Comment et où sont fabriqués nos jeux ?
How and where boardgames are produced ?

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Me cantonnant au rôle d’auteur, je ne me suis jamais intéressé de très près au processus de fabrication de mes jeux. Le peu que j’en sais me vient de discussions et de remarques occasionnelles des éditeurs, mais je n’ai jamais mis les pieds dans une usine où sont produits des jeux. C’est donc avec curiosité que j’avais regardé, il y a un ou deux ans, le reportage que Stephen Conway, un passionné de jeux de société, avait réalisé pour son blog “The Spiel” dans l’usine allemande de Ludofact. Ludofact -je ne sais jamais si cela s’écrit avec un c ou un k – est le principal fabricant allemand de jeux de société, produisant les boites de la plupart des éditeurs allemands, et de bien d’autres
La video peut être vue ici.

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Sam Brown de Thornhenge, un petit éditeur américain qui a publié à compte d’auteur le jeu Lyssan, a récemment fait le tour de plusieurs usines produisant des jeux de société en Chine, et en a reporté une série de reportages illustrés montrant, autant qu’il a pu les voir, l’organisation de la production, la qualité des produits et les conditions de travail dans cinq usines chinoises. Il a publié ces reportage sur son blog, après avoir demandé l’accord des industriels concernés. Seul l’un d’entre eux a refusé, ce qui devrait logiquement encourager à travailler plutôt avec les quatre autres.
Ses reportages peuvent être lus ici.

L’impression qui ressort de la mise en parallèle de ces observations est qu’il n’y a pas tellement de différences. Les techniques employées, et même les conditions de travail, ne semblent pas si différentes. Alors, certes, les travailleurs chinois sont certainement moins bien payés, mais si leurs salaires continuent à augmenter au rythme actuel, ils nous auront rattrapé dans dix à quinze ans. Ils ont certainement des horaires plus durs que que ceux des travailleurs allemands – qui à en croire la video de The Spiel sont surtout des ouvrières turques – mais je crois volontiers Sam Brown quand il rapporte que le rythme de travail ne lui semblait pas excessif et que les travailleurs n’avaient pas l’air épuisés.

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On peut souhaiter, pour diverses raisons, travailler avec des fabricants européens, en l’occurrence surtout allemands ou polonais. Ils sont plus proches ce qui diminue coûts et délais de transport, et contact et contrôle sont plus faciles. On peut aussi y trouver des raisons de morale politico-économico-écologique, qu’il s’agisse de relocalisation de l’emploi ou de diminution des transports inutiles et énergivores, car le discours sur la “démondialisation” cher à notre ministre du redressement productif, s’il n’est pas toujours réaliste, n’est pas non plus toujours stupide. Mais les discours culpabilisants sur le thème “vous bossez avec les vilains chinois qui font travailler les petits nenfants” sont, pour l’essentiel, obsolètes – d’autant plus que si leurs salaires ont augmenté et s’ils ne font plus travailler les petits nenfants, c’est justement parce que l’on fait tourner leurs usines depuis un certain temps déjà.

Tout cela pour dire, suite à quelques mails que m’a valu mon post précédent, que je ne suis absolument pas moralement gêné de travailler avec des éditeurs qui produisent leurs jeux en Chine – ce qu’ils font d’ailleurs presque tous, du moins en partie.


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I’m a game designer, and I’v always stayed carefully away from publishing and, even more, producing games. The few I know about the latter is from occasional remarks by my publishers, but I never even set foot into a game manufacturing factory. That’s why, one or two years ago, I watched with intense curiosity the long video report shooted by Stephen Conway, for his blog “The Spiel”, in the Ludofact plant. Ludofact – I never know if it’s writtent with c or k – is the major German game manufacturer, working for most German publishing companies, and several others.
You can watch the video there.

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Sam Brown owns Thornhenge, a small american publisher whose first published game was Lyssan. Sam recently tourde several Chinese game manufacturing plants, and came back with some interesting comments and a series of reviews of what he saw in five factories. Only one of these refused that the review was published afterwards, which should logically encourage publishers to work with the four others.
The “factory tour” reviews can be read there.

After watching the video and reading the reviews, the striking impression is that it’s not that different. The technology, the labor organization, the working conditions even, sound similar. Of course, Chinese workers are certainly payed less than German ones, but if their wages keep growing like they did these last years, they’ll catch up with them in ten or fifteen years. They also certainly work longer hours than German ones, but I believe Sam Brown when he states that the pace of work didn’t seem exhausting and that the workers didn’t look exhausted.

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There are good and sound reasons to prefer to work with Eurpean manufacturers – meaning mostly German and Polish ones. They are nearer from us, which means cheaper and faster shipping, and easier contact and control. There can also be solid moral and political reasons, about “reverse outsourcing” of jobs and saving energy. But the finger pointing on “bad companies who work with Chinese and support child labor” is largely, if not entirely, obsolete. Furthermore, the main reason Chinese wages are rising and the working conditions steadily improving is that their factories are working for us for quite long already.

The main point of this blog post, of course, was to explain to the few people who emailed me after my last posting on Formula E that I have no moral problems with working with game publishers who print in China – and as a matter of fact, most do, if sometimes partially.

3 thoughts on “Comment et où sont fabriqués nos jeux ?
How and where boardgames are produced ?

  1. Sans oublier que traiter avec un industriel allemand, polonais, ou même français ne garantit en rien qu’il ne va pas ‘sourcer’ certains composants en asie.
    Il reste cependant une différence de prix notable entre europe et asie sur les aspects de la production qui sont gourmands en main d’oeuvre.
    La récente vidéo postée par Steve Jackson Games sur la chaîne de production de Ogre permet de constater qu’on est loin d’une chaine robotisée et automatisée :
    http://youtu.be/YiLQwZbb0tY

  2. Je pense également que c’est se tromper de sujet que réduire le débat à un duel Chine-Europe en matière de conditions de travail. Il faut simplement connaitre la réalité de celles-ci : sont-elles bonnes ou mauvaises ou moyennes ? Améliorables ou pas ? Allez voir sur place, c’est très bien, admirable même, n’ayons pas peur des mots. Pourtant, se contenter de trouver que le rythme n’est pas excessif et les ouvriers n’ont pas l’air épuisés me semble largement insuffisant. Et quand je dis insuffisant, c’est pour être gentil : cela dénote une méconnaissance totale de ce type d’expertise. Prenons les troubles les plus communs : les troubles musculo-squelettiques. Ils apparaissent au bout de plusieurs années et ont une origine multiple. Il n’y a ni besoin d’un rythme de travail important ni besoin d’être épuisé pour avoir en 10 ans les épaules, les coudes ou les poignets HS. Sam Brown passe complétement à côté des troubles les plus communs. On imagine aisément qu’il n’a pas raté que ça !

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