Rencontres ludopathiques 2013
2013 Ludopathic Gathering

306152_252341441530845_1168001769_n

Je ne sais pas trop comment rédiger un compte rendu des rencontres ludopathiques, le week-end dernier à Étourvy, qui ne soit pas une simple répétition de ceux des années précédentes. Comme chaque année, tout le monde s’est beaucoup amusé, ce qui était l’objectif principal, et certains ont un peu causé business, ce qui était un objectif annexe. Ceux qui voulaient jouer à des jeux idiots ont pu fouiller dans des sacs en tissu, lancer des dés obscènes, faire exploser des ballons de baudruche et mimer des chauve-souris perverses et des poules affamées. Ceux qui préféraient conquérir la galaxie, gérer des réseaux ferrés, traquer Jack l’éventreur ou pratiquer la terraformation à outrance n’ont pas été en reste non plus. Bref, il y en a eu pour tous les goûts, même si l’on aurait aimé un peu plus de soleil pour les assiettes picardes, le battletag et le turtle wushu. Tout cela n’empêchait ni les uns, ni les autres, de parler un peu affaires, et j’ai même signé un contrat sur place; l’autre Bruno m’a battu, il en a signé deux. Une auteur de jeux plus romantique opta pour une promenade matinale dans les bois, se perdit et revint deux heures plus tard, en ayant vu quelques biches.

59625_10151625799349884_1119167927_n

Passant entre les tables, il m’a parfois semblé voir plus de prototypes plus ou moins aboutis, que de jeux joliment édités, au point que je me demande s’il est encore utile que j’apporte des boites de jeux aux ludopathiques. J’en apporterai de toute façon moins, puisque j’en ai bien moins, ayant distribué environ la moitié de mon stock aux divers participants – je n’avais pas la place pour tout ça dans mon petit appartement parisien.

Côté nouveautés, ma découverte à moi est Le Petit Prince, de Bruno et Antoine. J’apprécie particulièrement l’humour un peu pervers qui leur a fait concevoir un jeu particulièrement méchant – pour parler poliment – à partir du plus gentillet – pour parler poliment – des livres. Mais l’essentiel est que c’est un sacré bon jeu. Ayant beaucoup fait tourner mes prototypes, et passé pas mal de temps à m’occuper de l’organisation, des gens, des lieux et des sous, je n’ai pas essayé d’autres nouveauté notable, mais j’ai entendu énormément de bien de Alles Käse, Terra Mystica, Robinson Crusoe, Kemet et quelques autres. On a aussi beaucoup joué à Boom Boom Balloon, très idiot et donc très bon, et à Schlongo, même si je ne suis pas vraiment sûr que ce soit un excellent jeu. Il s’est même trouvé des joueurs pour prendre un gobelet de poker dice et imaginer un Schlongo à l’enculette – ce qui a effectivement une certaine logique.

487970_10151625676704884_83242666_n

Côté prototypes, j’ai beaucoup fait tourner Mascarade et La Mouette Rieuse, deux jeux en cours d’édition, et avec un immense succès. On m’a beaucoup parlé d’une chauve-souris perverse, mais je ne crois pas qu’il y ait de photos. J’ai beaucoup travaillé ces derniers temps avec Anja Wrede, et nous avions de nombreux prototypes qui ont eux aussi rencontré leur petit succès, un jeu de réflexe, un jeu de mémoire, un jeu de reconnaissance tactile, avec toujours les jolis animaux qu’Anja dessine si bien – au fait, quelqu’un a un contact chez Djeco ? Mes jeux de cartes plus classiques, Jongleurs et Ménestrels et, surtout, National Museum, ont aussi été très appréciés. Pas moins de trois éditeurs m’ont demandé une maquette de ce dernier après y avoir joué, mais il faut d’abord que je fasse quelques menus réglages, car ils l’ont tous trouvé un peu long. La nouvelle version d’Argo tourne vraiment bien, l’éditeur ayant fait un boulot de développement remarquable.

15264_10201235081344550_1305192735_n

Bien sûr, je n’étais pas seul, l’un des objectifs des rencontres étant de mélanger joueurs, éditeurs et, surtout, auteurs. Il y avait donc aussi tous les prototypes des autres – je me suis beaucoup amusé à prendre plein de photos sans rien comprendre à ce qu’elles représentent. Parmi ceux dont je sais vaguement quelque chose, il y avait bien sûr le prototype révolutionnaire top secret de Manu Rozoy, auquel je n’ai toujours pas joué et donc toujours rien compris. Hervé Marly avait un truc bizarre avec un bâton et des pilules – et je ne vous raconterai pas ce que l’on fait avec le bâton. il y avait aussi de la science fiction polonaise, des ânes dans le désert, un safari délirant dans la jungle, un parc de loisirs italiens qui devrait être illustré par Marie Cardouat, le futur gros jeux de Days of Wonder dont les photos ne permettent pas de se faire la moindre idée, et sans doute plein de trucs que j’ai ratés. Il y avait même un jeu portugais expliqué en français par un allemand à partir de règles en mauvais anglais – le simple fait qu’ils soient parvenus à y jouer prouve que ça doit tenir la route.

305773_10151625670919884_1322151910_n

La grosse bêtise en extérieur du week-end était donc le tournoi de Turtle Wushu par équipe, une invention des allemands d’Invisible Playground, dont j’espère que des videos compromettantes apparaîtront bientôt sur le web. Bravo encore à Marc pour avoir plongé dans l’eau froide du canal pour récupérer un jeton de poker, montrant que le spécialiste mondial de la puberté des chimpanzés s’y connaissait également en cygnes.

525460_10151625798544884_495071608_n

Je rentre donc pour mes dernières semaines avignonnaises avec pas mal de boulot ludique – et ce n’est pas un oxymore. Il faut mettre un peu à jour les règles de score de Rumble in the Jungle. Il faut corriger Grabbit pour tenir compte du fait que dans l’imaginaire français, les ânes peuvent manger des carottes, mais les chevaux mangent de l’herbe. Il faut refaire les cartes et les règles de National Museum qui plait à tous les éditeurs mais qu’ils trouvent trop long et un peu trop chaotique, en imprimer quatre ou cinq boites. Il faut se repencher sur Argo. il faut enfin réfléchir au jeu de bluff que j’ai construit toit seul dans ma tête entre Avignon et Etourvy – working title Wanka Tanka – et à celui que nous avons imaginé avec Anja entre Etourvy et Paris – pas encore de titre. Ah, oui, il y a aussi les cours qui reprennent lundi…

Merci à tous, à l’année prochaine !

Et merci à tous les éditeurs qui étaient là, ou qui ont envoyé des jeux pour la table de prix : Zoch, Abacus, Ares, Edge, Cranio, Gigamic, Letheia, Argentum, Iello, Funforge, Matagot, Flatlined games, Asmodée, Siebenschläffer, Lui-même, Repos Prod, Libellud, Space Cowboys et je suis sûr que j’en oublie….


306152_252341441530845_1168001769_n

This report of the last ludopathic gathering, which took place last week-end in Etourvy, somewhere in the deep French countryside, will probably sound like all the reports I wrote in the former years. Like every year, we all had fun, which was the main goal of the event, and we also talked business, which was a secondary but not negligible issue. Those who were there to play stupid game could look for various stuff in large bags, roll obscene dice, explode balloons and mime horny bats and hungry crocodiles. Those who prefer serious stuff could invade the galaxy, manage railway companies, and practice terraforming. We missed the sun, which was there the day before and came back just when we were leaving, so there were few outdoor games, just some one big battletag game and some team games of turtle wushu. As for business, I signed a contract on the spot, but the other Bruno beat me and signed two. A more romantic game designer went for a short walk in the forest, got lost, met deer (wow, I just found out that deer is both singular and plural!) and came back two hours later.

310892_10151625688484884_916870090_n

Walking between game tables, I saw more prototypes, more or less finalized, than published games, and I’m starting to wonder if I still need to bring hundreds of games. Anyway, I have a few hundreds less now, since half of my collection ended on the prize table. There’s not enough room for all of it in my small Parisian flat where I will move in the next months.

The best new game I played was The Little Prince, by Bruno and Antoine. There’s some perverse humor in designing such a nasty game from such a cute and nice enough book. Anyway, it’s a great game, and that’s the main point. Since I spent some time organizing and dealing with people, places and money, I didn’t play many other new games, but I heard raving comments on Alles Käse, Terre Mystica, Robinson Crusoe, Kemet and a few more. There were many games of Boom Boom Balloon, good stupid fun, and of Schlongo – not a really good and innovative game, but that’s not the point. We even designed a liar’s dice Schlongo variant, but this was mostly to justify an obscene and untranslatable French pun.

603795_10151625672579884_974574629_n

I mostly played my own prototypes. Mascarade and Sitting Bull / Laughing Seagull, who are both going to be published, were great hits. Sorry, no picture of the horny bat. I worked a lot with German game designer Anja Wrede these last months, and we had several new prototypes which all went very well – an action and dexterity game, a memory game and the mysterious blue bag game. I also had two card games in my usual style, Jugglers and Minstrels and National Museum. The latter was a hit, since three publishers want a copy of it, but I have first to streamline it a bit, since they found it a bit too long. The new version of Space Station Argo works great – thanks to the publisher, who made most of the new developments.

63103_10151625688139884_874332933_n

Of course, I was not alone, since one of goals of this gathering is to bring together gamers, publishers and game authors. I had much fun taking pictures of mysterious prototypes with no idea what was going on. There was the much expected new revolutionary game by Manuel Rozoy, but I still haven’t played it and still don’t understand what it really is. Hervé Marly had a zany game with a wooden stick and little pills. There was Polish science fiction, donkeys in the Chinese desert, Jungle safaris, an Italian theme park to be illustrated by Marie Cardouat. There was also the next big game by Days of Wonder, and a Portuguese game whose rules were written in bad English and explained in French by a German guy – since they managed to play it, it must be quite good.

163520_10151625691849884_2014573843_n

The big outdoor game this year was Turtle Wushu, designed by the German team of Invisible Playground. I hope there will be some compromising videos of it on the web. Kudos to Marc who plunged in the canal to prevent a swan from swallowing a poker chip. He seems to know as much about swans than about chimps.

12484_10151625673759884_1168946609_n

I’m back for my last weeks in Avignon, with lots of gaming work to do – and that’s not an oxymoron. I must update the rules for Rumble in the Jungle. I must correct the rules of Grabbit because while German horses eat carrots, French ones eat only grass – luckily, our donkeys eat carrots, so the game can be saved. I must update all the cards and rules of National Museum and send four or five boxes to various publishers. I must write down the ideas I had while driving from Avignon to Etourvy for a bluffing card game – working title Wakan Tanka – and the ideas we had together with Anja when driving from Etourvy to Paris – no working title yet. And I’m supposed to get back to work next Monday.

Thanks everybody, see you next year !

And thanks to all the publishers who were there, or who sent games for the prize table : Zoch, Abacus, Ares, Edge, Cranio, Gigamic, Letheia, Argentum, Iello, Funforge, Matagot, Flatlined games, Asmodée, Siebenschläffer, Lui-même, Repos Prod, Libellud, Space Cowboys, and I certainly forgot one or two.

Les quatre circuits de Formula E
The four Formula E race tracks

FE_Board34
Voila, j’ai maintenant les images des quatre circuits de Formula E, dessinés par la talentueuse Jacqui Davis. Pour les deux circuits d’origine, l’éditeur avait demandé à l’illustratrice de représenter des paysages de jungle et de montagne.
Pour les deux circuits supplémentaires, en principe réservés à ceux qui ont souscrits pour cela sur Kickstarter, il fallait faire autre chose, et on a opté pour des paysages plus urbains. Nous avons donc une ville animée et bariolée sur le plateau pour 3 et 4 joueurs, et le Taj Mahal, rien de moins, sur celui pour 5 ou 6 joueurs. Mes préférés ? je crois que ce sont la montagne, avec le temple, et la cité multicolore.
FE_Board56
Pour ces deux nouveaux plateaux, il fallait aussi imaginer de nouvelles règles. Il y a donc de nouvelles cases sur la plateau de jeu. Les manguiers permettent deux points de déplacement supplémentaires, y compris en diagonale. Les cabanes permettent de piocher une carte pour l’utiliser immédiatement si cela est possible. Les abords de la rivière ralentissent les éléphants, qui piétinent un peu dans la boue. Tout cela rend le jeu plus varié, plus dynamique, et parfois plus méchant. Bien sûr, les bananiers qui font piocher des cartes en plus, sont toujours là.

Le site de l’illustratrice, Jacqui Davis


FE_Board_ex34
I now have final pictures of the four tracks for Formula E, illustrated by the talented Jacqui Davis. The two original tracks, that will be in the basic box, were in forest and mountains. For the two new tracks aimed at those who pladged for them on Kickstarter, the publisher asked her for more urban settings. So we have a 3-4 players track in a bustling and colorful city, and a 5-6 players one around the Taj Mahal. May favorites are probably the original montain board, and the expansion city one.
FE_Board_ex56
For these new boards, Sergio, André and I were asked to devise some new rules. So there are Mango trees, giving two extra movement points, including diagonally, there are market stalls allowing one to draw a card and use it at once if possible, and there are muddy riverbanks, making the movement of heavy elephants much slower. All this makes the game more varied, and sometimes nastier. Of course, banana trees are still there.

Jacqui Davis’ blog and portfolio

Le plateau de l'extension de Formula E - et plein de boites de proto au premier plan. Playtesting the Formula E expansion board, with dozens of prototype boxes in the foreground.

un test de l’extension de Formula E – avec plein de boites de proto au premier plan – à Ludinord.
Playtesting the Formula E expansion board, with dozens of prototype boxes in the foreground, at the Ludinord game fair.

Les jeux aussi ont des auteurs
Games also have authors

ASHA-Logo_2_F

Je n’ai jamais été très regardant sur les contrats d’édition. Je les survole à peine, généralement trop content d’avoir trouvé un éditeur pour ma dernière création, et très conscient que le plus important n’est pas ce que l’on signe, mais avec qui on le signe. Il y a bien quelques points que je vérifie. Je demande une avance, même symbolique, pour être certain que l’éditeur s’investit bien dans le projet. Je vérifie que j’ai bien droit à une dizaine d’exemplaires d’auteur, car j’en offre généralement à mes testeurs, et à mes amis, et ils partent vite. Je suggère systématiquement des droits d’auteur progressifs, par exemple 6% sur les premières boites, puis 8% au delà d’un certain seuil, puis 10% au delà d’un autre seuil généralement assez improbable ; il me semble en effet logique de demander moins à l’éditeur lorsqu’il lance un jeu, supporte des coûts fixes importants et prend plus de risques financiers que moi, et de lui demander plus lorsque le jeu est un succès, et qu’il n’a plus qu’à passer un coup de téléphone pour lancer un nouveau tirage. Pour le reste, je passe rapidement sur les paragraphes techniques auxquels je ne comprends pas grand chose, les histoires de responsabilité et de droits dérivés, et tous ces passages abscons écrits en langage juridique – d’ailleurs très spécifiques aux contrats français, car les contrats d’édition américains ou allemands tiennent généralement en deux pages et vont droit au but.
Je ne suis pas pinailleur, et peux même être assez arrangeant avec les éditeurs qui pour une raison ou une autre me sont sympathiques. Pour vous dire, nous venons de nous rendre compte avec l’éditeur de Bongo que nous n’avions jamais signé de contrat d’édition…. .
Il y a pourtant quelques principes auxquels je tiens. Je veux, notamment, mon nom sur la boite – pour impressionner mes amis, certes, mais aussi car c’est une reconnaissance de la qualité d’auteur, au sens littéraire ou artistique du mot, du créateur de jeu. Je ne me sens pas un inventeur, un découvreur, un technicien, un bricoleur – même s’il y a parfois un tout petit peu de bricolage physique et mathématique dans la conception d’un jeu. L’activité d’auteur de jeu, telle que je la perçois, est très proche de celle du romancier ou, plus encore sans doute, du scénariste de cinéma. Je tiens donc à être reconnu en tant qu’auteur.

C’est pourquoi je suis très inquiet de ce qui se passe en Allemagne, qui était pourtant jusqu’ici le pays d’Europe où les auteurs de jeux, peut-être parce qu’il y sont assez nombreux, semblaient avoir le mieux réussi à obtenir leur reconnaissance comme auteurs de créations culturelles. Un consortium d’éditeurs de jeux, parmi lesquels d’ailleurs des éditeurs français et américains, y a en effet décidé de refuser par principe le statut d’auteur aux créateurs de jeu. Si le statut d’auteur devait un jour être dénié aux créateurs de jeux français, un fonctionnaire comme moi n’aurait même tout simplement plus le droit de créer, ou en tout cas de publier, des jeux !
J’ai donc signé la pétition de la SAZ, syndicat d’auteurs de jeux originellement allemand, mais auquel adhèrent désormais des auteurs du monde entier, moi y compris, pour demander à ce groupement d’éditeurs de revenir sur leur position et de reprendre, sur la base de la reconnaissance du statut d’auteur des créateurs de jeux de société, les discussions avec la SAZ sur le contenu des contrats d’édition.

Quelques explications sur le site de la SAZ
Pour signer la pétition – même si vous n’êtes pas un auteur de jeu
Un article de Mops sur Tric Trac


saz-authors

I’ve never been very attentive when checking publishing agreements. I read them in a very cursory way, usually glad enough that I’ve found a publisher for my last game, and aware that the most important is not what I’m signing, but with whom I’m signing it. I check a few points – I want an advance, even a very symbolic one, as token of the publisher’s interest in the game. I check that I will get enough author copies – ten or twelve – to give to my playtesters and some friends. I always suggest progressive royalties – i.e. 6% on the first copies, 8% once a given number of copies have been sold, and 10% once an even greater, and very optimistic, number of copies have been sold. It sounds fair and logical to me to get little money when the publisher is producing a new game, paying for graphics and other fixed costs, and taking more risks than me, and to get more once all the fixed costs have been paid and a phone call is enough to start a new print run. I don’t really read all the legalese about liabilities and secondary rights – which are, however, very specific to French contracts, which are usually twenty pages long when US or German ones are two pages long, clear and straightforward.
I’m not a hair-splitting negotiator, and I can even be quite accommodating with people I like or admire. I just signed the publishing agreement for Bongo, meaning the game was in print for several years without ever thinking of making a formal contract.
There are, however, a few principles I hold to. I want my name on the box – to impress my friends, but also because it is the best possible acknowledgement of my status as an author, as with a book or any piece of art. I’m not an inventor, a discoverer, a technician, a handyman – even when there can be some technical or mathematical makeshift job in designing a game. I have always felt that designing a game was like writing a novel, or may be even more like writing a movie script. That’s why I want to be recognized as an author.

And that’s why I am highly concerned with what is now happening in Germany, and even more when Germany seemed so far to be the European country where game designers had managed to have the stronger status, and to be considered authors of original cultural creations. A game publishers group, among which some French and US publishers, has decided to deny the author, or originator, status to game designers. If such a point were accepted in France, state workers like me would simply not be allowed to design and publish games!
That’s why I’ve signed the petition by the SAZ. The SAZ is the mostly German game designers’ union, even when it has now several members from various other countries, including me. The SAZ has formally asked the game publishers’ group, the Fachgruppe Spiel, to reconsider their position, to acknowledge game designers as authors, and to start discussing with the SAZ on standard publishing agreements.

More details on the SAZ website
Sign the petition – even if you’re not a game author.

644461_264396047030520_1564001480_n

D’autres éditeurs allemands, généralement plus modestes, ont formé le groupe “Fairlag” pour exprimer leur soutien à la position des auteurs de jeux.
A group of other – and mostly smaller – publishers have created the “Fair lag” initiative to express their support of the game designers position.

Ludinord

Mascarade à 12 joueurs Mascarade with 12 players

Mascarade à 12 joueurs
Mascarade with 12 players

Au festival Ludinord, j’ai découvert quelques jeux bien sympa et à paraître prochainement, comme Wink et Les Trois Petits Cochons, et d’autres récemment parus, comme Noblemen et Robot Troc. Mais j’ai surtout fait quelques parties de Speed Dating, et fait tourner Mascarade, dont la table de démonstration ne désemplissait pas. il y a eu des parties, à dix, onze ou même, comme sur la photo ci-dessous, à 12 joueurs. Mascarade tourne en effet de 2 à 13 joueurs – même si je le préfère à 5 ou plus.

Les trois petits cochons, c'est plus mignon que Zombie Dice. Three little pigs, more cute than zombies.

Les trois petits cochons, c’est plus mignon que Zombie Dice.
Three little pigs, more cute than zombies.

At the Ludinord game fair, I’ve played the final prototypes of two wonderful light games to be ublished in the coming weeks or months, Wink and Three Little Pigs. I’ve also discovered two really good already published games, Robot Troc and Noblemen. But I mostly played my own games, Speed Dating and, most of all, Mascarade. There was only one table to demo it, and it was always full. We played games with 10, 11 or even, as on the picture here over, 12 players. Mascarade plays well with 2 to 13 players, though I prefer it with 5 or more.

ludinord3

Le plateau de l’extension de Formula E – et plein de prototypes au premier plan.
The Formula E expansion board, and a dozen prototypes in the foreground.

 

Le retour des dés disparus
Dice lost and found

titre

Publié en 2000, Bongo est un petit jeu de logique et de rapidité très amusant. Les joueurs y sont des touristes visitant un parc dans la savane africaine. Un jet de dés détermine quel animal – antilope, gnou ou rhinoceros – est visible dans la forêt, et le premier joueur à annoncer le bon animal marque un point. Bongo se vendait assez bien, et aurait sans doute pu être régulièrement réimprimé.

En 2006, Lorenz, l’un des principaux fabricants allemands de pions, de dés et de petits animaux en bois, fit faillite. Un an plus tard, lorsque les stocks de Bongo se trouvèrent épuisés et que vint le moment de le réimprimer, l’éditeur réalisa que les dés spéciaux étaient fabriqués chez Lorenz, et que les formes de gravure, sortes de moules à bois, utilisés à cet effet avaient disparu dans la liquidation de Lorenz. Plutôt que de refaire des formes, ce qui est assez cher, il entreprit d’essayer de les retrouver, partant de l’idée que personne d’autre n’en avait l’usage. Je n’y croyais plus du tout lorsque, la semaine dernière, je reçus un email m’annonçant qu’après six ans d’enquête, les formes de découpe avaient finalement été retrouvées, ce qui devrait permettre une assez rapide réédition de ce jeu devenu introuvable !

Bongo
Un jeu de Bruno Faidutti
Illustré par Frank Stark

2 à 8 joueurs – 10 minutes
Publié par Heidelberger Spielverlag (2000)
Tric Trac        Boardgamegeek


Bongo

Bongo, published in 2000, is a light and fun game of logic and rapidity – a speed pattern matching game, a bit like Set meets Pit. Players are tourists visiting a wildlife park in Africa. A dice roll determines which animal – antelope, gnu or rhinoceros – can be seen in the forest, and the first player to shout the right answer scores one point. The sales of Bongo were good enough to grant it a regular reprint.

In 2006, Lorenz, one of the main German companies  making wooden pawns, dice and little animals, unexpectedly went out of business. One year later, when Bongo went out of stock at the publisher, we realized that the wooden engraving shapes used to manufacture the game’s special dice had been lost in Lorenz’s liquidation sales. Making new shapes was quite expensive, so my friends at Heidelberger tried to track down the old ones, which could not be of any use for anyone else. After seven years, I had given up hope, but last week I got an email from Heidelberger telling me that the Bongo dice engraving shapes had resurfaced, and that they are now planning a reprint. This is really an unexpected comeback.

Bongo
A game by Bruno Faidutti
Art by Frank Stark

2 to 8 players – 10 minutes
Published by Heidelberger Spielverlag (2000)
Boardgamegeek

hidden+leopard

Aliens et sorciers, même combat
Aliens and Wizards, same battle

twilight-imperium-3D-layout

Lorsque je réfléchis à l’exploitation dans les jeux de société d’un thème particulier, comme je l’ai fait récemment pour l’univers Steampunk, je commence généralement par une comparaison avec la littérature, peut-être parce que je connais assez mal les mondes, sans doute plus proches, du cinéma, du jeu video et de la bande dessinée. La fonction du thème dans les jeux de société est pourtant assez particulière, parce que les mécanismes y sont plus importants, plus rigoureux, plus incontournables que dans un film ou un roman – il n’y a guère que Pérec qui ait écrit des livres comme Reiner Knizia fait des jeux, en partant des mécanismes et non du thème, et je ne trouve pas le résultat, une sorte de littérature abstraite, très convaincant. Dans un autre style, cependant, j’aime bien Mallarmé…

L’auteur de jeu, même lorsqu’il part d’un thème, doit rapidement se préoccuper de mécanismes, de systèmes de jeu. Les meilleurs jeux sont même souvent ceux dont le thème et la mécanique sont inséparables, car ils ont été d’emblée conçus ensemble. Et là, on se rend vite compte que certaines thématiques reviennent facilement, de manière presque paresseuse.

Deux univers sont particulièrement pratiques pour les auteurs de jeux, et en particulier ceux qui, comme moi, aiment introduire des effets un peu farfelus ou inattendus sans renoncer à la cohérence de l’univers. Ce sont l’Heroic Fantasy et la science fiction.

Il y a une dizaine d’années de cela, il y avait dans presque tous mes jeux des sorciers et des dragons. Bien sûr, le fait que j’ai fait pas mal de GN et lu un peu de littérature fantastique y était pour quelque chose, mais c’était aussi un choix extrêmement pratique, technique. Avec la magie, tout est possible. Tout ce qui est intéressant du point de vue de la mécanique de jeu, des interactions entre joueurs, des choix tactiques ou stratégiques, peut trouver une justification thématique, toujours la même : c’est magique. Si Richard Garfield a choisi pour Magic the Gathering le thème de l’Heroic Fantasy la plus générique, la plus floue, la plus vaste, c’est par ce que c’était le seul univers dans lequel il était possible de donner un vague sens à toutes les cartes, à tous les effets imaginables, pour peu qu’on leur trouve un nom aux sonorités vaguement féériques.

Avec la science fiction, comme avec le fantastique, tout peut assez facilement trouver une justification thématique. La technologie, surtout lorsqu’elle est extra-terrestre, ne s’explique pas et peut donc tout expliquer. Les pions passent d’un bout à l’autre du plateau de jeu, au travers de portes stellaires ou de fractures du continuum spatio-temporel. Les cartes circulent d’un joueur à l’autre grâce aux pouvoirs télékynésiques de civilisations lointaines. Rencontre Cosmique, de très loin le meilleur jeu de science fiction jamais publié, illustre à merveille toutes les possibilités permises par ce thème.

D’autres thèmes qui peuvent sembler beaucoup plus cadrés, plus précis, sont également très utilisés dans le monde du jeu de société. Les jeux pour deux joueurs représentent très fréquemment la guerre, les jeux pour des joueurs plus nombreux préférant l’exploration, la gestion de ressources, la construction d’une cité ou d’un royaume. Mais quand on parle d’un jeu de guerre, de gestion, d’exploration, est-on encore dans le thème ou déjà dans la mécanique ? Une guerre peut être antique, médiévale, contemporaine, fantastique ou spatiale, tout comme le commerce, tout comme la gestion d’un empire ou même d’un village. On peut explorer une forêt, un souterrain, une galaxie. Tout cela peut donc être situé dans un univers historique, ou relativement abstrait, mais là encore, le fantastique et la science-fiction apportent toujours plus de libertés à l’auteur de jeu, surtout s’il a, comme moi, l’esprit quelque peu baroque. Si l’archétype du gros jeu pour joueurs est un jeu d’exploration spatiale, de construction et de gestion de son empire et de sa flotte, puis, comme dans un orgasme final, de bataille intergalactique avec les flottes adverses, ce n’est pas parce que les joueurs sont particulièrement fans de Space opera baroque, un genre littéraire marginal et ennuyeux, même s’il passe mieux au cinéma. C’est parce que seul le Space Opera permet de tout mettre, tout caser, tout faire rentrer dans une boîte de jeu – même s’il faut souvent une très grosse boîte, comme dans Twilight Imperium ou Eclipse.

Pour les gros jeux, les jeux pour joueurs, science-fiction et fantastique sont donc des thèmes particulièrement faciles, surtout pour qui veut concevoir un jeu un peu alambiqué, un peu chaotique, un peu touffu. On pourrait sans doute expliquer de la même manière pourquoi les jeux de gestion de ressources, avec des cubes en bois de toutes les couleurs, ont si souvent un thème médiéval ou Renaissance. Quoi de plus évident que de faire des cubes de couleur du bois, de la pierre, du métal, et tout le nécessaire pour construire des châteaux des palais, qu’il faudra faire plus beaux que ceux du voisin ?. Quant aux jeux plus familiaux, voire enfantins, ce sont le domaine des animaux, et très souvent ces animaux n’ont qu’une activité principale – ils mangent, que ce soit des cartes carottes ou des jolies carottes de bois.


eclipse

When I try to think on the uses of some specific setting in boardgames, as I made in a recent article about Steampunk, I often start with a comparison with literature, may be in part because I don’t know that much about movies, comics and video-games, even when their universes might be more similar with those of boardgames. It would be wrong to assume, however, that the function of the theme/setting and mechanisms/systems are the same in a novel and in a game. Perec is the only author I can think of who wrote books like Knizia designs games, starting from a mechanism idea, and I’m not really convinced by his nearly abstract literature. Well, on the other hand, I quite like Mallarmé…

The game author, even when he starts from a theme, must almost from the beginning think of the game systems, the machanisms that wil go with it. The best games are often those in which setting and mechanism cannot be set apart, because they were devised together. Two settings are very convenient to work simultaneously on story and systems, especially for authors like me who like to add zany and unexpected effects while keeping the game universe consistent. These are Heroic Fantasy and Science Fiction

Ten or twelve years ago, all my games had wizards and dragons. Of course, this was also the time I was playing larps and reading fantasy, but this may not be the main reason. There was also a very technical explanation – magic makes everything possible, and therefore almost everything consistent. Any game system that can be interesting because if brings tactical choices, strategic decisions, bluffing opportunities, can find a thematic justification. In fact, the justification is always the same – it’s magic! Richard Garfield choose generic heroic fantasy as a setting for Magic the Gathering because it was the only way to give a vague thematic sense to all the zany card effects he had in mind, as long as he gave each one of them some meaningless fantasy name.

It is the same with Science Fiction, which can also give some meaning to any game event or effect. Technology, and especially alien technology, cannot be explained and therefore can explain everything. Tokens can jump from one part of the board to another through stellar gates or tears through the space-time continuum. Cards move from one player to the other due to the telekinetic powers of far away civilizations, and so on. Cosmic Encounter, my favorite science fiction game, is a good illustration of the infinite possibilities of alien cultures.

There are also some more precise, more limited, more mundane settings that are often used in boardgames – but the question here is what exactly is still theme or setting and what is already mechanism or system. Two players games are often about war, multiplayer games about resource management, building castles, kingdoms or empires, or exploration. But is war, resource management, exploration a mechanism or a theme ? It is neither one nor the other, and a bit of both. A war can be antique, medieval, modern, fantasy of in deep space, and the same is true of resource trading or management. Explorers can enter a cave, a forest or a galaxy. All these subjects – war, exploration, trade, development – can fit with many settings but, once more, science fiction and fantasy allow for more variety, more opportunities, more freedom for the designer – especially the baroque minded one. The archetypal heavy gamers game is a game of space exploration, development and empire management, with a intergalactic war as final climax. This doesn’t mean that hardcore gamers are all fans of space opera, a rather boring and repetitive literary genre, even when it can make for impressive movies. This is just because it’s the only setting that allows to put everything in the same game box – even when it often needs a very big box, such as with Twilight Imperium or Eclipse.

Heroic Fantasy and Science Fiction are very useful settings for boardgame designers wanting to make something a bit heavy, a bit convoluted, a bit chaotic. It might be possible to explain in a similar way why so many wooden cubes – ressource management – worker placement eurogames are about building medieval or Renaissance castles, palaces or churches : wooden cubes seem destined to represent wood, stone, metal, and therefore to be used in some kind of old style building trade. As for kids games, the obvious theme is animals – and often these animals have just one main activity, they eat. So you have rabbit cards, and carrot cards, or sometimes carrot tokens…

runewars

Mascarade

pic1585818

Il y a six ou sept ans de cela, je me procurai, je ne sais plus bien dans quelles circonstances, un jeu de société japonais, Warumono, un jeu de gangsters, ou plutôt de yakuzas. Le partage du butin ne s’est pas tout à fait passé comme prévu, quelques petits malins ayant voulu tout garder pour eux et refiler des faux billets à leurs collègues. Dans la confusion générale, nul ne sait plus très bien qui est parti avec le magot et qui n’a a que de la fausse monnaie dans sa valise. Chacun des gangsters veut donc récupérer les vrais billets avant de s’enfuir à l’étranger, en bateau ou en avion. Les pions circulent donc en ville, l’un se fait faire un passeport, l’autre achète un billet d’avion, et quand deux se croisent, ils s’échangent, ou pas, leurs mallettes, ce qui rend le butin assez difficile à suivre. Warumono est un excellent jeu familial, même si son thème ne l’est qu’à demi, aux systèmes très originaux. Parmi ceux-ci, la règle d’échange de la mallette sous la table – un joueur prend sa propre mallette et celle d’un autre joueur et, sous la table, les échange, ou pas.

Dès ma première partie, je savais qu’un jour je réutiliserai ce mécanisme dans un autre jeu, même si je ne savais encore ni lequel, ni quand. La première occasion se présenta lorsque, avec Hervé Marly, nous tentâmes de faire un jeu de cartes sur les crop circles, dont tout ce dont je me souviens est qu’il ne tourna jamais vraiment bien. Quelques années plus tard, il y eut un prototype avec une carte chat qu’il fallait retrouver, et qui s’appelait tantôt le chat du Cheshire, tantôt le chat de Schrödinger.

Lorsque j’abandonnai, dans un état très imprécis, le chat de Schrodinger, il me vint donc l’idée de mêler des personnages à la Citadelles avec le mécanisme d’échange de cartes de Warumono, pour obtenir un jeu minimaliste ne demandant qu’autant de cartes qu’il y a de joueurs. Après tout, s’il y a bien des cartes quartiers dans Citadelles, c’est presque uniquement avec les personnages que l’on joue. Il y avait devait donc bien y avoir moyen de faire un jeu qui se joue avec juste une carte par joueur, et qui ne soit pas un autre remake des Loups Garous. Si les rôles, cachés, passaient d’un joueur à l’autre au point que l’on ne savait parfois plus bien qui l’on était, le thème ne pouvait en être que la mascarade, le carnaval de Venise. Cette troisième occasion fut donc la bonne.

À partir de là, tout est allé très vite. La première version de Mascarade n’avait que six personnages, roi, reine, évêque, juge, voleur et espion, et les parties à 5 ou 6 joueurs s’avérèrent tout de suite très tendues. Pour des groupes de joueurs plus nombreux, j’ajoutais d’abord des paysans sans pouvoir particuliers, sortes de mistigris dont les joueurs essayaient de se débarrasser puis, au fur et à mesure des tests, il me vint quelques autres idées, et d’autres personnages furent aussi suggérés par des joueurs – la Sorcière par Bruno Cathala, beaucoup par l’équipe de Repos Prod après qu’ils eurent décidés de publier ce jeu. Les personnages devenant nombreux, il fallait des fiches d’aide de jeu, une carte tribunal pour y poser les amendes, et des pièces d’or de plus en plus nombreuses quand le jeu devenait praticable à dix, puis douze. Ce que Mascarade perdait en élégance minimaliste, il le gagnait cependant en richesse et en variété.

L’idée était dans l’air. Quelques mois après que j’avais signé le contrat de Mascarade, et alors que nous étions en train d’apporter au jeu ses derniers réglages, des amis revinrent d’Essen avec, dans leurs cartons, deux jolis petits jeux de cartes, Coup et Love Letter, dans lesquels chaque joueur joue avec une main d’une ou deux cartes personnages et cherche souvent à se faire passer pour qui il n’est pas. Je réalisai même que tous ces jeux avaient une sorte d’ancêtre commun, auquel j’ai joué dans les années quatre-vingt-dix, ou peut-être même quatre-vingt, mais auquel je n’avais absolument pas pensé en concevant Mascarade, Hoax – l’imposteur. Hoax, le précurseur, a un peu vieilli. J’ai joué à Love Letter, et ai adoré, mais c’est finalement très différent de Mascarade. Coup en est bien plus proche, mais je ne l’ai pas vraiment apprécié. Alors, lequel, de Love Letter, Coup et Mascarade deviendra un classique ? Ce sera à vous d’en décider, et j’espère que ce sera Le mien. Mascarade a au moins deux avantages sur ses concurrents. Il se joue de 2 à 13 joueurs, même si la règle pour 2 ou 3 joueurs, un peu bricolée, ne s’adresse qu’à ceux qui connaissent déjà bien les mécanismes du jeu. C’est aussi le seul des trois dans lequel non seulement on ne sait pas toujours qui sont les autres joueurs, mais on ne sait souvent même pas qui l’on est – comme dans la vraie vie.

Mascarade
Un jeu de Bruno Faidutti
Illustré par Jeremy Masson
2 à 13 joueurs –
30 minutes
Publié par Repos Production (2014)
Ludovox          Vind’jeu          Tric Trac         Boardgamegeek


pic1585819

Illustrations de Jeremy Masson
Graphics by Jeremy Masson

I don’t remember how, six or seven years ago, i got a copy of Warumono, a Japanese gangster – or rather yakuza – game. A bank has been robbed, but the divying up of the loot ended in confusion when one of the robbers tried to leave with all the money. In the ensuing confusion, noone knows who left with the right case, the one with the banknotes, and who got an empty one. Each thief tries to get hold of the loot and to leave the country, by plane or boat. Players move their pawns in the city, occasionally bying a plane ticket or a fake passport, and when two thives meet, they swap – or not – their briefcases. It’s all mix-up and poker faces. Warumono is a very good and very original light game, even when the theme is not really family fare.

After the first game, i already knew that, some day, I’ll use in some other game the system of the secret swapping of briefcases under the table. The first try, together with Hervé Marly, was a card game about UFOs drawing crop circles – all I remember of it is that it didn’t work. A few years later, I had another prototype, with a cat card that had to be traced and found. It was called the Cheshire cat one day, the Schrödinger cat the other, depending on its ambiguous status.

I abandonned Schrödinger’s cat in some undetermined state and soon had another idea – mix the Citadels characters and the Warumono swapping rule, in order to design a minimalistic but convoluted game played with just one card for each player. There are district cards in Citadels, but the game is really played mostly with the character cards. I wanted to go farther and design a game played with just one card for each player – and not one more werewolf variant. With roles being secretly swapped between players, the setting was obvious – masquerade, the Venice carnival.

Things went really fast from here. The first Mascarade prototype had only 6 cards, King, Queen, Bishop, Judge, Thief and Spy, and the first five or six players games were very tense and challenging. For more players, I first added peon cards, with no specific powers, of which players had to get rid. During the first game sessions, many players suggested ideas for more characters. The first one was the witch, devised by Bruno Cathala. Later, the Repos Prod guys, after they decided to publish the game, added several other. With a dozen characters, players aids were becoming really necessary, as well as a tribunal card, and lots of money tokens. Mascarade was becoming less elegant and minimalistic, but it was also more fun and varied.

The idea was in the air. A few months after I had signed the contract for Mascarade, and while I was busy selecting and fine tuning the characters, friends came back from Essen with two light card games, Coup and Love Letter, in which every player has a hand of one or two character cards and sometimes pretends to be who he is not. I also realized that all these games had a common ancestor, or at least precursor – Hoax. I have played it in the nineties, or may be even the late eighties, but I never thought of it when designing Mascarade. Hoax didn’t age that well. I’ve now played Love Letter, and love it, but it’s not that similar with Mascarade. I’ve played Coup, and didn’t really care for it, though I admit it’s more similar with my own design. So, which one, Love Letter, Coup or Mascarade, will become a classic ? Your choice, of course – but I bet on mine ! Mascarade has at least two things for it. It plays with 2 to 13 players, even when the two and three players rules are second thought ones, and should not be tried if you haven’t already mastered the standard many players game. Also, it’s the only game in which players not only don’t know who the other players are, but often don’t know for sure who they are – like in real life.

Mascarade
A game by Bruno Faidutti
Art by Jeremy Masson
2 to 13 players – 30 minutes
Published by Repos Production (2013)
Boardgamegeek

pic1584871

Cannes

intro-festival-des-jeux-2013

Je n’étais ni à New York, ni à Nuremberg, mais après un week-end ludique chez des amis en Bourgogne, je serai dans deux semaines au salon du jeu de Cannes. Certes, c’est moins grand, il y a surtout des éditeurs français, mais c’est un peu plus près de chez moi, et ce sont mes amis de Repos Prod qui m’invitent, et ils ne font pas les choses à moitié, hôtel de luxe et tout. Je serai donc la plupart du temps sur le stand de Repos Prod à présenter Mascarade, un jeu de cartes qui devrait sortir d’ici quelques mois et dont je viens de recevoir les premières illustrations, magnifiques. Ceci dit, je passerai aussi, avec Nathalie Grandperrin, sur le stand de Iello pour quelques parties de Speed Dating, et sur celui de FunForge pour présenter The Big Movie, et je crois que je n’oublie personne.

Surtout, j’aurai avec moi une dizaine de prototypes qui cherchent encore un éditeur, des jeux que j’ai fait tout seul, et des jeux que j’ai fait avec des amis, avec Nathalie, Sandra, Anja, Serge ou l’autre Bruno. J’aurai donc une boite avec une maman velociraptor et ses petits, une boite avec des bisons hilares et des pandas enrhumés, une boite avec des jongleurs et des ménestrels, deux boites avec des souris, des tigres et des éléphants, une boite avec Lance Armstrong, Dominique Strauss Kahn et Patti Smith, une boite avec des prothèses mammaires et des grenouilles d’Australie, une boite avec des amphores, une boite avec des tableaux, une boite avec une station spatiale en kit, et quelques autres trucs.

Avis, donc, à tous les éditeurs de passage – j’ai sûrement ce qu’il vous faut. Vous pouvez me retrouver sur le salon, je ne devrais pas être trop difficile à trouver, mais on peut aussi prendre rendez-vous – je serai sur le salon du jeudi au dimanche.


Quelques protos prêts pour Cannes, mais il m'en reste encore deux ou trois à imprimer. Prototypes ready for Cannes, and I've still to print one or two more.

Quelques protos prêts pour Cannes, mais il m’en reste encore deux ou trois à imprimer.
Prototypes ready for Cannes, and I’ve still to print one or two more.

I was neither in Nuernberg, nor in New York, but after a gaming week-end with friends in Burgundy, I’ll be at the end of the month at the Cannes game fair. It’s a much smaller event, with mostly French publishers,  but it’s nearer from home, and I’m invited by my friends from Repos Prod. this meand I’ll probably spend most of my time at the Repos Prod booth demoing Mascarade. I believe this fun and light card game will be a hit. i just received four first illustrations – king, witch, thief and cheater – and they are gorgeous. I will also demo Speed Dating, together with Nathalie Grandperrin, at Iello, and may be The Big Movie at FunForge. I hope i didn’t forget anyone.

More important, I’ll bring a dozen prototypes still looking for a publisher, games of mynown or games I codesigned with some friend, Nathalie, Sandra, Anja, Serge or the other Bruno. I’ll have a box with a mummy velociraptor and her kids, a box with laughing bisons and sneezy pandas, a box  with jugglers and minstrelsm two boxes with mice, tigers and elephants, a box with Lance Armstrong, Dominique Strauss Kahn and Patti Smith, a box with fake boobs and australian frogs, a box with amphoraes, a box with paintings, a box with a modular space station, and some more.

So, this is a notice to all publishers who might be passing by – I probably have just what you need in your line. You can look for me at Repos Prod, but we can also make an appointment – I’ll be on the fair from thursday afternoon to sunday.

Jeux de Trains
Train Games

aventuriers

Si, dans quelques siècles, des historiens essaient d’imaginer la vie des hommes du début du XXIème siècle à partir d’une collection de jeux de société, ils déduiront logiquement des boites et des innombrables extensions des Aventuriers du Rail ou de Age of Steam, que le moyen de transport le plus populaire et le plus utilisé était le train. Ils ne verront sans doute dans l’automobile, considérée plutôt comme un sport, qu’un mode de transport très marginal. Bien sûr, la réalité est exactement inverse, la majorité de nos déplacements se faisant en voiture. Le trains ne parvient pas, malgré tous les discours plus ou moins écolo en sa faveur, à se débarrasser d’une image un peu vieillotte et ringarde. Comment expliquer alors que, dans la société de l’automobile, auteurs de jeux et joueurs soient si attirés par les trains? Sont-ils tous comme moi, qui aime les trains, qui s’y sent si bien qu’il s’endort à peine quitté la gare? Sans doute pas.

Une première raison tient sans doute à l’histoire, et en particulier à l’histoire de la Grande-Bretagne et des États-Unis. Les auteurs de jeux de train sont presque tous anglais ou américains, et certains ont publié un assez grand nombre de jeux de trains – Freight Train, Union Pacific, Santa Fe Rails et Ticket to Ride pour Alan Moon, Age of Steam, Last Train to Wensleydale, Steel Driver, Railroad Tycoon et une douzaine d’autres pour Martin Wallace, 1830 et quelques autres dates pour Francis Tresham. Tous ces jeux ont d’ailleurs été originellement conçus pour se jouer sur une carte de tout partie du territoire de la Grande Bretagne ou des États Unis, et ce n’est que lorsqu’un jeu de trains rencontre un réel succès, comme Les Aventuriers du Rail ou Age of Steam, que des cartes supplémentaires, d’abord de l’Europe continentale, puis si le succès se confirme de terres plus exotiques, jusqu’à l’Afrique Noire ou à Mars, sont ensuite publiées.

Ce que l’on retrouve dans le jeu de société, c’est donc une fascination de l’histoire populaire anglaise et américaine pour les trains, et en particulier les trains à vapeur.

Les Anglais les associent à la révolution industrielle, une période de l’histoire qui semble ne faire rêver qu’eux – comme le montre aussi la mode du steampunk victorien. L’un des premiers jeux de Martin Wallace s’appelait Lancashire Railways, et décrivait la construction des toutes premières voies ferrées commerciales autour de Manchester. Les jeux de Francis Tresham ont pour nom des dates qui, dans tout le reste de l’Europe, font plus penser à des révolutions qu’à des locomotives. Lorsque Reiner Knizia voulut faire un jeu de trains, il l’appela Stephenson’s Rocket, du nom de l’une des premières locomotives à vapeur.

Lorsqu’ils ne se jouent pas sur une carte de l’Angleterre au XIXème siècle, les jeux de trains utilisent le plus souvent une carte des États-Unis, et le thème devient alors la conquête de l’ouest, les rails sur la prairie. Il y a aux États-Unis, pays où les trains sont aujourd’hui rares, vieux et lents, un véritable fétichisme ferroviaire. J’ai parfois l’impression que pour les américains, tous les trains, jusqu’à notre TGV et au transsibérien, sont associés au mythe de la frontière. Un micro-éditeur, Winsome Games, ne publie même que des jeux au thème ferroviaire, généralement très laids.

Il y a aussi sans doute une explication plus pratique, plus technique, à l’usage excessif des trains et voies ferrées par les auteurs de jeux. L’automobile, et c’est d’ailleurs sans doute l’une des raisons pour laquelle elle reste le moyen de transport le plus utilisé dans les pays riches, malgré son coût individuel et collectif, donne une grande liberté de déplacement, permet de partir de n’importe ou pour aller n’importe ou, sans changement, sans rupture. Le train ne permet jamais que d’aller d’une gare à une autre, mais ce qui est une contrainte dans la vraie vie – le réseau, ses nœuds et ses limites – devient un élément structurant intéressant pour le concepteur de jeu. Je me permets de renvoyer ici à l’un de mes articles précédents, dans lequel je faisais remarquer que les cartes “en réseau” sont de plus en plus utilisées dans les jeux, et le réseau ferré est l’un des plus aisés à représenter.

Les jeux de train sont en effet généralement construits autour de trois mécaniques fondamentales, de trois usages du réseau, qui peuvent d’ailleurs se combiner. Les joueurs peuvent construire le réseau, souvent avec des tuiles hexagonales représentant les voies ferrées et leurs croisements et aiguillages, et c’est l’élément central de Age of Steam. Ils peuvent aussi, et c’est le cas des Aventuriers du Rail, chercher à acquérir des liaisons d’un réseau déjà dessiné sur la carte. Enfin, il arrive, plus rarement, qu’ils doivent déplacer un train, souvent pour livrer une marchandise dans telle ou telle gare qui en fait la demande.

Les jeux de train sont en effet joués sur une carte représentant le réseau ferré. Les joueurs n’y sont généralement pas les passagers d’un train, mais plutôt les gestionnaires d’une compagnie ferroviaire. Ce n’est pas le moindre paradoxe qu’alors que le plaisir du voyage en train, comme d’ailleurs du voyage en avion, vient en partie de l’enfermement dans la linéarité du parcours, de l’abandon de toute liberté de descendre, de s’arrêter, de changer d’avis, les jeux de trains soient au contraire des jeux très compétitifs, joués non sur une ligne mais sur un réseau complexe, une grille.

Reste l’automobile. Il y a des jeux de voitures, mais ils sont moins nombreux que les jeux de trains. Curieusement, ce sont eux qui, le plus souvent, se jouent sur un simple circuit fermé, linéaire. Ce n’est en effet plus de transport qu’il s’agit mais de course de vitesse, et une course de trains est impossible – vous avez déjà vu un train déboiter pour en doubler un autre?


steam

If, a few centuries from now, historians try to imagine our life in early XXIth century based on a collection of boardgames, they will probably deduce from the many boxes of Ticket to Ride and Age of Steam, and all their expansions, that the most popular means of transportation were trains. They will even guess that automobiles, while popular as a racing sport, were only marginally used for transportation. Of course, reality is the exact opposite. Despite all the ecological warnings, despite official discourse and, more and more, public opinion favoring public transport, the vast majority of our travels are still made by car. Trains are more marginal than ever, and feel a bit old fashioned. How come that, in the world of automobile, gamers and game designers are so attracted by trains? I actually like trains, and feel so good in a train that I usually fall asleep as soon as we leave the station, but I don’t think all game designers feel like this. There must be some other reasons.

The first ones can be found in history, and specifically in British and North American history. Most train games designers are British or American, and some of them have published several train-themed games. Alan Moon did Freight Train, Union Pacific, Santa Fe Rails and, last but not least, Ticket to Ride. Martin Wallace did Age of Steam, Railroad Tycoon, Last Train to Wensleydale, Steel Driver and a dozen more. Francis Tresham did 1830 and several other years in the XIXth century. All these games are usually played on a map of England, of the United States, or of some part of them. It’s only when a train game sells really well that other and more exotic maps are published, first of Europe and then of even stranger places, up to Black Africa or even Mars. Boardgames are affected by a fascination of British and American popular history for trains, and especially XIXth century steam trains.

In England, trains are seen as the main feature of industrial revolution, and therefore of British economic domination of the XIXth century. It might sound strange to dream of the industrial revolution and to want to reenact it, but British do – as is also indicated by the popularity of steampunk there. One of Martin Wallace’s first train games was called Lancashire Railways and described the building of the very first railway lines in England. Frances Tresham’s train games are named after years which, in the rest of Europe, usually refer to national revolutions and not to railway building. Reiner Knizia’s only train game is called Stephenson’s Rocket, after one of the first commercial Bitish steam locomotives.

When they are not played on a map of XIXth century industrial England, train games are played on a map of the United States, and the game is more or less about the American Frontier heading west, rails on the prairie. The US are now the country of aiplanes and automobiles, and american trains are rare, old and incredibly slow, but ironically the train fetish is stronger there than anywhere else, deeply embedded in the western frontier story. It’s a very broad minded fetish, and for Americans all trains, including the Orient Express, the Transsiberian and even the French TGV are more or less associated with the far west frontier mythology. There’s even a small publisher, Winsome games, who publishes only train games, usually rough editions with very cheap components.

There are also some technical, pragmatic reasons for the frequent use of trains in boardgames. The main reason why cars are still the most frequently means of transportation used in the rich countries, despite their high individual and collective costs, is that they give more freedom than public transports, allowing one to drive from anywhere to anywhere, without any need for transfer or connecting. Trains, on the other hand, move only from station to station. The network, its nodes and its limits are a strong constraint for the real world traveller, but can be a convenient structuring feature for the game designer. In one of my earlier posts, I discussed the use of maps in games, and noted that network maps are now frequently used on game boards, and most of my examples were railway networks.

Most train games are based on one or more of three game systems, three uses of the network. Players can build the network, often with hex tiles figuring the rails and their crossings, like in Age of Steam. They can also, like in Tiket to Ride, take control of the railway tracks between two cities, on a network already drawn on the board. They can also have to move a train from city to city to deliver goods.

Most train games are played on a complex map of the rail network. Players are not train drivers or passengers, but rail barons or railroad tycoons, managing a railway company. This is another paradox of train games. The pleasure of travelling by train (or by plane) derives from the linearity of the travel, from the impossibility to stop, to get off, to change one’s mind, from the abandonment of control, but train games are very competitive, all about control, and played not on a single track but on a complex network, a grid.

So what about car games ? There are car games, though much fewer than train games. Surprisingly, car games are more often played on a single track. Most of them are race games, and train racing games wouldn’t make sense – did you ever see a train pull out to pass another one ?