Une partie de Diamant
A game of Diamant

Diamant rarrive en boutique en début de semaine prochaine – officiellement le 26 août – et du coup les gens de iello sont passés chez Tric Trac pour faire une partie – partie bien sage, mais qui vous donnera quand même une idée du jeu.

The new French edition of Diamant hits the stores by next week – officially on August 26th. There will be an English edition but only available in the UK. The US edition is still Incan Gold.
The Iello team seized the opportunity to visit Tric Trac and they recorded a video of the game in progress, but it’s all in French.

On Dinosaurs, Dilemmas and Unicorns

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Before last Gen Con, I spent a few days at Asmodee North America, in Indianapolis. We seized the opportunity to make an interview in which I talk of Raptor, HMS Dolores and the new edition of Citadels.
Contrary to what is stated on Asmodee North-America’s website, I didn’t actually sit down with the demon of lust and king of nine hells, but with one of his minions, the nice Cynthia Hornbeck. It’s probably better.

There be Dragons

Dragon's Gold cover

L’or des Dragons, jeu de négociation frénétique,  n’est pas mon jeu le plus connu, mais il a ses amateurs – et quelques fans. L’un d’entre eux, J.P. Cunningham, a réalisé son propre jeu…. et c’est assez impressionant !


Dragon’s Gold is a frentic real time negociation game. It’s not my best known game, but it has some following, and a few fans. One of them, J.P. Cunningham, has made his own copy of the game, and it’s impressive !

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Les dés remplacent les cartes dragon : un dé blanc pour les trésors visibles, un dé noir pour les trésors cachés.
Dice replace Dragon cards : a white die for the known treasures, a black die for the secret ones.

Gen Con 2016 Report

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Depuis que le salon d’Essen a été avancé d’une semaine, et ne coïncide donc plus avec les vacances de Toussaint, il m’est devenu difficile d’y aller. Du coup, je prends mes habitudes à la Gen Con estivale d’Indianapolis, l’autre grand rendez-vous du petit monde ludique. L’ambiance y est à la fois moins familiale et plus décontractée qu’à Essen, et c’est plutôt bien.

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Les jeux que j’ai présentés sur le salon

Comme les années précédentes, j’en ai profité pour passer d’abord quelques jours à Minneapolis chez FFG, pardon, chez Asmodee North-America, pour discuter essentiellement de projets dont je n’ai pas encore le droit de parler. C’est toujours chez Asmodée, qui présentait la nouvelle édition de Citadelles, avec plein de nouveaux personnages et quartiers, et Dolorès, ma première collaboration avec Eric M. Lang (il y en aura d’autres), que j’ai passé le plus clair de mon temps à Indianapolis. J’étais un peu déçu que  Raptor ne soit pas mis en avant. J’ai quand même trouvé quelques heures pour aller faire quelques parties de Waka Tanka, dont CMON (il ne faut plus dire Cool Mini or Not) publie la version américaine et politiquement correcte et de Fearz!, ma première collaboration avec Anja Wrede (il y en aura d’autres), chez les petits français de Don’t Panic Games.

waka tankaUne partie de Waka Tanka

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Explications de Citadelles

Ayant d’abord pas mal bossé sur le développement de Citadelles, et ayant ensuite un peu manqué d’idées ces derniers mois, je n’avais apporté qu’un seul prototype,  pour lequel j’ai eu la chance de trouver assez facilement un éditeur. Ça laissait du temps pour “faire du relationnel”, comme on dit, pour causer les éditeurs des jeux qui sortiront l’an prochain, pour discuter de plein de projets avec les nombreux auteurs qui trainaient au bar du J.W. Marriott, pour des interviews plus ou moins improvisées, et pour attraper quelques variétés locales de pokemons. Dans un bistrot, on m’a demandé mon passeport pour vérifier que j’avais bien 21 ans, l’âge minimum pour boire une bière.

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Quelques nouvelles idées de jeux avec Eric Lang….

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Et discussion avec Seiji Kanai (photo par Douglas Morse de tabletopmovie)

GenCon
Les auteurs Sweet November, avec Juan Rodriguez et Julien Prothière

Je ne suis pas en mesure de vous dire quels étaient les succès du salon, les jeux dont tout le monde parle. La Gen Con est un immense bouillon de culture ou groupes et réseaux s’entremêlent ou s’ignorent, et les jeux dont parlent les uns ne sont pas toujours ceux dont causent les autres. Alors, bien sûr, il y a le GeekBuzz du boardgamegeek, mais il ne donne que les jeux dont parlent les Geek, et peut être sujet à manipulations. L’an dernier, tout le monde jouait à Codenames, cette année, tout le monde jouait à Codenames Pictures. Ont aussi bien buzzé Cry Havoc, Mansions of Madness, Dead Last, Grifters, Vast, The Dragon and the Flagon, Scythe, Lotus, SeaFall, Terraforming Mars, Secret Hitler, Last Friday, Captain Sonar, et j’en oublie beaucoup. Mention spéciale pour Scythe et Lotus, qui sont aussi magnifiques.

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La panne informatique de Delta a quelque peu compliqué le retour de tous les participants à la Gen Con. Parmi les français, je pense ne m’en être pas trop mal sorti avec juste une dizaine d’heures de retard – mais j’ignore encore où sont mes bagages.


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Since the Essen fair has been advanced to mid-october, it doesn’t coincide anymore with French school holidays, and it has become complex for me to go there. This is why I now regularly attend the other major boardgame convention, the summer Indianapolis Gen Con. It feels different, both more geeky and more casual, and I think I enjoy it more than Essen.  

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The games I was demoing at the fair

Like the former years, I seized the oportunity to spend a few days at FFG – ooops, at Asmodee North-America, mostly to discuss stuff I cannot talk about yet. I also spent most of my time at Gen Con at Asmodee, wher. e two of my upcoming games were premiered.  The new edition of Citadels has lots of new characters and districts. Dolorès is my first collaboration with Eric Lang – there will be more. I was a bit depited that Raptor was not demoed on the fair, but it’s not possible to have all games. I escaped for a few hours to demo Waka Tanka whose US edition is published by CMON (now it’s CMON, not Cool Mini or Not) and  Fearz!, my first collaboration with Anja Wrede – there wil be more – at Don’t Panic Games, a small French company created by good friends of mine.

waka tankaDemoing Waka Tanka

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Explaining Citadels

I’ve spent much time last year on the playtesting and development of Citadels, and then I had a game designer’s block this last two monthes.  I had only one prototype to show, but it found a publisher relatively easily. On the other hand, I had much time to socialize at the J.W. Marriott bar, to discuss upcoming games with publishers and new ideas with other game designers, to do a few interviews, and to capture local varieties of pokemons. Nice anecdote, I was asked for my ID in a bar when ordering a beer to prove that I am 21.

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Discussing a game idea with Eric Lang….

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And meeting Seiji Kanai (photo by Douglas Morse of tabletopmovie)

GenCon
The Sweet November game designers, with Juan Rodriguez and Julien Prothière

I cannot tell you what were the main hits of the con. The Con is vast and messy, with numerous groups and networks which sometimes mix and sometimes don’t. The games that buzz in a group might go completely unnoticed in another one. Of course, there’s the boardgamegeek Geekbuzz, but it’s not flawless and it only gives the specific opinion of the true boardgamegeeks.
Last year, everybody was playing Codenames, and this year everybody was playing Codenames pictures. I’ve heard mentioned quite often Cry Havoc, Mansions of Madness, Dead Last, Grifters, Vast, the Dragon and the Flagon, Scythe, Lotus, SeaFall, Terraforming Mars, Secret Hitler, Last Friday, Captain Sonar and I certainly forget many. Scythe and Lotus deserve a special mention for their strong and original themes and graphic choices.

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Delta’s computer system outage has made flying back from GenCon a bit complex. Among the French people, I think I didn’t do bad with only about ten hours delay – but I’ve yet no idea where my bags are. 

Mythos

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Publier un jeu de cartes dans une revue a deux principaux inconvénients – ce n’est jamais extrêmement bien payé et les cartes ne sont pas imprimées comme de vraies cartes à jouer – mais, quand il s’agit d’une revue de bandes dessinées, cela a en revanche un avantage extraordinaire, c’est que l’on peut être sûr de la qualité et de l’originalité des illustrations.

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Mythos, qui paraît dans le numéro 200 de la revue Lanfeust Mag, voit s’affronter les divinités de quelques grandes mythologies, et l’équipe de Lanfeust n’a pas fait les choses à moitié, faisant appel à des artistes différents pour illustrer chacun des panthéons. Steven Lejeune a dessiné les dieux de la Grèce antique, Joël Jurion et Audrey Mitsuko ceux de l’Inde, Philippe Fenech et Kmixe ceux de l’Égypte ancienne, Sébastien Calveau ceux des vikings, Joël Liochon ceux des aztèques, et enfin Daniela Dimat quelques uns des innombrables dieux du Japon. Je ne dirai pas quelle série est ma préférée pour ne pas faire de jaloux. Le résultat est splendide à la fois de variété et de cohérence, et je me prends à rêver d’une belle édition avec de jolies cartes – peut-être en anglais, qui sait, si j’arrive un jour à convaincre un éditeur.

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Mythos n’est qu’à moitié une nouveauté, et c’est même peut-être le tout premier jeu de cartes dont j’ai eu l’idée. Ce n’est guère plus qu’une bataille, à deux joueurs, dans laquelle j’ai cherché à introduire un zeste de tactique et de psychologie.

Chacun des six plis d’une manche se joue en deux temps, les deux adversaires jouant une deuxième carte après que la première a été révélée, et la force de chaque joueur étant égale la somme des puissances deux cartes. Si votre première carte est bien plus forte que celle de votre adversaire, il n’est sans doute pas nécessaire d’en jouer une deuxième aussi forte, votre adversaire devant logiquement renoncer à remporter le pli pour économiser ses forces – à moins, bien sûr, qu’il ne fasse le même raisonnement, pense que vous allez jouer petit pour conserver vos meilleures cartes et en profite pour mener une contre-attaque fulgurante. En outre, les cartes rapportant plus ou moins de points de victoire, certains plis peuvent être plus intéressants que d’autres. Bien sûr, certaines cartes – pas trop, deux ou trois par joueur – ont des effets spéciaux qu’il faut aussi prendre en compte.

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Le thème mythologique s’est rapidement imposé. Il permet en effet de construire des sets de douze cartes bien différents, à peu près équilibrés, avec des effets assez thématiques, basés sur les parèdres ou les attributs divins. Avec six mythologies, il y a quinze duels possibles, ce qui donne au jeu une grande variété.

Une première version de Mythos, parue en 1999 dans la revue Sciences et Vie Découvertes sous le nom de Combat des Dieux, ne comprenait que quatre mythologies, grecque, égyptienne, viking et aztèque. En 2011, pour la revue japonaise Gamelink, j’ai ajouté les dieux hindous, tandis que Hayato Kisaragi et Nobuaki Takerube imaginaient un set japonais. Pour la troisième et très belle version qui paraît en 2016 dans Lanfeust Magazine, je me suis contenté de retravailler un peu les équilibres du jeu et d’ajouter quelques effets de cartes ici et là.

Mythos
Un jeu de Bruno Faidutti (et un petit peu aussi de Hayato Kisaragi et Nobuaki Takerube)
Illustré par Steven Lejeune, Joël Jurion, Audrey Mitsuko, Philippe Fenech, Kmixe, Sébastien Calveau, Joël Liochon, Daniela Dimat)
2  joueurs  – 10
minutes
Publié dans Lanfeust Mag, #200, juillet 2016
Boardgamegeek


mythos lanfeust

There are a few drawbacks to publishing a card in a magazine. The first is that it’s usually not very well paid, and the second is that cards are not printed on professional cardstock. On the other hand, when it’s a comics magazine, it has a major edge, one can be sure the graphics will be gorgeous.

Mythos Cartes Greques v1 2 Mythos Cartes Greques v1 10

Mythos is published in the 200nd issue of the French comics magazine Lanfeust mag. It’s a game about warring Gods, and the Lanfeust team did not do things by halves, hiring different artists to illustrate the different pantheons. Steven Lejeune drew the ancient Greek gods, Joël Jurion and Audrey Mitsuko the Hindu ones, Philippe Fenech and Kmixe the Egyptian ones, Sébastien Calveau the Viking ones, Joël Liochon the Aztec ones, and Daniela Dimat some of the countless Japanese gods. I won’t telle which set is my favorite. The result is gorgeous, both varied and consistent, and I hope someday there will be an edition with true game cards, may be by some US publisher – email me if interested.

Mythos Cartes Japon v1 10 Mythos Cartes Japon v1 12

Mythos is not really new, and is based on what might have been my very first card game idea. It’s the game of War, for two players, with some tactics and psychology added.

Every round is made of six tricks, and each trick is played in two steps. Players play a first card, reveal it, then play a second one, and the total strength of a player is the sum of his two cards’ values. So, if your first card is much higher than your opponent’s one, you might think you don’t need to play another strong one, since your opponent will probably give up this trick and save his strength – unless, of course, he makes the same reasoning, thinks that you will keep your best cards for later, and plans a swift counter-attack. Furthermore, some cards, usually low ones, score more points than other when winning tricks, and each player has two or three cards with challenging special effects.

Mythos Cartes Nordiques v1 2 Mythos Cartes Nordiques v1 5

The mythological setting was obvious from the beginning. It allows for different and more or less balanced sets of twelve cards each, some of which have thematic effects based one gods’ attributes. Six mythologies make for fifteen possible duels, which makes the game really varied.

The first version of this game, published in 1999 in the French magazine Sciences & Vie Découvertes, had only four different mythologies, Greek, Egyptian, Aztec and Viking. In 2011, for the Japanese magazine Gamelink, I added a Hindu set, while Hayato Kisaragi and Nobuaki Takerube designed a Japanese one. For this third version, I mostly fine-tuned the balance and added a few new and fun card effects.

Mythos
A game by Bruno Faidutti (with some help by Hayato Kisaragi & Nobuaki Takerube)
Art by Steven Lejeune, Joël Jurion, Audrey Mitsuko, Philippe Fenech, Kmixe, Sébastien Calveau, Joël Liochon, Daniela Dimat)
2  players  – 10
minutes

Published in Lanfeust Mag, #200, July 2016
Boardgamegeek

La Radio des Jeux

Une longue discussion – presque trois heures – avec Pierô sur La Radio des jeux, podcast en français sur les jeux de société. On revient sur l’histoire et la petite histoire du jeu de société, le statut des jeux, des auteurs et des illustrateurs… Je ne me rappelle plus bien de tout ce que que l’on a dit, mais je vais réécouter.

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A three hours long discussion with Pierô on La Radio des jeux, a French speaking podcast about boardgames. We talk about the history, and the small history of games, about what a game designer and a game illustrator is. I don’t remember exactly what we told, but I’m going to listen to it again.

Dolorès
H.M.S. Dolores

Ceux qui allumeront la nuit des feux trompeurs sur les grèves de la mer et dans les lieux périlleux pour y attirer & faire perdre les navires seront  punis de mort & leurs corps attachés à un mât planté aux lieux où ils  auront fait les feux.
Colbert, Ordonnance de la Marine, 1681

Les naufrageurs n’écrivent leur nom que sur l’eau.
Guy Debord, conférence sur le cinéma.

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C’est l’histoire de deux prisonniers…

L’histoire de Dolorès commence à Essen, à l’automne 2013. C’est au petit déjeuner que j’ai sympathisé avec Eric Lang, que je n’avais jusqu’ici que croisé rapidement sur quelques salons sans que nous ayons vraiment pris le temps de discuter. Bien évidemment, lorsque deux auteurs de jeux se rencontrent, ils parlent de jeux, de leurs projets, de leurs idées… Je ne sais plus lequel d’entre nous a, le premier, dit qu’il réfléchissait à un jeu fondé sur le dilemme du prisonnier, mais toujours est-il que l’autre a immédiatement réagi en disant – moi aussi !

Pour ceux qui ne connaissent pas le dilemme du prisonnier, très utilisé en économie notamment pour étudier les choix commerciaux des entreprises en situation d’oligopole, en voici la formulation classique par le mathématicien Albert Tucker, en 1950 :

Deux suspects sont arrêtés par la police. N’ayant pas de preuves, les policiers les interrogent séparément en leur faisant la même offre. « Si tu dénonces ton complice et qu’il ne te dénonce pas, tu seras remis en liberté et l’autre écopera de 10 ans de prison. Si tu le dénonces et lui aussi te dénonce, vous écoperez tous les deux de 5 ans de prison. Si personne ne dénonce personne, vous aurez tous deux 6 mois de prison. »

Chacun des prisonniers réfléchit de son côté en considérant les deux cas possibles de réaction de son complice.

« S’il me dénonce :
Si je me tais, je ferai 10 ans de prison ;
Mais si je le dénonce, je ne ferai que 5 ans. »
« S’il ne me dénonce pas :
Si je me tais, je ferai 6 mois de prison ;
Mais si je le dénonce, je serai libre. »
« Quel que soit son choix, j’ai donc intérêt à le dénoncer. »

Si chacun des complices fait ce raisonnement, les deux vont probablement choisir de se dénoncer mutuellement. Conformément à l’énoncé, ils écoperont dès lors de 5 ans de prison chacun. Or, s’ils étaient tous deux restés silencieux, ils n’auraient écopé que de 6 mois chacun. Ainsi, lorsque chacun poursuit rationnellement son intérêt individuel, le résultat obtenu n’est pas le meilleur possible. Pour les mathématiciens, c’est un équilibre de Nash mais pas un optimum de Pareto.

Du coup, nous avons décidé de nous y mettre ensemble et, après quelques gribouillis sur la nappe de l’hôtel Atlantic (je sais, c’est absurde, mais il y a un hôtel Atlantic à Essen), nous avions l’ébauche d’un jeu de cartes. À chaque tour, deux joueurs doivent décider secrètement s’ils acceptent la moitié d’un lot de cartes ou s’ils en voulent la totalité, étant entendu que si les deux joueurs veulent tout, personne n’a rien.

Pour que le jeu ne soit pas trop répétitif, il était nécessaire que, selon la situation, chacun puisse estimer l’intérêt des différentes cartes pour son partenaire / adversaire, et que cet intérêt soit variable d’un tour à l’autre, rompant ainsi avec la symétrie du dilemme originel. C’est pour cela que nous avons imaginé un système de score original, dans lequel chacun ne compterait en fin de partie que les cartes des séries dont il a le plus et le moins. C’est pour la même raison, rendre le jeu moins répétitif, moins mécanique, que nous avons introduit un troisième choix, je ne veux qu’une carte mais je la choisis d’abord. Nous avons aussi essayé d’imaginer des partages impliquant plus de deux joueurs, mais cela fonctionnait mal. D’ailleurs, si l’on tente vraiment de généraliser à plus de deux joueurs le dilemme du prisonnier, on débouche sur un tout autre problème, le paradoxe du passager clandestin, que j’ai déjà exploité dans un autre jeu, Terra.

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Brocanteurs et naufrageurs

Après quelques tests, le jeu fonctionnait parfaitement. Philippe des Pallières, sur la suggestion d’Oriol Comas, y joua lors de mes rencontres ludopathiques, au printemps 2014, et quelques semaines plus tard je passais dans son chateau pour finaliser l’accord, faire quelques parties et réfléchir à ce qui manquait encore à notre mécanique un peu abstraite – un thème, une histoire.

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Notre jeu, qui s’appelait alors Dilemma, est en effet construit entièrement à partir d’une mécanique. Pour le premier prototype, j’avais utilisé de jolis clipart animaliers récupérés sur internet, les mêmes que j’entrevois régulièrement sur les prototypes code nombreux auteurs, et je racontais vaguement que les joueurs étaient propriétaires de zoos, comme dans Zooloretto, mais le thème n’était pas très convaincant. Philippe des Pallières a d’abord pensé à des gamins se partageant des bonbons à la récréation, puis à des collectionneurs d’objets un peu vintage faisant le tour des brocantes. C’est ce thème qui fut d’abord retenu, et Tom Vuarchex réalisa même une très jolie maquette au look très sixties. Mais, bon, personne n’étant vraiment convaincu, nous avons refait un brain storming d’où sont sorties encore d’autres idées. La mécanique du jeu, le choix entre le poing fermé, la guerre, et la main tendue, la paix, faisait de « Guerre et Paix » un titre évident, et on envisagea des cartes avec des soldats des guerres napoléoniennes. L’idée du partage amena aussi à des naufragés sur une île déserte, puis à une variante de la même idée, des naufrageurs allumant des feux pour attirer sur des rochers les navires pris dans la tempête. Après bien des hésitations, bien des allers retours, c’est finalement ce dernier thème qui fut choisi.

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Le titre fut aussi difficile à trouver. Dilemma était trop technique et sans lien avec la thématique du jeu. Naufrageurs, ou son équivalent anglais Shipwreckers, ne convenait pas car il nous fallait quelque chose d’international. Nous avons pensé à quelques lieux célèbres pour avoir abrité, ou avoir été censé abriter, des naufrageurs. Nous avions trouvé Sark, une petite île au large de Guernesey, Penmarch, en Bretagne, et Nag’s Head, en Caroline du Nord, qui avait ma préférence. Ce sera finalement Dolorès, censé être le nom du navire pris dans la tempête, et qui a l’avantage et l’originalité d’être international sans être anglais.

Une fois l’univers choisi, il fallait trouver un illustrateur. Tom, qui s’était beaucoup amusé avec les meubles et  objets vintage des brocanteurs, n’était guère attiré par les naufrageurs. Je venais de découvrir les splendides illustrations de Raptor, et avançai le nom de Vincent Dutrait. Philippe fut d’abord réticent, parce que la Corée est un peu loin et qu’il préfère travailler avec des personnes, qu’il s’agisse d’auteurs ou d’illustrateurs, qu’il peut rencontrer physiquement. Il se laissa cependant convaincre après une discussion avec Vincent à la Gen Con d’Indianapolis, à l’été 2015.

La carte et le poing

Les premiers prototypes de notre jeu utilisaient des cadrans présentant les trois choix possibles, que nous avions baptisé Guerre, Paix et 1 et qui s’appellent finalement, dans les règles du jeu, partage, conflit et esquive. Simultanément, les deux participants au dilemme orientaient la flèche vers l’un des trois symboles, puis les deux cadrans étaient révélés simultanément. Cela aurait coûté un peu cher à fabriquer, et l’éditeur nous demanda donc si l’on pouvait remplacer ces cadrants par des cartes, portant les mêmes symboles. C’était un peu moins pratique, mais cela fonctionnait très bien aussi. Finalement, nous eûmes l’idée de remplacer les cadrans par rien du tout – ce qui est encore moins cher à produire que des cartes – et de jouer les dilemmes à la lanière de Pierre – Feuille – Ciseaux, le poing fermé signifiant « je veux tout », la main ouverte « on partage » et le pouce levé « je choisis une carte ».

C’est bien sûr cette solution, qui ne nous est venue que sur le tard, que nous avons choisie, pour trois raisons. D’abord, bien sûr, elle ne demande aucun matériel. Ensuite, la rencontre du dilemme du prisonnier et de Pierre-Feuille-Ciseaux, un jeu qui m’a toujours fasciné, a une certaine élégance. Enfin, comme je l’ai déjà expliqué dans un post précédent, il nous a semblé que les choix des joueurs, du moins lors des premières parties, étaient un peu différents, plus de guerre et moins de paix. Peut-être le geste du bras tendu pousse-t-il «naturellement » à l’agressivité, peut-être le fait de devoir prendre la décision en un instant, sans pouvoir hésiter ni revenir en arrière, nous pousse-t-il à des choix plus risqués. En tout cas, cela a donné au jeu un peu plus de dynamisme et de nervosité.

Pour le reste, le jeu a peu changé. Il y a une famille de cartes de moins que dans les premières versions et les valeurs ont été modifiées. Au tout dernier moment, nous avons ajouté quelques cartes action, baptisées « bouteille à la mer », que Vincent s’est amusé à dessiner à la manière de parchemins. En combinant les idées de Philippe et du nouveau Tom, celles d’Eric et les miennes, nous sommes arrivés à neuf cartes, ce qui est clairement un peu trop dans une partie. Après quelques marchandages (- 3 ! , – non 5 ! , – bon, allez, 4 ), nous avons décidé que la règle officielle serait d’ajouter aléatoirement quatre des neuf bouteilles à la mer dans le deck pour chaque partie.

Dolorès est ma première collaboration avec Eric Lang, mais je peux d’ores et déjà vous dire qu’il y en aura d’autres. C’est aussi mon premier jeu chez Lui-Même, la petite maison d’édition de Philippe des Pallières, pourtant mon ami depuis plus de vingt ans.

Dolorès
Un jeu de Bruno Faidutti et Eric M. Lang
Illustré par Vincent Dutrait

2 à 4 joueurs  – 15 minutes
Publié par Lui-même éditions
Ludovox      Vind’jeu      Tric Trac
      Boardgamegeek


dolores game

A tale of two prisoners

The story of H.M.S.Dolorès began at the 2013 Essen game fair. At breakfast, I hit it off with Eric Lang, whom I had already met on various game events, but with whom I had never seriously talked so far, in part because we didn’t seem to be working on the same kind of games. Of course, when two game designers meet, they talk of game design, their ideas, their regrets, their projects. I don’t remember which one first told he would like to design a game based in the prisoner’s dilemma, but the other one answered that he was thinking of it as well.

If you’ve never heard of the prisoner’s dilemma, which is frequently used in economics, especially when studying oligopolies, here is its seminal description by the mathematician Albert Tucker, in 1950 :

Two suspects of a crime have been arrested by the police, but the policemen lack sufficient evidence to convict them. The police questions them in two different rooms, and they are both offered the same deal: “if you betray your accomplice and he doesn’t betray you, you’ll be freed and he’ll spent 10 years in jail. If you betray him and he betrays you, you’ll both be jailed for 5 years. If you both remain silent, you’ll both be jailed for only 6 months”.
Both prisoners think on it, each in his own cell, considering what might happen depending on what their accomplices will do.

“If he tells on me:
If I keep quiet, I’ll spend 10 years in jail.
If I tell on him, I’ll do only 5 years.
If he doesn’t tell on me:
If I keep quiet, I’ll spend 6 months in jail
But if I tell on him, I’ll be free.”

If both prisoners rely on this same rationale, they will denounce each other, and will end being both jailed for 5 years. If they had both stayed silent, they could have been jailed for only 6 months. This shows that, if every actor rationally acts to maximize his satisfaction, the outcome is not the best possible. For those who had some maths, it is a Nash equilibrium but not a paretian optimum. 

So we decided to work on it together and, after some scribbles on the Atlantic napkin –no there is an Atlantic hotel in Essen, strange as it may seem  – we had a rough sketch for a card game. Every round involves two players, who must secretly decide if they accept half of a set of cards, or if they want all the cards. Of course, if everybody wants everything, no one gets anything.

In order for the game not to be repetitive, each player must be able to roughly estimate the value of each card for his opponent, and this value must vary from round to round, making the game less symmetrical than the original dilemma. This is why we designed a specific scoring system, where every player scores only the items of which he has the most and the fewest. For the same reason, making the game less pedestrian, we added a third choice, I want one card but I choose it first. We also tried to imagine dilemmas involving more than two players, but it didn’t work well. The true multiplayer generalization on the prisoners’ dilemma is the free-rider paradox, which I’ve used in an older game, Terra.

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Collectors and shipwreckers

After only a few playtests, the game was working really well. Philippe des Pallières played it at my 2014 ludopathic gathering and, a few weeks later, I visited his castle to finalize the deal and discuss what was still lacking – a theme.

Our game, so far named Dilemma, was a pure abstract mechanism. I had used nice animal cliparts for the prototype, the same ones I’ve seen on so many other game prototypes, and I was vaguely telling my playtesters that the players owned zoos, like in Zooloretto, but it didn’t make any real thematic sense and didn’t convince anyone.

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Philippe’s first setting idea was kids sharing candies in the school courtyard, then vintage furniture collectors haunting garage sales. This setting was first decided for, and Tom Vuarchex even made a pretty mock-up with a plain sixties look. Unfortunately, no one else was really convinced by a graphic setting which lacked a clear storyline, so we had more brain stormings. The choice between the closed fist, war, and the open hand, peace, made for an obvious name – War and Peace – and we considered cards picturing soldiers from the Napoleonic wars. The idea of sharing the loot led to castaways, and then to a variation on the same idea, shipwreckers lighting fires on the rocky shore to lure ships lost in the storm. After lots of hesitations, we settled for this.

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Finding a name for the game wasn’t much easier. Dilemma was too technical, too factual, and didn’t suggest the game theme. Shipwreckers sounded well, but Philippe wanted something international. We considered a few places known for having supposedly sheltered shipwreckers – a small Island near from Guernesey, Penmarch, in Britanny, and Nag’s Head, in Nort Carolina, which had my preference. We finally went for Dolorès, supposed to be the name of the ship lost in the storm, mostly because we liked the idea of a name that could be international without being in English.

The next step was to find an illustrator. Tom had had much fun making a mock-up with vintage furniture pictures, but was not really interested in shipwreckers. I suggested Vincent Dutrait, who had just finished working on Raptor. Philippe was first reluctant, because Vincent lives in Korea and he prefers to work with people he can actually meet, be they designers or illustrators. He was convinced after meeting Vincent in Indianapolis, at the 2015 GenCon

The card and the fist

Our first prototypes used dials. Simultaneously, both players involved in the dilemma had to point the arrow to one of the the three possible choices, Peace, Fight and First Pick. Then the two dials were revealed and the dilemma carried out. Since Philippe didn’t want the game to be too expensive, he asked Eric and me if we could replace the dials with cards. It also worked, though it was bit cumbersome. Then someone – I don’t remember who – thought of using rock-paper-scissors like hand gestures. Open hand means “let’s share the loot”, closed fist means “I want all the cards”, raised thumb means “I want first pick”.

This was an elegant solution, using no component, and merging the prisoner’s dilemma with a game which has always fascinated me, Rock-Paper-Scissors. As I have already explained in an earlier post, this had unexpected effects on the players’ decisions, at least in the first rounds. There were more fights and fewer peaceful agreements. I don’t know if this is because handing one’s fist at arm’s length “naturally” causes aggressive behaviors, or because having to decide at once, with no possibility of moving back, makes players take more risks. Anyway, we liked it because it made the game slightly more dynamic, and Philippe liked it also because it made it cheaper.

There has been few other changes in the game. There is one type of items fewer than in the first versions, and the card values have been modified. The last development was adding a few action cards, called “message in a bottle”, which Vincent had great fun drawing like on parchment. Merging ideas from Philippe, from the new Tom, from Eric and from me, we ended with nine cards worth keeping, which was too many for the game balance. After some bargaining (3! – no, 5! – OK, 4!) the final rule is that four random  “message in a bottle” cards are added to the deck for every game.

Dolorès is my fist co-design with Eric Lang, but stay tuned, since there will be more. It’s also my first game published by my good old friend Philippe des Pallières, of Lui-Même éditions.

Dolorès
A game by Bruno Faidutti & Eric M. Lang
Art by Vincent Dutrait

2 t 4 players  – 15 minutes
Published by Lui-même éditions
Boardgamegeek

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Philippe des Pallières présente Dolorès

Dolorès est un petit jeu de bluff que j’ai conçu avec Eric M. Lang, et qui devrait sortir à la fin de l’été chez Lui-Même éditions.

C’est Philippe des Pallières, l’éditeur, qui raconte l’histoire du jeu sur Tric Trac.

Puis c’est le nouveau Tom qui explique les règles.

Puis c’est de nouveau Philippe qui fait une partie avec Guillaume et Phal.

H.M.S. Dolorès is a light bluffing game I’ve designed with Eric M. Lang. It will be published later this year by Lui-Même éditions – meaning Philippe des Pallières. Philippe and Tom present the game – in French – in these three videos – first the history of the game, then rules explanations, then a full three player game.

Bongo

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Le bongo est une antilope africaine. C’est aussi une autre bête curieuse, un jeu de dés qui ne laisse aucune place au hasard, puisque tout y est question de réflexes et de rapidité. Les joueurs participent à un safari (pardon, un safari photo). Les dés sont lancées, et indiquent quel animal – Gnou, antilope ou rhinocéros – les joueurs peuvent apercevoir dans la savane. Le premier joueur à à crier le nom du bon animal remporte un trophée (pardon, une photo), et le premier joueur avec deux photos de chaque animal. Lorsque vous maîtrisez bien le jeu de base, ajoutez les braconniers qui éliminent un animal, puis les gardes du parc national qui en protègent un (oui, bon, la métaphore du safari photo ne marche plus bien, désolé), et cela devient vite déroutant, mettant logique et rapidité à dure épreuve.

Les règles se trouvant dans la boite de jeu sont uniquement en allemand ou en polonais, selon l’édition dont vous disposez, mais vous pouvez télécharger les règles françaises ici.

Bongo
Un jeu de Bruno Faidutti
Illustré par Frank Stark

2 à 8 joueurs – 10 minutes
Publié par Heidelberger Spielverlag (2000) et 2 Pionki (2016)
Tric Trac        Boardgamegeek

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Bongo is an African antelope. It’s also another strange beast, a dice game with no luck, based on logic and fast reaction. Players are attending a safari photo-safari. Dice are rolled, and the first player to call out the right animal, gnu, antelope or rhino, wins one trophy  picture  point. First player with two trophies pictures of each animal wins. Once you have mastered the basic rules, you can add more dice to make the logic more intricate – poachers remove an animal die, but national park guards can protect one. Yes, I know, the photo metaphor doesn’t work any more here, never mind. 

The rules in the game box are in German or Polish, depending on what edition you own, but you can download english rules here.

Bongo
A game by Bruno Faidutti
Art by Frank Stark

2 to 8 players – 10 minutes
Published by Heidelberger Spielverlag (2000) & 2 Pionki (2016)
Boardgamegeek

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Paul Mafayon & Diamant

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Il est toujours très amusant pour un auteur de comparer les graphismes et les choix éditoriaux qui ont été faits pour deux éditions d’un même jeu. Quand il y a trois éditions, comme cela m’était déjà arrivé pour Toc Toc Toc!, dont les versions française, américaine et chinoise ont des illustrations différentes, c’est encore mieux. Je ne pouvais donc pas résister au plaisir facile d’un article présentant les graphismes de la nouvelle édition française de Diamant, qui arrive dans quelques semaines, et ce d’autant plus que cette version du jeu est très clairement ma préférée.

Diamant cover

La première édition de Diamant, conçu en collaboration avec Alan R. Moon, est parue chez l’éditeur allemand Schmidt en 2005. Elle était illustrée par Claus Stephan, dans une ambiance très Indiana Jones. Les ventes n’étaient pas mauvaises, et nous n’avons jamais bien compris pourquoi l’éditeur l’avait abandonnée.

Diamant - Incan Gold - Cover

Pour l’édition américaine, Incan Gold, parue un an plus tard chez Gryphon Games est illustrée par Mathias Catrein, les joueurs n’explorent plus une grotte creusée dans la roche mais bien, comme l’indique le sous-titre, des ruines incas. L’illustrateur est allemand mais le graphisme, assez réaliste, est plus dans le style des jeux d’Outre-Atlantique.

Diamant - Tensao Total

Avant qu’Incan Gold ne bénéficie d’une version brésilienne, il y eut un temps une édition pirate brésilienne, Risco Total, dans laquelle les joueurs explorent une épave engloutie. Le nom de l’illustrateur en était tout aussi absent que celui des auteurs. Ce n’est pas bien grave, car il est quand même très valorisant d’être copié.

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Non, ça n’a rien à voir avec Diamant – mais cela aurait pu. Explorer des ruines incas, cela se fait quand même pas mal dans le jeu de société.

diamant cover

La nouvelle édition française, qui arrive cet été, est illustrée par Paul Mafayon. La thématique et les éléments reprennent en grande partie ceux de l’édition Schmidt, mais dans un contexte plus contemporain, puisque les aventuriers arrivent dans une jeep vert fluo, plantent des tentes rondes aux couleurs vives et se munissent de torches électriques au look de sabre laser. Les références graphiques sont Indiana Jones, pour le titrage, mais aussi… Scooby Doo pour la composition de la couverture (et je ne l’aurais pas deviné si Paul ne l’avait pas révélé dans l’interview qui suit).

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Les personnages et le titrage.

Paul Mafayon a en effet bien voulu répondre à quelques question sur son travail d’illustrateur de Diamant.

• Qu’est-ce qui différencie l’illustration de jeux de société d’autres travaux d’illustration, dans le livre, la BD ou le jeu video ? Est-ce plus facile ? Plus amusant ? Plus libre ?

Les attraits de l’illustration de jeux de société sont nombreux. Les productions sont courtes, ce qui permet de changer régulièrement d’univers ou de style, on y jouit d’une grande liberté et on suit les projets, la plupart du temps, du début a la fin. Cela change agréablement du monde du jeu vidéo des grands studios, où les productions peuvent durer des années et où les équipes marketing sont très voire trop nombreuses, d’où une grande versatilité dans leurs directives, et où souvent on ne travaille que sur une partie très restreinte du projet, sans aucune vue d’ensemble du jeu.
Dans le jeu de société, les enjeux économiques sont moindres, ce qui explique peut être que les éditeurs soient moins frileux. L’exploration de nouvelles pistes les effraie moins. Quand le coût de la production d’un jeu vidéo peut dépasser allègrement les 50 millions d’euros, la tentation de réutiliser sans cesse des recettes ayant déjà fait leur preuve est quasiment irrésistible.
Évidement je parle des gros studios, car on peut retrouver tout les plaisirs de la création graphique du jeu de société dans les petits studios de développement indépendant. Petites équipes, grande liberté….

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Première ébauche de Paul pour la couverture de Diamant.

• Es-tu joueur de jeux de société ? Si oui, joues-tu aux jeux avant de les illustrer ? Après ?

Je joue très peu aux jeux de société, pas par manque de gout, mais par manque de temps. En revanche je joue a tout les jeux que j’illustre, le contraire serait impensable. Diamant est le premier jeu auquel j’avais déjà joué avant de travailler dessus. Cela ne m’aide pourtant pas plus que cela dans le processus créatif. Le style graphique, le rendu, le choix des ambiances colorées, on peut penser que tout cela et très lié a l’expérience de jeu, mais pas vraiment. Les briefs des éditeurs sont en général très bien faits – c’est leur métier – et s’ils me disent ce que le joueur doit ressentir devant telle image, ainsi que la nature de la cible (famille, hardcore gamer…), je n’ai pas besoin d’en savoir beaucoup plus pour travailler.

• Y a-t-il un jeu que tu aurais voulu illustrer ?

Il n’y a pas de jeu en particulier qui me fasse de l’œil actuellement. En revanche j’adorerais travailler dans un univers graphique a la Metal Slug ou Advance Wars Dual Strike pour un jeu de société (oui je suis vieux, j’ai donc de vieilles références, pas question de citer Boom Beach quand on peut citer la source d’inspiration originelle). Si un éditeur a ça dans les cartons je suis son homme !

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• Comment as-tu abordé le travail sur Diamant ? As-tu regardé les illustrations des éditions précédentes ? T’en es-tu inspiré ?

Oui, j’ai regardé ce qui avait était fait avant, et en détail, ne serait-ce que pour ne pas faire la même chose sans m’en rendre compte. Quand je regarde une illustration, j’ai naturellement pleins de remarques qui me passent par la tête : “j’aurais mis plus de végétation” “ça manque d’ombres portées, de relief”. Après une première phase d’analyse, j’identifie tout ce qui peut être amélioré. Une fois que la direction globale est choisie, je ne reviens plus sur l’ancienne version, le but est de l’oublier, de prendre de la distance pour laisser libre court a la création.

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• On est plutôt habitué à situer la thématique « exploration » dans un univers un peu vieillot, voire ringard. Pour Diamant, les clins d’œil sont très contemporains, avec une sorte de sabre laser et des tentes Quechua aux couleurs vives. Pourquoi ? Est-ce une idée à toi ou une demande de l’éditeur ?

Ce choix la est une idée a moi, qui m’est venue en regardant l’ancienne version.
Je me suis dit, que des tentes en toile blanche de nos jours… c’est introuvable, et l’idée reste quand même de faire en sorte que les joueurs s’identifient le plus possible aux personnages du jeu. En mettant en scène des objets plus contemporains, on facilite l’immersion.
En règle générale, dans le processus créatif, je pense que c’est une bonne chose de toujours réfléchir a la manière de rajouter un peu de modernisme (sauf bien sûr si cela va a l’encontre du thème). Naturellement, au moment de dessiner un objet ou un personnage, on est assailli de clichés. Dans le brief, les personnages devaient avancer dans le noir munis de torches, mais qui utilise encore des bouts de bois enflammés ?  Mon inspiration c’était plus “Nature et Découvertes” et “Decathlon” que le musée colonial.
De plus, mon style graphique est connu pour être coloré et plutôt saturé. J’aime tellement les couleurs qu’il m’est presque impossible de faire autrement.

diamant plateau

• Pour toi, le personnage au premier plan sur la couverture est-il un homme ou une femme ? Y a-t-il une idée précise derrière chacun des cinq personnages ?

Le personnage au premier plan… je préfère ne pas trancher, comme ça pas de guerre des sexes sur la couverture. Deux femmes, deux hommes et un personnage indéfini.
Il y a en revanche une idée bien précise derrière chaque personnage, et surtout derrière le groupe. Je voulais faire ressentir l’ambiance que l’on peut retrouver dans les vieux épisodes de Scooby Doo, un mélange de peur, de courage, mais aussi dans le jeu de convoitise. J’ai donc repris le code couleur du Scooby gang; le personnage au premier plan, c’est Sammy (vert et marron) juste a coté on a Véra (orange et rouge) vient Fred (jaune blanc bleu) puis Scooby Doo (marron) et enfin Daphné ( orange violet et vert).

• Par ailleurs, Iello m’a envoyé tes images pour Welcome to the Dungeon, mais je pense citer un ou deux autres jeux que tu as illustrés, notamment Loony Quest. Y en a-t-il un dont tu voudrais que je parle ?

Ben je n’ai pas d’autre jeux de sortis en fait, je suis assez nouveau dans le milieu…. Il y a Bunny Kingdom et Chawai qui sortent en fin d’année je crois… mais tu peux parler de tout ceux que tu veux, je n’ai pas de préférence.

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Deux illustrations de Paul pour des jeux qui devraient sortir d’ici à la fin de l’année, Welcome Back to the Dungeon, la suite de Welcome to the Dungeon, et Chawai, un petit jeu de cartes dont je suis l’auteur, un peu dans le style de Stupide Vautour.

Diamant
Un jeu de Bruno Faidutti & Alan R. Moon
Illustré par Paul Mafayon
3 à 8 joueurs – 20 minutes

Publié par Iello (2016)
Ludovox     
Tric Trac    Boardgamegeek


diamant cover 1

It’s always fun for a game designer to compare the graphics and editorial choices in two different editions of the same game. It’s even more fun when there are three completely different editions, something I had so far experienced only once, with Knock Knock!, whose French, US and Chinese editions have different graphics. Of coure, I could not resist posting an article about presenting the gorgeous art in the new French edition of Diamant, which will hit the shelves in the coming weeks, especially when it is, by far, my favorite of the three versions.

Diamant cover

The first edition of Diamant, a game designed with Alan R. Moon, was published in 2005 by the German publisher Schmidt, with art by Claus Stephan. It didn’t sell that bad, and we never really understood why the publisher discontinued it.

Diamant - Incan Gold - Cover

The Us edition, Incan Gold, was published one year later by Gryphon Games. The art by Mathias Catrin tells a slightly different story, since the players are not exploring caves but, as told in the  catch phrase, Incan ruins. The artist is German, but the graphic style looks very American to me.

Diamant - Tensao Total

Before Incan Gold was sold in Brazil, there was a pirate local edition with another setting – a sunken ship. Neither the illustrator nor the autours are named. Anyway, being plagiarized is very gratifying.

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Well, none of these pictures has anything to do with Diamant, but they could have. Exploring Incan ruins and Lost Temples is something rather usual in boardgames.

diamant cover

The new French edition, which will hit the shelves in the next few weeks, sports new art by Paul Mafayon. The setting and storyline are very similar with those une the Schmidt edition, but in a more modern setting. Explorers arrive in a bright green SUV,  install a camp made of modern dome tents and carry electrical torches, not wooden ones, when exploring the caves. As for the graphic references, the title font obviously refers to Indiana Jones and the cover composition to…. Scooby Doo – I would not have guessed the latter if Paul had not told me in the interview below.

scoobydooindiana-jonesCharacters and font.

I’ve asked Paul a few questions about his work on Diamant. Here are his answers.

• What makes boardgame illustration different from video game, comics or book illustration? Do you find it easier, or more fun, or more freeform?

There are many things to like in illustrating boardgames. It’s a short term job, which gives opportunities to jump from one universe to another, or even from one style to another, regularly. The artist is more free, more autonomous, and can usually follow a job from the start to finish. It’s a really nice change from big studios video games, where the work on a project can last for years, with too many different marketing teams whose direction can lack consistency, and in which an artist usually works on a very small part of the project, with no idea of the big picture.
Money stakes are lower in boardgames, which might explain why publishers are less timorous. They are not afraid to try new styles, and to let the illustrator loose. In video games, with development costs over 50 millions dollars, they cannot resist the temptation to recycle always the same old recipes. Of course, this is mostly true of big studios. With small indie video-game, an artist can have the same creativity, and the same fun, as in boardgames. The smaller the team, the greater the freedom.

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Paul’s first draft for the Diamant cover.

• Do you play boardgames ? If you do, do you play a game before starting to work on its illustrations ? Do you play it afterwards ?

I seldom play boardgames, not that I don’t like them, but I don’t have the time. On the other hand, I play all the games I illustrate – not doing it would feel strange. Diamant is the first game I had already played before having to work on it, but I don’t think it helps much in the creative process. One could think that the graphic style or the color palette are linked to the game experience, but that’s not really the case. Publishers know their job, and give detailed briefs of what they want. If they tell me what the players are supposed to feel when looking at a picture, and what is the target audience (families, hardcore gamers…), I don’t need much more to start working.

• Is there a game you would have liked to illustrate ?

There’s no specific game I’m much excited about at the moment. On the other hand, I would love to work on a boardgame with a graphic setting à la Metal Slug or Advance Wars Dual Strike – yes, I know my references are old, but why talk of Boom Beach when I know the original sources. If a publisher has something like this in the pipe, just call me !

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• How did you take on the work on Diamant? Did you look at the older versions of the game? Have-you been inspired by them?

Yes, I looked at all the details of the older editions, if only to be sure I won’t unintentionally do the same thing. When I look at a picture, I first think  « I would have put more vegetation here », « it lacks shadows and reliefs », etc. Then I analyze the picture, and identify what I can do better. Once I know where I’m heading to, I don’t go back to the old picture, I try to forget it, to distance myself from it to be more creative.

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• The graphic setting of exploration games usually looks a bit old fashioned. Your version of Diamant is deliberately, with an electric torch looking like a laser saber, and bright color tents. Why ? Is this your idea or the publisher’s one ?

It was my idea after looking at the older editions. I thought that white canvas ridge tents are nowhere to be found nowadays. If we want the game to be immersive, the players to identify with the characters, we have to use more actual items.
As a general rule, I think that, when it doesn’t go against the theme, trying to modernize the setting always foster creativity. When one starts to draw an item or a character, old clichés always jump to mind. The publisher’s brief had characters walking into the dark carrying burning torches – but who still uses wooden torches nowadays ?
Furthermore, my graphic style always use bright and saturated colors – I can’t help it, I love colors.

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• Is the foreground character leading the company into the cave a man or a woman ? Is-there a specific intent or story behind each one of the five characters ?

The foreground character…. I’d rather not settle the issue. Two women, two men and one ambiguous character.
There is however a precise idea behind every character, and most of all behind the group. I wanted to recreate the mood in the old episodes of Scooby Doo, a mix of fear and bravery, with the added dimension of greed. That’s why I used the color code of the Scooby gang. The leading character is Shaggy (green and brown), then comes Velma (red and orange), Fred in yellow, white and blue,  Scooby Doo (brown) and last comes Daphne (orange, purple and green).

• Iello sent me some pictures of Welcome to the Dungeon, but I’d like to mention one or two other games you’ve illustrated, like Loony Quest. Is there one you would like to mention ?

Well, I’m relatively new to boardgames, and I’ve not that many published games yet. I think Bunny Kingdom and Chawai are due to the end of the year, but you can mention any game you want, I’ve no preference.

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Two characters by Paul Mafayon, for the Word of Warcraft card game and for Loony Quest.

Diamant
A game by Bruno Faidutti & Alan R. Moon
Graphics by Paul Mafayon
3 to 8 players – 20 minutes

Published by Iello (2016)
Boardgamegeek

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Chawai, another game of mine illustrated by Paul Mafayon, playtested at the Ludopathic Gathering by two other game illustrators, Christine Deschamps and Maeva Kosmic.