Je lis peu de science-fiction. Les rares auteurs du genre qui m’aient vraiment accroché sont Philip K. Dick, qui relève sans doute plus de la contre-culture des années soixante, ou de la psychiatrie, que de la tradition SF, et Iain Banks, avec sa « culture » prétentieuse et déroutante. Il reste que ni les délires psychédéliques de Dick, ni les savantes constructions intellectuelles de Banks, ne se prêtent à une transposition dans un jeu de société. Le jeu de science fiction, comme le cinéma de science fiction, c’est plutôt soit la difficile et claustrophobe colonisation de Mars ou de quelque lointaine et silencieuse galaxie, soit à l’inverse le space opera grandiloquent et le fracas des guerres interstellaires. Curieusement, alors que les livres m’ennuient et que les films ne m’amusent qu’un court moment, les jeux de science fiction m’ont toujours intéressé.
Pour l’auteur de jeu, science-fiction et fantastique sont d’abord deux univers de facilité. La science future ou extra-terrestre, comme la magie, permet en effet de justifier aisément toute sorte de petits mécanismes amusants, et intéressants d’un point de vue ludique (échange de cartes, déplacements instantanés, effets bizarres) qui paraîtraient immanquablement plaqués dans un jeu à l’univers plus réaliste, plus précis. Cela ne signifie pas que ce sont des thèmes que l’on plaque sur les jeux dont les mécanismes ne conviennent à rien d’autre, mais plutôt que ce sont les univers que l’on choisit lorsque l’on veut se faire plaisir en développant des mécanismes sans être trop bridé par le thème – voyez Cosmic Encounter, jeu à la richesse inégalée, que l’on n’imagine pas avec un thème historique !
On peut pourtant aussi faire de la science fiction simplement parce que l’on en a envie. Je ne lis plus guère de SF, mais j’en ai lu pas mal adolescent, et le silence des espaces infinis me fait encore rêver. Avec Bruno Cathala, nous voulions faire un jeu sur la colonisation de Mars, cela a donné Mission Planète Rouge. Avec Serge Laget, nous voulions faire un jeu d’exploration spatiale, cela donne Ad Astra.
Depuis que je suis dans le milieu du jeu, j’ai toujours entendu répéter que « les jeux de science fiction ne se vendent pas ». Ma seule expérience à ce jour dans ce domaine, Mission Planète Rouge, a plutôt confirmé cette rumeur. J’espére qu’Ad Astra la démentira, et sera enfin le signe que les choses sont en train de changer. Les espaces de la science-fiction sont vastes, riches, peuplés, baroques – ils se prêtent bien au jeu.
I read very little science fiction. The few sci-fi writers I really like are Philip K. Dick, which belongs more to the sixties counter-culture, or to psychiatry, than to traditional science-fiction, and Iain M. Banks, whose pretentious “culture” universe is fascinating. Anyway, neither Dick’s psychedelic deliriums, nor Banks ambitious intellectual constructions are really fit to be adapted in a board or card game. Science Fiction games are more like science fiction movies or TV series. Some describe the difficult and claustrophobic colonization of Mars, or of some far away galaxy. Most others are baroque space operas, with flashy and noisy interstellar wars. Surprisingly, while I find most science-fiction novels boring and most science fiction movies fun for only half an hour, I really enjoy science fiction boardgames.
For game authors, science fiction is, like fantasy, an easy and convenient setting. Future or alien science, like magic, can explain all kinds of strange and fun little game mechanisms, like cards swapping, instant movement and the like, which would have felt unrealistic and artificial in a more realistic universe. This doesn’t mean that fantasy and science fiction are the settings used when you can’t find another consistent one for a finalized game system. It rather means that they are the settings of choice when you want to let your imagination wonder and have fun designing game systems without being constrained and limited by the theme. See Cosmic Encounter, probably the most varied and baroque game ever designed, and try to imagine an historical setting for it…
Anyway, you can also use science fiction because you find the setting exciting. I don’t read a lot f sci-fi now, but I did as a teenager, and the silence of infinite spaces still make me dream. With Bruno Cathala, we wanted to make a game about colonizing Mars, and designed Mission: Red Planet. With Serge Laget, we wanted to make a game about space exploration and empire building, and we designed Ad Astra.
Since I’m in the game business, I’ve always been told that science fiction games don’t sell. My only experiment so far has been Mission Red Planet, and it indeed didn’t sell well, which is a shame, since it’s a game I’m really proud of. I hope Ad Astra will belie this rumor and show that things are now changing. The vast and baroque spaces of science fiction are well fitted for the intricate mechanisms of games.