Le rasoir d’Ockham
Ockham’s Razor

Très régulièrement, je reçois des emails de personnes, jeunes et moins jeunes, désireux de se lancer dans la création de jeu et qui me demandent des conseils, m’interrogent sur « la bonne méthode ». Il m’est aussi difficile d’y répondre qu’aux élèves qui me demandent comment ils doivent réviser leurs examens – chacun est différent, chacun doit trouver les méthodes qui lui correspondent, et je ne pourrais sans doute pas plus travailler mes jeux comme Reiner Knizia, ou Martin Wallace, ou même Bruno Cathala avec qui je collabore très volontiers, qu’ils ne pourraient travailler à ma manière.

Un récent voyage en Suisse, pour une rencontre d’auteurs de jeux à laquelle participaient de très nombreux auteurs débutants m’a cependant inspiré une réflexion de portée relativement générale. Beaucoup des prototypes auxquels j’ai joué, ou que j’ai simplement observé, m’ont semble complexes, un peu tarabiscotés. Un exemple parmi d’autres, des personnages avec une demi-douzaine de caractéristiques là ou un deux, voire une seule, aurait sans doute suffi.

Je ne dis pas que le jeu idéal soit nécessairement le go ou le morpion, avec une règle en tout et pour tout, mais qu’il ne doit y avoir dans un jeu aucun élément, aucune règle qui ne soit absolument nécessaire au fonctionnement du jeu, c’est à dire à son intérêt tactique ou stratégique, à sa tension chronologique, à sa cohérence thématique. De même, tout objectif que se fixe l’auteur, en matière d’intérêt tactique, de déroulement du jeu et de richesse thématique doit être atteint avec le plus petit nombre possible d’éléments. Ce principe de parcimonie me semble l’un des rares qui s’applique à tous les types de jeux, le jeu de stratégie à l’allemande, bien sûr, mais aussi le gros jeu un peu baroque à l’américaine, dans lequel chaque élément s’insère à la fois dans le thème du jeu, dans sa progression et dans sa stratégie globale, et s’avère nécessaire à l’ensemble.

Lorsque, dans les années quatre-vingt, j’ai commencé à m’intéresser à la création ludique, mes premiers projets étaient inutilement complexes, et je passais plusieurs mois ensuite à les simplifier, à en enlever le superflu. Aujourd’hui, j’ai plutôt tendance à partir d’un système très simple et à ajouter ensuite uniquement les éléments nécessaires pour en faire un véritable jeu. Des méthodes différentes, donc, mais un objectif commun, utiliser tout ce qui est nécessaire, mais rien que ce qui est nécessaire.


I regularly receive emails from people, young or old, who want to start deigning games and ask me for some hints or, even, for the right way, the right methodology. I can’t answer them any more than I can answer students asking me how they have to prepare their exams. Everyone is different, and everyone must find his way, the methodology that fits him and probably won’t work for someone else. I could never design games the way Reiner Knizia, Martin Wallace or, even when we can very well work together, Bruno Cathala, nor could they work like me.

I recently attended a very nice small game design convention in Switzerland. There were many young would be game designers there, often presenting their first projects. One thing was striking with most of the prototypes I played, or just looked at. Even with simple strategy games, they always looked and felt a bit too complex, even convoluted. Two or three games, for example, had character cards with four or five characteristics where two, or even one, would probably be enough.

This doesn’t mean the best game is necessarily a single-rule game such as Go or Five in a row. It means that every rule, every element in a game must have its use. Every part of the game must add something in terms of tactical or strategic challenge, of story arc and of thematic consistency. Similarly, every design requisite in terms of strategic challenge, story arc or thematic consistency must be achieved with the least possible elements.

This principle of parcimony is probably the one and only golden rule of game design. It is obviously valid with German style boardgame design, but it is also true of the best big and baroque “ameritrash” games, in which each one of the many elements is necessary for the whole to work as a global system, and adds something to the theme, to the game flow and to the challenge.

When I started designing games, in the early eighties, my first prototypes were complex and convoluted, and I had to work for months simplifying them, removing all the superfluous elements. Now, I usually start with a very simple and basic system and adds elements one by one, until I have a true game. Different methods, but a common goal, make use of everything necessary, but , and it’s more difficult, of nothing more.