings, nor at the French political situation.
It is not, or not only, France which was attacked last Friday. The terrorists deliberately targeted people having fun – in a stadium, in bars, in restaurants, in one of the best Parisian rock concert venue. The target was Partying as much as France, and a symbol of Parisian life like the Eiffel tower, or a glass of wine, much better fitted as a sign of solidarity than a nationalist flag. Anyway, the feature was implemented in Facebook, and it is so easy to use it that French flags are now everywhere, thus giving the wrong idea that what is happening is a war of nations.
While this was indeed the Revolution flag in the late XVIIIth and XIXth century, the blue-white-red banner is now used only in very official occasions. It is not, like the US flag, in everyone’s garden.  Only the nationalist right wing sports it everywhere. Immediately after the event, European artists had started too paint and spread a few commemorative images, mostly in grey or black – there was a really nice one with the Eiffel Tower inside the Peace symbol. All of them had carefully avoided the use of the national colors, in order to prevent any nationalist recuperation.
Anyway, once more, I heartily thank all the people who have used this feature, and I thank Facebook because it was much better than nothing, but I regret that they didn’t take just one or two hours to find something more subtle.

So, it’s really great, in times of stress, to feel the solidarity of friends. I heartily thank my many American friends for their shows of solidarity. I must say however, in the most friendly way, that it felt sometimes a bit like the old uncle at a funeral, always trying to comfort everyone and saying just the wrong thing – but we love him nevertheless.

BTW, Beyrouth also was a place of fun, partying and open bars, but it was long ago.

3 Singes
3 Monkeys

3 singes

Discutant avec une amie dont le fils est autiste, j’ai appris il y a quelque temps que les autistes, parce qu’ils évitent généralement de regarder les autres dans les yeux, ne jugent de l’humeur des gens qui les entourent que par la moitié inférieure du visage, et donc surtout par les mouvements de la bouche, ce qui peut pousser leur entourage à en rajouter, à faire des mimiques un peu forcées. C’est de là qu’est venue l’idée d’Emotions, qui allait devenir les 3 Singes.

Les premières versions du jeu utilisaient des masques de tissu, comme ceux que l’on vous donne dans les avions, et les joueurs devaient mimer des émotions comme la fatigue, l’envie, la joie ou l’ambition avec la moitié du visage, en mettant le masque tantôt sur leurs yeux, tantôt sur leur bouche. L’achat d’un stock de masques a d’ailleurs généré quelques autres idées de jeux qui seront peut-être un jour publiés.

1

Plusieurs des éditeurs auxquels j’ai présenté Émotions me suggérèrent d’abandonner des masques que l’on devinait contraires à toutes les normes d’hygiène et de sécurité et de demander aux joueurs de simplement mettre leurs mains devant le visage. J’étais réticent à supprimer ce qui me semblait distinguer ce jeu de la plupart des autres jeux de mime, jusqu’à ce que Christophe Hermier, de In Ludo Veritas, trouve le “gimmick”, l’astuce qui donnait sens à cela : les trois singes de la tradition japonaise, celui qui n’entend rien, celui qui ne voit rien, celui qui ne dit rien. Il faut donc mimer une émotion avec le visage en ayant d’abord les mains sur les oreilles – c’est assez facile – puis les mains sur les yeux, puis, et c’est généralement le plus dur, avec les mains sur la bouche, donc uniquement par le regard. À partir de là, il était naturel d’utiliser aussi des mimiques simiesques pour donner ses réponses.

3 Singes fait un peu penser à un autre de mes jeux, Animal Suspect, mais les ambiances générés par les deux sont très différentes. Dans Animal Suspect, on court autour de la table, les mimes sont loufoques, et le rire animal, exubérant. Dans les 3 Singes, on reste assis, les mimes sont statiques, concentrés, et le rire plus contenu.

3 Singes est publié par un tout petit éditeur, In Ludo Veritas, dans une édition bilingue Français – Anglais. Tous les singes sont l’œuvre de Gianluca Maruotti, un artiste qui mélange allègrement peinture, sculpture et pâte à modeler.

3 Singes
Un jeu de Bruno Faidutti
Illustré par GianLuca Maruotti

4 à 8 joueurs  – 15 minutes
Publié par In Ludo Veritas
Tric Trac      Boardgamegeek


3 singes

I had the idea for this game after learning from a friend whose son has autism that autistic people usually try to avoid eye contact. Since they don’t look at other people’s eyes, they focus more on the rest of the face, and mostly the mouth, to judge of their mood and emotions. As a result, people with autistic relatives learn, more or less consciously, to overplay their mouth expressions. This was the starting point for my emotions game, soon to become Three Wise Monkeys.

The first versions of Emotions used eye masks, like the ones you get on airplanes. Players had to wear them sometimes on their eyes, sometimes on their mouth, and mime emotions such as greed, weariness, anger, joy or surprise that other players had to guess. This made me buy a bunch of masks, some of which have been used in later prototypes which might be published some day.

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The first publishers to which I showed Emotions all suggested I got rid of these masks, which did not conform to the most basic health and safety regulations. I did not want to remove them, because I felt they were what made this game different from all other mime games. Christophe Hermier, of In Ludo Veritas, finally convinced me with the right “gimmlick”, the storyline that gave sense to all of this : the three wise monkeys from the Japanese tradition, the one who doesn’t hear anything, the one who doesn’t see anything, the one who doesn’t say anything. Each player in turn must now statically mime three emotions in a row, with one’s hands covering first one’s ears, then one’s eyes, then one’s mouth. The last one can be tricky, because it means showing an emotion like just with one’s eyes. And since it was now about monkeys, it was natural to use monkeyish arms movements to give the answers.

3 Singes looks a bit like another one of my games, Animal Suspect, but the gameplay actually feels very different. In Animal Suspect, players run around the table, the postures, mimes and laughs are wild and zany, the laughs are noisy and exuberant. In 3 Monkeys, players stay calmly seated, and mimes and laughs are less noisy, but more involved, more focused.

3 Monkeys is published by a small French publisher, In Ludo Veritas. The first print is bilingual (French/ English). The monkeys were all sculpted with modeling clay and painted by Italian artist Gianluca Maruotti.

3 Monkeys
A game by Bruno Faidutti
Art by GianLuca Maruotti

4 to 8 players  – 15 minutes
Published by In Ludo Veritas
Boardgamegeek

2015-09-13 14.33.08

Figurines peintes
Painted Minis

Shaman 1

Je suis toujours impressionné lorsque, au hasard de mes déambulations sur la toile, je découvre des photos de mes jeux “customisés”, avec souvent des figurines peintes avec soin. C’est quelque chose qu’il ne me viendrait pas à l’idée de faire, parce que je n’ai ni le talent, ni la patience pour cela – mais je suis toujours bien content de voir le résultat. Passant hier chez Matagot, j’y ai vu un set de figurines peintes pour Raptor, que je me suis empressé de photographier. Du coup, de retour chez moi, j’ai trainé une petite heure sur le boardgamegeek à la recherche d’autres photos de figurines peintes empruntées à l’un de mes jeux – et j’en ai trouvé de superbes. J’ai donc chipé la plupart de ces images sur le boardgamegeek, et j’essaie de citer leurs auteurs, mais ne dispose souvent que de leur pseudo…
Alors, bien sûr, je ne suis pas Eric Lang ou Corey Konieczka – si ces deux là s’amusent un jour à faire ce genre d’articles, ça aura vraiment de la gueule, avec monstres chtulhoides et armada spatiales.

Raptor
Les figurines de Raptor, surtout les bébés, sont très petites, et la peinture a dû être difficile. Au fait, saviez-vous que si leurs squelettes permettent d’avoir une bonne idée de la taille et de la silhouette des animaux préhistoriques, nous n’avons à peu près aucune idée de leur couleur – peut-être les raptors étaient-ils roses, ou bleus.
raptor

Maman Raptor protégeant ses petits.

Mission : Planète Rouge
Les petits disques de bois de la première édition ne se prêtaient guère à la customisation, même si certains joueurs les avaient remplacés par les astronautes de Buck Rogers, Battle for the 25th century. La nouvelle édition étant réalisée par fantasy Flight Games, elle se devait d’avoir de jolies figurines.

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Les six compagnies minières, par Akamas Nairb

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Non, il n’y rien de ce genre sur Mars – enfin, je crois

Novembre Rouge
Tout est petit dans Mission Planète Rouge, la boite, les cartes, les jetons, les figurines… mais cela n’a pas empêché des artistes minutieux de peindre les courageux sous-mariniers gnomes, voire même de réaliser un submersible en 3D.
Evereything is tiny in Red November, the box, the cards, the tokens and, of course, the miniatures, but this didn’t prevent meticulous artists to paint the gnome submariners – and even in at least one case to build a complete 3D mockup of the submarine.

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L’équipage du Red November, par Pasi Ojala

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Et un incroyable sous-marin en volume, par Maxime Ferrette…..

Formula E
Même les pions en bois, les meeples, peuvent être peints, pour le meilleur effet, comme on le voit avec ces éléphants de Formula E.

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Images et, j’imagine, peinture de Michael Groll

Isla Dorada
Je n’ai jamais compris pourquoi Isla Dorada ne s’est pas bien vendu – c’est l’un de mes meilleurs jeux, et l’édition est absolument magnifique. Il n’y a certes dans la boite que trois figurines, Bigfoot, le Monstre marin et l’expédition, mais quelles figurines. Les peintres se sont donc fait plaisir, et les images ci-dessous ne sont qu’une toute petite partie de celles que vous pouvez découvrir sur le boardgamegeek.

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Les trois grosses bêtes d’Isla Dorada peintes par Bjorn Vije, Claudio dall’Osso, dr Willett, Kai Jason, Mark Lefka, Dibbler & David G. Cox

Mystère à l’Abbaye
C’est un peu comme pour Novembre Rouge – il n’y a que six petits pions. Il faut les peindre de couleurs qui bien distinctes mais néanmoins toutes assez monastiques, c’est à dire ternes.
mystery kevin schnell
Kevin Schnell
mystery teamski

Teamski

Warrior Knights
Je ne considère pas Warrior Knights, dans le développement duquel je n’ai joué qu’un rôle mineur, comme un de mes jeux – mais, bon, il y a mon nom sur la boite, et quelques superbes photos de chevaliers sur le Boardgamegeek.

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Andy Watkins
warrior knights jim stevens
Jim Stevens

Diamant
Et pour finir, Diamant, un mignon bricolage de Steve Holden. Ça, j’aurais pu le faire.

diamant steve holden


Shaman 1

I’m always impressed when, while browsing the web boardgame sites, I discover “customized” versions of my game designs, often with carefully painted minis. This is something I would never do, in part because I am lazy, in part because I have absolutely no talent for it, but I’m often fascinated by the result.  Yesterday, I happened to visit the Matagot office in Paris, and saw there a set of painted minis for Raptor. I took a picture of them and, back home, started to browse the boardgamegeek, looking for other such painted minis from one of my games – and I found a few gorgeous ones. This means most of the pictures below have been “stolen” from the boardgamegeek, and the painters are usually credited just with their BGG pseuso – if they want me to give their full name, they can email me.
Of course, I’m not Eric Lang or Corey Konieczka – when these ones will write this kind of blogpost, it will be much more impressive, full of huge monsters and space armadas.

Raptor
The Raptor miniatures are really small – may be a bit too small – especially the baby raptors, and painting them must have been difficult. By the way, did you know that, while we know from their skeletons most almost everything about the size and shape of prehistoric animals, we have almost no idea of their colour. Raptors might well have been pink or blue.
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Mummy Raptor protecting her babies.

Mission : Red Planet
The wooden disks in the first edition of Mission Red Planet didn’t call for customization, though some players replaced them with minis fropm other games, notable Buck Rogers, Battle for the 25th Century. Since the new edition is published by Fantasy Flight, it had to have minis – here they are, painted.

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The six mining companies, painted by Akabas Nairb.

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Well, well, well…. afaik, there’s nothing like this on Mars

Red November
Evereything is tiny in Red November, the box, the cards, the tokens and, of course, the miniatures, but this didn’t prevent meticulous artists to paint the gnome submariners – and even in at least one case to build a complete 3D mockup of the submarine.

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The Red November team, by Pasi Ojala

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And an invredible 3D submarine, by Maxime Ferrette.

Formula E
Even wooden meeples can be painted like plastic miniatures, as one can see from this gorgeous racing elephants from Formula E.

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Pictures and, probably, painting by Michael Groll.

Isla Dorada
I still wonder why Isla Dorada didn’t sell. I consider it to be one of my very best designs, and the edition was gorgeous. There are only three minis in the box, bBigfoot, the Sea Monster and the Expedition, but they are huge and calling for paint. These are only a small smaple of the many pictures you will find at the Boardgamegeek.

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The three big minis in Isla Dorada painted by Bjorn Vije, Claudio dall’Osso, dr Willett, Kai Jason, Mark Lefka, Dibbler & David G. Cox

Mystery of the Abbey
Like in Red November, there are only a few small player’s pawns. What makes it a real chalenge is that the colors must be different enough, while always looking a bit drab and monastic.
mystery kevin schnell
Kevin Schnell
mystery teamski

Teamski

Warrior Knights
I don’t really consider Warrior Knights as one of my own games by, anyway, my name is on the box, and there are some really nice pictures of painted knights at the BGG.

warrior knights andy watkins
Andy Watkins
warrior knights jim stevens

Jim Stevens

Diamant
And, last but not least, Steve Holden’s take on Diamant – this I could have done.

diamant steve holden