Extensions
Expansions

Il arrive parfois qu’un éditeur me demande de réfléchir à une extension pour un de mes jeux. Je devrais apprécier, car cela signifie soit que le jeu se vend vraiment bien, soit que l’éditeur est décidé à le relancer quelque peu. Pourtant, j’ai souvent tendance à renâcler, à prétexter que j’ai déjà de nouveaux jeux en chantier, car, en fait, je n’aime pas travailler à des extensions de mes jeux – et pense souvent que je m’amuserai plus à imaginer des extensions pour d’autres jeux que j’apprécie. J’ai d’ailleurs toujours signalé à mes éditeurs que je ne voyais aucun inconvénient à ce que d’autres auteurs conçoivent des extensions pour mes jeux, à condition d’avoir un droit de regard sur le résultat pour m’assurer qu’il est conforme à ce que je pense être l’esprit original de ma création. Conséquence de tout cela, bien peu des mes jeux ont connu des extensions. Il y eut La Rue, pour Baston, dont je n’ai même plus un exemplaire, Tempête sur l’échiquier n°2, l’extension de Citadelles, en partie issue d’un concours de création de personnages, et l’extension de La Vallée des Mammouths, entièrement conçue par Greg Stafford.

Heureusement, je ne joue pas qu’à mes jeux. J’y joue même finalement assez peu, surtout après qu’ils ont été publiés. Et parmi mes jeux préférés, il en est beaucoup qui ont connu quelques extensions, ou parfois quelques dizaines comme Cosmic Encounter, Les Colons de Catan ou Carcassonne. J’ai donc quelques idées sur les extensions, celles que j’apprécie, celles que je méprise, et celles, les plus nombreuses, qui me semblent juste superflues.

Il y a plusieurs manières de concevoir une extension.

Une extension peut avoir pour but de corriger quelques petits défauts du jeu original. On l’a beaucoup dit, par exemple, des nouvelles cartes stratégiques de la première extension du monstrueux mais excellent Twilight Imperium III, bien plus équilibrées que celles du jeu original. Reste que c’est une grosse extension qui apporte aussi de nombreuses cartes, quelques races nouvelles pour la variété du jeu, et des pions pour deux joueurs supplémentaires. On peut certes critiquer l’éditeur qui n’a pas livré dès l’origine le jeu optimal, mais on peut aussi se réjouir de voir arriver une amélioration au jeu de base.

Beaucoup d’extensions de jeux à succès cherchent à rendre le jeu praticable par des joueurs plus nombreux. Les Colons de Catan, Ys, Les Piliers de la Terre, Himalaya, A Game of Thrones me viennent à l’esprit, mais il y en a beaucoup d’autres. L’extension d’Age of Empires III se limite à … un sachet plastique avec les pions pour un sixième joueur, sans une ligne de règle.

Les inconditionnels d’un jeu seront bien sûr heureux de pouvoir y jouer plus nombreux, mais si le jeu original avait été publié pour un nombre de joueurs plus réduit, c’est le plus souvent parce qu’il était meilleur ainsi. Il serait dommage de ne pas pouvoir jouer aux Colons de Catan Catan à 5 ou 6 joueurs, mais le jeu n’en est pas moins bien meilleur à 3 ou 4. Quant à essayer Twilight Imperium à 8, je ne m’y risquerai pas !!! Bref, les extensions visant essentiellement à permettre d’ajouter un ou deux joueurs doivent être réservées aux inconditionnels d’un jeu.

Depuis deux ou trois ans, la mode est aux mini-extensions, parfois appelées bonus, souvent données avec le jeu de base aux joueurs qui passent une précommande ou achètent le jeu sur un salon. Quelques cartes, deux ou trois pions, une ou deux tuiles, ces extensions sont symboliques et n’affectent généralement guère le jeu. Je me suis livré à l’exercice pour un de mes jeux à paraître cet automne, Le Temple Perdu, dont les premiers acheteurs auront droit à une mini-mini extension composée d’une seule et unique carte. C’est pour les éditeurs une manière sympathique et amusante de récompenser les  passionnés qui suivent l’actualité ludique et prennent la peine de soutenir un jeu en l’achetant dès sa publication, voire avant. C’est un peu dommage pour les autres, surtout lorsque, comme les artisans supplémentaires de Norenberc, cette mini extension ajoute réellement au jeu.

Les mini-extensions sont aussi un moyen de rappeler à peu de frais l’existence d’un jeu. Michael Schacht s’est fait une spécialité de ces mini-extensions, et je ne compte plus les nouvelles tuiles de Zooloretto et autres cartes postales animalières qui ont été ainsi distribuées sur des salons ou envoyées à ses amis, certaines intéressantes, d’autres seulement amusantes.

Restent les deux catégories principales dans lesquelles peuvent se ranger la plupart des extensions. Celles qui visent surtout à apporter à un jeu plus de variété sont généralement bienvenues. Celles qui cherchent à lui apporter plus de complexité et de profondeur sont généralement dispensables.

Les Aventuriers du Rail et SmallWorld ont tous deux connu de nombreuses extensions, et même des éditions de « variantes » comme Les Aventuriers du Rail Europe ou Scandinavie, ou SmallWorld Underground, que l’on peut assimiler à des extensions. Les Aventuriers du Rail et SmallWorld sont de vrais succès commerciaux, et mes amis de Days of Wonder ont voulu profiter de ce succès. Presque toutes les extensions et variantes de ces jeux visent avant tout à apporter de la variété avec un nouveau plateau de jeu, de nouveaux objectifs, de  nouveaux peuples, que les joueurs ne connaissent pas. Cela permet de renouveler le jeu sans ajouter à sa complexité. Sans allonger les parties, sans nouvelles règles, l’extension apporte un peu de fraîcheur sur la table de jeu. L’excellente extension de Kingsburg,l es moins tarabiscotées des cartes d’Age of Steam, ou même l’extension orientale de Hansa Teutonica, bien qu’elle introduise quelques nouveaux éléments, sont de ce type. Elles rafraîchissent un jeu sans l’alourdir.

À l’inverse, les extensions de beaucoup de jeux de coopération, comme Le Seigneur des Anneaux ou Battlestar Galactica, conservent tous les éléments du jeu de base et s’y ajoutent pour le rendre plus profond, plus riche, plus stratégique. C’est aussi le cas des grosses extensions Zooloretto ou de Ghost Stories, des leaders de 7 Wonders, et de la très grande majorité des extensions de Carcassonne. Cas extrême, et particulièrement malheureux, l’extension Cités et Chevaliers qui transforme les Colons de Catan en un jeu très différent, plus long, plus complexe, mais pas vraiment plus intéressant ou amusant. De telles extensions compliquant inutilement un jeu qui n’e a nul besoin ne sont pas réservées aux gros jeux de stratégie – des jeux d’une délicieuse légèreté, comme Elixir ou les Loups Garous de Thiercelieux en ont aussi été victimes.

Certaines de ces extensions « verticales » apportent effectivement de la richesse et de la variété au jeu de base sans trop le complexifier, et l’exemple type est ici l’extension maritime des Colons de Catan, ou certaines des extensions du délirant Cosmic Encounter. Pourtant, la plupart du temps, elles déçoivent les joueurs et sont vite oubliées, alors même que le jeu de base continue à être joué. La raison en est simple – si le jeu a plu, s’il a eu du succès, c’est parce qu’il avait le niveau de profondeur et de complexité qui convenait aux joueurs. En renouvelant le jeu sans prétendre l’approfondir, on apporte aux joueurs un peu plus de ce qu’ils aiment. En rajoutant une couche de règles, de stratégie, de complexité, on explique aux joueurs que le jeu de base qu’ils aimaient tant était pour les imbéciles, et que l’on va maintenant leur montrer le vrai jeu compliqué pour les gens intelligents. Ils n’apprécient généralement pas, et ils ont bien raison.

Comme toute typologie, celle que j’ai livré ici est simplificatrice. Beaucoup d’extensions font un peu tout cela, comme celles de Cosmic Encounter qui ajoutent un ou deux joueurs, une vingtaine de pouvoirs et souvent un ou deux mécanismes. Quand il y en a pour tous les goûts, c’est aux joueurs de faire leur cuisine. Il reste que j’ai de nombreux jeux pour lesquels j’aimerai juste un plateau en plus, un peu différent, ou une autre répartition des cartes, histoire de renouveler le plaisir, et ne trouve que des règles en plus.


I am occasionally asked by publishers to design expansions for my games. This ought to be exciting, since it means either that the game sells really well, either that the publisher wants to promote it and give it a new chance. Despite this, I’m often reluctant, and explains that I have other new games in the works, when the real point is that I don’t like to work on expansions for my games. I would probably have more fun designing expansions for other designers’ games that I like. That’s why I also always tell that I have no problems with other authors designing expansions for my games, as long as I can check the result before it goes to the printer to make sure it is true to the general idea of my game. As a result, very few of my games have had expansions. The was the street expansion for Baston, of which I even don’t have a copy left, Knightmare Chess 2, the Citadels Dark City expansion, now included in the basic box, and the Valley of the Mammoths expansion, entirely designed by Greg Stafford of Runequest fame.

Luckily, I don’t play only my own games, I even rarely play them once they are published. And among my favorite other games, there are many with some expansions, sometimes a bunch of them like with Cosmic Encounter, Settles of Catan or Carcassonne. As a result, I have some ideas about expansions – I like some, I despise some, and most of them I find just superfluous.

There are a few different ways of designing a boardgame expansion.

Some publishers have used expansions to correct minor flaws from the original game. The usual example is the Shattered Empire expansion for Twilight Imperium III, with its new strategy cards, better balanced than the basic ones. But it is also a big expansion, with lots of new cards and races, and components for two additional players. Of course, the publisher has been criticized for not publishing the optimally balanced game at once, but one could also thank him for an improvement on the basic game which could have been dismissed.

Expansions of well selling games are sometimes just made to accodmodate a few more players. Settlers of Catan, Ys, Pillars of the Earth, Himalaya, A Game of Thrones are the ones which jump to mind at the moment, but there are many others. The Age of Empires III expansion is just a plastic bag with pawns in a sixth color, without a single line of rules.

Of course, the fans are always happy if they can play their game with a few more friends. On the other hand, if the game was originally published with components for less players, it is usually because it doesn’t play as well with more. It would be a shame not to be able to play Settlers of Catan with 5 or 6, but the game is nevertheless much better with 3 or 4. As for 8 players Twilight Imperium, well, I don’t think I will ever dare to try. This means expansions which only add one or two players are only for real fans of a game.

These two or three last years, there has been many mini-expansions, sometimes modestly called bonus-expansions, often given for free to those who preorder the game, or who buy it at the fair where it is first presented. Five or six cards, two or three tiles, one or two pawns, a few line of rules, these are symbolic add-ons which don’t really change the basic game. I designed one for one my games to be published next autumn, The Lost Temple. First buyers will have a minimal bonus expansion made of just one extra character card. This is a nice and fun way for publishers to encourage and thank the dedicated gamers who follow the gaming world news and support new games with buying them immediately when published, or even before. It’s a shame for other gamers, especially when, like the dozen extra workmen tiles for Norenberc, the expansion really adds some fun and variety to the game.

Small bonus expansions can also to remind gamers of an existing game. Michael Schacht regularly designs mini-expansions for his games, which are sent to his friends or given at fairs, and can be downloaded for free from his website. I’ve received a dozen of Zooloretto postcards and tiles, some interesting, some just small jokes.

Most expansions, however, belong to two other main categories. Some just want to bring some change to the game board or cards, and these are usually welcome. Some try to develop the basic game and make it richer and deeper, and these are usually dispensable.

Ticket to Ride and  Smallworld both have numerous expansions, or even variants and follow-up versions, like Smallworld Underground or Ticket to Ride Northern Countries, which can be treated like expansions. Both games have been real hit, and my friends at Days of Wonder deservedly wanted to make the best use of this success. The expansions and variants were designed to bring some variety to the game, new maps, new goal cards, new races that players did not know so far. This make the game feel fresh and new, without adding anything in depth, length or complexity. The great Kingsburg exmpansion, the simplest ones of the Age of Steam maps, the eastern expansion for Hansa Teutonica, even when they bring one or two minor additional rule, are of this kind. They don’t even try to improve the game, they simply renew it.

Expansions for cooperative games like Lord of the Rings or Battlestar Galactica have a different aime. They keep all the elements from the basic game and add more to make the game deeper, richer, more strategic, and usually also longer. That’s also the case with the big expansions for Zooloretto or Ghost Stories, 7 Wonders leaders, and most of the Carcassonne expansions. The extreme case is the City and Knights expansion for Settlers of Catan, which changes a simple family game into something completely different, heavier, more complex, but not really more interesting. Even delightfully light games, such as Elixir or Werewolves of Miller’s Hollow, are sometimes burdened by unnecessarily complex and convoluted expansions.

Sometimes, an expansion manages to develop the game without making it too complex, like the Seefarers expansion for Settlers of Catan, or most of the Cosmic Encounter ones. Most times, however, these hardcore expansions miss their point and are soon dismissed and forgotten, even when the basic game is still played. No wonder. If the basic game is popular, it means that gamers like it as it is, that it has the right level of depth and complexity. Adding one or two layers of rules and mechanisms might add to the strategic challenge, but it usually changes the game into something longer and more involved that they might not like as much as they liked the original. And some gamers might resent being explained that they were wrong in liking the basic childish game and that they will now be shown the real, deep and challenging hardcore version.

Like any typology, this one is overly simplistic and can be misleading. Many expansions are a bit of everything, like the Cosmic Encounter ones, which add one or two players, a dozen new aliens and usually one or two new optional mechanisms. In such a catalog, there’s something for every one and each gaming group can make his own optimal version of the game. Nevertheless, the fact is that there are many games for which I would like to have just a new slightly different map, or a different set of cards, when all I can find is an overly complex set of additional rules.

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